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L'étude comparative de la corruption passive d'agents publics nationaux entre la France et l'Italie

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par David Chapus
Université Paris X - Master 2 Etudes bilingues des droits de l'Europe -spécialité droit des affaires 2015
  

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CHAPITRE 7. L'OPPORTUNITÉ D'UNE PROCÉDURE PÉNALE DÉROGATOIRE POUR L'INFRACTION DE CORRUPTION.

A travers ce second Chapitre, il faudra nous intéresser à la partie procédurale de l'infraction de corruption.

Cet intérêt se porte tout d'abord sur le fait de savoir si la corruption d'agents publics est intégrée dans le régime procédural dérogatoire de la criminalité organisée en France et en Italie (section 1), dont il a été fait référence en introduction.

Cette étude des régimes procéduraux nous permettra d'analyser la distinction quant au traitement judiciaire de la corruption entre les deux pays, malgré l'existence d'une coopération judiciaire (section 2), et ce afin de répondre à la question de savoir s'il est légitime de penser à une procédure dérogatoire en matière de corruption.

Il nous faudra enfin observer le régime juridique en France et en Italie quant à la prescription du délit de corruption (section 3), et d'y observer la souplesse du régime français.

CHAPITRE 8. SECTION 1 : LA CORRUPTION D'AGENTS PUBLICS ET LE RÉGIME PROCÉDURAL DÉROGATOIRE DE LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE.

L'objectif de cette première section sera d'étudier la compétence spécialisée des juridictions françaises en matière de criminalité organisée, mais étendue aux infractions économiques et financières, tandis qu'existe un régime de droit commun pour la corruption en Italie (A). Nous nous attarderons ensuite sur les règles procédurales dérogatoires étendues à l'infraction de corruption, afin de voir la progression française et l'avancée timide en Italie (B), et ce afin de répondre à la question posée par cette section.

A : Une compétence spécialisée des juridictions françaises et un régime de droit commun italien.

En France, la loi « Perben II » de 2004 est venue modifier le Code de procédure pénale, en introduisant - conformément aux Conventions internationales - une procédure dérogatoire en matière de criminalité organisée144(*). Or, comme il a été expliqué, la corruption n'y est pas prévue. Ce régime dérogatoire résulte aux articles 706-80 et suivants du CPP, mettant en place des techniques spéciales d'enquête145(*), et à l'article 706-75 du CPP qui institut les JIRS.

Or, il est d'ores et déjà possible d'affirmer que ces dérogations sont également étendues en matière économique et financière - dont fait partie la corruption d'agents publics146(*) -, selon les articles 704 et 706-1-1 du CPP français.

La corruption passive d'agents nationaux est donc intégrée parmi les délits qui sont de la compétence, tant au niveau des poursuites, que de l'instruction et du jugement, des JIRS en matière économique et financière selon l'article 704 al.1 du CPP français.

La JIRS est un tribunal de grande instance, au nombre de huit147(*), « dont la compétence (qui est concurrente à celle de la juridiction naturelle selon l'article 704-1 du CPP) peut être étendue au ressort de plusieurs Cours d'appel, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient de grande complexité » selon l'article précité. Ce concept de « grande complexité des affaires », posé par la loi « Perben II » à l'article 706-75 du CPP en matière de criminalité organisée, repris par l'article 704 du CPP et modifié par la loi de 2013, peut s'expliquer en raison « notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent ». Or, il est acceptable de penser que, dès lors que ce critère légal de grande complexité vient à manquer, les JIRS n'auront pas compétence148(*).

Cette définition permet, d'une certaine façon, de comprendre l'introduction de la corruption parmi ces infractions. En effet, comme nous l'avons vu dans le Chapitre 1149(*), il est des cas où la corruption peut avoir une forme de grande complexité - la définition de ce concept correspondant de manière générale à celui de criminalité organisée, elle permet de comprendre l'extension du régime procédural de la criminalité organisée aux infractions économiques et financières -, et d'autant plus lorsqu'elle « est imbriquée avec d'autres infractions »150(*).

En revanche, et selon les considérations faites dans le Chapitre 1, parler de la corruption comme une infraction ayant une grande complexité - et donc indirectement de criminalité organisée - ne semble pas approprié du fait du caractère instantané et d'un nombre réduit d'auteurs. On en vient à se demander si la précision de la corruption dans ce régime dérogatoire peut être utile, et ce d'autant plus que la compétence des JIRS est limitée à la « grande complexité » des affaires.

Par ailleurs, une innovation a été introduite par la loi de 2013 en matière économique et financière. Cette innovation correspond à la figure du Procureur de la République financier, intégrée à l'article 705 du CPP. Aux termes de ce nouvel article, le Procureur financier, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris « exercent une compétence concurrente (...) pour la poursuite, l'instruction et le jugement de diverses infractions », dont celle de corruption passive d'agents publics nationaux. Comme pour les JIRS, l'on retrouve le critère légal de la « grande complexité ». Le constat effectué ci-dessus pour les limites du régime des JIRS vaut également ici.

La spécificité de ce Procureur financier, et plus généralement du parquet financier, tient à sa compétence territoriale. En effet, contrairement à celle des parquets naturels ou même des JIRS dont la compétence se trouve limitée à un ou plusieurs ressorts de Cours d'appel, celle du parquet financier est nationale151(*). Cette compétence nationale permet ainsi une plus grande efficacité dans la recherche des éléments du délit, mais également de réduire les conflits de juridictions. Par ailleurs, en cas de conflit de compétence concernant les infractions visées à l'article 705 du CPP152(*), l'article 705-4 du CPP dispose que « le Procureur général de la cour de Paris anime et coordonne (...) la politique d'action publique pour l'application de l'article 705 du CPP ».

En revanche, comme le décrit le journal Le Monde dans son article intitulé « Premier bilan mitigé pour le parquet financier »153(*), le Procureur financier ne semble pas disposer de la véritable « force de frappe » qu'annonçait la magistrate Eliane Houlette.

En effet, « sur les six dossiers qu'il a renvoyés devant un tribunal, seule une affaire de fraude fiscale lui est revenu ». Les autres dossiers étant traités par le parquet de Paris.

Ces quelques remarques permettent de montrer la limite de ce nouvel acteur, et d'inviter peut être le régime français à reformuler ses nouveaux textes.

Par conséquent, il est admis de dire - pour le moment - que la procédure dérogatoire de la criminalité organisée n'est pas applicable en matière de corruption. Depuis la loi « Perben II », la procédure de la criminalité organisée, à la lecture des textes du CPP, se trouve comme étendue à la matière économique et financière. En revanche, et c'est sur ce point que l'on distingue ces deux catégories, certaines règles procédurales de la criminalité organisée ne sont pas prévues pour les infractions économiques et financières154(*). Ce choix du législateur semble traduire sa volonté de les distinguer, et donc de considérer l'infraction de corruption comme une infraction hors criminalité organisée.

En Italie, contrairement à la France, la corruption d'agents publics nationaux relève d'un régime procédural de droit commun, tandis qu'il existe depuis 1992155(*), pour les infractions relevant de la criminalité organisée de type mafieuse ou assimilées156(*), mais aussi pour des délits d'une autre nature157(*), des règles procédurales dérogatoires selon l'article 51 al.3 bis, 3 quater et 3 quinquies du CPP italien. Ces règles dérogent au régime de droit commun en ce qui concerne la compétence et les acteurs du ministère public (MP), mais aussi au niveau des techniques d'investigation. En effet, pour ces infractions organisées ou assimilées, deux figures ressemblent au Procureur de la République financier français. Ces acteurs sont le Procureur national antimafia et le Procureur du district antimafia. Il doit être précisé que selon les alinéas précités de l'article 51 CPP, ces parquets spécialisés antimafia auront compétence lorsque les délits bases de la criminalité organisée, à savoir l'association de type mafieuse et celle de malfaiteurs, ont été commis afin « d'accomplir les délits » prévus par l'article 51 al.3 bis158(*), ou encore « lorsque des délits ont été commis afin de faciliter l'activité de ces associations organisées »159(*).

Il est d'ores et déjà possible d'introduire la remarque que la dernière portion de l'article 51 al.3 bis laisserait penser que la corruption puisse faire partie de ce régime dérogatoire. En effet, l'infraction de corruption pouvant être commise afin de « faciliter l'activité de ces associations organisées ». Nous y reviendrons par la suite.

Ces parquets spécialisés antimafia auront également compétence pour les délits avec finalité de terrorisme160(*), ou pour les délits en lien avec la pédopornographie ou assimilés161(*).

Par conséquent, l'on remarque que leur compétence se trouve être plus étendue que celle du Parquet financier français, et qu'un nécessaire lien avec la criminalité organisée doit être relevé selon l'alinéa 3 bis.

Mais la spécificité de ce régime dérogatoire tient à la forme de l'organisation judicaire des parquets spécialisés. En effet, selon le régime de droit commun applicable à la corruption, le MP compétent est celui près du tribunal du juge compétent territorialement, selon les règles de compétence générales de l'article 8 du CPP et de l'article 51 al.1 du CPP italien. On relève en Italie une centaine de tribunaux et par conséquent un nombre équivalent de MP162(*). Ces quelques éléments suffisent à comprendre les problèmes que cette organisation pouvait entraîner pour les crimes organisés, étendus sur le territoire national.

En revanche, dans le régime dérogatoire, les parquets spécialisés antimafia sont au nombre de 26163(*), et ont une compétence territoriale près du tribunal du chef-lieu du district de Cour d'appel, selon l'al.3 bis de l'article 51 du CPP, contrairement au parquet financier français ayant une compétence nationale.

De plus, lorsque les enquêtes se trouvent liées au sens de l'article 371 du CPP, ces parquets spécialisés - comme ceux non spécialisés - ont, entre eux, une « obligation de coordination au niveau des recherches des éléments du délit ». Par conséquent, l'avantage de la mise en place de ce régime dérogatoire s'explique par le fait que « la coordination doit être assurée, non plus entre environ 160 MP dispersés sur le territoire, mais seulement entre les 26 parquets spécialisés »164(*), dans le but de faciliter et de concentrer la recherche des éléments matériels des délits organisés.

Il est également mis en place l'intervention du Procureur national antimafia, comme organe coordinateur des parquets spécialisés. Son but est d'inviter les parquets spécialisés à se coordonner, mais aussi d'intervenir dès lors que des « contrastes » émergent entre eux, en réunissant les différents Procureurs des districts antimafia165(*), selon l'article 371 bis du CPP.

Cette dernière remarque permet de faire un rapprochement entre les deux systèmes juridiques, où la coordination des enquêtes est requise pour les délits financiers ou de criminalité organisée. En cas de conflit, est prévue l'intervention du Procureur général en France selon l'article 705-4 du CPP et de celui antimafia en Italie, qui inciteront à la coordination.

Par conséquent, il ressort un premier constat. Même si ce régime dérogatoire italien répond aux exigences de rapidité de la justice, il se fait moins précis que celui français. En effet, ce régime italien ne tient pas compte de la corruption parmi ses infractions relevant d'une procédure dérogatoire. Cette non-extension peut surprendre, et c'est ce dont il sera question dans les sous-parties suivantes. En effet, il faudra se poser la question de savoir pourquoi une extension, comme en France, n'a pas été envisagée en Italie, mais aussi de voir si elle devrait l'être.

Nous avons pu étudier le régime procédural en France et en Italie en matière de corruption. Alors que celui-ci se trouve être dérogatoire, en France, tant en matière de criminalité organisée qu'économique et financière - applicable à la corruption -, en Italie, seule la criminalité organisée « bénéficie » d'un régime particulier, tandis que la corruption est soumise à un régime de droit commun.

Par ailleurs, ces premiers éléments permettent de constater, pour le moment, que la corruption n'est pas intégrée dans le régime procédural de la criminalité organisée.

Il nous faudra dès lors voir que des règles procédurales dérogatoires sont étendues à l'infraction de corruption, et qu'il est visible une progression française face à une avancée timide de l'Italie. Cette sous-partie amènera à répondre définitivement à la question de savoir si la corruption est intégrée dans le régime de la criminalité organisée.

* 144 Titre XXV, Livre IV du CPP.

* 145 Que nous étudierons dans le B) de cette Section 1.

* 146 Sera essentiellement traitée, dans cette sous-partie, la corruption passive d'agents publics nationaux.

* 147 Nombre correspondant aux ressorts des Cours d'appel.

* 148 J. Pradel et J. Dallest, La criminalité organisée : droit français, droit international et droit comparé LexisNexis, 2012, p.141.

* 149 Section 1 Chapitre I.

* 150 W. Jeandidier, Corruption et trafic d'influence, 2014, §111.

* 151 Présentation du Parquet financier, disponible sur : http://www.justice.gouv.fr/la-garde-des-sceaux-10016/mieux-combattre-la-delinquance-financiere-et-la-fraude-fiscale-26778.html

* 152 S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, LexisNexis, 2014, p.195.

* 153 Article rédigé par S. Piel, « Premier bilan mitigé pour le parquet financier », Le Monde, le 20 avril 2015, http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/04/20/premier-bilan-mitige-pour-le-parquet-financier_4619155_1653578.html

* 154 C'est le cas par exemple de l'article 706-88 du CPP prévoyant une prolongation de la garde à vue pour les infractions relevant de l'article 706-73 du CPP.

* 155 Régime n'ayant pas subi de grandes modifications depuis 1992.

* 156 Comme l'association de malfaiteurs ou l'association de type mafieuse, articles 416 et 416 bis du CP.

* 157 Comme la traite des personnes ou la pédopornographie, articles 600 bis et suivants du CP italien

* 158 Comme par exemple la traite des personnes, articles 600 du CP.

* 159 Article 51 al.3 bis du CPP.

* 160 Article 51 al.3 quater CPP.

* 161 Article 51 al.3 quinquies CPP.

* 162 G. Lozzi, Lineameni di procedura penale, 5a edizione, Torino, G. Giappichelli editore, 2014, p.233.

* 163 Ce nombre correspond à celui des Cours d'appel en Italie ; G. Lozzi, op.cit., p.233.

* 164 G. Lozzi, op.cit., p.233.

* 165 P. Tonini, Manuale di procedura penale, Milano, Giuffrè editore, 2014, p.123.

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