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Autopsie du phénomène migratoire tunisien : entre "rationalité" de l'émigré et pragmatisme politique

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par Raef JERAD
Ecole Nationale d'Administration de Tunis - Cycle Supérieur de l'ENA 2011
  

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§2. Des facteurs aiguiseurs

Les facteurs aiguiseurs sont qualifiés en tant que tels parce qu'ils

49 LEVEAU (Rémy), « De nouvelles formes d'exode politique ? », in LACOSTE (Camille et Yves) (Dir.), /'ÉJlt duTO lThrJE, Cérès Édition, Tunis, 1991, pp. 537-538.

interviennent, en amont, aiguillonnant et affûtant un phénomène migratoire qui existe déjà. Pour dire autrement, il s'agit de facteurs adjuvants. Nous distinguons deux facteurs dits aiguiseurs ou adjuvants, le facteur culturel, d'une part, et le facteur psychique, d'une autre part.

Le facteur culturel renvoie à l'influence de l'imaginaire collectif sur les tendances migratoires qui travaillent la société tunisienne. L'image d'une Europe, terre de richesse et de fortune, tremplin magique pour des nouveaux arrivants essuyant, jusqu'ici, une sorte de panne biographique, est fortement enracinée dans les représentations mentales des candidats à l'émigration. Nombreux sont ceux qui déclarent avoir été convaincus du bien-fondé de leur démarche sous l'influence des chaines satellitaires et d'Internet, médias relais de la mythologie migratoire et vulgarisateurs du mythe de l'Eldorado européen50. Faut-il souligner, par ailleurs, que l'attrait de l'émigration est largement tributaire de l'image véhiculée par les Tunisiens résidents à l'étranger eux-mêmes, qui, en visite au pays, se livrent à une sorte de consommation somptuaire et ostentatoire sous-tendue par des penchants à l'exhibition et à la démonstration. Beaucoup sont ceux qui se laissent, en effet, séduire par l'exemple de ces émigrés qui ont « réussi ailleurs », et présupposent, dès lors, que, quittant le pays, ils ne peuvent aller que vers un mieux-vivre. En faisant miroiter au plus démunis une prétendue réussite à portée de main, les « estivants » enracinent davantage le mythe d'une Europe, pays de cocagne et d'opulence, et, corollairement, ravivent les appétits migratoires des jeunes et des moins jeunes. Cette perception des choses, largement véhiculée et intériorisée, semble, faut-il bien le dire, attiser les

50 ROUIS (Samir), « La migration irrégulière en Tunisie : modes d'approches et techniques de recherches », actes de l'atelier de recherche Les migrations africaines : méthodes et méthodologie, 26-29 novembre 2008, Rabat, Maroc, pp. 19-20, [consulté sur le Web le 12 juillet 2011]

tentatives de traversée. C'est dans cette même logique d'analyse que nous pouvons prétendre que l'ampleur de l'émigration clandestine des Tunisiens reste, au fond, un phénomène largement nourri par une sorte de fiction collective prégnante, rendant certaines catégorique sociales, initialement prédisposées à l'être, des maniaques de la traversée illégale des frontières maritimes.

Le facteur psychique est un autre stimulant des départs des Tunisiens. Sans pour autant se laisser charmer par une quelconque explication psychologiste du phénomène migratoire étudié, l'option migratoire, étant, à priori, un choix individuel, plus ou moins conscient et assumé, il nous est paru difficile d'en saisir le sens propre sans l'intégration de la configuration psychique spécifique du migrant en tant que variable d'analyse. Dans cette optique d'approche, le départ, acte individuel comme il est, doit être perçu, dans son sens basic, comme l'émanation d'une certaine volonté de positionnement, ou de re-positionnement, par rapport à la société d'origine. Une partie des jeunes tunisiens dont la société locale n'échappe plus, désormais, à la tendance mondiale de sacralisation du bien-être matériel, vivent l'insatisfaction de leurs attentes immédiates, en moyens matériels et projets individuels, sous le mode du refoulement et de la privation. Le dépassement éventuel de l'espace local, générateur de frustration et d'insatisfaction croissantes, est perçu comme une libération définitive, comme une rupture salvatrice avec un passé douloureux et une réalisation du Moi. Dans d'autres cas, l'acte migratoire pourrait être interprété comme un désir d'individualisation par rapport au groupe d'appartenance, comme une volonté de tracer son propre itinéraire personnel. Autrement dit, la rupture morale, dans la logique du jeune émigrant, n'est véritablement consommée

que par son dédoublement d'une rupture physique, facilement constatable, avec les structures et les personnes de l'espace local. A cet égard, le degré des tensions qu'éprouve le jeune avec le milieu familial et scolaire pourrait être interprété comme un signe avant-coureur de la genèse progressive d'un désir de tout quitter. Émigrer devient une contre-conduite, un acte de validation du Moi par sa démarcation de l'Autre. Dans la logique intime de l'émigrant, l'identification par opposition, qu'il veut entamer et réussir, ne deviendrait possible que par la transportation du Moi vers un autre espace géographique et sa transcription outre-frontières.

S'il est vrai de dire que l'entreprise migratoire du Tunisien est une réplique à une agglomération de facteurs répulsifs, il est d'autant plus vrai de dire qu'elle a le mérite de se dresser, simultanément, en un véritable catalyseur de retombées attractives.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry