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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

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PARAGRAPHE 2.- LE ROLE EVOLUTIF DU JUGE ADMINISTRATIF DANS LA GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX

En France, les lois des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III faisaient interdiction aux tribunaux judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs », et de « connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient »246(*). Le citoyen lésé dans ses droits par un acte administratif ne pouvait dans une telle hypothèse que se résigner ou entrer en pourparlers avec l'administration. Celle-ci, juge et partie, est le plus souvent gagnante dans le conflit l'opposant à l'administré. L'administration ne pouvait être que crainte.

Ce sentiment de crainte à l'égard de l'administration a longtemps prévalu en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Mais à l'instar de la France, cette situation a eu à évoluer au Cameroun. C'est ainsi que les actes émanant de l'administration, lorsqu'ils causent un grief à l'administré, sont susceptibles de recours devant le juge administratif. Ce dernier opère par le biais de ce recours un contrôle de la validité des actes administratifs (A) qui peut s'avérer favorable à la protection des droits fondamentaux des citoyens. Mais, l'action du juge administratif est, elle aussi, sujette à des limitations (B) susceptibles d'amoindrir la portée de son action en faveur des droits fondamentaux.

A.- Le contrôle de la validité des actes administratifs : un contrôle de l'administration favorable à la protection des droits fondamentaux

Le contrôle de la validité relève au Cameroun de la compétence d'une juridiction et a une certaine étendue qui rend compte du rôle évolutif que conquiert le juge administratif dans le domaine de la protection des droits fondamentaux.

La loi constitutionnelle de 1996 dispose en son article 40 : « la chambre administrative (de la Cour Suprême) connaît de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques ». Il ressort de cette disposition constitutionnelle que c'est la Chambre administrative de la Cour Suprême (CS/CA) qui est juge administratif dans l'ordre juridictionnel camerounais. La loi fondamentale affirme en outre qu' « elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif »247(*). Elle contrôle donc la validité des actes administratifs par la procédure du recours pour excès de pouvoir248(*). Ce recours est défini par le Pr DUPUIS comme « un recours contentieux par lequel toute personne intéressée peut demander au juge administratif d'annuler, en raison de son irrégularité, une décision d'une autorité administrative »249(*). L'acte administratif doit ainsi, pour être attaqué devant le juge, émaner d'une autorité administrative, être irrégulier, c'est-à-dire être en contradiction avec une norme supérieure, mais surtout faire grief, autrement dit, causer un tort à l'administré.

C'est à ce niveau que se manifeste, pour le Pr DEGNI-SEGUI l'intérêt du recours pour excès de pouvoir pour la protection des droits fondamentaux. En effet, cet intérêt « réside dans la saisine par les particuliers d'une instance spécialisée », écrit-il250(*). Mais, si le recours pour excès de pouvoir est d'un intérêt primordial pour la protection des droits par le juge administratif, c'est sans nul doute parce qu'elle constitue, de l'avis du Pr Gaston JEZE, « la plus merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus économique, la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés »251(*). En effet, cette procédure, en France comme au Cameroun, peut être ouverte contre un acte administratif même en l'absence d'un texte. Le juge administratif camerounais, par référence à l'arrêt Dame LAMOTTE du Conseil d'Etat français, décide que « même dans l'hypothèse où une loi dispose qu'un acte donné ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire, cette disposition ne saurait être interprétée comme excluant le recours pour excès de pouvoir qui est ouvert même sans texte, contre tout acte administratif faisant grief, et qui a pour effet d'assurer, conformément aux principes généraux, le respect de la légalité ».

Le recours pour excès de pouvoir vise à faire annuler l'acte administratif irrégulier, qui doit disparaître de l'ordonnancement juridique avec tous les effets qu'il a produits. Au Cameroun, le juge administratif est « le censeur de l'action de la puissance publique en matière de droits fondamentaux »252(*). Il intervient surtout en cas de violation des droits civils et politiques, qu'ils soient collectifs ou individuels.

Dans un arrêt n° 98/CFJ-CAY du 27 janvier 1970, OBAM ETEME Joseph, le juge administratif se prononce sur une restriction de la liberté d'aller et venir du requérant. En l'espèce, un arrêté préfectoral interdit au sieur OBAM ETEME « de paraître et séjourner dans toute l'étendue du département du Ntem ». Tirant conséquence du caractère manifestement illégal de l'arrêté, le juge l'annule.

Le juge administratif a aussi eu à se prononcer relativement au droit de la personne au respect de son intégrité physique et morale. Dans son jugement n° 12/CS-CA du 28 janvier 1982, Dame BINAM née NGO NJOM Fidèle, le juge a estimé que la publicité tapageuse donnée à une décision du Ministre de la santé prononçant la suspension de fonction de la requérante pour ``corruption active'' nuisait à la réputation de celle-ci, alors même qu'aucune décision du juge répressif n'avait établi cette infraction à son encontre.

Le juge se montre même plus ferme à l'endroit des autorités administratives sur le terrain de la liberté de conscience et de religion. Dans une ordonnance n° 02/PCA-CS du 26 octobre 1994, Eglise Presbytérienne du Cameroun (EPC), il annule l'arrêté du gouverneur de la province du Centre portant interdiction des réunions de l'Assemblée générale, du Conseil général et de la Commission juridique de l'EPC dans la dite province, au motif que le gouverneur n'est investi d'aucune compétence pour prendre une telle mesure.

Cependant, la décision d'interdiction administrative ne vise pas expressément la liberté de conscience et de religion, les autorités préférant les situer sur le terrain plus favorable des libertés d'association, de réunion ou de manifestation253(*).

Il est donc possible de constater que l'intervention du juge de l'administration est en constante évolution dans la dynamique de protection des droits fondamentaux des citoyens camerounais. Le juge administratif s'affirme, dès lors, aux côtés du juge judiciaire comme un ``défenseur des droits''. Mais, cette intervention du juge, pour déterminante qu'elle soit, rencontre des limites susceptibles de réduire considérablement son efficience.

* 246 TC, 8 févr. 1873, BLANCO, GAJA, 13e éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 2.

* 247 De plus, l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême du Cameroun modifiée et complétée par les lois n° 75/16 du 8 déc. 1975 et 76/28 du 14 déc. 1976 énumère les matières dont le contentieux relève en son article 9. C'est cette disposition qui en son alinéa 2 confie le ``recours en annulation pour excès de pouvoir'' à la chambre administrative de la Cour Suprême.

* 248 Le contrôle de la légalité des actes administratifs comprend deux types de contentieux dépendant de la nature de la question posée au juge :

· lorsque le juge est saisi d'une demande de sanctions pécuniaires contre une personne morale de droit public ou d'une demande visant à la reconnaissance d'un droit subjectif, c'est le recours de plein contentieux. L'administré demande la réparation d'un préjudice qui est supposé être causé par la personne publique ;

· par contre, lorsque le juge est saisi d'une question portant sur la violation ou la reconnaissance d'un droit objectif par l'administration, c'est-à-dire la norme juridique, c'est le recours pour excès de pouvoir. Ici, le juge confronte l'acte administratif incriminé à la règle de droit positif.

* 249 G. DUPUIS, M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN, Droit administratif, 8e éd., Paris, Armand Colin, 2002, p. 572.

* 250 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 140.

* 251 G. JEZE, cité par A.- M. FLAMME, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 613.

* 252 R. G. NLEP, ibid., p. 145.

* 253 Ibid., p. 145.

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