Section 2 : L'identification du paradis fiscal
permettant l'élaboration d'un mécanisme offshore :
Le paradis fiscal qui entrera en jeu dans l'élaboration
du mécanisme fiscal offshore est le moteur de l'effectivité du
dispositif en ce sens que la part de bénéfices ou revenus
économisé (non perçue par l'Administration fiscale) sera
fonction des caractéristiques fiscale du pays à fiscalité
privilégiée. Le raisonnement qui découle de ce principe
est que moins la fiscalité du pays sera austère, plus les
finances de l'entreprise seront prospères, ou les revenus des personnes
physiques économisés.
Paragraphe 1 : La représentation traditionnelle
des paradis fiscaux :
La représentation traditionnelle des paradis fiscaux
correspond à l'image que le profane pourrait se faire de la
fiscalité du pays en question, mais le fiscaliste averti sait que
certaine spécificités de la législation engendre un
écart avec la conception initiale du système fiscal de l'Etat.
A. L'idéalisme fiscal des
« zero-haven »
a. Caractéristiques de ce régime fiscal offshore
:
Ce type de juridictions offshores correspondent à des
économies de petites tailles on retrouve les colonies britanniques
Iles-Caïmans ou Iles Vierges Britanniques, les territoires
dépendants du Commonwealth (les Bermudes) ou territoire ayant
accédé à l'indépendance (la Barbade, Antigua, les
Bahamas depuis 1963 ou Vanuatu depuis 1980).
Les plus populaires sont: Bahamas, Bermudes ou Îles
Caïmans, où l'on retrouve tous les modèles de structures
d'accueil envisageables dans les autres zero-haven : International Business
Companies (Antigua, Iles Vierges, Nevis), régimes d'exonération
des compagnies d'assurances ou des banques (Barbades et Vanuatu).
Ces zero-haven se fondent sur une absence totale ou quasi totale
d'imposition des personnes physiques ou morales, au titre des droits de
succession, et bien entendu au titre de l'impôt sur le capital. Le
singularisme de ces juridictions repose sur le fait qu'il n'y ait aucune
convention fiscale bilatérale qui ait été signée
avec elles. La raison pour laquelle aucune convention n'est établie est
simple: étant donné que les dispositions fiscale sont quasi
inexistantes, la négociation n'aurait ni teneur ni objet.
Les revenus de sources étrangères subiront donc
généralement des prélèvements à la source au
taux maximal compte tenu des dispositions du droit interne local. Cette
fiscalité attractive a néanmoins un pendant qui relève
aussi du domaine fiscal: du fait de l'absence d'impôts directs, les
besoin budgétaires de l'entité sont généralement
couverts par des droits indirects particulièrement élevés,
droits de douane, droits à la consommation et droits de timbre par
exemple.
Les paradis fiscaux les plus «utilisé" se fondent sur
politique fiscale linéaire, ainsi, Les Bermudes, les Bahamas et les Iles
Caïmans ont une tradition ancienne de paradis fiscal établi et
stable, constituant un patrimoine local. Mais une tradition de stabilité
fiscale n'est parfois pas jugée totalement suffisante pour attirer des
financements massifs destinés à être investis dans des
projets à long terme comme, par exemple, la constitution d'une compagnie
d'assurances.
La conséquence est qu'un contribuable qui a
constitué un mécanisme fiscal offshore dans l'unique dessein
d'éluder l'imposition en France ne pourra aucunement invoquer "la
tradition fiscale" d'un Etat pour justifier sa fraude.
Ces "zero-haven" possèdent dans leur législation
des disposition dont le contribuable non-averti n'en soupçonnerait
jamais l'existence: il est possible d'obtenir, dans certaines conditions, une
garantie contractuelle des gouvernements locaux d'exonération
d'impôts directs, sur une certaine période (cas des Bermudes qui
offrent une garantie d'exonération jusqu'au 28 Mars 2016 dans le cadre
de l'ExemptedUndertakingTax Protection Act 1966).
b. Evolution récente
Ces pays font l'objet de vives critiques fondées sur les
pratiques financières répréhensibles qui s'y
déroulent, en effet, c'est sur ces territoires que se commet les grandes
opérations de blanchiment d'argent ou de fraude fiscale.
Aussi, afin de préserver leur image auprès d'une
clientèle plus respectable mais surtout afin de conserver à terme
leur statut, les gouvernements de ces îles ont été conduits
à introduire une réglementation interne plus sévère
destinée à réprimer efficacement la corruption et faisant
par là même une entorse au système du secret des
affaires.
Par ailleurs, sous la pression essentiellement des Etats-Unis,
des conventions internationales d'assistance judiciaires ont été
signées. Bien que principalement destinées à lutter contre
le « blanchiment » de capitaux, on ne peut exclure, en pratique,
l'utilisation de ces conventions internationales à d'autres fins telle
que la lutte contre l'évasion fiscale1.
Ces Etats commencent à s'ouvrir plus en plus au reste du
monde et commencent à prendre conscience de l'offense indirecte à
l'Economie des autres pays. On citera l'exemple des Bahamas qui ont conclu un
traité d'assistance judiciaire réciproque (MutualLegal
Assistance Treaty MLAT) avec les Etats-Unis, ouvrant aux autorités
américaines le droit d'obtenir des informations « where certain
indictable offences have been committed » (par exemple le
délit d'initié).
L'un des premier traités signé avec les Etats-Unis
parles Bermudes en matière fiscale concernele traité sur
l'imposition des revenus tirés de l'assurance et une convention
d'assistance et d'échanges d'informations en matière fiscale
(Treaty on Insurance Taxation and Mutual Assistance in Tax
Matters2, and Agreement to Exchange TaxInformatio).
1 :tackletaxhavens.ca/what-tax-haven
2 :tackletaxhavens.ca/what-tax-haven
c. Caractéristiques non fiscales :
Les zero-haven sont essentiellement composés de petites
(ou micro) économies, comme Monaco ou Saint-Martin.
On ne manquera pas de remarquer la localisation de ces zero-haven
aux Caraïbes où la monnaie couramment utilisée est le
dollar, les opérations sur devises sont généralement
libres de toute contrainte en matière de contrôle des changes
à l'exception des Bahamas où les opérations avec les
résidents font l'objet d'un contrôle à priori.
Pour asseoir l'attractivité d'un territoire, la
stabilité politique et la relative confidentialité des
opérations doivent être accompagnées d'infrastructures et
de services de qualité pour rendre ces paradis «
opérationnels » dans la gestion quotidienne des activités.
C'est en cela que les réseaux de communication sont en
général, de très bonne qualité.
La caractéristique semblable à tous ces zero-haven
est relative à la forme de la structure d'accueil
o Les régimes destinés aux investisseurs
étrangers (ce régime est souvent appelé International
Business Companies « IBC »)
o Les régimes sectoriels d'exonération,
destinés à attirer des investissements particuliers (comme les
compagnies d'assurances et les banques).
Les avantages fiscaux des IBC qui sont proposés sur les
sites internet (Exonération totale d'impôt, pas de plus-values,
pas de droit de succession, pas de comptabilité, pas d'audit comptable
annuel requis par les autorités Seychelloises, possibilité
d'ouvrir un compte bancaire pour la société partout dans le
monde, etc... apparaissent comme étant être une véritable
stratégie commerciale.
Les « tax-haven »1 ou
« zero-haven » constituent un premier degré de pays
défiscalisé, ils sont en quelque sorte
« l'archétype » du paradis fiscal, mais il n'en est
pas de même pour tous les pays à fiscalité
privilégiée. En effet, un pays sans fiscalité n'existe
pas, dès lors, il convient d'opérer une nuance dans les
caractéristiques des paradis fiscaux pour retenir les pays où il
existe des impositions de faible importance.
B. Impôt sur les bénéfices
prélevé sur une base territoriale restreinte ou à un taux
réduit
1 : Offshore Finance Centers and Tax Havens: The Rise of
Global Capital publié par Mark Hampton,Jason Abbott
Ce que nous voulons mettre en exergue dans ce passage de notre
étude c'est le fait que l'on a souvent fait d'illustrer les pays
à législation fiscale privilégiée comme des pays
où aucune charge fiscale ne pèse.
Or, il en est très rarement ainsi, c'est en cela qu'il ne
faut pas passer à côté des pays à faibles niveau de
prélèvement, l'on pourra dès lors citer et distinguer
plusieurs « philosophies fiscales » qui se caractérisent par
une pression fiscale amoindrie.
La première catégorie de pays est celle
où il existe un impôt qui a pour assiette les
bénéfices, mais ce taux est beaucoup plus bas que ce que l'on
peut connaitre en France (où il est à 33 1/3
%)2:
Il s'agit pour ces pays de pratiquer un taux d'IS faible afin
d'opérer une véritable stratégie commerciale, il y a tout
de même un écueil dans laquelle il ne faut pas tomber lorsqu'un
contribuable à face à lui un taux d'IS qui est faible :
à la Barbade, le taux de l'IS est à 25%, soit un taux quasiment
identique à celui des Pays-Bas (25,5%). Singapour et Hong-Kong imposent
les sociétés respectivement à 17% et 16,5% alors que l'IS
applicable en Allemagne approche 16%, 10 % pour Chypre, 12,2% pour
l'Irlande.
Les Etats membres de l'UE que nous avons énoncés ne
sont pas réputés pour être des paradis fiscaux, pourtant en
termes d'imposition des bénéfices les écarts
témoignent d'une meilleure attractivité de ces Etats.
La seconde catégorie de pays est celle des territoire
où on ne parle pas directement d'IS mais d'autres
prélèvements qui fonctionnent selon le même
mécanisme que l'IS sans en être :
Ces impôts de substitution à l'IS se retrouvent dans
de nombreux pays, bien sûr l'assiette correspondra toujours aux
bénéfices mais la méthode de prélèvement et
forcément les taux ne seront pas les mêmes. Il découle de
cette dichotomie une possible attractivité pour ce type de
législation offshore.
A titre illustratif :
-Les Bahamas (un « zero-haven »)
prélèvent « un droit annuel de licence en fonction
du chiffre d'affaires et du taux de bénéfice brut au titre de
l'exercice d'une quelconque profession ou de l'exploitation d'une affaire sur
le territoire bahamien ».
-Au Liechtenstein1, où les
bénéfices des sociétés sont imposés à
7,5% ou 15%, l'impôt de substitution prend la forme « d'un
prélèvement de 0,2% sur le montant du capital et des
réserves ».
Ce type de systèmes fiscaux est là pour compenser
la faible diversité de leur Economie fondée avant tout sur le
tourisme, on le voit bien, la fiscalité apparait comme un moyen de
développement.
1 : http://www.paradisfj.info/
2 :Tax Havens: How Globalization Really Works Par Ronen
Palan,RichardMurphy,ChristianChavagneux
La troisième catégorie de pays concerne les pays
qui vont appliquer un régime d'imposition privilégié
spécifique aux personnes ayant leur activité à
l'extérieur dudit pays :
C'est le cas du Liechtenstein qui pratique ce régime
d'imposition dans le but d'attirer l'investissement des entreprises
étrangères en raison de la petite taille de son territoire (la
superficie du Liechtenstein ne dépasse pas 170 km², ils ont
dès lorsun faible potentiel de développement
économique.
L' « offshore trading company » est un type de
société que l'on retrouve dans certains paradis fiscaux
(avérés ou non), ces sociétés vont
bénéficier d'un traitement spécifique, on peut donc
affirmer que la typicité juridique occasionne un traitement fiscal
particulier :
-Les régimes d'exonération : Ce type de
régime est présents dans certains paradis fiscaux et consistent
à exonérer une société qui possède son
activité à l'étranger dès lors qu'elle ne dispose
d'aucuns contact avec les entreprises où les personnes du pays.
-Les régimes d'imposition réduite : Ce type
de régime va être spécifique à certains types de
sociétés offshores. Historiquement, les General Trading Companies
étaient imposées au taux de 5% à Malte ou de 4,25%
à Chypre. Ces deux régimes ont été abolis
après leur condamnation par le Forum européen dans le cadre de la
lutte contre la concurrence fiscale dommageable.
-Les impôts de fonctionnement : Ce type d'imposition
vient substituer à l'impôt sur les bénéfices selon
ce modèle, les sociétés domiciliées ou
sociétés de siège liechtensteinoises (leur siège
est établi au Liechtenstein, mais elles n'y exercent aucune
activité) acquittent un impôt chaque année de 0,10 % de
leur capital et leur réserve.
Plusieurs critères permettent de déterminer si une
législation fiscale offshore est privilégiée ou non. La
présence de certains impôts est une piste, les taux d'imposition
en sont une autre, mais certains pays réservent des impositions
spécifiques à certains types de société en
considération de leur nature.
C. Les « paradis » offrant des
avantages spécifiques à certaines sociétés,
activités ou industries
Il convient dans cette partie de s'arrêter sur la
spécificité accordée à certaines
sociétés, activités ou industries : en effet pour
décider que telle ou telle législation possède le statut
de législation offshore dans laquelle il convient d'y domicilier ses
revenus ou sa société, il ne faut pas s'arrêter à
une lecture trop rapide du taux d'impôt applicable. Selon les
législations, les avantages fiscaux sont accordés soit
globalement, à l'ensemble des personnes morales, soit partiellement,
pour les activités exercées à l'extérieur du pays,
notamment pour les sociétés holding.
On prendra ici l'exemple des sociétés captives dans
les pays à fiscalité privilégiée :
La société captive financière possède
une particularité, c'est son objet : celui-ci consiste à
financer les vente des sociétés appartenant au même groupe
qu'elle. La captive financière va avoir pour fonction d'acheter un bien
au groupe mais pour le compte d'un client, ensuite ce bien sera à la
disposition de ce client grâce à un contrat de financement. Le but
principal pour un groupe d'avoir une captive financière c'est la
fidélisation des clients grâce au contrat de financement.
Les sociétés captives sont présentes dans
différents secteurs comme l'assurance, la banque et la
réassurance, ainsi, aux Bahamas les autorités cherchent à
promouvoir les activités d'assurances et de réassurances pour le
compte de groupes multinationaux en offrant une exonération temporaire
de quinze ans de tous droits et taxes. Les sociétés souhaitant
développer cette activité doivent néanmoins se soumettre
à des règles particulières mais souples de fonctionnement
(ExternalInsuranceAct 1983).
L'avantage des banques captives est le suivant : ces banques
étant constituées dans des paradis fiscaux, l'imposition sera
ridicule comparé aux flux de capitaux que génère la banque
(l'imposition maximale sera de 2 500).
Néanmoins1, les banques captives devront mener
leur stratégie fiscale offshore de manière minutieuse car elles
se devront d'avoir une activité à l'étranger au risque de
subir un contrôle fiscal poussé car les agents de
l'Administrations fiscale penseront que l' établissement permet le
blanchiment de capitaux et les sanctions seront très
sévères car tous les États cités, sauf Nauru, ont
signé avec l'OCDE un accord faisant d'eux des partisans pour la lutte
contre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent sale. Une banque captive
est très sérieusement contrôlée (pas au sens
contrôle fiscal inquisiteur), le moindre écart se traduit par de
lourdes sanctions pénales.
Les sociétés captives se sont ainsi
multipliées en Europe, dans des pays tels que le Luxembourg et
l'Irlande, ou des territoires tels que l'île de Man, Jersey et Guernesey
qui ne font pas partie de l'Union européenne, pour le reste du monde,
dans des pays tels que les Bermudes, les États-Unis, les îles
Caïmans, les Bahamas ou la Barbade, etc.
1 :Lamy Assurances 2014/Partie 2 Assurances de
dommages/Section 3 : Assurance des risques implantés à
l'étranger/Paragraphe 3 : Sociétés captives
d'assurance
Les sociétés captives apparaissent souvent comme un
outil d'évasion fiscale qu'illustre bien la recherche de paradis fiscaux
pour leur implantation.
On dénombre plusieurs milliers de sociétés
captives d'assurance ou de réassurance dans le monde, dont plus de mille
aux Bermudes et plus d'une centaine aux îles Caïmans, pour environ
une quarantaine de sociétés captives françaises, de
réassurance pour la plupart, essentiellement domiciliées au
Luxembourg.
Les inconvénients des sociétés captives sont
les suivants :
-- implique des coûts de création, de surveillance
et de contrôle de la société ainsi créée ;
-- ne résout pas toujours les problèmes de
solvabilité du fait de la faiblesse de ses fonds propres, tout
particulièrement au début de ses activités.
-- l'expose, lorsqu'il s'agit de société captive
offshore, à des revirements imprévisibles des législations
nationales des pays d'accueil, dans lesquels, prise individuellement, chaque
société n'a que peu de poids.
Les critères de détermination des pays à
fiscalité privilégiée nous permettent de réaliser
une typologie des législations fiscales les plus attrayantes dans le
monde, mais cette typologie vient être renversée par les relations
qu'ont dus nouer ces derniers avec les pays lésés de l'exode
fiscal de ses ressortissants vers les paradis fiscaux. Dès lors, les
innombrables accords d'échanges de renseignements a pu entrainer une
certaine dénaturation desdits pays.
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