INTRODUCTION GENERALE
Depuis le début des années soixante (60),
la question de la Décentralisation et des Collectivités
Territoriales a fait l'objet d'une très grande préoccupation dans
les milieux politiques á l'échelle internationale. Cette
préoccupation est due selon des études á la convergence de
plusieurs facteurs, mais surtout à la nouvelle exigence de la loi, au
militantisme grandissant des citoyens qui cherchent de plus en plus leur
intégration dans la gestion de leur communauté.
Tous les régimes qui se sont
succédé en Amérique Latine ont connu une grande
concentration du pouvoir. Aujourd'hui, on assiste à un processus de
décentralisation qui se réalise de manière
différente d'un pays à un autre. C'est le cas pour la
Colombie où, à partir des années 1960,
certaines compétences ont été transférées
aux pouvoirs locaux. En 1986, une loi a été votée pour
accorder plus de pouvoir aux autorités locales, au point qu'en 1991, 24%
des dépenses publiques ont été effectuées à
ce niveau. En Argentine, au cours des dernières
années, on a observé que la crise financière a
favorisé le transfert des moyens et des services aux gouvernements
locaux au point que le gouvernement central arrive même á
contraindre les autorités locales á se procurer des ressources
propres. En Bolivie, en 1983, 18 projets de loi relatifs
á la décentralisation ont été
présentés pour approbation et le gouvernement de Silles ZUAZO a
initié le gouvernement local á travers la création des
gouvernements départementaux. Il en est de même pour
l'Equateur et bien d'autres pays de l'Amérique
latine.
En Haïti, depuis le mois de Mars 1980, le milieu
politique a été le théâtre d'une intensification de
la lutte pour la mise en place d'un ordre nouveau. Grégoire EUGENE dans
un article de son journal « Fraternité »
réclamait la fin de la présidence à vie et l'organisation
d'élections á tous les niveaux avec la participation de tous les
secteurs de la vie nationale. Aussi 7 Février 1986 marque t-il la fin
de la dictature des Duvalier et le début d'une transition
démocratique où le peuple Haïtien s'est de nouveau
engagé dans un combat difficile mais raisonnable pour la mise en place
d'un nouvel ordre politique basé sur la démocratie, la
légitimité politique, l'intégration citoyenne et la
justice sociale.
Enfin, cette ambition de voir l'Etat Haïtien, trop
longtemps centralisé autour de la République de Port au
prince avec un petit groupe de privilégiés
traditionnellement réactionnaires, va être
concrétisée avec la promulgation de la Constitution du 29 Mars
1987 qui, théoriquement a initié une politique
décentralisatrice basée sur le transfert des compétences
de l'Etat central vers les Collectivités Territoriales.
Aujourd'hui, dix huit (18) ans après la
promulgation et la mise en vigueur de la présente Constitution
jugée par plus d'un trop généreuse théoriquement
quant á la question des Collectivités Territoriales, où
en sommes nous, en matière de développement local, en terme de
pouvoir local ? Quelles sont en réalité les marges de
manoeuvre octroyées aux autorités de proximité
Haïtiennes ? Quel est le degré de la participation citoyenne ?
Quel est le résultat en terme de justice sociale ? Voici en somme,
les raisons pour lesquelles ce travail de recherche est appelé à
apporter des éléments de réponse capables de
démontrer d'une part, pourquoi après dix huit ans d'existence,
les recommandations de la dite Constitution restent au stade de voeux pieux
quand le paysage n'a pas changé et les attentes ne sont pas
comblées. D'autre part, comment à partir de la connaissance et
de la maîtrise des enjeux de l'autonomie des pouvoirs locaux, Haïti
peut enfin partir vers un horizon politique nouveau.
Pour mieux appréhender la notion de l'autonomie
des Collectivités Territoriales, le concept de l'Etat moderne est mis
à l'étude comme base de tout pouvoir de proximité. Cela
revient à dire qu'il n'y a pas de pouvoir local en dehors d'un Etat
moderne. Lequel l'Etat qu'il faut d'abord situer par rapport á Etat
traditionnel qui exerçait le pouvoir non comme son dépositaire
mais comme son titulaire. C'est la section I du
chapitre I qui traite de ce sujet.
Selon des principes généraux, les
contours des collectivités territoriales ont été
dégagés au chapitre I dans la section II. IIs ont
été étudiés non seulement du point de vue
théorique, mais aussi sur l'angle organisationnel d'un Etat solide dans
toutes ces composantes. IIs ont été considérés
comme une condition sine qua non à toute amélioration de la
planification et de la mise en oeuvre d'un développement durable avec
la participation du citoyen de proximité motivé.
Chaque société, en fonction de son
évolution, sa culture et sa façon d'exécuter ses
décisions, secrète ses formes d'organisation interne. C'est dans
cette perspective que le deuxième chapitre traitera d'une part, de
l'organisation du gouvernement local Haïtien, son histoire et son
évolution durant les années 1816 à 1980, d'autre part, de
l'autonomie locale à travers des dispositions provenant de plusieurs
lois. Dans cette partie, au regard de la Constitution de 1987, la structure de
l'administration des collectivités territoriales haïtiennes a
été étudiée dans ses formes théoriques
modernisatrices avec la création d'un parlement local chargé de
la délibération et du contrôle du conseil. Ce même
chapitre offre une étude consacrée à l'histoire et au
fonctionnement du gouvernement local en Haïti. Il analyse
l'évolution de la place dévolue à la participation
citoyenne par la notabilisation de proximité. Il se termine par la
modernisation du concept de collectivité Territoriale comme base de tout
changement raisonnable. L'articulation étant un élément
très important à la matière de cohabitation de deux
pouvoirs qui se complètent pour le bien-être de la population.
Le chapitre III expose dans la première Section le
bilan des constatations du point de vue juridique, social et économique.
Il démontre comment une structure inappropriée, une carence de
textes de loi de programmation et l'adoption de textes idéalistes ont
favorisé un éternel tâtonnement à travers une
transition qui n'en finit pas. Dans la Section II, nous avons exposé
les conséquences de cette situation problématique sur le plan
sociale, économique et politique.
Enfin, le chapitre IV formule une conclusion sur une forme de
perspective. Dans une étude comparée, nous avons
dégagé les avantages et les inconvénients à
travers deux modèles à structures différentes, le Mexique
qui est un Etat fédéral et la France qui est un Etat unitaire. La
France, ancienne métropole d'Haïti a été
examinée avec une certaine particularité, considérant son
influence culturelle qui persiste en Haïti.
Dans la conclusion générale, nous avons
proposé et recommandé ce qui reste à faire. Nous avons
démontré que dans l'état actuel des choses, il faut une
prise de conscience nationale et rationnelle sans démagogie politique
pour sauver Haïti, la première République Nègre libre
et indépendante du monde de ce statu quo politico économique. Il
y a péril en la demeure donc, il faut commencer par la reconstruction
de l'Etat haïtien. Il convient de détruire notre culture politique
en mettant fin à la mentalité de division, à
l'improvisation et en accordant à l'économie la primauté
sur la politique. Aujourd'hui promouvoir l'autonomie locale en Haïti
devient de plus en plus un impératif, et pour y arriver, il faut
nécessairement doter les collectivités territoriales de
structures juridique, politique et surtout économique adéquates
capables de sortir notre chère Haïti de cette situation
misérable.
CHAPITRE I
ETAT MODERNE ET COLLECTIVITES TERRITORIALES
Dans ce premier chapitre, nous parlerons d'une part, du
statut juridique de l'Etat, de l'évolution de ses fonctions dans le
temps moderne et d'autre part, des conditions d'existence des
collectivités territoriales, de leur évolution et des
éléments qui les caractérisent dans le temps et dans
l'espace et de leur histoire en Haïti.
A la fin de ce chapitre, le lecteur
sera capable de :
· Identifier et définir les différents
concepts utilisés dans ce travail,
· Identifier les différents éléments
juridiques indispensables à l'existence de l'Etat moderne et
des collectivités territoriales.
SECTION I.- L'ETAT
MODERNE
L'étude de l'Etat moderne est ici
envisagée comme un élément important, voire indispensable
à l'objectif poursuivi dans ce travail. Pour parler de l'Etat moderne
dans ce contexte qui nous préoccupe, il est important de le situer par
rapport à l'Etat traditionnel qui exerçait le pouvoir non
comme son dépositaire, mais comme son titulaire.
A.- SON FONDEMENT THEORIQUE
1. ROUSSEAU J. JACQUES, Contrat social, ed seuil, Paris 1977,
page 191
Partant du principe que tous les hommes
naissent libres et égaux en droit, Hobbes, dans son LEVIATHAN
(1651) et ROUSSEAU, dans son CONTRAT SOCIAL
(1762) ont inventé la fiction d'un état de
nature pour expliquer l'apparition de la société
civile. Dans cet état de nature (1) qui
précède l'état social, chaque homme, disent-ils,
possède un droit identique sur chaque chose et peut l'exercer en
même temps. Dans cet ordre d'idées, l'exercice simultané
de ce droit d'action entraîne de fait un état de conflit dans
lequel le maintien d'une vie paisible devenait pratiquement impossible. Se
faisait alors sentir la nécessité de conclure un pacte social
dans lequel chaque individu du corps social abandonne son droit d'agir au
profit de la formation d'une volonté générale. Le but de
ce contrat est de mettre fin à l'état de nature qui est le moteur
de l'état
de guerre de tous contre tous et d'assurer la paix civile par
l'intervention du droit régissant les rapports sociaux. La
réalisation de cet ordre social a donné comme résultat,
la naissance de la société civile qui est le fondement de l'Etat.
Alors, le concept de l'Etat moderne, inventé par Nicolas MACHIAVEL dans
les premières pages du PRINCE,1 est le
résultat d'un long processus évolutif d'institutionnalisation du
pouvoir qui est apparu au XVI ème siècle.
Dans l'Etat traditionnel, le pouvoir politique
était fortement influencé par des objectifs d'ordre
éthique ou religieux, c'est-à-dire que l'accession au pouvoir
dépendait de la volonté divine (Monarchie de droit divin), et son
exercice était confondu à sa propriété. Par
conséquent, l'Etat, dans l'ancien régime, s'était
identifié à la personne physique du chef politique, et celui-ci
exerçait le pouvoir non comme dépositaire, mais comme son
titulaire. Dans ce cas, la fin du personnel politique impliquait la fin de
l'Etat.
En revanche, les travaux du penseur Florentin Nicolas
MACHIAVEL (1496-1527), dans son fameux ouvrage intitulé LE PRINCE
généralement reconnu comme le point de départ de la
pensée politique moderne, ont inauguré une véritable
révolution de la pensée politique à partir du XVI
ème siècle. Cette innovation théorique de MACHIAVEL
comprend deux volets :
* premièrement, il laïcise
le pouvoir étatique par une redéfinition scientifique du terme,
en posant le principe de la stratégie pour accéder au pouvoir ou
pour le conserver en lieu et place de la volonté divine ;
* deuxièmement, il initie le concept de
souveraineté qui, en matière politique, reste et demeure
nouveau.
1. MACHIAVELE Nivolas, le Prince, livre de poche, librairie
générale Française, classique, no 879, pages 191
Malgré l'envergure des travaux de MACHIAVEL, l'Etat
restait fortement personnalisé, car la souveraineté était
encore liée à l'autorité du Prince. L'idée de
souveraineté nationale n'était pas encore évoquée
par le penseur Florentin (habitant de Florence, ville d'Italie). Il n'existait
donc ni continuité ni légitimité de l'Etat à la
cessation des fonctions du chef politique. Il demeure incontestable que la
laïcisation de l'Etat par MACHIAVEL est définitivement un acquis
de l'Etat moderne
Avec les théoriciens de la
souveraineté nationale dont Charles Louis Secondât au XVIII
ème siècle (Montesquieu), l'Etat, dans sa conception moderne,
s'est différencié de l'Etat traditionnel. Le pouvoir politique de
l'Etat moderne s'avise de dépersonnaliser l'institution étatique
en conférant aux gouvernants des compétences, non en vertu de
leur personnalité, mais en raison de leurs fonctions. Dans ce cas, le
chef politique n'est plus le titulaire ou le propriétaire du pouvoir,
mais il est dépositaire d'un pouvoir dont la nation seule est titulaire.
Aussi, a-t-on les résultats politiques suivants :
1.- la société n'est plus
gouvernée par le bon plaisir du Prince, mais suivant la loi qui exprime
la volonté générale et à laquelle les citoyens
participent, soit directement, soit par l'intermédiaire de leurs
représentants ;
2.- l'Etat moderne devient une personne
morale, distincte de la personne physique des gouvernants politiques, c'est ce
que HOBBES appelle le LEVIATHAN (1),
c'est-à-dire, le monstre qui capitalise tous les pouvoirs de
commandement. Cette modernisation de l'Etat devient le levier de commande du
monde actuel. Cette rupture avec les vieilles pratiques de l'Etat traditionnel
projette une vision nouvelle de l'Etat en tant que gouvernant vis-à-vis
du citoyen en tant que gouverné ; elle procède du souci de
détacher les rapports d'autorité à obéissance des
relations personnelles de chef à sujet. Georges BURDEAU affirme :
« L'homme a inventé l'Etat pour ne pas obéir
à l'homme » (2)
1.- Thomas HOBBES, LE LEVIATHAN, Paris, sirey, 1971, fin du
chapitre
2.- Georges BURDEAU, L'Etat, in encyclopédie universalis,
1984, vol II, P 316
Enfin, l'Etat moderne est, par définition, une
dénégation de l'individualisation du pouvoir politique qui
existait dans les monarchies. C'est une personne artificielle que la raison
humaine a créée pour être le propriétaire du pouvoir
politique. Au regard du droit international, l'Etat est devenu une institution
sociale, une personne morale dotée d'une capacité juridique. Les
représentants politiques de l'Etat deviennent de véritables
agents de développement et non des titulaires du pouvoir que la personne
artificielle dénommée « l'Etat » exerce au
nom de la nation. Contrairement à l'Etat traditionnel, l'Etat
moderne, est pourvu d'organes. La Constitution lui permet de conduire l'action
juridico-politique sur le plan national et international.
B.- LES CONDITIONS DE SON EXISTENCE
Selon les normes internationales, trois
éléments sont indispensables à l'existence de
l'Etat : un territoire, une population et une organisation
juridico-politique. En effet, la théorie de l'Etat moderne admet ce qui
suit : « L'Etat est une réunion permanente et
indépendante d'individus dans les limites d'un certain territoire, sous
une autorité suprême apte à entretenir, en leur nom et sur
la base du droit des relations avec des groupements similaires »
(1)
1.- Territoire
On entend ainsi une étendue de terre
délimitée, un espace maritime et aérien, sur lesquels
l'Etat exerce la souveraineté interne, c'est-à-dire la
capacité de se gouverner comme il l'entend. Le territoire est donc
un instrument de cohésion nationale dans la mesure où la
population se partage une aire commune soumise à l'exercice de la
puissance étatique.
2.- Population
Elle regroupe tous les individus ayant la nationalité
de cet Etat, habitant ce territoire, qui sont gouvernés par la puissance
publique. Il est important de souligner que cette population doit être
unie par certains éléments socioculturels tels que : race,
religion, langue, traditions, usages et surtout la volonté de vivre
ensemble de manière à former un Etat-Nation. Il est aussi
important de souligner qu'une nation peut constituer un Etat tant qu'elle
conserve son indépendance et qu'elle reste une nation alors même
qu'elle aurait perdu son indépendance. Une nation est unie par un lien
moral parce qu'elle est d'origine naturelle ; tandis qu'un Etat est uni
surtout par un lien politique d'origine contractuelle.
1.- Alfred MEM, Société civile et l'Etat, ed.
Tours, Paris 1986, P289
3.- Organisation juridico-politique
Elle n'est autre chose que le mode de distribution du pouvoir
issu de la nation et exercé par un appareil dénommé
l'Etat. Cette organisation a pour rôle d'exercer les compétences
exclusives sans lesquelles on ne saurait parler ni d'indépendance ou de
souveraineté de l'Etat. Elle implique nécessairement des
rapports de gouvernants et de gouvernés, de commandement et
d'obéissance dans la société. Dans ce cas, le droit, dont
l'expression officielle est la loi, intervient comme un outil de
régulation des relations socio-économiques entre l'Etat et ses
administrés. De son coté, la constitution de l'Etat offre un
moyen de formalisation des règles de compétence et d'intervention
du gouvernement dans le jeu politico administratif.
C.- SES DIFFERENTES FONCTIONS
L'Etat, en tant que protecteur du bien commun, est
appelé à remplir des fonctions diverses. Celles-ci sont soit
gouvernementales, lorsque l'Etat exerce sa souveraineté pour
légiférer et exécuter, soit administratives, quand il
assure la gestion de l'administration publique au profit du bien-être
collectif. C'est ce dont il sera question dans cette rubrique.
1.- Fonctions de souveraineté
Par souveraineté, on entend la capacité de
l'Etat moderne à déterminer librement des lois à tous les
niveaux de la hiérarchie des normes, applicables sur l'ensemble de
son territoire et sur la totalité de sa population, en vue de la
réalisation d'objectifs communs. Il en résulte que cette
association d'individus est libre de constituer son gouvernement,
sa législation, et d'organiser ses services publics selon ses vues
propres pour le bien-être de tous. Cette souveraineté est donc
conçue tant sur le plan interne qu'externe.
a) Souveraineté interne
L'exercice interne de la souveraineté par l'Etat est
d'assurer la cohésion de la collectivité dont il n'est que
l'armature juridico-politique. Pour y parvenir, il dispose de
prérogatives très importantes qui lui sont attribuées par
la charte fondamentale et aux- quelles correspondent des tâches
spécifiques. En tant que titulaire du pouvoir politique, l'Etat, en
d'autres termes, le souverain, doit être capable de prendre des
décisions et de veiller à leur application même par
contrainte. C'est une puissance de commandement qui a recours à la force
du droit et au droit de la force pour imposer ses décisions à
l'ensemble des citoyens. Alors, l'Etat doit concilier les intérêts
particuliers à sa propre vocation universelle
b) Souveraineté externe
Sur le plan externe, l'exercice de la souveraineté vise
la conduite de la politique étrangère de la collectivité
que l'Etat dirige dans ses rapports avec d'autres Etats. L'ingérence
d'un Etat dans les affaires internes d'un autre était
considérée comme une faute grave, une injure même à
la question de souveraineté si chère à cette
époque, si l'on s'en tient à la doctrine de VATTEL :
« De tous les droits qui peuvent appartenir à un Etat, la
souveraineté est sans doute le plus précieux et celui que les
autres doivent respecter le plus scrupuleusement, s'ils ne veulent pas lui
faire injure» (1)
Cependant, depuis 1914, la question de
souveraineté a pris une nouvelle orientation qui définit la
souveraineté comme le pouvoir de se gouverner librement mais dans les
limites fixées par le droit international. C'est dans ce souci
d'atténuation de la souveraineté absolue que le droit
international a été admis comme supérieur au droit interne
dès lors que l'Etat a accepté de limiter ses pouvoirs au niveau
interne au profit de l'intérêt général. Il est
nécessaire de souligner que la souveraineté absolue allait
au détriment des Etats politiquement faibles, et que le principe de
l'égalité des Etats était en quelque sorte infirmé.
En conséquence, l'on pourrait s'attendre à une disparition des
Etats militairement faibles, précisément dans le cas des
invasions étrangères.
1.- Magaret DESSOURCES, revue Juridique de l'Uniq, ed.
H.DESH.1994, vol I, #2 P111
En revanche, la suprématie du droit international
à l'heure actuelle a rendu très problématique la notion de
souveraineté de l'Etat à cause de l'évolution de notre
monde contemporain qui, avec des visées globalisantes, tend vers une
interdépendance des Etats. La théorie que chaque Etat est
maître de chez lui est partiellement infirmée par le fait que,
dans des domaines d'importance, les choix de politiques sont parfois
dépendants de décisions ou de visions externes. Par exemple, la
prise de décision par un Etat membre de l'Union Européenne
nécessite parfois l'adhésion de l'union toute entière. Il
importe de se demander quelle est la marge d'autonomie dont disposent les
institutions politiques dans un contexte où toutes les nations sont
interdépendantes à des degrés divers, où elles
sont liées par des accords internationaux. La souveraineté de
l'Etat est donc une notion en pleine mutation, voire en pleine crise.
2.- Fonctions Socio-économiques
L'Etat moderne remplit cinq fonctions socio-économiques
importantes qui sont : la production, la réglementation, la
protection, la compensation et enfin, la fonction de stabilisation et de la
stimulation de la croissance économique.
a) Fonction de production
Par elle, l'Etat intervient pour, non seulement produire et
créer des richesses matérielles mais aussi assurer les
conditions nécessaires à leur création, par exemple,
fournir les infrastructures adéquates, créer une administration
efficace.
b) Fonction de réglementation
Pour le bien-être de la nation, l'Etat veille au respect
des règles du jeu du mécanisme du marché. Ce faisant,
l'Etat peut intervenir pour contrôler, surveiller, encadrer,
limiter, voire prohiber certaines activités du secteur privé.
Les fonctions d'encadrement de l'Etat rendent compte du développement
social au cours duquel il veille à ce que les inégalités
sociales ne soient pas trop grandes. Dans cette optique, l'Etat tente de
limiter les abus sociaux. Par exemple, le problème des grandes
disparités salariales, des disparités entre les régions
et celui de la sécurité de l'emploi sont autant de
responsabilités qui incombent à l'Etat.
c) Fonction de Protection
Historiquement la première fonction de l'Etat est
d'assurer la protection de sa population et de la propriété. A
cette fin, il produit des services dits publics comme la défense
nationale et la sécurité intérieure. Dans cette
fonction protectrice, l'Etat envisage la prise de mesures qui permettent de
soustraire ses citoyens à l'influence de certains maux sociaux dont les
plus répandus sont : la criminalité, la
délinquance juvénile, le trafic de stupéfiants. C'est ce
qui explique la mise en place par l'Etat des systèmes de
sécurité sociale destinés à couvrir certains
risques sociaux tels que le chômage, l'invalidité, la vieillesse,
la maladie, le décès, pour ne citer que cela. En
général, l'Etat prévoit :
· La création d'emploi en facilitant les
investissements du secteur privé.
· La création d'une Caisse d'Assistance Sociale
(CAS) pour les travailleurs couvrant la vieillesse, le décès, la
maladie, la maternité et les accidents de travail.
· La création d'un Office de Protection du Citoyen
(OPC) chargé de protéger ce dernier contre les abus de
l'administration publique dont il serait victime.
· La mise en place de programme d'intervention en cas
d'urgence.
Tous ces systèmes de sécurité sociale
expliquent la volonté
de l'Etat moderne de concrétiser valablement son
rôle de
Protecteur de ses citoyens.
d) Fonction de Compensation
L'Etat, assurant le rôle de Père de la
cité, doit faire preuve d'une certaine équité par la
justice distributive. Il remplit une fonction de compensation, en assurant la
redistribution du revenu au moyen de la taxation sur le revenu des particuliers
et les profits des corporations. D'autre part, l'Etat moderne redistribue le
revenu par l'aide et la sécurité sociale. Au Canada par exemple,
l'Etat, pour assurer la garantie d'un revenu minimum à tous ses
citoyens, redistribue le revenu sur le plan géographique, des provinces
les plus riches aux provinces moins fortunées par le biais de la
péréquation.
e) Fonctions de stabilisation et de stimulation de la
croissance économique
Enfin, l'Etat est responsable de la fonction de stabilisation
et de stimulation de la croissance économique. Pour ce faire, il
pratique la politique de plein-emploi, la stabilité des prix et une
croissance économique rapide. Cet objectif qui a pour but
d'accroître la quantité, la qualité et la mobilité
des facteurs de production ; il se traduit par les politiques
d'éducation, de recherche scientifique et de formation,
déplacement et de mobilité de la main-d'oeuvre.
SECTION II.- CARRACTERISTIQUES GENERALES
DES
COLLECTIVITES
TERRITORIALES.
Le concept de Collectivité Territoriale est
une expression générique désignant des entités de
droit public, correspondant à des groupements humains
géographiquement localisés sur une portion
déterminée du territoire national, auxquelles l'Etat a
conféré la personnalité juridique et l'autonomie,
c'est-à-dire, le pouvoir de s'administrer par des autorités
locales élues. L'autonomie effective des Collectivités
Territoriales ne se limite pas à la seule liberté administrative,
mais elle est aussi liée à la liberté
financière.
Depuis des décennies, la question de l'organisation
territoriale ne cesse de multiplier débats, forums et
réflexions. Qu'ils soient chercheurs, écrivains, scientifiques,
agents de développement, politiciens, voire profanes, tous y
prêtent une attention particulière.
Ainsi, les questions posées sont multiples. Qu'est-ce
qu'il faut entendre par « Collectivités Territoriales ?
A quelles règles constitutionnelles elles obéissent ?
Quels sont les éléments constitutifs qui leur donnent
l'existence ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Leur
histoire au cours du temps ? Toutes ces interrogations seront
débattues à travers cette deuxième section du premier
chapitre.
A- EVOLUTION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
A
TRAVERS LE TEMPS
L'homme, guidé par son instinct grégaire,
évolue dans un cadre géographique bien
déterminé, qu'il soit l'homme de la ville ou
celui de la campagne. C'est ainsi que des faubourgs se sont ajoutés
à la ville pour former des quartiers , et que des villages ont
été gagnés sur la campagne pour devenir aussi des
quartiers ou des banlieues : là ils construisaient leur
église, leur cimetière, leur marché. En ville ou à
la campagne cohabitent toutes les classes d'âge ; ce qui
reflète la démographie régionale ou nationale. Parler de
collectivités Territoriales renvoie à trois systèmes
Universels fondés sur la centralisation, la décentralisation et
le fédéralisme. Tout Etat quel qu'il soit est sujet à ces
trois éléments. Ce choix n'est pas le fruit du hasard, il se fait
en fonction d'un passé, de moeurs, de coutumes et de traditions qui
orientent un peuple à un moment de son histoire vers un système
plutôt que vers un autre. Dans le présent document, seul le
principe axé sur la décentralisation sera traité du fait
qu'il vise à renforcer la capacité d'agir des exécutifs
locaux qui constituent au même titre que les trois grands pouvoirs autant
de segments de la puissance publique.
1.- LEUR APPARITION.
Actuellement, la question de collectivités
territoriales se trouve au premier plan de l'actualité institutionnelle
dans bon nombre d'Etats. Elle est dominée par la
nécessité de trouver des éléments de compromis
entre les tendances modernisatrices et le courant traditionnel, entre la
légitime volonté de repenser, de réformer l'Etat et les
velléités de décentralisation qui restent parfois au stade
de voeux et de constats désenchantés sans effets
appréciables. Les collectivités Territoriales sont connues
à l'origine selon Albert MABILEAU comme un ensemble d'acteurs
territoriaux entretenant entre eux des relations coordonnées pour former
un ensemble organisé » (1)
Plus tard, la doctrine administrative révèle
certaines imperfections dans cette définition selon Diogo Frejtas
AMARAL, elle ne fait pas référence à la qualité des
collectivités Territoriales en tant que personnes morales publiques et
ne mentionne pas explicitement le territoire. Il propose une autre
définition : « des personnes collectives publiques ayant
une population et un territoire correspondant aux groupements de
résidents
1.- Albert MABILEAU, le système local en France, Paris Ed.
Mont chrétien 1994 P 7
2.- Alain DELCAMP, les collectivités
Décentralisées de l'Union Européenne Paris, 1995 P 239
dans certaines circonscriptions du territoire national, qui
assurent la poursuite des intérêts communs dus à la
relation de voisinage par des organes propres représentatifs de leurs
habitants respectifs1. >>
a) Points de repères
L'histoire de l'organisation administrative locale est
marquée par des moments essentiellement différents auxquels
correspondent des systèmes d'administration très
caractérisés dans leur opposition et qui ont, l'un après
l'autre, laissé des traces profondes et marquantes dans
l'évolution des structures de base de certains pays d'Europe et de
quelques pays latins comme Haïti.
On retrouve par exemple en Irlande des traces d'un
gouvernement local avant l'ère chrétienne, sous la forme
d'unités territoriales placées sous la responsabilité des
chefs de clan. Alors, aucun intermédiaire n'existait entre le chef et
le peuple. On trouvait une classe judiciaire et une classe religieuse. Ce
système avait peu de rapports avec le système ultérieur,
mais peut tout au moins servir de point de repère permettant de
retracer l'origine du gouvernement local. Si, en France, le département
et la région sont des créations administratives récentes,
leurs communes remontent au moyen-âge. C'est en leur sein que s'est
forgé le lien de solidarité qui a permis l'existence de la nation
française.
b) Fondement légal
Les collectivités territoriales ont des fondements
constitutionnels divers. En dehors des dénominations qui sont
variées d'un pays à un autre, le contenu est presque le
même, quelle que soit leur tradition juridique. Dans les pays d'Europe
notamment la France par exemple, la consécration institutionnelle date
du début de la période révolutionnaire de 1789. La
législation actuelle énumère les catégories de
collectivités existantes comme le département, la région
et la commune.
1.- Alain DELCAMP, les collectivités
Décentralisées de l'Union Européenne Paris, 1995 P 239
La situation n'est pas différente dans d'autres pays
appartenant à la même famille juridique, comme l'Allemagne,
l'Italie, la Belgique, la Grèce etc. où, à travers leurs
différentes constitutions, on retrouve plusieurs niveaux de
collectivités locales possédant une personnalité
propre.
En Haïti, le terme collectivité
Territoriale a été adopté pour la première
fois par la constitution de 1816 de Paroisse1. Les
différentes constitutions ultérieures telles les chartes de 1843,
1879 et de 1951 maintiennent l'esprit de celle de 1816. Il est important de
faire remarquer que la loi du 19 septembre 1982 portant régionalisation
et aménagement du territoire divisait la République d'Haïti
en : 9 départements, 41 arrondissements, 132 communes, 58 quartiers
et 562 sections rurales.
Après la chute du gouvernement dictatorial des
Duvalier, on a assisté à un effondrement des institutions
nationales et une grande implication des institutions internationales dans la
question Haïtienne. Pour corriger cette dérive le 29 mars 1987, une
Constitution est élaborée. Cette dernière nourrit de
bonnes intentions, cependant en matière de division territoriale, elle
laisse beaucoup de confusion. C'est ainsi, dans le chapitre I du titre V
traitant « des collectivités territoriales et de la
décentralisation ». Cette confusion se trouve à
l'article 62 qui définit la section communale comme la plus petite
entité territoriale administrative de la République ; alors
que la commune n'est pas définie. Il en est de même pour
l'arrondissement à l'article 75, qui est bel et bien défini comme
une division administrative regroupant plusieurs communes.
Pourtant l'article 76 fait état du département comme la plus
grande division Territoriale, regroupant plusieurs arrondissements. Alors,
trois définitions sont portées aux collectivités
Territoriales : entité territoriale administrative, division
administrative, division territoriale. La commune reste une forme vide et non
définie. Le constituant a mêlé les concepts de nature
administrative et des concepts juridiques, acculant le politicien et
l'administrateur à l'interprétation donc à la contestation
et, le cas échéant, à l'illégalité.
1.- Louis Cornélus, THOMAS, op cit P 126
2.- Conditions d'existence D'une Collectivité
Territoriale
Définie comme entité de base de
l'organisation territoriale de l'Etat, toute collectivité territoriale
réfère aux éléments constitutifs suivants : un
territoire, un nom, une communauté Humaine et des organes
administratifs.
a) Un nom
L'expression collectivité Territoriale est ici
employée comme élément d'identification du régime
local. Cette appellation est forgée par l'histoire ou par la
géographie, parfois par les Initiateurs de la collectivité.
b) Un territoire
Chaque collectivité dispose d'une étendue de
terre sur laquelle l'autorité locale exerce une politique locale. On
distingue sur ce territoire le chef-lieu qui est le centre administratif de la
collectivité. Il est à remarquer que par la suite ce territoire
peut subir des modifications qui apportent soit une fusion ou une amputation de
l'ancienne collectivité pour en ériger une nouvelle.
c) Une communauté Humaine
Par population ou communauté humaine, on entend un
ensemble d'habitants qui ont leur demeure, leur résidence en un espace
bien déterminé. C'est ce groupement de gens qu'on appelle
actuellement peuple ou population.
d) Une Organisation Politique
Le dernier trait constitutif, sur le plan concret d'une
collectivité locale, est une organisation politique locale qui
représente un élément essentiel de la vie locale. Suivant
son niveau dans la hiérarchie et les orientations fondamentales de la
collectivité, cette organisation politique locale une fois
établie donne naissance à un gouvernement local. Trois
principales fonctions sont remplies par ce gouvernement. Une fonction politique
quand il joue le rôle de représentant des habitants de la
collectivité. Une fonction administrative quand il règle par ses
délibérations les affaires de la collectivité avec l'Etat.
Et enfin, une fonction économique quand il intervient pour orienter le
développement de la collectivité.
D'un pays à l'autre, ces quatre
éléments constitutifs d'une collectivité se retrouvent
partout, quelle que soit la tradition juridique de ces pays sauf
peut-être une variation de dénomination.
B- LES PRINCIPAUX TRAITS CARACTERISTIQUES
Les éléments caractéristiques des
collectivités territoriales résident dans le contenu de
l'autonomie qui leur est accordée. Cette autonomie sert d'étalon
pour apprécier le degré de développement local. Elle
relève toutefois de l'étendue du développement local qui
se mesure d'après le volume d'affaires dont la portée locale est
reconnue, du mode de désignation des responsables locaux :
élection plutôt que désignation par le pouvoir central et
finalement du volume de pouvoir reconnu aux responsables locaux. Les
collectivités Territoriales disposent alors de l'autonomie
administrative et financière. Le terme « Autonomie »
est ici pris dans son sens générique, c'est-à-dire sous sa
forme générale n'impliquant pas pour autant
l'indépendance ; d'où alors l'existence d'un pouvoir de
contrôle exercé par le pouvoir central.
1.- AUTONOMIE ADMINISTRATIVE
Selon A. Lalande, l'Autonomie locale est le pouvoir d'un groupe
politique ou d'une entité publique de s'organiser et de s'administrer
lui-même du moins sous certaines conditions et dans certaines limites.
(1)
Pour sa part, Marcel MAJERES dans son manuel
« l'Etat Luxembourgeois » définit l'autonomie
locale comme : « le droit et la capacité effective pour
les collectivités locales de régler et de gérer dans le
cadre de la loi sous leur propre responsabilité et au profit de leurs
populations, une part importante des affaires publiques exclusivement locales,
sous le contrôle du pouvoir central.
1.-Alain DECAMP, op cit P 290
Les dispositions constitutionnelles de divers pays illustrent
clairement cette conception lorsqu'elles conservent conformément aux
principes de la décentralisation territoriale l'existence des
collectivités locales et leur autonomie. C'est en vertu de ce principe
que les autorités locales élues sont habilitées à
administrer librement les biens propres des collectivités et, le cas
échéant, ester en justice pour en défendre les
intérêts. C'est sous cet angle que Gaston DEFERRE, Ministre
français de l'intérieur et de la Décentralisation, dans
son exposé des motifs du projet de loi relatif aux droits et
libertés des collectivités Territoriales, déclara :
« Promouvoir l'autonomie locale est un acte de confiance dans les
Français dans leur capacité à gérer eux-mêmes
leur espace » (2).
a) Election d'un Exécutif Local
L'autonomie locale exige une représentation locale
appelée à former ce qu'on appelle les autorités locales
qui représentent les collectivités et qui posent au nom et pour
le compte de ces dernières des actes qui font naître des droits et
obligations dont elles assument la responsabilité.
b) Acquisition d'une personnalité
Morale
La personne morale est une entité juridique
qui permet une représentation d'intérêts collectifs et qui
vise notamment à doter un territoire d'une existence propre,
indépendante de celle de l'Etat. Elle est donc un ensemble
organisé en vue de réaliser certains objectifs pour le
bien-être de la cité. Devenue une personnalité juridique,
elle est alors titulaire de droits et d'obligations. En tant qu'entité
juridique, la collectivité possède un organe exécutif
représentatif qui assure sa gestion avec la seule particularité
que l'approbation de l'administration supérieure est exigée
lorsque surtout l'action où la décision engage la
responsabilité de l'Etat.
c) Exercice de la libre administration au niveau local
1
La constitution des divers pays pris en
référence précise dans ses dispositions, que les
collectivités territoriales détiennent un pouvoir
discrétionnaire à s'administrer librement par des conseils
élus et dans le cadre de la loi. Elles peuvent générer
leurs propres ressources financières tout en disposant des cadres
pouvant assurer la mise en oeuvre des décisions locales.
1.- Marcel MAJERES, tiré de l'ouvrage DELCAMP Alain op cit
P257
2.- Autonomie financière
Elle traduit la capacité d'une personne physique ou
morale à générer, à disposer des ressources
financières suffisantes et à les administrer en toute
liberté de manière à faire face à ses besoins,
elle est la véritable mesure de la décentralisation. Les
collectivités Territoriales possèdent leur patrimoine et leurs
finances propres. Le régime des finances locales est fixé par
la loi ordinaire ; son contenu obéit à deux principes
constitutionnels, celui de la solidarité dans le but d'une juste
répartition des ressources publiques entre l'Etat et les
collectivités Territoriales par compensation et celui
d'égalité active qui correspond à la
nécessité de réglementer les écarts et les
disparités entre collectivités de même niveau.
Ainsi, parler d'autonomie financière, c'est de fixer
sur des aspects précis :
- la libération des champs de taxation
- la compétence exclusive du pouvoir local sur les
champs de taxation
- l'intervention de pouvoir central pour régler les
inégalités
- la possibilité pour la collectivité
territoriale de faire des emprunts.
a) Ressources fiscales propres
Les moyens financiers d'une collectivité locale
déterminent son étendue de liberté de fonctionnement et
son importance au sein d'un Etat. En effet, la richesse ou la
pauvreté d'une collectivité locale s'apprécie en fonction
de son potentiel fiscal1. L'autonomie et la libre
administration d'une collectivité territoriale suppose que celle-ci
puisse, comme elle le juge bon, doser l'effort fiscal qu'elle demande à
ses contribuables avec les services que ces derniers attendent d'elle.
L'idéal serait à l'évidence que chaque collectivité
puisse trouver dans la seule fiscalité locale les ressources suffisantes
pour réaliser ce dosage.
1.-Cahiers Français # 239 : les Collectivités
Territoriales : Janvier-fevrier 1989, P17
b) Dotations liées aux transferts de
compétences
Pour être plus efficace, l'Etat a jugé
bon de transférer certaines compétences aux autorités
locales. Alors, ce transfert de compétences exige automatiquement
celui des moyens d'actions nécessaires à leur exercice. D'abord,
il est important de faire comprendre que l'évolution des
possibilités fiscales des collectivités locales dépend des
transferts d'impôts étatiques relativement liés à
l'évolution des responsabilités actuelles et législatives
des collectivités locales. Ensuite, les concours de l'Etat
prennent la forme de dotation globale dont chaque collectivité dispose
librement. Il y a lieu de distinguer plusieurs types de dotations. La dotation
générale de décentralisation (D.G.D) qui
est une sorte de subvention versée par l'Etat central à une
collectivité locale dans le but de compenser les charges
supplémentaires de la collectivité imposées à son
budget en raison des compétences nouvelles transférées
par l'Etat. Il y a la dotation globale d'équipement
(D.G.E), subvention versée par l'Etat aux
collectivités. Elle est relative aux dépenses d'équipement
en matière d'investissement. Il y a la dotation globale de
fonctionnement (D.G.F). Enfin cette dotation est
versée par l'Etat aux collectivités locales, elle
représente la recette de fonctionnement la plus importante après
les impôts locaux.
Les concours de l'Etat central sont répartis entre les
collectivités locales, en fonction des critères bien
définis par la loi qui, pour tenir compte des situations
différentes des Collectivités Territoriales, se
décomposent en plusieurs dotations que perçoivent toutes les
Collectivités et en concours particuliers qui ne
bénéficient qu'à certaines d'entre elles. D'abord, ils
comprennent une dotation de base fixée selon des critères
démographiques, c'est-à-dire, en fonction de la population ;
ensuite une dotation de péréquation qui elle-même tient
compte de l'inégalité des ressources fiscales de l'effort fiscal
de la Collectivité et de son insuffisance au regard de certaines
charges particulières : par exemple, nombre d'élèves
relevant de l'enseignement obligatoire et préélémentaire,
domiciliés dans la Collectivité.
c) Possibilités d'emprunts
L'emprunt est un contrat qui comporte des règles
restrictives et des obligations réciproques pour le souscripteur et
pour la Collectivité qui emprunte, par exemple la charge de payer les
intérêts. En principe, l'emprunt n'est possible que pour le
financement de certaines dépenses en Capital. Il est de mise lorsque
les ressources financières d'une Collectivité sont
insuffisantes.
CHAPITRE II
HISTOIRE DU GOUVERNEMENT LOCAL EN HAITI DE
1816 A NOS JOURS
Chaque société, soit moderne, soit
contemporaine ou antique, secrète ses propres formes d'organisations,
c'est-à-dire, sa façon particulière de décider et
de mettre en oeuvre ses décisions. Les modes d'organisation
évoluent de façon permanente, car la manière de
s'organiser autrefois n'est pas toujours celle d'aujourd'hui. Haïti, elle
aussi, applique ce principe.
SECTION I- LE GOUVERNEMENT LOCAL EN HAITI DE
1816 A 1980
L'autonomie locale haïtienne part de la
période coloniale à laquelle la partie occidentale de l'île
était divisée en paroisses.1 Celles-ci furent d'abord
des décisions
religieuses, puis des entités administratives. A la
fin du XIIe siècle, la chapelle gouvernait tous les
établissements français fondés à Saint-Domingue. La
religion était donc la grande boussole. Cependant, le
développement social à Saint-Domingue au XIIIe siècle a
donné à la Paroisse une dimension administrative tout en gardant
son caractère religieux.
A- ASPECTS HISTORIQUES
1.- APPARITION DES
ENTITES LOCALES
Pendant longtemps, la prise en charge d'affaires locales,
selon un mode de gouvernement local, n'était nullement envisagée,
et les intérêts locaux se confondaient avec les
intérêts nationaux.
1.- Thomas Louis Cornélus op cit P9
Pendant plusieurs générations, Haïti
avait jeté les bases d'une organisation lignagère directement
liée à la résidence, c'est-à-dire, au quartier
oú l'on vivait. Les premières formules d'organisation locale
étaient celles des groupes d'entraide, des classes d'âge, des
castes et des conseils de sages. Ce mode d'organisation n'est pas tout à
fait propre à Haïti, puisqu'on retrouve cette pratique
à la genèse de l'institution locale en France.
2.- DEBUT DE L'ADMINISTRATION LOCALE
A l'origine, l'existence des libertés locales
coïncidait avec l'absence d'un réel pouvoir étatique.
Les gouvernements autoritaires firent très peu de place à
l'autonomie locale. Mais la pression des citoyens désireux de participer
activement à la gestion des affaires les concernant, porte les
responsables à accepter dans plusieurs villes la création d'une
assemblée de bourgeois qui choisit des échevins pour former le
corps de ville présidé par un notable
Si, en France, les collectivités territoriales ont
précédé la formation de l'Etat, c'est pourtant
le contraire qui s'est produit en Haïti. L'apparition des
collectivités territoriales haïtiennes est post-étatique,
car elles remontent aux origines
nationales.1 Elles furent connues
sous la dénomination de Paroisses, car
à l'époque coloniale, elles étaient une division
religieuse ne disposant d'aucune capacité juridique, ni de pouvoir
propre. Elles relevaient soit d'un major pour la paroisse urbaine, soit d'un
Aide Major pour la paroisse rurale. On y trouvait un conseil de fabrique, mais
ce dernier était chargé d'aider le curé
financièrement dans l'administration et l'entretien de la chapelle.
Pour s'en convaincre, il suffit de considérer les structures de la
paroisse et ses modes de fonctionnement. Quant à sa configuration, elle
dérive de l'opportunité des établissements coloniaux
et de la fragmentation du monde rural en une multitude de petites
communautés appelées habitations, quartiers, etc. Son
origine renvoie à la solidarité religieuse dans l'espace
géographique de la colonie de Saint-Domingue, et à l'exemple des
municipalités françaises de 1791. Du syncrétisme de ces
héritages est sorti un embryon d'administration territoriale où
un agent est placé en contact étroit avec les chefferies qui
servent de relais entre lui et la population locale.
3.- LE SYSTEME LOCAL AVEC LES NOTABLES
1.- Mabileau, ALBERT : op cit P 8
Il n'y a pas longtemps, on parlait de notables en Haïti.
Si le régime a été modifié avec l'accession
à l'indépendance, son uniformité demeure. Le conseil de
notables était reconduit et aussi militarisé. Les membres qui en
exerçaient les attributions étaient les
Commandants d'arrondissements de la place, le juge de paix et
d'autres citoyens, notamment les plus fortunés. La décision de
l'autorité militaire, parfois au mépris des autres membres,
était tout à fait prééminente.
« L'autorité militaire, selon Linstant De Pradisnes, y avait
voix délibérative et ne devait pas souvent admettre que ses avis
fussent considérés autrement que comme des
ordres ».1
4) NAISSANCE DE LA COMMUNE
Parmi les différents niveaux d'administration, la
Constitution de 1816 en son article 21 a érigé la
paroisse au rang de commune
bénéficiant d'une liberté d'action. De là à
1987, la commune ci-devant paroisse demeure la seule entité de
référence permettant de reconstituer l'histoire des
collectivités locales en Haïti. Le régime local haïtien
fut établi par la monarchie en imitation des structures locales
françaises. La commune était dirigée par un conseil
composé de fonctionnaires émargeant au budget
général, espace nommé par le Président de la
République et obligé de lui acheminer un rapport mensuel sur la
marche de leurs circonscriptions.
|