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Reflexions sur la fonction consultative de la cour internationale de justice (CIJ)

( Télécharger le fichier original )
par Kpatcha Lazare EWAROU
Université de Lomé -Togo - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA), Droit public 2012
  

Disponible en mode multipage

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1

SIGLES ET ABREVIATIONS

AC : Avis Consultatif

AFDI : Annuaire Français de Droit International

AIEA : Agence internationale de l'énergie atomique

BM : Banque Mondiale

CERDIA : Centre d'Etudes, de Recherche et de Documentation

sur les Institutions Africaines

CIJ : Cour Internationale de Justice

CJCE : Cour de Justice de la Communauté Européenne

CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale

CS : Conseil de Sécurité

FMI : Fonds Monétaire International

FUNU : Force d'Urgence des Nations-Unies

IMCO : Organisation Internationale Consultative de la

Navigation Maritime

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

MARC : Modes Alternatifs de Règlement des Différends

OI : Organisation Internationale

OIT : Organisation International du Travail

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ONUC : Opération des Nations-Unies au Congo

ONU : Organisation des Nations-Unies

OSCE : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en

Europe

RADIC : Revue Africaine de Droit International et Comparé

2

RBSJA : Revue Béninoise des Sciences Juridiques et

Administratives

Rec. CIJ : Recueil de la Cour Internationale de Justice

SDN : Société des Nations

TAOIT : Tribunal Administratif de l'Organisation International

du Travail

TANU : Tribunal Administratif des Nations-Unies

TPIY : Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie

UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour l'Education et la

Culture

UPU : Union Postale Universelle

URSS : Union des Républiques Socialistes et Soviétiques

USA : United States of America

3

SOMMAIRE

INTRODUCTION 07

PREMIERE PARTIE : UNE FONCTION CONTRIBUTIVE .. 13

CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU DROIT

INTERNATIONAL CLASSIQUE

14

Section I : Contribution au développement du droit international général 14

Section 2 : Contribution au développement du droit des organisations internationales... 25

CHAPITRE II : CONTRIBUTION AU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES

37

..............................................................

Section I : La pacification de la société internationale . 37

Section 2 : La paix et la sécurité internationales dans la jurisprudence de la Cour 44

DEUXIEME PARTIE : UNE FONCTION REVALORISABLE 55

CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION CONSULTATIVE 56

Section I : Une saisine moins généreuse 56

73

Section 2 : Une fonction consultative ombragée 64

CHAPITRE II : LA NECESSITE DE LA REVALORISATION DE LA

FONCTION CONSULTATIVE

Section I : Les pistes de la revalorisation .. 73

Section 2 : Une réforme incertaine 80

CONCLUSION . 87

4

INTRODUCTION

5

La Cour Internationale de Justice (CIJ) dont le siège se trouve au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas)1, héritière de la défunte Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI)2, occupe, contrairement à cette dernière, une place non négligeable dans le système général des Nations-Unies plus particulièrement dans le rôle fondamental du règlement pacifique des différends. En effet, la CIJ, bâtie sur les fonts baptismaux depuis 1946, est le fruit d'un vaste courant de réformes et de modernisation du système international vis-à-vis des fluctuations nouvelles qu'a connu et connaît encore la société internationale depuis la fin de la seconde guerre mondiale3. Sa mission consiste à régler conformément au droit international les différends d'ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes ou institutions autorisés à le faire4.

Continuité dans la rupture ou rupture dans la continuité, il est souvent malaisé de prendre position quand il s'agit de faire une étude comparée entre les deux plus grandes institutions judiciaires étant surtout entendu que le remplacement de la CPJI n'est en aucune façon synonyme de son désaveu ou de son échec5.

La première position consiste à déceler une certaine continuité entre les deux institutions judiciaires. Cette continuité s'observe sur plusieurs plans. D'abord, s'agissant du fonctionnement de la CIJ, l'article 92 de la Charte des Nations-Unies dispose qu' « elle fonctionne strictement sur la base du statut de la Cour Permanente de Justice Internationale ».En effet, la nouvelle Cour de justice fonctionne strictement selon le modèle qu'a connu sa devancière ; qu'il s'agisse de sa composition, de sa compétence ou de la procédure suivie. Ensuite, comme pour la CPJI, la CIJ est une institution permanente

1 Pour l'histoire, c'est dans ce palais, sous l'initiative de Sa Majesté Wilhelmine, qu'a été tenue la première conférence de la paix en 1899. Cette conférence déboucha sur l'adoption d'un Traité qui prévoyait entre autres, l'établissement, à La Haye, d'une cour permanente d'arbitrage.

2 La Cour Permanente de Justice Internationale créée depuis 1922 est l'aboutissement d'un processus enclenché par la SDN (Société Des Nations). En effet, selon l'article 14 de son statut « le conseil est chargé de proposer un projet de la CPJI et de le soumettre aux membres de la Société ». Le comité de juristes mis en place à cet effet (10 membres) prépara un avant-projet qui fut examiné par le Conseil le 28 octobre 1920 puis par l'Assemblée le 13 décembre 1920.

3 Pour plus de détails, cf. BENDJAOUI (M.), in RADIC, « La place de la Cour internationale de justice dans le système général de maintien de la paix institué par la Charte des Nations Unies », septembre 1996, n°4, p. 542. 4Article 96 de la Charte des NU.

5 En effet, le remplacement de la CPJI se justifie fondamentalement par des raisons d'ordre technique et politique, Cf. NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P.), PELLE (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, p. 525.

6

différente des autres institutions judiciaires à caractère éphémère ou ad' hoc. L'avantage de ce caractère permanent est qu'il permet de construire une certaine constance de la jurisprudence6. On peut dès lors affirmer que la CIJ a hérité d'une part belle du capital juridique de la CPJI7.

La discontinuité, ensuite, est largement évidente. D'abord, la CIJ, aux termes respectivement des articles 7 et 92 de la Charte des Nations-Unies, est d'abord un organe principal de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) et ensuite l'organe judiciaire principal du système onusien. L'analyse montre clairement que, contrairement à la CPJI qui n'était pas un organe de la SDN, la CIJ est foncièrement attachée à l'ONU. Intégrée pleinement à l'organisation et au fonctionnement des Nations-Unies, la nouvelle Cour de justice se voit, en principe, aux côtés de l'institution mère appelée à la réalisation de l'objectif primordial du maintien de la paix. Ensuite, linéairement, la politique judiciaire8 n'est strictement pas la même que celle rencontrée dans le cadre de la CIJ. On justifie cela très souvent par l'environnement juridico-institutionnel propre à chacune d'elle.

La création de la CIJ a suscité tant d'espoir dans l'échafaudage d'un monde nouveau. Il est, en effet, peu opportun de s'attarder sur les débats préliminaires qui ont présidé à sa création. La toile de fond était incontestablement « la création d'une société internationale entièrement nouvelle, en évolution constante vers le progrès, plus juste, plus égalitaire, plus universelle, dont les membres devaient oeuvrer activement et collectivement à l'avènement d'une paix complète et durable »9. Cette paix était justement la finalité de la création de la CIJ organe principal et surtout comme organe judiciaire principal de l'ONU. Il n'est pas superflu de relever que comme tel, la Cour est considérée comme un rouage essentiel non seulement du mécanisme de règlement pacifique des différends mis au point par la Charte, mais aussi du système général du maintien de la paix.

6 Dans cette optique disait le professeur HEMBRO (E). « Lorsqu'on a songé à constituer la CIJ, une juridiction de caractère permanent, une des idées directrices a été le souci d'assurer, par cette permanence même, la constitution d'une jurisprudence, c'est-à-dire d'un corps de décisions doté d'une certaine unité ». HEMBRO (E.), la jurisprudence de la CIJ, Leyden, 1952, p. V.

7Cf. ARECHAGA (E. J.), « Commentaire de l'article 92 de la charte des Nations Unies » in, COT (P.) et PELLET (A.), Charte des Nations unies commentaire article par article, ECONOMICA, Paris, 1991, p.349.

8 La politique judiciaire résume l'activité d'une Cour de justice. On retrouve pour l'essentiel les fonctions législatives des juges, la position des juges, la technique d'interprétation des textes, la jurisprudence etc. Cf KOLB (Robert), Interprétation et création du droit international, Esquise d'une herméneutique juridique moderne pour le droit public, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 342 - 345.

9 Propos du Président de la CIJ, BENDJAOUI (M.) lors de la cérémonie marquant les 50 ans de la cour en 1990 in RADIC, op. cit., p. 542.

7

Pour parvenir aux côtés des Nations-Unies à préserver la paix mondiale, la Cour dispose de certaines compétences aussi bien en matière contentieuse qu'en matière consultative. Alors qu'en matière contentieuse, la Cour est habilitée à trancher sur la base du droit international général les différends entre Etats, en matière consultative, la saisine de la Cour est l'apanage de certaines entités seulement des Nations-Unies. En cette dernière matière, la compétence de la Cour est strictement liée en ce qu'elle ne peut répondre qu'aux questions qui lui sont posées par les organes et institutions de l'Organisation.

La fonction consultative de la CIJ est encadrée par l'article 96 de la Charte des Nations-Unies et par l'article 65 et suivants de son statut situé dans le chapitre IV intitulé « Avis consultatifs ». Si certains s'obstinent à admettre la conciliation possible de la fonction consultative d'une Cour avec sa vocation d'origine judiciaire10, il ne fait pas de doute qu'entre les deux fonctions, il n'existe aucune dichotomie. Bien au contraire, l'avis consultatif contribue, d'ailleurs efficacement, bien sûr, prononcé sur la base du droit international, à résoudre, freiner une situation susceptible de mettre en mal la paix mondiale. Cette pratique innovante existait déjà dans certaines juridictions anglo-saxonnes et à la Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique notamment au Massachussetts11.

Le régime juridique des avis consultatifs est caractérisé par le fait qu'ils sont dépourvus, en principe, d'une force obligatoire ; leur portée est non contraignante. N'étant pas un acte juridictionnel et ne possédant pas une force obligatoire, l'avis consultatif s'analyse non comme une décision mais comme une opinion de la Cour destinée à éclairer l'organe qui la consulte12. Il appartient à l'institution ou à l'organe international qui en fait la demande de décider par les moyens qui lui sont propres de la suite à réserver à ces avis.

10 Certains auteurs ont émis des réserves quant aux effets de la fonction consultative sur l'intégrité judiciaire de la Cour. Si celle-ci prononçait de simples opinions dont il serait loisible de ne tenir aucun compte, elle risque de statuer prématurément en donnant son avis sur une affaire qui pourrait ultérieurement lui être soumise par voie contentieuse. Aussi, la Cour ne court-elle pas le risque de se transformer par le biais des avis consultatifs en un conseiller juridique des organes de l'ONU ?

11 Créée depuis 1692, outre sa compétence en matière d'Appel, la Cour suprême de Massachussetts rend des avis sur demande du Gouverneur et de la Cour générale sur diverses questions légales.

12 Il s'agit là d'un principe qui n'est pas sans exceptions ; voir à cet effet, AC de la CPJI de 1923 sur les décrets de nationalité, série B, n°4 entre la France et le Royaume Uni ; AC de la CIJ du 23 octobre 1959 sur les jugements du Tribunal Administratif de l'Organisation Internationale du Travail (TAOIT) sur requête de l'UNESCO. L'acte constitutif de certaines organisations prévoit que les avis que la Cour émettra sur les questions juridiques qu'elles lui soumettront auront une portée obligatoire. Voir aussi la Convention sur les privilèges et immunités des NU ; Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des NU ; l'accord de siège entre l'ONU et les USA.

8

A la lumière de l'intérêt incontestable qu'offrent les avis consultatifs de la Cour dans le cadre de la sauvegarde de la paix universelle par la promotion et le respect du droit international, il est opportun de mener des réflexions sur sa revalorisation face à une société mondiale quasiment instable.

La fonction consultative de la CIJ joue-t-elle le rôle qu'ont voulu lui confier les rédacteurs de la Charte eu égard à son sous-utilisation actuelle ? Il semble que cette sous-utilisation est en partie inhérente à l'organisation même de la Cour notamment du point de vue de sa compétence et de la procédure à suivre. Il ressort inévitablement que la Cour ne fait pas preuve d'une grande générosité en matière de la compétence à la saisir. Comment expliquer par ailleurs l'hésitation des organes et institutions à saisir la Cour par voie consultative malgré l'autorisation qui leur est accordée ? Le caractère permanent de la Cour offre l'avantage de consolidation de sa jurisprudence. A l'analyse de cette jurisprudence, peut-on affirmer que la Cour par le biais des avis contribue d'une part, à la consolidation de la paix et de la sécurité internationales, et d'autre part, à l'édification du droit international ?

Il s'agit, somme toute, de se prononcer sur l'enjeu actuel de la réforme de la Cour notamment en matière consultative face aux exigences nouvelles qu'imposent les relations entre acteurs de la société internationale. L'une des idées essentielles serait sans nul doute la « décentralisation » de la compétence à saisir la Cour en matière consultative. L'inclusion d'autres acteurs dont le rôle au plan régional ou même local est déterminant, constituerait une réelle avancée.

Le travail n'a pas pour ambition de faire une étude exhaustive de la fonction consultative de la Cour vu les difficultés que cela représente mais de partir de simples constatations et analyse des avis rendus par la Cour pour, d'une part, relever les apports et d'autre part, faire ressortir les dysfonctionnements et proposer des pistes de réflexion pour la revalorisation d'une fonction si importante.

La fonction consultative, il est vrai, ne suscite pas un grand intérêt au point d'attirer l'attention des chercheurs. On en veut pour preuve la rareté des études et ouvrages dédiés au sujet. Les raisons sont entre autres le caractère non contraignant des avis et sa très moindre sollicitation. Mais, ceci ne doit en aucun cas mettre en sourdine l'intérêt qui s'y attache. Il est double. D'abord, d'un point de vue institutionnel, l'organisation et le fonctionnement de la

9

Cour en matière consultative permet de faire ressortir les limites inhérentes à la Charte de l'ONU et au Statuts de la Cour qui délimitent sa compétence. Sur un plan purement juridique ensuite, la jurisprudence de la Cour en matière consultative, l'attitude des juges et le droit appliqué sans omettre l'attitude des organisations et des Etats vis-à-vis des avis de la CIJ, permettent de revenir sur les points saillants de la fonction consultative de la CIJ à savoir la sauvegarde de la paix mondiale par le canal de sa diplomatie préventive13 et l'évolution du droit international.

L'étude sur le thème « Réflexions sur la fonction consultative de la Cour internationale de justice » sera abordée sous deux axes. Après avoir relevé les contributions de la fonction consultative de la Cour dans le premier axe (Première partie), nous analyserons dans le second, la nécessité de sa revalorisation (Deuxième partie).

13 Selon l'ex Secrétaire Général de l'ONU GHALI (B. B) (1992-1996), « La démocratie préventive a pour objet d'éviter que les différends ne surgissent entre partie, d'empêcher qu'un différend existant ne se transforme en conflits ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible » cf. Agenda pour la Paix, New-York, 1992.

10

PREMIERE PARTIE

UNE FONCTION CONTRIBUTIVE

Les débats préliminaires qui ont prévalu à San Francisco font croire que c'est de haute lutte que la fonction consultative de la CIJ a obtenu droit de cité dans la Charte des Nations-Unies. La Cour, organe principal des Nations-Unies a toujours considéré que sa mission était d'aider l'organisation dans la réalisation des objectifs qu'elle s'est donnés à savoir la sauvegarde de la paix par la soumission sans réserve au droit international par tous les Etats membres.

La paix mondiale ne serait qu'un leurre si au sein de la Communauté internationale il existe des Etats qui se situent dans des zones de « non droit » au détriment d'autres Etats. La loi de la jungle se renforcerait davantage s'il n'existe au sein de cette Communauté internationale d'autorité ou d'organe habilité à dire et faire respecter la règle de droit.

L'étude de la jurisprudence de la Cour en matière consultative laisse apparaître une contribution significative en matière de la consolidation du droit international classique (Chapitre I) et de la sauvegarde de la paix universelle (Chapitre 2).

11

CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU DROIT
INTERNATIONAL CLASSIQUE

« Hors de l'empire du droit, l'humanité ne peut atteindre ni la paix, ni la liberté, ni la sécurité qui lui permettront de poursuivre le développement d'une société civilisée »14.

La primauté du droit international15 doit un devoir de gratitude aux avis de la CIJ. Les contributions des avis au développement du droit international ont été considérables en matière du droit international général (Section 1) et en matière du droit des organisations internationales (Section 2).

Section I : Contribution au droit international général

La politique judiciaire de la Cour aux lendemains des soubresauts mondiaux est empreinte d'une bonne dose du droit humanitaire et du respect des droits de l'homme (Paragraphe 1). Le droit des traités par ailleurs, a connu sous l'impulsion des avis de la Cour, guidés par les vertus de paix, des avancées considérables (Paragraphe 2).

Paragraphe I : Développement du droit humanitaire et des droits de l'homme

Le droit humanitaire ou jus in bello (A) et les droits de l'homme (B) sont deux branches de droit complémentaires visant la protection de la vie, de la santé, de la dignité de la personne humaine mais, seulement, sous des angles différents.16

14 Propos tirés du discours prononcé par son excellence M. AMARAl (D. F.), Président de l'Assemblée Générale de l'ONU à l'occasion du 50ème anniversaire de la CIJ, in RADIC, 1996, p. 6.

15 Certains nient l'existence même du droit international ou du moins son effectivité en évoquant entre autres la politique du standard (la politique dite de deux poids deux mesures) qui traduit le respect sélectivement dosé du droit en fonction des intérêts qu'ils suscitent ou des sympathies qu'ils inspirent.

16 Le droit humanitaire s'applique dans des situations de conflit ou de guerre, alors que les droits de l'homme visent la protection de la personne humaine en tout temps. Aussi, s'il est possible de mettre entre parenthèse certains droits de l'homme en certaines circonstances (excepté le noyau dur des droits de l'homme : droit à la vie, interdiction de la torture, des peines et traitement dégradants et inhumains, l'esclavage, la non rétroaction de la loi), il en va autrement en droit humanitaire qui n'admet aucune dérogation. Conçu essentiellement pour des périodes troubles, il n'est point possible aux parties en conflit de se soustraire à ses obligations.

12

A- Le renforcement du droit humanitaire

Le droit humanitaire ou le jus in bello est une branche du droit qui règlemente la manière dont la guerre doit être conduite. Le droit humanitaire vise à limiter les souffrances causées par la guerre, indépendamment des considérations ayant trait à la justification ou aux motifs de la guerre. Il protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités, les malades et les blessés, les prisonniers et les civils, et définit les droits et les obligations des parties à un conflit dans la conduite des hostilités. Ses obligations s'imposent aux parties en conflit.

La substance de ce droit dont le but est d'humaniser la guerre, se trouve compilée dans le droit de Genève et celui de La Haye. On peut relever entre autre, la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers en période de guerre(1949) ; le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I).

La Cour internationale de Justice a eu l'occasion de mettre l'emphase sur les contours du droit international humanitaire dans plusieurs de ses avis consultatifs. Le développement retiendra essentiellement certains de ces avis dont l'apport est jugé plus important.

Dans son avis de 1951 sur les réserves à la convention sur le génocide17, la Cour a réitéré son attachement aux valeurs cardinales du droit humanitaire. Dans une interprétation téléologique de la Convention litigieuse, la Cour, pour répondre à la question de la licéité des réserves, s'est attardée sur le but même de celle-ci. En effet, suivant le préambule de la Convention sur le génocide, les Etats signataires se sont engagés à « libérer l'humanité d'un fléau aussi odieux ». A la lumière de la position de la Cour, on note, une condamnation sans réserve du génocide défini comme un « crime du droit des gens » impliquant le refus du droit à l'existence de groupes humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine et inflige de grandes pertes à l'humanité18. Ainsi, toute réserve dans le cadre de cette Convention, pour être licite ne peut méconnaître le but et l'objet qu'elle s'est donnée à savoir exclure définitivement le crime de génocide.

17Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, AC, 28 mai 1951, Rec. CIJ 1951.

18 Voir la Résolution de l'AG de l'ONU du 11 décembre 1946.

13

Le droit humanitaire n'a pas échappé à la vigilance de la Cour dans la demande d'avis relative à la licéité de la menace ou de l'utilisation effective d'armes nucléaires introduite par l'AG de l'ONU19. Pour répondre à la question de savoir s'il est permis en droit international de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires en toute circonstance, la Cour a fait une large référence aux textes et aux conventions qui régissent la matière, notamment les conventions de Genève de 1864, de La Haye de 1899 et 1907 sur les lois et coutumes de la guerre et celles de 1906, 1929 et 1949 qui visent la protection des victimes de la guerre et la sauvegarde des membres des forces armées mis hors de combat et les personnes étrangères aux hostilités20. De l'avis de la Cour et suivant les règles et principes du droit humanitaire, il est aujourd'hui incontestable que les Etats ou les belligérants n'ont pas un droit illimité quant au choix des moyens de nuire à l'ennemie21.Certains types d'armement ont ainsi fait l'objet d'interdiction. On peut entre autres faire référence aux projectiles explosifs d'un poids inférieur à 400 g, les balles dum-dum et les gaz asphyxiants, les armes chimiques et bactériologiques, les armes incendiaires, les mines anti-personnelles dont la Convention fut amendée le 03 mai 1996. De tout ce qui précède et eu égard aux conséquences dévastatrices de l'arme nucléaire, malgré l'absence de texte ou de convention interdisant d'une manière complète son recours ou son emploi, la Cour à l'unanimité a retenu que : « La menace ou l'emploi d'armes nucléaires devrait être compatible avec les exigences du droit humanitaire ainsi qu'avec les obligations particulières en vertu des traités et autres engagements qui ont expressément trait aux armes nucléaires ».

On ne peut passer sous silence, l'avis de la Cour relatif à l'édification de mur en territoire palestinien occupé22. Saisie par l'AG de l'ONU par sa résolution ES-10/14, la Cour devait répondre à la question libellée comme suit « Quelles sont les conséquences de l'édification du mur qu'Israël, puissante occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem Est ». La Cour, justifiant sa compétence à répondre à l'avis sollicité, a montré qu'en l'espèce, les arguments évoqués par Israël pour justifier la légalité de son action ne répondent aucunement aux exigences et

19Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, AC, 08 juillet 1996, Rec. CIJ 1996.

20 L'ensemble de ces conventions forme la substance du droit humanitaire dont les principes cardinaux sont entre autres la protection des civils et des biens à caractère civil, la distinction entre combattants et non combattants et l'interdiction de causer des maux superflus aux combattants par l'utilisation d'armes ou d'outils largement disproportionnés.

21 Cf. article 22 du règlement de la Haye de1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. 22Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, AC, 09 juillet 2004, Rec. CIJ, 2004.

14

principes du droit international23. Par contre, précise la Cour, il s'agit simplement d'une violation fragrante et intolérable du droit humanitaire applicable en période de guerre et des droits de l'homme notamment le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la protection des civils.

Il est important de relever que le droit international humanitaire, malgré la consistance de ses dispositions actuelles capables de régir les différentes facettes des conflits armés, fait face à certains défis qui commandent son évolution et sa clarification. Il s'agit entre autres de la nécessité de la clarification des notions de conflit armé (international, non international ou internationalisé), d'occupation etc. et l'adaptation aux nouvelles armes et technologies de guerre, aux actes de terrorisme. Aussi, le champ d'action de la notion d'ingérence humanitaire (droit d'ingérence, ou devoir d'assistance ou le principe du libre accès aux victimes) doit-il faire l'objet d'une grande et nette précision eu égard aux écarts constatés.

Ces différents défis relatifs au droit humanitaire s'invitent de facto dans la sphère plus pointue du droit de l'homme.

B- La consolidation des droits de l'homme

La Cour internationale de justice a eu l'occasion de mettre l'emphase sur les droits de l'homme dans plusieurs de ses avis. Dans son avis sur la réparation des dommages subis au service des Nations-Unies24, outre l'aspect important de la personnalité juridique objective de l'organisation à agir, la Cour n'a pas manqué de revenir sur les aspects des droits de l'homme notamment le droit à la protection reconnu à tout le monde ou le devoir de protéger qui incombe non seulement aux Etats à l'égards de leurs citoyens et même des étrangers résidants sur leur territoire, mais aussi aux organisations internationales pour le compte desquelles agissent les personnes employées. La Cour a mis l'emphase sur l'obligation de cette protection internationale qui en pratique reste partagée entre l'organisation au nom et pour le compte de laquelle l'agent travaille et l'Etat hôte. Il n'y a pas de raisons pour qu'il en soit

23 Israël pour justifier la légalité de la construction du mur a évoqué deux arguments. D'abord le droit naturel de légitime défense prévu à l'article 51 de la Charte de NU. Cet argument pour être recevable doit mettre aux prises deux Etats ; or l'Etat l'Israël ne reconnait pas le territoire palestinien comme un Etat. Aussi les mesures de riposte se révèlent largement disproportionnés.

24Réparation des dommages subis au service des NU, AC, 11 avril 1949, Rec. CIJ 1949. L'espèce est relative à l'assassinat d'un diplomate suédois envoyé en Palestine par l'ONU, M. Compte Folke Bernadote, par un groupe extrémiste israélien à Jérusalem le 17 septembre 1948.

15

autrement. L'agent doit pouvoir compter sur la protection que lui assure l'organisation qui l'emploie et non s'en remettre à la protection de son Etat d'origine ce qui compromettrait son indépendance contrairement au principe de l'article 100 de la Charte25. La Cour souligne qu'il est essentiel que l'agent, qu'il appartienne à un Etat puissant ou faible, à un Etat plus ou moins touché par les complications de la vie internationale, à un Etat en sympathie ou non avec sa mission, jouisse d'une protection pleine et totale.

La Cour dans cette lignée de protection des agents internationaux a contribué

significativement en 1999, dans l'affaire relative à l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme26, à la compréhension de la notion d'agents internationaux plus spécifiquement celle d'expert au service des Nations-Unies. Il ressort de l'espèce qu'en 1995, M. Dato' Param Cumaraswamy, juriste malaysien, rapporteur spécial nommé par la Commission des droits de l'homme chargée de la question de l'indépendance des juges et des avocats, a accordé au Journal International Commercial Litigations (Revue publié au Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord et en Malaisie) une interview commentant certaines affaires portées devant les tribunaux malaisiens. Deux entreprises nationales estimant que ledit article contenait des termes diffamatoires qui les avaient exposés au scandale, à la haine et au mépris du public ont engagé des poursuites contre le rapporteur spécial en réclamant des dommages. La question posée à la Cour et pour laquelle elle devait répondre prioritairement consistait à déterminer si les propos du rapporteur pouvaient être considérés comme se rattachant à sa fonction et donc couvert d'immunité. La Cour répondant à la question a fait appel à la Convention sur les privilèges et immunités des Nations-Unies adoptée par l'Assemblée Générale en application de l'article 105 de la Charte des Nations-Unies notamment en ses articles 22 et 2327. La Cour retient alors

25 Cet article dispose que, « Dans l'exercice de leurs devoirs, le Secrétaire Général et le personnel ne sollicitent ni n'accepteront d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autorité extérieure à l'Organisation. Ils s'abstiendront de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux et ne sont responsables qu'envers l'Organisation. Chaque membre de l'Organisation s'engage à respecter le caractère exclusivement international des fonctions du Secrétaire Général et du personnel et à ne pas chercher à les influencer dans l'exécution de leurs tâches ».

26 Différend relatif à l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la commission des droits de l'homme, AC, 29 avril 1999, Recueil CIJ, 1999.

27 Article 22 et 23 de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations-Unies : « Les experts lorsqu'ils accomplissent des missions de l'Organisation des Nations-Unies, jouissent, pendant la durée de cette mission y compris le temps de voyage, des privilèges et immunités nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute indépendance. Ils jouissent en particulier des privilèges et immunités suivants : immunité de toute juridiction en ce qui concerne les actes accomplis par eux au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et écrits). Cette immunité continuera à leur être accordée même après que ces personnes auront cessé de remplir des missions pour l'Organisation des Nations-Unie etc. ».

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l'applicabilité de la Convention citée à M. Cumaraswamy et fait obligation au gouvernement malaisien à transmettre l'avis aux tribunaux saisis de l'affaire pour qu'une suite favorable soit donnée. La Cour affiche ainsi sa volonté à défendre le respect scrupuleux des droits de l'homme.

Dans son avis sur les réserves sur la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, la Cour, pour admettre la validité des réserves formulées par les Etats, a mis l'accent sur l'exigence de la conformité de celles-ci au but de la Convention. Le but de la Convention, adoptée à l'unanimité des Etats membres de l'ONU, consiste à protéger la race humaine contre « un fléau aussi odieux » et réprimer les auteurs de ces graves violations des droits humains. Ainsi, ne seront acceptées que les réserves qui ne contredisent pas, de quelques manières que ce soit, les principes et buts de l'organisation résolue à favoriser le respect des droits fondamentaux de l'homme, la dignité et la valeur de la personne humaine, l'égalité entre nations et les personnes et maintenir la paix et la sécurité collectives.

Eu égard aux menaces de paix voire sa rupture au Moyen-Orient et au Congo dans les années 1960, des opérations de rétablissement de paix ont été autorisées et menées sous l'égide de l'Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité28. Seulement, les dépenses autorisées à cet effet ont fait l'objet de vives contestations. La Cour était sollicitée pour déterminer si ces dépenses qui ont été autorisées pour couvrir les frais de ces opérations constituent des dépenses de l'organisation. Il était donc demandé à la Cour de se prononcer sur la nature même de ces dépenses. La Cour dans son avis, s'est fondée essentiellement sur le but poursuivi par ces opérations à savoir le rétablissement de la paix en ces régions dévastées par des crises à répétition pour conclure qu'il s'agit bien évidemment des dépenses de l'organisation et qu'il revenait à chaque Etat membre de l'organisation de satisfaire aux exigences relatives à ses contributions aux dépenses de l'organisation.

Les droits de l'homme ont été également au premier plan dans l'avis de la Cour dans l'affaire relative aux conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé du 09 juillet 2004.

28 Il s'agit des opérations de la force d'urgence des Nations-Unies au Moyen-Orient (FUNU) et des opérations des Nations-Unies au Congo (ONUC).

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Malgré l'incorporation de ces différentes règles dans des conventions par le biais de la codification, les réserves dont elles font l'objet rendent complexe leur interprétation et leur application.

Paragraphe 2 : Développement du droit des traités

Les avis de la Cour ont apporté de véritables contributions aux techniques d'interprétation des traités (A) et aux conditions de validité des réserves émises par les parties (B).

A- Les techniques d'interprétation des traités

La question de l'interprétation des traités en général en droit international public n'est pas définitivement tranchée. La polémique gravite autour de la compétence interprétative s'agissant des personnes ou organes habiletés à le faire d'abord, et de la cohérence même du droit qui l'abrite, le droit international public, ensuite.

Au plan des organes, il est patent qu' il n'existe pas en droit international en général de hiérarchisation d'organes ou de personnes pouvant imposer leur interprétation d'un traité ou d'un accord à tous les acteurs contrairement au droit communautaire qui a institué un organe supra centralisé et autoritaire pouvant imposer son interprétation aux Etats membres, gage d'unité et de l'autorité du droit communautaire29.

En droit international, on note une certaine dispersion30 de la compétence à interpréter un traité. Cette compétence est partagée entre trois entités, acteurs de la vie internationale. Il s'agit d'abord des Etats, acteurs fondamentaux des relations internationales, ensuite des organisations ou organes internationaux et enfin des organes à vocation judiciaire. S'agissant tout d'abord des Etats, ils disposent au nom de leur souveraineté la compétence à donner un sens qui est le leur aux engagements auxquels ils ont souscrit. Cette compétence leur est inhérente. Seulement, et ce au nom du principe de la souveraineté des Etats, cette

29 La Cour de Justice de la Communauté Européenne (CJCE) s'est vue attribuer aux termes de l'article 177 du Traité de Rome une compétence obligatoire en matière d'interprétation des Traités. Son interprétation fait donc autorité et s'impose à tous les Etats membres.

30 Cette dispersion, outre l'avantage qu'elle a de contribuer à l'évolution du droit international, présente l'inconvénient de générer des « conflits d'interprétation et rend opaque la question de l'appréciation de la validité constitutionnelle des actes des organes de l'organisation » ; Cf. BEDJAOUI (M.), Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de Sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 22.

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interprétation n'a de valeur supérieure à celle d'un autre Etat. L'interprétation des Etats peut prendre des formes diverses : elle peut s'illustrer soit par des déclarations ou des attitudes contemporaines ou même postérieures à leurs engagements, soit par des pratiques juridiques, de conduites ou de comportements31.

Les organisations internationales ensuite, ont une compétence interprétative non seulement des traités auxquels elles sont parties mais aussi de leur charte constitutive. S'agissant des traités auxquels elles ont souscrit, la compétence interprétative des organisations internationales s'exprime le plus souvent par voie de résolution. Ces résolutions constituent dans la plupart des cas la position concertée des Etats membres servant ainsi de solution à la dispersion des points de vue. Pour ce qui est des traités constitutifs, le pouvoir interprétatif est encadré par le principe de spécialité des organisations internationales. C'est ainsi, qu'il arrive fréquemment qu'un Etat membre d'une organisation s'estime ne pas se reconnaitre dans une résolution de cette organisation parce qu'ayant excédé ses compétences attributives32.

Pour pallier les contradictions d'interprétations souvent rencontrées sur la scène internationale, les Etats et organisations internationales procèdent le plus souvent par voie d'interprétation concertée. L'interprétation qui en découle fait autorité parce que provenant des parties ayant elles-mêmes élaboré la règle en question. Cette concertation peut se faire soit d'une manière authentique c'est-à-dire formelle ou par des comportements des différentes parties.

La compétence reconnue à des organisations à vocation judiciaire d'interpréter des traités litigieux est une sorte d'interprétation concertée en ce qu'il faut au départ que les parties consentent leur soumettre le différend. La CIJ s'est vue reconnaitre la compétence d'interpréter les traités suivant les dispositions de l'article 36 alinéa a de son statut. Mais si le principe est largement accepté en ce qui concerne les traités bilatéraux et multilatéraux, la réticence demeure grande s'agissant notamment de la compétence de la Cour à se prononcer

31 Il faut relever que ces possibilités sont déduites des dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités pouvant aider à élucider un traité ombrageux. Cf. les articles 31 et suivants de ladite Convention.

32 Tel a été l'attitude de l'ex URSS et d'autres pays socialistes par rapport à la résolution A/37/98 D du 13 décembre 1982 de l'AG confiant des pouvoirs d'enquête au Secrétaire Général. La polémique a été grande s'agissant de la résolution de l'AG 1583 (XV) et 1590 (XV) du 20 décembre 1960 ; 1595 (XV) du 03 avril 1961, 1619N (XV) du 21 avril 1961 et 1633 (XVI ) du 30 octobre 1961 relatives aux opérations des NU au Congo entreprises en exécution des résolutions du Conseil de Sécurité en date des 14 juillet, 22 juillet, et 09 aout 1960 et 21 novembre 1960 ainsi que les résolutions de l'AG 1474 (ES-IV) du 20 septembre 1960.

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sur le contenu de la Charte. Elle est encore plus accrue s'agissant du contrôle effectué par la Cour sur les actes du Conseil de sécurité pris suivant les dispositions de la Charte. Les raisons évoquées sont entre autres, la crainte d'une paralysie ou d'un retardement de l'action du Conseil33 et la crainte de voir le Conseil enserrer dans un carcan juridique défini par la Cour et incompatible aux fins politiques34.

La CIJ dans l'exercice de sa compétence interprétative des traités s'inspire des modalités et méthodes d'interprétation définies dans la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (entrée en vigueur le 27 janvier 1980). La Convention de Vienne en ses articles 31 à 33 définit la règle générale à suivre en matière d'interprétation des traités et les méthodes complémentaires lorsque l'application de la règle générale se révèlerait insuffisante. Ainsi, suivant l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son but ».

On note trois méthodes dans cette règle générale d'interprétation des traités. D'abord, il faut s'en tenir au sens ordinaire des dispositions du traité. A cet effet, la CIJ dans son avis consultatif du 08 juin 1960 a déclaré que « Les termes doivent être interprétés suivant leur signification naturelle et ordinaire, selon le sens qu'ils ont normalement dans leur contexte. C'est seulement si leurs termes sont équivoques qu'il faut recourir à d'autres interprétations »35. Ensuite, on peut faire recours au contexte d'élaboration du traité. Le contexte selon la Convention de Vienne sur les traités se résume au texte, au préambule et aux annexes inclus, les accords ayant des rapports avec le traité en cause, et instruments acceptés par les parties36.

33 « Si nous prenons chaque fois la décision de renvoyer une question à la Cour avant de décider de prendre une mesure quelconque, en définitive nous n'aurons jamais la possibilité d'agir ». Cf. Conseil de Sécurité, 195ème séance, 26 aout 1947, p.2215 (sur la question indonésienne).

34« Si nous nous enfermons dans ce cadre rigide, nous trouverons sans doute fort gênant quand nous essayerons de résoudre les problèmes d'un monde qui évolue très rapidement » Cf. Conseil de Sécurité, 195ème séance, 26 aout 1947, p.2215 (sur la question indonésienne).

35 Cf. « la composition du comité de sécurité maritime de l'organisation intergouvernementale Consultative de la navigation Maritime » CIJ, 08 juin 1960, Rec. CIJ 1960, P.36 ; « Interprétation de la convention de l'OIT de 1929 sur le travail de nuit des femmes » CPJI, avis n°50, 15 novembre 1932 « le texte de l'article 3 considéré isolement ne soulève par lui-même aucune difficulté : il est rédigé en termes généraux exempts d'ambigüités ou d'obscurités » ; « Interprétation de l'article 4 de la Charte » « pour admettre une autre interprétation que celle qu'indique le sens naturel des termes, il faut une raison décisive », CIJ, AC, du 28 mai 1948, Rec. CIJ 1948.

36 Voir CPJI, arrêt du 30 aout 1924, affaire Mavrommatis « Pour examiner la question pendante devant la cour, à la lumière des termes mêmes du traité, il faut évidemment lire celui-ci dans son ensemble, et l'on ne saurait

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Enfin, la Cour fait souvent recours au but de la convention ou à l'effet utile du traité37.

Au rang des moyens complémentaires d'interprétation des traités, on retrouve l'interprétation du comportement des parties38, les travaux préparatoires39 et les circonstances de conclusion du traité.

La Cour très souvent, en matière d'interprétation des traités, s'écarte de la question qui lui a été posée si celle-ci se trouve être mal formulée40, ou examine le contexte de la demande41 ou encore cherche à clarifier la question lorsque celle-ci est floue ou vague42.

L'aspect épineux des réserves aux conventions, pratique suivie souvent par les Etats au nom de leur souveraineté, a fait aussi l'objet de clarification dans les avis de la haute Cour.

B- La validité des réserves aux traités

Outre l'aspect de l'interprétation des traités, la Cour s'est prononcée, par ses avis sur les réserves faites aux traités, les objections faites à ces réserves et l'effet de ces dernières.

Saisie par l'AG des NU le 16 novembre 1950, la CIJ devait se prononcer sur non seulement la place des réserves faites par certains Etats à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide mais en même temps sur la portée des objections faites à ces réserves.

Dans son avis du 28 mai 1951, la Cour, pour répondre à la question libellée comme suit « l'Etat qui a formulé la réserve peut-il être considéré comme partie à la Convention aussi longtemps qu'il maintient sa réserve si une ou plusieurs parties à la Convention font une

déterminer sa signification sur la base de quelques phrases détachées de leur milieu et qui, séparées de leur contexte, peuvent être interprétées de plusieurs manières ».

37 Cf. Affaires minoritaires en Albanie, CPJI, avis n°64 du 06 avril 1935, Rec. CPJI Série A/B 1935 ; Affaire de l'interprétation des traités de paix du 2 février 1947, CIJ, AC, 30 mars 1950, Rec. CIJ 1950.

38Affaire du Sud-ouest Africain, CIJ, AC du 11 juillet 1950, Rec. CIJ 1950.

39Affaire du statut de la ville de Memel, CPJI arrêt du 24 juin 1932, Rec. CPJI 1932, p. 249.

40Voir par exemple, Interprétation de l'accord gréco-turc du 1er décembre 1926 (protocole final, article IV), avis consultatif, 1928, C.P.J.I. série B no16.

41Interprétation de l'accord du 25 mars 1951 entre l'OMS et l'Egypte, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par. 35.

42Demande de réformation du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1982, p. 348, par. 46).

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objection à cette réserve, les autres parties n'en faisaient pas », a fait référence aux grands principes qui gouvernent le droit des traités.

L'analyse de la question posée à la Cour révèle qu'en réalité, il ne se pose pas de problèmes majeurs sur le droit d'existence ou non des réserves aux conventions. En effet, le débat sur ce point a presque perdu de pertinence. Le souci de donner un plus grand champ d'effet aux traités a conduit à accepter que les Etats puissent émettre des réserves. La pratique observée dans les conventions multilatérales confirme cette position. En l'espèce, on peut admettre que c'est grâce justement à cette possibilité reconnue, au nom de leur souveraineté, aux Etats que la Convention sur le génocide a été approuvée à l'unanimité.

Seulement, relève la Cour, la possibilité d'émettre les réserves n'est pas sans limites. Certains Etats, dans le cadre de cette affaire, ont évoqué la théorie selon laquelle la souveraineté de chaque Etat lui donne la latitude de formuler des réserves quelles qu'elles soient43. D'autres, par contre, pour évincer le droit d'existence des réserves ont eu recours à la théorie dite de l'intangibilité absolue des traités44.

La Cour ayant examiné toutes ces théories, retient qu'en réalité, c'est « La compatibilité de la réserve avec l'objet et le but de la convention qui doit fournir le critère de l'attitude de l'Etat qui joint une réserve à son adhésion et de l'Etat qui estime devoir y faire une objection ».

S'agissant essentiellement de la question de l'effet des réserves à l'égard des objections qui lui ont été faites, la Cour rappelle toujours que c'est l'objet et le but du traité qui déterminent la liberté d'apporter les réserves et d'y objecter. Une fois donc que les réserves sont émises, il revient à chaque Etat partie de la convention de juger de la conformité ou non de cette réserve à l'objet et au but de la convention. L'Etat qui reconnait la compatibilité de la réserve aux fins du traité se trouve ipso facto lié par cette réserve. Par contre, si un Etat émet une objection à la réserve, il est évident qu'il ne serait pas lié, ne serait-ce sur les clauses de la réserve avec l'Etat auteur de la réserve.

43 Selon cette théorie dite de la souveraineté absolue de l'Etat à émettre des réserves, l'Etat partie ou qui veut faire partir à une convention peut, au nom de sa souveraineté, y apporter à volonté n'importe quelle réserve fut-elle destructive des fins que les parties ont assigné à la convention.

44 Selon la théorie de l'intégrité absolue des traités, toute réserve, pour être acceptable, doit recevoir l'assentiment tacite ou exprès de toutes les parties à la Convention.

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La Cour devait également se prononcer sur l'effet des réserves vis-à-vis d'un Etat qui n'a pas ratifié la convention et de l'Etat qui a le droit de signer ou d'adhérer mais qui ne l'a pas fait. Dans le cas d'un Etat signataire qui n'a pas encore ratifié ou adhéré, l'objection ne produit qu'un effet « d'avertissement » d'une future objection à la réserve émise. L'objection dans ce cas ne produira d'effets juridiques qu'à compter de la ratification du traité. Par contre, par rapport à l'Etat qui n'a ni signé ni ratifié la convention, les objections ne produisent aucun effet.

Outre le droit international classique, celui spécifique aux organisations internationales45 a connu une portée significative grâce à la fonction consultative de la Cour qui non seulement le crée mais aussi le clarifie.

Section 2 : Contribution au développement du droit des organisations internationales

Il est généralement admis que la Cour dans sa fonction consultative est plus au service des organisations internationales. Les avis de la Cour ont ainsi contribué de façon significative à l'échafaudage du droit des organisations internationales. La consécration historique de la personnalité juridique des organisations internationales par la Cour (Paragraphe 2) a permis de renforcer le principe de spécialité qui encadre leur champ d'action (Paragraphe I).

Paragraphe I : Le principe de spécialité des organisations internationales

Le principe de spécialité est un principe fondamental en droit des organisations internationales46. Il permet non seulement de définir les organisations en question mais aussi de les identifier.

Le principe de spécialité47 évoque l'idée selon laquelle les organisations internationales sont des sujets dérivés du droit international créées pour atteindre des objectifs particulièrement

45 Certains auteurs par contre contestent une éventuelle existence du droit des organisations internationales. Voir sur ce point, Reuter (P.), Le développement de l'ordre juridique international, Ecrits de droit international, Paris, Economica, 1995, p. 189-190.

46 Certains auteurs répugnent l'idée d'existence du droit international propre aux organisations internationales. Ils arguent qu'étant donné que chaque organisation dispose d'un acte créateur qui lui est propre, définissant son organisation et son fonctionnement, on se retrouve en présence de plusieurs droits des organisations internationales. Il conviendrait de parler « des droits des organisations internationales » que « du droit des organisations internationales ». Cf. Reuter (P.), Le développement de l'ordre juridique international, Ecrits de droit international, Paris, Economica, 1995.

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fixés par les Etats membres et que c'est la réalisation de ces objectifs qui détermine l'étendue de leur compétences (Avis consultatif CIJ 8/07/1996). Le principe de spécialité clairement reconnu par la Cour internationale de justice (A) a connu une évolution dynamique dans la jurisprudence de celle-ci (B).

A- La reconnaissance du principe de spécialité

Les organes principaux et institutions spécialisées de l'ONU, aux termes de l'article 96 al.2 de la Charte des Nations-Unies, ont compétence pour saisir la Cour pour solliciter des avis consultatifs. A l'analyse de cet article, trois conditions cumulatives sont requises pour fonder la compétence de la Cour à donner un avis à la question que lui poserait une organisation internationale. D'abord, l'institution dont émane la requête pour avis doit être une organisation dûment autorisée, conformément à la Charte, à demander des avis à la Cour. Ensuite, l'avis sollicité doit porter sur une question purement juridique. Enfin, cette question doit se poser dans le cadre de l'activité de l'institution.

Si au demeurant, les deux premières conditions ne posent pas de problèmes majeurs, la troisième condition fait elle souvent l'objet de controverses eu égard à la multitude des théories en présence.

C'est justement cette dernière condition qui a permis à la Cour, dans sa fonction consultative d'exercer un contrôle sur lesdites organisations et contribuer de ce fait à l'édification du droit qui doit les régir. Il s'agit ici essentiellement du principe de la spécialité. La Cour a eu à plusieurs reprises l'occasion de mettre l'emphase dans ses avis sur le principe de spécialité qui doit gouverner l'action des OI. Mais c'est dans son avis sur la licéité de la menace ou de l'emploi de l'arme nucléaire qu'elle se fera beaucoup plus explicite. Saisie pour avis sur la base de la résolution WHA46.40 de l'OMS, la question à laquelle la Cour devait répondre est la suivante : « Compte tenu des effets des armes nucléaires sur la santé et l'environnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou d'un conflit armé constituerait-elle une

47 Selon Chaumont (Ch.), « la spécialité, trait commun de toutes les organisations internationales, signifie donc l'affectation d'une structure à un but d'intérêt commun, affectation qui implique la limitation de compétences. Cette limitation s'étend au point de vue des Etats membres de l'organisation », Chaumont (Ch.), « La signification du principe de spécialité des organisations internationales », in Mélanges Rolin (H.), Problèmes de droit des gens, Paris, Pedone, 1964, p. 58.

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violation de ses obligations au regard du droit international y compris la constitution de l'OMS ?».

A la question de savoir si l'organisation mondiale pour la santé était fondée à saisir la Cour, après analyse des règles pertinentes de l'organisation notamment sa constitution48 et la pratique coutumière de l'organisation, la Cour retient essentiellement « Qu'aucune desdites fonctions n'entretient avec la question qui lui a été posée de rapport de connexité suffisant pour que cette question puise être considérée comme se posant dans le cadre de l'activité de l'Organisation mondiale pour la santé». Il est important de relever que de l'avis de la Cour, la question de l'OMS portait directement sur la licéité de la menace et de l'utilisation de l'arme nucléaire. Ceci explique parfaitement la position de la Cour lorsqu'elle a accepté donner son avis sur pratiquement la même question posée cette fois-ci par le Conseil de sécurité49. Il s'agit de toute évidence d'une interprétation restrictive du principe de spécialité. L'organisation n'a de compétence que celles qui lui ont été expressément reconnues par les Etats et contenues dans le traité qui l'institue. La Cour estime que « La licéité ou l'illicéité de l'utilisation d'armes nucléaires ne conditionne en rien les mesures spécifiques, de nature sanitaire ou autres qui pourraient s'imposer pour tenter de prévenir ou de guérir certains de leurs effets. Que des armes nucléaires soient utilisées licitement ou illicitement, leurs effets sur la santé restent identiques ». De la sorte, l'OMS est incompétente pour saisir la Cour pour avis sur la question épineuse de l'utilisation ou du recours à l'arme nucléaire.

Le principe de spécialité, pris sous l'angle d'une interprétation stricto sensu, a été et même continue de s'appliquer à des organisations et institutions. En témoigne la prolifération d'organisations internationales avec des spécifications précises50. Outre l'avantage de l'efficacité des organisations internationales du fait de leur spécialisation, le principe de spécialité contribue dans une large mesure à éviter les chevauchements de compétences entre elles.

48 Les fonctions de l'OMS sont résumées en 22 points de a à v à l'article 2 de son traité constitutif.

49 Dans sa résolution 49/75K, le Conseil de Sécurité a saisi la Cour pour qu'elle se prononce sur la licéité de la menace ou de l'utilisation de l'arme nucléaire. Ici, contrairement à ce qui était retenu dans le cas de l'OMS, la Cour a estimé que le Conseil était dans son domaine de spécialité, savoir la recherche et le maintien de la sécurité internationale, et donc pleinement recevable au rôle de la Cour. Cf. Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, AC, 08 juillet 1996, Recueil CIJ 1996.

50 Voir sur ce point KPODAR (A.) « Le principe de spécialité dans la définition des organisations internationales », R.B.S.J.A, n°17, 2006, p. 59-61.

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Mais le principe de spécialité a connu, sous l'influence de plusieurs théories, un certain dynamisme dans son interprétation et dans son application au point qu'il est, aujourd'hui légitime de s'interroger sur sa réelle portée51. La Cour n'a pas manqué de suivre cette évolution.

B- L'évolution du principe de spécialité

L'évolution du principe de spécialité est marquée, à la lumière des avis consultatifs, par deux éléments essentiels. Il s'agit tout d'abord de l'émergence commandée de la théorie des pouvoirs ou compétences implicites et, ensuite, au plan international de la nécessité pour les Organisations internationales de sortir de leur carcan de textes, qui les réduit en un état d'inaction face aux faits assez bouleversants, au nom de leur responsabilité internationale.

S'agissant d'abord de la théorie dite des compétences implicites, il est question d'une interprétation extensive du principe de spécialité. D'origine jurisprudentielle52, les compétences implicites, opposées aux compétences d'attribution limitées aux textes fondateurs de l'organisation, ne résultent d'aucun acte juridique pertinent mais se déduisent des dispositions des textes constitutifs.

Le but visé en réalité par la théorie des compétences implicites est de permettre justement l'effectivité institutionnelle de l'organisation c'est-à-dire permettre à l'organisation d'accomplir sa finalité53 lorsqu'il parait exister des handicaps d'ordre textuel, du fait du mutisme de son acte constitutif, pour son action dans une situation donnée. L'exemple de la pratique des institutions financières est assez éloquent lorsque celles-ci subordonnent à l'octroi de leurs aides aux Etats le respect scrupuleux des droits de l'homme et les principes de la démocratie et de la bonne gouvernance54.

51KPODAR (A.), Op. cit., p. 60 - 61.

52 Les compétences implicites d'origine jurisprudentielle (cf. Affaire Mc Culloc V/ Maryland de 1819 relative à la répartition des compétences entre l'Etat fédéral et les Etats fédérés), sous-tendent l'existence de compétences au profit de l'organisation même si elles ne figurent pas expressément dans les compétences à elle attribuées dans l'acte constitutif. Leur déduction nécessite une interprétation extensive des textes constitutifs. Voir dans ce sens, Responsabilité pour les Etats des dommages subis au service des NU, AC, 11 avril 1949, Recueil CIJ 1949, p. 182 ; Certaines dépenses des NU, AC, 20 juillet 1962, Recueil CIJ 1962, p. 151.

53ROUSSEAU (Ch.), Droit international public, Tome II, Paris, Sirey, 1974, pp. 453, 461.

54FIERENS (J.), « La violation des droits civils et politiques comme conséquence de la violation des droits économiques, sociaux, culturels », RBDI, 1999, p. 46-57.

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La Cour a dans plusieurs de ses avis consultatifs reconnu au profit de certains organes des Nations Unies l'existence de compétences implicites. Dans son avis de 194955 s'agissant de la capacité de l'ONU à présenter une réclamation internationale, la Cour a relevé dans un premier temps que cette compétence appartient initialement aux Etats et que même si la Charte n'a pas reconnu cette compétence explicitement à l'organisation, étant donné que la question de la personnalité juridique n'est pas tranchée par les termes de la Charte, il s'est avéré utile de considérer les caractères que celle-ci a entendu donner à l'organisation. Dans cette démarche, la Cour passant en revue les missions assignées à l'Organisation par les Etats (article 1 p4 ; article 2 p5), retient « Qu'on doit admettre que ses membres, en lui assignant certaines fonctions, avec des devoirs et les responsabilités qui les accompagnent, l'ont revêtu de la compétence nécessaire pour lui permettre de s'acquitter directement de cette fonction » et conclu que « La compétence de l'organisation à assurer une protection de ses membres est nécessairement impliquée par la Charte »56.

Pour répondre à la question qui lui était posée à savoir si certaines dépenses autorisées par l'Assemblée générale étaient des dépenses de l'organisation au sens du Paragraphe 2 de l'article 17 de la Charte des Nations-Unies, et sans se cantonner dans la définition des concepts (il était question du sens des dépenses, de certaines dépenses, du budget etc.), la Cour a examiné le problème général de l'interprétation de l'article litigieux à la lumière de la structure d'ensemble de la Charte et des fonctions assignées à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité57 et est parvenue à la conclusion selon laquelle « les dépenses doivent être appréciées d'après leurs rapports avec les buts des Nations-Unies, en ce sens que si une dépense a été faite dans un but qui n'était pas l'un des buts des Nations-Unies, elle ne saurait être considérée comme une dépense de l'organisation »58. Etant donc donné que ces buts tels

55Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, AC, 11 avril 1949, Recueil CIJ 1949.

56DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G.), Bréviaire de jurisprudence internationale, les fondamentaux du droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 236-237. « Comme la commission européenne n'est pas un Etat, mais une institution internationale pourvue d'un objet spécial, elle n'a que les attributions que lui confère le Statut définitif, pour lui permettre de remplir cet objet ; mais elle a compétence pour exercer ces fonctions dans leur plénitude, pour autant que le Statut ne lui impose pas de restriction » compétence de la Commission européenne de Danube, AC, 1927, CPJI, Série B N° 14, p. 64.

57 Il a été soutenu devant la Cour que dans les circonstances où il s'agit du maintien de la paix et de la sécurité internationales, seul le Conseil est autorisé à prendre une décision prescrivant une action et le pouvoir de l'Assemblée Générale se bornant à discuter, examiner, étudier et recommander, celle-ci ne peut pas imposer l'obligation de couvrir des dépenses qui résultent de la mise en oeuvre de ses propres recommandations.

58Certaines dépenses des Nations Unies, AC, 20 juillet 1962, Recueil CIJ 1962 ; DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G), Op. cit., p. 374-390.

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que énoncés dans la Charte sont très larges et illimités, il va s'en dire que les pouvoirs conférés pour les atteindre revêtent également ce caractère.

La Cour n'a pas manqué de relever l'existence de compétences implicites dans l'affaire « Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie nonobstant la résolution 270 du Conseil de sécurité »59 lorsqu'il a été soutenu en l'espèce que le pacte de la SDN (article 22) ne conférait pas au Conseil le pouvoir de mettre fin à un mandat en raison d'une faute du mandataire et que les Nations Unies ne sauraient donc exercer un tel pouvoir puisqu'elles n'ont pu hériter de la SDN de pouvoirs étendus que celle-ci n'en avait. Elle retient qu'il «faut voir avant tout dans l'ONU, successeur de la SDN, agissant par l'intermédiaire de ses organes compétents, l'institution de surveillance qui a compétence pour se prononcer, en sa qualité, sur le comportement du mandataire à l'égard de ses obligations internationales et pour agir en conséquence ».

La Cour a aussi et très souvent, face à l'objection faite à sa compétence pour se prononcer sur des questions et affaires qui lui sont soumises, évoqué cette théorie de compétences implicites pour fonder sa compétence.60

Mais, la théorie des compétences implicites n'a pas été toujours retenue. L'espèce relative à la menace ou à l'utilisation des armes nucléaires en est une illustration. La Cour affirme que «Reconnaitre la compétence de l'OMS de traiter de la question de la licéité de l'utilisation d'armes nucléaires, équivaudrait à une négation du principe de spécialité et une telle compétence ne saurait en effet être considérée comme nécessairement impliquée à la constitution de l'organisation au vu des buts qui ont été assignés à cette dernière par les Etats»61.

59 AC, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, 21 juin 1971, Recueil CIJ 1971.

60 En effet le caractère permissif de l'article 65 permet à la Cour d'apprécier discrétionnairement sa compétence à se prononcer par avis sur certaines questions. Dans la plupart des cas, la Cour a toujours soutenu qu'entend qu'organe judiciaire des NU, elle ne peut se refuser de se prononcer sur des questions qui lui sont posées même si celles-ci n'ont directement pas un aspect juridique, son avis peut concourir à résoudre des aspects typiquement juridiques de certaines situations complexes. Cf. Affaire du Statut de la Carélie Orientale, 23 juillet 1923, CPJI, Série B, n°5, p. 29 ; AC, interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, 1950, p. 72.

61Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat lors d'un conflit armé, AC, 08 juillet 1996, Recueil CIJ, 1996.

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Le principe de spécialité a été largement influencé par la nécessité faite aux organisations internationales de mener certaines actions sur le plan international sous peine de voir leur responsabilité engagée (du fait de leur action ou même de leur inaction) à la lumière des obligations du droit international. Si dans la première hypothèse, il s'est agi d'une interprétation extensive du principe de la spécialité, dans ce second aspect, la rupture se révèle être beaucoup plus brutale62.

Les missions des organisations internationales issues de leur acte créateur ou soit expressément ou simplement impliquées induisent à leur profit la capacité à être sujet de droit laquelle reste distincte de celle des Etats fondateurs.

Paragraphe 2 : La personnalité juridique des organisations internationales

La reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales, après une période de balbutiements et d'hésitations a été consacrée par la CIJ dans une décision récente hautement courageuse (A). Cette consécration a contribué de façon significative à la montée des organisations internationales sur la scène internationale (B).

A- La reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales

Les organisations internationales63 sont un regroupement d'Etats indépendants et souverains. C'est une entité autonome des Etats à l'origine de laquelle se trouve la volonté de coopérer à la réalisation d'un objectif déterminé inscrit dans son acte constitutif. Ce sont en principe des sujets dérivés du droit international public en ce sens qu'elles ne doivent leur existence qu'à la volonté commune des Etats qui les composent. Il est donc évident qu'au départ, seuls les Etats, sujets principaux du droit international public, bénéficient de la personnalité juridique64.

62 Voir dans ce sens, KPODAR (A.), op. cit., p. 57-70.

63 Selon l'article 1er de la Convention de Vienne sur la représentation de l'Etat et sur les relations avec les organisations internationales du 14 mars 1975, « L'organisation internationale s'entend d'une association d'Etats constituée par un traité, dotée d'une constitution et d'organes communs, et possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats ».

64 La personnalité juridique s'entend en une compétence entrainant une autonomie d'action. On comprend aisément pourquoi les Etats ont très tôt manifesté une farouche réticence à la reconnaissance de la personnalité juridique au profit des OI.

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Même si aujourd'hui les débats ne sont pas totalement tranchés s'agissant essentiellement de son contenu et de son volume, la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales, fait aussi bien au sein de la doctrine que dans l'ensemble de la jurisprudence l'objet d'un large consensus.

Cette reconnaissance, dont les prémisses étaient déjà ressenties avec la SDN puis la CPJI, a été explicitement consacrée par la CIJ en 1949 dans l'affaire relative à la compétence de l'organisation (ONU) à réclamer réparation du fait des dommages subis. En l'espèce, pour répondre à la question de savoir si l'organisation a une nature qui comporte la qualité pour présenter une réclamation internationale, la Cour devait répondre indirectement à la question de la personnalité juridique de l'organisation. Il faut rappeler que la question n'est pas tranchée par les termes mêmes de la Charte. La haute Cour, pour retenir cette personnalité juridique internationale de l'organisation, a considéré les caractères qu'a voulu lui donner la Charte. Elle a fait appel à deux principes à savoir celui de la spécialité et celui des compétences implicites.

S'agissant d'abord du principe de spécialité des OI, la Cour a examiné les missions et les fonctions assignées à l'organisation. Entre autres attributions de l'organisation on peut faire ressortir le maintien de la paix et de la sécurité internationale (mission à caractère large), la réalisation de la coopération internationale en matière économique, sociale, intellectuelle et humanitaire (cf. article 1 de la Charte de l'ONU). En plus des missions de l'ONU, la Cour a joint son organisation interne. A la lumière des missions assignées à l'Organisation par les Etats, la Cour en vient à la conclusion selon laquelle, l'organisation n'étant pas simplement un centre où s'harmoniseraient les efforts des Nations, elle a besoin pour pouvoir exercer les missions qui lui sont confiées de posséder une capacité juridique internationale.

Ce faisant, la Cour lie intimement le principe de spécialité à la personnalité juridique. En effet, « le principe de spécialité caractérise la personnalité juridique »65. Il s'agit d'une personnalité fonctionnelle66. C'est à la lumière des missions confiées à l'organisation que non seulement se défini les limites de ses compétences mais aussi la légalité de ses actions. La Cour estime donc que « L'organisation était destinée à exercer des fonctions et à jouir des

65KPODAR (A.), « Le principe de spécialité dans la définition des organisations internationales », op. cit., p. 53. 66Nguyen Quoc Dinh, Daillier (P.) et Pellet (A.), « Les privilèges et immunités des Organisations internationales d'après les jurisprudences nationales depuis 1945 », AFDI, 1957, p. 593.

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droits qui ne peuvent s'expliquer que si elle possède une large mesure de personnalité juridique internationale et la capacité d'agir sur le plan international. Elle ne peut en toute logique répondre aux intentions de ses fondateurs si elle était dépourvue de la personnalité juridique ».

Dans la même logique et pour affirmer son postulat, la Cour déduit, par le biais de la méthode d'interprétation extensive incluant le but et l'objet du texte constitutif, implicitement l'existence sans conteste de la personnalité juridique au profit de l'organisation. Elle affirme qu'on« doit admettre que ses membres (les Etats) en lui assignant certaines fonctions avec des devoirs et les responsabilités qui l'accompagnent, l'ont revêtu de la compétence pour lui permettre de s'acquitter directement de ses fonctions ». Dans cette même lignée, affirme Pierre Marie Dupuy qu'il « existe en droit international une présomption de personnalité juridique au bénéfice des organisations internationales. Cette présomption n'est cependant pas irréfragable et doit être confirmée par l'examen des termes de la charte constitutive de chacune d'entre elle »67 peu importe, selon M. Yassen68 « que celle -ci soit implicitement insérée dans l'acte constitutif, il suffit qu'il l'implique ».

La personnalité juridique reconnue doit faire l'objet de précision. D'abord, elle reste purement fonctionnelle en ce sens qu'elle s'exerce dans le cadre de ses attributions alors qu'elle reste pleine et entière pour les Etats. Ainsi, l'organisation n'étant pas un Etat, elle ne possède guère les mêmes droits et devoirs qu'un Etat. Ensuite, la personnalité juridique de l'organisation ne fait pas d'elle un « super-Etat » disposant d'un absolu pouvoir sur les Etats. En effet, la reconnaissance de la personnalité juridique signifie que « l'organisation est un sujet de droit international, qu'elle a la capacité à être titulaire de droits et devoirs internationaux et qu'elle a la capacité à se prévaloir de ses droits par voie de réclamations internationales »69.

67DUPUY (P. M.), Droit international public, Paris, Dalloz, 1995, p. 179. C'est aussi la position de l'école d'accès inductif qui lie la personnalité juridique des organisations internationales à la volonté des Etats membres exprimée dans l'acte constitutif ; voir dans ce sens BOWET (D. W), The internationals institutions, London, 1970, p. 303-304 ; YASSEN (M.) « La personnalité juridique a pour fondement, d'après le droit international, l'acte constitutif qu'exprime la volonté des Etats qui créent une organisation internationale » ; BROWNILE (I.), Principles of public international law, Oxford, 1973, p. 520.

68YASSEN (M.), op. cit., p. 54.

69DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G.), Op. cit., p. 237.

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La personnalité juridique reconnue aux organisations internationales leurs permet, sur la scène internationale, de jouer un rôle non négligeable aux côtés des traditionnels sujets de droit international.

B- Les implications de la personnalité juridique des organisations internationales

La personnalité juridique des organisations internationales entraine certaines conséquences dans leurs actions sur le plan interne et international. Ces conséquences pour l'essentiel se résument en des compétences reconnues à l'organisation.

S'il est indéniable que la personnalité juridique des organisations internationales se déduit de l'ensemble de ses attributions et missions et donc de ses compétences, le raisonnement contraire n'est pas réfutable. On peut faire aussi la lecture selon laquelle les compétences des organisations internationales sont une conséquence immédiate de cette personnalité juridique. Les compétences, explicites c'est-à-dire mentionnées dans le texte constitutif ou implicites c'est-à-dire déduisables en cas de silence du texte constitutif des organisations internationales se manifestent par des actions aussi bien au plan interne qu'international. La personnalité juridique interne de l'organisation, toujours fonctionnelle, varie suivant les organisations. Elle se manifeste le plus souvent par l'acquisition de biens meubles et immeubles lors de sa constitution sur le territoire d'un Etat. Cette constitution se matérialise dans bien de cas par la signature d'un accord de siège avec l'Etat hôte. L'organisation a également des compétences normatives se traduisant par la rédaction de règles techniques ou financières nécessaires à son bon fonctionnement.

La personnalité juridique internationale des organisations internationales leur permet de mener certaines actions de grande importance. D'abord, la personnalité juridique donne aux organisations internationales le droit de créer des actes juridiques dans leur domaine de compétence. Il s'agit de la capacité à prendre des actes unilatéraux comme des résolutions (ayant juridiquement force obligatoire) et des recommandations (si la décision ne constitue qu'une simple invitation)70 et des traités. Sur ce dernier point, les points de vue au sein de la

70 Cette distinction entre résolution et recommandation a été proposée par certains auteurs comme critère de classification des OI. Mais il n'apparaît pas assez déterminant en ce qu'il fera tantôt d'une organisation un organe consultatif tantôt un organe normatif ou encore exécutives « selon qu'elles ont ou non le pouvoir de prendre des résolutions obligatoires pour leurs membres et peuvent ou non assurer elles-mêmes l'exécution de leurs décisions » cf. KOUASSI (E. K.), Cours d'institutions internationales, Lomé, CERDIA, p. 106-107.

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doctrine ne sont pas unanimes. Pour le premier courant, la capacité des organisations internationales à conclure des traités est une conséquence de leur personnalité juridique. Selon cette école dite d'accès objectif, le droit de conclure des traités n'est rien d'autre qu'une expression du fait que les organisations internationales disposent de la personnalité juridique car s'il a été instauré que l'organisation internationale est un sujet de droit international, elle est alors ipso facto titulaire de la capacité à conclure des traités et il serait illogique que celle-ci, en tant que participant des relations internationales, soit privée du droit de confirmer et d'exprimer sa personnalité par la conclusion des traités avec d'autres sujets.71 Cette conception est critiquable sur le point qu'elle positionne les organisations internationales au même diapason que les Etats72 et qu'elle tend à universaliser cette compétence à toutes les organisations à caractère général73.

Pour la seconde école, la capacité des organisations internationales à conclure des traités ne peut se comprendre que comme étant une preuve de leur personnalité juridique. La Cour Internationale de Justice en déclarant que « la pratique, surtout au point de vue de la conclusion des conventions dont la partie contractuelle est l'ONU, confirme sa personnalité juridique internationale »74 s'inscrit indiscutablement à l'école de déduction inductive de la capacité à conclure des traités comme preuve de la personnalité juridique.

Pour la troisième école, il n'existe aucun lien nécessaire entre la personnalité juridique et la capacité de conclure des traités ; elle les considère comme les catégories indépendantes75. Quoiqu'il en soit, le lien entre la capacité juridique des organisations internationales à conclure des traités internationaux et leur personnalité juridique ne peut pas être sérieusement nié.

Par ailleurs la personnalité juridique des organisations internationales leur donne la capacité de faire des réclamations internationales (même si celle-ci n'a pas fait l'objet de reconnaissance explicite par la Charte) dans le cadre des dommages propres (directement

71 Voir dans ce sens, P. Reuter, Les institutions internationales, Paris, 1956, p. 232.

72 En principe si les Etats possèdent ex iure proprio cette compétence, les organisations internationales ne l'acquièrent qu'ex consenso c'est-à-dire par la conjonction des volontés des Etats exprimées dans l'acte créateur.

73 Il se révèle que dans la pratique la capacité des organisations n'est pas identique ; tout est question du contenu de son texte constitutif. Voir Kasme (B.), La capacité de l'Organisation des Nations Unies de conclure des traités, Paris, 1960, p. 25

74 CIJ, Recueil 1949, pp. 174 et 179.

75 Pour cette école, la capacité de conclure des traités des organisations est donnée aux organisations internationales par la force des règles du droit international général.

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causés à son patrimoine) ou des dommages indirects (causés à l'un des agents de l'Organisation). Il est important de relever, comme la Cour l'a d'ailleurs fait, que l'opposabilité (notamment à un Etat tiers) de cette compétence n'est pas la même pour toutes les organisations internationales. Ainsi à l'exception de l'ONU qui possède une personnalité internationale objective, les effets de la personnalité internationale des autres Organisations internationales ne concernent pas les Etats tiers.

Les attributions de la Cour internationale de justice répondaient à l'ultime souci de contribuer à la préservation de la paix et de la sécurité internationale. Dans ce sens, les avis ont apporté une contribution significative.

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CHAPITRE II : CONTRIBUTION AU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE
LA SECURITE INTERNATIONALES

La recherche de la paix et de la sécurité internationales est l'un des objectifs principaux des Nations-Unies et c'est d'ailleurs la raison fondamentale de l'existence de l'organisation mondiale. L'organisation et le fonctionnement76 du système onusien sont élaborés de manière à parvenir à la réalisation de cet objectif. La CIJ occupe dans cette mission de pacification de la Société internationale une place de référence (Section I). Sa contribution en la matière est assez éloquent (Section 2).

Section I : La pacification de la société internationale

La CIJ en tant qu'organe judiciaire principal des Nations-Unies joue un rôle déterminant dans la quête de la paix et de la sécurité internationales (Paragraphe I). C'est fort de ce rôle que la Cour, en cas de litispendance, ne se laisse pas empiéter par le Conseil de sécurité de l'ONU (Paragraphe 2).

Paragraphe I : Une mission attributive de la Cour

La mission de la Cour en matière de paix et de la sécurité internationales se déduit d'abord de sa qualité d'organe judiciaire principale des Nations-Unies (A) et ensuite du fait que sa saisine se situe dans le cadre des modes de règlement pacifique des différends (B).

A- La Cour, organe judiciaire principal des Nations-Unies

Le système des Nations-Unies en matière de paix et de la sécurité internationales est en réalité complexe. Il met en place des organes principaux d'une part et des organes subsidiaires d'autre part. Alors que les premiers sont des organes créés et désignés comme tel par l'acte constitutif, les seconds sont ceux dont la création résulte de la volonté des organes principaux à la lumière des circonstances et des nécessités du moment.

