WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala

( Télécharger le fichier original )
par Olivier Lungwe Fataki
Université Catholique de Bukavu - Licence 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE II. LA RESPONSABILITE PENALE INDIVIDUELLE POUR CRIME D'AGRESSION

Dans la catégorie des crimes qui relèvent de la compétence de la CPI, l'agression s'identifie comme un crime à part. En effet, l'agression se distingue des autres crimes internationaux à trois égards.

D'abord, il doit être le fait d'un dirigeant, c'est-à-dire d'une personne qui est en position de « contrôler ou de diriger l'action politique ou militaire d'un Etat » (art. 8 bis, §1 du Statut de Rome).

Ensuite, un acte internationalement illicite de l'Etat doit avoir été constaté par le Conseil de sécurité des Nations Unies (art. 39 CNU), c'est-à-dire un emploi illégal de la force en violation de l'article 2-4 de la Charte des Nations Unies.

Enfin, l'article 8 bis précise que l'acte doit « par sa nature, sa gravité, et son ampleur constituer une violation manifeste de la Charte des Nations Unies ».

Le présent chapitre se propose d'étudier les éléments constitutifs du crime d'agression (Section 1) tels qu'arrêtés à Kampala, avant d'aborder la question de la responsabilité pénale individuelle pour crime d'agression (Section 2) qui vise les hauts dirigeants étatiques et les supérieurs hiérarchiques. Le point sera fait sur les immunités des dirigeants comme obstacle à l'action répressive du crime d'agression et proposer enfin certaines pistes de solution (Section 3).

Section I. LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU CRIME D'AGRESSION

La mission de la répression du crime d'agression assignée à la CPI passe nécessairement par la détermination de ses éléments, car ces derniers aident la Cour à interpréter et appliquer l'article 8 bis160(*).

Il semble alors important de consacrer le développement de cette section à l'étude des éléments constitutifs du crime d'agression à savoir l'élément matériel (§1), l'élément personnel (§2) et l'élément moral (§3), outre l'élément légal qui, bien entendu, ressort de l'article 8 bis du Statut de Rome.

§1. Elément matériel du crime d'agression

L'élément matériel c'est le fait extérieur par lequel le crime se révèle ou prend corps161(*). On l'appelle aussi corpus delicti. Pour exister le crime doit être matérialisé par un acte. Le plus souvent, il s'agit d'un acte interdit par la loi (infraction de commission), mais il peut aussi s'agir de l'omission d'accomplir un acte prescrit par la loi (l'infraction d'omission) ou alors l'hypothèse de la commission par omission qui est un crime de commission d'après sa définition légale, mais qui, concrètement, se réalise par omission162(*).

Les Statuts des TMI de Nuremberg et de Tokyo supposaient comme éléments constitutifs du crime contre la paix: la guerre d'agression et l'acte d'agression163(*), mais sans expliquer ces termes.

Dans la Résolution 3314 (XXIX), les concepts de guerre d'agression sont utilisés une seule fois, sans qu'il ne soit expliqué si la guerre d'agression est envisagée là comme un élément matériel du crime d'agression. Aux termes de cette Résolution, « une guerre d'agression est un crime contre la paix internationale »164(*). N'est-ce pas là une simple qualification qui n'implique pas définition ?

Lors de la Conférence de l'AEP tenue à Kampala en juin 2010, l'on n'avait pas pu déterminer ce qu'est une guerre d'agression, et à partir de quels critères il pouvait être décidé qu'une guerre était une guerre d'agression. Devant la difficulté de faire un bon usage de cette notion, l'on avait estimé sage de la mettre de côté165(*) pour ne considérer que comme constitutif du crime d'agression « l'acte d'agression ».

L'acte d'agression

Nombreux sont ceux qui ont estimé, lors des sessions de l'AEP, que le crime d'agression était indissolublement lié à la commission d'un acte d'agression166(*). Ce qui a suscité la question de savoir si les dispositions contenues dans la résolution 3314 pourraient-elles cependant être reprises sans difficultés dans le cadre de la détermination des éléments matériels constitutifs du crime d'agression, cette fois-ci crime individuel ?

La réponse à cette question semble positive et tirant argument du fait qu'on disposait d'un élément matériel précis du crime d'agression déjà bien spécifié dans la résolution 3314, élément qui, contrairement à la guerre d'agression, était défini dans la résolution et qu'il était donc judicieux de s'en servir comme point de départ, et qui a également été utilisé comme point de référence dans les travaux de la CDI sur le Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité167(*).

Par définition, l'acte d'agression s'entend comme l'emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies168(*). En plus de la violation des droits fondamentaux d'un Etat, la définition ci-haut ajoute un autre élément qui serait la violation de la Charte de Nations-Unies, se justifiant par la volonté d'« exclure l'emploi de la force en application de l'Article 51 de la Charte, à savoir au nom de la légitime défense, ou en application du Chapitre VII de la Charte »169(*), cas dans lesquels il y a bien utilisation de la force sans violation de la Charte.

Un acte, pour être qualifié d'acte d'agression, doit posséder un certain degré de gravité170(*). En effet, le critère de gravité est considéré par la jurisprudence et de nombreux auteurs comme un élément objectif permettant de classer ou non l'acte dans la catégorie des actes d'agression.

Pour la CIJ, l'envoi par un État de bandes armées sur le territoire d'un autre État peut constituer une agression armée, s'il s'agit d'une opération de grande ampleur, et non d'une simple assistance apportée aux rebelles, tout comme des manoeuvres militaires ou l'envoi de fonds ou d'armements à des rebelles171(*).

On peut s'accorder de croire que le juge pénal prendra en compte la gravité et l'ampleur de l'acte, qui sont des considérations de droit et non des considérations politiques pour déterminer la nature de l'acte, c'est-à-dire pour déterminer si on est ou non face à un acte d'agression172(*).

Dans l'Affaire des activités armées sur le territoire congolais, l'intervention militaire illicite de l'Ouganda a été d'une ampleur et d'une durée telles que la Cour la considère comme une violation grave de l'interdiction de l'emploi de la force énoncée au paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies173(*).

En effet, dans le texte finalement adopté à Kampala en juin 2010 (art. 8 bis, alinéa 1), il est bien noté que l'acte d'agression constitue, du fait de sa nature, de sa gravité et de son ampleur, une violation « manifeste » de la Charte des NU174(*).

Qu'il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d'agression au regard de la résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1974 :

L'invasion ou l'attaque par les forces armées d'un État du territoire d'un autre État ou l'occupation militaire, même temporaire, résultant d'une telle invasion ou d'une telle attaque, ou l'annexion par la force de la totalité ou d'une partie du territoire d'un autre État ;

Le bombardement par les forces armées d'un État du territoire d'un autre État, ou l'utilisation d'une arme quelconque par un État contre le territoire d'un autre État ;

Le blocus des ports ou des côtes d'un État par les forces armées d'un autre État ;

L'attaque par les forces armées d'un État des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes aériennes et maritimes d'un autre État ;

L'emploi des forces armées d'un État qui se trouvent dans le territoire d'un autre État avec l'agrément de celui-ci en contravention avec les conditions fixées dans l'accord pertinent, ou la prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l'échéance de l'accord pertinent ;

Le fait pour un État de permettre que son territoire, qu'il a mis à la disposition d'un autre État, serve à la commission par cet autre État d'un acte d'agression contre un État tiers ;

L'envoi par un État ou au nom d'un État de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui exécutent contre un autre État des actes assimilables à ceux de forces armées d'une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un concours substantiel à de tels actes175(*).

* 160Lire en ce sens l'Article 9 du Statut de Rome. Déjà cité.

* 161 N. Mwene SONGA, Droit Pénal General Congolais, Kinshasa, Ed. DES, 2007, p. 144.

* 162Idem, p. 145.

* 163 V.M. METANGMO, Op. cit., p. 300.

* 164Article 5 point 2 de la Résolution 3314 (XXIX).Déjà citée.

* 165 V. WILMSHURST (E.) , « Definition of the Crime of Aggression: State Responsibility or Individual Criminal Responsibilty ? », cité par V.M. METANGMO, Op. cit., p. 313.

* 166ICC-ASP/4/SWGCA/INF.1 29 juin 2005, p. 10, AEP, quatrième session, Note du Secrétaire. Disponible en ligne sur https://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/library/asp/ICC-ASP-4-SWGCA-INF1_French.pdf. Visité le 26 avril 2016.

* 167 ICC-ASP/5SWGCA/INF.1, 5 septembre 2005, p.5. Réunion informelle intersession du Groupe de travail spécial sur le crime d'agression. Disponible en ligne https://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/library/asp/ICC-ASP-5-INF1_French.pdf. visité le 28 avril 2016.

* 168 Article 8 bis point 2 du Statut de Rome, dans Résolution RC/Res.6. Précitée

* 169 ICC-ASP/6/SWGCA/2, 14 mai 2008, p.3. Document de travail sur le crime d'agression proposé par le Président (révision de juin 2008). Disponible en ligne sur https://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/library/asp/ICC-ASP-6-SWGCA-2_French.pdf. visité le 26 février 2016.

* 170 V. M. METANGMO, Op.cit., p. 327.

* 171 CIJ, arrêt Nicaragua, précité, §195, p. 103.

* 172 Opinion individuelle du juge Simma dans l'arrêt RDC c. Ouganda, p. 1, § 2 et 3. In KRESS (C.) et Von

HOLTZENDORFF L., « The Kampala Compromise on the Crime of Aggression » cité par V. M. METANGMO, Op.cit., p. 335.

* 173 CIJ, Arrêt RDC c. Ouganda, précité, § 165.

* 174Article 8 bis point 1 du Statut de Rome, in Résolution RC/Res.6., Amendements au Statut de Rome de la Cour pénale internationale relatifs au crime d'agression, Kampala, 11 juin 2010. Déjà cité.

* 175 Article 8 bis point 2 du Statut de Rome, in Résolution RC/Res.6., Amendements au Statut de Rome de la Cour pénale internationale relatifs au crime d'agression, Kampala, 11 juin 2010.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote