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Les Enjeux de l'autonomie des Collectivites Territoriales au regard de la Constitution de 29 Mars 1987

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par Evel FANFAN
Faculte de Droit et des Sciences Economiques des Gonaives, HAITI - Licence 2004
  

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INTRODUCTION GENERALE

Depuis le début des années soixante (60), la question de la Décentralisation et des Collectivités Territoriales a fait l'objet d'une très grande préoccupation dans les milieux politiques á l'échelle internationale. Cette préoccupation est due selon des études á la convergence de plusieurs facteurs, mais surtout à la nouvelle exigence de la loi, au militantisme grandissant des citoyens qui cherchent de plus en plus leur intégration dans la gestion de leur communauté.

Tous les régimes qui se sont succédé en Amérique Latine ont connu une grande concentration du pouvoir. Aujourd'hui, on assiste à un processus de décentralisation qui se réalise de manière différente d'un pays à un autre. C'est le cas pour la Colombie où, à partir des années 1960, certaines compétences ont été transférées aux pouvoirs locaux. En 1986, une loi a été votée pour accorder plus de pouvoir aux autorités locales, au point qu'en 1991, 24% des dépenses publiques ont été effectuées à ce niveau. En Argentine, au cours des dernières années, on a observé que la crise financière a favorisé le transfert des moyens et des services aux gouvernements locaux  au point que le gouvernement central arrive même á contraindre les autorités locales á se procurer des ressources propres. En Bolivie, en 1983, 18 projets de loi relatifs á la décentralisation ont été présentés pour approbation et le gouvernement de Silles ZUAZO a initié le gouvernement local á travers la création des gouvernements départementaux. Il en est de même pour l'Equateur et bien d'autres pays de l'Amérique latine.

En Haïti, depuis le mois de Mars 1980, le milieu politique a été le théâtre d'une intensification de la lutte pour la mise en place d'un ordre nouveau. Grégoire EUGENE dans un article de son journal « Fraternité » réclamait la fin de la présidence à vie et l'organisation d'élections á tous les niveaux avec la participation de tous les secteurs de la vie nationale. Aussi 7 Février 1986 marque t-il la fin de la dictature des Duvalier et le début d'une transition démocratique où le peuple Haïtien s'est de nouveau engagé dans un combat difficile mais raisonnable pour la mise en place d'un nouvel ordre politique basé sur la démocratie, la légitimité politique, l'intégration citoyenne et la justice sociale.

Enfin, cette ambition de voir l'Etat Haïtien, trop longtemps centralisé autour de la République de Port au prince avec un petit groupe de privilégiés traditionnellement réactionnaires, va être concrétisée avec la promulgation de la Constitution du 29 Mars 1987 qui, théoriquement a initié une politique décentralisatrice basée sur le transfert des compétences de l'Etat central vers les Collectivités Territoriales.

Aujourd'hui, dix huit (18) ans après la promulgation et la mise en vigueur de la présente Constitution jugée par plus d'un trop généreuse théoriquement quant á la question des Collectivités Territoriales, où en sommes nous, en matière de développement local, en terme de pouvoir local ? Quelles sont en réalité les marges de manoeuvre octroyées aux autorités de proximité Haïtiennes ? Quel est le degré de la participation citoyenne ? Quel est le résultat en terme de justice sociale ? Voici en somme, les raisons pour lesquelles ce travail de recherche est appelé à apporter des éléments de réponse capables de démontrer d'une part, pourquoi après dix huit ans d'existence, les recommandations de la dite Constitution restent au stade de voeux pieux quand le paysage n'a pas changé et les attentes ne sont pas comblées. D'autre part, comment à partir de la connaissance et de la maîtrise des enjeux de l'autonomie des pouvoirs locaux, Haïti peut enfin partir vers un horizon politique nouveau.

Pour mieux appréhender la notion de l'autonomie des Collectivités Territoriales, le concept de l'Etat moderne est mis à l'étude comme base de tout pouvoir de proximité. Cela revient à dire qu'il n'y a pas de pouvoir local en dehors d'un Etat moderne. Lequel l'Etat qu'il faut d'abord situer par rapport á Etat traditionnel qui exerçait le pouvoir non comme son dépositaire mais comme son titulaire. C'est la section I du chapitre I qui traite de ce sujet.

Selon des principes généraux, les contours des collectivités territoriales ont été dégagés au chapitre I dans la section II. IIs ont été étudiés non seulement du point de vue théorique, mais aussi sur l'angle organisationnel d'un Etat solide dans toutes ces composantes. IIs ont été considérés comme une condition sine qua non à toute amélioration de la planification et de la mise en oeuvre d'un développement durable avec la participation du citoyen de proximité motivé.

Chaque société, en fonction de son évolution, sa culture et sa façon d'exécuter ses décisions, secrète ses formes d'organisation interne. C'est dans cette perspective que le deuxième chapitre traitera d'une part, de l'organisation du gouvernement local Haïtien, son histoire et son évolution durant les années 1816 à 1980, d'autre part, de l'autonomie locale à travers des dispositions provenant de plusieurs lois. Dans cette partie, au regard de la Constitution de 1987, la structure de l'administration des collectivités territoriales haïtiennes a été étudiée dans ses formes théoriques modernisatrices avec la création d'un parlement local chargé de la délibération et du contrôle du conseil. Ce même chapitre offre une étude consacrée à l'histoire et au fonctionnement du gouvernement local en Haïti. Il analyse l'évolution de la place dévolue à la participation citoyenne par la notabilisation de proximité. Il se termine par la modernisation du concept de collectivité Territoriale comme base de tout changement raisonnable. L'articulation étant un élément très important à la matière de cohabitation de deux pouvoirs qui se complètent pour le bien-être de la population.

Le chapitre III expose dans la première Section le bilan des constatations du point de vue juridique, social et économique. Il démontre comment une structure inappropriée, une carence de textes de loi de programmation et l'adoption de textes idéalistes ont favorisé un éternel tâtonnement à travers une transition qui n'en finit pas. Dans la Section II, nous avons exposé les conséquences de cette situation problématique sur le plan sociale, économique et politique.

Enfin, le chapitre IV formule une conclusion sur une forme de perspective. Dans une étude comparée, nous avons dégagé les avantages et les inconvénients à travers deux modèles à structures différentes, le Mexique qui est un Etat fédéral et la France qui est un Etat unitaire. La France, ancienne métropole d'Haïti a été examinée avec une certaine particularité, considérant son influence culturelle qui persiste en Haïti.

Dans la conclusion générale, nous avons proposé et recommandé ce qui reste à faire. Nous avons démontré que dans l'état actuel des choses, il faut une prise de conscience nationale et rationnelle sans démagogie politique pour sauver Haïti, la première République Nègre libre et indépendante du monde de ce statu quo politico économique. Il y a péril en la demeure donc, il faut commencer par la reconstruction de l'Etat haïtien. Il convient de détruire notre culture politique en mettant fin à la mentalité de division, à l'improvisation et en accordant à l'économie la primauté sur la politique. Aujourd'hui promouvoir l'autonomie locale en Haïti devient de plus en plus un impératif, et pour y arriver, il faut nécessairement doter les collectivités territoriales de structures juridique, politique et surtout économique adéquates capables de sortir notre chère Haïti de cette situation misérable.

CHAPITRE I

ETAT MODERNE ET COLLECTIVITES TERRITORIALES

Dans ce premier chapitre, nous parlerons d'une part, du statut juridique de l'Etat, de l'évolution de ses fonctions dans le temps moderne et d'autre part, des conditions d'existence des collectivités territoriales, de leur évolution et des éléments qui les caractérisent dans le temps et dans l'espace  et de leur histoire en Haïti.

A la fin de ce chapitre, le lecteur sera capable de :

· Identifier et définir les différents concepts utilisés dans ce travail,

· Identifier les différents éléments juridiques indispensables à l'existence de l'Etat moderne et des collectivités territoriales.

SECTION I.- L'ETAT MODERNE

L'étude de l'Etat moderne est ici envisagée comme un élément important, voire indispensable à l'objectif poursuivi dans ce travail. Pour parler de l'Etat moderne dans ce contexte qui nous préoccupe, il est important de le situer par rapport à l'Etat traditionnel qui exerçait le pouvoir non comme son dépositaire, mais comme son titulaire.

A.- SON FONDEMENT THEORIQUE

1. ROUSSEAU J. JACQUES, Contrat social, ed seuil, Paris 1977, page 191

Partant du principe que tous les hommes naissent libres et égaux en droit, Hobbes, dans son LEVIATHAN (1651) et ROUSSEAU, dans son CONTRAT SOCIAL (1762) ont inventé la fiction d'un état de nature pour expliquer l'apparition de la société civile. Dans cet état de nature (1) qui précède l'état social, chaque homme, disent-ils, possède un droit identique sur chaque chose et peut l'exercer en même temps. Dans cet ordre d'idées, l'exercice simultané de ce droit d'action entraîne de fait un état de conflit dans lequel le maintien d'une vie paisible devenait pratiquement impossible. Se faisait alors sentir la nécessité de conclure un pacte social dans lequel chaque individu du corps social abandonne son droit d'agir au profit de la formation d'une volonté générale. Le but de ce contrat est de mettre fin à l'état de nature qui est le moteur de l'état

de guerre de tous contre tous et d'assurer la paix civile par l'intervention du droit régissant les rapports sociaux. La réalisation de cet ordre social a donné comme résultat, la naissance de la société civile qui est le fondement de l'Etat. Alors, le concept de l'Etat moderne, inventé par Nicolas MACHIAVEL dans les premières pages du PRINCE,1 est le résultat d'un long processus évolutif d'institutionnalisation du pouvoir qui est apparu au XVI ème siècle.

Dans l'Etat traditionnel, le pouvoir politique était fortement influencé par des objectifs d'ordre éthique ou religieux, c'est-à-dire que l'accession au pouvoir dépendait de la volonté divine (Monarchie de droit divin), et son exercice était confondu à sa propriété. Par conséquent, l'Etat, dans l'ancien régime, s'était identifié à la personne physique du chef politique, et celui-ci exerçait le pouvoir non comme dépositaire, mais comme son titulaire. Dans ce cas, la fin du personnel politique impliquait la fin de l'Etat.

En revanche, les travaux du penseur Florentin Nicolas MACHIAVEL (1496-1527), dans son fameux ouvrage intitulé LE PRINCE généralement reconnu comme le point de départ de la pensée politique moderne, ont inauguré une véritable révolution de la pensée politique à partir du XVI ème siècle. Cette innovation théorique de MACHIAVEL comprend deux volets :

* premièrement, il laïcise le pouvoir étatique par une redéfinition scientifique du terme, en posant le principe de la stratégie pour accéder au pouvoir ou pour le conserver en lieu et place de la volonté divine ;

* deuxièmement, il initie le concept de souveraineté qui, en matière politique, reste et demeure nouveau.

1. MACHIAVELE Nivolas, le Prince, livre de poche, librairie générale Française, classique, no 879, pages 191

Malgré l'envergure des travaux de MACHIAVEL, l'Etat restait fortement personnalisé, car la souveraineté était encore liée à l'autorité du Prince. L'idée de souveraineté nationale n'était pas encore évoquée par le penseur Florentin (habitant de Florence, ville d'Italie). Il n'existait donc ni continuité ni légitimité de l'Etat à la cessation des fonctions du chef politique. Il demeure incontestable que la laïcisation de l'Etat par MACHIAVEL est définitivement un acquis de l'Etat moderne

Avec les théoriciens de la souveraineté nationale dont Charles Louis Secondât au XVIII ème siècle (Montesquieu), l'Etat, dans sa conception moderne, s'est différencié de l'Etat traditionnel. Le pouvoir politique de l'Etat moderne s'avise de dépersonnaliser l'institution étatique en conférant aux gouvernants des compétences, non en vertu de leur personnalité, mais en raison de leurs fonctions. Dans ce cas, le chef politique n'est plus le titulaire ou le propriétaire du pouvoir, mais il est dépositaire d'un pouvoir dont la nation seule est titulaire. Aussi, a-t-on les résultats politiques suivants :

1.- la société n'est plus gouvernée par le bon plaisir du Prince, mais suivant la loi qui exprime la volonté générale et à laquelle les citoyens participent, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs représentants ;

2.- l'Etat moderne devient une personne morale, distincte de la personne physique des gouvernants politiques, c'est ce que HOBBES appelle le LEVIATHAN (1), c'est-à-dire, le monstre qui capitalise tous les pouvoirs de commandement. Cette modernisation de l'Etat devient le levier de commande du monde actuel. Cette rupture avec les vieilles pratiques de l'Etat traditionnel projette une vision nouvelle de l'Etat en tant que gouvernant vis-à-vis du citoyen en tant que gouverné ; elle procède du souci de détacher les rapports d'autorité à obéissance des relations personnelles de chef à sujet. Georges BURDEAU affirme : « L'homme a inventé l'Etat pour ne pas obéir à l'homme » (2)

1.- Thomas HOBBES, LE LEVIATHAN, Paris, sirey, 1971, fin du chapitre

2.- Georges BURDEAU, L'Etat, in encyclopédie universalis, 1984, vol II, P 316

Enfin, l'Etat moderne est, par définition, une dénégation de l'individualisation du pouvoir politique qui existait dans les monarchies. C'est une personne artificielle que la raison humaine a créée pour être le propriétaire du pouvoir politique. Au regard du droit international, l'Etat est devenu une institution sociale, une personne morale dotée d'une capacité juridique. Les représentants politiques de l'Etat deviennent de véritables agents de développement et non des titulaires du pouvoir que la personne artificielle dénommée « l'Etat » exerce au nom de la nation. Contrairement à l'Etat traditionnel, l'Etat moderne, est pourvu d'organes. La Constitution lui permet de conduire l'action juridico-politique sur le plan national et international.

B.- LES CONDITIONS DE SON EXISTENCE

Selon les normes internationales, trois éléments sont indispensables à l'existence de l'Etat : un territoire, une population et une organisation juridico-politique. En effet, la théorie de l'Etat moderne admet ce qui suit : « L'Etat est une réunion permanente et indépendante d'individus dans les limites d'un certain territoire, sous une autorité suprême apte à entretenir, en leur nom et sur la base du droit des relations avec des groupements similaires » (1)

1.- Territoire

On entend ainsi une étendue de terre délimitée, un espace maritime et aérien, sur lesquels l'Etat exerce la souveraineté interne, c'est-à-dire la capacité de se gouverner comme il l'entend. Le territoire est donc un instrument de cohésion nationale dans la mesure où la population se partage une aire commune soumise à l'exercice de la puissance étatique.

2.- Population

Elle regroupe tous les individus ayant la nationalité de cet Etat, habitant ce territoire, qui sont gouvernés par la puissance publique. Il est important de souligner que cette population doit être unie par certains éléments socioculturels tels que : race, religion, langue, traditions, usages et surtout la volonté de vivre ensemble de manière à former un Etat-Nation. Il est aussi important de souligner qu'une nation peut constituer un Etat tant qu'elle conserve son indépendance et qu'elle reste une nation alors même qu'elle aurait perdu son indépendance. Une nation est unie par un lien moral parce qu'elle est d'origine naturelle ; tandis qu'un Etat est uni surtout par un lien politique d'origine contractuelle.

1.- Alfred MEM, Société civile et l'Etat, ed. Tours, Paris 1986, P289

3.- Organisation juridico-politique

Elle n'est autre chose que le mode de distribution du pouvoir issu de la nation et exercé par un appareil dénommé l'Etat. Cette organisation a pour rôle d'exercer les compétences exclusives sans lesquelles on ne saurait parler ni d'indépendance ou de souveraineté de l'Etat. Elle implique nécessairement des rapports de gouvernants et de gouvernés, de commandement et d'obéissance dans la société. Dans ce cas, le droit, dont l'expression officielle est la loi, intervient comme un outil de régulation des relations socio-économiques entre l'Etat et ses administrés. De son coté, la constitution de l'Etat offre un moyen de formalisation des règles de compétence et d'intervention du gouvernement dans le jeu politico administratif.

C.- SES DIFFERENTES FONCTIONS

L'Etat, en tant que protecteur du bien commun, est appelé à remplir des fonctions diverses. Celles-ci sont soit gouvernementales, lorsque l'Etat exerce sa souveraineté pour légiférer et exécuter, soit administratives, quand il assure la gestion de l'administration publique au profit du bien-être collectif. C'est ce dont il sera question dans cette rubrique.

1.- Fonctions de souveraineté

Par souveraineté, on entend la capacité de l'Etat moderne à déterminer librement des lois à tous les niveaux de la hiérarchie des normes, applicables sur l'ensemble de son territoire et sur la totalité de sa population, en vue de la réalisation d'objectifs communs. Il en résulte que cette association d'individus est libre de constituer son gouvernement, sa législation, et d'organiser ses services publics selon ses vues propres pour le bien-être de tous. Cette souveraineté est donc conçue tant sur le plan interne qu'externe.

a) Souveraineté interne

L'exercice interne de la souveraineté par l'Etat est d'assurer la cohésion de la collectivité dont il n'est que l'armature juridico-politique. Pour y parvenir, il dispose de prérogatives très importantes qui lui sont attribuées par la charte fondamentale et aux- quelles correspondent des tâches spécifiques. En tant que titulaire du pouvoir politique, l'Etat, en d'autres termes, le souverain, doit être capable de prendre des décisions et de veiller à leur application même par contrainte. C'est une puissance de commandement qui a recours à la force du droit et au droit de la force pour imposer ses décisions à l'ensemble des citoyens. Alors, l'Etat doit concilier les intérêts particuliers à sa propre vocation universelle

b) Souveraineté externe

Sur le plan externe, l'exercice de la souveraineté vise la conduite de la politique étrangère de la collectivité que l'Etat dirige dans ses rapports avec d'autres Etats. L'ingérence d'un Etat dans les affaires internes d'un autre était considérée comme une faute grave, une injure même à la question de souveraineté si chère à cette époque, si l'on s'en tient à la doctrine de VATTEL : « De tous les droits qui peuvent appartenir à un Etat, la souveraineté est sans doute le plus précieux et celui que les autres doivent respecter le plus scrupuleusement, s'ils ne veulent pas lui faire injure» (1) Cependant, depuis 1914, la question de souveraineté a pris une nouvelle orientation qui définit la souveraineté comme le pouvoir de se gouverner librement mais dans les limites fixées par le droit international. C'est dans ce souci d'atténuation de la souveraineté absolue que le droit international a été admis comme supérieur au droit interne dès lors que l'Etat a accepté de limiter ses pouvoirs au niveau interne au profit de l'intérêt général. Il est nécessaire de souligner que la souveraineté absolue allait au détriment des Etats politiquement faibles, et que le principe de l'égalité des Etats était en quelque sorte infirmé. En conséquence, l'on pourrait s'attendre à une disparition des Etats militairement faibles, précisément dans le cas des invasions étrangères.

1.- Magaret DESSOURCES, revue Juridique de l'Uniq, ed. H.DESH.1994, vol I, #2 P111

En revanche, la suprématie du droit international à l'heure actuelle a rendu très problématique la notion de souveraineté de l'Etat à cause de l'évolution de notre monde contemporain qui, avec des visées globalisantes, tend vers une interdépendance des Etats. La théorie que chaque Etat est maître de chez lui est partiellement infirmée par le fait que, dans des domaines d'importance, les choix de politiques sont parfois dépendants de décisions ou de visions externes. Par exemple, la prise de décision par un Etat membre de l'Union Européenne nécessite parfois l'adhésion de l'union toute entière. Il importe de se demander quelle est la marge d'autonomie dont disposent les institutions politiques dans un contexte où toutes les nations sont interdépendantes à des degrés divers, où elles sont liées par des accords internationaux. La souveraineté de l'Etat est donc une notion en pleine mutation, voire en pleine crise.

2.- Fonctions Socio-économiques

L'Etat moderne remplit cinq fonctions socio-économiques importantes qui sont : la production, la réglementation, la protection, la compensation et enfin, la fonction de stabilisation et de la stimulation de la croissance économique.

a) Fonction de production

Par elle, l'Etat intervient pour, non seulement produire et créer des richesses matérielles mais aussi assurer les conditions nécessaires à leur création, par exemple, fournir les infrastructures adéquates, créer une administration efficace.

b) Fonction de réglementation

Pour le bien-être de la nation, l'Etat veille au respect des règles du jeu du mécanisme du marché. Ce faisant, l'Etat peut intervenir pour  contrôler, surveiller, encadrer, limiter, voire prohiber certaines activités du secteur privé. Les fonctions d'encadrement de l'Etat rendent compte du développement social au cours duquel il veille à ce que les inégalités sociales ne soient pas trop grandes. Dans cette optique, l'Etat tente de limiter les abus sociaux. Par exemple, le problème des grandes disparités salariales, des disparités entre les régions et celui de la sécurité de l'emploi sont autant de responsabilités qui incombent à l'Etat.

c) Fonction de Protection

Historiquement la première fonction de l'Etat est d'assurer la protection de sa population et de la propriété. A cette fin, il produit des services dits publics comme la défense nationale et la sécurité intérieure. Dans cette fonction protectrice, l'Etat envisage la prise de mesures qui permettent de soustraire ses citoyens à l'influence de certains maux sociaux dont les plus répandus sont : la criminalité, la délinquance juvénile, le trafic de stupéfiants. C'est ce qui explique la mise en place par l'Etat des systèmes de sécurité sociale destinés à couvrir certains risques sociaux tels que le chômage, l'invalidité, la vieillesse, la maladie, le décès, pour ne citer que cela. En général, l'Etat prévoit :

· La création d'emploi en facilitant les investissements du secteur privé.

· La création d'une Caisse d'Assistance Sociale (CAS) pour les travailleurs couvrant la vieillesse, le décès, la maladie, la maternité et les accidents de travail.

· La création d'un Office de Protection du Citoyen (OPC) chargé de protéger ce dernier contre les abus de l'administration publique dont il serait victime.

· La mise en place de programme d'intervention en cas d'urgence.

Tous ces systèmes de sécurité sociale expliquent la volonté

de l'Etat moderne de concrétiser valablement son rôle de

Protecteur de ses citoyens.

d) Fonction de Compensation

L'Etat, assurant le rôle de Père de la cité, doit faire preuve d'une certaine équité par la justice distributive. Il remplit une fonction de compensation, en assurant la redistribution du revenu au moyen de la taxation sur le revenu des particuliers et les profits des corporations. D'autre part, l'Etat moderne redistribue le revenu par l'aide et la sécurité sociale. Au Canada par exemple, l'Etat, pour assurer la garantie d'un revenu minimum à tous ses citoyens, redistribue le revenu sur le plan géographique, des provinces les plus riches aux provinces moins fortunées par le biais de la péréquation.

e) Fonctions de stabilisation et de stimulation de la croissance économique 

Enfin, l'Etat est responsable de la fonction de stabilisation et de stimulation de la croissance économique. Pour ce faire, il pratique la politique de plein-emploi, la stabilité des prix et une croissance économique rapide. Cet objectif qui a pour but d'accroître la quantité, la qualité et la mobilité des facteurs de production ; il se traduit par les politiques d'éducation, de recherche scientifique et de formation, déplacement et de mobilité de la main-d'oeuvre.

SECTION II.- CARRACTERISTIQUES GENERALES DES

COLLECTIVITES TERRITORIALES.

Le concept de Collectivité Territoriale est une expression générique désignant des entités de droit public, correspondant à des groupements humains géographiquement localisés sur une portion déterminée du territoire national, auxquelles l'Etat a conféré la personnalité juridique et l'autonomie, c'est-à-dire, le pouvoir de s'administrer par des autorités locales élues. L'autonomie effective des Collectivités Territoriales ne se limite pas à la seule liberté administrative, mais elle est aussi liée à la liberté financière.

Depuis des décennies, la question de l'organisation territoriale ne cesse de multiplier débats, forums et réflexions. Qu'ils soient chercheurs, écrivains, scientifiques, agents de développement, politiciens, voire profanes, tous y prêtent une attention particulière.

Ainsi, les questions posées sont multiples. Qu'est-ce qu'il faut entendre par « Collectivités Territoriales ? A quelles règles constitutionnelles elles obéissent ? Quels sont les éléments constitutifs qui leur donnent l'existence ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Leur histoire au cours du temps ? Toutes ces interrogations seront débattues à travers cette deuxième section du premier chapitre.

A- EVOLUTION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

A TRAVERS LE TEMPS

L'homme, guidé par son instinct grégaire, évolue dans un cadre géographique bien

déterminé, qu'il soit l'homme de la ville ou celui de la campagne. C'est ainsi que des faubourgs se sont ajoutés à la ville pour former des quartiers , et que des villages ont été gagnés sur la campagne pour devenir aussi des quartiers ou des banlieues : là ils construisaient leur église, leur cimetière, leur marché. En ville ou à la campagne cohabitent toutes les classes d'âge ; ce qui reflète la démographie régionale ou nationale. Parler de collectivités Territoriales renvoie à trois systèmes Universels fondés sur la centralisation, la décentralisation et le fédéralisme. Tout Etat quel qu'il soit est sujet à ces trois éléments. Ce choix n'est pas le fruit du hasard, il se fait en fonction d'un passé, de moeurs, de coutumes et de traditions qui orientent un peuple à un moment de son histoire vers un système plutôt que vers un autre. Dans le présent document, seul le principe axé sur la décentralisation sera traité du fait qu'il vise à renforcer la capacité d'agir des exécutifs locaux qui constituent au même titre que les trois grands pouvoirs autant de segments de la puissance publique.

1.- LEUR APPARITION.

Actuellement, la question de collectivités territoriales se trouve au premier plan de l'actualité institutionnelle dans bon nombre d'Etats. Elle est dominée par la nécessité de trouver des éléments de compromis entre les tendances modernisatrices et le courant traditionnel, entre la légitime volonté de repenser, de réformer l'Etat et les velléités de décentralisation qui restent parfois au stade de voeux et de constats désenchantés sans effets appréciables. Les collectivités Territoriales sont connues à l'origine selon Albert MABILEAU comme  un ensemble d'acteurs territoriaux entretenant entre eux des relations coordonnées pour former un ensemble organisé » (1)

Plus tard, la doctrine administrative révèle certaines imperfections dans cette définition  selon Diogo Frejtas AMARAL, elle ne fait pas référence à la qualité des collectivités Territoriales en tant que personnes morales publiques et ne mentionne pas explicitement le territoire. Il propose une autre définition : « des personnes collectives publiques ayant une population et un territoire correspondant aux groupements de résidents

1.- Albert MABILEAU, le système local en France, Paris Ed. Mont chrétien 1994 P 7

2.- Alain DELCAMP, les collectivités Décentralisées de l'Union Européenne Paris, 1995 P 239

dans certaines circonscriptions du territoire national, qui assurent la poursuite des intérêts communs dus à la relation de voisinage par des organes propres représentatifs de leurs habitants respectifs1. >>

a) Points de repères

L'histoire de l'organisation administrative locale est marquée par des moments essentiellement différents auxquels correspondent des systèmes d'administration très caractérisés dans leur opposition et qui ont, l'un après l'autre, laissé des traces profondes et marquantes dans l'évolution des structures de base de certains pays d'Europe et de quelques pays latins comme Haïti.

On retrouve par exemple en Irlande des traces d'un gouvernement local avant l'ère chrétienne, sous la forme d'unités territoriales placées sous la responsabilité des chefs de clan. Alors, aucun intermédiaire n'existait entre le chef et le peuple. On trouvait une classe judiciaire et une classe religieuse. Ce système avait peu de rapports avec le système ultérieur, mais peut tout au moins servir de point de repère permettant de retracer l'origine du gouvernement local. Si, en France, le département et la région sont des créations administratives récentes, leurs communes remontent au moyen-âge. C'est en leur sein que s'est forgé le lien de solidarité qui a permis l'existence de la nation française.

b) Fondement légal

Les collectivités territoriales ont des fondements constitutionnels divers. En dehors des dénominations qui sont variées d'un pays à un autre, le contenu est presque le même, quelle que soit leur tradition juridique. Dans les pays d'Europe notamment la France par exemple, la consécration institutionnelle date du début de la période révolutionnaire de 1789. La législation actuelle énumère les catégories de collectivités existantes comme le département, la région et la commune.

1.- Alain DELCAMP, les collectivités Décentralisées de l'Union Européenne Paris, 1995 P 239

La situation n'est pas différente dans d'autres pays appartenant à la même famille juridique, comme l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, la Grèce etc. où, à travers leurs différentes constitutions, on retrouve plusieurs niveaux de collectivités locales possédant une personnalité propre.

En Haïti, le terme collectivité Territoriale a été adopté pour la première fois par la constitution de 1816 de Paroisse1. Les différentes constitutions ultérieures telles les chartes de 1843, 1879 et de 1951 maintiennent l'esprit de celle de 1816. Il est important de faire remarquer que la loi du 19 septembre 1982 portant régionalisation et aménagement du territoire divisait la République d'Haïti en : 9 départements, 41 arrondissements, 132 communes, 58 quartiers et 562 sections rurales.

Après la chute du gouvernement dictatorial des Duvalier, on a assisté à un effondrement des institutions nationales et une grande implication des institutions internationales dans la question Haïtienne. Pour corriger cette dérive le 29 mars 1987, une Constitution est élaborée. Cette dernière nourrit de bonnes intentions, cependant en matière de division territoriale, elle laisse beaucoup de confusion. C'est ainsi, dans le chapitre I du titre V traitant « des collectivités territoriales et de la décentralisation ». Cette confusion se trouve à l'article 62 qui définit la section communale comme la plus petite entité territoriale administrative de la République ; alors que la commune n'est pas définie. Il en est de même pour l'arrondissement à l'article 75, qui est bel et bien défini comme une  division administrative  regroupant plusieurs communes. Pourtant l'article 76 fait état du département comme la plus grande division Territoriale, regroupant plusieurs arrondissements. Alors, trois définitions sont portées aux collectivités Territoriales : entité territoriale administrative, division administrative, division territoriale. La commune reste une forme vide et non définie. Le constituant a mêlé les concepts de nature administrative et des concepts juridiques, acculant le politicien et l'administrateur à l'interprétation donc à la contestation et, le cas échéant, à l'illégalité.

1.- Louis Cornélus, THOMAS, op cit P 126

2.- Conditions d'existence D'une Collectivité Territoriale

Définie comme entité de base de l'organisation territoriale de l'Etat, toute collectivité territoriale réfère aux éléments constitutifs suivants : un territoire, un nom, une communauté Humaine et des organes administratifs.

a) Un nom

L'expression collectivité Territoriale est ici employée comme élément d'identification du régime local. Cette appellation est forgée par l'histoire ou par la géographie, parfois par les Initiateurs de la collectivité.

b) Un territoire

Chaque collectivité dispose d'une étendue de terre sur laquelle l'autorité locale exerce une politique locale. On distingue sur ce territoire le chef-lieu qui est le centre administratif de la collectivité. Il est à remarquer que par la suite ce territoire peut subir des modifications qui apportent soit une fusion ou une amputation de l'ancienne collectivité pour en ériger une nouvelle.

c) Une communauté Humaine

Par population ou communauté humaine, on entend un ensemble d'habitants qui ont leur demeure, leur résidence en un espace bien déterminé. C'est ce groupement de gens qu'on appelle actuellement peuple ou population.

d) Une Organisation Politique

Le dernier trait constitutif, sur le plan concret d'une collectivité locale, est une organisation politique locale qui représente un élément essentiel de la vie locale. Suivant son niveau dans la hiérarchie et les orientations fondamentales de la collectivité,  cette organisation politique locale une fois établie donne naissance à un gouvernement local. Trois principales fonctions sont remplies par ce gouvernement. Une fonction politique quand il joue le rôle de représentant des habitants de la collectivité. Une fonction administrative quand il règle par ses délibérations les affaires de la collectivité avec l'Etat. Et enfin, une fonction économique quand il intervient pour orienter le développement de la collectivité.

D'un pays à l'autre, ces quatre éléments constitutifs d'une collectivité se retrouvent partout, quelle que soit la tradition juridique de ces pays sauf peut-être une variation de dénomination.

B- LES PRINCIPAUX TRAITS CARACTERISTIQUES

Les éléments caractéristiques des collectivités territoriales résident dans le contenu de l'autonomie qui leur est accordée. Cette autonomie sert d'étalon pour apprécier le degré de développement local. Elle relève toutefois de l'étendue du développement local qui se mesure d'après le volume d'affaires dont la portée locale est reconnue, du mode de désignation des responsables locaux : élection plutôt que désignation par le pouvoir central et finalement du volume de pouvoir reconnu aux responsables locaux. Les collectivités Territoriales disposent alors de l'autonomie administrative et financière. Le terme « Autonomie » est ici pris dans son sens générique, c'est-à-dire sous sa forme générale n'impliquant pas pour autant l'indépendance ; d'où alors l'existence d'un pouvoir de contrôle exercé par le pouvoir central.

1.- AUTONOMIE ADMINISTRATIVE

Selon A. Lalande, l'Autonomie locale est le pouvoir d'un groupe politique ou d'une entité publique de s'organiser et de s'administrer lui-même du moins sous certaines conditions et dans certaines limites. (1)

Pour sa part, Marcel MAJERES dans son manuel « l'Etat Luxembourgeois » définit l'autonomie locale comme : «  le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer dans le cadre de la loi sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques exclusivement locales, sous le contrôle du pouvoir central.

1.-Alain DECAMP, op cit P 290

Les dispositions constitutionnelles de divers pays illustrent clairement cette conception lorsqu'elles conservent conformément aux principes de la décentralisation territoriale l'existence des collectivités locales et leur autonomie. C'est en vertu de ce principe que les autorités locales élues sont habilitées à administrer librement les biens propres des collectivités et, le cas échéant, ester en justice pour en défendre les intérêts. C'est sous cet angle que Gaston DEFERRE, Ministre français de l'intérieur et de la Décentralisation, dans son exposé des motifs du projet de loi relatif aux droits et libertés des collectivités Territoriales, déclara : « Promouvoir l'autonomie locale est un acte de confiance dans les Français dans leur capacité à gérer eux-mêmes leur espace » (2).

a) Election d'un Exécutif Local

L'autonomie locale exige une représentation locale appelée à former ce qu'on appelle les autorités locales qui représentent les collectivités et qui posent au nom et pour le compte de ces dernières des actes qui font naître des droits et obligations dont elles assument la responsabilité.

b) Acquisition d'une personnalité Morale

La personne morale est une entité juridique qui permet une représentation d'intérêts collectifs et qui vise notamment à doter un territoire d'une existence propre, indépendante de celle de l'Etat. Elle est donc un ensemble organisé en vue de réaliser certains objectifs pour le bien-être de la cité. Devenue une personnalité juridique, elle est alors titulaire de droits et d'obligations. En tant qu'entité juridique, la collectivité possède un organe exécutif représentatif qui assure sa gestion avec la seule particularité que l'approbation de l'administration supérieure est exigée lorsque surtout l'action où la décision engage la responsabilité de l'Etat.

c) Exercice de la libre administration au niveau local

1

La constitution des divers pays pris en référence précise dans ses dispositions, que les collectivités territoriales détiennent un pouvoir discrétionnaire à s'administrer librement par des conseils élus et dans le cadre de la loi. Elles peuvent générer leurs propres ressources financières tout en disposant des cadres pouvant assurer la mise en oeuvre des décisions locales.

1.- Marcel MAJERES, tiré de l'ouvrage DELCAMP Alain op cit P257

2.- Autonomie financière

Elle traduit la capacité d'une personne physique ou morale à générer, à disposer des ressources financières suffisantes et à les administrer en toute liberté de manière à faire face à ses besoins, elle est la véritable mesure de la décentralisation. Les collectivités Territoriales possèdent leur patrimoine et leurs finances propres. Le régime des finances locales est fixé par la loi ordinaire ; son contenu obéit à deux principes constitutionnels, celui de la solidarité dans le but d'une juste répartition des ressources publiques entre l'Etat et les collectivités Territoriales par compensation et celui d'égalité active qui correspond à la nécessité de réglementer les écarts et les disparités entre collectivités de même niveau.

Ainsi, parler d'autonomie financière, c'est de fixer sur des aspects précis :

- la libération des champs de taxation

- la compétence exclusive du pouvoir local sur les champs de taxation

- l'intervention de pouvoir central pour régler les inégalités

- la possibilité pour la collectivité territoriale de faire des emprunts.

a) Ressources fiscales propres

Les moyens financiers d'une collectivité locale déterminent son étendue de liberté de fonctionnement et son importance au sein d'un Etat. En effet, la richesse ou la pauvreté d'une collectivité locale s'apprécie en fonction de son potentiel fiscal1. L'autonomie et la libre administration d'une collectivité territoriale suppose que celle-ci puisse, comme elle le juge bon, doser l'effort fiscal qu'elle demande à ses contribuables avec les services que ces derniers attendent d'elle. L'idéal serait à l'évidence que chaque collectivité puisse trouver dans la seule fiscalité locale les ressources suffisantes pour réaliser ce dosage.

1.-Cahiers Français # 239 : les Collectivités Territoriales : Janvier-fevrier 1989, P17

b) Dotations liées aux transferts de compétences

Pour être plus efficace, l'Etat a jugé bon de transférer certaines compétences aux autorités locales. Alors, ce transfert de compétences exige automatiquement celui des moyens d'actions nécessaires à leur exercice. D'abord, il est important de faire comprendre que l'évolution des possibilités fiscales des collectivités locales dépend des transferts d'impôts étatiques relativement liés à l'évolution des responsabilités actuelles et législatives des collectivités locales. Ensuite, les concours de l'Etat prennent la forme de dotation globale dont chaque collectivité dispose librement. Il y a lieu de distinguer plusieurs types de dotations. La dotation générale de décentralisation (D.G.D) qui est une sorte de subvention versée par l'Etat central à une collectivité locale dans le but de compenser les charges supplémentaires de la collectivité imposées à son budget en raison des compétences nouvelles transférées par l'Etat. Il y a la dotation globale d'équipement (D.G.E), subvention versée par l'Etat aux collectivités. Elle est relative aux dépenses d'équipement en matière d'investissement. Il y a la dotation globale de fonctionnement (D.G.F). Enfin cette dotation est versée par l'Etat aux collectivités locales, elle représente la recette de fonctionnement la plus importante après les impôts locaux.

Les concours de l'Etat central sont répartis entre les collectivités locales, en fonction des critères bien définis par la loi qui, pour tenir compte des situations différentes des Collectivités Territoriales, se décomposent en plusieurs dotations que perçoivent toutes les Collectivités et en concours particuliers qui ne bénéficient qu'à certaines d'entre elles. D'abord, ils comprennent une dotation de base fixée selon des critères démographiques, c'est-à-dire, en fonction de la population ; ensuite une dotation de péréquation qui elle-même tient compte de l'inégalité des ressources fiscales de l'effort fiscal de la Collectivité et de son insuffisance au regard de certaines charges particulières : par exemple, nombre d'élèves relevant de l'enseignement obligatoire et préélémentaire, domiciliés dans la Collectivité.

c) Possibilités d'emprunts

L'emprunt est un contrat qui comporte des règles restrictives et des obligations réciproques pour le souscripteur et pour la Collectivité qui emprunte, par exemple la charge de payer les intérêts. En principe, l'emprunt n'est possible que pour le financement de certaines dépenses en Capital. Il est de mise lorsque les ressources financières d'une Collectivité sont insuffisantes.

CHAPITRE II

HISTOIRE DU GOUVERNEMENT LOCAL EN HAITI DE 1816 A NOS JOURS

Chaque société, soit moderne, soit contemporaine ou antique, secrète ses propres formes d'organisations, c'est-à-dire, sa façon particulière de décider et de mettre en oeuvre ses décisions. Les modes d'organisation évoluent de façon permanente, car la manière de s'organiser autrefois n'est pas toujours celle d'aujourd'hui. Haïti, elle aussi, applique ce principe.

SECTION I- LE GOUVERNEMENT LOCAL EN HAITI DE 1816 A 1980

L'autonomie locale haïtienne part de la période coloniale à laquelle la partie occidentale de l'île était divisée en paroisses.1 Celles-ci furent d'abord des décisions

religieuses, puis des entités administratives. A la fin du XIIe siècle, la chapelle gouvernait tous les établissements français fondés à Saint-Domingue. La religion était donc la grande boussole. Cependant, le développement social à Saint-Domingue au XIIIe siècle a donné à la Paroisse une dimension administrative tout en gardant son caractère religieux.

A- ASPECTS HISTORIQUES

1.- APPARITION DES ENTITES LOCALES

Pendant longtemps, la prise en charge d'affaires locales, selon un mode de gouvernement local, n'était nullement envisagée, et les intérêts locaux se confondaient avec les intérêts nationaux.

1.- Thomas Louis Cornélus op cit P9

Pendant plusieurs générations, Haïti avait jeté les bases d'une organisation lignagère directement liée à la résidence, c'est-à-dire, au quartier oú l'on vivait. Les premières formules d'organisation locale étaient celles des groupes d'entraide, des classes d'âge, des castes et des conseils de sages. Ce mode d'organisation n'est pas tout à fait propre à Haïti, puisqu'on retrouve cette pratique à la genèse de l'institution locale en France.

2.- DEBUT DE L'ADMINISTRATION LOCALE

A l'origine, l'existence des libertés locales coïncidait avec l'absence d'un réel pouvoir étatique. Les gouvernements autoritaires firent très peu de place à l'autonomie locale. Mais la pression des citoyens désireux de participer activement à la gestion des affaires les concernant, porte les responsables à accepter dans plusieurs villes la création d'une assemblée de bourgeois qui choisit des échevins pour former le  corps de ville  présidé par un notable

Si, en France, les collectivités territoriales ont précédé la formation de l'Etat, c'est pourtant le contraire qui s'est produit en Haïti. L'apparition des collectivités territoriales haïtiennes est post-étatique, car elles remontent aux origines nationales.1 Elles furent connues sous la dénomination de  Paroisses, car à l'époque coloniale, elles étaient une division religieuse ne disposant d'aucune capacité juridique, ni de pouvoir propre. Elles relevaient soit d'un major pour la paroisse urbaine, soit d'un Aide Major pour la paroisse rurale. On y trouvait un conseil de fabrique, mais ce dernier était chargé d'aider le curé financièrement dans l'administration et l'entretien de la chapelle. Pour s'en convaincre, il suffit de considérer les structures de la paroisse et ses modes de fonctionnement. Quant à sa configuration, elle dérive de l'opportunité des établissements coloniaux et de la fragmentation du monde rural en une multitude de petites communautés appelées habitations, quartiers, etc. Son origine renvoie à la solidarité religieuse dans l'espace géographique de la colonie de Saint-Domingue, et à l'exemple des municipalités françaises de 1791. Du syncrétisme de ces héritages est sorti un embryon d'administration territoriale où un agent est placé en contact étroit avec les chefferies qui servent de relais entre lui et la population locale.

3.- LE SYSTEME LOCAL AVEC LES NOTABLES

1.- Mabileau, ALBERT : op cit P 8

Il n'y a pas longtemps, on parlait de notables en Haïti. Si le régime a été modifié avec l'accession à l'indépendance, son uniformité demeure. Le conseil de notables était reconduit et aussi militarisé. Les membres qui en exerçaient les attributions étaient les

Commandants d'arrondissements de la place, le juge de paix et d'autres citoyens, notamment les plus fortunés. La décision de l'autorité militaire, parfois au mépris des autres membres, était tout à fait prééminente. « L'autorité militaire, selon Linstant De Pradisnes, y avait voix délibérative et ne devait pas souvent admettre que ses avis fussent considérés autrement que comme des ordres ».1

4) NAISSANCE DE LA COMMUNE

Parmi les différents niveaux d'administration, la Constitution de 1816 en son article 21 a érigé la paroisse au rang de commune bénéficiant d'une liberté d'action. De là à 1987, la commune ci-devant paroisse demeure la seule entité de référence permettant de reconstituer l'histoire des collectivités locales en Haïti. Le régime local haïtien fut établi par la monarchie en imitation des structures locales françaises. La commune était dirigée par un conseil composé de fonctionnaires émargeant au budget général, espace nommé par le Président de la République et obligé de lui acheminer un rapport mensuel sur la marche de leurs circonscriptions.

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