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L'Obligation Essentielle dans le contrat

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par Alima Sanogo
Université de Bourgogne - Master II Recherche Droit des Marchés,des Affaires et de l'Economie 2005
  

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B) L'OBLIGATON ESSENTIELLE ET LES CLAUSES DE RESPOSABILITE EN DROIT ANGLAIS ET EN DROIT BELGE.

La notion d'obligation essentielle est présente dans presque tous les systèmes juridiques des autres pays européens. Mais le sort des clauses de responsabilité en face de l'obligation essentielle varie d'un système à l'autre et est particulièrement intéressant en droit anglais et en droit belge.

- EN DROIT ANGLAIS

En droit anglais, il existe trois catégories principales de clauses afférentes à la responsabilité :

1) L'exception clause est la clause qui participe à la détermination de l'obligation du débiteur tout en la renforçant.

2) La limitation clause est l'équivalente de la clause limitative de responsabilité en droit français; elle rend souples les conséquences découlant de l'inexécution.

3) L'exemption clause a pour effet de restreindre, voire réduire à néant, la responsabilité découlant de l'inexécution d'une ou de plusieurs obligations.

Le droit anglais connaissait l'application automatique des clauses correctement rédigées. Cet automatisme fut écarté par la création de la théorie de l'inexécution fondamentale ou de la « Fundamental breach of contract » en 1950. Avant la notion de «fundamental breach of contract », la structure du contrat en droit anglais était constituée de deux éléments : les conditions et les warranties.

- Les conditions sont des droits qui forment l'essence même du contrat, ceux atteignant la substance du contrat et essentiels à sa nature à tel point que s'ils ne sont pas respectés l'autre partie peut équitablement considérer ce manquement comme une inexécution totale. D'autres auteurs, en occurrence Pratt et Haynes ont formulé cette definition des conditions en anglais de la façon suivante : « A condition is a term which goes so directly to the substance of the contract or in other words, is so essential to its nature that its non performance may fairly be considered by the other party as a subtancial failure to perform the contract all ».

- Les warranties sont des obligations non essentielles destinées le plus souvent à régler par des stipulations variables la situation de fait créée par l'exécution des conditions. La distinction conditions / warranties prime le droit anglais des clauses d'irresponsabilité.

La notion de « fundamental breach of contract » a donné naissance à un nouveau constituant du contrat en plus des conditions et des warranties. C'est le « fundamental term » ou la clause fondamentale. La jurisprudence anglaise de l'époque a décidé que les « fundamental terms » du contrat sont des éléments essentiels du contrat et qu'à leur égard on ne peut faire jouer aucune clause de non responsabilité. Sinon « la non exécution du contrat est totale et ce serait taxer les parties d'absurdité dans leur comportement que de penser qu'elles ont à la fois voulu faire un contrat d'une part et qu `elles ont entendu stipuler d'autre part, que ce contrat pourrait ne pas être exécuté à la place sans que leur responsabilité soit engagée. Une interprétation du contrat exige que malgré la clause de non responsabilité il existe quelque chose du contrat ».Ainsi, l'inexécution totale sert de fondement à la doctrine de « fundamental breach ». Pour illustrer cette affirmation un auteur Lord Aminger a fait la déduction suivante à l'occasion de l'arrêt Chanter v. Hopkins. Celui-ci précisait que dans un contrat sur la vente de pois, la livraison de haricots ne constituera pas une exécution correcte du contrat et qu'aucune clause d'exonération ne pourra jamais excuser l'envoi de haricots à la place de pois commandés. Il ajouta aussi que dans un contrat sur la vente d'acajou; l'envoi de bois de pin constituera une inexécution totale insusceptible d'être couverte par une clause d'exonération mais que si le vendeur avait livré de l'acajou de mauvaise qualité, la clause d'exonération aurait pu s'appliquer car, précise-t-il, la livraison de pin est un breach of fundamental terms tandis que celle d'acajou de mauvaise qualité est un simple « breach of contract ».

Les clauses d'exonération même efficacement rédigées ne peuvent détruire le fondamental term. Cette théorie d'inexécution fondamentale apparut par la suite très nuisible notamment dans le monde des affaires. De plus, elle servait d'alibi au juge qui pouvait désormais intervenir dans le contrat chaque fois qu'il jugeait l'inexécution fondamentale. La doctrine la critiquait comme manquant de logique interne . Les auteurs dénonçant cet illogisme, rejetaient le fait que le contrat prenne fin par sa seule inexécution imparfaite, inexécution qui rendrait inapplicable la clause exonératoire. Ils dénonçaient aussi le fait que les tribunaux acceptent l'action engagée par la partie lésée sur la base du contrat litigieux tout en écartant l'application de la clause qui répartissait le risque. Ces critiques ont conduit la jurisprudence à considérer non seulement l'inexécution mais aussi ses conséquences. Ce revirement apparut très efficace; à tel point que la Court of appeal a tenté d'élever la théorie de « fundamental breach » en règle de droit. Cette prétention n'a pas reçu l'approbation de la Chambre des Lords qui campait sur le fait que l'inexécution fondamentale ne peut en aucun cas être considérée comme une règle de fond. Pour elle, c'est une règle d'interprétation. Cette position de la chambre des Lords fut constatée en 1966 dans l'arrêt Suisse Atlantique en ces termes : «Si l'interprétation normale des clauses d'exonération consiste à dire que ces clauses ne jouent pas en cas de « fundamental breach of contract » il ne s'agit là que d'une règle d'interprétation (a rule of construction) et non d'un principe de droit (a rule of substantive Law) » . Cette position tranchée de la Chambre des Lords n'a pas tout de suite dissuadé la Court of appeal; celle-ci continuait à voir en l'inexécution fondamentale une règle de fond. Cela a incité la Chambre des Lords à confirmer aussi sa position précisément à l'occasion d'un arrêt dit Photo Production . L'espèce portait sur une usine incendiée par un des gardiens de la société chargée de la surveiller. A ce sujet, la Chambre des Lords précisa qu'une inexécution « si fondamentale qu'elle puisse paraître ne peut remettre en cause l'exécution du contrat ».

En somme, nous pouvons conclure que les clauses d'exonération ne sont reçues en droit anglais que si l'inexécution qu'elles couvrent n'atteint pas l'essence du contrat. C'est d'ailleurs ce que pense le Lord Justice Denning qui précisait à propos du contrat de dépôt que «l'essence du contrat pour un entrepositaire est de conserver les marchandises au lieu prévu et de les restituer à la demande du déposant. S'il les conserve dans un endroit différent ou s'il les conserve mal ou s'il les détruit, s'il les vend ou s'il les donne sans raison à quelqu'un d'autre, il commet une rupture fondamentale du contrat et ne peut invoquer les clauses d'exonération qu'il a stipulées. »

Il ressort de ces différents développements que l'obligation essentielle constitue aussi la limite à la validité des clauses exonératoires en droit anglais. Qu'en est-il en droit Belge?

- EN DROIT BELGE

Parlant des clauses de responsabilité en doit belge, Paul Durand utilisait la formule suivante :« Alors que la validité et les effets de la clause d'exonération de responsabilité ont donné dans la jurisprudence française à des hésitations sans fin, au point que, plus de 50 ans après, l'incertitude est encore complète sur la théorie de ces clauses, la doctrine de la Cour de Cassation (belge) est d'une rare simplicité de lignes».

Ainsi, les clauses de responsabilité n'ont pas eu beaucoup de mal à se faire accepter en droit belge. Elles ont tout de suite eu une validité de principe. Mais une interdiction textuelle ou l'intention de nuire peuvent entraver cette validité. De même, si ces clauses réduisent de par leur nature la valeur économique de la prestation promise et que cette réduction se révèle en une absence d'obligation; elles se rendent par de ce fait non valables. La doctrine belge prêche l'existence dans tout contrat d'une obligation minimale à la charge du débiteur, obligation que les parties ne peuvent s'amuser à abaisser par quelque clause que ce soit sans porter atteinte à l'essence du contrat.

A l'instar du droit anglais, on remarque que les notions d'obligation essentielle, ou d'essence du contrat ou d'économie du contrat sont de vrais critères encadrant le domaine des clauses afférentes à la responsabilité. Cette tendance demeure le sens de la jurisprudence belge en la matière depuis une décision de la Cour de cassation belge du 23 novembre 1911. Dans cette affaire, il s'agissait d'une agence de renseignement qui opposait à une demande de dommages et intérêts de l'un de ses clients se plaignant d'avoir reçu d'elle des renseignements inexacts. La clause convenue dans le contrat qu'elle proposait stipulait que l'agence «n'est pas responsable des conséquences d'une disposition quelconque prise par l'abonné. Les risques inévitables dérivant des correspondants et d'abonnés sont encourus exclusivement, ce dernier renonce à tout recours en cas de dommage attribués par lui à des erreurs ou fautes d'auxiliaires et renonce formellement à reconnaître la provenance des renseignements à lui fournis ».

Les juges du fond écartent cette clause aux motifs que les renseignements n'ont été ni recueillis ni contrôlés avec la diligence nécessaire et que les agissements étaient constitutifs de fautes graves enlevant toute valeur aux renseignements et détruisaient par la même occasion l'économie du contrat. Abondant dans le même sens, la Cour de cassation belge énonça :

« attendu que .... l'institut demandeur s'est engagé à répondre à la demande de renseignement adressée par un rapport concis basée sur les données qui lui sont fournies par son service ordinateur de recherche ... que les juges du fond constatant que les renseignements fournis au défendeur et sur la base desquels il a traité, les préposés du demandeur ont commis non une simple inadvertance mais un acte de mauvaise volonté devant fatalement produire des conséquences dommageables non recherchées par les auteurs mais que ceux-ci ont nécessairement prévu sans se donner la peine de les prévenir .... Que les juges ont déduit à bon droit que si la clause invoquée s'étendait à semblable faute, elle enlèverait tout effet utile au contrat ».

Depuis un arrêt de la Cour de cassation (belge) du 25 septembre 1959; la jurisprudence belge s'est démarquée des jurisprudences française et anglaise en ce qui concerne les clauses d'irresponsabilité. Désormais seul le dol du débiteur prive d'efficacité la clause d'irresponsabilité. Ainsi ni la faute lourde, ni la faute intentionnelle n'ont plus semblable effet.

L'arrêt de 1959 fut occasionné par le déplacement maladroit d'une voiture automobile effectué dans le monte charge d'un garage par un préposé du garagiste.

Le Tribunal de Liège statuant en dernier ressort avait accordé au propriétaire de la voiture des dommages et intérêts en dépit de cette clause exonérant le garagiste « des dégradations pouvant résulter des déplacements des voitures opérés dans le garage par le personnel de celui-ci et pour les besoins de l'exploitation et du service ».

Cette clause fut écartée par les juges du fond aux motifs qu'elle exonérait le garagiste ou son préposé de leur faute lourde. La Cour de cassation belge s'est inscrite en faux contre ce jugement en posant deux grandes règles : 1° En dehors des cas où la loi en dispose autrement et de celui ou l'obligation contractée serait anéantie, les parties à un contrat peuvent valablement convenir d'avance que le débiteur ne répondrait pas de la faute même intentionnelle de ses préposés.

2° Aucune disposition légale, sauf certaines exceptions étrangères en la matière, n'interdit aux parties contractantes de convenir que l'une d'elle ne répondra pas de sa faute lourde personnelle.

Ensuite elle renvoya l'affaire devant le Tribunal de commerce de Verviers qui donna raison au propriétaire de la voiture puis releva que le garagiste viderait le contrat de garage « de toute substance objective s'il lui était permis de s'exonérer conventionnellement de l'obligation de résultat qu'il assume en déplaçant les voitures dont il a la garde »

Commentant cet arrêt, M. Delebecque déclara : « La Cour de cassation belge isole l'atteinte à l'essence du contrat pour l'ériger en limite autonome de la validité des clauses d'irresponsabilité». Les principes de licéité de l'exonération conventionnelle de la responsabilité du débiteur en raison du fait intentionnel du préposé et de licéité de l'exonération conventionnelle de responsabilité en cas de faute lourde du débiteur lui même continuent de régenter le droit belge des clauses de responsabilité. Par exemple dans une décision de 1987, la Cour de cassation belge déclarait que « Les clauses d'exonération ne sont pas licites lorsqu'elles ont pour effet de détruire l'objet même de l'obligation et de vider le contrat de sa substance » .

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille