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La transition démocratique en Mauritanie à  travers la revision constitutionnelle de 2012

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par Mohamed Sarr
Université de Tunis El Manar - Mastère de recherche 2016
  

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Paragraphe II : L'esclavage et les lois : abolitionniste versus féodaux

L'esclavage est un phénomène que toutes les communautés mauritaniennes ont pratiqué à un moment donné de l'histoire. Chez les Halpoulareen on parle de maccudo, de jaam chez les wolofs, de Kome chez les soninkés, et de abd chez les maures. Cependant, le phénomène a évolué chez les communautés négro-africaines en sorte d'organisation sociale graduelle allant des nobles qui sont au sommet de la hiérarchie sociale, ensuite des hommes de caste au-dessous et tout bas de l'échelle de ceux qui sont d'origines esclaves ou serviles99(*). Cela se traduit par des discriminations que subissent ces groupes par rapport aux relations sociales entretenues avec les autres groupes supérieurs, chez les Halpoulareen par exemple, cet aspect baigne dans un enjeu sociopolitique particulier avec la démocratisation100(*). Si chez les communautés négro-africaines, le phénomène s'est traduit en une condition sociale laissée au merci des discriminations et classification, chez les maures, cependant, il se présente comme une situation de possession totale par le maitre sur la personne, qu'est le abd, et ses probables descendants. Donc chez la communauté arabe ou maure de Mauritanie « l'esclave...n'est pas tout à fait une personne : c'est un bien du maitre qui l'a acquis comme tout autre bien par achat ou par héritage et il peut en transmettre la propriété par les mêmes moyens de droit »101(*). À cela s'ajoute les différentes relations liant le maitre et son servant domestique, en raison d'abord de la différence de la couleur de peau qui rend le phénomène beaucoup plus vive, actuelle et apparent que chez les négro-mauritaniens, mais aussi de l'accomplissement des tâches ménagères domestiques jusqu'à la satisfaction libidinale du maître, cette personne à tout faire, une fois affranchi il n'est plus abd, mais il devient hartani (un homme libre). Cette espèce humaine spécifiquement mauritanienne, le hartani, issue d'une croisée socioculturelle, faisant de lui un homme noir comme les négro-africains et de culture maure, est le seul type de mauritanien qui n'a pas de patrie de rechange, ils n'a que la « Mauritanie comme patrie »102(*). Avec « la peau des uns et la culture des autres »103(*), il représente aujourd'hui un enjeu politique pas sans importance, du fait de leur poids démographique et surtout de leur statut de trait d'union entre les deux ensembles mauritaniens. La question de l'esclavage, tabou auparavant, fera une « entrée de force dans la scène politique »104(*) par la création de mouvements abolitionnistes allant de celui d'El Hor en 78 à IRA Mauritanie en passant par S.O.S Esclaves, qui mèneront des luttes sans merci afin que les autorités prennent des décisions sur le problème. Sur ce, il y a, paradoxalement, une succession des lois face à un entêtement de la question. En un siècle et une décennie, l'esclavage a été déclaré aboli à six reprises105(*), les derniers en date sont la loi 048-2007qui criminalisait les pratiques d'esclavages, l'article 13 de la constitution du 20 Juillet 1991 amendée en Mars 2012 considérant le phénomène comme crime contre l'humanité et enfin en Mars 2015, la loi 49-15 élargissant les crimes et les peines d'esclavages. Cependant ce que critiquent les abolitionnistes sont le laxisme des autorités par rapport au phénomène, s'agissant de la non application des lois par les juges, car selon ces militants la plupart des qaadis sont des féodaux, ils sont nés et ont grandi avec ces pratiques esclavagistes et donc il est difficile pour eux de trancher, on ne peut être juge et partie. Et par conséquent, plusieurs dossiers sont en cours au tribunal depuis des années sans résultat, ou ils jugent les affaires d'esclavages comme une affaire de travail non payé pour faire échapper aux esclavagistes les peines lourdes retenues par les lois. Aujourd'hui les militants d'IRA Mauritanie dirigés par Biram Dah Abeid, en prison actuellement pour avoir manifesté contre l'esclavage foncier, ont adopté une stratégie inédite allant du harcèlement des autorités publiques, en passant par des campagnes de libération d'esclaves jusqu'aux marches et sit-in quasi-quotidiennes. Ce problème entré dans le débat de la cohabitation, est une autre variable dépendante de la démocratisation dans le pays et revient d'une manière récurrente dans les débats sociopolitiques relatifs à la question de cohabitation.

* 99 Pour plus de détails sur la situation des Halpoulareen d'origine esclave, Voir LESERVOISIER O. « Les héritages de l'esclavage dans la société Halpulaar de Mauritanie », Journal des Africanistes, 78-1/2, 2009. http://africanistes.revues.org/2685

* 100 En ce qui s'agit de l'enjeu des groupes d'origines esclaves chez les Halpoulareen fau voir l'article de LESERVOISER O. Démocratisation et renégociations sociales, les enjeux de la participation des groupes d'origine servile en Mauritanie, Politique Africaine 2009/2 n°114, Karthala, 2009 pp.24-43 http://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2009-2-page-24.htm

* 101 MARCHESIN, P. Op.cit. p.384

* 102 Toutes les autres composantes du pays ont des « ramifications dans les autres pays : On trouve des Halpoulareen au Mali et au Sénégal, des maures au Sahara, au Mali et au Sénégal, des Soninkés au Mali et au Sénégal, et des Wolofs au Sénégal. Voir OULD BEIBACAR O., Le Calame, N° 991 du 26 Aout 2015, p.5.

* 103 OULD BEIBACAR O. Ibid.

* 104 LO GOURMO A., « la question de l'esclavage en Mauritanie », Cahiers de sociologie économique et culturelle, Revue Internationale n°31, Juin 1999, pp.9-13

* 105 Marchesin signale ici qu'il y eut d'abord un décret de 1905 qui l'abolissait, puis la constitution de 1961 déclarait que tous les citoyens sont égaux en droit et enfin l'ordonnance d'abolition de 1981, Voir MARCHESIN, P. Op.cit. pp.390-391. En plus de la loi de 2007, des amendements de 2012 et la loi de 20015

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