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Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala

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par Olivier Lungwe Fataki
Université Catholique de Bukavu - Licence 2016
  

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b. Les chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques

L'on ne peut pas exclure la responsabilité des dirigeants militaires de la commission du crime d'agression sous le simple motif que c'est le dirigeant politique qui prend la décision finale d'aller en guerre. Les dirigeants militaires doivent être au même titre que les dirigeants politiques interpellés quand ce crime est commis219(*) car ils veillent à la préparation des forces armées et conçoivent les opérations militaires220(*).

Exclusivement, il est question ici de ceux qui occupent dans l'armée des hautes positions et un rôle de commandement ; ceux qui ont le pouvoir de décision et qui, de ce fait, prennent une part active dans la planification, la préparation et l'exécution du crime d'agression. L'application de ces critères permet d'éviter de punir « le simple soldat » ou le « simple militaire » pour crime d'agression. En effet, ce dernier ne peut pas jouer le même rôle dans la décision d'engager et de mener une guerre d'agression qu'un général ou un chef d'état-major221(*).

C'est cette démarche qu'ont adopté les TMI au lendemain de la seconde guerre mondiale ; ils ont estimé à propos du crime contre la paix que : « c'est quelque part entre le Dictateur et Commandant suprême des Forces militaires d'un côté et le simple soldat de l'autre que se situe la frontière entre la participation criminelle et la participation excusable »222(*).

De surcroit, dans l'affaire Akayesu, la Ière Chambre de la première instance du TPIR avait affirmé qu'il n'est pas exigé (au sens de l'article 6 point 3 du Statut du TPIR) nécessairement que le supérieur ait su, pour que sa responsabilité pénale soit engagée, il suffit seulement qu'il ait eu des raisons de savoir que ses subordonnés étaient sur le point de commettre un crime ou l'avaient commis et qu'il n'ait pas pris les mesures nécessaires ou raisonnables pour empêcher que le dit acte ne soit commis ou pour en punir les auteurs. C'est une sorte de responsabilité par omission ou par abstention223(*).

La notion de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques est consacrée par l'article 28 du Statut de Rome. Sur pied dudit article, outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du Statut de Rome pour des crimes relevant de la compétence de la CPI :

a. Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu'il ou elle n'a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :

? Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes; et

? Ce chef militaire ou cette personne n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites ;

b. En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au paragraphe a) de l'article 28, le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu'il ou elle n'a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :

? Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d'informations qui l'indiquaient clairement ;

? Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et

? Le supérieur hiérarchique n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites224(*).

Il faut cependant noter que le supérieur hiérarchique encourt une responsabilité pour cause d'omission ou d'infraction commise par une personne placée sous son contrôle. Tel est le cas avec Monsieur Jean-Pierre Bemba qui a été attrait devant la CPI pour répondre des actes et faits infractionnels au regard du Statut de Rome commis par les soldats du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) en République Centrafricaine (RCA) dont il est et fut président et conséquemment, supérieur hiérarchique et/ou chef militaire225(*).

Dans son jugement du 21 mars 2016, la Chambre de première instance III, en application de l'article 74 du Statut, dans l'affaire Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, a déclaré celui-ci « coupable », en tant que personne faisant effectivement fonction de chef militaire, au sens de l'article 28-a du Statut226(*).

De cette Affaire, l'on peut retenir Trois éléments qui fondent la responsabilité du supérieur hiérarchique : La qualification du supérieur hiérarchique, la connaissance ou les informations qui peuvent y conduire et l'obligation de prendre les mesures pour empêcher ou réprimer l'infraction.

La cour a conclu que Jean-Pierre Bemba faisait effectivement fonction de chef militaire et exerçait une autorité et un contrôle effectifs sur les forces du MLC qui ont commis les crimes ; il savait que les forces du MLC commettaient ou allaient commettre les crimes ; il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou réprimer l'exécution des crimes ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites227(*).

Cet arrêt de la Chambre de première instance III de la CPI aura le mérite d'avoir fixé en jurisprudence de la CPI les critères de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Ce qui pourra être un acquis pour la détermination de la responsabilité des dirigeants ou supérieurs hiérarchiques pour crime d'agression. Cependant, dans la pratique, les poursuites des individus du genre de ceux visés par le crime d'agression ne vont toujours pas sans être handicapées par les immunités dont ils jouissent ou par une certaine pesanteur politique.

* 219 Voir Article 8 bis in ICCASP/6/SWGCA/2, précité, p. 3.

* 220Jug. Nur. 1er octobre 1946. Cité par P. TSHITEYA D., Op. cit., p. 69.

* 221 C. BASSIOUNI, Introduction au Droit Pénal International, Bruxelles, Bruylant , 2002, p. 38.

* 222 V. Affaire du Haut Commandement, pp. 486 et 489. Cité par V. M. METANGMO, Op. cit., p. 383.

* 223TPIR, Affaire Procureur contre Jean-Paul Akayesu, 2 septembre 1998, ICTR-96-4, Jugement Ch. II, paragraphe 479.

* 224 Article 28 du Statut de Rome. Déjà cité.

* 225Y. KATSHUNG J., L'Affaire JEAN PIERRE BEMBA : Un Pot Pourri de la Question de la Responsabilité du Supérieur Hiérarchique et des Méandres de la Justice Pénale Internationale ? p. 7. Disponible en ligne sur http://www.yavassociates.com/upload/La%20question%20du%20fondement%20de%20la%20responsabilit%C3%A9%20du%20sup%C3%A9rieur%20hi%C3%A9rarchique%20dans%20l%E2%80%99affaire%20JEAN%20PIERRE%20BEMBA%%A0.pdfVisité le 06 avril 2016.

* 226 CPI, Affaire Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, in Résumé du jugement rendu par la Chambre de première instance III le 21 mars 2016, p. 22. Disponible en ligne sur https://www.icc-cpi.int/iccdocs/PIDS/publications/2016.03.21_Summary_of_the_Judgment-Fra.pdf Visité le 05 juin 2016.

* 227CPI, Affaire Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo. Déjà cité.

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