76 Les différents organes principaux et organes spécialisés ont chacun un rôle à jouer pour la sauvegarde de la paix dans le monde. De ce fait, leurs actions non seulement sont encadrées mais aussi doivent se loger dans la dynamique de collaboration ou de complémentarité.

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Les organes principaux jouent un rôle fondamental dans le système de fonctionnement mis en place à San Francisco. Ces organes à la lecture des dispositions de la Charte sont régis essentiellement par quatre (4) principes cardinaux. D'abord, le principe de spécialité fait référence à la mission particulière confiée à l'organe ou à un faisceau de tâches auxquelles correspondent des moyens et pouvoirs explicites ou implicites. Le principe d'égalité, ensuite, sous-tend qu'il n'existe en principe aucune subordination entre les différents organes et donc que chaque organe jouit d'une parfaite autonomie. Le principe de compétence résulte du principe de spécialité et d'égalité et fonde la compétence de l'organe dans un domaine bien déterminé. Enfin, le principe de coordination dont la finalité est de permettre l'atteinte des objectifs globaux de l'organisation. C'est l'Assemblé générale qui joue le rôle de coordination en vertu de sa compétence générale prévue à l'article 12 de la Charte.

La mission générale confiée à chaque organe principal de l'organisation est de concourir au « maintien de la paix et de la sécurité internationales ». De ce fait, la CIJ participe d'une manière indiscutable et fondamentale à la réalisation de cet objectif.

En effet, contrairement à la CPJI dont la mission était, conformément à son environnement juridico-institutionnel, le rétablissement de la paix et qui n'était pas intégrée à la SDN, la CIJ suivant les dispositions de l'article 7 de la Charte, fait partie intégrante de l'organisation mondiale. De ce fait, elle apparaît comme un rouage essentiel non seulement du mécanisme de règlement pacifique des différends mis au point par la Charte mais aussi du système général du maintien de la paix et de la sécurité internationales. La Cour ne peut se départir de

cette fonction. L'article 92 en faisant d'elle « l'organe judiciaire principale » de
l'organisation, met l'emphase non seulement sur ses activités purement judiciaires, mais aussi sur le caractère d'indépendance dont elle jouit à l'égard de tous les autres acteurs de la vie internationale.

Par ailleurs, l'organisation et le fonctionnement de la Cour sont assez d'éléments prouvant son attachement à la mission de sauvegarde de la paix aux côtés et conjointement avec d'autres organes. La Cour ayant pour mission de dire le droit dans l'intérêt de la paix prend en considération tous les aspects du litige et ne se borne nullement à une application « aveugle » du droit. On peut citer en exemple la prise en compte de l'équité qui constitue une méthode

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d'interprétation du droit77. La Cour a su faire preuve d'impartialité de ses juges et du souci constant de paix qui l'anime en excluant toutes considérations des parties qui se remettent à sa juridiction78. La composition de la Cour précisée à l'article 9 de son statut est en outre un gage indiscutable du souci permanant de paix entre les nations.

La Cour n'a jamais hésité d'affirmer dans plusieurs de ses arrêts et avis son attachement à la paix et à la sécurité internationale. Dans son avis de 2004 sur l'édification du mur en Palestine par exemple, elle affirme être « soucieuse d'apporter son soutien aux buts et aux principes inscrits dans la Charte des NU, en particulier le maintien de la paix et de la sécurité internationales et le règlement pacifique des différends »79.

B- La saisine de la Cour comme moyen de règlement pacifique des différends

L'ensemble des Etats présents à San Francisco, animés par le souci principal du maintien de la paix, ont défini un système pour parvenir à cette fin. L'un des moyens mis en place pour la sauvegarde, la consolidation et le rétablissement de la paix est le règlement pacifique des différends organisé au chapitre VI de la Charte.

Le principe de règlement pacifique des différends intimement lié à l'interdiction formelle énoncée à l'article 2 paragraphe 4 de la Charte suivant laquelle « Les membres de l'Organisation s'abstiennent dans leurs relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies ». Cette interdiction formelle faite aux Etats de ne recourir à la force dans leurs rapports ne souffre d'aucune exception seulement en cas de légitime défense qui reste d'ailleurs bien encadrée (article 51 de la Charte).

L'obligation de régler pacifiquement les différends, corollaire de l'interdiction de recourir à la force, revêt un caractère largement impératif. Elle est clairement affirmée à l'article 2 paragraphe 3 de la Charte qui dispose que « Les membres de l'organisation règlent leurs

77 Cf. Affaire de la délimitation maritime et questions territoriales, Qatar contre Bahreïn, 1994.

78 Cf. Affaire Activité militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986.

79 Cf. Avis 2004, Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, 09 juillet 2004.

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différents internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mis en danger » et à l'article 33 qui énumère les différents moyens de règlement pacifique des différends auxquels peuvent recourir les Etats. La Déclaration de Manille relative aux principes de droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats votée par l'Assemblée générale des NU le 24 octobre 1970 se fait plus incisive : « Tous les Etats doivent régler leurs différends internationaux avec d'autres Etats par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationale ainsi que la justice ne soient pas mises en danger ».

Il faut remarquer que la Charte en faisant obligation aux Etats de régler pacifiquement leurs différends, ne laisse paraître aucune injonction ou préférence à un mode de règlement donné. Il existe en la matière une liberté de choix laissée à la discrétion des protagonistes. Même le Conseil de sécurité qui a compétence à inviter les parties à régler pacifiquement leurs différends doit éviter de faire, selon le professeur SUR S. « de l'aiguillage politique »80 entre les moyens de règlement. Etant donné que chaque mode de règlement pacifique des différends a ses vertus propres, non seulement d'un point de vue intrinsèque mais aussi au regard de chaque situation particulière, il est normal, que la Charte en faisant obligation aux Etats d'y recourir n'en impose aucun.

L'article 33 n'établit d'ailleurs aucune hiérarchie entre les différents modes de règlement pacifique des différends. Les parties sont donc libres de recourir soit aux modes dits politiques (négociation, médiation, conciliation), soit aux modes juridictionnels (arbitrage81, saisine de la Cour), ou encore faire appel au régionalisme (accords régionaux).

Le recours à la Cour comme mode juridictionnel de règlement pacifique des différends fait d'elle un rouage essentiel dans la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales. La Cour, par ses arrêts et avis, contribue d'une manière significative à la consolidation de la paix. Ceci se déduit à la lumière de sa jurisprudence. Mais ce rôle important que jouent les avis dans la sauvegarde de la paix a été longtemps ignoré. Selon M. BENDJAOUI82« Ce n'est en réalité récemment que l'on a réellement pris conscience de l'impact que les avis de la Cour

80 Voir, Combacau et SUR (S.), Droit international public, Paris, Donnat, Montchrestien, 2001, p. 323.

81 A l'exception des autres procédés qui peuvent être utilisés parallèlement, seul le recours à l'arbitrage est soumis à l'échec d'un des modes politique ou non juridictionnels.

82BENDJAOUI (M.) « La place de la Cour internationale de justice dans le système général de maintien de la paix institué par la Charte des Nations Unies » RADIC, septembre 1996, N°3, p. 546.

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peuvent avoir en matière de la paix, soit directement, soit indirectement. Une question juridique pertinente posée en temps opportun à la Cour, peut, de par la réponse qui est faite voire par elle-même, s'avérer être un instrument efficace de diplomatie préventive 83».

Le rôle de la Cour dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales ne souffre d'aucune contestation. Dans la pratique, cependant, on constate que ce rôle est partagé avec le Conseil de sécurité ce qui ne manque de soulever quelques chevauchements.

Paragraphe 2 : Un rôle partagé en pratique avec le Conseil de sécurité

Il ne fait pas de doute qu'en matière de maintien de paix et de sécurité internationales, le Conseil de sécurité jouit d'une certaine primauté vis-à-vis de la CIJ comme à l'égard des autres organes principaux de l'organisation (A). Cette prééminence n'exclut cependant pas la possibilité d'action conjointe avec la Cour pour la sauvegarde de la paix (B).

A- La prééminence du Conseil de sécurité en matière de paix et de la sécurité

Le Conseil de sécurité occupe dans le système des NU une place incontestable et joue un rôle hautement déterminant dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Son rôle et son autorité ne peuvent être mis en cause. La Charte lui confère un rôle de premier plan pour l'atteinte de l'objectif ultime que s'est donné l'Organisation mondiale. Selon l'article 24 de la Charte, le Conseil de sécurité a une responsabilité principale en matière du maintien de la paix et de la sécurité internationales84. Cette responsabilité a été à plusieurs reprises confirmée par la CIJ dans ses différents avis85.

Plusieurs dispositions de la Charte font apparaître cette prééminence du Conseil de sécurité en matière de paix et de la sécurité internationales. Ainsi, suivant les dispositions de l'article 24 de la Charte, les décisions du Conseil sont obligatoires et s'imposent aux Etats membres pour qui il est mandataire. Le Conseil de sécurité se voit reconnaitre aussi un certain nombre de

83« La diplomatie préventive a pour objectif d'éviter que des différends ne surgissent entre les parties, d'empêcher qu'un différend ne se transforme en conflit ouvert et, si un conflit éclatait de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible » GHALI (B. B.), Agenda pour la paix, 2éd, NU, 1995, p. 64-66.

84KOUASSI (K. E.), Cours d'institutions internationales, CERDIA, Lomé, p. 143 « Ce texte fait expressément du Conseil l'organe mandataire de tous les Etats et lui confère la responsabilité principale dans un domaine qui pratiquement, constitue l'objet exclusif de toute l'action politique de l'Organisation ».

85 Cf. Avis consultatif sur la construction du mur en territoire palestinien occupé par Israël puissance occupante, op. cit., Avis relatif à l'emploi ou à l'utilisation de l'arme nucléaire (AG).

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pouvoirs spécifiques dans l'accomplissement de ses missions. En exemple, il a compétence à « élaborer des plans en vue d'établir le système de règlement des armements » (Article 26)86.

Dans le cadre du chapitre VI relatif au règlement pacifique des différends, le Conseil de sécurité peut inviter les parties à régler pacifiquement leurs différends par des procédés pacifiques (sans pour autant en imposer un des moyens) (article 33).

En cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression, le Conseil de sécurité a le pouvoir d'enquêter, de constater l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'acte d'agression, prendre des mesures provisoires, décider de recourir à la force pour faire rétablir la paix (chapitre VII).

La prééminence du Conseil n'est pas absente dans le cadre du régionalisme organisé au chapitre VIII de la Charte. S'il est indéniable que la Charte attribue un rôle important aux accords régionaux87, il n'est pas tout de même contestable que ces derniers sont supplantés par la toute-puissance du Conseil. Le Conseil conserve dans ce cadre des prérogatives qui lui sont dévolues aux articles 34 et 35 de la Charte. Ainsi les organisations régionales dans le cadre des accords régionaux ne peuvent recourir à la force pour rétablir la paix que sur l'accord exprès du Conseil de Sécurité88.

Le Conseil de Sécurité n'a pourtant pas le monopole du maintien de la paix et de la sécurité mondiale. La Cour y contribue significativement même en cas de litispendance.

86 Voir dans ce sens l'avis, Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, 08 juillet 1996.

87 La charte n'a pas donné de définition expresse des accords régionaux. « Cette souplesse permet à des groupes d'Etats d'intervenir pour régler une question qui se prête à une action de caractère régional et de contribuer également au maintien de la paix et de la sécurité internationale » GHALI (B.B.) in COT (J. P.) et PELLET (A.), Charte des NU commentée article par article. Op. cit., KELSEN (H.) considère « Qu'un accord régional en tant que pacte, est une association volontaire d'Etats souverains d'une certaine aire ou ayant des intérêts communs dans cette aire avec des buts communs qui ne soient pas de nature belliqueuse en rapport avec cette aire ». Selon le dictionnaire de droit international Public, l'accord régional « est un accord de sécurité mutuelle conclu entre Etats appartenant à une région géographique ou politique donnée ».

88 Le représentant du Venezuela faisait déjà remarqué à San Francisco que cet encadrement « ébranlerait l'autorité morale de l'organe régional, provoquerait son affaiblissement et sa dégradation progressive ou tout au moins diminuerait son esprit de coopération en faveur de l'Organisation mondiale » KOUASSI (K. E.), op. cit., p.165.

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B- Exercice conjoint de compétence entre la Cour et le Conseil

Dans son avis sur l'édification par Israël du mur en Palestine, la Cour internationale de justice a clairement affirmé que « La responsabilité du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales est principale et non exclusive »89. Cette assertion de la Cour évoque l'existence de « querelles » entre les deux organes principaux des NU en matière du maintien de la paix et de la sécurité internationales. En effet, en la matière au moins quatre organes principaux peuvent agir à des degrés divers. Il s'agit du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale, du Secrétaire général et de la CIJ.

La Charte tranche les rapports entre le Conseil de sécurité et l'AG en son article 12 qui dispose que « Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou à cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne la lui demande ». Par contre, en cas de litispendance (litige ou situation dans laquelle deux ou plusieurs tribunaux sont simultanément saisis pour trancher une affaire, de même nature, comportant le même objet et opposant les mêmes parties)90, la Charte garde un curieux mutisme.

Il n'existe dans la Charte, en principe, aucune disposition semblable à l'article sus évoqué qui oblige la Cour à ne pas se prononcer sur une affaire en cours de traitement par le Conseil de sécurité ou tout autre organe de l'institution. Dans la pratique cependant, certains ont voulu dénier à la Cour toute possibilité à se prononcer en cas de litispendance. Tel ne devrait pas en principe être le cas. Etant donné que les organes des NU fonctionnent sur des principes de spécialité, d'égalité, de compétence et de complémentarité, l'action de chacun de ses structures concourt à la réalisation de l'objectif de paix que vise l'Organisation. Ainsi, la Cour a toujours considéré que la pluralité de saisine n'était pas en soi un obstacle à ce qu'elle fasse son devoir une fois que sa compétence est clairement établie91. Selon le représentant des USA dans l'affaire du personnel diplomatique et consulaire à Téhéran, M. OWEN affirme que « Le

89 Cf. Avis sur la construction du mur en territoire palestinien occupé (2004).

90 En l'espèce certains éléments diffèrent : on est en présence d'un seul organe judiciaire, la Cour et la même affaire peut faire l'objet de différentes requêtes (aspects politiques devant le Conseil et aspects juridiques devant la Cour).

91 Voir dans ce sens, l'affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 26 novembre 1984.

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Conseil de Sécurité est un organe politique qui a la responsabilité de rechercher des solutions aux problèmes internationaux par des moyens politiques. Par contre, la Cour est un organe judiciaire qui possède la responsabilité d'utiliser les méthodes judiciaires pour résoudre les problèmes lorsqu'ils entrent dans sa compétence. Il n'y a absolument rien dans la Charte des NU ou dans le statut de la Cour qui suggère que l'action du Conseil exclut celle de la Cour, même si les deux actions peuvent être de quelque manière parallèles »92.

La réponse de la Cour à une question qui lui est posée peut jouer un rôle important, parfois déterminant dans le règlement pacifique d'un différend aux contours politiques complexes. C'est souvent lorsque la Cour semble glisser sur le terrain du contrôle de légalité des actes du Conseil de Sécurité que les résistances s'intensifient comme on peut le déduire de l'avis relatif à certaines dépenses de l'ONU93.

La jurisprudence de la Cour en matière de paix et de sécurité internationale est assez fournie.

Section 2 : La paix et la sécurité internationales dans la jurisprudence de la Cour

Les avis consultatifs de la CIJ ont contribué significativement à la consolidation de la paix et de la sécurité internationale en reconnaissant d'une part le droit à l'autodétermination de certains peuples (Paragraphe I) et d'autre part en limitant l'usage de la force (Paragraphe 2).

Paragraphe I : En matière du droit à l'autodétermination

Nous examinerons le contenu du principe du droit à l'autodétermination (A) avant de relever la position de la Cour en la matière (B).

A- Le contenu du droit à l'autodétermination

Le droit à l'autodétermination est un principe cardinal du droit international public. L'idée de liberté qu'il véhicule découle directement de la philosophie des lumières, notamment celle de

92 CIJ, Mémoires, Personnel diplomatiques et consulaires des Etats-Unis à Téhéran, p. 29.

93 Voir, Avis sur certaines dépenses des Nations Unies, Avis Consultatif, 20 juillet 1962.

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J. J. ROUSSEAU94. Encore appelé le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le droit à l'autodétermination95 des peuples est le principe selon lequel chaque peuple dispose d'un choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique et de sa voie de développement sans aucune ingérence externe. Il sous-tend par ailleurs la souveraineté pleine et entière sur les ressources dont regorge son territoire.

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes fut consacré par des textes aussi bien internationaux que régionaux. Sur le plan international, on peut faire référence entre autres à la Charte des NU qui énonce déjà dans son article premier que l'objectif de l'Organisation est de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes ». Dans son article 55, la Charte rappelle le même objectif, en prévoyant que l'ONU entend promouvoir le développement économique et social, la coopération internationale et le respect universel des droits humains « en vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes». La contribution concrète de l'ONU relative à l'autodétermination des peuples a été matérialisée par la résolution 1514 (XV) de l'AG en date du 14 décembre 1960. Dans cette résolution sur « L'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux », les Etats ont reconnu que « Tous les peuples ont le droit à l'autodétermination » et ont proclamé solennellement que« La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme, est contraire à la Charte des Nations - Unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiales ».L'article 1er commun aux deux Pactes - le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques- se fait plus explicite sur la question de la libre disposition des peuples :« 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples

94Ce principe fut reconnu premièrement par Lénine qui dans son écrit « La révolution sociale et le droit des Nations à disposer d'elles-mêmes » considérait le droit à l'autodétermination comme un critère général de la libération des peuples opprimés. Il fut proclamé pendant la première guerre mondiale dans les 14 points de Wilson afin de légitimer les nouvelles frontières de l'Europe.

95 Certains auteurs lient le droit à l'autodétermination au principe des nationalités, cf. DALLIER(P.) et PELLET (A.), Droit international public,Nguyen Quoc Dinh, Paris, LGDJ, 6éd., 1999, p. 61. D'autres par contre les différencient. Selon SCELLE (G.), alors que dans la première hypothèse la volonté prédomine, dans la seconde, elle est purement secondaire, cf. SCELLE (G.), Précis du droit des gens, Paris, Sirey, 1932, II, p. 257.

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peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations-Unies ». La Déclaration relative aux principes de droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte met l'accent sur « Le droit des peuples à déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure et de poursuivre le développement économique, social et culturel »96.

Sur le plan régional, la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dispose à son article 20 que « Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu'il a librement choisie. Les peuples colonisés ou opprimés ont le droit de se libérer de leur état de domination en recourant à tous moyens reconnus par la communauté internationale. Tous les peuples ont droit à l'assistance des Etats parties à la présente Charte, dans leur lutte de libération contre la domination étrangère, qu'elle soit d'ordre politique, économique ou culturel »97.L'acte final d'Helsinki qui constitue le texte fondateur de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) adoptée le 1er aout 1975 consacre le principe de l'autodétermination dans son chapitre VIII. La Convention Américaine des Droits de l'Homme pour sa part ne consacre pas explicitement le principe. Mais plusieurs de ses dispositions peuvent être utilisées pour sauvegarder ce droit98.

Le droit à l'autodétermination a contribué à l'indépendance entière de certains peuples colonisés ou occupés. Seulement il n'est pas sans soulever certaines inquiétudes notamment le

96 Cf. la Résolution 2625 de l'AG adoptée le 24 octobre 1970. On retrouve les mêmes dispositions à l'article 1.2 de la Déclaration et le programme d'action de Vienne adoptée en juin 1993 à l'issu de la 2ème conférence sur les droits de l'homme.

97 Le droit à l'autodétermination des peuples est fortement exprimé dans la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Qualifié de droit imprescriptible et inaliénable, le droit à l'autodétermination peut être, suivant les dispositions de cette Charte, arraché par tout moyen et si nécessaire avec le concours des autres Etats partis à la Charte (articles 20 et 21 de la Charte).

98On peut faire référence aux articles 4 (droit à la vie) ; 11 (droit à la protection de l'honneur et de la dignité de la personne) ; 21 (droit de la propriété privée).

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risque de balkanisation du monde que le principe contient en germe. C'est dans cette optique que le droit à l'autodétermination fut encadré par deux principes cardinaux que sont, le principe de l'intégrité territoriale et celui de la non-ingérence. Le paragraphe 6 de la Résolution 1514 (XV) dispose en effet que « Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes des Nations Unies ». Mais cette Résolution, à partir de 1990 fut l'objet de nombreuses transgressions avec la reconnaissance internationale de l'indépendance de l'Erythrée et du démembrement de la Yougoslavie ou de l'URSS. Le principe de non-ingérence défini à l'article 2 du Chapitre I de la Charte ne connait d'exception qu'en cas de non-respect des droits de l'homme ou de menace contre la paix.

La position de la Cour en matière du droit à l'autodétermination se déduit largement de plusieurs de ses avis consultatifs.

B- La position de la Cour

Le droit à l'autodétermination des peuples est un droit fondamental reconnu à chaque peuple. Il n'y a plus, de l'avis de la Cour, de raisons qu'un peuple soit privé de ce droit par le biais d'un quelconque assujettissement. Telle est la position de la Cour dans son avis sur l'indépendance de la Namibie du 21 juin 197199. Les faits de l'espèce sont assez complexes. En effet, il s'est agi d'une requête pour avis adressée à la Cour par l'AG suite au refus d'obtempérer de l'Afrique du Sud à la résolution 276 du Conseil de Sécurité de l'ONU lui demandant de mettre fin à son mandat sur le territoire de la Namibie. Il faut préciser que le mandat en question confié par la SDN à l'Afrique du Sud visait en général le bien-être et le développement des peuples qui n'ont pas encore la capacité de se gouverner par eux-mêmes ; c'est la mission sacrée de civilisation suivant les dispositions de l'Article 22 p1 du Pacte de la SDN. Cette mission était confiée à des Nations dites civilisées qui sont capables de l'assumer en raison de leurs ressources, de leurs expériences et de leur position géographique. A l'exception des mandats de type A utilisés pour des communautés déjà dotées d'une constitution et appelées à accéder rapidement à l'indépendance, la Cour devait, pour répondre à la question qui lui est posée, reconsidérer et ré-encadrer la mission confiée à l'Afrique du Sud par le mandat de type C qui excluait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

99Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, AC, 21 juin 1971, Rec. CIJ 1971.

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De l'avis de la Cour, à la lumière de l'évolution des relations internationales et du droit international, les termes (rédigés en caractères évolutifs) de l'article 22 du mandat litigieux notamment la notion de « mission sacrée de civilisation » doit exclusivement s'entendre en une mission qui a pour objectif ultime l'autodétermination et l'indépendance des peuples en cause. Par son avis, la Cour a ainsi contribué à l'indépendance si attendue de la Namibie.

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a retenu également l'attention de la Cour dans son avis sur la construction d'un mur par Israël en territoire palestinien occupé qui était à l'issue de la première guerre mondiale placé sous mandat de type A par la SDN et confié à la Grande - Bretagne. Il devait donc acquérir son indépendance provisoirement suivant l'article 22 du Pacte de la SDN qui dispose que « Certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l'Empire Ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement ».

Les évènements postérieurs n'ont pas permis l'accession de la Palestine à l'indépendance, notamment l'annexion israélienne. La Cour, pour se prononcer sur la légalité ou non du mur construit par Israël, a tout d'abord rappelé sa position exprimée dans son avis sur « Le statut international du Sud-Ouest africain » relative aux mandats en général à savoir que : « Le mandat a été créé, dans l'intérêt des habitants du territoire et de l'humanité en général, comme une institution internationale à laquelle était assigné un but international : la mission sacrée de civilisation » avant de viser les différents textes qui consacrent le droit ergaomnes100 des peuples à leur libre disposition. Ainsi, a-t-elle évoqué le paragraphe 4 de l'article 2 de Charte des NU (supra), la résolution 2526 de l'AG 101qui souligne que « nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l'emploi de la force ne sera considérée comme légale » et fait obligation à « tout Etat de s'abstenir de recourir à toute mesure coercitive qui priverait (les peuples) de leur droit à l'autodétermination ».Elle a également visé l'article premier commun au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (supra) qui réaffirme le droit de tous les peuples à disposer d'eux-mêmes et fait obligation aux Etats parties de faciliter la réalisation de ce droit conformément aux dispositions de la Charte.

