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Google et le droit d'auteur; "don't be evil"

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par Bastien Beckers
Université de Liège - Master en droit  2009
  

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B. Une réponse différente en Belgique et aux Etats-Unis

1) Copiepresse C. Google

Nous abordons ici le deuxième volet de l'affaire Copiepresse. Les éditeurs regroupés au sein de Copiepresse s'opposait encore à la copie "cache" des articles de presse effectuée par les robots de Google et à leur mise à la disposition des internautes. Copiepresse prétendait que Google violait l'article 1er de la loi du 30 juin 1994 en mettant à la disposition des internautes ces copies d'oeuvres protégées, alors que les originaux étaient seulement disponibles moyennant paiement sur les sites des éditeurs. Cet article précise que seul l'auteur d'une oeuvre a le droit de reproduire ou d'autoriser la reproduction de son oeuvre et ce, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit.

Le Président du tribunal de première instance de Bruxelles , à la lumière du rapport déposé par les experts qu'il avait désignés, va constater que Google permet aux internautes de consulter un document qui n'est plus consultable sur le site d'origine (à tout le moins gratuitement) et que Google a enregistré dans sa mémoire dite "cache" des oeuvres protégées. Google ne conteste pas que les articles de presse in extenso sont protégés par le droit d'auteur. Par conséquent, mettre à disposition des internautes des articles de journaux qui sont des oeuvres protégées constitue un acte de reproduction et de communication au public qui sont des droits exclusifs réservé au titulaire des droits d'auteurs sur une oeuvre au sens de l'article 1er de la Loi.

36 Cité et analysé par J.P. TRIAILLE: "La question des copies "cache" et la responsabilité des

intermédiaires, Copipresse C. Google, Field V. Google" in A. STROWEL et J.P. TRIAILLE, "Google et les nouveaux services en ligne", Larcier, 2008, p.251.

2) Blake Field V. Google

Dans l'affaire soumise à la District Court du Nevada37, les faits sont très différents. Monsieur Blake Field est avocat et en même temps auteur. Il a engagé des poursuites contre Google car ce dernier avait, selon Monsieur Field, copié et distribué son oeuvre "Good Tea", (protégée par copyright) et avait été publiée sur le site web personnel de l'avocat et les robots Google en avaient fait une copie "cache".

Dans cette affaire, la Cour va rendre une décision favorable à Google.

La District Court du Nevada va recenser tout d'abord les avantages que peuvent offrir aux internautes les copies "cache". Parmi ces avantages: l'archivage de copies, la comparaison dans le temps des pages web, etc.38

La juridiction américaine rappelle ensuite qu'un webmaster peut donner l'ordre aux robots de Google de ne pas faire de copie de sa page et même de ne pas l'indexer, et que Monsieur Field savait cela parfaitement; au contraire, il avait même donné l'ordre aux robots de Google d'indexer les pages de son site.

Pour sa défense, Google prétendait qu'il disposait d'une licence implicite (Implied license) qui l'autorisait à faire des copies "cache" des oeuvres protégées par un copyright. La cour va donner raison à Google en constatant que Monsieur Field savait comment éviter que son oeuvre fasse l'objet d'une indexation et d'une copie "cache".

D'autre part, la cour observe que l'avocat a "poussé" Google à commettre une infraction, pour ensuite porter plainte contre lui (cet argument s'appelle "l'estoppel" en droit américain).

De plus la cour va accorder à Google l'exception de fair use pour ses copies.

Enfin, la cour estime que le géant américain peut se prévaloir de l'exception prévue pour les fournisseurs de services internet par le Digital Millenium Copyright Act.

La cour repousse tous les arguments invoqués par Blake Field et donne raison à Google sur tous les points de droit disputés dans la décision. Elle est donc différente de celle du Président du tribunal de Bruxelles. Il faut toutefois souligner que les faits à l'origine des deux affaires étaient aussi différents, Monsieur Field ayant demandé aux robots de Google de référencer son site. Par ailleurs, son oeuvre était toujours accessible gratuitement lorsqu'elle a été copiée par Google.

3) Belgium V. USA (Comparaison des décisions)

L'ordonnance Copiepresse et la décision de la District Court du Nevada sont donc opposées puisque le juge belge refuse à Google l'utilisation de ses copies "cache", alors que le juge américain accepte son utilisation en acceptant quatre moyens juridiques différents.

37 District Court Of Nevada, Blake Field v. Google,

http://fairuse.stanford.edu/primary_materials/cases/fieldgoogle.pdf

38 District Court of Nevada, p.5, point 13

Mais les deux affaires sont assez différentes dans les faits ce qui rend leur comparaison malaisée. Tout d'abord, l'élément marquant dans l'affaire Blake Field est qu'il n'y a pas de préjudice économique évident. En effet, Monsieur Field avait déjà publié son texte sur son site personnel et celui-ci y restait accessible. Pour les éditeurs regroupés au sein de Copiepresse l'enjeu économique était important. En effet, les informations mises en "cache" par Google ne sont plus accessibles gratuitement sur les sites des éditeurs. Ces articles sont devenus des archives qui sont la plupart du temps payantes, or en donnant accès à ces copies aux internautes, Google leurs donne accès à des archives gratuitement.

D'autre part, Monsieur Blake avait "sollicité" les robots de Google afin d'indexer les pages de son site web, alors que les éditeurs belges (à l'exception d'un seul) ne l'avaient pas fait. Cette donnée est importante pour la District Court du Nevada, car elle en déduit que cette sollicitation a donné à Google une licence implicite.

Analysant les deux décisions, Jean-Paul Triaille réalise, dans son article de 2008 déjà cité, un exercice difficile39. Il inverse les deux affaires et essaye de déterminer quelle aurait été la décision des juges saisis. Pour lui, si le litige Copiepresse avait été soumis à la juridiction américaine, celle-ci aurait difficilement pu justifier le fair use invoqué dans l'affaire Blake. En effet, les éditeurs peuvent faire valoir que les copies faites en "cache" par Google reprennent des informations qui sont payantes sur le site original. D'après J-P. Triaille, la District Court du Nevada aurait pris la même décision que le tribunal de première instance de Bruxelles.

En sens inverse, si Monsieur Blake Field avait porté son affaire devant un tribunal belge, toujours selon J-P. Triaille, il n'est pas certain que Google aurait obtenu gain de cause. Tout d'abord, et contrairement à la loi américaine, la directive européenne sur le commerce électronique40, transposées en droit belge par la loi du 11 mars 200341, n'envisagent pas de régime d'exonération pour les copies "cache" effectuées par les moteurs de recherche. D'autre part, l'argument de la licence implicite cédée par Google est difficilement envisageable en droit belge, puisqu'il faudrait normalement une convention expresse de cession de droit d'auteur.

Quoi qu'il en soit, pour les éditeurs de presse en ligne, il y a évidemment un enjeu économique derrière une telle décision., Il faut toutefois nuancer l'impact que peuvent avoir les "caches" de Google. En effet, ils sont très régulièrement renouvelés. L'internaute aura donc accès gratuitement aux actualités de la veille mais ne pourra pas retrouver un contenu datant de 15 jours par exemple. De plus, cette technique du caching est aléatoire; en cliquant sur un lien "en cache" l'internaute ne sait pas quelles pages les robots de Google auront dernièrement scannées. Son utilité s'en trouve donc fortement réduite.

39 J.P. TRIAILLE, op. cit., p.265

40 Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de

l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), J.O.C.E L.178/1, 17 juillet 2000.

41 Loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information, M.B., 17

mars 2003.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault