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L'intangibilité des ouvrages publics

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par Henda EL GHOUL
Faculté de droit de Sfax Tunisie - Mastère de recherche en droit public 2013
  

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§ 2 : L'autolimitation du pouvoir d'injonction du juge administratif

S'il appartient au juge de dire le droit87, et en conséquence, d'ordonner toutes les mesures nécessaires au respect de ce droit, « le juge administratif n'use pas dans toutes les hypothèses de ce pouvoir bicéphale qui est pourtant la manifestation la plus parfaite de l'office de juge »88. En effet, celui-ci ne dispose pas de pouvoirs équivalents selon que le litige porte à titre principal sur une personne publique ou une personne privée. A l'égard de la première, ses pouvoirs sont fortement

85 J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous CE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de l'électricité et du gaz des Alpes -Maritimes et commune de Clans c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la pyrrhus du droit de propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 21.

86 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1467.

87 R. PERROT, Institutions Judiciaires, Montchrestien, 10ème éd., 2002, p. 37.

88 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », article précité, p. 1463.

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limités en vertu de la consécration du principe de l'interdiction d'adresser des injonctions à l'Administration89.

L'absence de contrainte pesant sur l'action administrative à travers cette interdiction90 a donné lieu nécessairement à une autre forme d'inhibition, celle de ne pas interférer dans la décision de l'administration de réaliser un ouvrage public. La conjugaison des deux règles est si appuyée qu'elle s'oppose au prononcé d'injonctions même lorsque l'ouvrage public est irrégulièrement implanté puisque cette irrégularité juridique n'entache pas l'intérêt public invoqué. A la lumière de ces deux principes que le juge administratif refuse de prescrire la destruction d'un ouvrage public91.

A cet égard, lorsqu'un ouvrage public est irrégulièrement implanté, le juge administratif ne se reconnaît pas compétent pour adresser des injonctions à l'administration, au motif qu'il ne peut faire acte d'administrateur92. Celui-ci a considéré, à cet effet, que le principe de l'intangibilité des ouvrages publics lui interdit « de quelque manière que ce soit (...) d'ordonner des mesures de nature à porter préjudice aux ouvrages publics ou à leur fonctionnement »93.

89 Le principe de séparation de la juridiction administrative et de l'administration active est une invention française consistant dans le refus d'entraver l'action administrative par le juge administratif, notamment par les injonctions. Dès lors qu'en adressant des ordres à l'administration, le juge entreprend sur la sphère de l'administration active. E. LAFERRIERE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, T.1, LGDJ, 1989, p. 541.

90 Là où commencent les tâches d'administration, cesse l'intervention juridictionnelle. Y. GAUDEMET, « Réflexion sur l'injonction dans le contentieux administratif » », in Mèl. Georges BURDEAU, Le Pouvoir, LGDJ, Paris, 1977, p. 806.

91 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1464.

92 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T. 28, p. 67.

93 TA., appel, aff. n° 81 du 28 juin 1979, Municipalité de Tunis c/ Société Maghrébine d'Etudes et Travaux, Rec. 1979, p. 188.

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Première partie : L'ambivalence du principe

Or, il se révélait impossible d'assimiler plus longtemps les deux notions du pouvoir discrétionnaire et d'immunité juridictionnelle de certains éléments de l'acte administratif94. La renonciation aux injonctions marque une véritable autolimitation de la part du juge administratif et une remise en cause de ses pouvoirs. L'impossibilité d'affecter l'intégrité de l'ouvrage public est une règle jurisprudentielle, ne reposant sur aucun texte95. Elle en constitue une déclinaison qui résulte d'une volonté du juge d'intervenir dans l'exercice d'activités d'intérêt général dont est investie l'administration96.

Aucun texte juridique n'impose au juge administratif de limiter ses pouvoirs à l'égard de l'administration. Le texte même de la Constitution tunisienne du 1er juin 1959 n'énonçait pas le principe de séparation de la juridiction administrative et de l'administration active, ni dans le préambule, ni dans le dispositif de la constitution. Par ailleurs, le choix des constituants était d'instituer une juridiction administrative qui dispose de larges pouvoirs « d'investigation, d'injonction et de réformation »97.

Le TA devrait être un instrument efficace de protection des droits des administrés contre les éventuels abus de l'administration. Le

TA., aff. n° 1/15648 du 1 juin 2007, Mohammed et autres c/ l'office national d'assainissement, Rec.,

p. 82.

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94 J-C. VENEZIA, Le pouvoir discrétionnaire, LGDJ, Paris, 1958, p. 52.

95 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T. 28, p. 67.

96 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1464.

97 Y. BEN ACHOUR, « L'histoire du principe de la séparation des autorités en Tunisie », in Le Centenaire du Décret Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif, Colloque organisé les 28-29 et 30 novembre 1988 par l'Association Tunisienne des Sciences Administratives avec le Concours des Services Culturels de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 385.

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rapporteur général de la première constituante a clairement affirmé que « l'administration elle-même, par son organisme spécial, tranchera les litiges entre elle et autrui (...) de sa propre main et non pas par la main de Amr (...), ce qui signifie que c'est l'administration elle-même, avec son tribunal, c'est-à-dire son organisme spécialisé dans ce chapitre, qui modifiera ses actes ou les annulera, les réformera, les étendra ou les limitera »98. La préoccupation première de l'Assemblée Constituante a été de créer des institutions de contrôle et non pas d'interdire au juge d'entraver par quelconque contrôle, l'action administrative99.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon