WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le role du ministère public en droit camerounais

( Télécharger le fichier original )
par Moustapha NJOYA NJUMOU
Université de Yaoundé II - DEA droit privé fondamental 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe I : la controverse doctrinale et jurisprudentielle

La controverse est née de la rédaction de l'article 46, alinéa 2 de la loi du 20 avril 1810 qui énonçait que : « il (le Ministère public) surveille l'exécution des lois, des arrêts, des jugements ; il poursuit d'office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l'ordre public ». Deux thèses se sont alors affrontées relativement à son interprétation (A) et la jurisprudence a pris position (B).

A. Les thèses de la controverse

La thèse restrictive s'est opposée à la thèse extensive

180. Pour la thèse restrictive, l'interprétation de l'article 46 ne devrait pas commencer à l'alinéa 2, puisque son alinéa premier dispose que le Ministère public ne peut agir que « dans les cas spécifiés par la loi ». L'alinéa 2 de ce fait, ne lui aurait permis de prendre sans texte que des mesures d'exécution en dehors de tout procès. Les auteurs de cette thèse223 estimaient que si le Ministère public est habilité à agir quand l'ordre public est intéressé, il ne s'agirait, d'après les conceptions libérales, que d'un ordre public défini par le législateur qui délimite par la même occasion les cas où cette intervention est possible.

181. La thèse extensive quant à elle, admet que le Ministère public peut agir en vertu de

223 VINCENT, la procédure civile n° 188 et suivants, la procédure civile et l'ordre public, mélanges ROUBIER, tome 2, p. 303, ouvrage cité par ELOUNDOU ELOUNDOU, op. Cit. p. 57.

l'article 46, alinéa 2 précité, dès lors que l'ordre public est intéressé. Puisque, estime-t-elle, étant gardien de cet ordre, le Ministère public peut juger de l'opportunité d'intenter une action devant le juge civil lorsque les parties ne le font pas s'il lui apparaît que l'ordre public est menacé. Cette thèse a été soutenue par des auteurs comme SOLUS et PERROT224.

B. La position de la jurisprudence

182. Pendant la première partie du XIXe siècle, la thèse restrictive a été adoptée par la jurisprudence225. Le revirement est intervenu vers la fin de ce siècle, conduisant à une admission de l'action du Ministère public en dehors des cas légaux (I) ; admission dont la généralisation a été limitée (II).

I. L'admission de l'action du Ministère public pour la défense de l'ordre public

Cette admission a commencé à poindre avec l'arrêt de la chambre civile de la cour de cassation française en date du 21 mai 1856.

183. En 1855, M. POTTIER se présenta à l'officier de l'état civil de Vitré pour le prier de procéder à la publication de son projet de mariage avec une demoiselle LOUVIGNE. Le Procureur de la République forma opposition à la célébration du mariage pour empêcher la bigamie226. Pottier demanda mainlevée de l'opposition estimant qu'elle était irrecevable. Le tribunal lui donna raison. Le Ministère public interjeta appel contre le jugement du 18 juillet 1855 devant la cour de Rennes qui, par arrêt du 22 août 1855, confirma la décision des premiers juges du fond. Se prononçant sur le pourvoi introduit contre l'arrêt de la cour de Rennes, la cour de cassation énonça que : « (...) l'article 46 de la loi du 20 avril 1810 charge le Ministère public de surveiller l'exécution des lois et de Poursuivre d'office cette exécution dans les dispositions qui intéressent l'ordre public (...) ». S'accrochant sur cet argument, la plupart des commentateurs ont trouvé en cet arrêt la consécration du droit d'action du Ministère public pour la défense de l'ordre public. Mais des doutes pouvaient encore subsister au regard de l'argument a fortiori avancé par la cour227. D'autres arrêts sont venus confirmer et consolider la

224 SOLUS et PERROT, droit judiciaire privé, tome 1, Paris 1961. N° 879 et suivants.

225 Civ. 29 févr. 1832, jur. Gén., V° Ministère public.

226 Un acte de naissance inscrit sur les registres de l'état civil de la commune de Chaumeré sur déclaration de POTTIER lui-même constatait qu'un enfant était né de lui et de dame R... son épouse.

227 « que la disposition de la Loi , qui défend de contacter un second mariage avant la dissolution du premier, intéresse l'ordre public au plus au degré ; que le Ministère public qui, aux termes de l'article 184 du code Napoléon, a le droit d'agir pour faire prononcer en justice la nullité du second mariage, doit avoir à plus forte raison le droit de s'opposer à l'accomplissement de ce mariage, de prévenir ainsi la consommation d'un crime dont il pourrait être obligé de poursuivre la répression devant les tribunaux criminels...».

thèse extensive228 en affirmant le droit d'action du Ministère public, pour des raisons d'ordre public en dehors des cas spécifiés par la loi229. C'est l'arrêt BODIN230 en date 17 décembre 1913 qui a apporté des restrictions à la thèse extensive.

II. Les limites à l'action du parquet pour la défense de l'ordre public

Loin de se situer aux antipodes de la thèse extensive, l'arrêt Bodin fait partie de ceux qui la consolident mais en lui donnant simplement des précisions et restrictions.

184. En Cochinchine, Honoré Bodin avait, en l'espace d'un mois, demandé et obtenu devant le tribunal la reconnaissance de près d'une quarantaine d'enfants afin de leur conférer la nationalité française231. Le Procureur de la République, sans sous-estimer la virilité de Bodin, a attaqué ces reconnaissances devant la Cour d'Appel. Par arrêt du 18 novembre 1910, la Cour d'Appel d'Indochine a déclaré irrecevable la demande du Ministère public procédant d'office et par voie d'action principale. Le Ministère public s'est pourvu en cassation devant la Cour de Cassation française. Celle-ci, par le célèbre arrêt du 17 décembre 1913, décidait que : « (...) Si, la loi du 20 avril 1810 dispose en son article 46, qu'en matière civile, le Ministère public agit d'office dans les cas spécifiés par la loi, le droit d'action du Ministère public ne s'explique et ne se justifie que dans les circonstances oil l'ordre public est directement et principalement intéressé à l'occasion de faits qui y portent une grave atteinte, sans léser aucun intérêt rival (...)». Ce faisant, la jurisprudence a donné des précisions (a) et un domaine restrictifs (b) à l'action d'office du Ministère public pour la défense de l'ordre public.

a. Les précisions restrictives relatives à l'action d'office du parquet pour la défense de l'ordre public.

185. La Cour de Cassation donne deux précisions essentielles : l'action d'office du Ministère public ne se justifie premièrement que si l'ordre public est « directement et principalement intéressé » et ensuite si « les faits lui portent gravement atteinte ».ainsi, estimet-elle, « les questions de filiation et de paternité intéressent moins l'ordre public que le repos des familles » ; la reconnaissance d'enfants naturels ne porterait donc pas gravement atteinte à l'ordre public. C'est cette position qui fut observée par la jurisprudence majoritaire postérieurement à l'arrêt Bodin232. Le tribunal de la Seine dans le jugement du 3 février 1948,

228 Cass. civ. 24 déc. 1901, S. 1902.1.363, note E.H. PERREAU

229 GLASSON, TISSIER et MOREL, traité, 3e éd. T. I, n° 188.

230 Cass. civ. 17 déc. 1913, DP 1914. 1. 261, note Binet ; S. 1914. 1. 153, note Ruben de Couder.

231 Ces reconnaissances étaient faites moyennant rémunération et en fraude de la procédure administrative prescrite pour l'acquisition de la nationalité française à cette époque.

232 SOLUS, La jurisprudence contemporaine et le droit du Ministère public d'agir en justice au service de l'ordre public in Mélanges Capitant, 1939, p. 769 et s.

Ministère public c/ consorts V. déclare irrecevable l'action principale du Ministère public en nullité d'une filiation incestueuse233. Çà a été également le cas pour les enfants naturels adultérins234.

186. Ces précisions restrictives ont été accompagnées par des arguments d'une restriction du domaine de l'action d'office du Ministère public.

b. Le domaine restreint de l'action d'office du Ministère public

Si la nationalité se présente comme le domaine où la thèse extensive a trouvé une pleine expansion parce que intéressant suffisamment l'ordre public et qui plus est, a été entériné par le législateur235, il en va tout autrement des autres domaines tels que celui de la filiation et tout ceux où l'ordre public risque de léser « un intérêt rival ».

187. L'on peut se demander ce qui serait constitutif de l'intérêt rival. La jurisprudence Bodin donne un début de réponse à cette préoccupation : il s'agit par exemple de « l'honneur et (du) repos des familles ». De l'avis de certains auteurs236 il pourrait s'agir de tous les cas où l'action du Ministère public comporterait des risques d'arbitraire, ou entraînerait des troubles plus dangereux. Toutes ces tergiversations interpellent le législateur pour plus de clarté.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King