100 Voir Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt CIJ du 30 juin 1995.

101 Résolution 2526 de l'AG de l'ONU du 24 octobre 1970.

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A la lumière de tous ces textes et des différents accords conclus sous l'égide de l'ONU, la Cour déduit une violation par Israël, puissance occupante, du droit sacré de la libre disposition du peuple palestinien et fait obligation, d'une part, à Israël de mettre un terme aux violations du droit international dont il est l'auteur et cesser immédiatement les travaux d'édification du mur et, d'autre part, à tous les Etats à ne pas reconnaitre la situation illégale découlant de la construction dudit mur. Même si dans la pratique on peut regretter l'application qui n'est pas faite de cet avis, l'apport de la Cour reste de toute évidence fondamental.

Tel était également la conclusion de la Cour en 1975 dans son avis sur le Sahara Occidental102, en reconnaissant que le territoire du Sahara Occidental n'était pas un terra nullius avant la colonisation par l'Espagne et qu'il avait des liens juridiques d'allégeance avec le Maroc et l'ensemble mauritanien, lesquels ne sont pas de nature à entraver « l'application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire ». Ici aussi, l'on regrette la non flexibilité des puissances impliquées notamment le Maroc, la Mauritanie et l'Algérie pour un dénouement de la situation conflictuelle dans la région malgré l'avis de la Cour.

Par ailleurs, l'avis consultatif de la Cour sur l'indépendance kosovare103 en estimant « que l'adoption de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 n'a violé ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel» malgré les multiples critiques dont il fut l'objet aussi parmi les juges104 qu'au sein de la doctrine, a considérablement contribué à la consolidation de la paix dans les Balkans.

L'autodétermination n'est strictement pas synonyme dans la pratique d'absence d'heurs entre Etats souverains. L'utilisation de la force souvent rencontrée sur la scène internationale a occupé une place sensible dans les avis de la Cour.

102Sahara occidental, AC, 16 octobre 1970, Recueil CIJ, 1976.

103 Cf. Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kossovo, AC, 22 juillet 2010.

104 Dans son opinion dissidente, le juge KOROMA estime que la conclusion de la Cour ne tient pas sur un plan juridique en ce qu'elle risque de créer un précédent permettant à tout groupe ethnique, linguistique ou religieux de déclarer son indépendance et de se séparer de l'Etat dont il fait partie sans le consentement de ce dernier, et en dehors du contexte de la décolonisation. Ceci reviendrait ni plus ni moins à annoncer aux groupes dissidents du monde entier qu'ils sont libres de contourner le droit international, pourvu, simplement qu'ils agissent d'une certaine manière et rédigent une déclaration unilatérale d'indépendance dans certains termes.

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Paragraphe 2 : L'interdiction du recours à la force

L'organe judiciaire principal de l'ONU a contribué par ses avis à éclairer le principe cardinal du non recours à la force dans les relations entre Etats (A) en précisant les contours des exceptions qu'il peut connaître (B).

A- Le contenu du principe

L'interdiction du recours à la force dans les relations entre Etats est un principe fondamental dans le système de pacification de la société mondiale mis en place par la Charte. Tirant les conséquences des différents soubresauts qui ont agité le monde, l'ensemble des Etats ont pris conscience de ces effets tragiques liés à l'utilisation de la force (armée) sur le plan international où les rapports entre Etats sont édifiés sur un principe coutumier de juxtaposition de souveraineté (sur le plan interne le recours à la force ou à la coercition est une illustration de la souveraineté absolue de l'Etat).

La consécration du principe a été faite en plusieurs étapes. Déjà L'article premier de la Convention de La Haye dite de Drago-Porter (1970) dispose que les parties contractantes sont « Convenues de ne pas avoir recours à la force armée pour le recouvrement de dettes contractuelles réclamées au gouvernement d'un pays par le gouvernement d'un autre pays comme dues à des nationaux ». La première consécration formelle sera faite dans le Pacte de la SDN. Dans ce Pacte, la distinction est faite entre les guerres illicites et celles dites licites qui implicitement n'étaient pas interdites. L'objectif du principe de non recours à la force n'était pas l'interdiction stricte de l'utilisation de la force, mais son encadrement. La Charte des Nations-Unies en son article 2 paragraphe 4 dispose que « Les membres de l'Organisation s'abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies ». A la lumière de cet article, tout recours à la force n'est pas illicite. L'illicéité est alors mesurée à la lumière des « buts » des Nations-Unies. Il n'est donc pas surprenant que les conflits coloniaux des années1970 ne furent pas déclarés illicites car conformes à la norme ergaomnes de la libre disposition des peuples telle que affirmée à l'article 1 paragraphe 2 de la Charte.

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La règle de non recours à la force est largement admise par les Etats même si dans la pratique, elle est très souvent transgressée. Dans la Déclaration d'Helsinki relative à la sécurité et à la coopération en Europe, les « Etats... s'abstiennent dans leurs relations mutuelles de recourir à la menace ou à l'emploi de la force ». S'agissant de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, guidée par le souci ultime de la décolonisation, l'interdiction du recours à la force n'est pas explicitement exprimée. On peut toutefois affirmer sa consécration étant donné qu'elle proclame manifestement son adhésion aux déclarations adoptées dans le cadre de l'Organisation des Nations-Unies notamment la Charte. Sont considérés comme forme d'emploi de la force, l'agression d'un Etat contre un autre, les mesures coercitives contre un Etat et les actes de représailles.

La Cour affirme son adhésion totale au principe de non recours à la force dans son avis sur la licéité de l'utilisation de l'arme nucléaire. Elle rappelle en substance que « L'interdiction au recours à la force ne concerne pas une arme donnée ; elle s'applique à n'importe quel emploi de force (même) indépendamment des armes employés ». Cette position n'a pas fait l'objet de fluctuations dans les avis105 et arrêts106 de la Cour.

L'interdiction faite aux Etats de recourir à la force dans leurs rapports mutuels connaît cependant certaines exceptions dont le plus marquant est celui de la légitime défense.

B- L'exception au principe : la légitime défense

L'objectif des Etas n'était pas de mettre hors la loi l'usage de la force dans leurs rapports mutuels - ce qui serait d'ailleurs utopiste - mais plutôt de l'encadrer suffisamment. De ce fait, le principe de non recours à la force dans les rapports entre Etats est assorti d'exceptions. Il s'agit tout d'abord de la prérogative reconnue au Conseil de sécurité d'intervenir par la force en cas de constatation d'une situation de menace contre la paix ou de rupture de la paix (chapitre VII de la Charte) et ensuite le cas de la légitime défense.

L'article 2 paragraphe 4 de la Charte doit être en effet lu en rapport avec l'article 51 du chapitre VII de la Charte, consacré à l'action du Conseil de sécurité des Nations-Unies en vue

105 Voir, affaire licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, AC, 8 juillet 1996 ; Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, AC, 9 juillet 2004.

106 Voir, activité militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984.

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du maintien de la paix et de sécurité internationales, qui consacre explicitement la légitime défense comme exception de l'interdiction générale du recours à la force. La Charte affirme en cet article qu'« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations-Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».

La légitime défense exprime l'idée de défense par un Etat agressé ou la défense d'un autre Etat par un Etat tiers justifiée par la réciprocité des relations internationales. L'article 51 tout en donnant les caractères de la légitime défense, l'assortit de conditions. S'agissant des caractères de la légitime défense, il précise qu'elle est un droit naturel, immuable et universel. La Cour précise qu'il s'agit d'une règle coutumière107. Elle peut intervenir soit dans un cadre individuel ou dans un cadre collectif surtout dans le cadre d'accords conclus entre certains Etats108 (Traité de l'Atlantique Nord de 1949 ; Pacte de Varsovie de 1955).

Le recours à la légitime défense est strictement encadré. D'abord, il doit s'agir d'une agression dirigée contre un membre des Nations-Unies. Mais la pratique montre qu'il s'applique aussi à certains Etats comme la Suisse. Les débats sur son éventuelle application aux organisations internationales ne sont pas encore tranchés totalement.

Ensuite, il doit s'agir d'un cas d'agression. La Charte ayant gardé un mutisme sur le sens et la portée de l'agression, la pratique des Etats ont conduit à une extrapolation du champ d'action de la légitime défense. Selon la Résolution109« l'agression est l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations-Unies ». Pour la Cour, on ne peut parler d'agression « qu'en cas d'opération militaire de grande ampleur. Il n'y a pas forcement une confrontation directe d'armée à armée ; l'envoi de bandes armées dans un

107 Voir, activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984.

108 Craignant la menace de la paix du fait de ces accords entre Etats les amenant à agir au titre de la légitime défense, la Cour encadre cette faculté en précisant dans l'arrêt sur les activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984, que l'Etat agressé doit faire une déclaration expresse vis-à-vis des Etats dont il sollicite de l'aide.

109 Cf. Résolution 3314 (XXIX) du14 décembre 1974. L'article 3 alinéa g ajoute que l'agression est la « forme la plus grave et la plus dangereuse de l'emploi illicite de la force ». Cette résolution donne une liste non exhaustive des actes constitutifs d'agression : envoi de forces armées dans le territoire d'un autre Etat sans son consentement, le survol non autorisé du territoire d'un Etat par des aéronefs militaires d'un autre Etat, la forte concentration des troupes armées régulières à la frontière d'un autre Etat etc.

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autre Etat suffit »110. Dans son avis de 1996, la Cour précise qu'on ne peut parler d'agression que lorsque celle-ci « met en cause la survie » de l'Etat agressé111.

Il faut relever que les différentes approches ne comblent pas le vide juridique relatif aux simples menaces contre un Etat ni le cas d'agression de groupes terroristes. Cet état de chose a conduit à des prises de positions diverses par les Etats justifiant leurs actions par leur droit inaliénable de la légitime défense.

En matière de menaces, le cas le plus exprès est celui de l'attaque de l'Irak par les Etats Unis arguant l'existence d'une véritable menace de leur sécurité par le fait que l'Irak disposerait d'armes à destruction massive. La fameuse théorie montée à cette occasion fut celle de la légitime défense préventive. Même si, au sein de la doctrine, les pourfendeurs et les défendeurs s'affrontent par leurs argumentaires, il ne fait pas de doute que cette théorie ne cadre pas avec les exigences de la légitime défense. En effet, la légitime défense suppose l'existence réelle et prouvée d'une agression ; elle doit en outre lui être postérieure et la riposte doit remplir le critère de proportionnalité. Dans le cadre de l'attaque des Etats Unis d'Amérique, il est incontestable que ces conditions sont loin d'être réunies. La position idéale à adopter en la matière pour être compatible avec les objectifs de la Charte consisterait à laisser au Conseil de sécurité la seule compétence à constater l'existence de menace et à déterminer les actions à mener pour y mettre fin. Tel semble être la position du Conseil exprimée dans sa Résolution 1441.

Les cas d'agression du fait de groupes non étatiques soulèvent également quelques difficultés. En effet peut-on légitimement évoquer la légitime défense pour justifier une intervention (recours à la force) contre un groupe terroriste ? La position de la Cour en la matière n'a pas fluctué : l'agression doit être imputable à un Etat. Ainsi, la Cour n'a pas légitimé la construction du mur par Israël en territoire palestinien occupé112 du fait que les attaques dont il fut l'objet ne peuvent pas être imputées à la Palestine dont il nie d'ailleurs l'existence.

Mais la pratique semble laisser croire à une extension du champ d'action de la légitime défense. Dans l'affaire relative à l'attaque d'Israël au Liban, la Cour pour exclure le droit de

110 Voir, activité militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984.

111Voir, affaire licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, AC, 8 juillet 1996.

112 Voir, Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, AC, 9 juillet 2004.

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la légitime défense évoqué par Israël pour justifier son action, l'a fait sous l'aspect de la disproportion de la riposte. Il semble exister dès lors une implicite consécration du droit de légitime défense une fois que le principe de proportionnalité et le respect du droit international en général sont réunis. Tel fut la position du Conseil de sécurité dans sa Résolution S/RES/1368 adoptée en toute précipitation le 12 septembre 2001. Il serait préférable dans cette hypothèse de faire agir la légitime défense dans un cadre collectif pour ne plus retomber dans les risques liés à l'unilatéralisme des actions des Etats.

La contribution de la Cour au travers de ses avis dans le cadre de sa compétence consultative est, on ne peut en douter, véritablement significative. Cette contribution peut, cependant, être rehaussée en corrigeant certaines carences et obstacles inhérents à l'organisation et au fonctionnement de la Cour.

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DEUXIEME PARTIE

UNE FONCTION REVALORISABLE

La Cour internationale de justice occupe une place stratégique dans le système onusien de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Elle a fait ses preuves en apportant sa contribution sur divers plans en vue de la pacification de la Société mondiale par le bais de la promotion et la valorisation du droit international.

Etant donné que cette société internationale est en perpétuelle mutation, la Cour est appelée à faire face dans le futur à des besoins nouveaux où son apport serait très important. La Cour, pour être au rendez-vous, doit pouvoir entreprendre une réforme de son système judiciaire en introduisant, aussi bien dans son organisation que dans son fonctionnement, des innovations remarquables et décisives (Chapitre 2) après un diagnostic des handicaps ou obstacles actuels qui freinent son dynamisme (Chapitre I).

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CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION CONSULTATIVE

L'organisation et le fonctionnement de la Cour laissent apparaître les raisons de la sous-utilisation actuelle de la compétence consultative de l'organe judiciaire principal des Nations-Unies. Cette moindre sollicitation s'explique d'abord par la très grande restriction de la compétence à la saisir (Section 1) et ensuite par l'existence d'une concurrence dont elle fait l'objet avec d'autres moyens de règlement des différends (Section 2).

Section I : Une saisine moins généreuse

La compétence institue personae (Paragraphe 1) et la compétence institue materiae

(Paragraphe 2) telles que organisées par la Charte et le Statut de la Cour en matière
consultative ne permettent pas une plus grande sollicitation de la Cour en matière consultative.

Paragraphe I : La compétence personnelle limitative

Suivant les dispositions de l'article 96 de la Charte des Nations-Unies et l'article 65 du Statut de la Cour, seuls certains organes et institutions des Nations-Unies sont autorisés à demander l'avis de la Cour (A). Dans la pratique, les initiatives de ces organes habilités à saisir la Cour sont fragilisées par l'existence d'entraves d'ordre procédural (B).

A- Les organes habilités à saisir la Cour

Contrairement à la procédure contentieuse ouverte aux Etats, la procédure consultative est l'apanage exclusif des organes et institutions de l'Organisation des Nations-Unies. L'exclusion des Etats de la procédure consultative peut se justifier sur deux (02) points essentiellement. D'abord, si l'autorisation était accordée aux Etats de solliciter (conjointement) l'opinion de la Cour pour un conflit ouvert ou non, on arriverait à un amalgame notoire entre la procédure contentieuse et celle consultative. Ensuite, si en cas de litige pendant entre Etats, l'un d'entre eux était autorisé à saisir la Cour pour avis, il pourrait mettre les autres Etats devant le fait accompli.

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L'inconvénient principal d'une extension de la procédure consultative à des demandes émanant des Etats serait d'amener la Cour à devoir, le cas échéant, statuer deux fois successivement au sujet de la même question, d'abord en procédure consultative puis en procédure contentieuse. Elle risquerait ainsi de se trouver moralement liée par un avis qu'elle aurait donné antérieurement en termes abstraits et peut-être sans posséder les éléments d'appréciation précis qui ressortent d'un litige réel ou de prononcer une solution différente au vu des circonstances de l'espèce et après un nouvel examen. Ceci pourrait être préjudiciable à son prestige et à son autorité. Il a été avancé qu'on peut limiter cet inconvénient en excluant les demandes d'avis consultatifs sur des litiges actuels.

Aux termes de l'article 96 de la Charte des Nations-Unies, seuls les organes et institutions de l'ONU sont habiletés à demander l'avis de la Cour. Suivant les dispositions de cet article, les organes autorisés à demander l'opinion de la Cour peuvent être catégorisés en deux groupes en raison des dimensions variantes de leur saisine (alors que certains organes peuvent saisir la Cour en matière consultative sans aucune limite - bien entendu sur des aspects juridiques- les autres sont limités par le principe de spécialité sus évoqué). Ainsi, tous les organes principaux des Nations-Unies à savoir, le Conseil de sécurité, l'Assemblée générale, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle, sont autorisés à solliciter l'avis de la Cour. On note l'exclusion notoire du Secrétaire général113. De tous ces organes, l'Assemblée générale a été l'organe de loin le plus enclin à saisir la Cour de ses interrogations.

Ainsi, l'Assemblée générale a eu à saisir la Cour dans les affaires suivantes : Les conditions de l'admission d'un Etat comme membre des Nations-Unies (1948), Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie (1950), Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1951), Effets de jugements du Tribunal administratif des Nations-Unies accordant indemnité (1954), Certaines dépenses des Nations-Unies (1962), Sahara occidental (1975), Licéité de la menace d'armes nucléaires (1996), Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé (2004), Conformité au droit international de la déclaration unilatéral d'indépendance relative au Kossovo (2008) et Jugement N° 2867 du Tribunal administratif de l'Organisation internationale du travail sur requête contre le Fonds international de développement agricole (requête pour avis consultatif(2010).

113Parmi les autres organes habiletés à solliciter l'avis de la Cour on peut citer la commission intérimaire de l'Assemblée Générale et le comité des demandes de reformulation des jugements du TANU.

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Le Conseil de Sécurité a fait usage de cet outil seulement dans l'affaire relative aux conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (1971) par la résolution 284 (1970) adoptée le 29 juillet 1970

Parmi les institutions spécialisées de l'ONU ayant sollicité l'opinion de la Cour ou peut citer entre autres, l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime (1960) sur la composition de son comité ;l'Organisation mondiale de la santé dans les affaires relatives à l'Interprétation de l'accord du 25 mars 1991 entre l'OMS et l'Egypte (1980) et à la Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat lors d'un conflit armé (1996) ; le Conseil économique et social (1999) dans l'affaire « Différend relatif à l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme (1999.

Il faut relever que parmi les institutions spécialisées de l'ONU, seuls l'Agence international de l'énergie atomique (AIEA) et l'Union postale universelle (UPU) (devenue institution spécialisée de Nations Unies le 1er juillet 1948) ne sont pas autorisés à saisir la Cour pour avis.

Le caractère restreint de l'ouverture de la saisine s'agissant de la compétence organique est couplée avec certains obstacles d'ordre procédural qui entravent la visibilité de la fonction consultative de la Cour mondiale.

B- Les obstacles procéduraux

La procédure de saisine de la Cour n'est pas la même pour tous les organes et institutions de l'ONU. Ainsi, suivants les dispositions de l'Article 96 de la Charte des Nations-Unies, alors que l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité peuvent directement saisir la Cour, les autres organes et institutions doivent au préalable obtenir l'avis favorable de l'Assemblée générale.

En principe, la saisine de la Cour pour avis se fait sur la base de résolution de l'organe intéressé. Devant l'Assemblée générale, cette résolution pour solliciter l'opinion de la Cour n'est pas considérée comme une question importante qui exige la majorité des deux tiers

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suivants les dispositions de l'article 18 de la Charte114. Saisie par la Résolution 49/75 K du 15 décembre 1994 par l'OMS pour avis, la Cour n'a pas soulevé la question de sa validé alors même qu'elle n'était pas adoptée à la majorité des deux tiers des voix.

Par contre, le Conseil de sécurité considère la résolution servant de base pour la saisine de la Cour pour avis non pas comme une question de procédure exigeant un vote affirmatif de neufs membres présents quels qu'ils soient mais comme une question de fond qui exige un vote affirmatif de neuf voix des membres dans lequel sont comprises les voix des cinq membres permanents. Ceci pose inéluctablement le problème d'usage du droit de veto par les membres permanents lorsqu'il se trouve que leurs intérêts seront mis en jeux par l'avis de la Cour - qui, même dénué de force obligatoire, n'en revêt pas moins une certaine autorité morale, juridique et diplomatique.

Le blocage à la validité de la résolution du Conseil de sécurité a été de justesse évité dans l'affaire relative à la présence de l'Afrique du Sud en Namibie, quand la Cour a considéré que suivant la pratique constante du Conseil, « L'abstention d'un membre du Conseil ne signifie pas qu'il s'oppose à l'adoption de résolutions. L'abstention d'un membre du Conseil ne signifie pas qu'il s'oppose à l'approbation de ce qui est proposé ; pour empêcher l'adoption d'une résolution exigeant l'unanimité des membres permanents, un membre permanent doit émettre un vote négatif »115.

Aussi, le fonctionnement saisonnier de l'Assemblée générale n'est pas de nature à favoriser une plus grande saisine de la Cour en matière consultative. En effet l'Assemblée générale se réunit seulement une seule fois l'an en session ordinaire. Les sessions extraordinaires qui constitueraient des remèdes se révèlent difficiles à organiser étant donné qu'elles ne peuvent se faire que par le Conseil de sécurité ou par la majorité des Etats membres de l'organisation.

114 Sont considérées comme questions importantes exigeant le vote des deux tiers des membres présents et votants de l'AG les recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationale, l'élection des membres non permanents du CS, l'élection des membres du CES, l'élection des membres du CT, l'admission de nouveaux membres dans l'organisation, la suspension des droits et privilèges des membres, exclusion de membre, les questions relatives au fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires.

115 Voir affaire, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, AC, 21 juin 1971, Recueil CIJ 1971. Cette résolution en effet fut adoptée par 12 voix sans opposition mais avec trois abstentions, celles de la Pologne, du Royaume-Uni, et de l'URSS.

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La limitation de l'action consultative de la Cour ne se situe pas seulement au plan organique. L'extrême délimitation du domaine d'action des avis de la Cour a également un impact restrictif sur la portée de la fonction consultative.

Paragraphe 2 : La compétence matérielle claire obscure

La délimitation de la compétence matérielle a des contours assez flous (A) de sorte qu'il appartient à la Cour de se décider en dernier ressort sur la recevabilité ou non de la requête en faisant usage de sa compétence discrétionnaire (B).

A- L'exclusivité des questions juridiques

En matière contentieuse tout comme en matière consultative, la compétence matérielle de la Cour est strictement encadrée. Suivant les dispositions de l'article 36 alinéa 3 de la Charte, seuls « Les différends d'ordre juridique devraient être soumis par les parties à la Cour internationale de justice ». La précision est en outre faite à l'article 96 qui dispose que « l'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de justice un avis consultatif sur toute question juridique. Tous les autres organes et institutions spécialisées qui, peuvent à un moment quelconque, recevoir de l'Assemblée générale une autorisation à cet effet ont également le droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leurs activités ».L'article 38 de la Charte en faisant obligation à la Cour de « Régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis » circonscrit sa compétence au domaine essentiellement juridique. La compétence matérielle de la Cour est donc limitée aux questions juridiques.

Cette exigence ou restriction de la compétence matérielle de la Cour aux différends et questions juridiques se justifie essentiellement par le fait que, suivant le schéma mis au point par la Charte, il doit exister une démarcation nette entre les organes politiques et ceux juridictionnels. Les organes politiques que sont le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale doivent connaitre des différends d'ordres politiques et ceux juridictionnels (dont la Cour) des aspects juridiques des différends.

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Seulement, la distinction entre différends ou questions politiques et différends ou questions juridiques n'est pas assez démarquée dans les faits, ce qui conduit à la sous - utilisation de la Cour principalement en matière consultative116.

Par ailleurs, la notion de question juridique fait l'objet de diverses interprétations de la part des acteurs de la scène internationale. La compétence de la Cour à donner son opinion sur certaines questions à elle soumises par des organes ou institutions habilités a fait l'objet de contestations. Dans l'avis relatif aux conditions de l'admission d'un Etat comme membre des Nations Unies, il a été soulevé que la Cour n'avait pas compétence à donner une suite à la question sous prétexte qu'elle revêt un caractère purement politique. La Cour a estimé en effet « Qu'elle ne peut attribuer un caractère politique à une demande, libellée en des termes abstraits, qui, en lui déférant l'interprétation d'un texte conventionnel, l'invite à remplir une fonction essentiellement judiciaire »117. Aussi, la Cour a relevé qu'il est impérieux de faire une distinction entre les mobiles et circonstances (qui peuvent être politiques) de la question rédigée en terme abstraits118.

La procédure consultative décrite à l'article 96 de la Charte fait obligation, en dehors de l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, aux autres organes et institutions de ne poser des questions que dans le cadre de leurs activités. C'est dans cette optique que la Cour a estimé en 1996 que la demande d'avis introduite par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) n'était pas recevable par ce que extrapolant le cadre de ses activités. Par contre la même interrogation introduite par l'Assemblée générale a été favorablement accueillie.

Cette obligation de spécialité, quoi que justifiable, n'est pas sans soulever des difficultés dans la pratique notamment lorsque la demande pour avis provient d'un organe qui s'intercale entre celui dont l'acte est soumis à l'avis de la Cour et celle-ci. C'est le cas du « Comité des demandes de reformulation » des jugements du Tribunal administratif des Nations-Unies

116 Voir BENDJAOUI (Mohammed), « La place de la Cour internationale de justice dans le système général de maintien de la paix institué par la Charte des Nations-Unies », RADIC, septembre 1996, volume 8, point 3, p. 543.

117 Voir les Avis, Conditions de l'admission d'un Etat comme membre des Nations-Unies (1948) ; Interprétation des traités de paix conclus entre la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie (1950) ; Certaines dépenses des Nations-Unies ; Interprétation de l'accord du 25 mars 1951 entre l'Egypte et l'OMS.

118 Le caractère abstrait des questions a été souvent évoqué pour contester la compétence de la Cour à donner un avis. La Cour estime qu'il n'existe aucune restriction en ce sens dans la Charte suivant les dispositions de l'article 65 de son Statut.

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(TANU). Dans tous les cas où la saisine de la Cour est controversée, l'habilitation est donnée à la Cour pour décider.

B- La fiction utile de la compétence discrétionnaire de la Cour

La notion de discrétion exprime d'une manière générale l'idée que l'agent ou l'organe intéressé apprécie, à sa guise, l'opportunité et les modalités de l'exercice d'une faculté ou d'une action. Cette approche générale de la notion de discrétion a connu une véritable mutation en raison des déviations qui découlent de sa mise en oeuvre. En effet, certains doctrinaires ont estimé qu'il était scandaleux d'envisager une certaine discrétion sans aucune limitation. Or, encadrer l'exercice de cette liberté reviendrait à nier son existence même119. L'encadrement de la compétence discrétionnaire soit par des normes commande de distinguer entre la compétence discrétionnaire libérée de toutes contraintes du pouvoir d'appréciation qui reste contrôlable au plan juridique.

La doctrine n'est non plus unanime s'agissant de la compétence discrétionnaire de la Cour à donner ou non un avis malgré le fait que celle-ci n'a jamais cessé de la réclamer et de l'affirmer (même si dans la pratique il en va autrement).

L'article 65 du statut de la Cour précise qu'elle « peut » donner un avis consultatif sur toute question juridique. La Cour a, à plusieurs reprises cité cette disposition du statut de la Cour qui lui reconnait le pouvoir discrétionnaire à donner ou pas un avis. Dans l'affaire relative à la licéité de la menace ou de l'emploi de l'arme nucléaire introduite par l'Assemblée générale en 1996, la Cour relève « Qu'elle peut donner un avis consultatif (...) comme..., son statut lui laisse aussi le pouvoir discrétionnaire de décider si elle a établi sa compétence pour ce faire ». Il s'agit là d'une affirmation constante de la Cour120. Il faut relever que dans l'Avis relatif à l'interprétation des traités de paix conclus entre la Bulgarie, la Hongrie et le Roumanie (première phase 1950), la Cour, en évoquant l'Article 65 de son Statut, a précisé qu'elle « A

119 Avec l'avènement de l'Etat de droit, la doctrine, surtout germanophone, a contesté le caractère absolu du pouvoir discrétionnaire. On a estimé que la compétence discrétionnaire doit être encadrée soit par des normes ou guidée par l'objet ou le but (la finalité) de l'ordre juridique. Le pouvoir discrétionnaire devient dès lors un pouvoir-devoir.

120 Voir les affaires : Certaines dépenses des Nations Unies (1962) ; Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (1971) ; Sahara Occidental (1975) ; Demande de reformulation du jugement n° 333 du TANU (Yakimetz) (1987)

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le pouvoir d'apprécier si les circonstances de l'espèce sont telles qu'elles doivent déterminer à ne pas répondre à une demande d'avis ». C'est en 1962 que la Cour va affirmer le caractère large de sa compétence discrétionnaire, « Le pouvoir qu'a la Cour de donner un avis consultatif procède de l'article 65 du Statut. Ce pouvoir ainsi attribué a un caractère discrétionnaire ».

Cette discrétion affirmée par la Cour est diversement appréciée par la doctrine. Tandis que, le premier courant estime que la compétence discrétionnaire de la Cour est large et presque illimité121, le second courant trouve certaines limites à cette compétence discrétionnaire tout comme la Cour elle-même l'a fait. Il évoque en occurrence les raisons décisives pour limiter la compétence de la Cour122. Le troisième courant quant à lui, nie catégoriquement l'existence d'un quelconque pouvoir discrétionnaire au profit de la Cour estimant, qu'une fois que sont réunies les conditions définies par la Charte et le Statut de la Cour, il ne revient pas à celle-ci, organe judiciaire, de juger de la recevabilité de la requête. Selon Scelle (G.), « La Cour étant un organe judiciaire, elle ne peut se refuser de donner un avis quand une requête tombe dans un domaine de sa compétence »123.

La Cour elle-même relance les débats lorsqu'elle, en même temps qu'elle affirme sa compétence discrétionnaire, relève que la réponse à une requête d'avis constituant sa participation à l'action de l'Organisation, elle ne devrait pas en principe être refusée124.

La Cour indique que seules les raisons décisives (copellingreasons) pouvaient justifier son refus à donner un avis. La notion de copellingreasons évoquée par la Cour qui renvoie à la protection de son intégrité judiciaire couvre plusieurs aspects. D'abord l'incompétence de la Cour pour des raisons dites décisives peut être relative à son incompétence personnelle,

121 Pour Kelsen, «Under Article 65 of the statue the Court is only authorized, not obliged, to give an advisory opinions. The Court may, for reasons completely within its discretion, refuse to give advisory opinion requested in conformity with the Charter and the Statute», Kelsen (H.), the Law of United Nations, Londres, 1950, p. 549.

122 Voir, Nguyen Quoc Dinh, Daillier (P.), Pellet (A.), Droit international Public, 5éd., Paris, 1994, p. 857 ; Daillier(P.), dans : Cot (J.P.), Pellet (A.), La Charte des Nations Unies, 5éd., Paris, 2002, p. 1292-1296.

123 Pour Abi-Saab (G.) « Si elle est compétente, la Cour ne peut refuser de donner un avis que pour des raisons qui touchent à la recevabilité général, c'est-à-dire à la protection de son intégrité judiciaire. Il n'y a donc pas de discrétion parce que l'appréciation de la Cour ne peut porter que sur les limites de la fonction judiciaire » in Observations de Abi-Saab (G.), Avis relatif à la Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé (OMS), Audience publique du 1 novembre 1995, Compte rendu, CR 95/23, p. 18-29.

124 Cette position a été affirmée dans les affaires : Certaines dépenses des NU (1962) ; Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (1971) ; Sahara Occidental (1975) ; Applicabilité de la section 22 de l'article VI de la Convention sur les privilèges et immunités des NU (1989).

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matérielle ou temporelle. L'incompétence de la Cour peut être due à l'incompétence de l'organe qui la saisit125. Le refus de donner un avis sur la base d'une incompétence matérielle a été relevé par la Cour dans l'affaire relative à la Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat lors d'un conflit armé126. En l'espèce la Cour est arrivée à la conclusion qu'il n'existe pas de rapport entre l'objet de la question et l'activité de l'organisation requérante aux termes des dispositions de l'article 96 de la Charte.

D'autres raisons qui peuvent justifier le refus de la Cour à donner un avis sont liées non à la compétence mais à la recevabilité de la demande. Il est question ici des « limites qui s'imposent lorsque la Cour est appelée à agir d'une manière qui dépasse ou qui est incompatible avec ses pouvoirs tels qu'ils sont tracés par le Statut et le Règlement et par la notion même de la fonction judiciaire »127. On range dans ces raisons liées à la recevabilité de la demande les affaires relevant essentiellement de la compétence nationale des Etats, les affaires qui conduiraient la Cour à trancher au fond un litige pendant.

Il apparait, de tout ce qui précède, qu'il ne s'agit que d'une fiction-utile la prétendue discrétion de la Cour à donner un avis. En effet, et comme le souligne Kolb (Robert), « la discrétion suppose un résidu de libre choix qui ne se laisse pas à des considérations de droit. Il y a dans toute discrétion un irréductible élément d'opportunité impossible à enserrer dans des conditions objectives »128. Or, il est évident que, d'abord, en matière consultative, une fois que la Cour est saisie, elle doit appliquer la norme selon laquelle elle peut refuser de donner suite favorable à la demande. Ensuite, des considérations objectives relatives à la sauvegarde de l'intégrité judiciaire de la Cour dictent l'attitude à adopter face à une demande d'avis.

Somme toute, l'intégrité judiciaire de la Cour que vise la prétendue « compétence discrétionnaire » pouvait être garantie par des raisons spécifiques conjuguées avec la finalité objective de la Cour.

125 C'est le cas dans l'Affaire du Statut de la Carélie orientale où il était question de la position de la Russie qui n'était pas encore membre de la SDN et n'avait pas donné son accord pour que le différend sois traité par le Conseil. On peut relever qu'il s'agissait en l'espèce d'une incompétence mixte (personae et materiae).

126 Voir, Avis, Armes nucléaires (1996 OMS).

127 Voir, Abi-Saab (G.), ibid. p. 147.

128Kolb (R.), « Prétendue discrétion de la CIJ de refuser de donner un avis consultatif », RADIC, décembre 2000, Tome 12, N°4, p. 810.

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La moindre utilisation de la fonction consultative de la Cour se trouve être encore accentuée par d'une part la grande importance accordée à la concurrente fonction contentieuse et d'autre part par la prolifération des autres moyens et institutions de règlement pacifique des litiges.

Section 2 : Une fonction consultative ombragée

La moindre visibilité des vertus de la fonction consultative de la Cour est imputable d'abord, suivant le système des NU à la prééminence de la fonction contentieuse (Paragraphe 1) et à la concurrence dont elle fait l'objet de la part des autres mécanismes de règlement des différends et la prolifération de juridictions spécialisées au plan international (Paragraphe 2).

Paragraphe I : La prééminence de la procédure contentieuse

La prééminence de la procédure contentieuse à la procédure consultative est due au fait que, d'une part, les Etats continuent, suivant le schéma traditionnel, d'être les « maîtres » de la vie internationale (A), et d'autre part, que les organes et institutions autorisés à solliciter l'avis de la Cour, rencontrent certains obstacles (B).

A- Les Etats comme acteurs principaux

Le système mis en place à San Francisco n'est pas de nature à permettre une plus large utilisation de la fonction consultative de la Cour internationale de justice, organe judiciaire principal de l'organisation mondiale. Ce système, en conférant une part belle aux Etats, acteurs principaux des relations internationales, consacre indirectement la prééminence de la fonction contentieuse sur celle consultative de la Cour étant justement donné que seuls les organes et institutions des Nations-Unies autorisés par la Charte ont la possibilité de solliciter l'avis de la Cour. L`Article 34 alinéa 1 du Statut de la Cour précise que « Seuls les Etats ont la qualité pour se présenter devant la Cour ». La compétence de la Cour est subordonnée au consentement préalable des Etats. Les Etats peuvent saisir la Cour de trois (03) manières possibles : 1. Soit en vertu d'un accord «compromis» conclu entre eux dans le but précis de soumettre leur différend à la Cour ; 2.Soit en vertu d'une clause juridictionnelle : c'est le cas surtout où les Etats concernés sont partis à un traité dont l'une des dispositions permet la soumission à la Cour des différends concernant l'interprétation ou l'application dudit traité. A

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l'heure actuelle, plus de trois cents traités ou conventions contiennent des clauses de ce genre ; 3. Soit par l'effet réciproque de déclarations faites aux termes du Statut et en vertu desquelles chacun des Etats en cause a accepté la juridiction de la Cour comme obligatoire pour leurs différends avec un autre Etat ayant fait une telle déclaration. Les déclarations de soixante-sept (67) Etats sont actuellement en vigueur. Un certain nombre d'entre elles sont toutefois assorties de réserves qui excluent certaines catégories de différends.

Ce système n'offre pas la possibilité aux Etats à saisir la Cour afin d'obtenir son opinion sur une question juridique qu'ils estiment important. Lorsqu'en 1947, dans l'affaire touchant à la compétence du Conseil de sécurité, le représentant de la Colombie affirmait en méconnaissance des dispositions de la Charte et du Statut de la Cour que, « Le gouvernement des Pays-Bas, après avoir formulé ses réserves ici, peut, à n'importe quel moment, saisir la Cour international de justice et lui demander d'apprécier la légalité de la Résolution129 », il mettait indirectement en question le système onusien en matière de demande d'avis. Le représentant des Pays-Bas lui avait répondu en ces termes, « Seul peut demander un avis consultatif un organe habileté à le faire par la Charte des Nations-Unies elle-même ou soit en conformité de la Charte. Cette demande peut émaner du Conseil de sécurité ou de certains organes, mais elle ne peut émaner d'un Etat membre »130. Les Etats ne sont donc pas autorisés à déférer directement les décisions ou résolutions de leurs organes ou institutions qu'ils contestent devant la Cour pour avis. Les différends qui opposeraient aussi l'organe aux Etats membres ne peuvent directement être tranchés par avis de la Cour. La seule possibilité offerte aux Etats est de convaincre l'organe concerné de la nécessité à saisir la Cour afin d'obtenir de l'éclairage sur la question juridique en cause.

En effet, les Etats ont la possibilité de demander à l'organe politique auquel ils appartiennent de solliciter l'avis de la Cour sur une question juridique controversée donnée. Seulement, cette possibilité est dans la pratique difficilement utilisable. Selon Bendjoui (M.), cette difficulté à faire admettre à l'organe politique l'utilité de consulter la Cour peut avoir deux (02) origines, soit la question soulevée est d'une moindre importance ou soit, l'Etat est faible ou isolé131.

129 Conseil de Sécurité, 173è séance, 1er août 1947, p. 1693.

130 Idem.

131BENDJAOUI (M.), Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 97.

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Dans la première hypothèse, en principe, les décisions des organes politiques s'imposent aux Etats qui ont l'obligation de s'y soumettre. Les questions de moindres importances ou frivoles d'un Etat sont considérées comme un frein à l'action de l'organe politique et donc ne suscitent pas un grand intérêt au point de convaincre l'organe à saisir la Cour.

Dans la seconde hypothèse par contre, il n'est pas aisé pour un Etat faible ou isolé de pouvoir obtenir l'adhésion d'autres Etats au point d'avoir la majorité exigée pour faire plier l'organe ou l'institution à la nécessité de demander l'opinion de la Cour.

Ce schéma entraine de facto une utilisation moindre de la procédure consultative par rapport à la procédure contentieuse largement utilisée par les Etats. La pratique de la Cour - sur le plan quantitatif - est largement illustrative. En effet depuis sa création en 1946 en lieu et place de la CPJI, la CIJ a rendu cent onze (111) arrêts contre seulement vingt-sept (27) avis consultatifs132.

Les organes et institutions habilités à saisir la Cour pour avis rencontrent en pratique des obstacles à l'utilisation de cet arsenal juridique qui leur est offert.

B- Les obstacles inhérents aux organisations et institutions

La compétence consultative considérée à juste titre comme la fonction de la Cour au service des organisations internationales souffre d'un manque de visibilité due à sa moindre sollicitation. La saisine faible du principal organe judiciaire de l'Organisation des Nations-Unies est en partie due à l'organisation et au fonctionnement même des organes et institutions ayants reçu l'onction de l'Assemblée général à en faire usage.

Le principe de fonctionnement de l'ONU prône une égalité totale et parfaite entre les Etats. Suivant les dispositions de l'article 2 paragraphe 1 « L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine des Membres ». La souveraineté prohibe en effet, toute subordination à une quelconque autorité supérieure en dehors du consentement donné par celui qui en est investi. Cela explique, d'une part, pourquoi la C.I.J. fait preuve d'une déférence plus grande à l'égard des parties que ne le font les juridictions de l'ordre interne et, d'autre part, pourquoi la

132 De 1946 à août 2012.

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procédure comme les règles de compétence sont, dans cette enceinte, fortement marquées du sceau du consensualisme.

Ce principe d'égalité doit normalement être respecté par les organes133 et institutions spécialisées de l'ONU autorisés à utiliser la procédure consultative de la Cour étant donné qu'ils sont bâtis sur les principes et règles de l'Organisation mère. Seulement cette égalité formelle ne doit pas être surestimée car la pratique observée au sein des organes et institutions de l'ONU laisse lire un flagrant déséquilibre. Cet état de chose n'est pas de nature à favoriser une plus grande saisine de la Cour pour avis sur des questions juridiques. Même si le principe d'unanimité a été abandonné au profit du principe de la majorité, il est prouvé que certains Etats « défavorablement clichés » éprouvent des difficultés pour pouvoir engranger à leur cause la majorité exigée.

L'unipolarité du monde actuel qui explique largement ce déséquilibre s'observe beaucoup plus dans la pratique de certaines institutions spécialisées à caractère financier notamment la Banque mondiale (BM) et le Fond monétaire international (FMI). En effet l'influence considérable qu'exercent les Etats Unis sur ces institutions n'est pas de nature à leur laisser main libre à demander l'avis de la Cour étant donné qu'il est patent qu'ils (USA) manifestent une certaine hostilité à l'égard des décisions de la CIJ134.

Par ailleurs, solliciter un avis par ces institutions revient à s'engager préalablement de respecter l'avis de la Cour. Mais vu le manque de démocratie de ces institutions, leur incapacité à remettre en question leurs politiques et le souci primordial de la défense des créanciers, s'engager sur cette voie de saisine de la Cour pour solliciter son avis reviendrait à se faire lier par le droit. Ce qui est très peu envisageable car, il est difficile d'imaginer que des institutions qui, par voie de la coercition sur les gouvernements, mènent des politiques pas toujours conformes au droit international, acceptent du jour au lendemain de se soumettre à ce même droit en s'engageant de suivre l'avis consultatif de la CIJ.

133 Voir article 27 de la Charte des Nations-Unies pour ce qui concerne le Conseil de Sécurité de l'ONU qui dispose que « chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix ».

134Voir l'exemple de l'Arrêt sur l'Affaire « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci » du 26 novembre 1984.En 1986, sur la base de l'arrêt fraîchement adopté et en vertu de l'article 94 § 2 de la Charte, le Nicaragua s'adresse au Conseil de sécurité pour faire exécuter l'arrêt rendu au préjudice des Etats-Unis. Or, eu égard au statut de membre permanent de ce dernier Etat, le Conseil n'a pas été en mesure d'adopter une résolution. C'est finalement l'Assemblée générale qui adoptera une résolution rappelant aux Etats leur obligation de respecter les arrêts de la Cour.

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La fonction consultative de la Cour est ombragée non seulement par d'autres moyens de règlement pacifique des conflits (MARC) mais aussi par la prolifération des juridictions spécialisées.

Paragraphe 2 : Une fonction consultative concurrencée

La concurrence de la fonction consultative de la Cour s'explique d'abord par le fait que son recours est subordonné, suivant les dispositions propres aux organes et institutions à l'épuisement des moyens de résolutions internes de ceux-ci (A) et ensuite, à la prolifération des juridictions spécialisées au plan international (B).

A- Le caractère subsidiaire du recours à l'avis de la CIJ

Nous avons relevé que la Charte des Nations-Unies, tout en recommandant aux Etats de faire usage des moyens de règlement pacifiques des différends conformément aux idéaux de l'Organisation, n'en impose aucun des moyens. Cela n'est pas surprenant dans la mesure où chaque mode de règlement pacifique a ses vertus propres, non seulement d'un point de vue intrinsèque, mais aussi au regard de chaque situation particulière135.

Dans la pratique, la juridiction de la Cour en général et en matière consultative en particulier revêt un caractère subsidiaire dû, d'une part à l'existence d'une certaine concurrence entre les différents modes de règlement pacifique des différends et, d'autre part, au fait que recours à la fonction consultative de la Cour reste subordonné, dans bien des cas, à l'échec des mécanismes de règlement propres à chaque organe ou institution.

Le recours aux modes de règlement pacifique de conflit présente certes des avantages à la fonction judiciaire de la Cour136. La CPJI dans son arrêt n°2 soulignait l'importance de cette phase en déclarant que« La Cour se rend bien compte de toute l'importance de la règle suivant laquelle ne doivent être portées devant elle que des affaires qui ne sont pas susceptibles d'être réglées par les négociations ; elle reconnaît en effet, qu'avant qu'un différend fasse l'objet

135Bendjaoui (M.), op. cit., p. 545.

136 Certains, cependant, estiment que le fait pour la Cour de demander un recours préalable aux MARC est constitutive d'un déni de justice ; voir Affaires de la Compétence en matière de pêcheries Essais nucléaires (Royaume Uni et Irlande du Nord c. Islande), Arrêt du 25 juillet 1974, CIJ. Rec. 1974, Opinion dissidente du juge GROS, p. 147.

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d'un recours en justice, il importe que son objet ait été nettement défini au moyen des pourparlers diplomatiques »137. En effet, le recours préalable aux modes alternatifs de règlement pacifique des différends permet à la Cour de se libérer de toutes les conceptions limitées et donc offre une plus grande visibilité sur tous les contours et particularités du différend ou de la question soulevée.

Quoi qu'il en soit, il est évident que la fonction juridictionnelle de la Cour intervient le plus souvent à titre subsidiaire en ce qu'elle est fortement concurrencée par d'autres mécanismes non juridictionnels de règlement ce qui atténue non seulement le poids de sa fonction mais aussi l'intérêt même de celle-ci.

La sous-utilisation de la fonction consultative de la Cour est par ailleurs due au fait que les organes ou institutions autorisés à la saisir disposent en leur sein des mécanismes de règlement des différends. Le recours à l'avis dans ce cas est subordonné à l'échec desdits moyens. La convention de l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime (IMCO), institution autorisée à saisir la Cour en matière consultative138, précise en son article 56 que « Toute question de droit qui ne peut être réglée par les moyens indiqués à l'Article 55 est portée, par l'Organisation, devant la Cour internationale de justice, pour avis consultatif, conformément à l'article 96 de la Charte des Nations-Unies ». L'article 55 est libellé comme suit « Tout différend ou toute question surgissant à propos de l'interprétation ou de l'application de la convention est soumis à l'Assemblée pour règlement ou réglé de toute autre manière dont les parties au différend se seraient convenues etc. ». II est clair que l'article 56 confère à la demande d'avis un caractère subsidiaire la subordonnant à l'impossibilité d'un règlement du litige par les procédures prévues à l'article 55 de la convention. Le recours à l'avis de la Cour sur la question relative à la composition du comité de l'institution a été facilité par le fait qu'il s'agissait d'un vote de l'Assemblée générale de l'institution elle-même. Ce qui rendait impossible la résolution du problème par elle139.

137 CPJI, Arrêt n°2, Série A, p. 13.

138L'autorisation a été accordée par un accord approuvé par la Résolution 204 (III) de l'Assemblée générale de l'O.N.U. et beaucoup plus tard par la Résolution A 7 (I) du 13 janvier 1959 de l'assemblée de l'I.M.C.O. L'article 9 de cet accord prévoit la possibilité de demander des avis consultatifs à la Cour de la manière suivante : « L'Assemblée générale autorise l'organisation à demander des avis consultatifs à la Cour internationale de justice sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de son activité, à l'exception de celles concernant les relations réciproques entre l'I.M.C.O. et l'O.N.U. ou d'autres Institutions spécialisées».

139 Voir Avis, Composition du Comité de la sécurité maritime de l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime, 8 juin 1960, Rec. CIJ, 196O.

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La prolifération des juridictions internationales spécialisées contribue, par ailleurs, sensiblement à « l'effacement » de la fonction consultative de la Cour internationale de justice.

B- La prolifération de juridictions spécialisées

Le phénomène de la multiplication des juridictions sur la scène internationale, largement commenté au sein de la doctrine, sera, dans le cadre de notre analyse, abordé sous uniquement l'aspect de ses incidences sur la juridiction de la Cour140.

L'architecture du système onusien laisse planer un doute sérieux sur la qualité de la Cour par rapport aux autres juridictions au plan international. S'il est en effet, indiscutable que la Cour jouit d'une grande notoriété et autorité morale, sa prééminence sur d'autres juridictions n'est pas acquise. L'Article 92 de la Charte des Nations-Unies, en faisant de la Cour l'organe judiciaire principal des Nations-Unies, lui accorde, sur un plan purement institutionnel, une position hiérarchiquement supérieure par rapport aux autres juridictions. Cette supériorité est rapidement recadrée voire niée par l'Article 95 qui précise en substances qu' « Aucune disposition de la présente Charte n'empêche les membres de l'organisation de confier la solution de leurs différends à d'autres tribunaux en vertu d'accords déjà existants ou qui pourront être conclus à l'avenir ». De ce fait, la Cour apparait, au plan relationnel, comme une juridiction parmi tant d'autres141. La prétendue supériorité est décriée par d'autres juridictions notamment le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) dans la célèbre affaire Tadic en ces termes, « En droit international, chaque tribunal est un système autonome » et « Il n'existe aucun lien hiérarchique entre le tribunal et la CIJ »142. Certains auteurs ont vu dans cette affaire Tadic, à la lumière des conclusions du tribunal qui sont quasiment opposées à celle de la CIJ, une certaine « guerre des droits »143.

140 La multiplication des juridictions fait l'objet de plusieurs analyses doctrinales. Voir à cet effet ABI-SAAB (G.), « Fragmentation or unification : Some concluding remarks », Symposium NYU, 2000, p. 919ss.

141DUPUY (R. -J.), Le droit international, Paris, PUF, 2001.

142 Celebici, Delalic et Consort, Arrêt du 20 février 2001.

143 Cette lecture est contestée par une partie de la Cour qui ne voit en cette affaire un cas solitaire. Aussi relèvent-ils qu'on ne peut prétendre parler d'une fragmentation du droit international du fait de la multiplication des juridictions étant donné qu'il reste lui-même profondément relatif, fragmenté, tiraillé et éclaté aussi bien dans son interprétation que dans son application. Voir FOURET (J.) et PROST (M.), « La multiplication des juridictions internationales : De la nécessité de remettre quelques pendules à l'heure », Revue québécoise de droit international, 2002, p. 120ss.

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La Cour, hors du cadre purement institutionnel est concurrencée par l'émergence de juridictions spécialisées permanentes ou non. C'est le cas notamment de l'arbitrage international qui, malgré son coût assez élevé, reste largement préféré par les Etats. Le tribunal de la mer crée par la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 (entrée en vigueur le 16 novembre 1996) prive, en ce qui la concerne, la Cour d'un pan considérable de sa compétence qu'est l'arbitrage des conflits relatifs à la mer. Dans cette lignée, il convient de faire aussi référence aux projets judiciaires régionaux.

Somme toutes, l'exercice pour nous n'a pas consisté à faire un procès au phénomène de multiplication de juridictions spécialisées et régionales144, mais de montrer en quoi elles constituent des concurrents sérieux de la Cour - ce qui explique d'ailleurs sa moindre sollicitation - afin de verser dans des réflexions pouvant contribuer à son éclosion.

144 Pour CAFLISCH (L.), « Cent ans de règlement des différends interétatiques », RCADI, 2001, p. 300 : « Il semble préférable de multiplier les moyens de règlement, même si ceux-ci peuvent se chevaucher, plutôt que de chercher à les tenir bien distincts et de s'exposer au risque de ne couvrir que partiellement les différends à venir : le trop plein dans ce domaine est clairement préférable au trop vide.

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CHAPITRE II : LA NECESSITE DE LA REVALORISATION DE LA
FONCTION CONSULTATIVE

La réforme de la Cour, organe judiciaire principal des Nations-Unies, s'impose aujourd'hui. En effet, malgré la vague de réformes qu'a connue l'Organisation mondiale notamment ses organes politiques après la seconde guerre mondiale étalant les carences de la SDN, la Cour est restée malheureusement presque identique à sa devancière, la CPIJ.

La nécessité de sa réforme, à la lumière des nouvelles exigences de la vie internationale, se révèle incontournable (Section I). Dans cet ordre d'idée, des voix, pas des moindres, aussi bien au sein de la doctrine qu'au sein des acteurs politiques, se sont-elles fait entendre : « Je crois, disais, M. José Figueres Olsen, que les défis sans précédent que pose le monde actuel obligent, en effet, la Cour à s'adapter aux nécessités politiques »145.

Cette réforme, malgré l'adhésion qu'elle suscite, se heurte à de considérables obstacles aussi bien politiques qu'institutionnels laissant planer une incertitude sur son heureux aboutissement (Section 2).

Section I : Les pistes de la revalorisation

La revalorisation de la fonction consultative de la Cour peut être envisagée d'abord par une ouverture plus grande de sa saisine (Paragraphe I) et ensuite par un réaménagement fonctionnel (Paragraphe 2).

Paragraphe I : Une saisine plus généreuse

Il est impérieux que la Cour procède à une « décentralisation » de la compétence à la saisir en procédure consultative. Certains organes et institutions qui ne sont pas habilités à solliciter l'avis de la Cour (A) et ceux, qui, au plan local, contribuent par leurs actions au développement et à la pacification de la Société mondiale (B) doivent être inscrits dans cette liste de compétence.

145 Discours prononcé par le Président du Costa Rica, M. José Figueres Olsen, à La Haye devant la CIJ le 04 mars 1996, RADIC, op. cit., p. 669.

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A- Ouverture de la saisine à d'autres organes de l'ONU

Nous envisagerons sous cette rubrique la possibilité pour le Secrétaire général des Nations - Unies et les Etats membres de l'organisation de solliciter l'avis de la Cour sur des questions juridiques controversées.

S'agissant tout d'abord du Secrétaire général de l'ONU, il convient de rappeler qu'il fait partie, aux termes des dispositions de l'article 7 de la Charte des NU, des organes principaux de l'organisation. Ces organes principaux sont autorisés, suivant les dispositions de l'article 96 de la Charte, à demander à la CIJ un avis consultatif sur des questions d'ordre juridiques (pour le CS et l'AG) et sur des questions juridiques spécialisées (pour les autres organes et institutions spécialisées de l'ONU) après autorisation de l'Assemblée générale. Cette autorisation est généreusement accordée à tous les organes et institutions spécialisées à l'exception remarquable du Secrétaire général. L'exclusion du Secrétaire générale de l'ONU de la procédure consultative tient essentiellement à des raisons purement politiques et institutionnelles. En effet, la réticence de l'Assemblée générale à autoriser le Secrétaire général à solliciter l'avis de la Cour est guidée par le souci d'équilibre institutionnel à sauvegarder. Le but de cet équilibre ne serait pas de garantir la primauté des organes principaux sur les organes subsidiaires car le Secrétariat est un organe principal mais plutôt de ne pas accorder une trop grande autonomie d'action au Secrétaire général par rapport au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale. S'il est fait obligation aux organes et institutions de l'ONU de ne solliciter l'avis de la Cour que sur des questions juridiques qui se posent dans le cadre de leurs fonctions, la saisine de la Cour par le Secrétaire général poserait quelques difficultés dans ce cadre. Etant le plus haut fonctionnaire de l'organisation et ses fonctions concernant pratiquement tous les secteurs, le Secrétaire général serait amené à poser des questions ressortissant du domaine de compétence des autres organes. Cette crainte de primauté et de confusion expliquent la réticence de l'Assemblée général à lui accorder cette autorisation.

Le Secrétaire général en l'état actuel des choses peut inscrire à l'ordre du jour d'un organe une question sur laquelle il estime important de solliciter l'éclairage de la Cour146. Il a

146Selon l'Article 99 de la Charte des Nations-Unies, "Le Secrétaire général peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et la sécurité internationale".

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également le droit voire le devoir de rappeler aux organes des NU la nécessité de demander l'avis de la Cour toutes les fois qu'ils se heurtent à une question juridique importante et controversée147.Dans ce cadre, dans son rapport de 1991, le Secrétaire général relevait que « De nombreux différends internationaux sont justiciables de la Cour ; même ceux qui semblent purement politiques, ont un élément nettement juridique. Si pour quelque raison que ce soit les parties ne saisissent pas la Cour, obtenir de celle-ci un avis consultatif aiderait à parvenir à un règlement équitable et objectivement satisfaisant et, partant, à désamorcer une crise potentielle »148.

Mais nous partageons l'idée d'une possible ouverture de la saisine de la Cour au Secrétaire général notamment dans le cadre de ses compétences relatives au maintien de la paix. Il a été suggérer d'autoriser le Secrétaire général à demander des avis consultatifs en fonction du Paragraphe 2 de l'Article 96, en lui permettant de recevoir des avis juridiques officiels sur des points de droit international qui se posent dans le cadre de ses activités, en particulier en ce qui concerne les différends dans le cadre desquels on lui demande de jouer un rôle, notamment en exerçant ses bons offices ou en intervenant en qualité de médiateur149.

Par ailleurs, il serait souhaitable de lui accorder le droit de saisir directement la CIJ d'autant plus qu'une saisine par une seule personne plutôt que par un organe bénéficierait d'avantages en termes de rapidité et d'efficacité.

S'agissant ensuite des Etats, acteurs traditionnels et incontournables de la vie internationale, la Charte des NU leur accorde une priorité uniquement en matière contentieuse. L'exclusion des Etats de la procédure consultative s'explique par le fait qu'il y a risque pour la Cour de statuer deux fois, d'abord en procédure consultative puis en procédure contentieuse au sujet d'une même question. La Cour court ainsi le risque de se voir ultérieurement liée par son avis lorsqu'elle sera amenée à se prononcer sur la même affaire au contentieux ce qui risque de fragiliser sa crédibilité.

147M. Boutros Boutros-Ghali avait suggéré, par exemple, de faire usage de manière plus fréquente de la procédure consultative : « Je recommande ... que les autres organes de l'organisation qui sont déjà autorisés à le faire (demander l'avis de la Cour) s'adressent plus souvent à la Cour pour obtenir d'elle des avis consultatifs ».

148 Rapport du Secrétaire général de l'ONU à l'Assemblée générale, 1991, A/46/1, p. 4.

149 Voir, (GHALI B. B.), in RADIC, Op. cit., p. 9

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L'ouverture de la procédure consultative aux Etats peut être envisagée sous l'aspect d'assouplissement des procédures. En effet, les Etats sont le plus souvent auteurs des résolutions tendant à demander à l'organe dont il conteste une décision de solliciter l'avis de la Cour. Pour envisager un plus grand succès des initiatives des Etats, la demande doit être considérée comme une question de procédure qui n'implique pas l'usage du droit de veto. Aussi l'existence d'une minorité substantielle réunissant les 2/5 des Etats en faveur d'une demande d'avis devrait-elle être prise en compte par le Conseil.

On peut aussi envisager accorder, eu égard aux mutations actuelles de la société internationale, la possibilité de saisine de la Cour en matière consultative à certains organes et institutions spécifiques.

B- Ouverture de la saisine à certains organes spécifiques

S'il est incontestable que les Etats sont les acteurs principaux de la vie internationale, il reste cependant évident qu'aujourd'hui, on assiste à un changement de données. En effet, des phénomènes de fragmentation et ou de regroupement contribuent à une vulnérabilité de l'Etat. De ce fait, « Le droit international n'est pas exclusivement, et peut être pas principalement, le droit des relations entre Etats »150. Les Etats se trouvent submergés par soit des organisations régionales qu'elles soient de type coopératif ou d'intégration, ou soit, par des organisations internationales et des organisations non gouvernementales (ONG). Il est exigeant que les conditions de saisine de la Cour pour avis notamment soient revisitées à la lumière de ces nouvelles donnes.

D'abord, le rôle important que jouent les organisations internationales qui ne sont pas intégrées directement à l'ONU ne peut être négligé. Le chapitre VIII de la Charte certes, les place dans un état de subordination vis-à-vis du Conseil. Seulement eu égard à la place qu'elles occupent au plan régional, il est indispensable que la procédure consultative leur soit ouverte afin qu'elles soient éclairées sur des questions juridiques importantes qui se posent au plan régional. Les conflits entre les différentes organisations régionales peuvent être réglés par les avis de la Cour qui en pareils cas revêtira un caractère obligatoire pour les parties.

150 COMBACAU (J.) et SUR (S.), Droit international public, Paris, Domat, Montchrestien, 2éd. 1995, p. 311.

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Ensuite, les organisations non gouvernementales, souvent considérées comme de simple instruments de lobbying, ont vu leurs impacts sur la formation du droit international longtemps ignorés. Les ONG sont par définitions insaisissables avec des contours mal dessinés151. Elles sont appréhendées par leurs caractéristiques notamment leur composition internationale, la constitution privée et leur but non lucratif152. Pour BLAIS Y. « L'organisation non gouvernementale internationale est une structure privée du droit international regroupant des personnes privées ou publiques originaires de plusieurs pays, et qui oeuvrent sans esprit de lucre à la réalisation d'un but d'intérêt général international dans les pays autre que celui de sa fondation »153. A la lumière de l'importance des missions qu'accomplissent certaines desdites ONG, on estime qu'il serait judicieux de penser à leur possible saisine de la Cour pour demander des éclairages sur des questions d'importances fondamentales. Il revient de faire un certain diagnostic des ONG dont la notoriété est indiscutable et qui répondent à des critères à déterminer.

Enfin, et pour contrer le risque de fragmentation du droit international du fait du manque de coordination et de subordination des juridictions sur le plan international, une possibilité pourrait être d'habiliter, sous certaines conditions, d'autres institutions judiciaires internationales à soumettre à la Cour, par le canal de l'Assemblée générale, des demandes d'avis sur des questions de droit international auxquelles elles sont confrontées154.

La générosité en matière de saisine de la Cour, qui nécessitera des amendements des articles 96 de la Charte et 65 du Statut de la Cour, contribuerait à une plus grande utilisation de la fonction consultative qui favorisera le développement du droit international. Le risque d'un encombrement de demande d'avis au rôle de la Cour ne doit pas être perdu de vue d'où la nécessité de prendre quelques dispositions fonctionnelles.

151 Voir BLAIS (Y.), L'influence des ONG sur la négociation de quelques instruments internationaux, Bryulant, Bruxelles, 2001, p. 9.

152 Pour des définitions des ONG voir, la Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des ONG du 24 avril 1986 et la Convention de La Haye concernant la reconnaissance de la personnalité juridique des sociétés, associations et fondations étrangères de 1956.

153BLAIS (Y.), Ibid.

154 RADIC, op. cit., p. 648.

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Paragraphe 2 : Un réaménagement fonctionnel

La gestion efficace des demandes d'avis consultatifs qui afflueront devant la Cour du fait de la révision des conditions de sa saisine exige que des aménagements d'ordre fonctionnel soient envisagés notamment l'institution et l'utilisation des chambres (A) et la prise de certaines dispositions pratiques (B).

A- Institution des chambres

L'un des principaux griefs adressé à la Cour et qui explique l'hésitation des organes politiques à solliciter son avis est la lenteur dans l'instruction des affaires. En effet, les organes politiques, eu égard aux exigences du temps, n'envisagent pas une suspension de leurs décisions du fait de la saisine de la Cour.

Il s'agit ici d'une question assez sensible lorsqu'on sait qu'il est malaisé de concilier célérité et bon procès surtout en matière internationale où les exigences liées à la souveraineté des Etats cumulées à un droit international instable avec des contours fuyants155.

La Cour, peut, pour contourner cette situation, faire usage des opportunités que son statut lui offre. Selon les dispositions de l'Article 68 de son statut, « Dans l'exercice de ses attributions consultatives, la Cour s'inspirera en outre des dispositions du présent Statut qui s'appliquent en matière contentieuse dans la mesure où elle les reconnaitra applicables ». La Cour pourra à la lumière de cette disposition mettre à profit l'expérience faite en matière contentieuse par l'institution des chambres.

Aucune disposition ni dans la Charte ni dans le statut de la Cour n'interdit le recours à ce procédé. Selon l'Article 26 du statut de la Cour, "La Cour peut, à toute époque, constituer une ou plusieurs chambres, composées de trois juges au moins selon ce qu'elle décidera, pour connaître des catégories déterminées d'affaires, par exemple d'affaires de travail et d'affaires concernant le transit et les communications. La Cour peut à toute époque constituer une chambre pour connaître d'une affaire déterminée. Le nombre de juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l'assentiment des parties."

155 RADIC, op. cit., p. 546-547.

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Les chambres, qui ne seront que des comités de juristes avérés, seront chargées, au nom de la Cour, de rendre des avis sur des questions spécifiques adressées à la Cour. Leurs avis pourront être présentés à la Cour en une séance plénière pour des amendements éventuels et pour adoption. Ainsi l'avis sera considéré comme rendu par la Cour et non par le comité ou la chambre.

S'agissant de la composition des chambres instituées dans le cadre de la procédure consultative, ou peut envisager, en cas d'une demande d'avis formulée par un organe politique, d'accompagner les trois juges composant la chambre d'un membre désigné par l'organe politique qui a sollicité l'avis. Certaines dispositions d'ordre pratique peuvent également contribuer à accroitre l'efficacité de la Cour en matière consultative.

B- Des dispositions pratiques

Dans le cadre de la réforme de la fonction consultative de la Cour, il serait aussi important d'envisager revoir, outre, la portée de l'avis qu'elle rend, certains aspects d'ordres pratiques.

Les avis, de par leur régime juridique, sont dépourvus de force obligatoire. Il s'agit essentiellement d'un point de vue ou d'une opinion de la Cour sur une question donnée destiné à éclairer l'organe ou l'institution qui le sollicite. De ce fait, il ne lie aucunement les initiateurs de la question qui sont, en principe, libre de s'y soumettre ou pas. Le débat à San Francisco sur la compétence de la Cour à donner un avis a été houleux. En effet, la compétence de la Cour à donner des avis était jugée incompatible avec sa fonction judiciaire156.

Les hypothèses dans lesquelles les avis de la Cour ont une portée contraignante sont très limitées. C'est le cas notamment lorsque les dispositions de l'organe qui le sollicite en disposent ainsi et lorsqu'il s'agit de questions relatives aux accords de siège liant l'organisation à un Etat hôte.

La nécessité de rendre les avis de la Cour obligatoires se révèle être une exigence de taille. En effet, il est vrai que même si ces avis ne possèdent pas de force juridique obligatoire, ils

156 Voir supra, introduction, p. 11-12.

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s'imposent en raison de leur autorité morale et du fait qu'ils contiennent une des composantes de tout acte juridictionnel à savoir la constatation du droit en vigueur. Ainsi, on pourrait envisager que lorsque la Cour rend des avis sur l'interprétation générale de la Charte, que l'effet obligatoire relatif157 de celui-ci s'élargisse à tous les Etats, organes et institutions de l'Organisation.

Des dispositions d'ordres procéduraux peuvent être aussi envisagées afin d'accroitre l'efficacité de la Cour. D'abord, il est important de réduire la longueur des décisions ainsi que le nombre des opinions individuelles et dissidentes. Ensuite, l'exigence du bilinguisme qui rend, au plan pratique, lourdes les charges du greffe avec l'inflation constatée des pièces et des annexes fournies par les parties, doivent être aménagées.

Les réformes envisagées pour rendre plus efficace et plus visible la fonction consultative de la Cour ne semblent pas trouver malgré les voeux qui y militent, un terreau fertile à leur mise en oeuvre conditionnée à la modification de la Charte des Nations-Unies.

Section 2 : Une réforme incertaine

La réforme de la CIJ, notamment en sa fonction consultative, se situe dans le cadre général de la réforme du système des Nations-Unies. L'incertitude de son aboutissement tient d'abord à la rigidité de la procédure de modification de la Charte et de son Statut (Paragraphe 1) et aux contraintes d'ordre institutionnel et politique (Paragraphe 2).

Paragraphe I : La lourdeur de la procédure de modification.

La révision du statut de la Cour obéit suivant les dispositions de son chapitre V aux mêmes règles observées pour la modification de la Charte158. Cette procédure de révision (A) et d'amendement (B) se révèle assez rigide dans sa mise en oeuvre.

157 L'effet relatif de l'avis fait référence à l'organe politique qui en prend acte par une résolution et l'Etat contestateur qui ne peut logiquement s'y opposer.

158 Cf. Articles 69 et 70 du Statut de la Cour.

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A- La procédure de révision

La procédure de révision mise en place par la Charte des Nations-Unies s'apparente à celle rencontrée au plan interne dans le cadre des constitutions dites rigides. Cette rigidité de la constitution a pour but essentiel d'empêcher des modifications inopportunes, hâtives et souvent irréfléchies.

Prévue à l'Article 109 de la Charte des Nations-Unies, la procédure de révision de la Charte se veut spécifique. Aux termes de cet article, pour entreprendre une révision de la Charte, la compétence de révision est confiée à un organe spécial appelé conférence générale159de révision convoquée sous l'initiative conjointe de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité.

La procédure mise en place à l'Article 109 de la Charte n'est pas en effet aisée à mettre en oeuvre. Elle confirme l'improbabilité d'un aboutissement de la réforme de la Charte et donc de la Cour, organe judiciaire principal de l'organisation mondiale. Cette procédure est en effet la même pour entreprendre une réforme des organes principaux de l'ONU. L'actualité en la matière est assez éloquente si on considère les difficultés que rencontre la réforme du Conseil de sécurité de l'organisation160.

La convocation de la conférence générale de révision est sérieusement encadrée. La conférence générale de révision ne peut, en effet, se réunir que sur un vote de l'Assemblée Générale à la majorité des deux tiers des membres et par un vote de neuf quelconque des membres du Conseil de sécurité. On se rend compte qu'au niveau de l'Assemblée générale d'abord, la procédure est encore plus durcie. En effet, contrairement aux exigences de l'article 18 de la Charte où les questions jugées importantes sont prises à la majorité des deux tiers des membres présents et votants, l'Article 109 exige la même majorité mais sur l'ensemble des Etats membres de l'organisation.

159 Certains auteurs ont estimé à la lumière de cet article qu'il s'agit d'un organe important au point de figurer dans la liste des organes de l'ONU dressée à l'article 7 de la Charte pas certainement comme organe principal ni comme organe subsidiaire mais, de toutes les façons, un organe dont la dénomination reste à préciser. Vr. à cet effet, KELSON (H.) dans son ouvrage intitulé, The Law of the United Nations.

160 Voir. SANGBANA (K.), Réflexion sur la réforme du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, mémoire DEA, Université de Lomé, juillet 2008.

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On se mettra ainsi d'accord sur le souci d'encadrer la révision de la Charte même si au niveau du Conseil il apparait un certain assouplissement161.

Mais cet assouplissement est rapidement recadré s'agissant non plus de la convocation de la conférence mais de la mise en oeuvre de la modification recommandée par la conférence à la majorité des deux tiers. Ici, il est exigé pour la mise en oeuvre de la modification, la ratification des deux tiers des membres des Nations-Unies y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité. Cette dernière exigence rend improbable l'aboutissement de la procédure de la révision de la Charte dans un monde des plus instable guidé par les intérêts particuliers des plus « forts »162.

La procédure mise en place pour l'amendement de la Charte n'est pas non plus d'un maniement facile quoiqu'elle soit de loin la plus sollicitée dans l'histoire des Nations-Unies163.

B- La procédure d'amendement

La procédure d'amendement de la Charte n'est pas moins mobilisable que celle de la révision. Il témoigne du souci des pères fondateurs de la Charte de la verrouiller suffisamment.

L'article 108 de la Charte dispose en effet que « Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les membres des Nations-Unies quand ils auront été adoptés à la majorité des deux tiers de l'Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des membres de l'organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de Sécurité ».

L'analyse de cet article laisse apparaitre une certaine nuance entre la procédure d'adoption des questions import antes et la procédure d'adoption des amendements au sein de

161 Au niveau du Conseil de Sécurité, il n'est pas exigé le vote affirmatif des cinq membres permanents. Le veto ne peut non plus juridiquement faire obstacle à la convocation de la conférence.

162 Voir DEHAUSSY (J.), « Commentaire de l'article 119 » in la Charte des Nations-Unies, commentaire article par article, COT (J. P.), PELLET (A.), 2ed. Paris, Economica, 1991, p. 1444-1446.

163 C'est le cas en 1963 (élargissement du Conseil de Sécurité de 11 membres à 15 membres) ; en 1963 (élargissement du Conseil économique et social de 18 à 27 membres) puis (à 54 membres) en 1971 ; en 1965 (sur les articles 109 relatif à la convocation de la conférence de révision de la Charte).

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l'Assemblée générale164. Si dans les deux cas, il est question de la même majorité (deux tiers) des membres, l'exigence n'est pourtant pas la même. Dans le cadre des décisions importantes de l'Assemblée générale, le décompte est fait par rapport aux membres présents et votants. Ce qui est de toute évidence plus réalisable. L'exigence en matière d'amendement de la Charte est la majorité des deux tiers sur l'ensemble des membres de l'organisation.

Cette différence de degré permet de mettre en exergue la particularité de la procédure d'adoption des amendements prévue à l'Article 108 de la Charte des Nations-Unies. Il s'agit d'établir une corrélation entre l'importance d'une question et l'appui des Etats. Plus une question se révèle importante, plus la décision s'avèrera essentielle, et donc plus il est indispensable de rassembler les membres de l'Assemblée générale en sa faveur.

L'exigence est justifiée par le fait qu'un amendement n'ayant acquis que l'approbation des deux tiers des membres présents et votants, sans avoir obtenu les suffrages des deux tiers des membres de l'Assemblée, n'aurait que d'infimes chances de se voir par la suite ratifier par les deux tiers des membres de l'Assemblée générale, comme l'exige l'entrée en vigueur des amendements de l'Article 108 de la Charte.

Sur ce dernier point relatif à la ratification, condition essentielle pour l'entrée en vigueur de l'amendement, l'exigence de la réunion de l'ensemble des membres du Conseil de sécurité constitue en effet un verrou de plus.

La stabilité précaire que connait l'institution mondiale aujourd'hui est imputable à la répartition sur mesures des compétences de chacun des organes et institutions. De ce fait, les différents organes rechignent toute initiative de réforme pouvant entraine un bouleversement de cet équilibre,

164 Suivant les dispositions de l'article 18 de la Charte, « Les décisions de l'Assemblée Générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des deux tiers des membres présents et votants (...). L'idée ici consisterait à considérer les absents et les abstentions comme ne comptants pas dans le décompte final.

81

Paragraphe 2 : Le souci d'équilibre et les pesanteurs politiques

L'idée de la réforme de l'organisation et du fonctionnement de la Cour se trouve heurtée d'abord au souci majeur d'équilibre des organes au sein de l'organisation (A) et ensuite aux intérêts politiques de certaines supers-puissances de l'organisation mondiale (B).

A- L'exigence de l'équilibre institutionnel

L'équilibre dans le fonctionnement des organisations internationales a toujours été un des soucis principaux des fondateurs. Les débats qui ont présidé à la création de l'organisation des Nations Unies ont été marqués foncièrement par ce souci d'équilibre. Le problème était de savoir quel sera parmi les organes politiques et l'organe judiciaire celui qui aura la prééminence sur les autres165.

Il est évident que la réponse à cette interrogation sur le plan purement théorique n'a pas de réelles difficultés. En effet, les différents organes principaux de l'organisation mondiale, suivant les dispositions de la Charte, fonctionnent sur la base des principes de complémentarité et d'égalité ou plus exactement de la non subordination.

Dans la pratique cependant, les choses en vont autrement surtout envers l'organe judiciaire. L'institution de la Cour parmi les organes principaux de l'ONU avait pour objectif d'assurer une protection contre les excès de pouvoir d'un certain autre organe notamment politique. Cette prétention a été contestée par certains auteurs qui ont vu en cette institution le gouvernement des juges166. C'est sur ce point justement que les hostilités se renforcent toujours face à l'idée de réformer le fonctionnement de la Cour. Le Conseil de sécurité n'a pas été et ne sera jamais tendre lorsqu'il s'agit de reconnaitre à la Cour la capacité à exercer un contrôle de légalité sur ses actes.

165 Voir BENDJAOUI (M.), Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 573.

166 Les propos du gouvernement britannique à l'égard de la Cour européenne des droits de l'homme et de son appréciation des effets de l'état d'urgence sont illustratifs « they are not matters to beassessed ... those again are politicaldecisions and cannot in ourviewbedecided on purelylegal grounds », in, BENDJOUI (M.) op. cit., p. 573.Pour John Foster Dulles, « Le Conseil de Sécurité n'est pas un organe qui simplement applique le droit convenu. Il est par lui-même un droit » BENDJOUI (M) in, Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de Sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 11.

82

Le souci d'équilibre est la base des justifications avancées pour ne pas admettre l'ouverture de la saisine de la Cour en matière consultative au Secrétaire générale de l'organisation des Nations-Unies. Il a été avancé qu'ouvrir le prétoire de la Cour au Secrétaire général reviendrait à fausser l'équilibre de la Charte. On a craint une certaine autonomie du Secrétaire général vis-à-vis des autres organes principaux politiques notamment le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale. Aussi, le principe de spécialité exigé dans la sollicitation de l'avis de la Cour serait battu en brèche si cette autorisation était validée étant prouvé que le Secrétaire général n'a pas un domaine de spécialité propre.

Le même raisonnement peut être mené s'agissant de l'idée d'autoriser les Etats à solliciter l'avis de la Cour. Il est craint ici le sevrage du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale d'une importante partie des affaires au profit de la Cour. Ceci risquerait, en outre, de porter sans nul doute une atteinte sérieuse aux intérêts de certaines grandes puissances.

B- Les pesanteurs politiques

Les contraintes politiques sont considérables et imputables aux Etats. En effet, qu'il s'agisse de la procédure de révision ou de la procédure d'amendement de la Charte, il est procédé indiscutablement à des négociations politiques entre les Etats sur les différents points à soumettre à leur approbation.

L'aboutissement heureux de toute démarche de modification de la Charte et donc de réforme d'un organe des Nations-Unies est strictement conditionné aux succès préalables - au plan politique - entre les Etats. Les Articles 108 et 109 de la Charte font du consensus non seulement entre les Etats membres de l'organisation mais aussi des membres du Conseil de sécurité un élément nécessaire pour toute réforme.

Il est patent, sur ce point justement que, les points de vue des Etats sur des sujets de réforme divergent. Cette divergence reste le plus souvent le résultat des intérêts politiques de chacun des Etats. Ce qui constitue un obstacle sérieux à la réforme des organes des Nations-Unies. L'exemple actuel de la réforme du Conseil de sécurité illustre plausiblement cette réalité. D'abord sur le plan des intérêts politiques propres, les membres permanents se sont toujours montrés hostiles à toute idée d'élargissement du Conseil de sécurité. Qu'il s'agisse des Etats

83

Unis d'Amérique167, de la Chine168, de la France169, de la Russie170 ou du Royaume Uni171, chacun joue sur ces intérêts qui risquent ou non de disparaître en cas d'élargissement des membres permanents. S'agissant ensuite de la divergence des points de vue, illustrons avec les conceptions disparates qui sont avancées dans le cadre de la réforme du Conseil. En effet, les Etats africains ne s'accordent pas sur la procédure de la réforme. Alors que certains soutiennent et défendent l'idée de membres permanents (on y retrouve l'Afrique du Sud, le Nigéria), d'autres optent pour un système de rotation (l'Angola, l'Egypte, le Sénégal).

Ces exemples empruntés aux difficultés qui font obstacle à l'aboutissement de la réforme du Conseil de Sécurité s'appliquent parfaitement à la Cour internationale de justice.

Ainsi, relève Bendjaoui (M.) « L'essentiel pour l'avenir immédiat de la Cour est donc que s'affirme dans les chancelleries la volonté politique de lui porter un regard neuf, plus empreint de réalisme »172.

167 Pour les Etats Unis, l'élargissement du Conseil de sécurité risque fortement de paralyser le fonctionnement de l'organe. Ils posent en outre des conditions qui sont loin de faire l'unanimité notamment la condition de démocratisation des pays en développement. Cette condition à laquelle ne souscrivent pas certains Etats comme la Russie et le Chine. Le souci pour la super puissance mondiale est de garder sans nul doute son influence sur cet organe qui décide de l'état des relations mondiales.

168 La Chine montre son hostilité vis-à-vis de la candidature du Japon qui risque de concurrencer son rôle de leader en Asie. Elle n'hésitera donc pas à brandir son veto en cas d'une candidature de son rival de longue date.

169 S'agissant de la France, son intérêt immédiat se mesure par rapport à l'Allemagne, locomotive de l'économie de l'Union Européenne. La présence de l'Allemagne en qualité de membre permanent du Conseil de sécurité ne fera qu'enfoncer le rayonnement de la France qui se trouve déjà en mauvaise posture sur la scène internationale.

170 Pour la Russie, l'admission des pays émergeants en qualité de membres permanents auront pour principal inconvénient son effacement progressif sur la scène internationale eu égard à sa faible économie et à son instabilité économique.

171 Le Royaume Uni - eu égard à sa politique extérieure - peut s'adapter aisément à toute réforme du Conseil.

172 Voir Bendjaoui (M.), RADIC, Septembre 1996, Volume 8, numéro 3, p. 546.

84

CONCLUSION

85

La place et le rôle de la Cour internationale de justice au sein de l'Organisation des Nations - Unies sont d'une grande portée. Instituée depuis 1945 en lieu et place de la CPJI, la Cour est non seulement perçue comme un des organes principaux de l'ONU mais aussi et surtout comme l'organe judiciaire principal de l'organisation mondiale. En cette dernière qualité, la Cour a entre autres missions de contribuer au règlement pacifique des différends entre Etats au travers de sa fonction contentieuse et à l'éclairage des organes et institutions de l'ONU sur des aspects juridiques controversés auxquels ils se verront confrontés dans le cadre de leur spécialité à travers sa fonction consultative.

Cette dernière fonction de la Cour, objet de notre réflexion, malgré son apport incommensurable notamment sur le fonctionnement des organes et institutions de l'ONU et sur le développement du droit international général, se trouve être largement peu utilisée. Il s'est révélé impérieux, dans la marche globale de la réforme de l'ONU, que les attentions se tournent vers la Cour en général et particulièrement vers sa fonction consultative.

L'apport de la fonction consultative a été démontré essentiellement par l'analyse et l'étude de sa jurisprudence. Cette démarche se justifie par les avantages qu'offre la jurisprudence qui revêt un rôle de premier plan dans le système international. L'Article 38 du statut de la Cour abonde dans ce sens en affirmant que « La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique... les décisions judiciaires...comme moyen auxiliaire des règles de droit ».173

La sous-utilisation de la fonction consultative de la Cour est imputable à la rigidité de la Charte des Nations-Unies et de son Statut qui restreignent l'ouverture du prétoire de la Cour. Limitée sur le plan institue personnae seulement aux organes principaux (à l'exception du Secrétaire général) et à certaines institutions spécialisées de l'ONU et sur le plan matérielle à des aspects spécifiquement juridiques, la fonction consultative de la Cour a moins d'opportunités - contrairement à la fonction contentieuse - de faire valoir ses potentialités.

La relance de cette fonction consultative de la Cour est plus qu'une exigence. La Cour doit de s'adapter aux réalités politiques d'un monde en mutation perpétuelle. Les réalités politiques

173 La jurisprudence considérée non pas comme une source formelle du droit international mais une source d'inspiration aide considérablement à identifier et à interpréter les règles du droit international quelle que soit leur source. Elle se révèle aussi être un puissant moteur de l'évolution des règles de droit par l'effet qu'elle peut générer sur la pratique et l'opinio iuris des sujets de droit international et de renforcement des institutions.

86

d'après-guerre ne sont aucunement plus les mêmes aujourd'hui. L'avènement du nouvel ordre mondial174 constitue une exigence de plus à l'évolution de la Cour appelée à faire triompher le règne du droit en lieu et place de la force et de la violence.

L'idée essentielle de la réforme de la fonction consultative de la Cour tient à la décentralisation de la capacité de sa saisine. D'abord au sein des organes principaux des Nations-Unies, le Secrétaire général de l'Organisation doit pouvoir être autorisé à saisir la Cour pour solliciter son éclairage - eu égard à la relation complémentaire qu'il entretient avec le Conseil de sécurité - sur certains aspects juridiques des affaires dans lesquelles il joue un rôle de premier plan. Ensuite, il est proposé à d'autres institutions qui sont hors du cadre de l'ONU de pouvoir exploiter la fonction consultative de la Cour. Il s'agit essentiellement des institutions d'ordre régionales et sous régionales qui jouent un rôle non négligeable en matière de paix et de sécurité internationale. Par ailleurs, on ne peut aujourd'hui sous-estimer l'apport considérable de certaines organisations non gouvernementales en matière de la promotion des droits humains. Ce serait donc une avancée significative de leurs permettre dans l'exercice de leurs activités de soumettre à l'avis de la Cour les questions juridiques problématiques auxquelles elles seront confrontées. Enfin, la possibilité doit être offerte aux acteurs principaux de la vie internationale que sont les Etats à solliciter le point de vue de la Cour en assouplissant les procédures au sein des organes et institutions auxquels ils sont partis.

Sur le plan matérielle, il s'agira de lancer « un appel aux Etats pour qu'ils révisent leurs critères de saisine de la Cour en ne perdant à aucun moment de vue que cette saisine, même si elle ne concerne qu'un aspect juridique subsidiaire d'un différend politique beaucoup plus vaste, peut avoir des vertus apaisantes immédiates et transformer avec bonheur la physionomie de ce différend »175.

L'avantage immédiat de cette ouverture de la saisine de la Cour en matière consultative est sans nul doute l'accroissement sensible des affaires à porter au rôle de la Cour. L'aspect quantitatif, même s'il n'est pas le seul élément rendant compte de l'efficacité d'une Cour, il constitue néanmoins un élément essentiel dans l'apport de celle-ci en ce qu'il permet à la

174 Le Nouvel ordre mondial forgé dans les années 1990 envisage un règne sans partage du droit. S'adressant au Congrès des Etats-Unis le 11 septembre 1990, le Président Georges Bush annonce « Une nouvelle ère... un monde où la primauté du droit remplace la loi de la jungle ; une ère nouvelle moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûr dans la quête de la paix ». Pour le Président français, Mitterrand François, il s'agit « d'une guerre du droit ».

175Bendjaoui (M.), RADIC, op. cit., p. 543.

87

Cour de contribuer par ses décisions à l'éclairage et au développement du droit en général. Mais ceci ne doit pas masquer le risque de « surchauffage de la machinerie » de la Cour. A ce niveau, doit être mise à profit l'opportunité de l'utilisation des chambres par la Cour.

L'avenir de la fonction consultative de la Cour mondiale doit être pensé notamment sur les aspects relatifs au contrôle de légalité des actes des organisations internationales notamment ceux du Conseil de sécurité qui reste largement rudimentaire avec des limites vite atteintes. Il est admis que chaque organe de l'institution dispose, dans le cadre de ses fonctions, du pouvoir d'interprétation de la Charte et de leur acte constitutif. La problématique se dégage justement dans l'hypothèse d'existence de plusieurs interprétations de surcroit contradictoires. Jusqu'où peut aller cette interprétation et comment résoudre d'éventuelles contradictions s'il n'est pas reconnu à la Cour une compétence de contrôle de constitutionnalité des actes des organes politiques notamment le Conseil de sécurité.

88

ANNEXES

89

BIBLIOGRAPHIE

90

I- OUVRAGES GENERAUX

BENDJAOUI (Mohamed), Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, Brylant, Bruxelles, 1994, 634 Pages.

COLONOMOJ (Ariel), La morale dans les relations internationales, Odile de Jacob, Bruxelles, 2005, 356 Pages.

COT (Jean-Pierre), PELLET (Alain), FORTEAU (Mathias), La Charte des Nations Unies : commentaire article par article, Economica, 3èm Ed., Paris, 2005, 2363 Pages.

DAILLIER (Patrick), PELLET (Alain), Droit international public, 7èm Ed., LGDJ, Paris, 2002, 1510 Pages.

DECAUX (Emmanuel), Droit international public, 5ème éd., Dalloz, Paris, 403 Pages.

DREYFUS (Simone), Droit des relations internationales, éléments de droit international public, 4èm Ed., CUJAS, 1992.

HENCKAERTS (Jean-Marie) et DOSWALD-BECK (Louise), Droit international humanitaire coutumier, Volume I : Règles, Brylant, Bruxelles, 2007, 868 Pages.

KOUASSI (Edmond Kwam), Organisations internationales africaines, Berger-Levraut, Paris, 1987, 486 Pages.

LIEGEOIS (Michel), Maintien de la paix et diplomatie coercitive, l'organisation des Nations Unies à l'épreuve des conflits de l'après-guerre froide, Brylant, Bruxelles, 2003, 236 Pages.

NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (Patrick), PELLET (Alain), Droit international public, LGDJ, Paris, 2002, 1270 Pages.

NOVOSSELOFF (Alexandra), Le Conseil de sécurité des Nations Unies et la maitrise de la force armée: dialectique du politique et du militaire en matière de paix et de sécurité internationales, Brylant, Bruxelles, 2003, 660 Pages.

RIGAUDIERE (Albert), Introduction historique à l'étude du droit des institutions, Economica, Paris, 2002, 490 Pages.

SOCCOL (Brice), Relations internationales, Paradigme, Orléans, 2005-2006, 405 Pages.

91

II- OUVRAGES SPECIALISES

AZAR (Aïda), L'exécution des décisions de la Cour Internationale de Justice, Brylant, Bruxelles, 2003, 330 Pages.

KOLB (Robert), Interprétation et création du droit international, esquisse d'une herméneutique juridique moderne pour le droit international public, Brylant, Bruxelles, 2006, 959 Pages.

KOLB (Robert), Le droit relatif au maintien de la paix internationale : Evolution historique, valeurs fondatrices et tendances actuelles, Pedone, 2005, 118 Pages.

TCHIKAYA (Blaise), Mémento de la jurisprudence du droit international public, les fondamentaux, Hachettes Supérieurs, Paris, 2005.

III- ARTICLES

AKANDE (Dapo), « The role of the International court of justice in the maintenance of international peace », RADIC, septembre 1996Tome 08 n° 3, 592 - 616 pages.

BENDJAOUI (Mohamed), « La place de la Cour internationale de justice dans le système général de maintien de la paix instituée par la Charte des Nations Unies », RADIC, septembre 1996 Tome 08 n° 3, 541 - 548 pages.

BULA-BULA (Sayeman), « L'idée d'ingérence à la lumière du nouvel ordre mondial », RADIC, septembre 1994 Tome 06 n° 1, 14 - 44 pages.

KOLB (Robert), « De la prétendue discrétion de la Cour internationale de justice de refuser de donner un avis consultatif », RADIC, Tome 12 n° 4, décembre 2000, 799 - 814 pages.

KPODAR (Adama), « Le principe de spécialité dans la définition des organisations internationales », RBSJA, décembre 2006 n° 17, 47- 77 pages.

ROSENNE (Shabtai), « Decolonisation in the International court of justice », RADIC, septembre 1996, Tome 08 n° 3, 564 - 576 pages.

IV- DOCUMENTS OFFICIELS

- Charte des Nations Unies ;

- Statut de la CIJ ;

- Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) ;

- Convention de Vienne sur le droit des traités (1986) ;

- Convention de Genève relative aux traitements des prisonniers en période de guerre et

son protocole additionnel (1949) ;

- Recueil des décisions de la CIJ.

V- 92

DICTIONNAIRE

SALMON (Jean), Dictionnaire de droit international public, Brylant, Bruxelles, 2001, 1198 Pages.

VI- SITES INTERNETS

- www.un.org (site officiel de l'ONU) ; - www.cij-icj (site officiel de la CIJ).

93

TABLE DES MATIERES

94

DEDICACE 01

REMERCIEMENTS 02

AVERTISSEMENT 03

04

..

SOMMAIRE

INTRODUCTION

 

. 07

 

PREMIERE PARTIE : UNE FONCTION CONTRIBUTIVE...... 13

CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU

DROIT INTERNATIONAL CLASSIQUE 14

Section I : Contribution au développement droit international général ..... 14

Paragraphe I : Développement du droit humanitaire et des droits de l'homme. 14

A- Renforcement du droit humanitaire 15

B- Consolidation des droits de l'homme . 17

Paragraphe 2 : Développement du droit des traités .. 20

A- Les techniques d'interprétation des traités . 20

B- La validité des réserves aux traités . 23
Section 2 : Contribution au développement du droit des organisations

internationales .. 25

Paragraphe I : Le principe de spécialité des OI 25

A- La reconnaissance du principe de spécialité 26

B- L'évolution du principe de spécialité . 28

Paragraphe 2 : La personnalité juridique des OI dans les avis de la CIJ . 31

A- La reconnaissance de la personnalité juridique des OI .. 31

B- Les implications de la personnalité juridique des OI . 34

CHAPITRE II : CONTRIBUTION AU MAINTIEN DE LA

PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES

. 37

95

Section I : La pacification de la société internationale 37

Paragraphe I : Une mission attributive de la Cour 37

A- La Cour, organe judiciaire des Nations-Unies 37

B- La saisine de la Cour comme moyen de règlement pacifique des

39

41

41

différends

Paragraphe 2 : Un rôle partagé en pratique avec le Conseil de sécurité

A- La prééminence du Conseil de sécurité

B- Exercice conjoint de compétence entre la Cour et le Conseil .. 43
Section 2 : La paix et la sécurité internationales dans la jurisprudence de la

Cour 44

Paragraphe I : En matière du droit à l'autodétermination 44

A- Le contenu du droit à l'autodétermination . 44

B- La position de la Cour 47

Paragraphe 2 : L'interdiction du recours à la force .. 50

A- Le contenu du principe .. 50

B- L'exception au principe : la légitime défense 51

DEUXIEME PARTIE : UNE FONCTION REVALORISABLE.. 55

CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION

CONSULTATIVE . 56

Section I : Une saisine moins généreuse . 56

Paragraphe I : La compétence personnelle limitative .. 56

A-

96

Les organes habilités à saisir la Cour 56

B- Les obstacles procéduraux .. 58

Paragraphe 2 : La compétence matérielle claire obscure . 60

A- L'exclusivité des questions juridiques 60

B- La fiction de la compétence discrétionnaire de la Cour 61

Section 2 : Une fonction consultative ombragée . 64

Paragraphe I : La prééminence de la procédure contentieuse .. 65

A- Les Etats comme acteurs principaux .. 65

B- Les obstacles inhérents aux organes et institutions 67

Paragraphe 2 : Une fonction consultative concurrencée .. 68

A- Le caractère subsidiaire du recours à l'avis de la CIJ 69

B- La prolifération des juridictions spécialisées 70

CHAPITRE II : LA NECESSITE DE LA REVALORISATION

DE LA FONCTION CONSULTATIVE . 73

Section I : Les pistes de la revalorisation 73

Paragraphe I : Une saisine plus généreuse 73

A- Ouverture de la saisine à d'autres organes de l'ONU 74

B- Ouverture de la saisine à d'autres organes spécifiques .. 76

Paragraphe 2 : Un réaménagement fonctionnel 77

A- Institution des chambres . 78

B- Des dispositions pratiques .. 79

Section 2 : Une réforme incertaine .. 80

Paragraphe I : La lourdeur de la procédure de modification. .. 80

A- La procédure de révision 80

B- La procédure d'amendement . 82

97

Paragraphe 2 : Le souci d'équilibre et les pesanteurs politiques . 83

A- L'exigence de l'équilibre institutionnel . 83

B- Les pesanteurs politiques 85

CONCLUSION 87

ANNEXE 90

BIBLIOGRAPHIE 92

TABLE DES MATIERES . 96






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams