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De la répression de l'infraction d'enrichissement illicite en droit positif burundais

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par Gervais NDIRAKOBUCA
Université Espoir d'Afrique - Licence en droit 2013
  

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CHAPITRE II

DOCTRINE ET CADRE LEGAL

L'enrichissement illicite est un concept relativement récent dans la littérature juridique.C'est pour cela quela doctrine nes'y est pas encore largement penchée. Contrairement à la corruption et ses autres infractions connexes, peu de publications ont été faites sur l'enrichissement illicite.

Nonobstant cet état de fait,des initiatives sont venues des organisations

internationales,régionales et de la société civile qui ont produit pas mal de rapports surle phénomène d'enrichissement illicite et les actes répréhensibles qui en sont l'origine. Dans ce chapitre deux aspects seront développés : Le cadre conceptuel de l'enrichissement illicite afin de s'accorder sur son contenu et ses rapports avec d'autres infractions à caractère économiqueet le cadre normatif tant sur le plan international que national.

Des Généralités sur l'Infraction d'Enrichissement Illicite

Il est un constat préalable, la preuve des éléments matériels des infractions à caractère économique, surtout la corruption, est l'une des plus difficiles à apporter,car elle demande des moyens le plus souvent sophistiqués et coûteux qui ne sont pas disponibles pour la majorité des pays en voie de développement.

En matière de corruption, par exemple, «la seulepreuve tangible qu'une infraction a eu lieu entre l'agent public corrompu et son partenaire dans la commission de l'infraction donc l'enrichissement de l'agent corrompu devient la manifestation la plus visible de la corruption. Une infraction comme celle de la corruption exige de démontrer d'une offre ou d'une acceptation entre l'agent public corrompu et le corrupteur, ce qui n'est pas facile

25

dans ces circonstances »17. La corruption,qu'elle soit passive ou active, la difficulté de la preuve réside dans le fait que ce comportement délictueux, est une infraction d'ombre.En effet,les parties prenantes dans l'acte en tire chacune des bénéfices et cultivent ainsi une relation de confiance élevée. En conséquence, aucune des parties n'a intérêt à révéler le pacte du moins jusqu'à ce que l'une d'elles décide de rompre le silence. Les victimes de cette infraction sont le public en général qui n'est pas souvent au courant de cet acte qui est préjudiciable à son égard.

L'une des fréquentes manifestations de cette infraction est l'immense richesse d'un agent public ou mandataire public, malgré ses petits revenus.En effet comme l'a bien observé Rafolisy Patrick Yves Noël« L'extravagance de train de vie de détenteurs de charges publiques et l'étalage ostentatoire de leur richesse constitueraient des indices pouvant fonder une présomption de prévarication »18.

Afin de prévenir que ceux qui tirent profit des infractions à caractère économique puissent rester impunis, des normes internationales et nationales ont été mises en place pour permettre aux autorités de poursuite de traquer plus facilement les délinquants économiques en érigeant l'enrichissement illicite en une infraction autonome.

L'Enrichissement Illicite : Problématique de Définition

Lorsqu'une personne n'est pas en mesure de prouver l'origine licite deson

patrimoine, il peut être coupable d'enrichissement illicite. L'infraction d'enrichissement illicite a été instituée dans quelques pays, y compris le Burundi, pour sanctionner certaines catégories de personnes dont le niveau de vie est sans commune mesure avec leurs revenus légaux.

17 LINDY M., MICHELLE M., MARIANNE M., TAMMAR B., Illicit Enrichment, STAR, The World Bank - UNODC, Conference Edition, p.5

18 RAFOLISYP.Y.N., Protection juridique de l'intégrité morale et développement durable : le cas de Madagascar, Thèse de doctorat en droit privé et sciences criminelles, Université de Limoges, Madagascar, 2008, p.270

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Notion

Le mot illicite vient du latinillicitus. Il désigne ce qui n'est pas permis par la loi ou par la morale.L'acte illicites'entend ainsicomme un acte contraire au droit.On peut ainsi déduire que l'enrichissement illicite est un concept qui désigne le fait de s'enrichir par des moyens contraires à la loi.

Une définition juridique difficile à établir

La notion juridique de l'enrichissement illicite est précisée dans les textes internationaux et nationaux. C'est la convention des Nations Unies contre la corruption qui a bien défini en termes claires l'infraction d'enrichissement illicite. D'après la Convention, l'enrichissement illicite s'entend comme « une augmentation substantielle du patrimoine d'un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapportà ses revenus légitimes »19.

Malgré que l'enrichissement illicite soit reconnu au niveau international, l'incrimination autonome de l'acte d'enrichissement illicite n'est pas universellement acceptée.

La définition de la Convention des Nations Unies contre la Corruption fait ressortir trois élémentsimportants. D'une part, il y a « une augmentation substantielle du patrimoine

d'un agent public »; par augmentation substantielle, il faut comprendre : les actifs
disproportionnée, les avoirs non conformes aux revenus licites, ou au-dessus de ce qui est acquis légalement, mais quel type de patrimoinefaut- il prendre en considération dans la détermination de l'enrichissement illicite. Certains pays ont inséré dans leur législation l'enrichissement en termes d'avoir net en tenant compte les dettes et autres obligations. D'autres tiennent compte du mode de vie d'un agent public au-delà de ce qu'il doit mener grâce aux moyens licitement acquis.

19 Nations Unies, Convention contre la corruption, art.20

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L'intention frauduleuse qui doit être établie par un transfert de fonds importants des individus ou groupe d'individus avec qui l'agent public n'a aucune relation d'affaire ou par un paiement cash des sommes importantes ou l'acquisition des meubles ou immeubles de grande valeur qui dépassent les revenus de l'agent public.Ce qui est important c'est que l'infraction d'enrichissement illicite n'est pas liée à aucune faute, mais l'augmentation substantielle des actifs.

L'absence d'une justification raisonnable pour l'enrichissement est un élément essentiel de l'infraction d'enrichissement illicite. En effet, CNUC, CIALC et CUAPLC s'accordent à affirmer que l'absence de justification pour l'enrichissement est un élément essentiel pour l'infraction d'enrichissement illicite20.

Selon Alejandro E. Alvarez « cette infraction n'interdit pas un acte particulier. Si l'infraction consiste à s'enrichir illégalement, ce résultat d'enrichissement est le produit illégal d'un acte qui n'est pas décrit dans cette norme »21.

La question concerne à ce niveau le respect du principe fondamental en droit pénal, le principe de la légalité pénale (« nullum crimen, nulla poena sine lege »22), reconnu dans presque toutes les législationspénales modernes.

Ainsi, la convention a laissé une large marge aux Etats parties en leur octroyant la latitude d'incriminer ou pas l'acte d'enrichissement illicite.

L'enrichissement illicite : une corruption par défaut

Dans plusieurs législations, l'enrichissement illicite est considéré, aussi bien que plusieurs autres délits, comme une infraction connexe à la Corruption.

20 LINDY M., MICHELLE M., MARIANNE M., et TAMMAR B., op.cit,p.23

21 ALVAREZ A., L'incrimination de la corruption en Argentine, cité par DELMAS MARTY M., Criminalité économique et atteinte à la dignité de la personne, vol.7, Fondation Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 2001, p.32

22 Ce principe énonce qu'il n'y a ni crime ni peine sans loi

28

De l'avis d'Alejandro E. Alvarez, « Le traitement juridique de la corruption ne peut se prétendre complet sans l'analyse d'une infraction conçuepar défaut, c'est-à-dire prévue en cas d'échec du système judiciaire à prouver la corruption »23.

L'enrichissement illicite a été érigé en infraction autonome pour répondre aux besoins juridiquesen vue de contourner les obstacles qu'il y a lorsqu'il faut s'acquitter du fardeau de la preuve dans les cas de corruption et de certaines autres infractions à caractère économique.

La preuve, comme l'indiquent André Vitu et Roger Merle, est tout moyen permettant d'affirmer l'existence ou la non existence d'un fait donné ou encore, l'exactitude ou la fausseté d'une proposition24. En général, il revient au MinistèrePublic de produire tous les éléments prouvant la culpabilité du prévenu en vertu du principe selon lequel « la charge de preuve incombe au demandeur ». Or, les actes de corruption ayant eu lieu entre deux personnes et d'une façon clandestine, il serait difficile à la partie poursuivante d'avoir des preuves. Le seul élément matériel visible estl'immensité de la richesse par rapport aux revenus légaux du corrompu.Ainsi, le prévenu serait appelé à justifier l'origine légal de sa richesse, atténuant ainsi le principe de présomption d'innocence et la charge de la preuve, qui en droit pénal général, revient à la partie poursuivante. Ceci constitue une démarche contraire au principe de la procédure pénale.

Dans certains pays25, les défenseurs des droit de l'Homme se sont opposés à l'autonomisation de l'infraction d'enrichissement illicite, car posant la question de droits fondamentaux, notamment la présomption d'innocence.

23 ALVAREZ E.A., op.cit, p.33

24 MERLE R. et VITU A., Traite de droit criminel, procédure pénale, 3èmeédition, Edition Cujas, Paris, 1985, p.154

25C'est le cas de l'Italie en 1994, la Cour Constitutionnelle italien a déclaré anti constitutionnel la loi sur l'enrichissement illicite (loi n° 356 de 1992) car violant le principe de présomption d'innocence, affaire n° 48/1994. Cité par MUZILA L., On the Take: Criminalizing Illicit Enrichment to Fight

Corruption, http://star.worldbank.org/star/publication/take-criminalizing-illicit-enrichment-fight-, corruption, consulté le 01/ 08/2013

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L'idée qui a été opposée à ces défenseurs de droit de l'Homme a été que l'enrichissement illiciteest du ressort du droit pénal spécial.En droit, le spécial déroge au général et le délit d'enrichissement illicite qui obéit à une procédure spéciale ne doit se voir lui appliquer les principes généraux en matière pénale.

L'Enrichissement Illicite : une Infraction « de Conséquence »

Au coeur d'une infraction d'enrichissement illicite, comme c'est le cas pour toute infraction pénale se trouvent les éléments qui composentl'infraction.L'enrichissement illicite résulte, dans la plupart des cas, de la commission d'autres infractions notamment la corruption et ses infractions connexes.En effet, les activités économiques qui conduisent à l'enrichissement doivent être connues.Il est souvent difficile de connaitre les origines d'immenses fortunes des agents publics.Il revient donc au fonctionnaire présumé de s'être enrichi illégalement de prouver le contraire.S'il n'arrive pas à justifier l'origine licite de sa fortune alors son enrichissement est la conséquence des infractions qu'il aurait commises.Nous allons voir les différentes infractions qui peuvent conduire à un enrichissement illicite dans la section suivante.

Distinction et Rapport entre l'Enrichissement Illicite et Quelques
autresInfractions

En matière d'enrichissement illicite, c'est l'origine de cet enrichissement qui intéresse le législateur. En fait, l'auteur a acquis des richesses de manière illicite après avoir commis d'autres infractions, prévues par le système pénal général ou spécial. Il s'agit, dans plusieurslégislations, des cas d'infractions quenous allons évoquer dans les paragraphes qui suivent.

30

La Corruption

La Corruption, dans toutes ses variantes,est probablement l'une des principales sources de l'enrichissement illicite.PierreLascoumes définitla corruptioncomme étant :«le comportement du détenteur d'une autorité qui, dans le cadre de ses fonctions publiques ou privées, utilise sa situation de pouvoir pour détourner une règle, à son profit, ou à celui d'une autre personne ou d'une autre organisation »26.

Cette définition nous semble incomplète car elle fait référence à une seule partie, celui qui reçoit la corruption.La définition donnée par Transparency International nous parait très pertinente dans le cadre de notre réflexion. Selon cette organisation la corruption s'entend comme « Pratique qui vise à proposer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, qu'elle accomplisse ou qu'elle s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa mission ou son mandat »27.

La corruption suppose un échange. Le coeur de cet échange est désigné par les juristes anglo-saxons selon l'adage latin quid pro quo. Le « quid » pour une des parties, le corrupteur,est le plus souvent un don, un bien ou une promessealors que le « quo » de l'autre partie, le corrompu, est le plus souvent une décision ou absence de décision dans l'exercice de ses fonctions.Ainsi, comme l'indique Fitzgerald Philip, «la corruption fait clairement référence à unétat bilatéral et synallagmatique (...). Synallagmatique puisque à cause de l'échange entre les deux parties, ce qui constitue l'objet de la démarche de l'un constitue le moyen utilisé par l'autre pour atteindre le but et vice versa »28.

26 LASCOUMES P., Corruptions, Presses de Science PO, Paris, 1999, p.36

27 Transparency International,Combattre la corruption: enjeux et perspectives, Ed. Karthala, Paris, 2002 pp.186-189

28 FITZGERALD P.,Les dispositifs juridiques internationaux dans la lutte contre la corruption des agents publics étrangers, Thèse de doctorat en droit public, Université du Sud Toulon-var, novembre 2011, p.16

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Traditionnellement la doctrine distingue deux formes de corruption en fonction de la qualité de l'auteur: la corruption passive et la corruption active.

La corruption passive

La corruption passive désigne« Le fait pour un agent public de solliciter ou d'accepter, directement ou indirectement, un avantage indu, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir un acte dans l'exercice de ses fonctions officielles »29.

Cette définition envisage deuxconduites : solliciter, accepter qui marquent les différentes étapes de la réalisation d'un accord illicite entre le corrupteur et le corrompu. Deux cas sont possibles : le corrompu sollicite un avantage indu.Le corrupteur consent à la sollicitation et le corrompu accepte l'avantage.

Le Code pénal burundais en son article 420 prévoit que l'avantage peut avoir été sollicitéou agréé, reçu par un intermédiaire à son profit ou à celui d'autrui.30 Cette possibilitéofferte par la législation burundaise permettrait de poursuivre toute transactionillicite entre le particulier et le fonctionnaire, même sans avantage économique directpour ce dernier.C'est l'hypothèse où, par exemple le destinataire de l'avantage serait un parti politique.

Unfonctionnaire peut accepter des dons ou cadeaux qui lui ont été faitssans finalité apparente. Dansce cas une condition préalable peut être soulevée. Il faut que le fonctionnaire sacheque ces avantages lui ont été offertsen considération de sa fonction «de telle façon que si cette fonctionn'était pas occupée par le sujet actif, le particulier ne lui aurait pas fait ce présent31.

29Les référentiels de la lutte contre la corruption, http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_1_Etude Corruption200609partie4.pdf, consulté le 05/08/2013

30 Loi n°1/05 du 22 avril 2009, portant révision du Code pénal, in B.O.B. n°4 Bis/2009, p.891

31 ALVAREZ E.A., op.cit, p.40

32

L'autre comportement est celui qui peut surgir dans l'hypothèse du fonctionnaire qui accepte les dons ou les cadeaux offerts afin qu'il exécute un acte non prohibé par la loi. C'est le cas d'un fonctionnaire qui monnaie les services publics.

La corruption active

L'infraction de corruption a lieu quand il y a deux parties, celle qui corrompt et celle qui est corrompue. La corruption active d'agents publics nationaux est définie dans la convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe comme : « Le fait de proposer, d'offrirou de donner, directement ou indirectement, tout avantage indu à l'un de ses agents publics, pour lui-même ou pour quelqu'un d'autre, afin qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte dans l'exercice de ses fonctions »32.

Dans les cas de la corruption active, l'intention doit être liée à un résultat ultérieur, à savoir un acte que l'agent public doit accomplir ou s'abstenir d'accomplir en fonction de l'intention du corrupteur.Peu importe que l'agent public ait agi ou se soit abstenu d'agir.

Par ailleurs, d'après la convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe, le corrupteur peut agir à titre personnel ou pour le compte d'une entreprise.Dans le cas où le corrupteur agit dans le cadre d'une entreprise privée, celle-ci peut être tenue responsable en tant que personne morale33.

Le Trafic d'Influence

D'après l'article 431 ducode pénal burundais, le trafic d'influence est le fait pour «toute personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat public électif, desolliciter ou agréer, sans droit, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour user de son influence

32 Conseil de l'Europe, Convention pénale sur la corruption, art.2

33 Conseil de l'Europe, Convention pénale sur la corruption, art.18

33

réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable»34.

La convention des Nations Unies contre la corruptiondonne une définition de

l'infraction de trafic d'influence beaucoup plusexplicite en son article 18. D'après cet

article,il y a trafic d'influence lorsque les actes ont été commis intentionnellement : « Au fait de promettre, d'offrir ou d'accorder à un agent public ou àtoute autre personne, directement ou indirectement, un avantage indu afin queledit agent ou ladite personne abuse de son influence réelle ou supposée en vued'obtenir d'une administration ou d'une autorité publique de l'État Partie unavantage indu pour l'instigateur initial de l'acte ou pour toute autre personne;

Au fait, pour un agent public ou toute autre personne, de solliciter oud'accepter, directement ou indirectement, un avantage indu pour lui-même ouelle-même ou pour une autre personne afin d'abuser de son influence réelle ousupposée en vue de faire obtenir d'une administration ou d'une autorité publiquede l'État Partie un avantage indu »35.

Il ressort de ces dispositions que l'infraction de trafic d'influence et celle de

corruption présentent des similitudes.En effet, comme pour la corruption, le trafic d'influence peut être actif et passif. Un corrupteur est coupable s'il offre, promet ou octroie un avantage indu à une personne, de façon à ce que le destinataire exerce son influence sur la prise de décision d'un agentpublic. Inversement, un « revendeur d'influence » est coupable s'il demande, sollicite, reçoit ou accepte un avantage indu d'une personne, en contrepartie de l'exercice de son influence.

Néanmoins, la distinction entre ces dernières réside dans le faitque le trafic d'influence suppose l'abus d'une influence, réelle ou supposée, pour faire obtenir une

34 Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code pénal, art.431

35 Art.18 de la Conventions des Nations Unies sur la lutte contre la corruption

34

faveur quelconque ou une décision favorable d'une autorité publique ou d'une administration.

Ici, l'acte de complaisance n'est pas la décision espérée, mais seulement la démarche promise et ce quelque soit son résultat, voire son existence, l'auteur de l'infraction n'étant pas lui-même habilité à prendre cette décision36.

En fait, l'infraction ciblenon pas le décideur, maisles personnes, qui prochesdu pouvoir, tentent d'obtenir des avantages en raison de leur situation en influençant le décideur. L'infraction traite donc ce qu'on appelle la «corruption ambiante»37.

En somme, le délit cibleplutôt les personnes côtoyant les personnalités ayant du pouvoir et qui essaient d'obtenir des avantages de par leur situation en influençant la personne qui prend les décisions.

Prise Illégale d'Intérêts

La prise illégale d'intérêt est établie lorsqu'un agent public a pris ou trouvé dans ses rapports avec l'administrationun quelconque intérêt personnel. Celui-ci pouvant être pécuniaire, moral, politique, important, minime ou insignifiant, ou bien plus important la satisfactiond'une vanitéou un intérêt d'affection38.

D'aprèsl'article 440 du code pénal burundais, sera puni pourprise illégale d'intérêt « toute personne dépositaire de l'autorité publique, ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat public électif, qui prend, reçoit ou conserve, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement »39.

36 OCDE, Corruption, glossaires des normes internationales, les Editions de l'OCDE, Paris, 2008, p.32, www.sourceocde.org/economiestranstion/9789264044029, visité le 15 août 2013

37 OCDE, Rapport explicatif, convention pénale du Conseil de l'Europe, pp.65-66

38 Mairie-Conseils, Le délit de prise illégal d'intérêt, Article mis en ligne le 20 mai 2013, http://www.mairieconseils.net/cs/BlobServer?, dernière visite le 18 août 2013

39 Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code pénal, art.440

35

L'instauration de ce délit dans le code pénal burundais fait obstacle à ce qu'une personne exerçant une fonction publique, ou ayant un mandat électif,se place dans une situation où son propre intérêt entre en conflit avec l'intérêt public dont elle a la charge. A titre d'exemple, un fonctionnaire peut créer une entreprise sous le nom d'untiers. Cette entrepriseva exécuter des marchés publics octroyés par ce fonctionnaire. C'est ce qu'interdit le code pénal burundais.

D'après la jurisprudence française,le délit de priseillégale d'intérêt « se consommeaussi par le seul abus de la fonction indépendammentde la recherche de gainou tout autre avantage personnel40.

La Concussion

Selon une approche imagée, on pourraitcomprendre la concussion par le fait de « cueillir plus de fruits en secouant un arbre, c'est-à-dire en plus de ceux qui tombent normalement par murissement naturel »41. La Concussionpeut être définie comme «fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, soit de recevoir, exiger, ou ordonner de percevoir à titre de droit ou contribution, impôt ou taxe public, une somme qu'elle sait ne pas être due ou excéder ce qui est du, soit d'accorder une exonération ou franchise de ces droits en violation de la loi »42.

D'après l'article430ducode pénal burundais, peut être poursuivie pour concussion « toute personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, qui reçoit, exige ou ordonne de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes, amende ou cautionnement, revenus ou intérêts, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû »43.

40 Crim, 21 juin, 2000, n°99-86.871, Bull. crim n°239

41 BEAU P., Concussion, Dalloz, Paris, 1977, p.1

42 GUINCHARD S., et DEBARD T., Lexique des termes juridiques, 19ème édition, Dalloz, Paris, 2012, p.114

43 Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code pénal, art.430

36

Il ressort de cette définition que la personne susceptible d'être poursuivie pour concussion doit être un dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service publicqui aurait reçu ou exigé des avantages indus.

Il peut y avoir la concussion dans le cas où un fonctionnaire en chargede gestion de fonds publics oude percevoir des impôts, taxes ou amendes exige un montant supérieur ou inférieur à celui qu'il était en droit de faire sortir ou entrer dans la caisse de l'Etat.

La concussion conduit, en tout état de cause, à un enrichissement illicite du simple fait que l'acte lui procure un gain illicite, et cela en défaveur du Trésor Public.

Soustraction et Détournement des Biens

Selon la définitiondonnée par les Maires de France, lasoustractionou le détournement des bienspublics s'entend comme un «acte par lequel un agent public détourne de leur destination, à son profit ou à celui des tiers, des biens meubles ou immeubles, de l'argent ou des valeurs appartenant à l'État ou à un particulier, qui ont été mis en sa possession en raison de ses fonctions à des fins de gestion, de garde ou autres »44.

LaConvention desNations Unies sur la lutte contre la corruption ajoute à l'infraction de soustraction et détournement des biens publics donnés par les Maires de France l'usage illicite des biens par un agent public. En effet en son article 17, la convention demande aux Etats Partie« d'adopter des mesureslégislatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale, lorsque les actes ont été commis intentionnellement, à la soustraction, au détournement ou à un autre usage illicite, par un agent public, à son profit ou au profit d'une autre personne ou entité, de tous biens, de tous fonds ou valeurs publics ou privés ou de toute autre chose de valeur qui lui ont été remis à raison de ses fonctions »45.

44 MAIRIE-CONSEILS, article cité supra, http://www.mairieconseils.net/cs/BlobServer?, dernière visite le 18 août 2013

45 Convention des Nations Unies Contre la Corruption, art.17

37

Le code pénal burundais en son article 435 va plus loinet ajoute d'autres éléments. En effet, il définit cette infraction comme « le fait pourtoute personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, tout comptable public, tout dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, des fonds publics ou privés, des effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission »46.

Le faitde détruire des effets, pièces ou titres en tenant lieu,peut constituer l'infraction de soustraction et de détournement des biens dans le cas où, par exemple, un comptable détruitle livre de caisse afin d'échapper au contrôle.

Le Blanchiment

Leblanchiment s'entend comme le« fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, ainsi que d'apporter un concours à une opération de placement, dissimulation ou de conversion du produit de l'une de ces infractions»47.

En général, le blanchiment a eu lieu lorsqu'une personne qui a acquisune richesse d'une façon illégale chercheà la rendre légale. Il s'agitde déposer une somme d'argent acquis d'une manière illégale dans un circuit économique licite.

Le Conseil de l'Europe a défini leblanchiment comme étant «la transformationde fonds illicitesen argent licite, donc susceptible de faire l'objet d'un nouvel investissement dans des secteurs légaux ou utilisables à des fins personnelles »48.

46Loi n°1/05 du 22 avril 2009, portant révision du code pénal de la République du Burundi, in BOB n°04/06, art.435

47 GUINCHARD S., et DEBARD T., op.cit, p.114

48 LOUISJ., HERAIL et PATRICK R., Blanchiment d'argent et crime organisé, PUF, Paris, 1996, p.50

49 Loi n°1/05 du 22 avril 2009, portant révision du code pénal de la République du Burundi, in BOB n°04/06, art.441

38

Sous le coup de l'article 441 du code pénal burundais, serapoursuivi pour blanchiment quiconque procède49 :

A la conversion, le transfert ou la cession des biens en parfaite connaissance que ceux-ci sont le produit d'une infraction en vue de dissimuler ou déguiser l'origine illicite des dits biens ou d'aider toute personne impliquée dans la commission de l'infraction à échapper aux conséquences de son action ;

A la dissimulation ou le déguisement de la nature véritable, l'origine, la situation, la disposition, le mouvement ou la propriété de biens ou les droits, produits d'une infraction ;

A l'acquisition, la possession ou l'utilisation de biens dont l'origine, au moment de l'acquisition, de la détention ou de l'utilisation, est le produit d'une infraction. A la participation à l'un des actes visés aux trois points précédents, l'association pour commettre l'acte, le fait d'aider, d'inciter ou de conseiller quelqu'un à le commettre ou le fait d'en faciliter l'exécution.

Toutes ces infractions sont prévues par le code pénal burundais. Leur caractère

commun est que leur commission conduit à un enrichissement illicite. En effet, comme il a été noté antérieurement, il n'existe pas une définition spécifique à l'infraction d'enrichissement illicite. Ainsi, pour qu'une personne puisse être poursuivie sous le chef de l'infraction d'enrichissement illicite, il faut qu'elle aitcommis un ou plusieurs actes illicites l'ayantconduit à acquérir une richesse dont l'origine ne peut être légalement justifiée. D'où l'infraction d'enrichissement illicite est considérée comme une conséquence directe d'autres infractions à caractère économique.

39

Fondement Juridique de la lutte contre l'Enrichissement Illicite

Il n'existe pas, que ce soit au niveau international ou interne, d'instrument juridique spécifique à l'enrichissement illicite. Il a été considéré comme une infraction connexe à la Corruption. Cette dernière a fait objet de conventions au niveau international et régional (Nations Unies et Union Africaine) et d'une loi spéciale au niveau interne burundais.

Le Cadre Normatif à portéeInternationale

Ce cadreest principalement conventionnelet n'engage que les Etats Parties conformément auprincipepacta sunt servanda50. Il comporte deux volets : l'un étant universel et l'autre étant régional.

Le Texte à portée Universelle : la Convention des Nations UniesContrela

Corruption

La Convention des Nations Unies Contre la Corruption est le premier instrument juridiquement contraignant à s'appliquer à l'échelle mondiale sur cette question. La CNUC a été adoptée en 2003 et est entrée en vigueur en 2005. Elle est ouverte à tous les pays et à toutes les organisations économiques régionales.

La CNUC est unique, comparée aux autres conventions, non seulement en raison de sa couverture mondiale, mais aussi du fait de l'exhaustivité et du caractère détaillé de ses dispositions.

Contrairement aux autres traités internationaux, la convention laisse une très grande marge de manoeuvre aux Etats quant à sa mise en application. Le paragraphe 9de l'article 30 laisse la latitude aux Etats de définir les infractions qui relèvent exclusivement du droit interne des Etats parties. C'est ainsi que les Etats parties à la convention auront des infractions de portée différente.

50 Article 26, convention de vienne sur le droit des traités. Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi

40

Par rapport à l'infraction d'enrichissement illicite, en son article 20, la CNUC dispose que«Sous réserve de sa Constitution et des principes fondamentaux de son système juridique, chaque État Partie envisage d'adopter les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale, lorsque l'acte a été commis intentionnellement, à l'enrichissement illicite (...)».

Par ailleurs, pour la première fois, cet instrument multilatéral pose de manière contraignante le principe de la restitution des avoirs acquis illicitement51. Le Burundi a ratifié la Convention des Nations Unies par la loi n° 1/03 du 18 janvier 2005. Ce qui pourrait justifier les deux lois de 2006 sur la corruption et ses infractions connexes.

Les Textes à Portée Régionale

La Convention de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la Corruption (CUAPLC) est le principal texte juridique adopté sur le continent africain en matière de lutte contre la corruption. Elle est juridiquement contraignante. Adoptée en 2003, elle est entrée en vigueur en 2006.

Toutes les dispositions de la CUAPLC sont obligatoires, y compris celles sur la corruption dans le secteur privé. La convention fait référence explicite sur l'enrichissement illicite et en donne une définition claire.

L'enrichissement illicite est défini comme étant «l'augmentation substantielle des biens d'un agent public ou de toute autre personne que celui-ci ne peut justifier au regard de ses revenus »52.

51 Selon l'article 31 de la CACC, « Chaque État Partie prend, dans toute la mesure possible dans le cadre de son système juridique interne, les mesures nécessaires pour permettre la confiscation: a) Du produit du crime provenant d'infractions établies conformément à la présente Convention ou de biens dont la valeur correspond à celle de ce produit; b) Des biens, matériels ou autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour les infractions établies conformément à la présente Convention

2. Chaque État Partie prend les mesures nécessaires pour permettre l'identification, la localisation, le gel ou la saisie de tout ce qui est mentionné au paragraphe 1 du présent article aux fins de confiscation éventuelle

52 Art.1 de la Convention de l'Union Africaine pour la prévention et la lutte contre la corruption

41

En son article 8, alinéa 1, la CUAPLC dispose que« Sous réserve des dispositions de leurs lois nationales, les Etats parties s'engagent à adopter les mesures nécessaires pour définir l'enrichissement illicite comme infraction, en vertu de leurs lois nationales ».

La CUAPLCva plus loin et exige une transparence dans le financement des partis politique53. Par ailleurs, la CUAPLC aborde la prévention, l'incrimination, la coopération et l'assistance mutuelle, ainsi que la restitution des avoirs.

La CUAPLCoffre aux Etats le choix de ne pas incriminer l'enrichissement illicite si le droit national ne le permet pas. En effet, beaucoup d'analystes ont considéré les dispositions sur l'enrichissement illicite comme portant atteinte au principe deprésomption d'innocence garanti dans les Constitutions de plusieurs pays comme étant undroit fondamental.Le Burundi a ratifié la CUAPLC le 18 janvier 200554.

Ces deux conventions posent des jalons aux Etats pour prévenir et réprimer l'infraction d'enrichissement illicite. La Convention des Nations Unies ne prévoit ni demécanismes de suivini de mécanismes de sanctions à l'encontre des Etats qui ne l'appliquent pas. En revanche, la Convention de l'Union Africaine prévoit la mise en place d'un Comité consultatif 55 et des mécanismes internes notamment une autoritéou une agence nationale de lutte contre la corruption56.

LeCadre Normatif au Niveau Interne

Comme nous venons de le voir, le Burundi a ratifié les deux instruments juridiques de lutte contre la corruption et les infractions connexes. Par ailleurs, tous les deux textes demandent aux Etats d'intégrer dans leur droit positif interne l'incrimination des actes de corruption et d'autres infractions à caractère économique.

53 Art.10 de la CUAPLC

54 Loi n° 1/02 du 18 janvier 2005 portant ratification par la République du Burundi de la Convention de l'Union Africaine sur la Prévention et la lutte contre la corruption

55 Art.22 de la Convention de l'Union Africaine pour la Prévention et la Lutte Conte la Corruption

56 Art.20 de la Convention de l'Union Africainepour la Prévention et la Lutte Conte la Corruption

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La loi du 18 avril 2006et le Code Pénal d'avril 2009

Laloi n°1/12 du 18 avril2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruptionet des infractions connexes dispose en son article 58«Est punie d'une servitude pénale de trois ans à cinq ans et d'une amende portée du simple jusqu'au double de la valeur du bien, toute personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat public électif, dont l'origine illicite a été établie par une décision judiciaire ».

Cette disposition est intégralement reprise par le code pénal burundais du 22 avril 2009 en son article 438.

Cependant, la loi apporte une innovation dans la prévention et la répression de la corruption et des infractions connexes en introduisant l'obligation aux mandataires publics de déclarer leur patrimoine avant leur entrée en fonction.

En effet, le titre III de la loi précitéeconsacre la déclaration du patrimoine par les différents mandataires publics devant laCour d'Appel ou la Cour Suprême.

Pour les mandataires publics justiciables à la Cour suprême, ils sont tenus de faire une déclaration certifiée sur honneur exacte et sincère, de leurs biens et patrimoine ainsi que ceux de leurs conjoints et enfants mineurs qu'ils soient propriétaires, usagers ou détenteurs habituels57.En fin de mandat, le mandataire public doit déposer auprès de la même juridictionune déclaration de son patrimoine.

Pour les autres agents et mandataires publics justiciables aux juridictions inférieures, ils sont tenus de faire leur déclarationde patrimoine à la Cour d'Appel ou au Tribunal de Grande Instance selon leur rang58.

Cetteclause de déclaration du patrimoine est encadrée par l'obligation de confidentialité qui s'impose aux dépositaires des déclarations.

57 La Convention des Nations Unies Contre la Corruption, art.29

58 La Convention des Nations Unies Contre la Corruption, art.32

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Aussi faut-il remarquerque d'après nos recherches, il se trouve que trèspeu de personnes concernéesne se soumettent que partiellement à cette obligation. En effet, elles ne le font qu'en début du mandat et jamais à la fin de celui-ci.

Il est juridiquement admis que toute règle de droit, même solidement fondée, ne produit aucun effet, si elle n'est pas mise en oeuvre selon les mécanismescohérents et adéquats.Ainsi, le législateurburundaisa pris soin de prévenir et de réprimer l'infraction d'enrichissement illiciteen mettant en place des mécanismes y relatifs.

Mécanisme de la Prévention et de la Répression de ces Infractions

Il existe des mécanismes non-juridictionnels et ceux juridictionnels en matière de lutte contre les infractions à caractère économique. Les premiers assurent la prévention tandis que les seconds jouent le rôle répressif.

La distinction entre ces deux types de mécanismes réside dans le fait que ceux dits juridictionnels sont étatiques et donnent lieuà desdécisions revêtues de l'autorité de la chose jugée. Quant aux mécanismes non juridictionnels, ils se déroulent devant une instance ayantun caractère étatique administratif ou non-étatique.Les décisions qui en découlent restentnon contraignantes et donc non obligatoires en droit59.

Des Mécanismes non Juridictionnels Publics

Afin d'assainir la gouvernance économique et dans l'optique de se conformer à ses obligations internationales, le Burundi a mis en place des mécanismes non juridictionnelsdeprévention des infractions à caractère économique.

59 FREDERIC S., Droit international européen des droit de l'Homme, 4e éd., PUF, Paris, 1999, p.280

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De l'Inspection Générale de l'Etat

L'Inspection Générale de l'Etat, une institution supérieure de contrôle de l'Etatà caractère administratif, a été créée pour la première fois au Burundi par un décret du 27 septembre 200660.Elle a été réorganisée, pour mieux accomplir ses missions, par le décret n° 100/09 du 15 janvier 201061.Elle a pour mission permanente d'inspecter et de contrôler l'organisation, le fonctionnement et la gestion des services publics, les institutions de l'Etat et les organismes publics ainsi que les entreprises ou associations privées.

D'aprèsl'article 5 du décret no100/09 du 15 janvier 2010 portant réorganisation de l'Inspection Générale de l'Etat, la mission de l'Inspection Générale de l'Etat s'exerce également sur toutes les personnes morales constituées sous forme d'établissements ou d'association bénéficiant des concours financiers, avals ou garanties de l'Etat et des autres personnes morales publiques.

Les missions de l'Inspection Générale de l'Etat sont inopinées lorsqu'elles portent sur le contrôle des caisses.Elles ne doivent doncfaire l'objet d'aucune communication préalable.

Il ressort des missions de l'Inspection Générale de l'Etat que son rôle préventif des infractions à caractère économique conduisant à l'enrichissement illicite est indéniable.En effet, toute tentative de détournement des fonds publics, de mauvaise gestion, de gestion frauduleuseou de corruption risque d'être détectée par l'Inspection Générale de l'Etat.

Cependant, quand bien même des actes de détournement ou de corruption étaient détectés, l'IGE ne serait pas efficace car, comme l'indique l'article 68 du Décret n°100/09 du 15 janvier 2010 portant réorganisation de l'Inspection Générale de l'Etat «les Inspecteurs de l'Etat n'ont aucun pouvoir de décision vis-à-vis des organes contrôlés et ne peuvent s'immiscer dans leur gestion à quelque titre que ce soit ».

60Décret n° 100/277 du 27 septembre 2006 portant Création, Attributions, Organisation et Fonctionnement de l'Inspection Générale de l'Etat, in B.O.B. n°9/2006, p.1272

61 Décret n°100/09 du 15 janvier 2010 portant réorganisation de l'Inspection Générale de l'Etat, in B.O.B. n°1Ter/2010, p.231

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En revanche, l'article 72 du Décretprécité prévoit qu' « en cas d'irrégularités graves et manifeste ou de faits et actes préjudiciables aux intérêts de l'organisme contrôlé, l'Inspecteur de l'Etat, dans le butd'assurer la sauvegarde des biens publics, est habilitéà prendre ou à faire prendre des mesures conservatoires requises à l'exclusion de toutesmesuresprivatives ou restrictivesdes libertés des personnes en cause.

Cependant, pour ces dernières, l'Inspecteur Général de l'Etat transmet immédiatement un rapport circonstancié au Ministère Public pour action ».

De la Cour des Comptes

La Cour des Comptes, une institution rattachée à l'Assemblée Nationale, a été créée par la Loi du 31 mars 200462. L'article 2 dela même loi, confère à cette dernièretrois principales missions, à savoir, celle de contrôle, celle d'information et, anciennement, celle juridictionnelle.

Il importe de signaler, à toutes fins utiles, qu'avant2004, la Cour des comptes dont l'histoire date déjà de 1962, a existé comme une juridiction. En effet, l'art 8 du Décret loi n°1/2 du 31 janvier 1989 portant création, organisation et compétence de cette Cour des Comptesindiquait que cette dernière était juge d'exception de certaines infractions pénales commises par les agents ou mandataires publics au préjudice des personnes publiques et veillait à l'application des lois spéciales relatives aux incompatibilitésattachées aux fonctions des agents ou mandataires publics et à la justification de l'origine licite de leurs biens.

S'agissant du contrôle, la Cour des Comptes s'acquitte de sa mission à trois niveaux.Le premier concerne le contrôle financier par lequel la Cour des Comptes vérifie l'exactitude, la fiabilité et l'exhaustivité des états financiers en s'assurant de la conformité des opérations comptables à la réglementation sur la comptabilité publique.

62 Loi n°1/002 du 31 mars 2004 portant création, missions, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes, in B.O.B. n°3 Bis/2004, p.251

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L'autre niveau de contrôle s'occupe de la légalité et s'exerce sur les recettes et les dépenses publiques. Il permet à la Cour des comptes de vérifier leur conformité à la loi budgétaire et de s'assurer de l'application correcte des règles de droit dont ressortent les opérations contrôlées.

Quant au dernier niveau de contrôle qui concerne le bon emploi des deniers publics, sa nature est définie par référence aux concepts d'économie, d'efficacité et d'efficience en déterminant les ressources mises en oeuvre, leur utilisation optimale et les résultats obtenus.

La seconde mission est celle d'information.Elle consiste pour la Cour des Comptes à communiquer le résultat de ses missions de contrôle à l'Assemblée Nationale.

Elle communique à l'Assemblée Nationale tout engagement, ordonnancement ou paiement des dépenses faits au delà ou en dehors des crédits prévus aux budgets. Dans ce même cadre, la Cour des Comptestransmet à l'Assemblée Nationale préalablement au vote, ses commentaires à propos de tous les projets de budgets qui sont soumis au suffrage.

Aux termes de la loi créant la Cour des Comptes précitée63, cette Cour était investie d'une mission juridictionnelle à l'égard des ordonnateurs et des comptables publics. Outre que le caractère juridictionnel de cette mission la plaçait hors cadre des mécanismes non juridictionnels sous examen, il ressort de notre recherche que cette mission a été déniée à la Cour des Comptes pour cause d'inconstitutionnalité par l'arrêt RCCB 160-161 que la Cour Constitutionnellea rendu en date du 2 mars 2006.

En effet, l'article 178 de la Constitution précise que la Cour des Comptes dépend de l'Assemblée Nationale.Elle est donc du ressort du Pouvoir Législatif qui se distingue du Pouvoir Judiciaire. La Cour Constitutionnelle a déclaréanticonstitutionnels les articles

63 Article 2; litera c de la loi n 1/ 002 du 31 mars 2004 portant création, missions, organisation et fonctionnement de la Cour des Comptes

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2c,32,et 35de la loi du 31 mars2004, qui conféraient une mission juridictionnelle à la Cour des comptes,car contraire à l'article 178 de la Constitution64.

Bref, il nous semble que la Cour des Comptes n'a rien d'une Cour sauf de nom, car il n'est qu'un instrument du Pouvoir Législatif.

Des Mécanismes non Juridictionnels Privés

Ces mécanismes sont essentiellement constitués par les organisations et réseaux de la Société Civile. Même si la notion de Société Civile reste controversée parce qu'à ce jour il n'y a pas d'unanimité sur sa définition appropriée, on s'accorde à penser qu'elle comprend les organisations, structures et réseaux qui, tout en opérant à l'écart des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, communiquent avec eux de multiples façons.Autrement dit, la société civile est composée des organisations et réseaux qui opèrent en dehors de l'appareil de l'Etat.

Les caractéristiques majeures des organisations de la Société Civile sont l'indépendance, l'autonomie, la démarche non partisane et une ligne d'action axée sur la citoyenneté65.

L'action de la Société Civile participe à la promotion d'une citoyenneté active exigeante et réceptive au plaidoyer contre la corruption et ses infractions connexes.Elle doit entreprendre une action de sensibilisation favorisant une meilleure gouvernance.

La Société Civile doit développer sa capacité à amener les populations à s'approprier activement le plaidoyer contre la corruption et ses infractions connexes.En effet, il lui revient d'exercer une fonction de veille et d'alerte pour provoquer le

64 La Cour des Comptes présente au Parlement un rapport sur la régularité du compte général de l'Etat et confirme si les fonds ont été utilisés conformément aux procédures établies et au budget approuvé par le Parlement. Elle donne copie dudit rapport au Gouvernement

65 Transparency International,Combattre la corruption: enjeux et perspectives, Ed. Karthala, Paris, p.186

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développement d'un reflexe contre la corruption et ses infractions connexes chez les citoyens qui en sont les principales victimes66.

En ce qui concerne la Société Civile burundaise, seules quelques organisations s'intéressent à la lutte contre lacorruption et ses infractions connexes. Il s'agit, entre autres, du PARCEMet de l'OLUCOME.Au regard de leurs statuts, certains de leurs objectifs sont en dehors du cadre des Associations Sans But Lucratif. En effet, et à titre d'exemple, certains engagements pris par l'OLUCOME à l'article 4 de ses statuts semblent plutôt digne d'un Gouvernement ou tout au moins d'un parti politique.A titre d'illustration, l'OLUCOME s'engageà « promouvoir la mise sur pied d'une magistrature indépendante et compétente dévouée à faire respecter l'Etat de droit ».Ce type d'engagement est manifestement hors portée d'une simple association car un domaine aussi régalien que la justice ou la magistrature ne doit sa promotion ou sa mise sur pied qu'aux détenteurs du pouvoir politique réel.Cet engagement peut aussi émaner d'un parti politique qui en ferait la réalisation une fois élu pour gérer les affaires du pays.

Selon Transparency International, la société civile devait participer à la promotion d'une citoyenneté active, exigeante et réceptive au plaidoyer contre la corruption, entreprendre une action de sensibilisation favorisant une meilleure gouvernance, exercer une fonction de veille et d'alerte pour développer un reflexe contre la corruption chez les citoyens qui en sont victimes67.

L'inefficacité de certainesassociations de la société civile burundaiseen matière de lutte contre les malversations économiques résulte essentiellement de la mauvaise définition de leurs objectifs ainsi que la mise en oeuvre qu'elles en font.

Le rôle des mécanismes non juridictionnels est essentiellement la prévention de la corruption et sesinfractions connexes. Leur apport laisse à désirer au regard de leurs faibles performances actuelles. Cependant en vue d'assurer une bonne répression de toutes ces

66 Transparency International,Combattre la corruption: enjeux et perspectives, Ed. Karthala, Paris, pp.186-189

67 Transparency International, op.cit., p.189

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infractions, le législateur burundais a mis en place tout un arsenal juridique chargé de leur répression.

Des Mécanismes Juridictionnels

La répression de l'infraction d'enrichissement illicite est confiée à la Cour Anticorruption. Dans cette mission, interviennent également le Parquet Général Près la Cour Anti-corruption et la Brigade Spéciale Anti-corruption.

De la Brigade Spéciale Anti-corruption

Créée par la loi du 28 décembre 200668, la Brigade Spéciale Anti-corruption est une véritable Police Judiciaire en vertu de l'article 1 de ladite loi.Elle exerce ces missions de police judiciaire en matière de corruption et de ses infractions connexes telles que reconnues par la loi du 18 avril 200669.

Une autorité de police

La loi n° 1/37 du 28décembre 2006 octroie les pouvoirs d'OPJ aux officiers de la Brigade Spéciale Anti-corruption. A ce titre, ils ont les compétences de constater l'infraction d'enrichissement illicite, d'en rassembler les indices, d'en rechercher l'auteur, le cas échéant à procéder à la garde à vue conformément au Code de Procédure Pénale.

Les pouvoirs de l'officier de la Brigade Spéciale Anti-corruption sont précisés aux articles 7,8, 9 et 10 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes.

Par ailleurs, cette loi lui a conféré trois missions. La première consiste à exploiter les doléances ou plaintes relatives aux faits soupçonnés de corruption ou d'infractions connexes.La seconde est de saisir le Ministère public à l'issue de ses investigations, des

68 Loi n°1/37 du 28 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade Spéciale Anti-corruption, in B.O.B., 2006, n° 12 69Loin°1/12 du 18 avril 2006, portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, in B.O.B., n° 4/06

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faits susceptibles de constituer la corruption ou ses infractions connexes. La dernière, quant à elle, consiste à coopérer avec les organismes nationaux, étrangers et internationaux de lutte contre la corruption et des infractions connexes.

Dénonciation auprès de la Brigade Spéciale Anti-corruption

D'aprèsl'article 69dela Constitutionde la République du Burundi70, les biens publics sont sacrés et inviolables. Chacun est tenu de les respecter scrupuleusement et de les protéger.Elle appelle ainsi, tout Burundais à défendre le patrimoine de la nation.

Chaque citoyen burundais a le devoir civique de dénoncer les actes qui portent préjudice au patrimoine de l'Etat. Au delà du devoir civique, la loi prévoit une récompense àquiconque aura contribué à la dénonciation des infractions de corruptions et ses infractions connexes dont l'enrichissement illicite71.

Par ailleurs,l'article 12 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, prévoit quependant l'enquête, l'instruction et le procès, l'autorité compétente saisie des infractions par la présente loi, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des personnes qui ont porté une aide quelconque ou qui ont collaboré avec les autorités compétentes pour faire des investigations ou engager des poursuites et les témoins à chargeou àdécharge72.

Néanmoins, toute personne qui aura fait de fausses déclarations écrites ou verbales ou ne reflétant pas la vérité par rapportaux infractions prévues par la loi du 18 avril 2006,

70Loi n°1/ 010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi, art.69

71Loi n°1/12 du 18 avril 2006, portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, in B.O.B., n° 4/06. D'après cet article, les primes prévues pour toute personne ayant dénoncé les actes de corruption sont de l'ordre de 1/5 de la valeur des biens confisqués de l'auteur de l'infraction et cent mille à trois cent mille francs sont payés par le condamné au cas où l'infraction dénoncé n'a pas entrainé la confiscation des biens

72 Loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes,art.12

51

sera punie d'une servitude pénale de cinq à dix ans et d'une amende de cinq cent mille à un million de francs burundais.

Le législateur burundais, en octroyant une prime à la personne ayant dénoncé l'infraction de corruption ou ses infractions connexes, a encouragé les citoyens à la responsabilité civique. Mais ce qu'il a donné par la main gauchel'a récupéré par la main droite, au regard des sanctions prévues en cas de fausses déclarations. Certes, les fausses déclarations constituent une infraction, mais tout en reconnaissant que les actes de corruption et des infractions connexes, et plus particulièrement l'enrichissement illicite sont des faits qui se commettent à l'abri des regards, la preuve estdifficile à apporter par la personne ayant eu l'audace de les dénoncer.

L'apport de la Brigade Spéciale Anti-corruption dans la lutte contre la corruption et ses infractions connexes reste minime car la compétence personnelle de certains de ses agents ne colle pas avec les missions spéciales confiées à cette institution. Il nous semble en effet, qu'avant d'être un policier spécial, il faudrait d'abord être un policier.

Du Parquet Général Près la Cour Anti-corruption : une autorité d'instruction

et de poursuite

En matière de corruption, les diligences du Ministère Public sont faites par le Parquet Général Près la CourAnti-Corruption conformément aux dispositions de la loi du 18 avril2006portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes73.Ce Parquet Général Près la Couranti-corruption, supervisé par le Procureur Général de la République, a pour mission de rechercher à charge des personnes qui ne bénéficient pas du privilège de juridiction prévues par les article 32 de la loi régissant la Cour Suprême et 28 de cette même loi, les infraction de corruptions et les infractions connexes à la corruption, reçoit les dénonciations y relatives, fait tous les actes

73 Loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, art.24

52

d'instruction et saisit la Cour Anti-Corruption lorsqu'il ne décide pas du classement sans

suite.

Pour les personnes qui bénéficient du privilège de juridiction prévues par les articles cités au précédent paragraphe, le Parquet Général de la République se substitue au Parquet Général près la Cour Anti-Corruption.

De la Cour Anti-corruption

Créée par la loi no1/36 du 13 décembre 2006 portant création de la cour anti corruption, la Cour Anti-corruption est composée d'un Président, d'un Vice-Président et d'autant de conseillers et de greffiers que de besoin.Cette organisation est précisée à l'article 15 de la loi du 18 avril 2006 précitée.

D'après l'article 22 de la loi no1 /12 du 18 avril portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, la Cour Anti-corruption est seule compétente pour connaitre des infractions de corruption et des infractions connexes à la corruption.

Il est à noter que, d'aprèsl'article 23 de la loi précitée, les arrêts rendus par la Cour anti-corruption sont susceptibles d'opposition, d'appel devant la chambre judiciaire de la Cour Suprême et de cassation devant la Cour Suprême siégeant toutes chambres réunies.Ils sont susceptibles de révision conformément à l'article 43 de la loi régissant la Cour Suprême.

Saisine de la Cour

Le Procureur Général Près la Cour Anti-corruption, une fois qu'il a rassemblé tous les éléments, saisit la Cour anti-corruption. Dans le cas d'infraction d'enrichissement illicite, les éléments de preuve ne sont pas assez faciles à établir d'où se pose la question de la charge de preuve.

53

L'établissement des éléments constitutifs de l'infraction d'enrichissement illicite :

En général,le ministère publicconduit une action publique au nom de l'intérêt général. En cas d'une infraction qui a été commise contre la société, l'Officier du Ministère Public saisit la Cour pour que le préjudice qu'a subi la société soit réparé et que l'auteur soit sanctionné.

Le Ministère Public doit donc rassembler tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il croit susceptibles d'emporter l'intime conviction du juge.

L'élément légal :

Conformément au principe de la légalité des délits et des peines, l'enrichissement illicite est prévu par une loi spéciale de lutte contre la corruption, loi n° 01/12 du 18 avril 2006, en son article 58 et le code pénal burundais en son article 438. En effet, ces deux articles disposent que«Est punie d'une servitude pénale de trois ans à cinq ans et d'une amende portée du simple jusqu'au double de la valeur du bien, toute personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat public électif, dont l'origine illicite a été établie par une décision judiciaire ».De ces dispositions, voyons les éléments matériels de l'infraction d'enrichissement illicite.

Les éléments matériels :

Le plus souvent, les éléments matériels ne sont pas difficiles à rassembler. Dans le cas de l'infraction d'enrichissement illicite, l'élément matériel sera constitué par les biens que leprévenu aura, qui sont visibles et physiquement identifiables pouvant émaner desfaits de corruption, de concussion, .... brefdes actes posés.

L'élémentmoral :

Le plus souvent c'est l'élément moral qui est difficile à prouver. L'exception est faiteen matière d'enrichissement illicite. En tant que « homo economicus », l'agent public qui s'est enrichi illicitement savait très bien ce qu'il attend. A ce niveau on peut présumer

54

son intention morale en commettant l'infraction. Ainsi, « la seule constatationde la violation en connaissance de cause d'une prescription légaleou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée de l'article 121-3 du code pénal français »74.

Les peines :

Le législateur burundais a prévu des peines contre toute personne coupable d'enrichissement illicite.

Des peines peu sévères :

Etre reconnu coupable d'enrichissement illicite estpuni par le législateur burundais. La loi du 18 avril 2006 prévoit une servitude pénale de trois à cinq ans et d'une amendeportée du simple au double de la valeur du bien75.

Notons que les peines prévues pour les actes d'enrichissement illicite sont moins dures que les peines prévues pour les autres infractions à caractère économique énoncées précédemment qui conduisent à l'enrichissement illicite.

Faut-il souligner, à toutes fins utiles, que le législateur burundais n'a pas prévu des sanctions à l'encontre des personnalités devant faire les déclarations de leur patrimoine qui omettraient de le faire ou qui feraient volontairement de fausses déclarations de biens. On pourrait se demander s'il s'agit d'une simple omission ou d'une volonté délibérée.

Des peines complémentaires :

Outre la peine de servitude pénale et d'amende, le législateur burundais a prévu d'autres peines complémentaires. Le code pénal du 22 avril 2009 prévoit la confiscation des biens, l'interdiction définitive du territoire burundais pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à cinq ans pour tout étranger ; l'interdiction pour une durée de dix ans

74 Cass. Cri., 11 janv. 1996, Bull. crim, n°19, repris par LEROY, J., op.cit, p.220

75 Loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, in BOB, 4/06, art.58

55

au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer la fonction professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ; l'interdiction de droits civiques, civils, politiques et de famille tels qu'ils sont déterminés par la loi ;l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée76.

S'il s'agit des personnes morales, ces dernières peuvent encourir des peines complémentaires allant de la confiscation spéciale à l'interdiction pour une durée de cinq ans au maximum : d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ; la fermeture des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés; exclusion des marchés publics ; l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée77.

Par ailleurs, le législateur burundais est allé plus loin en refusant la faveur aux condamnés pour l'infraction d'enrichissement illicite de bénéficier, ni de la grâce, ni de l'amnistie, ni de la grâce amnistiante aussi longtemps qu'ils n'auront pas exécuté les réparations civiles prononcées par la juridiction de jugement78.

L'article 438 du code pénal du Burundi reprend intégralement les peines prévues par la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes mais la formulation a changé au niveau des sous titres. La loi prévoyait des « peines accessoires ». Le code pénal les a repris sous l'appellation « peines complémentaires ».

Exécution du jugement :

De par la loi du 18 avril 2006, la Cour Anti-Corruption est seule compétente pour connaître l'infraction d'enrichissement illicite.

76 Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal du Burundi, art.443

77 Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal du Burundi, art.444

78 Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal du Burundi, art.445

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Après l'exercice de toutes les voies de recours prévues par la législation burundaise, la décision de la cour acquiert l'autoritéde la chose jugée et la force exécutoire. Ainsi la décision peut être exécutée par voie de contrainte.

Le Ministère Public Près la Cour Anti-Corruption poursuit l'exécution desdécisions de la cour conformément à l'article 133 du Code de l'Organisationet de la Compétence Judiciaires79.

Les Limites à la Poursuite pour Enrichissement Illicite

Il existe des catégories de personnes qui, de par leur position statutaire, sont les plus exposés à l'infraction de corruption et ses infractions connexes pouvant conduire à l'enrichissement illicite. Conformément à l'article 32 de la loi régissant la Cour suprême, certaines personnalités jouissent de privilèges de juridiction, ne pouvant être poursuivies que par le Parquet Général en cas d'infraction. Par ailleurs, le prévenu pour enrichissement illicite ne sera poursuivi qu'après qu'une décision judiciaire ait été établie préalablement.

Les éléments qui suivent peuvent constituer des limites à la poursuite des personnes accusées d'enrichissement illicite.

Limites émanant de la Loi du 18 avril 2006

Comme nous l'avons vu, c'est laloi n° 1/12 du 18 avril2006 et le code pénal burundais du 22 avril 2009qui définissent l'infraction d'enrichissement illicite. Au fond, cette loi fait ressortir deux limites à la poursuite pour délit d'enrichissement illicite.

Les Personnes Susceptibles d'être poursuivies pour Enrichissement Illicite

La loi du 18 avril 2006et le code pénal de la République du Burundi du 22 avril 2009 envisagent de poursuivre trois catégories de personnes pour enrichissement illicite : il

79 Loin°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, in B.O.B., n° 4/06

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s'agitdetoute personne dépositaire de l'autorité publique, toute personne chargée d'une mission de service public et toute personne investie d'un mandat public électif.

Il s'agit des personnesà qui la communauté a délégué des pouvoirs en son nom. Ainsi, cette loi déroge au caractère généralde la loi.

Il est à noter que dans la loiburundaise, l'infraction se limite seulement à ces personnes énumérées ci-haut et exclut toute autre personne. Quiconquene figurant pas dans ces catégories ne pourraêtre poursuivi pour enrichissement illicite même si les autres éléments constitutifs de cette infraction seront réunies.

Faut-ilremarquer, néanmoins, qu'en vertu de l'application stricte de la loi pénale, la qualité doit être présente au moment de la commission de l'infraction. Ainsi, la poursuite pour enrichissement illicite reste applicable même après la démission, le licenciement, la mise à la retraite oul'achèvement de mission.

Comme il a été souligné ci haut, la loi du 18 avril 2006 innove en ce qu'elle introduit une clause exigeant au mandataire public de faire une déclaration de leur patrimoine en début et en fin de mandat. Nonobstant son caractère révolutionnaire, la portée juridique de la « clause déclaratoire » est limitée. En effet, celle ci ne prévoit pas de sanction au cas où un mandataire public concerné se dérobait à le faire.

La Condition Préalable d'une Décision Judiciaire

Tout procès pénal est guidé par les principes assurant les droits de la personne poursuivie et de la victime d'une infraction. Dans le cas de l'infraction d'enrichissement illicite, le prévenu est celui qui aacquis une richesse et qui n'est pas en mesure d'en justifier l'origine licite. La loi burundaise pose une condition préalable pour qu'une personne soit poursuivie sous le chef d'enrichissement illicite. « Il faut qu'une décision judiciaire ait été préalablement rendue ».Pour comprendre la portéede cette condition, il nous semble utile d'analyser certains principes qui gouvernent la procédure pénale.

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La charge de la preuve

En matière pénale, la preuve consiste à établir aussi bien l'existence d'un fait dans les formes légalement admises que son imputation à une personne. La condition de production de la preuve est régie par trois principes :

Le premier est énoncé selon l'adage actori incombit probatio, la charge de la preuve incombe au demandeur. En vertu du principe de la présomption d'innocence, le ministère public doit « établir tous les éléments constitutifs de l'infraction et l'absence de tous les élémentssusceptibles de la faire disparaître »80 ; De ce principe, on déduit un deuxième reus in excipiendo fit actor,qui met dans certaines circonstances le défendeur en position de demandeurlorsqu'il excipe de certains moyens de défense81 ;

Le deuxième principe vient atténuerle premier. En effet,lorsque le défendeur invoque un fait justificatif, de nature à effacerl'infraction, ou une cause de non imputabilité, susceptible d'écarter sa responsabilité, c'est à lui qu'il appartient d'en faire la démonstration ;

Le troisième principe est exprimé par l'adage in dubio pro reo. Cette règle le dispense d'établir son innocence par des preuves complètes, il suffirait qu'il crée un doute suffisant qui empêche le juge de parvenir à une certitude de culpabilité82. En matière d'enrichissement illicite, le Ministère Public ne dispose pas souvent des

preuves suffisantes pour établir la culpabilité de la personne mise en cause. Mais ce qui

reste constant est son immense richesse et son train de viequi sont en déphasage total avec

le niveau de rémunération légale de la personne accusée.

En droit burundais, le délit d'enrichissement illicite, en raison de sa spécificité, obéit à un régime dérogatoire au droit commun en matière pénale. Cette précision est de

80 Crim., 24 mars 1949, Bull. crim,n°144

81 BUISSON J., Preuve, Recueil, Rép. Pén. Dalloz, Paris, 1999, pp.2 et 3 ; cité dans RAFOLISY P.Y.N., op.cit., p.274

82 MERLE R. et VITU A., op.cit., p.154

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taille car le délit d'enrichissement illicite, bien que prévu dans le code pénal, est aussi prévu par une loi spéciale, loi n°1/12 du 18 avril 2006.

Il revient ainsi à la personne, présumée avoir acquis un bienqu'elle n'est pas en mesure de justifier de produire la preuve de l'origine licite.

La dilution du principe d'administration de la preuve

La disposition de la loi du 18 avril 2006 et le code pénal burundais, semblent dérogeraux deux premiersprincipesd'administration de la preuve en matière d'enrichissement illicite.

En effet, d'après cette disposition, pour être poursuivi pour enrichissement illicite, il faut qu'il y ait eu préalablement une décision judiciaire qui établit l'origine illicite du bien. La portée des deux premiers principes en matière d'administration de la preuve devant le juge tombe à l'eau. Le Ministère Publicn'aura pas besoin de produire de preuves autre que la décision judiciaire déjà établie. Le juge pénal ne fera que constater la décision judiciaire qui établit l'origine illicite des biens avant de prononcer son jugement.

A notre avis, en conditionnant la sanction de l'enrichissement illicite par une décision judiciaire préalable, le législateur burundais serait parti du raisonnement selon lequel l'acte d'enrichissement illicite est une conséquenced'autres infractions. Ilaurait considéré que pour être poursuivi, il faut avoir été condamné sous le chef d'une autre infraction à caractère économique. L'enrichissement illicitedevient par le coup une infraction en concours idéalavec la première.

La question qu'on pourrait se poser est l'autorité des décisions des juridictions de jugement. En principe, une décision de la Cour qui ne fait pas objet d'appel ou qui est rendue par la dernière instance,acquiert l'autorité de la chose jugée. Cette autorité « entraine l'impossibilitéde poursuivre à nouveau pour les même faits, la personne qui,

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pour ces faits, a déjà fait objet d'une décision irrévocable de condamnation, d'exemption de peine, d'acquittement ou de relaxe (non bis in idem) »83.

A cette préoccupation, Bernard Bouloc, citant la jurisprudence française,donne un élément de réponse. En effet, selon cet auteur, «un même fait ne peut donner lieu à deux actions pénales distinctes »84.« Un même fait autrement qualifié ne peut pas entrainer une double déclaration de culpabilité »85.

La doctrine va dans le même sens, «dès lors qu'une juridiction s'était prononcée sur un fait matériel donné, elle l'avait par la même occasionenvisagé sous toutes les qualifications dont il était susceptibles »86.

Toutes ces théories, aussi bien doctrinales que légales, à les supposer connues par le législateur burundais, auraient servi de motif suffisant pour ne pas conditionner les poursuites pour enrichissement illicite à une décision judiciaire préalable. Cette condition a pour effet de rendre les poursuites purement et simplement impossibles.

Au cours de notre recherche, par ailleurs, il nous est apparu que le projet de ladite loi transmis par le Gouvernement à l'Assemblée Nationale, en son article 24, était rédigé de manière à ne pas entraver les poursuites pour enrichissement illicite.En plus, il était plus conforme à la Convention des Nations Unies contre la corruption. Selon ce projet de loi «l'enrichissement illicite est puni d'une servitude pénale de trois à cinq ans et d'une amende portéeau double jusqu'à dix fois la valeur du bien dont il n'est pas à mesure de justifier l'origine licité, toute personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service publique ou investie d'un mandat électif public ou toute autre personne qui se sera enrichie sans pouvoir prouver que cet enrichissement est juste et légal ».Il apparait que ce projet de loi était plus conforme à la Convention des Nations Unies contre

83 BOULOC B., Procédure pénale, 23ème éd., Dalloz, Paris, 2012, p.1021 84Idem, p.1025, citant les jurisprudences, Crim. 9 mai 1961, JCP 1961.II.12223 85Ibidem, citant Crim. 3 mars 1966, Bull.1966, n°79, p.172

86 BOULOC B., op.cit, p.1024

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la corruption et la Convention de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption.

En définitive, la véritable raison de cet état des faits ne pourrait être révélée que par le législateur burundais lui-même.

Limites liées au Privilège de Juridiction

Le privilège de juridiction se définit comme étant un droit, en faveur de certains dignitaires, magistrats ou fonctionnaires, d'être jugés, pour les infractions à la loi pénale qui leur sont reprochées, par une juridiction à laquelle la loi attribue exceptionnellement la compétence87. Or, la seule juridiction habilitéeà connaitre l'infraction d'enrichissement illicite est la Cour anti corruption88.

Cependant, force est de constater quela Cour Anti-corruption ne peut pas juger les personnes ayant le privilège de juridiction puisqu'elles doivent être jugées parla Cour Suprême. Ceci constitue une limite importante dansla mesure où la personne suspecte de s'être enrichie illégalement ne pourra pas se voir déférée devant un juge qui n'a pas de compétence personnelle de la poursuivre. Ainsi, il y a des personnalités qui ne seront jamais poursuivies pour enrichissement illicite.

L'Exclusion des Auteurs privés pour Enrichissement Illicite

Ni la loi n °1/12 du 18 avril 2006portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, ni la loi n 1/05 du 22 avril 2009 portant révision du Code pénal, aucun de ces textes ne poursuit les personnes privées pour enrichissement illicite.

Cela constitue une lacune dans la mesure où des personnes privées peuvent bénéficier des avantages indus et s'enrichir illicitement souvent au détriment du Trésor

87 CORNU G., Vocabulaire des termes juridique, 8ème édition, PUF, Paris, 2010, p.529

88Loi n°1/12 du 18 avril 2006portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes, in B.O.B., n° 4/06

89 Art.19,loi n°1/ 010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi

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Public ou de l'utilité publique. Partons par exemple d'un particulier qui se rendrait coupable de la fraude fiscale à grande échelle.

Cettelacune aurait étécomblée parle législateur burundais en s'inspirant de l'article 1er de la Convention de l'Union Africaine pour la Prévention et la Lutte Contre la Corruptionqui considère quel'infraction d'enrichissementillicite peut être commise par « toute personne ».

En droit international se pose souvent la question d'ordre juridiqueinterne à adopter par les Etats Parties aux traités. La question est d'autant plus pertinente qu'elle se pose dans le cas de l'application de la Convention de l'Union Africaine sur la Prévention et la Lutte Contre la Corruption.

En effet, en son article 1989, la Constitution de la République du Burundi reconnaitcertains textes internationaux comme faisant partie intégrante de la Constitution du Burundi. Cet état de fait confère au Burundi le statut d'un Etat moniste. Pourtant, dans la pratique il se comporte comme un Etat dualiste.

Ceci se justifie par le fait que les textes ratifiés par le Burundi doivent faire objet d'une transposition qui n'est pas, souvent, intégrale. L'intérêt de cette analyse se trouve au niveau de la volonté du législateur d'avoir ignoré l'intégration de la définition de l'infraction de l'enrichissement illicitetelle que prévue par la Convention de l'Union Africaine sur la Prévention et la Lutte Contre la Corruption.

C'est ainsi qu'à ce jour, le droit positif burundais ne réprime pas l'enrichissement illicite commis par des particuliers ou des personnes dépourvu de mandat public ouagissant à titre privée.

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La Confiscation d'avoirs sans Condamnation,Moyens Efficaces de prévenir

l'Enrichissement Illicite

La confiscation des avoirs sans condamnation est un moyen efficace d'aider l'Etat à rentrer dans ses droits et de récupérer les biens volés par les agents publics sans moralité. Cela se trouve d'ailleurs encouragé par la Convention des Nations Unies contre la Corruption qui en son article 54.b demande à tous les Etats-Parties de « d'envisager prendre les mesures nécessaires pour permettre à la confiscation de tels biens en l'absence de condamnation pénale lorsque l'auteur de l'infraction ne peut être poursuivi pour cause de décès, de fuite ou d'absence ou dans d'autres cas appropriés »90.

Ce procédé est d'autant plus important que le vol d'avoirs publics est un problème qui hantent les pays en voie de développement surtout lorsque ces avoirs ont été transférés à l'étranger.

En effet, les pays en voie de développement en général et le Burundi en particulier se heurtent à de sérieux obstacles liés à l'absence de la loi sur la confiscation d'avoirssans condamnation, de moyens d'investigation, de pouvoir judiciaire et de ressources financiers inadéquats (....). Le cas où le suspect est décédé, en fuite, ou bénéficiant d'une immunité officielle empêchant toute enquête ou poursuite judiciaires sont de nature à compliquer cette procédure de restitution des avoirs volés91.

Dans le cas de l'infraction d'enrichissement illicite, la confiscation des avoirs sans condamnation serait un puissant moyen de dissuasion pour ceux qui cherchent à s'enrichir par des moyens malhonnêtes. Ainsi, l'exemple de la Colombie pourrait servir de modèle pour beaucoup de pays à recouvrer les avoirs volés.

En effet, le juge est saisi, lorsqu'il y a eu une augmentation injustifiée des biens personnels à tout moment, et qu'aucune explication sur l'origine licite de celle-ci n'a été

90 Article 54.b de la convention des Nations Unies Contre la corruption

91THEODOREG. ; WINGATE G. et LARISSA Gr.,Biens Mal Acquis. Un guide des bonnes pratiques en matière de confiscation d'actifs sans condamnation, Library of congress, World Bank/StAR, Washington DC,2009, p.25

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fourni ou lorsque l'origine légale de la propriété réclamée au cours du procès ne peut être démontrée.

En ce qui concerne la protection du droit de propriété, la Cour Constitutionnelle Colombienne a noté que la loi ne protège que les droits de ceux qui ont acquis la propriété par des moyens licites.Ceux qui acquièrent des biens illégalement ne peuvent réclamer la protection offerte par le système juridique92.

Cette décision de la Cour Constitutionnelle Colombienne se trouve d'ailleurs appuyée par l'article 12(7) de la Convention des Nations Unies contre les Crimes organisées qui dispose que :« les Etats parties peuvent envisager la possibilité d'exiger qu'un délinquant établisse l'origine licite du produit présumé illicite ou des autres biens passibles de confiscation, dans la mesure où une telle exigence est compatible avec les principes de leurs droits nationaux et de la nature de toutes procédures judiciaires et autres ».

Bien que la procédure jusqu'à l'exécution du jugementen cas d'enrichissement illicite soit établie dans le droit positif burundais, il apparaît qu'elle ne peut être applicable. Le dispositif répressif mis en place pour lutter contre la corruption et ses infractions connexes dont l'enrichissement illicite fait ressortir un bilan mitigé. Jusqu'à ce jour aucune poursuite n'a été engagée contre les personnes susceptibles d'avoir commis l'infraction d'enrichissement illicite tel que prévu par la législation burundaise.

92Cour Constitonnelle, Sentence C-374-94 Juge Gregorio HernandezGalindo in THEODORE G. ; WINGATE G. et LARISSA Gr.,Biens Mal Acquis. Un guide des bonnes pratiques en matière de confiscation d'actifs sans condamnation, Library of congress, World Bank/StAR, Washington DC,2009, p.226

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote