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L'extinction de l'instance en justice

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par Daniel Duplex NDE TAWEMBE
Université de Yaoundé II-Soa (Cameroun) - diplôme d'études approfondies en droit privé 2005
  

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SECTION II : LES EFFETS DU JUGEMENT A L'EGARD DES PARTIES

48. Le jugement, au-delà de l'effet qu'il produit à l'égard du juge en dessaisissant ce dernier du litige qui avait été porté devant lui112(*), produit également des effets à l'égard des parties entre lesquelles s'est constitué le lien juridique d'instance du fait même de la naissance de cette instance. En effet, lorsque les parties sollicitent du juge que celui-ci se prononce sur la situation de leurs droits respectifs à travers sa décision, il est tout à fait logique que cette décision entraîne, relativement à elles, un certain nombre de conséquences. Ainsi, à l'égard des parties, le jugement produit un effet déclaratif (§1), est revêtu de l'autorité de la chose jugée (§2) et a force exécutoire (§3).

§ 1- L'EFFET DECLARATIF DU JUGEMENT.

49. La nature même de l'acte juridictionnel conduit à poser qu'il doit avoir un caractère purement déclaratif ; le juge dit le droit, se borne à reconnaître, à déclarer les droits mis en avant dans les prétentions des parties. Par ce fait, le jugement consolide les droits des plaideurs et ne leur en confère pas de nouveaux113(*). Par l'acte juridictionnel, le juge reconnaît les droits préexistants invoqués dans les prétentions des parties. Si le jugement constate un droit préexistant, cette constatation est définitive et le titre du plaideur qui a eu gain de cause est hors de contestation. La constatation qui résulte du jugement est fortifiée par la décision que celui-ci renferme, décision consécutive à cette constatation. Il existe des jugements dits « constitutifs » qui créent des situations juridiques nouvelles et ne se bornent pas à reconnaître l'existence de droits préexistants. Cependant, l'opposition entre jugements constitutifs et jugements déclaratifs doit être nuancée. Tout jugement déclaratif revêt, par certains aspects, un caractère constitutif en ce qu'il crée une situation nouvelle, ne serait-ce que par la consécration définitive des droits qu'il reconnaît. Inversement, un jugement constitutif se fonde sur une situation préexistante dont il reconnaît ainsi la réalité, même si c'est pour en déduire une conséquence juridique créatrice d'une situation nouvelle114(*).

Les jugements déclaratifs constituent le droit commun. Le caractère déclaratif ainsi reconnu en principe au jugement produit un certain nombre de conséquences. En premier lieu, le jugement constatant le droit tel qu'il existait dès avant la demande, c'est au jour de celle-ci qu'il convient de se placer pour apprécier la situation juridique des parties115(*). En deuxième lieu, le caractère déclaratif du jugement emporte que les sommes qu'il peut reconnaître comme étant dues à l'une des parties portent intérêt au taux légal à compter du jour de la demande. En troisième lieu, le caractère déclaratif du jugement emporte qu'il est sans effet sur la cause de l'obligation : celle-ci reste toujours identique. Ainsi, le vendeur qui obtient un jugement condamnant son acheteur à payer le prix conserve son privilège du vendeur. De même, la créance résultant du jugement de condamnation conserve le caractère qu'elle avait auparavant, par exemple son caractère commercial.

Par dérogation au principe qui vient d'être énoncé, certains jugements sont reconnus comme constitutifs de situations juridiques nouvelles. Tel est le cas pour les jugements de divorce ou de séparation de corps, de tutelle ou de curatelle, d'adoption etc., qui créent, une fois rendus, la situation ou l'état de divorcé, de séparé de corps ou encore d'adopté qui n'existait pas antérieurement à son prononcé. Les jugements constitutifs produisent, en principe, leurs effets du jour où ils sont rendus seulement et, plus précisément, du jour où ils sont signifiés à la partie adverse116(*). Le juge peut donc prendre en compte tous les éléments existant au jour où la décision est prise.

§ 2- L'AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE.

50. « Dès qu'il est prononcé, le jugement acquiert une qualité : l'autorité de chose jugée117(*) ». Ceci signifie qu'il est interdit aux parties de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé118(*). Pratiquement, l'autorité de la chose jugée peut se manifester sous deux aspects différents, qui témoignent, l'un et l'autre, du double rôle qu'elle est destinée à remplir. 1° La chose jugée peut avoir, en premier lieu, une fonction négative : le plaignant qui a succombé ne peut plus engager une nouvelle instance pour obtenir, d'une manière directe ou indirecte, ce qu'un premier jugement lui a refusé ; s'il le faisait, son adversaire ne manquerait pas de lui opposer une fin de non-recevoir tirée de la chose jugée. Historiquement, ce fut du reste la fonction première de l'autorité de la chose jugée. 2° Mais ce rôle fondamental de la chose jugée n'est pas le seul, car elle a également une fonction positive : le plaideur qui a vu son droit consacré par une décision de justice peut exercer librement toutes les prérogatives qui y sont attachées ; en particulier, si une action en justice est engagée ultérieurement, son droit ne peut être ni méconnu ni contesté. Ainsi conçue, la chose jugée présente alors un rôle probatoire de tout premier ordre, puisqu'elle s'impose au magistrat sans qu'il lui soit permis d'en discuter la légitimité. Cette seconde fonction, d'apparition plus récente, est particulièrement appréciable lorsque le juge pénal a relevé certaines constatations de fait qui sont invoquées ensuite au cours d'un procès civil119(*). L'existence de l'autorité de la chose jugée est cependant subordonnée à des conditions dont la réunion entraîne un certain nombre d'effets.

A/Les conditions d'existence de la chose jugée

51. De prime abord, il convient de relever que l'autorité de la chose jugée est en principe attachée à toute décision judiciaire, à tout jugement, quelle que soit la juridiction dont il émane120(*), et indépendamment des vices dont ledit jugement est entaché121(*). En ce qui concerne les conditions proprement dites, les unes sont relatives à la nature de la décision, tandis que les autres tiennent au contenu du jugement122(*).

Relativement à la nature de la décision, il est généralement admis que seuls ont autorité de la chose jugée les jugements qui tranchent de manière définitive une contestation. L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux décisions de justice rendues en matière contentieuse, c'est-à-dire celles par lesquelles un magistrat tranche un point contesté entre deux ou plusieurs adversaires. Par conséquent, les décisions gracieuses n'ont pas l'autorité de la chose jugée, parce qu'elles peuvent toujours être modifiées ou rétractées si les circonstances et les conditions dans lesquelles elles ont été rendues viennent à changer. Mais il ne suffit pas que le jugement soit contentieux, encore faut-il qu'il soit définitif.

On entend par jugement définitif celui qui met fin à la contestation, sinon d'une manière irrévocable123(*), du moins dans des conditions telles que le juge n'est plus autorisé à connaître à nouveau le point litigieux soulevé : il est définitivement dessaisi du dossier de l'affaire tranchée. A cet égard il importe peu que le jugement tranche une contestation sur le fond du droit ou sur un incident de procédure, sur une question de compétence par exemple, car même dans ce cas le jugement met fin à l'instance d'une manière telle que le juge en est dessaisi. Il en est de même du jugement de débouté qui est considéré comme un jugement définitif auquel s'attache l'autorité de la chose jugée124(*).

Pour ce qui est des conditions relatives au contenu du jugement, il faut noter que toutes les énonciations contenues dans un jugement contentieux n'ont pas autorité de la chose jugée. En principe, seules sont revêtues d'une telle autorité les énonciations qui figurent dans le dispositif du jugement, et cette autorité ne s'étend qu'à ce qui a été réellement jugé. En règle générale, l'autorité de la chose jugée s'attache au dispositif du jugement, à cette réserve près toutefois, que le dispositif n'a autorité de chose jugée que relativement aux points qui s'y trouvent décidés sans condition ni réserve, même implicite. Il en résulte que les motifs d'une décision contentieuse définitive n'ont pas, en principe, autorité de chose jugée, ceux-ci étant considérés par la jurisprudence comme une opinion d'ordre général et théorique exprimée relativement à un point de la contestation, même si elle implique nécessairement un préjugé sur le fond.

Cependant, de manière exceptionnelle, il peut arriver que l'autorité soit reconnue aux motifs de la décision. Il en est ainsi notamment en ce qui concerne les motifs dits décisifs, qui constituent le soutien du dispositif et s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. C'est également le cas des motifs décisoires, qui sont des énonciations du jugement qui expriment une décision du juge et qui, normalement, auraient dû prendre place dans le dispositif.

52. L'autorité de la chose jugée se limite à ce qui a été effectivement décidé. En effet, les énonciations d'un jugement ne peuvent acquérir autorité de chose jugée que si elles tranchent une question contestée qui a donné lieu à un débat entre les parties. Ceci signifie que la question litigieuse doit avoir fait l'objet d'une discussion contradictoire, sous réserve des dispositions applicables aux jugements rendus par défaut. Cette exigence est essentielle pour la sauvegarde des droits de la défense. Néanmoins, il est admis que l'autorité de la chose jugée puisse, sous certaines conditions, être reconnue à ce qui a été implicitement ou virtuellement jugé. Une décision est implicite lorsqu'elle constitue une suite évidente et nécessaire de ce qui a expressément fait l'objet du jugement125(*). Une question est virtuellement engagée dans le litige lorsqu'elle constitue une partie ou l'accessoire indissociable de la question litigieuse, et qu'une décision sur cette dernière l'atteint inévitablement126(*).

B/Les effets de la chose jugée

53. L'article 1351 du Code civil dispose que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la demande soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ». il ressort de ces dispositions que, le plaideur qui au cours d'une instance entend se prévaloir d'un jugement antérieur ayant force de chose jugée ne peut en invoquer l'autorité que dans la mesure où les deux litiges présentent entre eux une triple identité de parties, d'objet et de cause.

54. D'après la maxime res inter alios judicata aliis neque nocere neque prodesse potest, la chose jugée ne peut nuire ou profiter qu'aux seules personnes ayant été parties à l'instance que le jugement a éteinte. Ceci est la position d'une vielle doctrine classique, même s'il est de plus en plus remarquable que la chose jugée puisse intéresser les tiers. Pour que l'on parle d'identité des parties, deux conditions générales doivent être observées. D'abord, il faut avoir figuré ou avoir été représenté à l'instance que le jugement a éteinte. Il s'en suit que les personnes auxquelles la chose jugée peut être opposée sont celles qui ont été parties dans le débat, celles qui y ont conclu ou qui ont eu le droit d'y conclure, soit au fond soit sur des exceptions, à titre de demanderesse ou de défenderesse. Plus encore, un jugement a l'autorité de la chose jugée contre toute partie appelée dans l'instance, alors que ce jugement serait intervenu à la suite d'un débat auquel elle n'a pas effectivement participé, sa présence ou sa vocation au procès lui ayant permis de faire valoir ses moyens. Ensuite, il faut figurer dans la nouvelle instance avec la même qualité que dans l'instance précédente. A titre d'exemple, il faudrait lorsqu'un jugement constate le défaut de droit personnel d'un plaideur à agir, que celui-ci puisse reprendre la même action au profit d'une personne morale dont il est le représentant127(*).

55. L'autorité de la chose jugée ne peut pas être invoquée lorsque l'objet de la demande n'est pas identiquement le même128(*) dans les deux litiges. Ainsi, il n'y a pas identité d'objet entre deux demandes dont l'une tend à revendiquer la propriété de constructions élevées sur un terrain et l'autre la propriété du terrain lui-même. Il ne suffit pas que la même chose matérielle soit en litige, il faut que le demandeur réclame le même droit sur la même chose129(*). Outre l'identité des demandes et des droits réclamés, l'identité d'objet suppose aussi l'identité des questions à résoudre130(*).

56. La double identité de parties et d'objet ne suffit pas pour que l'autorité de la chose jugée puisse être invoquée : il faut encore que la cause de la demande nouvelle soit identique à celle de l'instance précédente. L'identité de la cause131(*) exigée par l'article 1351 du code civil trouve son origine dans un fragment de PAUL. A vrai dire, le texte de PAUL ne visait à l'origine que les actions réelles. De nos jours, cette identité est requise quelle que soit la nature de l'action. Dès lors il importe peu qu'il s'agisse d'une action réelle ou d'une action personnelle. Une telle généralisation a été, il est vrai, vivement critiquée par la doctrine moderne au point où certains auteurs sont allés jusqu'à soutenir que cette exigence de la loi pouvait être supprimée sans aucun inconvénient132(*). Ce qui est vrai, c'est qu'il est souvent assez difficile de distinguer la cause de l'objet ; pour cette raison d'ailleurs, une importante fraction de la doctrine préfère réunir ces deux éléments objectifs du lien juridique d'instance sous le vocable de questions litigieuses.

Par définition, la cause d'une demande en justice peut être comprise comme l'acte ou le fait juridique qui constitue le fondement direct ou immédiat du droit réclamé. C'est par exemple le contrat de vente en vertu duquel un acheteur réclame la délivrance de la chose vendue ou le contrat de dépôt sur lequel une personne fonde sa demande en réclamation.

57. Lorsque la triple identité existe effectivement, l'effet fondamental de la chose jugée est de rendre irrévocable133(*) la décision du juge qui a statué sur l'existence et le contenu du rapport de droit litigieux. Toute demande qui, directement ou indirectement, tendrait à obtenir une décision contraire risquerait de se heurter à un moyen de défense, que l'on appelle assez souvent « l'exception de chose jugée », mais qui est en réalité une véritable fin de non recevoir. La qualification exacte de ce moyen de défense est importante. Dès lors qu'il s'agit d'une véritable fin de non-recevoir, et non point d'une exception, l'autorité de la chose jugée peut être invoquée en tout état de cause134(*), même pour la première fois devant la Cour Suprême, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts celui qui, dans une intention dilatoire, se serait abstenu de la soulever plus tôt.

58. Il est admis enfin que l'autorité dont est revêtue le jugement est susceptible de degrés, en fonction de l'incidence des voies de recours. En effet, on dit souvent pour désigner un jugement qui ne peut plus être attaqué par aucune voie de recours ordinaire, qu'il est passé en force de jugée. Cette terminologie traditionnelle est équivoque, car elle donne à penser que seuls les jugements irrévocables ont autorité de la chose jugée. Rien n'est plus inexact. Définitif ne veut pas dire irrévocable, et un jugement contentieux a autorité de chose jugée du jour où il a été rendu, même s'il peut encore être attaqué par une voie de recours ordinaire ou extraordinaire135(*). Une fois que les voies de recours ordinaires ont été exercées ou alors qu'elles ne peuvent plus l'être par suite de l'épuisement des délais, le jugement passe en force de chose jugée. Lorsque aucune voie de recours, fût-elle ordinaire ou extraordinaire, ne peut plus être exercée contre le jugement, celui-ci devient irrévocable. Ainsi donc, pour avoir autorité de la chose jugée, il n'est pas nécessaire que le jugement soit irrévocable, c'est-à-dire qu'il ne soit plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours136(*).

§ 3-LA FORCE EXECUTOIRE

59. Le jugement donne à celui qui l'a obtenu le droit de poursuivre par la force l'exécution de la décision rendue à son profit. La partie gagnante dispose, à cet effet, des voies d'exécution prévues par la loi137(*). La décision n'est exécutoire qu'à partir du moment où elle est passée en force de chose jugée. Cependant, elle ne peut être mise en exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire138(*). La notification de la décision est donc, en principe, un préalable à son exécution. Lorsque la décision a force exécutoire, la partie gagnante doit disposer des éléments lui permettant d'exécuter sa décision. Tel n'est pas le cas lorsque l'adversaire mentionne une fausse adresse. Revenant sur sa jurisprudence antérieure, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation française estime aujourd'hui que l'absence ou l'inexactitude du domicile de l'appelant, dans l'acte d'appel, est de nature à faire grief s'il est justifié qu'elle nuit à l'exécution du jugement déféré à la Cour d'appel ; elle peut donc entraîner la nullité de l'acte d'appel139(*).

L'article 29 de l'Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d'exécution reconnaît le droit à l'exécution d'une décision de justice : « l'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des décisions et des autres titres exécutoires.

La formule exécutoire vaut réquisition directe de la force publique.

La carence ou le refus de l'Etat de prêter son concours engage sa responsabilité 140(*)». L'exécution doit cependant être équitable et respecter les droits de la partie perdante.

L'action qui a pour objet l'exécution du jugement141(*) est une action personnelle même si la demande sur laquelle le jugement est intervenu avait un caractère réel. Cette action se prescrit par 30 ans, même si l'obligation que constate le jugement est soumise à une prescription plus brève142(*). La partie gagnante tient donc alors ses droits de la décision de justice sans être tributaire de la prescription qui pourrait affecter le droit substantiel lui-même143(*).

L'exécution du jugement peut être retardée par une décision motivée du juge accordant au débiteur le bénéfice d'un délai de grâce. Le délai de grâce court du jour du jugement lorsque celui-ci est contradictoire ; dans les autres cas, il ne court que du jour de la notification de la décision144(*).

Il convient également de préciser qu'il peut exceptionnellement arriver que le jugement soit exécutoire par provision, mais il faut alors que le juge ou la loi l'ait permis dans des conditions bien précises à défaut desquelles l'exécution provisoire pourrait être paralysée. L'exécution provisoire est régie en droit camerounais par les dispositions de l'Acte uniforme OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et aux voies d'exécution145(*), notamment en son article 32146(*), et la Loi n° 92/008 du 14 août 1992, telle que modifiée par la Loi n° 97/018 du 7 août 1997 fixant certaines dispositions relatives à l'exécution des décisions de justice.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

60. Au regard de ce qui précède, le jugement qui met fin à l'instance dans les conditions déterminées par la loi produit un certain nombre d'effets dont la portée s'apprécie différemment à l'égard du juge qui a statué et à l'égard des parties au litige.

61. D'abord à l'égard du juge, le jugement entraîne son dessaisissement du dossier de l'affaire sur laquelle il s'est prononcé. En effet, les parties ont sollicité du juge, en portant devant lui leur différend, qu'il tranche la contestation qui les opposait en appliquant les règles de droit. Lorsqu'il l'a fait, le juge a dit sa part de vérité et il ne lui est plus possible de revenir sur ce qu'il a décidé, sauf pour les cas exceptionnels de rétractation du jugement rendu par défaut, de tierce opposition ou de recours en révision, ou encore les cas de recours en interprétation du jugement lorsque certaines de ses dispositions ne sont pas claires ou précises, ou encore en cas de recours en rectification d'erreurs matérielles commises par le juge dans la rédaction de sa décision, ou lorsqu'il a, au mépris du principe dispositif, statué infra petita147(*). Dans tous ces cas, bien qu'ayant été antérieurement dessaisi, il est exceptionnellement admis que le juge puisse revenir sur sa décision.

62. A l'égard des parties, et même à l'égard du juge, le jugement a autorité de chose jugée, ce qui justifie qu'une fin de non-recevoir puisse être soulevée en tout état de cause lorsqu'il est question de revenir sur ce qui a fait l'objet du jugement, sous certaines conditions cependant. Le jugement en outre ouvre droit à l'exécution, parce qu'il est revêtu sous certaines conditions de la formule exécutoire qui fonde son exécution au besoin par l'emploi de la force publique, et produit un effet déclaratif, dans la mesure où il constate dans la plupart des cas des droits préexistants, exceptions faites cependant du cas des jugements dits constitutifs.

CONCLUSION DU TITRE I

63. Il s'est agi dans ce titre de l'issue logique de l'instance en justice qu'est le jugement. Nos analyses nous ont permis de faire comprendre que pour que l'on puisse parler de jugement extinctif d'instance, il fallait au préalable que l'on soit en présence d'un jugement de nature contentieuse. Il s'agit d'une décision terminant une contestation réelle entre deux ou plusieurs parties, et ayant pour cela donné lieu à des débats en principe contradictoires au terme desquels le juge aura été amené à se prononcer en rendant un jugement.

Par la suite, sans toutefois reprendre une typologie exhaustive des différents jugements, nous avons, à titre comparatif, présenté les différents jugements extinctifs d'instance, ce qui nous a permis d'envisager tour à tour :

- les jugements rendus en premier ressort, en dernier ressort ou en premier et dernier ressort, l'élément de comparaison ici étant la possibilité ou non d'exercice des voies de recours ordinaires, notamment la voie de l'appel ;

- les jugements contradictoire, réputé contradictoire, dit contradictoire ou par défaut, leur distinction se fondant sur la comparution ou la défaillance des parties à le faire ; et enfin,

- les jugements définitif et mixte, leur qualification prenant en compte le contenu du dispositif du jugement, selon que le juge a tranché tout ou partie du principal, ordonné des mesures d'instruction ou provisoire, ou les deux à la fois.

64. Cependant, quel qu'il soit, une fois qu'il a pour effet d'entraîner l'extinction d'une instance engagée, le jugement rendu produit un certain nombre d'effets qui peuvent être envisagés soit :

- à l'égard du juge : il s'agit du dessaisissement de ce dernier une fois qu'il s'est prononcé, principe qui admet cependant des restrictions ;

- soit à l'égard des parties : en l'occurrence l'effet déclaratif du jugement, l'autorité de la chose jugée dont il est revêtu, et la force exécutoire qui y est, sous certaines conditions, attachée.

Si le jugement est la cause normale d'extinction de l'instance, elle n'en est pas toujours ainsi. Il arrive bien souvent que l'instance prenne fin avant même le prononcé du jugement, pour des causes qui tiennent ou parfois non de la volonté des parties. L'on comprendra qu'il sera alors question de l'extinction incidente de l'instance.

* 112 Dans la mesure où le juge s'est prononcé en disant sa part de vérité et qu'il ne lui est en principe pas permis de revenir sur sa décision. cf. supra, Effet du jugement à l'égard du juge n°s 39 et ss.

* 113 Le jugement intervertit cependant la prescription, permet d'inscrire une hypothèque ; on a pu soutenir que tout jugement déclaratif est dans une certaine mesure constitutif : L. MAZEAUD « De la distinction des jugements déclaratifs et des jugements constitutifs de droit », Rev .trim. 1929, p. 17

* 114 P. RAYNAUD, « la distinction des jugements déclaratifs et constitutifs, Etude de droit contemporain », 1959, Sirey, p. 377.

* 115 Cass. civ. 26 févr. 1901, DP 1904. 1. 621.

* 116 V. néanmoins, par ex. art. 1445 C. civ : le jugement prononçant la séparation de biens remonte, quant à ses effets, au jour de la demande ; le législateur organise donc une publicité de la demande et du jugement.

* 117 Serges BRANDO, Dictionnaire de droit privé, édition 2006.

* 118 En matière pénale, la règle « non bis in idem » a un fondement similaire. Il s'agit là en effet d'une formule latine qui exprime le principe selon lequel une personne déjà jugée pour un fait délictueux, ne peut être poursuivie à nouveau pour le même fait.

* 119 Il reste du moins que ces deux aspects de l'autorité de la chose jugée sont intimement liés, puisque, en toute hypothèse, le plaideur qui s'en prévaut jouit d'une situation inexpugnable.

* 120 Il importe peu en effet qu'il s'agisse d'une juridiction de droit commun ou d'une juridiction d'exception. De même, il n'y a pas lieu de distinguer selon que la décision a été rendue par un tribunal statuant en formation collégiale ou par une juridiction à juge unique.

* 121 Selon la règle « voies de nullité n'ont lieu contre les jugements », un jugement, si grave soit l'irrégularité commise, n'en a pas moins l'autorité de la chose jugée, aussi longtemps qu'il n'a pas été attaqué par une voie de recours.

* 122 Sur l'ensemble de la question, v. R. Perrot, Rép. Pr. Civ Dalloz, 2003, V° Chose jugée.

* 123 Les voies de recours étant ouvertes.

* 124Il en est autrement, en revanche, des jugements avant dire droit ou jugements provisoires par lesquels le tribunal, au cours d'une instance ordonne une mesure d'instruction ou une provisoire sans statuer sur le fond. En effet, parce qu'ils ne sont pas définitifs, ces jugements n'ont pas autorité de la chose jugée au principal. Cependant, les jugements dits mixtes, qui tout à la fois tranchent tout ou partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire jouissent, selon la jurisprudence, de l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne les dispositions définitives qu'ils renferment ou qui en résultent implicitement, mais nécessairement.

* 125 Comme l'a fort justement écrit le Doyen VIZIOZ, in Recueil Penant 1940. 6, in fine, « lorsque la solution donnée à une question litigieuse suppose comme antécédent logique la solution d'une autre question litigieuse, cette dernière est implicitement contenue dans la décision ». Ainsi, il a été déci dé que la demande en nullité d'une obligation n'est point recevable de la part de celui qui l'a cautionnée lorsqu'une précédente décision, rendue entre les mêmes parties et passée en force de chose jugée, a définitivement consacré la validité de cette obligation, alors déjà contestée, en assurant le paiement de la somme réclamée en vertu dudit acte : Req. 3 juillet 1889. D. P. 90. 1. 384.

* 126 Ainsi, celui qui a succombé dans la demande de la totalité d'un objet ou d'un droit n'est plus recevable à en demander une partie. De même, le jugement qui rejette la demande d'une partie d'une chose met obstacle à ce que l'on puisse réclamer ensuite la totalité de cette chose ou de ce droit car en principe, la chose jugée sur cette partie implique une décision sur le tout.

* 127 Civ. 30 avril 1969, JCP ed. Avoués 1969. IV n° 5531

* 128 Idem corpus

* 129 Ainsi, l'arrêt qui repousse l'action en nullité dirigée contre l'acte de partage des biens d'une succession au motif que la demanderesse n'a pas établi sa qualité de petite fille du de cujus, n'emporte pas chose jugée à l'encontre d'une action en nullité du même acte de partage introduite par la même personne comme fait en fraude des droits qu'elle tiendrait de sa qualité de fille légitime de la concubine du de cujus, les biens laissés par celui-ci provenant de l'association de fait qui avait existé entre les concubins ; la masse de biens litigieux est la même dans les deux instances, mais les droits revendiqués sur ces biens ne sont pas identiques.

* 130 Par ex. le jugement qui a statué sur les droits réclamés pour une période déterminée ne s'oppose pas à ce qu'un autre jugement puisse être rendu en ce qui concerne les droits courus postérieurement à cette période.

* 131 V. H. Motulsky, Pour une délimitation plus précise de l'autorité de la chose jugée en matière civile, D. 1968, chron. 1

* 132 Notamment Planiol et Ripert, t. 7, n°1560, p. 900, cités par R. Perrot, Rép. Pr. Civ. V° Chose jugée, op. cit.

* 133 L'irrévocabilité de la chose jugée n'exclut pas évidemment la possibilité d'exercer un recours contre le jugement dans les conditions prévues par la loi.

* 134 En principe, et parce que l'autorité de la chose jugée est considérée comme une règle d'intérêt privé, les parties peuvent y renoncer, et elle ne peut ni être relevée par le ministère public, ni soulevée d'office par le juge. En revanche, dans les cas exceptionnels où l'autorité de la chose jugée revêt un caractère d'ordre public (notamment lorsque le jugement a statué sur des droits qui échappent à la libre disposition des parties, et spécialement en matière d'état des personnes), le juge est fondé à relever d'office l'autorité qui s'attache à un jugement antérieur devenu irrévocable.

* 135 Contra : Philippe KEUBOU, L'adultère en droit positif camerounais, in Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, Tome 1, Vol. 2, P.U.A, 1997, pp. 153-162, où l'auteur affirme notamment à la page 157 que : «Le jugement devient définitif après avoir acquis autorité de la chose jugée lorsque les délais des voies de recours sont épuisés après signification par la partie au bénéfice de laquelle le jugement a été rendu à celle aux torts de qui le divorce a été prononcé, ou lorsque toutes les voies de recours ont été exercées ».  

* 136 Cf. R. Perrot, op. cit, n°47

* 137 Notamment l'Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, entré en vigueur le 10 juillet 1998. Voir à cet effet ANOUKAHA François et TJOUEN Alexandre Dieudonné, Les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution en OHADA, P.U.A, Yaoundé, 1999.

* 138 D'après l'article 11 de la Loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, « Les expéditions des arrêts, jugements, mandats de justice ainsi que les grosses et expéditions des contrats et tous actes susceptibles d'exécution forcée, sont revêtus de la formule exécutoire ainsi introduite :

«République du Cameroun»

«Au nom du people camerounais»

Et terminée par la mention suivante :

«En conséquence, le Président de la République mande et ordonne à tous les huissiers et agents d'exécution sur ce requis, de mettre le présent arrêt (ou jugement etc.) à exécution, aux procureurs généraux, aux procureurs de la République, d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique, de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis « ».

* 139 Cass. 2e civ. 14 juin 2001, D. 2001, somm. 2714, obs. N. Fricero, D. 2001. 3075, note D. Cholet, Procédures 2001, comm. n° 165, RTD civ. 2001. 664, obs. R. Perrot, Dr. et procedures 2002. 33, obs. M. Douchy.

* 140 Ces dispositions peuvent être rapprochées de celles de la Loi française du 9 juillet 1991 réformant les procédures civiles d'exécution, dont l'article 16 dispose : « L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation ». le Conseil constitutionnel français estime d'ailleurs que la règle selon laquelle tout jugement peut donner lieu à une exécution forcée « est le corollaire de la séparation des pouvoirs » et ne peut être écartée que pour « des circonstances exceptionnelles tenant à la sauvegarde de l'ordre public » : Décision Cons. Const. n° 98-403 du 29 juillet 1998, RD publ. 1999. 79 et 80, chron. D. Rousseau, JCP 1999. I. 141, chron. B. Mathieu et M. Verpeaux, n° 12.

* 141 Sur l'exécution des décisions de justice, v. A-D TJOUEN : « L'exécution des décisions de justice en droit Camerounais », in R.I.D.C, 2-2000, pp. 429-442.

* 142 L'article 72 du Code de procédure civile et commerciale dispose toutefois que « les jugements par défaut doivent être exécutés dans les douze mois de leur obtention, sinon ils sont réputés non avenus ».

* 143 Cass. 1er civ. 16 juin 1998, Procédures 1999, comm. n° 217, obs. R. Perrot : le créancier d'une pension alimentaire qui veut poursuivre l'exécution du jugement qui lui a donné gain de cause ne peut se voir opposer la prescription quinquennale de l'art. 2277 c. civ., prescription applicable aux actions en paiement des pensions alimentaires ; Cass. 2e civ. 27 sept. 2001, JCP 2001. IV. 2777 : la cour d'appel décide à bon droit que la poursuite de l'exécution d'un jugement portant condamnation au paiement des arrérages d'une rente est régie par la prescription trentenaire de droit commun, à la différence de la demande de paiement de ces arrérages soumise, elle, à la prescription quinquennale de l'art. 2277 c. civ.

* 144 Cf. art. 42 CPCC

* 145 J.O. OHADA n°6, 01/0698, p. 1 et suivantes. V. ANOUKAHA et TJOUEN, op. cit.

* 146 Cet article dispose en substance que « À l'exception de l'adjudication des immeubles, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire par provision (...) ».

* 147 Par contre, lorsque le juge statue ultra ou extra petita, il fait preuve d'excès de pouvoir, ce qui est un cas d'ouverture de pourvoi en cassation. V. par exemple l'article 485 du Code de Procédure Pénale camerounais.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld