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Les "forces de l'invisible" dans la vie sociopolitique au Cameroun : le cas de la localité de Boumnyebel

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par Alain Thierry NWAHA
Université Yaoundé 2 (Soa) - D.E.A Science Politique 2008
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

POUR UNE PRISE DE CONSCIENCE SÉRIEUSE ET SEREINE

DE L'INFLUENCE (NÉFASTE ET POSITIVE) DES « FORCES DE

L'INVISIBLE » DANS L'ENVIRONNEMENT SOCIOPOLITIQUE CAMEROUNAIS

Tout au long de notre travail, nous avons essayé de démontrer, à travers le cas de la localité de Boumnyebel (peuplée en majorité de Basaa), que : les forces de l'Invisible, que ce soit avant (dans le passé), pendant ou après la colonisation (à l'époque moderne), ont toujours joué et jouent encore un rôle prépondérant à la fois positif et négatif dans l'environnement sociopolitique du Cameroun. Notre démonstration a donc consisté à nous astreindre à montrer qu'hier et surtout, qu'aujourd'hui la mobilisation des « forces de l'autre monde » (monde de l'Invisible) est indubitablement ambivalente. En effet, elle peut être positive lorsqu'elle assume la protection, mais aussi négative, voire destructrice, dès lors qu'elle privilégie la sorcellerie (« magie négative »), d'où l'ambiguïté des « pratiques magiques ». Ba Mbombok (prêtres et guérisseurs traditionnels), Mut Ngambi (devin) et autres officiants théurgiens basaa sont ceux qui agissent pour une « magie positive ». Généralement, ils prennent en charge d'une part, les maladies physiques, mentales et spirituelles (« mystiques ») ; d'autre part, certains rites liés à la mort et aux cultes des ancêtres. Ces théurgiens, par le biais des « forces de l'Invisible bénéfiques », doivent en outre combattre les « puissances occultes néfastes ». En conséquence, ces hommes et ces femmes théurgiens -- elles sont moins nombreuses à remplir ces fonctions -- se distinguent des « sorciers » et « sorcières » (Ba emb ») craints et abhorrés. En fait, « sorciers » et « sorcières » utilisent leurs connaissances mystiques pour jeter des sortilèges et des maléfices ou encore pour empoisonner et provoquer la mort  (C. FALGAYRETTES-LEVEAU, S. PRESTON BLIER, Y. TATA CISSÉ, V. BOULORÉ, A. P. BOURGEOIS, 1996 : 9-11).

Dans cet ordre de pensées, nous avons, en outre, voulu souligner que, le Cameroun, « Terre de nos Ancêtres ou (« Lon Basôgôl ») » est sans aucun doute une « Terre des forces de l'Invisible ». Ici, comme ailleurs, elles semblent proliférer. Les « forces occultes » occupent indistinctement l'« univers » ou « Mbok », l'espace « sauvage » comme l'espace « civilisé » ; l'« esprit » ainsi que l'imaginaire du Camerounais (du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest). Rien ne semble donc se faire sans elles (activité sociale, pratique politique...) ; rien de fondamental ne s'apprend qui ne leur soit d'une manière ou d'une autre lié. Les « forces ésotériques » sont au Cameroun, notamment à Boumnyebel, associées : à la « Parole » (« Li Mporôl ») -- qui est au commencement de tout (du « Nson Basaa » ou « missile occulte », du « Kòn » ou « Défense absolue ancestrale »...) -- ; aux « forces vitales » -- qui animent les choses autant que les êtres -- ; à la « lutte sociale et politique » (« San Kundè ») ; à la « guerre » (« Gwet bi Kundè ») ; à la « survie », l'« ascension » et la « domination » sociopolitiques. Pour les Basaa de Boumnyebel, ces forces de l'Invisible (en particulier l'Être Suprême ou « Hilôlômbi ») se situent à l'origine de tout ce qui existe et donc, avec les « Ancêtres », à la source de la « tradition ancestrale ». Celle-ci s'exprime d'ailleurs, en grande partie, par des « mythes », des « rites », des légendes et des proverbes, et se transmet (par l'« initiation ») de génération en génération, c'est-à-dire, des « Bagwal » (« Ascendants ») aux « Balal » (« Descendants ») tout en restant ouverte aux apports extérieurs. En effet, la « Tradition Ancestrale » qui semble être à la base du recours aux forces de l'Invisible au Cameroun en général et à Boumnyebel en particulier, constitue notre génie propre et représente la totalité de l'expérience accumulée par les générations successives. Cette « tradition » « se veut à l'instar de l'eau vivifiante de la source, une liberté créatrice d'hier, d'aujourd'hui et de demain, à la fois fidèle à elle-même et prête à s'ouvrir aux expériences extérieures et aux situations nouvelles... » (T. MAYI-MATIP, 1990 : 99).

Notre étude nous a par ailleurs, permis de noter que, dans la vie sociale et surtout dans la pratique politique camerounaise, tout se joue en fonction du « rapport des forces », selon l'affrontement incessant et continuellement renouvelé, des facteurs d'ordre (de construction et de vie) et des facteurs de désordre (de déconstruction et de mort). La présence des forces de l'Invisible dans l'activité sociale et politique peut donc se comprendre comme une lutte contre le désordre (contre le « retournement létal » de l'environnement social et politique), par le moyen des symboles, des pratiques, des techniques et des « rites secrets » de protection qui, pour le cas des Basaa de Boumnyebel, sont liés au « Mbok Basaa ». Il en résulte deux (2) conséquences majeures : d'une part, l'étroite connexion du « pouvoir politique » et du « pouvoir occulte » (du politique et du religieux), et d'autre part, l'usage généralement malveillant des forces de l'Invisible (la sorcellerie) qui est générateur de désordre et de destruction. Nous avons ainsi souligné que, le Camerounais se posera volontiers en homme d'affaires ou en acteur politique, affichant son téléphone portable et tenant des discours dignes des « rationalistes » les plus invétérés, tout en restant étroitement en contact avec les « esprits protecteurs des Ancêtres de son village ». En effet, entretenir des relations avec les Ancêtres, en les honorant, semble occuper une place généralement très importante dans les croyances et les pratiques dans la mesure où, à Boumnyebel notamment, l'on considère que : « entre le « royaume des défunts » et le monde des « vivants » aucune césure ne peut exister, car les Ancêtres peuvent exercer une forte influence sur notre vie sociopolitique » (« Mbombok A. »).

Au vu et au su de tout ceci, nous pouvons en définitive soutenir qu'au Cameroun : la « réussite sociale et politique » passe incontestablement par le recours aux forces de l'Invisible. D'ailleurs, ceux qui ont intégré cette « réalité » semblent mieux vivre et, affrontent mieux les « dangers mystiques » ainsi que les incertitudes de la vie quotidienne. Tandis que ceux qui persistent à croire que le mauvais usage des forces de l'Invisible (la sorcellerie) ne constitue qu'une « superstition répugnante », se font facilement laminer et leur discours semblent même parfois causer la perte de ceux qui les écoutent, dans la mesure où au lieu d'éveiller les consciences, ils tendraient à les endormir.

Pour nous en effet, il est primordial que l'« acteur social » et surtout, l'« acteur politique » camerounais en général, prennent sereinement conscience des forces diaboliques qui opèrent dans notre environnement sociopolitique afin de trouver des « moyens » alternatifs susceptibles de les aider à développer la Mère- Patrie en s'opposant délibérément au mal. Ne perdons pas de vue que, en tant qu'Africains :

« Pour vivre en symbiose avec d'autres civilisations sans briser nos oeufs, restons fidèles à notre identité culturelle dans la consolidation de la conscience de notre être et non de notre paraître. Cela suppose, entre autres choses, le recours à la tradition ancestrale dans le développement » (T. MAYI-MATIP, 1990 : 102).

À nos yeux, notre « Indépendance véritable » et le développement sociopolitique harmonieux de notre pays passeront automatiquement par la compréhension des aspects « visibles » et « invisibles », « positifs » et « négatifs », « physiques » et « métaphysiques » de notre environnement. En effet, nous pensons qu'au Cameroun en l'occurrence, l'« action politique » ne saurait être efficace et apporter des résultats probants dans la société si elle n'est pas en phase avec ce répertoire de pratiques, de techniques (protectrices et destructrices), de forces cosmiques (maléfiques et bénéfiques), bref, si elle ignore l'influence le plus souvent néfaste de la manipulation de l'Invisible. Seule cette prise de conscience sereine de l'influence des forces de l'Invisible pourrait nous permettre de conquérir notre « [...] liberté politique par la conquête de la liberté spirituelle... »148(*), et surtout de trouver en nous-mêmes, « des certitudes stables et des permanences morales » indispensables pour une bonne gouvernance. Des exemples tirés d'autres pays nous confortent dans cette pensée.

Au Japon par exemple, les dirigeants politiques nippons ont réussi à fixer les bases d'un développement politique et spirituel en préservant, à la fois, les aspects bénéfiques de leur connaissance millénaire (leur culture ancestrale) tout en important de l'étranger tout ce qui semblait leur faire défaut. En effet, le Pays du soleil levant, a su bâtir son développement autour du respect et de la compréhension de son environnement sociopolitique peuplé par les « huit cents (800) myriades de divinités » de la tradition shintoïste (F. MACÉ, 1988 : 182). C'est en préservant l'essence même de leur être à travers le « Shintoo » (religion nationale du Japon, proche de nos « cultes ancestraux »), que les dirigeants japonais, depuis la fin XIXeme Siècle (avec la Révolution Meiji de 1868) ont pu, en conciliant leur tradition à la « modernité technologique occidentale » notamment, atteindre un niveau économique et militaire satisfaisant et remarquable.

Pour pousser plus loin l'analyse sur l'impact des forces de l'Invisible dans l'environnement sociopolitique des États, il serait à cet égard, par exemple intéressant de faire une étude comparative sur : « Le rôle du `Culte des Ancêtres' et celui du `Shintoo', respectivement, dans le développement sociopolitique du Cameroun et du Japon ». Dans une telle étude, il serait notamment judicieux d'appréhender le « Culte des Ancêtres » comme un « idéal-type » dans la mesure où au Cameroun, il n'y pas un seul culte des Ancêtres, mais plusieurs qui, certes divergent du point de vue des pratiques (des rites), mais cependant, restent très proches (dans leur essence) de part leur conception de l'« Ancêtre illustre », de l'« Univers » et de « Dieu ».

Cette étude pourrait davantage nous permettre de prendre conscience de deux (2) paramètres importants. Le premier, se rapporte au fait que sans être officiellement érigé en religion nationale comme au Japon, le « Culte des Ancêtres » est ce qui semble exprimer le mieux notre « camerounéité ». Le second a trait au constat selon lequel :

« Le développement intégral, c'est-à-dire, matériel et spirituel des Camerounais ne sera possible que si nous, Camerounais, cessons de faire « la politique de l'autruche » en cherchant à tout dissimuler dans les ténèbres. Le développement harmonieux de la Terre Ancestrale ne se fera que si nous acceptons d'affronter courageusement les problèmes « visibles » et « invisibles » qui se posent dans notre contexte sociopolitique en essayant de ne jamais perdre de vue que : le Cameroun n'appartient pas à un Camerounais ou à un groupe de Camerounais, mais à tous les Camerounais et Camerounaises du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest. Par conséquent, sa destruction ou sa restructuration adéquate relève de la responsabilité de tous ces fils et filles » (« Mbombok A. »).

* 148 Propos extrait du discours du Président Gabonais El Hadj Omar BONGO prononcé le 5 Juillet 1982, cité par T. OBENGA (1989 : 21).

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