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Analyse des facteurs de blocage de l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel au Sénégal: analyse de la perception des acteurs socioéducatifs de la commune de Fatick

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par Pape Samba Gueye
Université Gaston Berger de Saint-Louis Sénégal - Master 2 2010
  

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4.2.3. Entre absence de formation de maitres en langues nationales et faible élaboration de supports didactiques : quelle est la responsabilité de l'Etat du Sénégal ?

Si nous partons toujours des classes expérimentales, les facteurs de blocages de l'introduction des LN dans l'élémentaire formel, sont à rechercher par ailleurs sur le plan professoral et didactique. Mise en corrélation avec la volonté politique stérile de l'Etat, la carence d'accompagnement de ressources humaines et de matériels pédagogiques ou didactiques, constitue un des facteurs de blocage les plus remarquables. En d'autres termes, la politique d'introduction des LN, une fois mise théoriquement en oeuvre, devait avoir comme substrat la formation d'un personnel qualifié et bien équipé. Cependant, la conduite d'une politique timorée s'est encore notée à ce stade dans la mesure où les maitres expérimentateurs étaient arbitrairement mis en fonction avec une quasi absence de matériels et de supports didactiques. Nous pouvons même dire qu'ils se débrouiller, en usant de leurs compétences discursives ou de leurs habitus linguistiques tirés de leur socialisation, pour transmettre des connaissances. Comment la débrouillardise peut être au service de l'excellence ? En effet, notre analyse poussée plus loin nous permet d'illustrer avec ces suivants propos extraits du discours de certains de nos répondants mettant en exergue cette problématique :

« L'Etat a mis la charrue avant les boeufs dans la mesure où il y a une absence d'investigation préalable pour savoir quelle langue introduire dans quelle localité », « il y a une carence de maitres formés du fait de la non généralisation de la formation, de son accélération », « il ya des problèmes de supports, de matériels didactiques(support en calcul et en lecture)d'accompagnement .Il y a des livres au programme par exemple `'le référentiel de compétence» traduit en wolof, en sérère...(les six premières langues

codifiées) mais depuis que le ministère de la structure des langues nationales a commencé à codifier d'autres langues, il s'est posé un problèmes d'équité( ...).On a traduit certains livres comme `'Sidi et Rama» en mettant `'Sidi ak Rama»,et on s'est rendu compte que c'était pas ça, on devrait prendre des textes purement locaux du vécu quotidien des élèves »(enquêtes de terrain, commune de Fatick, Avril 2010).

Selon les discours ci-dessus et lorsque nous poussons notre analyse jusqu'à son terme, force nous est de dire que la politique de l'Etat d'introduire les LN à l'école est velléitaire sur toutes les dimensions et structures requises pour une bonne politique éducative. Ainsi, c'est une lapalissade d'admettre que l'accompagnement didactique ou pédagogique et technique (la formation de professionnels en la matière) est en grande partie le rôle et le devoir de l'Etat en l'occurrence les décideurs.

Certains de nos répondants n'ont pas manqué de dire que : « Le gouvernement prend cette introduction à la légère dans la mesure où les enseignants (expérimentateurs) suivaient une formation de trois (03) jours ». (Enquêtes de terrain, commune de Factice, Avril 2011).

Ces propos s'inscrivant toujours dans la problématique de la formation des enseignants en LN par rapport aux classes expérimentales bilingue, permettent de répondre à l'interrogation soulevée très haut. Evidement, l'absence de formation sérieuse ne pourrait jamais être au service de l'excellence.

De même, il est à noter que la politique économique que devrait connaitre ces expériences n'est pas été au rendez-vous.

En somme, les décideurs politiques ont en grande partie manqué de mettre au concret les mesures d'accompagnement didactique et technique indispensables. L'absence ou la faible dotation en matériels d'apprentissage et en ressources humaines constitue un facteur de blocage pour cette politique d'introduction tant clamée depuis plus de quatre décennies. Ainsi, ces manquements sont à rechercher au niveau des pouvoirs publics dans la mesure où leur engagement silencieux est urbi et orbi constaté. Ainsi, restent à savoir le pourquoi et comment de ce désengagement permanant. En effet, la pusillanimité des politiques face à l'introduction des LN dans le SEF est-elle le fruit du système de représentation ou de la domination symbolique de ces dernières ? Ou bien est-elle par ailleurs, une volonté aveugle de reproduire le système de l'oppresseur socioculturel(les colonisateurs)?

4.2.4. La représentation sociale de la langue officielle versus celle des LN

La domination du terrain linguistique par le français est le fruit d'un long processus opéré par l'administration coloniale. Depuis cette période jusqu'à nos jours, l'imaginaire collectif sénégalais considère en somme que nos langues sont loin d'être vecteur de promotion intellectuelle et sociale. Nos langues sont, tout au moins, représentées par la société comme des langues qui, en usage dans l'enseignement, constituent un facteur de régression socio intellectuelle. La société sénégalaise, dans son symbolisme linguistique, a le sentiment que seulement la langue officielle et les langues extra africaines peuvent être des médiums d'enseignement formel. Cette croyance intériorisée en la société et extériorisée par ellemême, est sans doute véhiculée et manifestée par des propos de ce type : «il ya des parents qui disaient : j'ai pas inscrit mon enfant à l'école pour qu'il apprenne le wolof ou le sérère », « à Fatick le problème se pose autrement ;beaucoup d'enseignants refusent ,en tout cas on a l'impression, de parler la langue du milieu qui est le sérère ou en tout cas ils ne font pas beaucoup d'effort pour comprendre la langue et la parler (...) ,il y a aussi le rejet des parents :il y en a certains qui trouvent que la promotion de leur enfant va se faire non pas par la langue maternelle mais par la langue française ;ils se disent qu'ils n'ont rien à gagner en apprenant cette langue »(P.FAYE, inspecteur de l'éducation chargé des classes bilingues dans le département de Fatick)

Ces propos éclairants de certains de nos enquêtés sont en général tirés des écueils liés aux classes expérimentales. Ils nous permettent de faire le point sur l'ancrage des valeurs linguistiques occidentales dans la conscience individuelle et collective sénégalaise. Ainsi, la représentation sociale des LN se situe à deux niveaux : au niveau des parents d'élève et des enseignants. Les premiers déclarent avoir détesté un enseignement en langue maternelle. Mais lorsque nous pousser notre analyse un peu plus loin, nous verrons que la détestation exprimée n'est qu'une justification qui permet de taire la domination symbolique des langues occidentales. En d'autres termes, les langues extra africaines ont dominé les mentalités sénégalaises dans la mesure où elles sont synonymes de promotion sociale, d'éveil et de culture mondiale. Pour leur part, les derniers n'ont guère l'envie et le devoir identitaire de vouloir transmettre la connaissance via nos langues. A ce stade, sont affectés les enseignants d'un sentiment de déculturation et de déculturés dèculturateur. En fait, nous avons

l'impression que la clôture de la promotion linguistique58 des LN a vue le jour au Sénégal. Cette clôture semble y être une croyance fortifiée voire une idéologie. Combien de fois avons-nous entendu ces suivantes expressions lors de mes observations : « Mais boy ! Est- ce que si on introduit les langues nationales à l'école, est-ce que ça ne va pas appauvrir le système éducatif ? ». (Enquête informelle, commune de Fatick, décembre 2010).

Voilà une interrogation à laquelle ceux même qui la posent ou la suggèrent n'y apportent pas d'arguments et preuves convaincants dans la mesure leurs dires constituent en effet, un simple mauvais sentiment voire un sentiment utopique de haute facture.

Cette attitude de clôture en l'endroit des enseignants se prouve par les réponses tirées d'un inspecteur de l'éducation, sis au pole régional et de formation de Fatick (PRF) qui confesse : « il y a un manque de volonté de la part de certains enseignants chargés des classes bilingues du fait que d'aucuns, à l'absence de contrôle d'inspecteurs, enseignaient seulement en français (...) ,au Sénégal on a tenté une fois ,on a abandonné, puis une deuxième fois et on a abandonné et maintenant tout le monde a peur de recommencer, c'est ça... rire... ». (M.BA, commune de Fatick, Avril 2010).

Cette clôture de la promotion linguistique est caractérisée en grande partie par la « peur de recommencer », c'est-à-dire l'absence d'enthousiasme ou d'audace par rapport aux politiques linguistiques mises en rapport avec l'enseignement élémentaire formel.

Cependant, au moment de cette clôture, est notée une certaine volonté affichée de recourir aux valeurs de la langue de l'ethnie. Mais, il se trouve que cette volonté est contrastée avec une trop grande référence à celles de l'Occident. C'est ce que nous appelons le paradoxe de l'occidentalocentrisme et de l'ethnocentrisme de la société sénégalaise.

Par occidentalocentrisme, nous voulons montrer l'utilisation et la légitimation permanentes des valeurs linguistiques occidentales par la société sénégalaise. Ainsi ces valeurs qui se présentent comme de bons prêts - à -porter ne font aucun objet de diagnostic préalable. En fait, c'est l'attitude de concevoir que tout ce qui est bien doit venir de l'Occident, ou tout ce qui y est venu est bien. Il constitue le centre du monde, son dénominateur commun ou son noyau dont le contournement est impossible. Cela revient à remarquer que le marché

58 Nous voulons dire par cette expression que la société sénégalaise semble clore le débat sur la promotion de nos langues dans les secteurs éducatifs dans la mesure où, on ne peut plus, selon certaines fausses croyances, faire d'elles des langues de science ou de développement socioéducatif.

linguistique est dominé par l'Occident avec ses langues. Est-il nécessaire de rappeler les valeurs accordées à la langue française dans et par la société sénégalaise ? Comment comprendre l'attitude de certains individus qui se contentent à toutes les occasions de rappeler ou de corriger certaines erreurs ou fautes de français ? Qu'en est-il avec les fautes commises en LN ?

Paradoxalement, l'importance tant accordée aux langues extra sénégalaises, n'exclut pas ce que nous appelons l'ethnocentrisme. Ce concept est différent de celui de l'ethnicité qui peut être défini comme la manière dont les acteurs sociaux pensent les divisions et les inégalités sociales en termes d'appartenance et de différenciation ethniques. Dans le sillage de notre recherche, l'ethnocentrisme désigne la conduite de l'acteur social à faire valoir ses valeurs ethniques (linguistiques) au détriment des autres. Cet ethnocentrisme est le plus souvent soustendu par la langue de l'ethnie qui marque chez certains un élément de repère ou d'identité. Au Sénégal, cet ethnocentrisme est mis en oeuvre par concurrence ou par rivalité avec les autres langues nationales mais se heurte (l'ethnocentrisme) face aux langues extra africaines. Il n'est pas rare de voir, par exemple un sérère ou un peulh s'irriter parce que son frère ethnolinguistique ne communique pas avec lui par le truchement de leur langue ethnique.

En effet, nous avons pu remarquer dans nos observations que l'ensemble des enquêtés, pour discourir sur les blocages de l'introduction des LN dans l'élémentaire formel, ne se focalisaient que sur les valeurs de leur langue ethnique. C'est ce qui nous permet de pousser notre analyse pour arguer que la volonté de chacun à vouloir primer, parfois uniquement sa langue ethnique(cf. tableau 7) , constitue en grande partie un argument de taille pour les décideurs politiques à consolider leurs dires mettant en exergue le plurilinguisme comme principal obstacle sur le choix des LN à introduire dans le SEF et pour la mise en application d'une langue sénégalaise comme langue officielle.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein