WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La fiscalité minière des exploitations artisanales: cas de la cassitérite et du coltan au nord Kivu et au sud Kivu

( Télécharger le fichier original )
par Desso KANINGINI WAKUSOMBA
Université pédagogique nationale - DEA 0000
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

INTRODUCTION

Etat de la question.

Il est de notoriété publique que la République Démocratique du Congo est un scandale géologique. Elle est qualifiée telle à cause de l'abondance de ses ressources minières, pétrolières, énergétiques et forestières. Son sous-sol regorge d'importants minéraux et d'autres matières précieuses dont, les minerais dits rares.

Des telles allégations sont avancées par plusieurs auteurs, scientifiques, personnalités et, reconnues par plusieurs institutions. Et cela n'est pas seulement le fait des seules allégations ou des seuls propos des scientifiques et autres personnalités, mais il s'agit bel et bien d'une réalité.

Des matières premières de sources différentes, en quantité industrielle, aux minerais précieux comme l'uranium (qui a servi à la fabrication des célèbres bombes de triste mémoire larguées à Hiroshima et Nagasaki), l'or, le diamant, l'étain... ; et, le coltan (composant essentiel pour les circuits des téléphones et des ordinateurs portables) dont les trois quarts des réserves mondiales sont congolaises, la RDC passe pour une terre de tous les biens.

-Pact, Inc., (Washington, Juin 2010) le reprend dans une étude, comme suit : « La République Démocratique du Congo (RDC) regorge d'énormes richesses minérales et intègre un potentiel comprenant certains des plus grands gisements mondiaux de cuivre, de cobalt, d'étain, d'or, de tantale et de diamants. »1(*)

-On peut aussi lire cet article de wikipédia sur l'économie de la RDC :

« ... la production minière, qui a commencé voilà plus d'un siècle, a joué un rôle important dans la gestion économique de la RDC durant l'époque coloniale et après l'indépendance jusqu'à la fin des années 1980. En effet, le sous-sol de la RDC compte parmi les plus riches au monde au regard de la géologie et de la minéralogie. Etant donné cet avantage naturel, la défaillance de l'économie de la RDC est généralement attribuée à la malédiction des ressources naturelles (maladie hollandaise).2(*)

-Pour justifier cette dépendance de la RDC à ses minerais, J. Vanderlinden et autres, dans leur ouvrage intitulé `Du Congo au Zaïre, 1960-1980. Essai de bilan', affirment que « les produits miniers, et principalement le cuivre, sont à la base de la mise en valeur du pays. Ils représentent la majeure partie des exportations et constituent de ce fait la source principale de devises (75% en 1977), ... ».3(*)

C'est ainsi qu'il est attesté que la « Gécamines, avec sa concession minière de plus de 18.800 km² fournissait en 1980 environ 66% des recettes budgétaires de l'Etat et 70% de ses recettes d'exportation ».4(*)

On comprend alors bien que les difficultés dans le secteur minier engendrent directement celles de la gestion du pays.

-J. Vanderlinden et al écrivent à cet effet que « la crise économique et la chute des cours des produits miniers ont provoqué la chute des exportations et des taxes qui en provenaient ».5(*)

-Le DSCRP-RD Congo de juillet 2006 abonde dans le même sens en confirmant que `la production minière industrielle s'est effondrée avec la Gécamines entrainant des conséquences économiques et sociales importantes'.6(*) Les autres entreprises minières ont subi le même sort ; à l'instar de la MIBA, de l'OKIMO et de la SOMINKI dans le Kivu.

Mais de tous les temps, il faut noter que les minerais congolais ont toujours été enviés par le monde entier. Tous les moyens ont été mis en oeuvre pour s'en accaparer.

-Laurent BUADI écrit dans Africanews du 30/12/2011 : « les ressources naturelles de la RDC ont longtemps fait l'objet d'une convoitise de plus en plus grandissante de la part de ses voisins qu'ils en sont venus à user de la force militaire pour s'imposer sur son territoire et procéder à une razzia en force ».7(*) Et bien plus que les pays voisins il y a les grandes entreprises multinationales au travers le monde qui convoitent ces minerais par-dessus tout et qui dictent leur loi même aux nations les plus puissantes.

-Colette Braeckman8(*) le confirme en ces termes : ` ... Colombo-tantalite, niobium, or, diamant, uranium et autres matières rares ou précieuses : il y a bien longtemps que le sous-sol du Congo aiguise les appétits.' Ou encore ` .....Le Congo de Léopold II et de Stanley, avant d'acquérir sa forme définitive, représentait déjà un enjeu pour les puissances de l'époque, et faisait l'objet d'une immense convoitise. Si la conférence de Berlin, en 1885, finit par accorder au roi des Belges la propriété de l'Etat indépendant du Congo, ce fut en échange de la promesse de voir ce vaste territoire s'ouvrir au commerce international, aux échanges économiques. Autrement dit, à la libre exploitation de ses ressources naturelles exceptionnelles.'

-Christophe BOLTANSKI revient sur cet aspect et sur l'importance des minerais dans son ouvrage intitulé `Minerais de sang. Les esclaves du monde moderne' en ces termes : « on croyait les métaux condamnés par le progrès, promis à la casse, comme de vieilles usines couvertes de suie. Les voilà de nouveau élevés au rang de denrées stratégiques, de valeurs refuges, de moteur de la croissance. Les nouvelles technologies ne peuvent pas s'en passer. Elles en consomment de plus en plus, au risque d'épuiser rapidement les réserves existantes. Les grandes nations se disputent les moindres gisements et commencent à constituer des stocks. Après deux siècles dominés par la terre et le feu, on nous avait annoncé le règne de l'air et de l'eau. De l'immatériel, du rêve, de la fluidité. C'est la revanche du pondéreux sur le virtuel.

Sans gallium, cobalt, antimoine, tungstène, tantale, indium, nickel, rhodium et bien d'autres corps simples aux noms compliqués ; pas d'imageries médicales, de super-alliages, de puces, de transistors, d'écrans à cristaux liquides, de cellules photovoltaïques, de catalyseurs... Et sans étain, pas de connexions, donc pas d'électronique.  Voilà ce qui justifie la ruée des multinationales sur les minerais de la RDC dont ceux du Kivu.

Depuis les mines du Kivu au Congo, où des gamins africains s'enfoncent sous la terre au péril de leur vie jusqu'aux tours de la Défense, où les entreprises mondialisées disent tout ignorer du chemin qu'empruntent les minerais ; de l'Afrique des guerres oubliées au London Stock Metal Exchange, des usines de Malaisie aux poubelles à ciel ouvert du Ghana, en passant par Bruxelles et Paris ; les minerais du Congo font le bonheur de tous et les malheurs des seuls Congolais ».9(*)

On notera par ailleurs que la chute de l'industrie minière telle qu'évoquée ci-haut de même que le manque de contrôle de l'Etat sur certaines entités du territoire national ont laissé libre cour à plusieurs genres d'exploitation avec l'émergence d'une exploitation artisanale ; notamment dans la partie orientale du pays.

-Dans un rapport de recherche sous la supervision de la Southern Africa Resource Watch, Mutabazi Ngaboyeka et Nyassa Sanganyi mentionnent ce qui suit: `bien qu'ayant vu le jour depuis le début des années 70, l'exploitation artisanale des minerais dans le Kivu a connu son point fort vers la fin des années 1990 pendant la période qui a suivi la guerre de 1996. Ce sont les particuliers qui exploitent ces produits d'une manière chaotique mais la quantité trouvée est considérable et importante. L'activité est alors porteuse de bonheurs matériels et financiers (autant que des problèmes sociaux dans la région)'.10(*)

-Pact, Inc (06/2010), renchérit en disant « qu'à l'heure actuelle, la plupart des activités minières à grande échelle n'en étant qu'au stade de la prospection, de l'exploration, des études de faisabilité ou du développement, la production industrielle n'a pas encore apporté une contribution à la production de minerais du pays en termes de volume. Aussi, la majorité des minerais produits et exportés par la RDC sont donc encore extraits, transportés et vendus à travers l'exploitation artisanale, ...

L'exploitation minière artisanale est un grand commerce. Il y a des fonds importants dans l'exploitation et le commerce minier artisanal dans la région. »11(*)

Face aux aléas du marché international, l'activité rapporterait moins aux opérateurs économiques congolais avec comme conséquence la mise en oeuvre de mécanismes d'un commerce illicite ayant recours à la fraude.

-Patrick Martineau dans une enquête intitulée `la route commerciale du coltan congolais' affirme que `les pays voisins et certains grands acteurs profitent des faits d'occupation et de guerre pour exporter frauduleusement ; et les autres opérateurs du secteur leur emboîtent le pas pour d'autres causes dont une fiscalité jugée exagérée. Conséquence : les pays voisins exportent plus qu'ils ne produisent.12(*)

Et la revue ACP n° 2186 de confirmer que `même la RDC ne jouit pas de recettes de l'exploitation artisanale de son sous-sol'.13(*)

1° Problématique de l'étude.

Le développement de beaucoup de pays dans le monde moderne est tributaire des choix politiques et économiques opérés dans le chef des dirigeants pour permettre à ces pays de sortir de la crise et d'espérer atteindre un développement durable.

La flagrance du contraste entre la réussite de certains pays et l'échec des autres dépend le plus souvent de la mise en oeuvre des indicateurs des politiques appropriées à leur environnement et leur situation réelle.

Nul n'ignore de nos jours que la fiscalité, en tant qu'outil de la politique économique et sociale, constitue, à travers le monde, la source principale du financement de l'action des pouvoirs publics. Elle est également un des principaux instruments de politique économique des gouvernements ; utile pour orienter, impulser et réguler l'économie.

De ce fait, la fiscalité, en tant qu'outil essentiel du gouvernement pour la mobilisation des recettes, devrait contribuer à l'assainissement de l'environnement économique et social et à l'amélioration de la compétitivité des entreprises (et partant, des produits mis sur le marché aussi bien interne qu'extérieur).

Il s'agirait alors là d'une véritable fiscalité de développement qui favorise les investissements par la réduction de la pression fiscale et l'assainissement du climat des affaires ; car, une bonne politique fiscale bien appliquée peut contribuer au développement d'un pays.

Il va donc sans dire que l'environnement fiscal (impôts, droits douaniers et taxes parafiscales, administrations fiscales, ...) peut exercer une incidence tantôt négative, tantôt positive sur la croissance économique d'un pays.

Si donc une bonne fiscalité peut impulser la croissance économique et le développement d'une nation, il y a lieu de reconnaître qu'une mauvaise fiscalité ou une fiscalité mal conçue et mal appliquée devient alors un frein pour le développement d'un pays, un handicap pour l'accomplissement d'objectifs des gouvernements concernés. Au fait, à titre d'exemple, une fiscalité oppressive freine, pêle-mêle, les ambitions tant individuelles que collectives des citoyens ou mieux des agents économiques.

Aussi, une politique économique ou mieux socio-économique est inconcevable sans une politique fiscale adéquate.

En effet, depuis quelques décennies, la fiscalité mobilise une bonne partie du débat politique (surtout parlementaire) dans certains pays avertis dont la finalité affichée demeure le développement socio-économique ; elle occupe une place stratégique dans le discours politique et conforte l'argument électoral autant qu'elle achoppe à chaque question économique14(*).

On comprend de ce fait que lorsque les prélèvements obligatoires s'avèrent élevés pour une activité; une augmentation d'impôts, taxes et redevances diverses conduirait à une baisse des recettes de l'Etat parce que les agents économiques surtaxés seraient incités soit à moins travailler soit à contourner leur paiement au moyen de la fraude.

Outre les effets dissuasifs sur l'initiative privée d'un prélèvement fort et les aspects psychologiques négatifs d'un système souvent perçu comme bureaucratique et complexe, il faut souligner que « trop d'impôt tue l'impôt » et qu'un poids fiscal excessif tend à favoriser la fraude et la dissimulation.15(*)

De même, de nos jours il est impossible d'imaginer un seul instant un Etat, en dépit de ses multiples ressources, vivre sans adhésion à des regroupements multiformes.

La mondialisation, entendue comme intégration planétaire des phénomènes économiques, financiers, politiques, écologiques et culturels qui jadis n'étaient pas liés entre eux et qui deviennent dépendants les uns des autres, n'épargne aucune nation.

Elle est l'extension progressive à tous les pays du monde des libertés dont chacun, citoyen ou entreprise, ne jouissait autrefois qu'à l'intérieur de son propre pays, si celui-ci était `libre' : liberté de se déplacer, d'investir, de produire, de travailler, d'informer, ...

La mondialisation est donc l'extension à l'échelle mondiale d'enjeux qui étaient auparavant limités à des régions ou des nations.

Et, c'est dans ce cadre que s'inscrivent les intégrations régionales. L'intégration économique régionale est le fait pour des pays d'une même zone géographique, pour la plupart, de se constituer en un espace économique commun.

Or, au niveau des ensembles régionaux mis en place du fait de la mondialisation, on prône la communautarisation des intérêts économiques et sociaux. Cette communautarisation est devenue la porte obligée pour accéder dans la cour des grands au moyen des processus d'intégration régionale dont les formes vont des coopérations sectorielles jusqu'aux unions politiques avec transfert de souveraineté.

Ceci dit, l'intégration régionale est révélatrice à la fois du renouveau de la gestion de l'Etat-nation dans un contexte de mondialisation et de la diversité des constructions de l'Etat à l'échelle mondiale.

Aussi, la mondialisation et les intégrations économiques régionales ou sous régionales exigent aujourd'hui à repenser et, sans conteste, à reformer un système de prélèvements obligatoires conçu à un moment où l'ouverture des économies était bien moindre, et la mobilité des facteurs de production, des biens et services et même des personnes, également.

Au sein des intégrations économiques naissent des exigences de mise en commun de certains facteurs tels que le libre échange, la monnaie unique, la suppression des barrières douanières qui engendrent des phénomènes tels que le niveau de productivité, la compétitivité, la concurrence fiscale, ...

Ces différents phénomènes doivent être suivis par la communauté mais surtout par chaque nation car son développement en dépend.

Si ces phénomènes ne sont pas appréhendés à leur juste mesure, il nait des distorsions susceptibles de porter un coup fatal à l'éclosion et au développement de certains pays.

Comme dit antérieurement, la fiscalité est parmi les facteurs importants pouvant conduire à la manifestation des distorsions préjudiciables à certaines nations. En effet, en révélant des distorsions fiscales importantes au niveau international, la mondialisation et l'intégration engendrent une pression à la baisse des fiscalités nationales portant sur les facteurs les plus mobiles de l'économie.

Et, dans un contexte de concurrence économique accrue, le développement ou simplement le maintien de l'attractivité du territoire constitue un enjeu primordial quand on sait que les agents économiques cherchent à promouvoir leurs affaires dans les zones où la fiscalité est la plus faible.

Les pouvoirs publics sont donc aujourd'hui soumis à des contraintes extérieures fortes mais disposent de marges de manoeuvre souvent étroites étant donné que les décisions prises en matière fiscale ou mieux économique sont insérées dans un environnement juridique et conventionnel international de plus en plus complexe dont les directives limitent le champ d'intervention des Etats dans des secteurs particuliers de leurs économies.

Devant une concurrence fiscale avantageuse, les opérateurs économiques n'ont d'autre choix que de se délocaliser ; que cela se fasse officiellement ou pas.

Si donc les opérateurs économiques peuvent par moments bénéficier de cette concurrence, il faut noter a contrario qu'elle s'avère dommageable pour un Etat.

Et, dans un contexte de communautarisation et donc de concurrence, on ne dirait jamais assez avec Adam Smith qui suggérait que `l'impôt peut entraver l'industrie du peuple et le détourner de s'adonner à certaines branches de commerce ou de travail' ou avec J.B. Say qui concluait « qu'un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte ».

Quand nous considérons le cas de la RDC, dans le cadre de l'exportation des minerais d'exploitation artisanale, on se demande si ces différents adages n'ont été formulés que pour illustrer sa situation.

Nous savons pertinemment bien qu'à l'exportation comme à l'importation et même au niveau interne, la mise en place de l'intégration devrait avoir des répercussions notables au risque de voir l'économie emportée par la concurrence due aux disparités des systèmes fiscaux des pays dont nous partageons les espaces économiques intégrés et aux disparités des structures économiques.

La RDC, qui est un producteur reconnu de certains minerais dont regorgent, entre autres, le sol et le sous-sol de l'ancienne province du Kivu se voit devancer dans les statistiques d'exportation par des pays voisins dont la probabilité d'existence et donc d'exploitation desdites matières précieuses est minime. Cela est d'autant vrai que les experts des Nations Unies s'étonnaient, dans un rapport en 2001, que le Burundi, le Rwanda et l'Ouganda soient devenus exportateurs de minerais qu'ils ne produisent pas : or, diamant, cobalt, cassitérite, coltan.16(*)

Les provinces de l'ex Kivu et; notamment, celles du Nord et du Sud-kivu, regorgent des ressources minières recherchées ; de l'or, du coltan, de la cassitérite, ...  autant de produits de nature à permettre, par leur exploitation, à juguler dans une certaine proportion le problème de ressources financières que le pays recherche pour son développement et celui de la réduction de la pauvreté.

Ces minerais, exploités par quelques entreprises depuis plusieurs décennies ont, du fait des guerres à répétition ayant affecté la partie orientale du pays, échappé au contrôle du pouvoir central, privant l'Etat de ses ressources habituelles. Avec les guerres, les entreprises ont disparu et les différents gisements des mines sont restés à la merci des plus forts et des plus habiles.

D'exploitation de type industriel, l'on est passé à l'exploitation artisanale avec la multiplication de « comptoirs d'achat » chargés d'acheter les matières précieuses auprès des creuseurs artisanaux et de les vendre à l'exportation.

Cette nouvelle forme d'exploitation s'est même avérée suffisamment bénéfique pour les gouvernants divers et les hommes d'affaires de ce secteur. Ainsi, si elle est bien contrôlée, elle constituerait certes une véritable source de moyens financiers pour tous.

Plusieurs personnes, au vu d'exploitations industrielles existant dans d'autres coins du pays et des résultats dont on en attend, diraient que c'est une aberration d'évoquer la probable importance de l'exploitation artisanale de minerais.

Mais, si plusieurs analyses peuvent prouver que ce secteur est si important, il faut alors se demander ce que l'Etat congolais en tire effectivement. Car il apparait que l'essentiel de cette production passe hors du contrôle des services publics habilités lors de la vente à l'étranger.

Pendant que les opérateurs publics évoquent le manque de civisme des opérateurs économiques qui ne cherchent que des gains égoïstes, ces derniers crient haut et fort leur incapacité de travailler normalement et donc correctement du fait des conditions difficiles mises en place par l'autorité publique dont une surtaxation qui ne leur permet pas de rentrer dans les fonds qu'ils investissent dans les affaires du fait de manque de compétitivité.

Au vu de ces positions, on se demande alors s'il faut réformer ou réorganiser le secteur pour en tirer meilleur profit ou imaginer d'autres mesures suffisamment efficaces pour juguler la fraude observée ou mieux, analyser les dispositions administratives et fiscales mises en place pour déceler les failles dans la politique propre de l'Etat ?

Faut-il plutôt revoir la taxation appliquée sur la commercialisation et l'adapter aux aléas de la mondialisation ou encore compter sur une éventuelle harmonisation fiscale future au sein d'organisations économiques dont le Congo est membre ?

Voilà autant d'interrogations qui méritent d'être examinées à la lumière des réalités du terrain et des attentes des uns et des autres.

2° Hypothèse de la recherche

S'il parait vrai qu'il faut réorganiser la filière en mettant en place des mécanismes appropriés pour l'intervention dans un secteur si stratégique à plusieurs égards, il est tout autant vrai qu'il se dégage la nécessité de la redéfinition de certaines politiques dont la politique fiscale afin d'assainir le secteur, de rendre sa production compétitive et couper l'herbe en dessous de ceux qui seraient tentés par la fraude justifiée par des conditions fiscales meilleures dans les pays voisins.

Car il est connu de tous que le niveau d'impôts appliqués conditionne le niveau de la valeur de vente ; le superflu conditionnant l'essentiel.

Et, c'est cela peut-être le noeud du problème de gestion des minerais d'exploitation artisanale, si pas de tous les produits commerçables de la RDC, essentiellement ceux de la partie orientale du pays.

Exportés dans des conditions avantageuses, les minerais de l'Est constitueraient une source véritable de ressources pour l'Etat mais aussi une façon de redorer l'image du pays qui d'exportateur de plusieurs produits dans les premières années de son indépendance, ne produit presque plus rien aujourd'hui et demeure tributaire d'importations de la quasi-totalité de produits consommés sur son territoire.

3° Intérêt du sujet

Notre ambition était donc de nous appesantir sur les prélèvements fiscaux mis en oeuvre pour le secteur de l'exploitation artisanale des minerais en RDC afin de déceler leur impact sur l'évolution de ce secteur, sur le niveau d'exportation desdits produits miniers, sur la compétitivité des produits de la RDC et la rentrée consécutive des devises en vue de renflouer les caisses du Trésor.

Le souci majeur est d'essayer d'analyser si notre système fiscal ne fonctionne pas à contre courant des intérêts économiques de la nation ou s'il n'est pas un instrument utilisé contre la croissance économique et donc le développement durable souhaité par tous les congolais.

Il s'agissait aussi d'appréhender si notre fiscalité est susceptible de contribuer à la compétitivité de nos produits quand on sait que la fiscalité est devenue un élément majeur de l'aménagement des relations internationales et communautaires (intégrations économiques) qui sous-tendent le plus souvent l'adhésion ou l'acceptation dans le concert des nations. En effet, le volet fiscal constitue l'axe majeur de l'intégration car, dans toute intégration économique, l'exigence de réussite passe par l'harmonisation fiscale. Voilà tout l'intérêt que revêt la gestion fiscale pour chaque pays, intérêt pour la gestion quotidienne en interne de la chose publique mais intérêt également pour la gestion des relations avec l'extérieur.

4° Délimitation du sujet

Cette étude voudrait prendre en compte en termes d'espace, les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu où l'exploitation et l'exportation des minerais de cassitérite et de colombo-tantalite de production artisanale sont systématiques.

Pour bien cerner nos sources d'investigation et pour des raisons de concision, nous avons pris en compte les données de la période allant de 2005 à 2012.

5° Méthodologie

Le domaine des ressources naturelles est vaste, une seule option méthodologique ne saurait cerner la plupart de ses aspects et composantes. De l'avis des auteurs tels que MBAYA Mudimba et F. STREIFFELER, un sujet de recherche peut d'une manière ou d'une autre imposer ou, suggérer ne serait-ce que partiellement, le choix de la démarche méthodologique qui, soit dit en passant, est aussi tributaire des préférences du chercheur et de l'état d'avancement de la science dans le domaine étudié.17(*) Dans le souci de bien décortiquer les contours de ce qui se passe effectivement dans le secteur de l'exploitation artisanale de produits miniers, nous avons opté pour la méthode comparative appliquée de façon longitudinale et transversale dans la mesure où ces activités se déroulent dans un contexte et dans des structures qui poursuivent les mêmes objectifs.

Afin de répondre aux interrogations soulevées dans la problématique, nous avons choisi parmi les nombreuses méthodes de collecte d'informations, l'analyse documentaire et le questionnaire accompagné.

-Analyse documentaire

Elle consiste à analyser les écrits existants susceptibles d'apporter des éléments, directement ou indirectement, au contenu d'un objet de recherche donné. Dans notre étude, elle nous a permis d'abord de consulter des textes légaux, des ouvrages et autres écrits en rapport avec notre recherche ; ensuite, elle nous a aidé à comparer nos us, coutumes, pratiques et textes à ceux des pays voisins. Nous avons ainsi concentré notre attention sur les pratiques et productions actuelles ; les comparant à celles qui se sont déroulées depuis la période coloniale, la deuxième république, la période de guerre avant l'unification du pays ; ceci justifie notre recours à la méthode comparative appliquée de façon longitudinale et transversale.

-Questionnaire accompagné

C'est une formule intermédiaire entre le questionnaire traditionnel qui consiste à envoyer aux enquêtés un document qui les interroge sur une situation donnée et l'entretien individuel qui a pour finalité d'analyser des situations. Il est toujours mené de façon semi-directive et les informations recueillies sont en général riches et dépassent souvent le cadre des informations recherchées18(*). Pour notre part, nous avons envoyé ces questionnaires dans les sites retenus et nous avons également eu des entretiens directs avec les personnes concernées pour affiner les renseignements recueillis par retour du questionnaire de même que d'autres renseignements supplémentaires.

6° Difficultés rencontrées

Bien d'études ont été menées entretemps et leur ampleur risque d'occulter la teneur de celle-ci. Cela est une difficulté réelle dans la mesure où le sujet pourrait perdre de son importance et son actualité.

En outre, l'évocation permanente du dossier des minerais du sang laisse les acteurs réticents à fournir des renseignements à tout chercheur avec la crainte de se créer des problèmes. C'est ainsi que l'accès aux documents officiels aura été le plus grand obstacle à la réalisation de cette étude étant donné la réticence manifeste des responsables des services publics concernés de permettre que les diverses statistiques et analyses soient dévoilées.

La discrétion qui entoure les opérations de fraude perpétrée dans le secteur par les différents acteurs ne permet pas non plus d'avoir accès à l'information voulue, tout le monde craignant de se faire dénoncer.

Enfin, l'insécurité manifeste dans la partie concernée par notre recherche n'a pas permis de réaliser des descentes jusque sur les sites d'exploitation.

7° Canevas de la recherche

Cette étude est articulée autour de quatre chapitres. Le premier a trait à l'aperçu sur la fiscalité congolaise. Le deuxième concerne la fiscalité minière en République Démocratique du Congo ; le troisième aborde quant à lui le niveau de taxation de l'exploitation minière artisanale. Le quatrième chapitre se focalise sur le commerce, la taxation et la fraude de minerais d'exploitation artisanale au Nord-Kivu et au Sud-Kivu.

A l'issue de quelques suggestions en termes d'améliorations éventuelles envisageables et susceptibles d'aller dans le sens de l'amélioration du climat des affaires et de la mise en oeuvre d'une exploitation efficiente de ces produits pour le bien du développement national, nous terminons par une conclusion.

CHAPITRE Ier : APERCU SUR LA FISCALITE CONGOLAISE

Les Etats, autant que toutes les autres organisations, ont une vie. Ils doivent de ce fait maintenir leur existence en assurant leur propre fonctionnement, c'est-à-dire, le fonctionnement de toutes les structures qui les composent.

Ce fonctionnement ne s'arrête pas au maintien des structures dans leurs états primaires, mais également à leur évolution, à leur développement. En tant que tel, il se manifeste des objectifs à atteindre.

L'atteinte desdits objectifs et le maintien en tant que personne à part entière ou structure ou encore entité fait apparaître des besoins qu'il faut à tout prix satisfaire.

Ainsi, tout Etat moderne est donc confronté à des multiples besoins nécessités aussi bien par son fonctionnement (payer les fonctionnaires et les fournisseurs, entretenir les locaux et le matériel, distribuer des subventions et des secours,...) que par la recherche permanente du bien-être de ses populations dont il a l'obligation d'assurer non seulement la survie mais, en réalité, à fournir des conditions de vie acceptables. C'est sa capacité à subvenir à ses besoins propres et à ceux de ses populations qui fait d'un Etat un véritable Etat, responsable et respectable.

Et le problème est que, pour ce faire, l'Etat a besoin de ressources financières ; de beaucoup de ressources sans lesquelles son action ne peut aboutir. Ces ressources, l'Etat doit les réunir à partir des sources internes et même, de temps en temps, des sources extérieures.

L'Etat doit alors disposer de plusieurs sources susceptibles de lui fournir de ressources pour le financement de son action. L'Etat doit avoir suffisamment de moyens pour être en mesure d'agir confortablement face à ses multiples obligations et manifester ainsi et sa souveraineté et sa puissance. Car, plus un Etat possède de richesses, plus il est puissant et peut s'imposer dans le concert des nations.

Aussi, l'Etat ne se définit pas seulement par la souveraineté qu'il détient et la contrainte qu'il exerce sur les gouvernés ; l'autorité de l'Etat dépend très largement aussi des ressources dont il dispose.

Par sa gestion, par sa politique budgétaire, l'Etat doit arriver à mettre en place une adéquation entre les ressources qu'il perçoit et les dépenses qui lui incombent. Une orthodoxie dans cette adéquation permettra alors de parvenir à la satisfaction des besoins conduisant à un bien-être général ou mieux à la satisfaction de l'intérêt général.

Ainsi, avant d'aborder l'aperçu sur la fiscalité Congolaise, nous avons jugé utile de donner quelques indications sur les ressources publiques en général (dont la fiscalité n'est qu'un pan) et sur celles de la République Démocratique du Congo de façon particulière.

I.1 Notions générales sur les ressources publiques.

Les ressources publiques sont un élément des finances publiques c'est-à-dire des voies et moyens par lesquels l'Etat se procure et utilise des ressources nécessaires à la couverture des dépenses publiques.

Comme dit plus haut, chaque Etat en tant qu'organisation, est confronté à des besoins de tous genres. Il pourvoit à ses besoins ou mieux aux dépenses publiques au moyen de différentes ressources c'est-à-dire différents moyens par lesquels il se procure de l'argent.

Il faut comprendre qu'une recette ou ressource publique est une rentrée au profit d'une personne publique ou perçue par les administrations publiques.

Les recettes publiques recouvrent les prélèvements obligatoires et certaines recettes qui ne constituent pas des prélèvements obligatoires. Le niveau des recettes publiques détermine celui de la puissance et de l'hégémonie d'un Etat.

Car, « l'histoire montre qu'un Etat ne peut jouir d'une pleine autonomie et ne peut exercer une pleine souveraineté que lorsqu'il a réussi à centraliser entre ses mains la totalité des services financiers, à encaisser tous les revenus auxquels il a droit, pour payer lui-même toutes les dépenses dont il a la charge sur toute l'étendue du territoire ».19(*)

Les dépenses conditionnant les ressources, l'action de l'Etat est ainsi suspendue sur la matérialisation des moyens de mobilisation de ses ressources.

Or, comme on le sait, il existe une corrélation entre les systèmes financiers (et donc le niveau des recettes publiques) et la gouvernance des Etats. Les recettes de l'Etat déterminent sa gouvernance. Car, un Etat sans ressources nécessaires est à la merci d'un diktat de donateurs sur sa façon de diriger ; et n'a donc pas de mainmise sur toutes ses actions ; la santé politique d'un Etat transparaissant de la situation de ses finances.

Il sied, à ce stade, de distinguer ou ne pas confondre les ressources publiques ni avec celles de l'Etat, ni avec celles des personnes publiques. Elles s'intéressent certes à l'Etat mais aussi aux collectivités territoriales, aux établissements publics et même encore, de plus en plus, à des organismes privés chargés des missions dévolues aux services publics.

Cela est très vérifiable dans le cadre de ce travail où les taxations partent des entités et organismes de base et divers à l'Etat, entendu comme gouvernement central.

L'essentiel des ressources publiques des Etats modernes provient de la fiscalité. Mais il y a lieu de « distinguer plusieurs catégories de ressources publiques : certaines sont qualifiées de permanentes ; il s'agit des ressources fiscales et non fiscales. Il peut cependant arriver que ces ressources permanentes soient insuffisantes ou qu'elles entrent irrégulièrement dans les caisses de l'Etat; il est alors recouru à des ressources dites temporaires, parmi lesquelles on classe le trésor public, l'emprunt et aussi l'émission monétaire. Une troisième catégorie de ressources est constituée par celles qu'on qualifie de ressources exceptionnelles, lesquelles proviennent des appuis financiers et autres interventions financières des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ».20(*)

En résumé, les ressources publiques sont constituées essentiellement :

-des impôts et taxes ;

-des revenus domaniaux ;

-des régales ou monopoles ;

-des emprunts et ressources de trésorerie.

I.1.1 Les Ressources permanentes de l'Etat.

Comme dit plus haut, il existe deux catégories de ressources permanentes : d'une part, les ressources fiscales ; et, d'autre part, les ressources non-fiscales.

1) Les Ressources Fiscales.

L'impôt est la principale ressource fiscale de toutes les économies modernes. Son évolution est liée à celle de la société dans laquelle elle est appliquée. Il est un moyen efficace de l'interventionnisme de l'Etat dans la société.

Plusieurs définitions ont été proposées par plusieurs auteurs pour faire comprendre au mieux ce qu'est l'impôt. Mais la définition la plus usitée est celle de Gaston JEZE qui stipule que l'impôt est « une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques ».21(*)

Cette définition combien incontournable doit tout de même être repensée et subir quelques retouches au regard de l'évolution de la fiscalité et de l'époque contemporaine.

On peut retenir ce qui suit comme le relève si bien Roger Kola Gonze22(*):

*en parlant d'une prestation pécuniaire requise des particuliers, l'auteur semblait ne voir comme contribuables que les individus, or il s'avère aujourd'hui que l'impôt est requis non seulement des individus (personnes physiques) mais aussi des personnes morales de droit tant public que privé ;

*de plus, les fiscalistes modernes se souciant de la justice fiscale estiment que la prestation pécuniaire doit être requise en fonction de la capacité contributive du contribuable ;

*Gaston Jeze évoque le fait que l'impôt est payé sans contrepartie. Sans le contredire sur le fond, nous estimons qu'il faut ajouter une précision à cet élément de la définition car dans une certaine mesure, l'impôt comporte toujours une contrepartie. En effet, en payement de l'impôt, le contribuable bénéficie en contrepartie (de la part des pouvoirs publics) de la sécurité et de bien d'autres services publics ; seulement, cette contrepartie n'est pas déterminée et il n'y a pas de proportionnalité entre le service reçu et l'impôt payé ;

*si au 19è siècle l'impôt était uniquement payé « en vue de la couverture des charges publiques », certains impôts modernes servent surtout d'instruments d'interventionnisme de l'Etat dans la vie économique et sociale. Il faut donc tenir compte de cet aspect dans la définition.

Après ces mises au point, nous pouvons donc prendre en considération la définition proposée par Beltrame et Mehl comme suit : « une prestation pécuniaire requise des personnes physiques ou morales de droit privé voire de droit public, d'après les facultés contributives par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie déterminée en vue de la couverture des charges publiques ou à des fins d'intervention de la puissance publique »23(*)qui s'accommode parailleurs avec celle, fonctionnelle, proposée par la Direction Générale des Impôts de France ( http://www.minefi.gouv.fr) articulée comme suit : 24(*)'les impôts sont des prestations pécuniaires mises à la charge des personnes physiques et morales en fonction de leurs capacités contributives et sans contrepartie déterminée, en vue de la couverture des dépenses publiques et de la réalisation d'objectifs économiques et sociaux fixés par la puissance publique.'

Cette définition repose sur le principe de l'égalité devant l'impôt. Elle exprime l'idée de solidarité et d'égalité réelle face aux charges publiques et justifie la contribution des citoyens aux dépenses, indépendamment des avantages reçus.

Mais il faut observer que l'impôt ne répartit pas toutes les dépenses publiques puisque certaines d'entre elles ne sont pas couvertes par des recettes fiscales (ce qui est le cas général des dépenses sociales financées, elles aussi, par des prélèvements obligatoires mais non fiscaux).

Cette définition implique de même la responsabilité et la légalité dont jouit chaque citoyen de contrôler l'action de l'Etat dont il est contributeur (au travers du parlement).

De toute manière, on retiendra trois caractères fondamentaux de l'impôt ; à savoir :

*le caractère obligatoire : il s'agit d'un prélèvement imposé par l'Etat au moyen de son pouvoir de contrainte et non d'un prélèvement volontaire. Ce caractère est lié à la légitimité de la puissance publique et au principe du consentement à l'impôt. Les contribuables sont tenus à l'obligation de s'acquitter de l'impôt sous peine des sanctions prévues ;

*le caractère « sans contrepartie » : il n'y a pas de contre prestation directe de la part de l'Etat.

C'est cela qui le distingue des redevances, qui sont réclamées en contrepartie d'un service public rendu et généralement à un niveau proportionnel au montant de ce service ; et, des taxes qui, en principe, rémunèrent également un service mais sans lien de proportionnalité avec le service rendu. Elles sont également obligatoires et définies par la loi.

*le caractère définitif : l'impôt n'est pas comme l'emprunt ; le contribuable ne se fera jamais restitué l'argent payé.

Sur le plan économique, le prélèvement fiscal joue un rôle important dans l'intervention et la régulation de l'économie puisqu'il joue aussi bien sur le revenu disponible des ménages que sur le budget de l'Etat.

Dans le cadre de cette étude, la précision de ces caractères est de toute importance car il y a lieu de replacer chaque obligation pécuniaire imposée dans l'exploitation des minerais à sa juste valeur afin de mieux appréhender la cause de sa mise en oeuvre.

En partant de la définition abordée plus haut, il y a lieu de dégager également les fonctions de l'impôt en tant qu'instrument à la disposition de l'autorité publique.

Il existe trois fonctions principales ; à savoir, la répartition des charges publiques, l'interventionnisme et la redistribution des revenus ou des richesses.25(*)

-la répartition des charges publiques.

La couverture des charges publiques est la raison principale de l'impôt. L'impôt est le seul procédé permettant de couvrir les dépenses des services publics qui ne peuvent être vendus. Déterminé en fonction de la capacité contributive des citoyens et non des services consommés, il est en outre, en tant que prélèvement obligatoire, le procédé permettant de faire fonctionner les services publics qui pourraient être vendus, sans que personne ne soit privée de ces services pour des raisons d'argent.

-l'interventionnisme.

L'impôt est souvent utilisé à des fins :

+d'incitation (ex. à l'investissement, ...) ;

+de dissuasion (ex. droits plus importants sur l'alcool et le tabac, censés réduire la consommation de ces produits du fait de leur nocivité sur la santé, ...) ;

+de protection (les droits de douane)

-la redistribution des revenus ou des richesses.

L'impôt est ou peut être utilisé pour des aides diverses, pour réduire les injustices sociales, de façon ponctuelle ou générale, voire pour assurer à tous les citoyens un minimum de ressources. Le niveau des transferts de revenus, dans le budget de l'Etat notamment, témoigne de l'importance de cette fonction.

NB. En France, par exemple, les recettes fiscales constituent environ 92,92% des recettes du budget de l'Etat.26(*)

2) Les Ressources non fiscales.27(*)

Quelques ressources non fiscales participent aussi à la longue liste des prélèvements imposés au secteur de l'exploitation artisanale des minerais à l'Est de la République Démocratique du Congo. Aussi, jugeons-nous nécessaire d'en présenter un court aperçu dans cette partie réservée aux ressources de l'Etat avant de les aborder de manière pratique dans les pages qui suivent.

Les ressources non fiscales obéissent à un régime juridique différent et ne sont pas toutes de la compétence du législateur, quand bien même certaines évolutions récentes tendent à rapprocher leur régime juridique de l'impôt.

Les principales ressources non fiscales sont :

- les revenus domaniaux ;

- les taxes administratives et judiciaires ;

- la parafiscalité.

a) Les revenus domaniaux.

L'expression a deux sens : au sens restreint, elle désigne les revenus que l'Etat tire de la gestion des biens et droits mobiliers et immobiliers de son domaine public et privé, ex. vente de bois, de forêts, droit de pêche et chasse, droit de stationnement et d'occupation sur le domaine public. Au sens large, elle englobe, outre les revenus ci-haut cités, les recettes des entreprises et services industriels et commerciaux pris en charge par l'Etat.

A une certaine époque (Moyen Age), les revenus domaniaux étaient essentiellement constitués des revenus fonciers provenant de l'exploitation du sol. Aujourd'hui les revenus domaniaux les plus importants proviennent des exploitations industrielles et commerciales de l'Etat.

Cependant, on fait une distinction entre les ressources domaniales proprement dites qui relèvent du domaine immobilier et de participation financière de l'Etat et, les ressources domaniales qui proviennent des produits des aliénations qui ont un caractère exceptionnel ; exemple, les biens de l'ennemi confisqués.

Les revenus des participations financières sont représentés par les actions ou les obligations de l'Etat pris dans certaines entreprises privées et dont l'Etat perçoit des dividendes et des intérêts. D'autres ressources proviennent des prêts et avances accordées par l'Etat à certaines entreprises privées afin de leur permettre d'effectuer certains travaux nécessaires pour leur modernisation ; les intérêts et amortissements de ces prêts procurent également des recettes à l'Etat.

Dans le cadre de revenus provenant des exploitations industrielles et commerciales de l'Etat, on distingue les monopoles fiscaux d'une part et, d'autre part, les services industriels et entreprises nationales.

- les monopoles fiscaux.

Le monopole est un privilège de droit dont dispose une entreprise ou un organisme public de fabriquer ou de vendre seul certains biens ou certains services à l'exclusion de tout autre concurrent.

Le monopole fiscal est un monopole légal octroyé à une régie d'Etat ou à un service à caractère industriel et commercial, destiné à faciliter la perception d'un impôt sur la consommation d'un bien.28(*)

C'est sous la forme de monopoles fiscaux qu'ont apparu d'abord les entreprises industrielles de l'Etat. Ce fut le cas des monopoles de tabac et des allumettes et de celui de poudre de salpêtre. Certains y voyaient une forme particulière de perception de l'impôt, d'où le nom de monopole fiscal.

L'Etat vendait le tabac, les allumettes ou la poudre à un prix plus élevé que le prix de revient augmenté d'un bénéfice commercial normal, la différence étant considérée comme un impôt. Il s'agissait en fait d'entreprises industrielles gérées par l'Etat dans un but purement financier c'est-à-dire pour se procurer des revenus.

C'est après que l'Etat a dû se résoudre, avec l'évolution du temps, de passer par le canal des entreprises industrielles et commerciales normales dont le service est payant et qui doivent couvrir ses dépenses par ses recettes propres et même réaliser les bénéfices, même si le but essentiel de ces entreprises n'est pas le bénéfice mais la satisfaction de l'intérêt général.

- les services industriels et entreprises nationales.

Un service public industriel est un service engageant l'intérêt collectif. Il se caractérise par une relation marchande entre le prestataire et l'usager, le fournisseur et le bénéficiaire. Ses ressources reposent sur les contributions des usagers en contrepartie des prestations de service rendues ; les modalités de sa gestion sont les pratiques et procédures mises en oeuvre par toute entreprise, c'est-à-dire, sur des bases industrielles et commerciales.

Son service est payant ; il doit couvrir ses dépenses par ses recettes, et même réaliser des bénéfices bien que ces derniers ne constituent pas le but essentiel de son établissement. Il est à noter que la création de tels services répond souvent au constat de la carence, de l'insuffisance, la défaillance ou le manque d'intérêt de l'initiative privée.

Les entreprises nationales sont, quant à elles, « des entreprises qui appartenaient autrefois à des particuliers et qui ont ensuite été prises en charge par l'Etat au moyen de la pratique dite de nationalisation».29(*)

b) les taxes administratives.

Le mot taxe est employé dans trois sens différents.

- il est d'abord synonyme d'impôt. C'est le cas, par exemple, de la taxe sur le chiffre d'affaires ou de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le second sens considère la taxe comme le prix acquitté par l'usager d'un service public, en contrepartie des prestations ou avantages qu'il retire de ce service ;

- les taxes correspondent enfin à la notion de parafiscalité ; d'où l'appellation de taxes parafiscales.

Toutefois la taxe se distingue de l'impôt proprement dit à deux points de vue essentiels : la taxe comporte une contrepartie et ; elle est facultative et non obligatoire tandis que l'impôt est obligatoire et ne comporte pas de contrepartie déterminée.

c) la parafiscalité.

Il s'agit de l'ensemble de redevances perçues au profit d'un service particulier, généralement perçu par l'Etat auprès des usagers en échange des avantages qu'ils retirent du service.  C'est le cas des cotisations sociales.

Les redevances parafiscales ont un caractère obligatoire. Elles sont constituées en somme par des sortes d'impôts corporatifs perçus au profit d'institutions publiques ou privées ayant le caractère de collectivité, à l'instar du barreau ou autre ordre institutionnel.

De manière résumée, les taxes parafiscales sont des prélèvements opérés dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif.

Les organismes qui gèrent ces taxes sont placés sous la tutelle du ministre intéressé et de celui des finances.

I.1.2 Les Ressources temporaires de l'Etat.

Les ressources temporaires sont constituées par l'emprunt public et le trésor public. La distinction du Trésor et de l'emprunt est celle du court terme pour le premier et du long terme pour le second.

Dans les finances modernes, l'opposition entre ressources publiques et trésorerie (emprunt et trésor) est atténuée. Emprunt et trésor ne fournissent pas seulement une anticipation de recettes ; ils assurent le financement de l'impasse budgétaire (différence entre les dépenses totales et les recettes fiscales et domaniales).

1) L'emprunt public.

L'Etat recourt à l'emprunt lorsqu'il est obligé d'effectuer de grosses dépenses, des dépenses exceptionnelles, indispensables pour la marche des services publics ; lorsque les recettes normales issues des revenus domaniaux ou de l'impôt sont insuffisantes.

Lorsqu'il emprunte les sommes dont il a besoin, il s'engage à payer un certain intérêt aux prêteurs. Contrairement à l'impôt qui est obligé aux contribuables, l'emprunt est un contrat car basé sur l'accord du souscripteur même si le prêteur fixe seul unilatéralement les conditions de l'emprunt tel que le taux de l'intérêt, la date de remboursement.

Par ailleurs, l'emprunt suppose l'existence d'une contrepartie car non seulement le prêteur rentre dans son argent mais aussi il touche plus qu'il n'a versé car l'emprunt rapporte des intérêts. Donc, l'argent de l'emprunt n'est pas perdu mais il est plutôt placé.

L'emprunt, à ce jour, est devenu un moyen normal pour l'Etat de se procurer des ressources pour son action. L'emprunt est à la base de la dette publique, qu'elle soit intérieure ou extérieure.

2) La trésorerie publique.

Le terme trésor est employé dans deux sens. Les classiques considèrent le trésor comme une caisse où sont déposés les fonds de l'Etat d'une part, et comme une activité de crédit à court terme chargé d'équilibrer à tout moment les rentrées et sorties de fonds (= une banque).

A ces fonctions de caisse et de banque ; dans les finances modernes, le rôle du trésor consiste à contrôler l'ensemble des activités financières de la nation. Il tend enfin à devenir l'un des instruments par lesquels l'Etat se procure des ressources c'est-à-dire de recettes.

Mais d'une manière générale, le Trésor Public est un service public chargé de la gestion du trésor-caisse. Mais l'évolution des finances publiques a ajouté à ce rôle primitif du trésor qui consistait seulement à gérer la caisse de l'Etat, celui d'assurer l'équilibre général de la monnaie et de l'économie en fonction du pouvoir nouveau qui a été reconnu à l'Etat : le contrôle du marché monétaire et du marché financier.

On retiendra seulement que le Trésor public est l'ensemble des moyens financiers dont dispose un Etat. Par métonymie, l'expression désigne également l'administration chargée de gérer ces ressources. Aucune institution de l'Etat n'existe pour concrétiser l'existence du Trésor. Pourtant, bien qu'il ne possède ni personnalité juridique ni autonomie financière, le Trésor peut être considéré comme la « personnalisation » monétaire et financière de la puissance publique.

a) les fonctions du Trésor.

- les fonctions originelles.

Les finances classiques reconnaissent traditionnellement au Trésor deux fonctions : la fonction de caissier de l'Etat et celle de banquier.

Ces deux fonctions se caractérisent par la centralisation par l'Etat de la totalité de revenus auxquels il a droit entre ses mains pour payer lui-même toutes les dépenses dont il a la charge sur toute l'étendue du territoire national. Donc, il y a ici unité de caisse et unité de gestion.

- Les fonctions nouvelles du trésor.

Celles-ci consistent à :

-maintenir l'équilibre de la monnaie et à réguler l'économie. Il s'agit de l'équilibre des recettes et dépenses publiques d'une part et d'autre part de l'équilibre des offres et des demandes des capitaux et celui des entrées et sorties des devises étrangères ;

-gérer les participations que l'Etat possède dans les entreprises mixtes.

b) les ressources de trésorerie.

L'une des plus importantes évolutions du trésor consiste à en faire un moyen de ressources pour l'Etat. Les procédés les plus utilisés sont notamment :

*les bons du trésor ; sorte d'emprunt à court terme effectué par l'Etat et destiné à lui procurer l'argent nécessaire à payer ses dépenses immédiates en attendant les rentrées fiscales et autres. Et la rentrée des recettes permet de rembourser les bons émis ;

*l'émission de monnaie connue sous l'appellation de la planche à billets. Le recours à ce mode de financement de l'action de l'Etat doit être limité et exceptionnel ; il ne doit pas être considéré comme moyen pour assurer le fonctionnement normal de l'Etat mais plutôt comme moyen d'intervention dans la vie économique ; moyen d'exercer le rôle de régulateur qui est sa fonction essentielle.

En gonflant ou en diminuant la masse de billets en circulation, l'Etat peut exercer une action profonde sur la production et sur les prix.

Tout Etat souverain a le droit de battre la monnaie mais il sied de bien le contrôler car l'émission de monnaie au profit du trésor peut être dangereuse car elle peut avoir un effet inflationniste susceptible de déréguler l'économie.

A ces deux ressources, on peut également ajouter la loterie nationale qui est aussi un autre moyen pour l'Etat de se procurer de l'argent.

I.2 La Gestion des ressources publiques et fiscalité en République

Démocratique du Congo.

I.2.1 La Gestion des ressources publiques congolaises.

En République Démocratique du Congo, les ressources publiques sont gérées de différentes manières selon qu'il s'agit des ressources de l'Etat, entendu comme gouvernement central, ou de celles des entités administratives décentralisées ou d'autres organismes et institutions intéressés. Et une telle approche est de toute importance dans cette étude quand on se rend compte que l'exploitation artisanale des minerais n'est pas soumise qu'aux seuls prélèvements des structures du gouvernement central.

1) Gestion des ressources de l'Etat.

La gestion des ressources de l'Etat est de même à considérer selon qu'il s'agit des ressources permanentes ou des ressources temporaires et ; selon qu'il puisse s'agir des recettes fiscales ou de celles non fiscales.

Et cela se remarque le plus en considérant les structures de mise en oeuvre de leur perception au profit du Trésor public.

L'ensemble de structures de perception qui ont été instituées, au regard des catégories de ressources publiques telles que prévues par la loi financière et chargées de procéder aux divers prélèvements au titre de recettes publiques prévues par la loi budgétaire constitue l'Administration fiscale, au sens large. Ces structures sont coordonnées, au niveau du pouvoir central, essentiellement par le ministère des finances et, au niveau des entités administratives décentralisées, à travers les services et/ou directions locaux des finances.

Même si les motivations de différents textes organiques ne l'expriment pas toujours clairement, il faut noter que c'est le Ministre des finances qui délègue ses pouvoirs légaux de mobilisation optimale des ressources de l'Etat aux différents services concernés qui ont, sur toute l'étendue du territoire national, l'exclusivité de compétence de la gestion des matières leur confiées : Direction Générale des Impôts (DGI), Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) et Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de participation (DGRAD).

a) La gestion des ressources permanentes.

- La Gestion des ressources fiscales.

Les recettes fiscales en RDC ne sont pas exclusivement constituées des impôts mais se définissent comme celles qui sont mobilisées par les administrations fiscales traditionnelles ; lesquelles ont comme objet principal la gestion de la fiscalité directe et indirecte. Parmi ces droits regroupés sous le vocable de recettes fiscales, on compte, outre les impôts pour la plupart, également nombre de taxes non fiscales au sens matériel, telles que les recettes d'entrepôts, la taxe d'entreposage, la taxe d'ouverture d'entrepôt, la taxe d'entreposage d'office perçus par l'administration des douanes ; l'immatriculation et la vente des imprimés perçus par l'administration des impôts.30(*) Mais ce sont les impôts qui constituent l'essentiel de recettes fiscales de l'Etat de manière générale.

Les structures chargées de la gestion des ressources fiscales.

Les impôts sont gérés en RDC par les régies financières mises en place pour ce faire par la loi : il s'agit de la Direction Générale des Impôts pour les impôts internes et de la Direction Générale des Douanes et Accises pour les impôts de porte (droits de douane) et les droits de consommation.

· La Direction Générale des Impôts (DGI)

La Direction Générale des Impôts est un service public doté d'une autonomie administrative et financière. Elle exerce, dans le cadre des lois et règlements en vigueur, toutes les missions et prérogatives en matière fiscale concernant l'assiette, le contrôle, le recouvrement et le contentieux des impôts, taxes, redevances et prélèvements à caractère fiscal.

Ancienne Direction des impôts au Ministère des Finances, la création de la Direction Générale des Contributions (DGC) par ordonnance n°88/039 du 10 mars 1988 répondait à un souci d'accroître la mobilisation des recettes fiscales.

Son autonomie administrative et financière était ainsi consacrée par la mise à disposition d'un personnel régi par un règlement d'administration propre, pris conformément aux Statuts de la Fonction publique, et d'une allocation budgétaire correspondant à une quotité des recettes assignées.

La DGI est soumise à l'autorité directe de l'Ordonnateur général du budget. Aux directions techniques correspondent les différentes phases de la procédure de perception des recettes publiques : la constatation et la liquidation gérées par les directions chargées respectivement de l'assiette (taxation et documentation, contrôle fiscal, contentieux) ; l'ordonnancement par la direction du recouvrement et, enfin, l'encaissement est suivi administrativement par cette dernière direction mais techniquement par les Comptables publics sous l'autorité et la surveillance permanente d'une direction extérieure du Ministère des Finances, la Direction de la Comptabilité, comme pour toutes les structures de mobilisation de recettes, à l'exclusion de la DGDA (ex Ofida)31(*).

Comme dit ci-dessus, c'est cette structure qui s'occupe de la perception des impôts internes qui constituent l'ossature de la fiscalité congolaise dont :

-les impôts directs comprenant les impôts cédulaires sur les revenus (impôt mobilier, l'impôt sur les bénéfices et profits, l'impôt professionnel sur les rémunérations et l'impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés) et ; -l'impôt indirect qui renferme la taxe sur la valeur ajoutée.

Il faut noter que jadis, c'est aussi la DGI qui s'occupait de la mobilisation des impôts réels gérés actuellement par des structures spécialisées des entités administratives décentralisées.

· La Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA)32(*)

Ancienne Direction des douanes et accises, la DGDA, alors Ofida, a été créée par la Loi n° 79-114 du 15 mai 1979 comme un établissement public à caractère administratif, économique et financier doté de la personnalité juridique. Les difficultés éprouvées dans l'exécution du budget des voies et moyens de l'Etat, aggravées par la conjoncture politique et économique de l'époque ont permis de personnaliser cette régie qui devrait être dotée des moyens d'action conséquents pour la maximisation des recettes grâce à une autonomie de gestion administrative et financière.

Service mobilisateur des recettes publiques par prédilection, l'administration des douanes et accises est un des services indispensables qui incarnent l'Etat, personne publique, en assumant l'une de ses fonctions traditionnelles : les finances publiques. En tant qu'instrument de l'Ordonnateur général du budget, sa soumission à l'autorité directe du ministre des finances doit être non seulement totale mais également exclusive pour la mobilisation optimale des recettes douanières.

Cette Direction est chargée pour compte de l'Etat de toutes les missions et prérogatives dévolues à l'ancienne Administration des douanes et accises, notamment :

-la perception des droits, taxes et redevances à caractère douanier tant à l'importation qu'à l'exportation, au transit ou à l'entrepôt douanier ;

-la perception des droits d'accises.

- La Gestion des ressources non-fiscales.

Il s'agit de toutes les recettes qui sont mobilisées en dehors de deux administrations fiscales ci-haut épinglées, c'est-à-dire, les recettes découlant des taxes administratives, des redevances judiciaires, domaniales et de participations.

Il s'agit aussi des recettes mobilisées par divers organismes et institutions publics ou privés.

La structure chargée de la gestion des ressources administratives, domaniales et de participations.

· La Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participation (DGRAD).

Créée par Décret n° 0058 du 27 décembre 1995, elle est dotée d'une autonomie administrative et financière et placée sous l'autorité directe du Ministre des Finances. Elle exerce toutes les missions et prérogatives en matière d'ordonnancement et de recouvrement des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations.

L'ordonnancement effectué par cette régie financière implique le contrôle préalable de la régularité des opérations de constatation et de liquidation de ces recettes qui sont l'oeuvre de différents Ministères.

En matière de recouvrement, elle est chargée de percevoir les sommes dues au Trésor public au titre de recettes non-fiscales au sens strict. C'est le compte du Receveur de cette régie qui centralise à travers le système bancaire toutes les perceptions de recettes précitées selon la description ci-dessous33(*):

- les recettes administratives découlent de diverses et nombreuses taxes que perçoivent des Ministères et Organismes. Au sein du budget de l'Etat, la présentation de ces recettes va de pair avec l'ordre des Institutions, Ministères et Organismes qui les mobilisent. Elles sont constituées des taxes rémunératoires qui tiennent lieu de contrepartie des services rendus par l'administration publique ; des redevances qui sont la contrepartie contractuelle de l'utilisation d'un service public ou d'une concession dont le paiement intervient à des échéances déterminées, ainsi que des amendes transactionnelles.

- les recettes judiciaires sont celles qui proviennent des services judiciaires qui se retrouvent dans le canevas de la loi budgétaire : la police nationale, la justice, les cours et tribunaux, les parquets.

- les recettes domaniales. Ce sont les recettes qui sont constituées par les revenus aussi bien que les produits du domaine foncier, immobilier et mobilier de l'Etat, privé et public. Comme les recettes administratives et judicaires, elles sont également composites. Les taxes rémunératoires, les redevances, les amendes transactionnelles s'entremêlent avec les droits de nature fiscale que sont les droits d'enregistrement.

- Les recettes des participations, quant à elles, rassemblent les dividendes des entreprises publiques ainsi que les dividendes provenant des entreprises d'économie mixte. En cas de bénéfice, les dividendes dans les entreprises d'économie mixte sont décrétés et versés à l'Etat au gré de l'assemblée générale des actionnaires. Lorsque les particuliers sont majoritaires, notamment au sein des multinationales, l'Etat-actionnaire est confondu avec ses partenaires dans l'exercice de ce genre de droits dont l'importance est fonction du degré de ses propres participations financières dans l'entreprise.

Dans les entreprises publiques, il a été institué un système d'avance à valoir sur les dividendes des entreprises publiques à caractère économique, industriel et commercial. Le montant mensuel de l'avance est calculé au taux de 5% sur base du chiffre d'affaires prévisionnel recouvrable et versé au compte du Trésor à la Banque Centrale (cfr. arrêté interministériel n° 98-003 instituant le système d'avance à valoir sur le dividende des entreprises de l'Etat, art.1 à 4).

Le portefeuille de l'Etat étant délabré depuis des décennies, ce n'est pas de ce côté-là que les pouvoirs publics peuvent attendre des rentrées de nature à participer à leur politique économique et sociale.

+ En dehors des structures administratives en charge traditionnellement de la mobilisation des ressources publiques, il existe plusieurs organismes publics (et même privés oeuvrant pour compte de l'Etat) qui perçoivent ci et là des redevances pour des prestations dans divers domaines.

Il s'agit des recettes qui résultent de la collecte des taxes parafiscales, déjà définies comme des prélèvements obligatoires, à l'instar des impôts, sans contrepartie opérés dans le cadre de l'interventionnisme économique et social et gérées en dehors du budget de l'Etat par des organismes publics personnalisés créés à cet effet.

Les quotes-parts patronales dans les cotisations à l'INSS et à l'INPP peuvent répondre au caractère de ce genre de taxes. A titre d'exemple, la taxe de promotion de l'industrie (taxe FPI) et celle de promotion culturelle (taxe FPC) illustrent le mieux le mode de gestion des taxes parafiscales.

Comme on peut le voir, la gestion des taxes parafiscales est confiée à des organismes créés par l'Etat pour des fins précises en rapport avec ses prérogatives générales.

Il s'agit autant des services techniques mis en place par les institutions politico-administratives (comme le CEEC, le SAESCAM au ministère des mines) que d'établissements publics appelés à encadrer certains secteurs de la vie économique ou social (comme l'OCC, l'ONC,...). Pour la plupart des cas, les mécanismes des prélèvements qu'ils opèrent sont fixés selon le mode opératoire de chacun desdits organismes tel que défini dans leurs statuts.

b) La gestion des ressources temporaires.

Dans cette catégorie de ressources, nous avons la trésorerie publique et le recours à l'emprunt.

Le Trésor Public est maître d'oeuvre des opérations de trésorerie qu'il exécute sous la responsabilité de l'Etat pour couvrir certains besoins de financement. Le Trésor n'a pas de personnalité juridique distincte de celle de l'Etat. Il s'agit d'un service de l'Etat (Direction du Trésor au sein du Ministère des Finances) qui a des fonctions de caissier et de banquier, mais il doit également assurer le maintien des grands équilibres monétaires et financiers.

Le Trésor utilise la Banque centrale pour la plupart de ses opérations d'exécution des encaissements et des décaissements. Il agit souvent par l'émission des titres à court terme et l'émission de monnaie.

Pour ce qui est de l'emprunt, c'est le Parlement qui est normalement l'organe de l'Etat compétent pour autoriser le recours à l'emprunt.

Comme l'emprunt engage les finances de l'Etat et influence pour l'avenir l'impôt, il est donc normal que le parlement qui vote l'impôt puisse consentir également à l'emprunt.

Les ressources issues de l'emprunt sont de même gérées par le Trésor avec la Banque centrale comme instrument d'exécution.

2) Gestion des ressources des Entités Territoriales Décentralisées.

Les entités territoriales de par le monde se sont émancipées et ont acquis une légitimité et une influence qui les placent en partenaires privilégiés de l'Etat.34(*) Elles jouent actuellement un rôle prépondérant dans la vie politique, administrative et économique des pays de la vieille démocratie.

L'existence des entités décentralisées est le fait de l'organisation de la vie politique et administrative d'un pays. C'est l'émanation de la politique de décentralisation dont l'objectif est, essentiellement, de rapprocher les gouvernants des gouvernés et de promouvoir le développement à partir de la base.

La décentralisation est une méthode de division de pouvoir dans un Etat unitaire. Elle est nécessaire car elle rapproche le citoyen du pouvoir de décision et favorise la démocratie de proximité. « Elle consiste en ce qu'un pouvoir central se décharge d'une partie de ses attributions au profit des collectivités locales en faisant la démarcation nette entre les matières de compétence exclusive et celles de compétence concurrente. Ou encore, elle est un processus qui consiste à attribuer des pouvoirs de décision aux collectivités locales en les affranchissant de tout devoir d'obéissance vis-à-vis du pouvoir central ».35(*)

On pourrait aussi retenir cette autre approche qui évoque que « la décentralisation est perçue comme une technique d'organisation administrative qui laisse aux collectivités personnalisées le pouvoir de s'administrer elles-mêmes, c'est-à-dire, un pouvoir de décision sur tout ou une partie des affaires locales ».36(*)

Cette définition se rapproche de l'esprit de la décentralisation en RDC qui fait une distinction entre les matières dites de la compétence du pouvoir central et des provinces et les matières dites exclusives des provinces.

La notion de la décentralisation s'applique donc à des entités qui s'administrent librement, suite à une dévolution de puissance publique par l'Etat.

En RDC, l'expérience de la décentralisation et donc de la mise en oeuvre des Entités Administratives Décentralisées est la conséquence de la volonté politique manifestée par la révision constitutionnelle introduite par l'Ordonnance-Loi n° 082-006 du 25/02/1982 qui a consacré le changement de la forme de l'Etat, passant d'un Etat unitaire fortement centralisé à un Etat unitaire décentralisé.

Cette vision a été renforcée par la révision constitutionnelle du 18/02/2006 qui a confirmé la RDC comme un Etat décentralisé politiquement au niveau des provinces et administrativement au niveau des Entités Territoriales décentralisées. Il est stipulé en son article 3 que : « les provinces et les entités territoriales décentralisées de la République Démocratique du Congo sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux. Ces entités décentralisées sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie. Elles jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques,.... ».37(*)

Par contre, la loi organique n° 08/016 du 07/10/2008, fixe les conditions d'application du principe d'autonomie financière applicable aux ETD.

On notera, à l'analyse de ces dispositions que le principe de la libre administration suppose, pour être effectif, que les entités territoriales aient la garantie de disposer des ressources nécessaires à la mise en oeuvre de leurs compétences. Le principe de la garantie des ressources est donc affirmé dans la constitution. Les entités reçoivent le produit d'impositions et fixent, dans les limites définies par la loi, le taux et l'assiette de ces différentes impositions.

Pour les provinces, la loi 08/012 du 31/07/2008, portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces explicite le contenu de la fiscalité et des ressources des provinces et ; distingue, d'une part, les ressources propres de la province (art. 48) et, d'autre part, les ressources provenant des recettes à caractère national.

Les ressources propres de la province comprennent :

- les impôts ;

- les taxes ;

- les droits provinciaux et locaux ;

- les recettes de participation.

Les impôts sont ceux rétrocédés par l'Etat ; à savoir, l'impôt foncier, l'impôt sur les revenus locatifs et l'impôt sur les véhicules. Les taxes, les droits provinciaux et locaux comprennent les taxes d'intérêt commun, les taxes spécifiques à chaque province et à chaque entité et les recettes administratives rattachées aux actes générateurs dont la décision relève de la compétence des provinces (art. 40).

Les ressources provenant des recettes à caractère national sont fixées à 40% de :

- recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation ;

- recettes des douanes et accises ;

- recettes provenant des impôts recouvrés sur les grandes entreprises, des pétroliers producteurs ainsi que les autres impôts pouvant être perçus à leur lieu de réalisation (art. 54 et 55).

Il faut noter qu'il revient à chaque province d'établir le mécanisme de recouvrement de ses recettes propres dans le respect des procédures fixées par la législation nationale. C'est ainsi que chaque province a mis en place une structure propre de gestion de ses ressources ; à l'instar de la DGRK pour la ville-province de Kinshasa.

Pour les entités territoriales décentralisées, la loi 08/016 du 07/10/2008, institue que les « finances d'une ETD sont distinctes de celles de la province » (art. 100). Elles disposent, à leur tour, des ressources propres et des ressources provenant des recettes à caractère national allouées aux provinces, des ressources de la caisse de péréquation ainsi que des ressources exceptionnelles.

Les ressources d'une ETD comprennent (art. 108) :

- l'impôt personnel minimum ;

- les recettes de participation ;

- les taxes et droits locaux.

Les taxes et droits locaux comportent les taxes d'intérêt commun, les taxes spécifiques et les taxes administratives. L'article 105 de cette loi stipule que chaque ETD établit les mécanismes propres de recouvrement de ses ressources propres. Elles ont de même droit à une quotité sur les 40% de la part des recettes à caractère national allouées aux provinces.

P.S. : Des ressources exceptionnelles peuvent aussi être mentionnées tant pour les provinces que pour les ETD. Mais nous n'estimons pas qu'elles soient de nature à influencer notre étude. Cela est d'autant plus vrai qu'il s'agit des mécanismes qui sont rares pour des entités des pays comme le nôtre.

Un tout premier constat que l'on peut faire est que l'opérationnalisation de la mobilisation des ressources publiques à différents stades requiert tout de même une certaine expertise et beaucoup de bon sens. Quand on considère au fait que des taxes aux libellés identiques sont reconnues à plus d'une structure de manière officielle, il y a lieu de penser à la cacophonie que cela peut susciter en provoquant un double emploi du fait du souci affiché de maximisation de recettes à tous les niveaux. Et, des pareils cas sont légion.

I.2.2 Aperçu sur la fiscalité congolaise.

Outre la législation douanière qui repose sur le décret du 29 janvier 1949 coordonnant et révisant le régime douanier en République Démocratique du Congo et l'ordonnance n° 33/9 du 06 janvier 1950 tels que modifiés et adaptés à ce jour qui régissent les droits de douane et les accises, la législation fiscale congolaise repose essentiellement sur les Ordonnances-Lois n° 69-006, 69-007 et 69-009 du 10/02/1969 ainsi que celle n° 69-058 du 05/12/1969 relatives respectivement à l'impôt réel, à l'impôt exceptionnel sur les revenus des expatriés, aux impôts cédulaires sur les revenus et à l'impôt sur le chiffre d'affaires.

Ce sont ces textes qui ont constitué la base du système fiscal congolais en dépit du fait que, à la suite de leur désuétude et de leur inadéquation, ils ont cessé d'être pratiques et ont ainsi connu plusieurs amendements et modifications consécutifs aux multiples réformes tant pour les impôts douaniers que pour ceux internes.

Il faut noter que ces différentes dispositions ont pour la plupart été revues à ce jour et des nouveaux textes ont déjà été pris dans le sens de l'adaptation progressive de notre fiscalité aux réalités économiques et sociales tant nationales qu'internationales. Les dispositions douanières ont été de même revues et un nouveau code douanier conçu en harmonie avec les différentes réformes fiscales a été mis à jour en abrogation des textes précités sous l'Ordonnance-Loi n° 10/002 du 20 août 2010 portant code des douanes. Ce sont ces nouvelles dispositions, qui ne sont qu'une réactualisation ou mieux une adaptation des anciennes, qui régissent les activités douanières en RDC à ce jour.

De même, des réformes majeures des lois de 1969 ont été opérés et continuent de l'être dans le cadre de la modernisation de la gestion des matières fiscales dont essentiellement, la loi 004/2003 du 13/03/2003 unifiant les procédures fiscales telle que modifiée et complétée à ce jour par la loi 06/003 du 27/02/2006 et l'Ordonnance-Loi n° 13/005 du 23/02/2013 ; et l'Ordonnance-loi n° 10/001 du 20 août 2010 portant institution de la Taxe sur la Valeur Ajoutée telle que modifiée et complétée par l'Ordonnance-loi n° 13/007 du 23/02/2013 ; qui a abrogé toutes les dispositions de 1969 relatives à l'impôt sur le chiffre d'affaires.

Il y a lieu de considérer dans ce même cadre les Ordonnances-lois ci-après :

- 13/004 du 23/02/2013 portant abrogation de certaines dispositions de la loi n° 006/03 du 13 mars 2003 fixant les modalités de calcul et de perception des acomptes et précomptes de l'Impôt sur les Bénéfices et Profits ;

- 13/006 du 23/02/2013 portant régime fiscal applicable aux entreprises de petite taille en matière d'impôt sur les bénéfices et profits ;

- 13/008 du 23/02/2013 modifiant et complétant certaines dispositions de l'O-L n° 69/009 du 10/02/1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus ;

Etc.

En termes de contenu, la structure du système fiscal congolais comprend la classification classique des impôts ; dont les impôts directs et les impôts indirects.

v Les impôts directs comprennent :

-l'impôt réel et,

-les impôts cédulaires sur les revenus.

v La fiscalité indirecte est assise à partir de 2010 sur la TVA qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Elle comprend en outre l'impôt de douane (ou droits de douane), les droits d'accises et la taxe statistique.

L'impôt réel (c'est-à-dire celui qui frappe le contribuable directement dans ses avoirs ou possessions) comprend :

- l'impôt foncier sur les propriétés bâties et non bâties ;

- l'impôt sur la superficie des concessions minières et d'hydrocarbures ; et,

- l'impôt sur les véhicules et la taxe spéciale de circulation routière.

En matière de revenus, la fiscalité congolaise est cédulaire. Elle comprend :

- l'impôt sur le revenu locatif ;

- l'impôt mobilier ;

- l'impôt sur les bénéfices et profits ;

- l'impôt professionnel sur les rémunérations et l'impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés.

A partir de la réforme de 2003, le système fiscal congolais est devenu « déclaratif » avec comme corollaire « l'auto-liquidation ». Il est déclaratif contrôlé.

Il est important de noter que les dispositions de la constitution en vigueur en RDC, celle du 18/02/2006, notamment à son article 204, les impôts réels et l'impôt sur le revenu locatif relèvent désormais de la compétence des provinces qui mettent en place, elles-mêmes, des mécanismes et structures de leur mobilisation. De ce fait, l'exclusivité fiscale dont jouissait la Direction Générale des Impôts n'est plus totalement de mise.

Une autre spécificité de la fiscalité congolaise est qu'elle est disparate dans son opérationnalisation. En effet, à côté du régime de droit commun qui englobe les impôts tels que décrits ci-dessus, on dispose des régimes spécifiques et particuliers qui dérogent aux normes communes.

Il s'agit des régimes ci-après :

- fiscalité pétrolière ;

- fiscalité minière ;

- fiscalité forestière ;

- imposition des ASBL ;

- dispositions particulières aux missions diplomatiques et consulaires ;

- régimes des entreprises publiques et sociétés commerciales ;

-régimes du code des investissements.

A chacun de ces régimes, la loi institue des dispositions fiscales de nature à répondre aux exigences du secteur concerné. Pour les unes, c'est une clarification afin de prévenir des évitements d'impôt, pour d'autres, il s'agit de se conformer à des dispositions spécifiques reconnues par les lois nationales et internationales et ; pour une autre catégorie, il est plutôt question de mettre en place des avantages de nature à soutenir et/ou attirer l'investissement.

Nous donnons dans les lignes qui suivent quelques caractéristiques de chacun de ces régimes38(*) :

- Régimes des entreprises publiques

· Le régime fiscal applicable aux Etablissements publics et Services publics est défini dans les statuts de chacun d'eux. Néanmoins, ils sont tous soumis au droit commun pour les opérations qu'ils effectuent. Ils peuvent, toutefois, bénéficier des exonérations et exemptions de paiement des impôts, droits et taxes, en vertu des textes particuliers.

· Les statuts des Etablissements et services publics transformés en sociétés commerciales ne prévoient pas des dispositions particulières. Toutefois, le Titre VII des statuts de ces sociétés, relatif à l'élection de domicile, droit commun et arbitrage, dispose (art 53) que pour tout ce qui n'est pas prévu, elles entendent se conformer entièrement à la législation en vigueur en RDC.

- Régime d'imposition des exploitations forestières ou Fiscalité forestière

Textes de base : loi n°011/2002 du 29/08/2002

Dispositions : tous les exploitants forestiers sont imposés suivant le régime de droit commun (art. 120). Aucun exploitant forestier, aucun exportateur ni transformateur des produits forestiers ne peut, quel que soit le régime fiscal auquel il est soumis, être exonéré du paiement des droits, taxes et redevances prévues par la loi ou ses mesures d'application.

- Régime d'imposition des asbl ou Fiscalité des ASBL

Elle est basée sur la loi n° 004/2001 du 2O/07/2001, portant dispositions générales applicables aux Associations Sans But Lucratif et aux Etablissements d'Utilité Publique.

A la condition d'obtenir un arrêté interministériel des Finances et du Plan offrant certaines facilités, ils sont exemptés et exonérés des impôts réels et des impôts cédulaires suivants : impôt sur les revenus locatifs, impôt mobilier et impôt sur les bénéfices et profits.

- Régime d'imposition des missions diplomatiques et consulaires

Elle est assise sur la Convention de Vienne du 18/04/1961 et l'Ordonnance-loi n° 10/001 du 20/08/2010.

Sous réserve de réciprocité, les biens appartenant aux Etats étrangers destinés à l'usage officiel des missions diplomatiques et consulaires et des Représentations des Organisations internationales sont exemptés des impôts, foncier, sur les véhicules et de la taxe spéciale de circulation routière.

Les diplomates, agents diplomatiques, les consuls et agents consulaires accrédités en RDC, sont exemptés du paiement de l'impôt professionnel et l'impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés. Dans les mêmes conditions, l'acquisition des biens et services destinés à l'usage officiel des missions diplomatiques étrangères ainsi que des organisations internationales sont exonérés de la tva (art. 49 du décret n° 011/42 du 22/11/2011).

- Régime du code des investissements

Base : loi 004/2002 du 21/02/2002, portant code des investissements.

Le code organise un régime unique dit « régime général » avec quelques dispositions particulières concernant les PME et PMI.

Outre les avantages relevant du domaine de la douane et de la parafiscalité, les entreprises agréées au régime du code des investissements sont exonérées de :

· l'impôt professionnel sur les bénéfices et profits, à condition qu'il s'agisse des investissements nouveaux agréés ;

· l'impôt foncier pour les superficies liées au projet d'investissement agréé.

- Régime d'imposition des revenus pétroliers ou Fiscalité pétrolière

Les sociétés concessionnaires d'hydrocarbures sont soumises exclusivement au régime d'imposition conventionnelle. Elles sont régies par deux conventions particulières et les différents avenants y relatifs ; à savoir :

v la convention du 9 août 1969 entre la RDC et le groupe CHEVRON ;

v la convention du 11 août 1969 entre la RDC et le groupe PERENCO REP.

Les concessionnaires d'hydrocarbures bénéficient, pour leurs activités au Congo, des exemptions d'impôts suivantes prévues par l'article 93 de l'OL 67-231 du 11 mai 1967 portant législation générale sur les mines et hydrocarbures :

- l'impôt sur le revenu ;

- l'impôt mobilier ;

- l'impôt personnel ;

- l'impôt sur les concessions minières et d'hydrocarbures ;

- l'impôt sur les véhicules.

Au terme de l'arrêté 072 du 30/12/2011 du Ministre des finances, l'application de la tva à l'importation a été aussi suspendue.

Les sociétés pétrolières payent à l'Etat des obligations fiscales suivantes :

+ une royaltie de 12,5% de la valeur de la production au point d'exportation, c'est-à-dire, le prix FOB au jour de vente déduit des frais de passage et de stockage ;

+ un impôt spécial forfaitaire sur les bénéfices de 40% sur les bénéfices nets imposables.

- Régime d'imposition des exploitations minières ou Fiscalité minière

Textes de base : Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002, portant Code Minier ;

Décret n° 038/2003 du 26 mars 2003, portant Régime Minier.

Le régime fiscal et douanier institué par le code minier est :

v unique pour tous les exploitants.

Le code minier a mis en place un régime fiscal et douanier unique applicable à tous les exploitants miniers en ce sens que toutes les activités minières réalisées sur le territoire national sont soumises uniquement au régime fiscal et douanier défini par le Titre IX du Code Minier ;

v fondé sur le principe de non exonération.

Les avantages fiscaux accordés par le Code Minier se limitent principalement au rabattement du taux d'imposition ;

v exhaustif.

Le Code Minier présente l'avantage d'énumérer et de régir tous les impôts perçus par la DGI et tous les droits perçus par la DGDA et la DGRAD ;

v exclusif.

Le caractère exclusif signifie que seuls les impôts et droits de douane prévus dans le Code Minier s'appliquent au titulaire des titres miniers à l'exclusion de toutes autres formes d'impositions présents et à venir ; 

v extensif.

Le Code Minier étend les avantages fiscaux du titulaire des titres miniers aux sous traitants et aux sociétés affiliées ;

v stable.

Le code minier assure la stabilité du régime fiscal à travers certaines de ses dispositions en l'occurrence les dispositions des articles 221 et 276 qui prévoient notamment que « l'Etat garantit que les dispositions du présent code ne peuvent être modifiées que si, et seulement si, le présent code fait lui-même l'objet d'une modification législative adoptée par le parlement ».

Le code minier détermine certains avantages fiscaux aux exploitants miniers industriels et aux exploitants artisanaux autant qu'il les soumet à certaines sanctions en cas de manquements éventuels.

Les détails relatifs à ce régime sont étudiés dans le chapitre suivant consacré à la fiscalité minière en République Démocratique du Congo.

CHAPITRE 2. FISCALITE MINIERE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.

Le souci en abordant ce chapitre n'est pas de procéder à une étude approfondie de la législation minière congolaise, si complexe ; mais d'en évoquer un léger aperçu afin de parvenir à dégager certaines caractéristiques qui sous-tendent la compréhension de la taxation de l'exploitation artisanale des minerais à l'Est du pays et ses conséquences sur sa commercialisation et son rendement.

Pour y parvenir, nous avons jugé utile de donner en premier lieu un bref historique de l'exploitation minière en RDC, avant de présenter les énoncés des lois en vigueur dans le secteur et surtout d'analyser les textes régissant de manière particulière l'exploitation artisanale du coltan et de la cassitérite.

II.1 Aperçu historique de l'exploitation minière en RDC.

II.1.1 Les Minerais de la République Démocratique du Congo.

1) Les ressources minières de la RDC.

L'extraction minière et les ressources minières ont toujours occupé une place importante dans l'identité du Congo. Depuis sa création en tant que territoire colonial à la fin du XIXè siècle, le fait que ce pays soit considéré comme « un scandale géologique » a contribué à le définir en tant tel : le Congo détient l'une des plus grandes quantités au monde de richesses minérales39(*).

Le sous-sol de la RDC est scandaleusement riche en ressources naturelles. Si cela était vrai à l'époque de la colonie, cela demeure vrai actuellement car d'autres découvertes de ressources et de sites non connus à l'époque continuent de se réaliser.

En effet, les 2,3 millions de km² du territoire national renferment plus de 1100 différentes substances minérales. Quatre régions principales - Katanga, les deux Kasaï, le Nord-est du Congo et le Kivu-Maniema - contiennent la plupart des minéraux connus. Toutefois, d'autres provinces disposent de richesses minérales et/ou d'un potentiel minier, dont une grande partie reste à explorer. Les ressources minérales connues des 10 provinces du pays sont présentées dans le tableau n° 1.

On y trouve six principaux groupes de minerais : le groupe du cuivre (cuivre, cobalt, uranium, zinc, plomb, cadmium, germanium) ; le groupe du chrome, nickel, diamant; le groupe de l'étain (étain, wolfram, colombo-tantalite, béryl, monazite) ; les métaux précieux (or, argent, platine) ; le fer et le manganèse ainsi que les combustibles minéraux (charbon, schistes bitumeux, pétrole, gaz)40(*). Au fait, La RDC possède des gisements contenant une cinquantaine de minerais recensés, mais c'est seulement une douzaine de ces derniers qui est exploitée.

Les réserves sont importantes, ainsi le pays possède la deuxième réserve mondiale en cuivre et en cobalt (10% de toutes les réserves sur la planète). Les réserves en cobalt de la GECAMINES s'élèvent à 80% du total mondial dont la RDC est le plus important producteur au monde41(*).

La RDC détient également un quart des réserves mondiales de diamants et elle en était le quatrième producteur mondial durant les années 1980. Au milieu des années 1940, la RDC était le deuxième plus grand producteur au monde d'étain après la Bolivie42(*).

Si la RDC possède aussi de l'or en quantité respectable, elle possède surtout les trois quarts des réserves mondiales de coltan, un composant essentiel pour les circuits des téléphones portables et des ordinateurs.

Les minerais de la RDC se retrouvent essentiellement dans le sud du pays (Katanga), l'Est (Kivu-Maniema) et le nord-est (Province Orientale). Mais, c'est pratiquement tout le territoire national qui regorge de minerais de toutes natures bien que les sites exploités depuis belle lurette et reconnus se retrouvent dans les parties précitées.

Les gîtes exploités sont répartis dans les massifs précambriens qui bordent au sud, à l'est et au nord-est une vaste cuvette centrale sédimentaire. Ainsi, en tournant dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, on rencontre successivement du sud au nord : les exploitations diamantifères du Kasaï (Mbuji-Mayi, Tshikapa) ainsi que quelques gîtes de cuivre (Tshiniama, Lubi) ; l'arc cuprifère du Katanga méridional, riche également en cobalt et en uranium, avec les centres miniers de Kolwezi (Cu-Co), de Likasi (Cu), de Kambove (Cu-Co), de Shinkolobwe (U) et de Lubumbashi (Cu), sans négliger la mine de Kipushi exploitée pour le zinc, le cuivre et le germanium. Toujours au Katanga, on croise successivement en remontant vers le nord le granite à étain de Mitwaba et la pegmatite stannifère de Manono. La province du Kivu, englobant la région du Maniema, est particulièrement riche en gîtes d'étain (Kalima, Luntukulu), souvent accompagné de colombo-tantalite. La pegmatite à béryl, columbite et uranium de Kobokobo y est aussi localisée, ainsi que les placers aurifères de la Mobale. Au nord de la province du Kivu affleure la carbonatite de Lueshe riche en pyrochlores et, à la frontière rwandaise, la région des volcans renferme des laves dans lesquelles plusieurs nouveaux silicates ont été découverts. Au nord du Congo, dans la Province Orientale, se situent les célèbres exploitations aurifères de Kilo-Moto. A l'extrémité occidentale du pays, à l'ouest de la capitale Kinshasa, le Bas-Congo renferme quelques gîtes de vanadates de plomb et de zinc (Kusu-Senge),...

D'un point de vue minéralogique, on trouvera dans l'énumération qui suit les noms des gîtes et leurs principales ressources en beaux minéraux et dans le tableau ci-dessous, une répartition des minerais selon les différentes provinces administratives du pays.

Katanga méridional

- Mine de l'Etoile (Lubumbashi) : cornetite en rosettes bleues.

- Kabolela : rognons noirs luisants d'hétérogénite.

- Kakanda : pseudomalachite mamelonnée, cristaux verts de libethenite et calcite cobaltifère rose.

- Kalongwe : gisement de cuivre et d'uranium offrant de belles associations de cuprosklodowskite en aiguilles et de vandenbrandéite vert foncé en cristaux en burins.

- Kambove : planchéite en croûtes et rosettes fibroradiées et cristaux centimétriques de carrolite.

- Kamiaba : gîte à grenats almandins roses à bruns formant des croûtes cristallines.

- Kamoto : localité type pour la kolwezite, carbonate double de cuivre et de cobalt en nodules beiges à noirs. Très rares cristaux prismatiques et tabulaires de roubaultite vert d'eau dans la carrière à O.V. La partie orientale de ce gîte renferme une minéralisation uranifère où furent découverts les nouveaux minéraux astrocyanite (Ce), françoisite (Nd), kamotoite (Y) et shabaïte (Nd), contenant aussi des terres rares.

- Kamoya : association de silicates de cuivre plancheite, shattukite et masses bleues claires de « katangite » à cassure conchoïdale.

- Kasompi : autre gisement à minéraux de terres rares tels que la schuilingite (Nd) et la gysinite (Nd). On y trouve également des amas vert pâle arborescents de glaukosphareite.

- Kipushi : exceptionnelle association de minéraux secondaires de zinc, de plomb et de cuivre tels que smithsonite, hémimorphite, aurichalcite, veszelyite, connellite et kipushite vert émeraude. La minéralisation primaire est riche en germanium avec la reniérite et la vriartite. On y trouve aussi de la sphalérite verte et de la molybdénite à rhénium, ainsi que de la gallite. La paragenèse est très proche de celle de Tsumed en Namibie.

- Likasi : outre la cuprite accompagnée de cuivre natif, on y trouve la belle association de buttgenbachite et de connellite en prismes aciculaires bleu vif, de likasite en plaquettes bleues empilées et de gerhardite vert d'eau.

- Ludjiba : localite type de la ludjibaïte, polymorphe de la pseudomalachite.

- Luishya : du disthène en tablettes bleues est associé aux classiques minéraux secondaires de cuivre.

- Luiswishi : minéralisation à cuivre et uranium avec notamment la cuprosklodowskite en fibre, la vandenbrandéite en cristaux en burins et la sengiérite.

- Mashamba : très belle cuprite rouge gemme en cristaux centimétriques, mais aussi malachite testacée, duhamelite en fibres jaunes et une association uranifère de tyuyamunite et de carnotide ;

- Mindigi : gîte cobaltifère à hétérogénite mamelonnée et variétés cristallines à éclat métallique dont le polytype 2H.

- Msesa : cristaux brillants de libethenite verte, pseudomalachite cristallisée et claringbullite bleu clair dont c'est la localité type.

- Musonoi : localité surtout réputée pour ses sélénites d'uranium. Egalement connue pour ses malachites cobaltifères et pour la kolwezite.

- Shamitumba : lieu de récolte de la juliénite en aiguilles bleues.

- Shangulowe : très belles associations de silicates de cuivre et présence de barite pseudomorphosée en planchéite et en malachite.

- Shinkilobwe : un des plus célèbres gîtes mondiaux d'uranium. Il a notamment fourni la matière première pour la fabrication des premières bombes atomiques. Des dizaines de nouvelles espèces y ont été découvertes mais la mine était fermée depuis le début des années 60.

- Swambo : chantier de prospection pour l'uranium riche en cristaux jaunes trapus de soddyite et localité type de swamboïte.

- Tantara : on y trouve la très spectaculaire association de dioptase verte et de calcite cobaltifère rose vif.

Kivu

- Bengo-Biri : gîte à tungstène renfermant des cristaux de ferberite et des pseudomorphoses en anthoinite.

- Kobokobo : pegmatite à beryl et à columbite dont une zone est minéralisée en uranium. Cette dernière possède une association particulière de phosphates d'uranium et d'aluminium riche en espèces nouvelles.

- Lueshe : carbonatite caractérisée par l'abondance de pyrochlores et localité type de la lueshite en cristaux octaédriques.

- Maya-Moto : ce gîte offre une riche association de minéraux de bismuth : bismuth natif, bismutite, bismuthinite et bismite.

- Mwenga : district aurifère de la rivière Mobale qui a livré de volumineuses pépites.

- Messaraba-Munkutu : gîte à cassitérite cristallisée qui est une des localités de la varlamoffite, oxyde hydraté d'étain jaune et poudreux.

- Volcans : la région volcanique située à cheval sur la frontière avec le Rwanda, recèle des laves dans lesquelles plusieurs nouvelles espèces ont été décrites : andrémmeyerite, combeite, götzenite, delhayelite et trakalsilite.

Les autres provinces du Congo ne renferment pas de minéralisations aussi spectaculaires, à l'exception des riches gîtes diamantifères exploités dans les kimberlites, les éluvions et les alluvions de la région de Mbuji-Mayi (diamant industriel principalement) et les mines d'or de Kilo-Moto en Province Orientale.

Il faut noter que cette énumération n'est pas exhaustive et qu'à la lumière de toutes dernières découvertes, il y a lieu d'y apporter beaucoup d'aménagements.

Tableau 1 : ressources minières congolaises/par province43(*)

Province

Désignation des minerais

Bandundu

Diamant, or

Bas-Congo

Bauxite, calcaire, phosphate, vanadium, diamant, or, cuivre, plomb, zinc

Equateur

Fer, cuivre et ses associés, or, diamant

Prov. Orientale

Or, diamant, fer

Kasaï Oriental

Diamant, fer, argent, nickel, étain, cuivre

Kasaï Occidental

Diamant, or, manganèse, chrome, nickel

Katanga

Cuivre, cobalt, germanium, zinc, or, argent, tantalite, cassitérite, manganèse, platine, palladium, calcaire, uranium, charbon

Nord-Kivu

Or, niobium, tantalite, cassitérite, béryl, tungstène, monazite, platine, diamant, tourmaline, améthyste, quartz, pierres semi-précieuses

Sud-Kivu

Or, niobium, tantalite, cassitérite, tungstène, platine, saphir, tourmaline, améthyste, quartz, pierres semi-précieuses

Maniema

Diamant, cassitérite, tantalite, or

Source: The World Bank, Mining and Chemicals Department, Africa Region, may 2008.

2) Les ressources minières des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

a) aperçu géographique et historique des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont des provinces de la partie orientale de la République Démocratique du Congo ayant fait partie jusqu'en 1988 de l'ancienne province du Kivu.

Le Kivu44(*) est une région et une ancienne province de l'est de la République Démocratique du Congo. Cette région fut connue au XIXè siècle sous le nom de Maniema ou Manyema.

La province exista depuis 1933 à 1962 et de 1966 à 1988 d'abord sous le nom de province de Costermansville jusqu'en 1947.

Elle était subdivisée en trois districts dont le Maniema, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. A l'occasion de la réorganisation décentralisée de la République démocratique du Congo, les trois districts devinrent des provinces à part entière dès 1988.

Seules les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu font l'objet de notre étude.

Situation des deux Kivu (en bleu) par rapport au reste du pays

Source : http://www.sudkivu.cd/

Province du Sud-Kivu

Elle est issue de la subdivision (administrative et territoriale) en 1988 de l'ex-province du Kivu.

Elle voisine la province du Nord-Kivu au nord, le Maniema à l'ouest et le Katanga au Sud. A l'est, elle voisine le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie.

Elle a une superficie de 64.851 km² et une population de 4.944.662 habitants. Elle compte huit territoires (Fizi, Mwenga, Shabunda, Kalehe, Kabare, Idjwi, Uvira, Walungu) et la ville de Bukavu en est le chef-lieu.

Localisation du Sud-Kivu (en rouge) à l'intérieur de la République démocratique du Congo

Source : www.wikipedia.org

Province du Nord Kivu

Elle est également issue du découpage territorial de 1988 qui fait de l'ancien district du Nord Kivu une province.

Elle jouxte la province orientale au nord-ouest, le Maniema à l'ouest et le Sud-Kivu au sud. A l'est, elle est limitée par l'Ouganda et le Rwanda.

La province du Nord-Kivu a une population estimée en 2013 à 6.175.195 habitants pour une superficie de 59.483 km².

Le chef-lieu se trouve être la ville de GOMA.

LOCALISATION DU NORD KIVU EN RDC (En rouge)

Source : carte des territoires du Nord Kivu sur www.provincenordkivu.org

b) Description des ressources minières des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Reconnues comme provinces à vocation agricole avec d'énormes potentialités agro-pastorales, l'histoire des provinces du Nord et Sud Kivu (et surtout celle du Sud-Kivu) est aussi liée à l'exploitation minière qui y a commencée dès le début du XXè siècle (1910/1920).

A côté du café, du thé, du quinquina, du haricot, de l'huile de palme, .... Les deux Kivu sont également dotés de plusieurs espèces de minerais dont les minerais dits rares. Elles sont, avec le Katanga, la région la plus nantie en nombre de matières précieuses.

Il s'agit principalement du minerai d'étain ou cassitérite et ses accompagnateurs qui sont le colombo-tantalite (coltan), le wolframite et niobium. En plus de la cassitérite, il existe également d'importants gisements d'or.

Le coltan de la RDC est exploité principalement dans ces deux provinces ; de même que la province du Maniema. La cassitérite est, quant à elle, intimement liée à l'histoire économique tant de l'ex-Kivu que du Sud-Kivu, en particulier. Elle a été découverte pour la première fois dans les Kivu en 1910 par CFL alors que cette société construisait la ligne ferroviaire Kindu-Kongolo. L'histoire nous renseigne que dans les années 1940, la RDC était le deuxième plus grand producteur du monde de la cassitérite après la Bolivie.

Comme démontré dans le tableau ci-dessus, ces deux provinces regroupent plusieurs minerais que le commun des congolais ne peut s'imaginer. Toutefois, les principaux minerais présents et officiellement exploités sont 45(*) :

v la cassitérite

Actuellement, elle est le plus important minerai en termes de quantités et de prix. La cassitérite est présente dans de nombreuses zones du Nord et du Sud-Kivu. Ses utilisations sont multiples, notamment en tant que composant de fils de soudure, d'étamages et d'alliages, eux-mêmes employés dans l'industrie électronique et dans la fabrication de boîtes de conserve.

En 2007 et 2008, environ 4 à 5% de la production mondiale de minerai d'étain provenait de la RDC.

D'après les statistiques gouvernementales officielles relatives au Nord et au Sud Kivu, 14.905,9 tonnes de cassitérite ont été exportées en 2007 et au moins 13.782,74 tonnes de janvier à septembre 2008.

v l'or

Présent au Nord et au Sud-Kivu, les plus importants gisements se trouvent au Sud-Kivu. La quasi-totalité des exportations d'or est illicite et non déclarée ; seule une part infime est produite et exportée de manière officielle. Il n'existe même pas de statistiques fiables.

v le coltan

Présent dans nombre des régions où l'on trouve également de la cassitérite, au Nord et au Sud-Kivu. Le coltan est un concentré de minerai qui associe deux métaux, à savoir le niobium (ou colombium) et la tantalite. Le coltan de la RDC était le plus important minerai dans les phases initiales de la guerre en RDC, son prix ayant culminé autour de 2000 suite à une demande en forte hausse. Selon les statistiques officielles 428,4 tonnes de coltan ont été exportées en 2007 au Nord et Sud Kivu et au moins 270,79 tonnes au premier semestre de 2008.

v le wolframite

Présent au Nord et au Sud-Kivu, le wolframite, parfois appelé wolfram, est un minerai de tungstène. Le tungstène entre dans la fabrication des métaux durs utilisés dans l'industrie lourde, notamment pour fabriquer des outils de coupe des métaux et de roches, des appareils pour l'extraction minière et d'autres pièces d'équipement. Le tungstène est également employé dans les lampes à incandescence, les alliages et les aciers, ainsi que dans la fonction de vibreur des téléphones portables.

D'après les statistiques officielles relatives au Nord et au Sud Kivu, 1.222,1 tonnes de wolframite ont été produites en 2007.

v le pyrochlore

Minerai rare, présent à Lueshe, dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), le pyrochlore est le principal minerai qui permet d'obtenir du niobium. Le niobium du pyrochlore sert essentiellement d'additif dans la fabrication de l'acier.

v Diverses pierres précieuses et semi-précieuses, dont des diamants, des améthystes et des tourmalines.

De petites quantités sont présentes essentiellement au Sud-Kivu.

II.1.2 L'exploitation minière en République Démocratique du Congo.

L'exploitation minière a été de tous les temps l'épine dorsale de l'économie congolaise. L'importance que revêt l'exploitation minière en République Démocratique du Congo est telle que l'économie de ce vaste pays dépend totalement de la marche de cette exploitation.

C'est dans ce cadre qu'il a été repris dans les lignes qui précédent les affirmations selon lesquelles les produits miniers sont à la base de la mise en valeur du Congo ; l'essentiel des budgets de l'Etat ayant été depuis longtemps financé par les recettes de l'exploitation minière. Aussi, l'effondrement de l'exploitation minière a entrainé et constitué de même la faillite de l'Etat. Et, cette situation est pareille depuis l'époque coloniale jusqu'à ce jour.

1) Bref historique de l'exploitation minière en RDC.

Comme repris ci-dessus, l'exploitation minière et les richesses minérales ont toujours occupé une place importante dans l'identité du Congo. L'histoire de l'exploitation minière de la République Démocratique du Congo est donc liée à celle de l'exploitation globale du Congo dès la constitution de l'Etat Indépendant du Congo en 1885, et donc, celle du portefeuille congolais.

Durant toute la période coloniale, l'économie congolaise fut dominée par quelques groupes : Société Générale de Belgique, Groupe Empain, Groupe Lambert, Cominière, ...

Le 27/12/1886, le Roi Léopold II créa la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie (CCCI) en vue de préparer la construction du chemin de fer du Bas-Congo et de promouvoir toutes les opérations d'industries, de travaux publics, de commerce, d'agriculture et des finances au Congo.

Ne disposant pas d'assez de ressources financières pour faire face aux dépenses occasionnées par l'exploitation de son immense colonie, il prit la décision de pratiquer une politique d'encouragement des sociétés à charte. Deux compagnies à charte virent le jour sous Léopold II. Elles jouèrent un rôle déterminant dans la colonisation du Congo.

Il s'agit du Comité Spécial du Katanga (CSK) créé le 15/04/1891 et de la Compagnie des Chemins de Fer du Congo Supérieur aux Grands Lacs Africains (CFL) fondée le 4 janvier 1902.

Le CSK était le principal actionnaire de la Compagnie Géologique et Minière des Ingénieurs et Industriels Belges « GEOMINES » et de l'Union Minière du Haut-Katanga « UMHK » qui, après sa nationalisation, devint la GECAMINES.

C'est donc cette compagnie qui a été largement mise à contribution pour la mise en valeur ou mieux l'exploitation des ressources minières du Katanga.

De l'autre côté46(*), le Groupe Empain, avec le concours des milieux financiers français et belges, avait créé la Compagnie des chemins de fer du Congo Supérieur aux Grands Lacs Africains (CFL) qui avait les pouvoirs les plus étendus en vue de la colonisation et de l'exploitation des régions du Nord Est du pays.

Le 4 janvier 1902, l'Etat Indépendant du Congo concéda à cette société pour 99 ans, l'exploitation d'un réseau de chemins de fer que la société s'engagea à construire à l'Est du Congo. La société avait reçu, en plus des activités de transport, les droits de recherche et d'exploitation des mines.

C'est dans ce cadre (exploitation des domaines fonciers et miniers) que fut créé, entre autres, la Compagnie Minière des Grands Lacs Africains « MGL ».

Une nouvelle convention entre la colonie et CFL aboutit à la création, le 13 janvier 1928 du Comité National du Kivu (CNKi), à qui la colonie a conféré la gestion des terres appartenant au domaine privé de l'Etat, les droits exclusifs de recherche et d'exploitation des gisements miniers dans le Kivu.

Il sied de signaler qu'une association MGL-Auxilacs (Société Auxiliaire Industrielle et Financière des Grands Lacs, du groupe CFL, organe de financement au sein du groupe CFL-CNKi) a permis de créer à son tour les sociétés ci-dessous :

- la Compagnie Minière de l'Ituri ;

- la Société Minière de Lualaba (MILUBA) ;

- la Société Minière de Nyamikubi (SOMIKUBI) ;

- la Société Minière de Lueshe (SOMILU).

Il faut noter que ces compagnies à charte, en s'associant avec des grands groupes financiers ont donné naissance à d'autres sociétés dont la FORMINIERE (Société internationale forestière et minière du Congo) dont l'activité principale était centrée sur l'exploitation des diamants du Kasaï.

La COMINIERE, Société Commerciale et Minière du Congo, qui exerçait ses activités presque dans toutes les provinces du Congo, plus particulièrement dans le Nord Ouest, a été à la base de la création de la COMUELE, Société Commerciale et Minière de l'Uélé. ...

C'est donc par le canal de ces différentes compagnies, dirigées et/ou gérées à partir de l'étranger qu'a été opérée l'exploitation minière en République Démocratique du Congo. Et cela, jusqu'à la veille de l'indépendance quand, par le décret royal du 27/06/1960, le gouvernement belge décida de dissoudre le CSK, les CFL et le CNKi.

Dès 1966, la plupart de ces entreprises passèrent dans le portefeuille de l'Etat Congolais par le jeu des nationalisations qui aboutit à des entreprises publiques d'une part et à des entreprises d'économie mixte, de l'autre.

Ainsi, les principales entreprises de l'Etat du secteur minier furent celles reprises dans le tableau ci-après.

Tableau n° 2 : Principales entreprises minières de l'Etat (1996)

Entreprise

Localisation

Produits

Concession/surface

Droits miniers

Nombre d'employés

Gécamines (Générale des Carrières et des Mines)

Katanga

(Kolwezi, Likasi, Kambove, Kipushi, Lubumbashi)

Cuivre,

Cobalt,

Zinc, Coal,

Limestone, Germenium

21.500km2

42 PE

59 PER

13.339

OKIMO (Office des Mines d'Or de Kilo-Moto)

Ituri

Mongwalu

Watsa

Or

83.000km2

49 PE

2.664

MIBA (Minière de Bakwanga, 80% gouvernement)

2 Kasaï

Diamants

62.000km2

65 PER

151 PE

5.802

SOMINKI (Société Minière et Industrielle du Kivu)

Kivu

Kalima

Kamituga

Punia

Cassitérite

Wolframite

Coltan, Or

Monazite

90.008km2

40 PE

4.209

EMK-Mn (Entreprise Minière de Kisenge-Manganèse)

Kisenge

Manganèse

1940 Ha

1 PE

444

SODIMCO (Société de Développement Industriel et Minier du Congo)

Katanga

(Musoshi

Kisenda

Kimpe)

Cuivre

Alloys

Cobalt

827,23km2

5 PE

2.811

Source : CAMI ; PE=Exploitation Permit/PER=Exploration Permit

2) L'exploitation minière dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu.

Les activités minières ne sont pas récentes dans la grande région du Kivu. Elles remontent aux années 1920 où or et cassitérite constituaient les principales sources d'exploitation.47(*)

Sous le régime colonial, la Compagnie Minière Belge des Grands Lacs (MGL) a commencé sa prospection dans le Sud-Kivu en 1902. Les colons belges ne vont s'intéresser aux mines du Kivu qu'après 1909 lorsque les géologues Joye et Lewin démontrèrent que les mines constituaient l'axe et le pivot de l'économie du Kivu. C'est seulement en 1923 que MGL extrait son premier minerai à Mufwa dans le district Kabare au Sud Kivu. Entre 1920 et 1940, le Ministre des colonies Louis Franck concrétise l'orientation de l'économie du Kivu vers le secteur minier en instruisant les sociétés minières créées en ces termes : « rapportez nous les cailloux qui paient ».48(*)

A côté de MGL, il faut noter que plusieurs autres sociétés ont exploité les minerais de l'ex-Kivu dont ; Minerga, Kivumines, Phibraki, Cobelmin, Kinoretain, ...

Ce sont ces entreprises issues des consortiums du groupe CFL qui ont exploité les minerais jusqu'à la veille de l'indépendance de la RDC.

A la veille de l'indépendance, les filiales de la CFL se transforment en SARL. Les politiciens congolais cherchèrent à rompre la charte. Cette rupture ne se limita qu'à un simple changement de dénomination de la société qui s'appela dès lors Kivumines.

Les troubles politiques de 1960 à 1964 ont réduit les activités aussi bien dans les centres miniers de la Minière des Grands Lacs (MGL) que dans ceux de la Kivumines, de la Cobelmin et de la Symétain au Kivu.

Au lendemain du 30/06/1960 ainsi qu'avec le déclenchement de la rébellion de 1964, les européens des sociétés minières sont rentrés brusquement en Europe. Il en résulta que les centres miniers de la MGL de Kamituga et de Lugushwa résistèrent aux rebelles alors que ceux de la Kivumines, de la Cobelmin et de la Symétain leur cédèrent sans coup férir.

Le 11 mai 1967 et le 12 décembre 1968, le Président Mobutu et le Ministre des mines signent respectivement l'Ordonnance-loi n° 67/231 et l'Arrêté ministériel n ° 0039 portant législation sur les mines et hydrocarbures. La MGL et la Cobelmin deviennent respectivement MGL-Congo et Cobelmin-Congo. Cette nouvelle législation ne retire pas aux centres miniers de MGL-Congo, de la Kivumines et de la Cobelmin-Congo leur statut de concessions minières couvertes de titres exclusifs. Elle insiste par contre sur le rôle de locomotives de développement socio-économique que doivent jouer ces sociétés dans les contrées qui les abritent.

Entre 1969-1970, les trois sociétés entament un début de fusion, à dominance Cobelmin, qui fait de Kamituga le siège social de sa direction générale. C'est alors que les sociétés minières commencent effectivement à manifester leurs contributions dans le développement des centres miniers de Kamituga, Lugushwa, Twangiza, Kigulube et Lulingu, en territoire de Mwenga et Shabunda.

Rappelons cependant que la Cobelmin-Congo qui était située à Lulingu n'était qu'un sous-traitant des Belgikamines, Kundamines, Kinoretain, Minerga, etc.

Ainsi, le 20 mars 1976, les neuf sociétés minières (MGL-Congo, Cobelmin-Congo, Kivumines, Phibraki, Belgikamines, Kundamines, Kinoretain, Minerga et Symetain) datant de l'époque coloniale se fusionnèrent pour la création d'une nouvelle société (SARL) dénommée Société Minière et Industrielle du Kivu, SOMINKI en sigle.

Pendant une dizaine d'années, le cours mondial de la cassitérite s'élèvera sous l'effet combiné d'une forte demande d'étain pour l'emballage en 'fer blanc' et pour la soudure dans les équipements électroniques. Ce qui a permis à la société de maintenir jusqu'en 1988 un bon niveau de production. Depuis lors, cette société a évolué en dents de scie.

La baisse de la production due à la vétusté de l'outil de production et au non réinvestissement ne devrait amener la Sominki qu'à la faillite. En 1995, la Sominki a été vendue (à la société minière américaine Cluff Mining et au Canadian Banro Corporate).

Depuis, plusieurs soubresauts se sont manifestés et une gouvernance politique et administrative calamiteuses ont aidé à mettre fin à l'activité industrielle des minerais dans le Kivu.

3) L'exploitation du coltan et de la cassitérite.

L'histoire de l'exploitation de la cassitérite au Kivu est la même que celle de l'exploitation minière tout court dans cette région étant donné, comme dit plus haut, que l'or et la cassitérite constituaient les principales ressources. Or, la cassitérite se présente souvent dans les carrières du Kivu dans un mélange avec le colombo-tantalite et d'autres métaux.

Mais, toute la tradition industrielle de l'exploitation visait la cassitérite pour en obtenir un minerai d'étain de haute qualité (et donc en retirer les autres métaux, dits « accompagnateurs »).

Les métaux accompagnateurs, dont le coltan, étaient également exportés et vendus mais ils étaient considérés à la limite comme des déchets, d'autant plus qu'à l'époque le tantale n'était pas fort demandé par l'industrie métallurgique car on n'avait encore guère développé des applications industrielles.49(*)

a) Le Coltan.

Puisque le terme « coltan » vient de la RDC, il est à propos d'introduire celui-ci selon son lieu d'origine car, en effet, le terme « coltan » semble être une expression populaire qui vient de cette région d'Afrique.50(*)

Il est le diminutif, ou surnom, donné à un minerai fort présent dans les sous-sols de ce territoire, soit la colombo-tantalite.

Concentré de minerai qui associe deux métaux, le terme coltan fait donc référence à deux corps distincts à savoir la colombite (aussi appelée niobite) qui deviendra du colombium (ou niobium) et la tantalite qui donnera du tantale. Il est toutefois commun de les nommer simplement colombium dans le premier cas et tantale dans le second.

Le Père Didier de Failly qui cite l'Encyclopedia Universalis France, donne la définition technique et chimique du coltan comme suit :

« Le tantale (Ta) et le niobium (Nb) sont deux métaux de transition du groupe VA de la classification périodique des éléments et, de ce fait, ont un grand nombre de points communs : ils sont presque toujours associés dans leurs minerais ; leurs propriétés chimiques sont très voisines, ce qui rend particulièrement complexe leur séparation dans la phase d'extraction métallurgique ; ils appartiennent tous les deux à la classe des métaux appelés réfractaires (vanadium, niobium, molybdène, tantale, tungstène).51(*)

Soulignons en passant deux éléments à retenir : d'abord, la complexité du processus de séparation détermine une partie du processus de commercialisation. Ensuite, le fait qu'ils appartiennent à la classe des métaux appelés réfractaires implique des applications industrielles particulières.52(*)

Connus dans les laboratoires depuis le début du 19ème siècle, ces métaux n'ont reçu leurs développements technologiques qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Le tantale est un conducteur unique de chaleur et d'électricité, facilement malléable et très résistant à la corrosion. Ses propriétés industrielles sont fort recherchées et ce métal s'avère salutaire pour plusieurs secteurs de l'industrie de pointe. Il est le plus rare des deux éléments ; d'où, il est le plus prisé de la combinaison appelée « coltan ».53(*)

Les utilités techniques du tantale ont d'abord été mises en valeur durant la deuxième guerre mondiale et ensuite, au cours des années 1960, par le secteur des industries chimique, spatiale, électronique et militaire.

Se présentant initialement comme une pierre grisâtre ; d'où son appellation d'Or gris, la tantalite et la colombite sont séparées par un procédé technique et réduites en poudre. Ensuite, la poudre de tantalite est transformée en poudre de tantale, en lingot, en palettes (chips) et en câblage (wire). Puis, ces nouveaux composants sont introduits dans plusieurs procédés techniques et se retrouvent ultimement dans des produits courants (téléphones portables, ordinateurs, ...) et des produits très spécialisés (missiles, réacteurs d'avions, satellites).54(*)

Il y a lieu de noter que le tantale est surtout utilisé pour la fabrication de composants électroniques, principalement des condensateurs.

Le colombium, quand à lui, s'avère moins lucratif que le tantale. D'abord à cause de ses propriétés plus modestes, et ensuite en raison de l'offre disponible. Il demeure cependant un matériau essentiel pour certains secteurs industriels importants comme l'énergie, les transports et l'aérospatiale.

En résumé, la valeur du coltan dépend essentiellement du pourcentage de tantalite (généralement entre 20 et 40%) et à la teneur d'oxyde de tantale contenu dans ce dernier.

C'est le tantale qui a été et qui est à l'origine du « boom » ou de la « course au coltan ».

`Il est généralement admis que l'Australie, la RD Congo, le Brésil, le Canada et le Nigéria sont les plus grands détenteurs de tantale au monde. On dit que l'Afrique posséderait 80% des réserves mondiales et que les deux Congo détiendraient, à eux seuls, 80% des réserves africaines. On dit aussi que le coltan de la région du Kivu détiendrait l'un des taux les plus élevés de tantale au monde'.55(*)

Au Kivu, on trouve du coltan dans des nombreuses contrées, surtout dans les zones minières traditionnelles en territoires de Mwenga, de Shabunda, de Kalehe, de Kabare, de Fizi et d'Uvira dans le Sud-Kivu et, en territoires de Lubero, Masisi et Walikale au Nord-Kivu.

Comme repris dans les lignes précédentes, le coltan a été exploité industriellement par les différentes sociétés minières installées dans la province en même temps que la cassitérite.

L'effondrement de ces sociétés et la libéralisation de l'exploitation dès 1981 a laissé le champ libre aux exploitants artisanaux.

b) La cassitérite.

La cassitérite56(*) (du grec kassiteros, étain) est un oxyde (SnO2) qui cristallise dans le système cristallin tétragonal (quadratique). La structure de la cassitérite, comme celle du rutile, est proche de celle de la nickéline mais seule la moitié des cavités octaédriques est occupée. C'est le principal minéral des gîtes de l'étain et on la trouve souvent dans les placers. Ses associations communes sont la tourmaline, l'apatite et la fluorine ; les gîtes associés sont ceux de la wolframite et de la molybdénite.

La cassitérite est translucide à l'état pur, mais brune ou noire en présence d'impuretés. On trouve la cassitérite dans les roches magmatiques acides (granites et pegmatites) et surtout dans les filons qui leur sont liés. Elle peut être également exploitée dans des gîtes alluvionnaires.

Les dépôts primaires sont formés par procédés géologiques profonds, tel que l'intrusion du granite dans lequel la cassitérite est enfoncée dans des rochers dures comme les pegmatites ou le quartz. Les dépôts d'alluvion sont formés par concentration mécanique de la cassitérite lourde dans les lits des rivières où le minerai d'étain est contenu en gravier et sable. L'étain est obtenu en réduisant le minerai par introduction de la houille bitumeuse dans un fourneau de répercussion. L'étain est principalement utilisé comme un métal induisant parce qu'il a une faible température de fusion. Dans des températures normales, il est aussi résistant à la souillure dans l'air et à la corrosion. Ainsi, il est utilisé dans divers emplois allant du revêtement d'autres métaux pour empêcher la corrosion aux circuits imprimés et passant par la plomberie, les plombages dentaires et les produits ignifuges.

Au Sud-Kivu, on retrouve le coltan et la cassitérite pratiquement dans tous les territoires. Ils sont présents aussi dans les provinces du Nord-Kivu, du Maniema et du Katanga.

L'étain est devenu le métal le plus échangé à la bourse des métaux de Londres.57(*)

4) L'exploitation artisanale des minerais au Nord et au Sud Kivu.

Après avoir évoqué les minerais exploités dans les provinces du Kivu, il sied, pour être assez complet selon les objectifs de notre étude, de nous appesantir tant soit peu sur l'exploitation artisanale.

A nos jours, le volume de minerais (de même que la valeur) commercialisés à partir des Kivu est tellement important qu'il serait malhonnête de ne pas le reconnaître et de ne pas y attacher une certaine attention.

Et, aucune industrie minière au sens propre du terme n'est encore opérationnelle dans la contrée, celle y installée étant - parait-il - encore au stade de la prospection. Il en découle donc que toute la production minière de ces deux provinces se fait de manière artisanale.

Il faut noter que, sans activité artisanale, le principal secteur de l'économie congolaise n'aurait survécu à des décennies de pillage et de guerre. Et en cette matière, ce qui est dit pour les Kivu est également valable pour les autres provinces ; le Katanga, le Kasaï et la Province Orientale.

Pourtant, cette activité est toujours considérée comme quelque peu douteuse, tolérée (car organisée quand même par des textes légaux) mais pas encouragée. La plupart en parle en la qualifiant d'activité informelle.

Or, l'exploitation artisanale est devenue non seulement la stratégie de survie des populations, mais aussi et surtout la source d'une grande partie de la production réelle (et `formelle').

Ignorer cette réalité au détriment des contrats léonins avec les grands industriels est une grave erreur d'appréciation.

Remarquons tout de même que l'activité artisanale, surtout dans sa forme actuelle, n'a pas existé depuis toujours. Depuis l'époque coloniale jusqu'au début des années 1970, les sites reconnus miniers étaient sous le contrôle strict des entreprises industrielles et, de l'Etat.

Toute forme d'exploitation minière dans et en dehors des sites miniers était prohibée et sévèrement réprimée. Comme c'était une affaire d'Etat compte tenu du poids politique des sociétés minières, même les Eglises s'y mêlaient pour stigmatiser tout comportement tendant à toute sorte d'exploitation minière non autorisée.

L'accès aux sites était interdit sans autorisation préalable et, en dépit de cette dernière, les allées et venues étaient très surveillées avec une Police des Mines (POLIMINES ou GARDE MINIERE) plus puissante même que l'armée ou la police régulière.

Ainsi, le seul fait de se retrouver avec une seule petite graine d'un quelconque minerai pouvait valoir à son détenteur des sanctions graves allant jusqu'à l'emprisonnement à vie ou à la relégation pour soi-même et même pour les membres de la famille.

C'est au début des années 1970 que des filières artisanales (particulièrement celles de l'or) se sont mises en place de manière frauduleuse, bravant l'autorité. Pendant cette période, la filière artisanale servait le commerce informel qui s'est développé par des canaux mis en place avec les opérateurs économiques installées dans les pays voisins. Ce commerce comportait des risques énormes et était très réprimé.

L'extraction artisanale au Kivu a commencé officiellement au moment où elle a fait l'objet d'une réglementation, c'est-à-dire légalisée par l'Ordonnance-loi n° 82/039 du 05/11/1982. En ce qui concerne le Kivu, son champ d'application concernait surtout l'or et la cassitérite (à cette époque là on ne parlait pas encore de coltan) qu'il devenait désormais possible de vendre à des comptoirs agréés.58(*)

L'article 32 de cette Ordonnance-loi interdisait certes aux creuseurs artisanaux d'opérer dans les concessions couvertes par des titres miniers exclusifs, mais plusieurs de ces concessions n'étaient déjà plus exploitées par leurs titulaires. Ce flou, ajouté à la déliquescence de l'administration publique et des forces de l'ordre, conduisit rapidement à l'extension de l'activité artisanale.

A cela il faut ajouter aussi l'effondrement de l'exploitation minière de type industriel avec notamment la liquidation de la SOMINKI en 1996 qui assurait l'exploitation des minerais sur toute l'étendue des deux provinces du Kivu. Elle possédait au fait à l'origine la plupart des concessions minières de l'Est du Congo. Les mines d'or constituaient l'essentiel de ses activités, le reste étant consacré à l'exploitation de l'étain (la cassitérite étant le minerai duquel l'étain est extrait et avec lequel les dépôts de coltan sont généralement trouvés).

Pendant vingt ans cette société a été le pivot de l'économie du Kivu. La chute des cours mondiaux d'étain en 1985 et 1988 ont sérieusement entamé cette entreprise qui finira par être liquidée en mars 1996, signant en même temps la fin de l'exploitation industrielle des minerais dans ces régions. La guerre de l'AFDL et les suivantes n'ont fait qu'instaurer l'exploitation artisanale comme modèle type de l'activité économique de la région ; modèle qui fournissait dès un certain moment l'essentiel du budget de la rébellion.59(*)

Cette exploitation est faite par des particuliers soit dans leurs propres champs, soit dans des portions de terre louées ou achetées.

Avant de clore cette section, il sied d'avoir une idée sur la façon dont fonctionne cette filière artisanale afin d'être à mesure de comprendre le poids de charges financières nécessitées par chaque niveau et donc celui du coût final, élément de base qui détermine le comportement des opérateurs économiques vis-à-vis des pouvoirs publics c'est-à-dire face aux réglementations et normes officielles requises.

Au fait, les filières coltan et cassitérite drainent un grand nombre d'acteurs ou d'intervenants dont les relations de pouvoir et les forces différent considérablement selon qu'il s'agit de la filière industrielle, où s'affrontent des sociétés multinationales, ou de la filière artisanale devenue l'une des principales sources de revenus de la majorité des populations proches des sites d'exploitation minière.

Bien que le nouveau code minier reconnaisse trois principaux intervenants dans l'exploitation minière artisanale ; à savoir, les exploitants artisanaux, les négociants et les comptoirs d'achat des minerais ; les centres miniers regroupent une panoplie d'autres acteurs60(*)selon les différentes étapes de l'exploitation.

a) La prospection.

Le prospecteur-creuseur est un villageois, souvent un ancien mineur, et il s'avère être le chef d'orchestre du processus d'extraction du minerai. Véritable homme d'affaires, il s'occupe d'abord d'explorer divers sites afin de dénicher les endroits les plus profitables pour aller négocier ensuite une entente de concession temporaire avec le propriétaire du terrain moyennant paiement d'une certaine somme. Une fois l'accord conclu, le prospecteur va recruter son équipe de creuseurs et deviendra chef d'équipe.61(*)

La plupart de creuseurs sont des gens simples qui vendent leurs services et dépendent le plus souvent du creuseur attitré, c'est-à-dire la personne qui détient la carte d'exploitant et pratique l'exploitation artisanale soit dans son champ soit sur une portion de terre louée. Ces creuseurs vendent une partie de leur production aux négociants sur les sites d'exploitation ou directement aux comptoirs accrédités.

b) Le petit négociant.

Le petit négociant est établi au village. Il représente le premier point de chute du coltan ou de la cassitérite et c'est lui qui traite avec les chefs d'équipe.

La profession de négociant est ouverte aux seules personnes physiques de nationalité congolaise. Son exercice est conditionné par l'obtention d'une carte de négociant délivré par le Gouverneur de province.

Les petits négociants sont limités par l'insuffisance de leurs ressources financières, et leurs transactions avec les creuseurs ne portent généralement que sur des faibles quantités de cassitérite ou de coltan.

c) Le négociant principal.

Le négociant principal est le deuxième point de chute du minerai. Il dispose de plus de ressources financières que le petit négociant et est mieux informé des évolutions des prix pratiqués par les comptoirs d'achat.

Il a la responsabilité de s'assurer de la qualité des minerais avant leur acheminement vers les comptoirs. Il dispose de ce fait du matériel pour ce faire ; matériel dont ne peut disposer le petit négociant.

d) Les agences de transport aérien.

Elles jouent un rôle très important dans les filières minières en raison de l'enclavement de la plupart des sites miniers et d'importantes quantités à transporter. Elles font le relais entre les négociants et les comptoirs et, par moment, se chargent aussi des fonctions de négociant.

e) Le comptoir d'achat.

Les comptoirs agréés sont autorisés à effectuer les opérations d'achat, de vente et d'exportation des substances minérales d'exploitation artisanale. Ils sont situés généralement dans les villes et représentent le troisième et dernier point de chute du coltan et de la cassitérite avant l'exportation.

Ils disposent de bons contacts à l'étranger leur permettant d'être bien informés des cours sur le marché mondial, ce qui est manifestement utile pour négocier le prix d'achat. Ils disposent de même d'équipements modernes et plus performants que ceux des négociants pour analyser les échantillons de minerais et faire subir auxdits minerais certains traitements pour améliorer leur pureté.

Au delà de ces cinq principaux acteurs internes, la filière inclut aussi d'autres intervenants au niveau international dont les courtiers, les transporteurs internationaux et les acheteurs internationaux.

Au niveau interne il y a également d'autres intervenants et, non des moindres. S'ils n'interviennent pas dans la production, ils en assurent toutefois le déroulement ou plutôt le fonctionnement. Il s'agit d'opérateurs publics, ceux qui détiennent les pouvoirs divers pour mettre en oeuvre à la fois, le processus de production et les circuits de commercialisation tant en interne qu'à l'exportation.

L'action des intervenants publics est de toute importance étant donné son impact sur le système tout entier. Elle est influente sur le comportement des opérateurs économiques et donc sur la rentabilité du secteur par rapport aux finances publiques.

Notons enfin que la compréhension du fonctionnement des filières coltan et cassitérite permet de mettre en évidence trois principales phases d'activité : la production (creuseurs), la commercialisation intérieure (du petit négociant au comptoir d'achat) et l'exportation (comptoir d'achat).

II.2 La législation minière en République Démocratique du Congo.

Nous tenons, dans cette partie, à évoquer - dans un premier temps - l'évolution de la fiscalité minière de la République Démocratique du Congo avant de considérer les textes en vigueur dont essentiellement ceux en rapport avec l'exploitation artisanale de minerais. Nous notons de prime abord que l'application ou la non application correcte de cette loi peut être une des causes des dysfonctionnements observés dans le secteur minier en général, et la filière artisanale en particulier.

II.2.1 Evolution de la fiscalité minière de la RDC, des origines à nos jours.

Nous avons noté que pour exploiter son immense territoire, le Roi Léopold II s'était appuyé sur l'initiative privée pour réaliser des investissements colossaux qui étaient planifiés pour la mise en valeur d'immenses ressources minières.

Il a ainsi octroyé des concessions aux Groupes privés qui devaient, en contrepartie, payer les impôts à l'Etat Indépendant du Congo et aussi rétribuer les participations de l'Etat par des dividendes.

Nous avons noté de même que l'exploitation minière était le pivot de l'économie coloniale. Avec les impôts, taxes et redevances perçus, l'Etat pouvait ainsi étendre ses participations dans d'autres branches économiques, au départ des concessions d'exploitation des mines.

Aussi, fallait-il créer un cadre susceptible de réunir toutes les données relatives aux mines en guise de décisions pouvant traduire l'expression d'une unité de production en vue d'une continuité de directives. Il fallait donc un cadre juridique approprié sur l'exploitation minière mais également pour l'administration de cette exploitation de ressources minières, c'est-à-dire légiférer et créer un service (ou des services publics) chargé du contrôle, du suivi et de l'application de ces règles législatives et réglementaires en la matière.

Dans l'exposé des motifs de la Loi 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, il est repris ce qui suit :

« depuis l'Etat Indépendant du Congo, les ressources naturelles, particulièrement les substances minérales précieuses, n'ont cessé d'attirer des chercheurs et des investisseurs miniers de différents horizons. Ce qui avait amené le Congo Belge à légiférer sur la recherche et l'exploitation des substances minérales dans le Territoire national. En effet, par Décret du 16 décembre 1910 modifié et complété par le Décret du 16 avril 1919, le Gouvernement du Congo Belge avait réglementé la recherche et l'exploitation minières uniquement dans le Katanga ».62(*)

Cette législation a été plus tard abrogée et remplacée par le Décret du 24 septembre 1937 pour l'ensemble du territoire national. Ce décret est resté en vigueur jusqu'en 1967, année de la promulgation de la première législation minière du Congo indépendant par l'Ordonnance-Loi n° 67/231 du 03 mai 1967 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures. Pour l'application de cette Ordonnance-Loi, une ordonnance a été prise portant le n° 67-416 du 23 septembre 1967, relative au règlement minier.

L'Ordonnance-loi de 1967 a été à son tour abrogée par l'Ordonnance-Loi n° 81-013 du 02 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures. Bien d'autres textes ont suivi cette ordonnance loi soit pour modifier certaines dispositions soit pour mettre en place des mesures d'application. Il faut signaler dans ce sens l'ordonnance de 1982 autorisant l'exploitation artisanale de minerais ; de même que plusieurs textes réglementaires dont ceux concernant le régime fiscal et douanier destiné à l'exploitation minière.

L'abrogation de l'O-L de 1967 n'avait pas apporté de grandes innovations de sorte que la dernière loi de 1981 ne s'était point écartée de celle de 1967 dans ses grandes lignes. C'est cette loi de 1981 qui est donc restée en vigueur jusqu'en 1996, à l'avènement de l'AFDL.

Les dispositions de la loi de 1981 ont été abrogées par celles de la loi de 2002 portant Code minier qui restent en vigueur jusqu'à ce jour.

Il y a lieu de remarquer aussi qu'en marge du Décret de 1937 et sur le plan des structures de gestion, le Gouverneur de la colonie signa l'ordonnance n° 412/A.E du 26 octobre 1940 portant Inspection des mines et édictant en son article premier que « sont chargés de l'inspection des mines, les ingénieurs relevant des services de Affaires Economiques du gouvernement central, des provinces et du service du Conseiller Technique Minier. »

Par la publication de l'arrêté Royal du 1er juillet 1947 portant organisation administrative de la colonie, il a été créé à la quatrième Direction des Affaires Economiques, Terres, Mines et Géologie, une Direction des Mines avec un bureau régional à Constermansville (actuelle Bukavu) à la tête duquel fut placé un Ingénieur Inspecteur Chef de bureau.

En application de cet Arrêté Royal, le Gouverneur Général prendra l'Ordonnance n° 299/Mines du 02 octobre 1947 portant Inspection des Mines qui stipulait en son article premier que : `sont chargés de l'Inspection des Mines, telle qu'elle est prévue par l'article 145 du Décret du 24 septembre 1937 relatif à la législation générale sur les mines, les Inspecteurs du Service des Mines du Gouverneur Général `.

C'est à partir de cet arrêté royal et de son ordonnance d'exécution qu'on parlera d'une Direction des Mines et d'un Bureau Régional des Mines ayant en charge l'inspection minière. Le besoin technique apparaissait être une des raisons de la nécessité de création d'un service chargé uniquement de l'inspection des mines.

Par ailleurs, l'Ordonnance n° 221/SG du 1er juillet 1947 portant organisation administrative de la colonie définit de façon explicite les attributions du service de l'Inspection des Mines que nous résumons comme suit :

- Inspection des travaux de recherche et d'exploitation aussi bien pour la partie économique que pour la partie technique ;

- Contrôle des registres miniers tenus par l'exploitant sur les chantiers ;

- Inspection des carrières et des usines de traitement de minerais au double point de vue économique et technique ;

- Examen des réserves minières et tenue des statistiques de production de mines, des carrières et des usines de traitement de minerais ;

- Délivrance d'autorisation de disposer des produits de recherche ;

- Avis à l'occasion de la procédure en délivrance d'une concession minière, d'un permis de recherche ou d'exploitation minière.63(*)

II.2.2 La loi minière de 2002.

1) Aperçu

Jusqu'en 1996, les activités minières étaient régies par la loi n° 81-013 du 02 avril 1981 ainsi que les différentes autres dispositions réglementaires relatives à son application. Avec l'avènement de l'AFDL et les autres rébellions, le pays a été divisé en plusieurs « Etats » dont les minerais constituaient un des grands motifs d'existence. Ainsi, chaque faction rebelle a édicté ses propres textes en matière d'exploitation minière. Et chaque faction a mis en place son propre cadre juridique pour s'assurer des ressources nécessaires à son fonctionnement.

Il se fait donc qu'au moment de la `réunification' du pays - conséquence du dialogue inter-congolais - il fallait « réunifier » aussi les différents textes en rapport avec l'exploitation minière car les opérateurs étaient soumis à des textes disparates avec des dispositions tout à fait différentes.

On notera de même qu'un des objectifs poursuivis en aménageant la législation minière a toujours été l'attrait des investissements. Aussi, « il ressort de l'analyse objective de toutes les données bilantaires des activités minières disponibles à ce jour, que les législations promulguées après l'indépendance de la République Démocratique du Congo ; c'est-à-dire depuis 1967, n'avaient pas attiré les investissements, mais qu'elles avaient plutôt eu un impact négatif sur la production minière du pays et sur les finances publiques. Et que les régimes minier, fiscal, douanier et de change qu'elles organisaient n'étaient pas incitatifs.

A quelques exceptions près, les études statistiques ont démontré que les volumes d'investissements et de la production minière ont été plus importants dans la période allant de 1937 à 1966 comparativement à celle de 1967 à 1996, période régie par la loi minière de 1981. Il se dégage de ces données que 48 sociétés minières ont été opérationnelles pendant la période de 1937 à 1966 contre 38 seulement entre 1967 et 1997 et, 7 dans la période d'après 1997.

Pour pallier cette insuffisance, le législateur a tenu à mettre sur pied une nouvelle législation incitative avec des procédures d'octroi des droits miniers ou de carrières objectives, rapides et transparentes dans laquelle sont organisés des régimes fiscal, douanier et de change ».64(*)

C'est cela qui a constitué la raison d'être de la loi de 2002 portant Code Minier.

Toutefois, si c'est la raison majeure, officielle et facilement défendable, il faut reconnaitre que cette loi se devait d'abord de remettre la gestion du secteur minier de la RDC sous une même et seule cape, sous une même administration. Ses dispositions devaient s'appliquer à tous et sur toute l'étendue du territoire en mettant ainsi fin aux pratiques et dispositions issues du délabrement et de la gouvernance éparse du pays depuis plusieurs années.

Ensuite, la loi de 2002 intervient au moment où la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International sont entrain de mettre en place avec le gouvernement congolais une mouture du programme économique du gouvernement. Ces institutions devaient se rassurer sur les moyens disponibles pour le Congo avant de s'engager dans ses programmes. Or, la gestion des minerais est la filière la plus importante de la RDC et son exploitation est le gage pour les occidentaux acceptant « d'assister » le pays dans le financement de son action.

Ainsi, la loi minière de 2002 apparait plutôt comme une émanation des institutions de Bretton Woods pour garantir leurs interventions qu'une volonté du législateur congolais de pallier aux insuffisances de celle de 1981.

2) Quelques caractéristiques du code minier de 2002

Le champ d'application du code minier porte sur la prospection, la recherche, l'exploitation, la transformation, le transport et la commercialisation des substances minérales classées en mines ou en produits de carrières ainsi que sur l'exploitation artisanale des substances minérales et à la commercialisation de celles-ci.

Signalons en passant que contrairement aux dispositions antérieures, la Loi portant Code minier ne traite pas des hydrocarbures.

Le code reconnait à l'Etat la propriété sur les substances minérales contenues dans les gîtes minéraux du sol et du sous-sol de son espace territorial ; il a le mérite de réaffirmer le principe que les droits découlant de la concession minière sont distincts de ceux des concessions foncières de sorte qu'un concessionnaire foncier ne peut se prévaloir de son titre pour revendiquer un droit de propriété sur les substances minérales contenues dans le sous-sol. Par ailleurs, le nouveau code procède à un classement des gîtes minéraux en mines et en carrières.

Le nouveau code détermine les organes qui interviennent dans l'administration ou l'application de ses dispositions dont, le Chef de l'Etat, le Ministre des Mines, le Gouverneur de Province, le Chef de Division provinciale des mines, la Direction des mines, la Direction de géologie, le Cadastre minier et le service de protection de l'environnement minier.

On notera également que ce code a institué, à côté de l'exploitation minière industrielle, une exploitation minière à petite échelle ou de petite taille qui diffère de la première citée en raison de la valeur économique du gisement et de la taille des installations d'exploitation. Le code confirme de même l'exploitation minière artisanale.

Contrairement à cette dernière, l'exploitation à petite échelle nécessite la mise en évidence préalable d'un gisement et l'emploi non seulement des procédés semi-industriels mais aussi industriels.

Avec l'Ordonnance - loi de 1981, le secteur minier avait des catégories d'opérateurs qui étaient soumis au régime fiscal et douanier de droit commun (avec possibilité d'obtenir des avantages en la matière par le biais du Code des investissements),  et d'autres qui bénéficiaient du régime conventionnel et qui avaient la possibilité d'obtenir des avantages fiscaux plus étendus.

« Dans son ensemble, le système fiscal en vigueur sous l'ordonnance-loi de 1981 affectait négativement la rentabilité et la croissance des investissements miniers. La fiscalité étant pour les entreprises minières un des facteurs déterminants de la décision d'investir leurs capitaux dans un pays donné, le code introduit une innovation( !) en mettant en place un régime fiscal et douanier unique applicable à tous les opérateurs du secteur minier industriel et tous les exploitants miniers à petite échelle, sans aucune exception de la nature ou durée du titre minier »(code minier, Titre IX).

Outre qu'il est unique et applicable à tous, le régime fiscal et douanier prévu dans le présent code introduit les innovations ci-après (Titre IX, chapitre 1er):

- le caractère exhaustif du régime fiscal et douanier.

L'actuelle loi a l'avantage d'énumérer et de régir tous les impôts perçus par la DGI ; tous les droits perçus par l'Administration des douanes, et un autre droit dont la régie de perception sera précisée dans le règlement minier, en l'occurrence la redevance minière.

- le caractère exclusif du régime fiscal et douanier.

Seuls les impôts et droits de douane prévus dans la présente loi s'applique au titulaire des titres miniers à l'exception de toutes autres formes d'imposition présentes et à venir prévues dans d'autres textes législatifs ou réglementaires.

Il importe de préciser que le régime fiscal et douanier de l'exploitation artisanale qui est renvoyé à une législation particulière ne constitue guère une exception à cette règle.

-l'extension légale des avantages fiscaux et douaniers aux sous-traitants et aux sociétés affiliées du titulaire des titres miniers ainsi qu'à l'amodiataire des droits miniers (avantages non reconnus - sauf convention minière ou bénéfice du code des investissements - par l'ancienne législation).

- l'assurance de la stabilité du régime fiscal et douanier.

Les dispositions fiscales du droit commun s'appliquent aux titulaires de droits miniers suivant les taux et les modalités ayant existé au jour de l'entrée en vigueur du Code.

Il va donc sans dire qu'aucun texte législatif que le Code ne peut modifier les dispositions fiscales prévues dans le présent Code.

De ce fait, le Code minier en son titre IX prévoit les impôts et autres droits ci-après pour le titulaire du titre minier :

- impôt professionnel sur les bénéfices : 30% (art 247) ;

- impôt sur les dividendes et autres distributions versés par le titulaire à ses actionnaires : 10% (art 246) ;

- impôt sur les revenus locatifs : 22% (art 245) ;

- impôt sur les véhicules conformément au droit commun (art 237) ;

- impôt sur la superficie des concessions minières et d'hydrocarbures aux taux fixés selon qu'il s'agit d'un détenteur de Permis de recherches ou d'un titulaire d'un droit minier d'exploitation (art 238) ;

- impôt sur le chiffre d'affaires : 3 ou 5% du service intérieur des produits* ;

- impôt professionnel sur la rémunération des expatriés : 10% (art 260) ;

- de la Redevance minière (art 240 et svts) ;

- impôt foncier conformément au droit commun (sur les immeubles pour lesquels l'impôt sur la superficie des concessions minières et d'hydrocarbures n'est pas dû) ;

- droits d'accises et de consommation conformément au droit commun (sauf pour les huiles minérales) ;

- droits de douane à l'importation : 3 à 5% (art 232)

- redevances pour services rendus à l'exportation : ne doivent pas excéder 1% de la valeur à l'exportation.

En dehors de la loi de 2002, le décret n° 038/2003 du 26 mars 2003 portant règlement minier a été édicté afin de mettre en place des dispositions adéquates pour l'application du Code.

En son Titre 1er, chapitre 1er et article 1er, il est stipulé que le décret fixe les modalités et conditions d'application de la loi n° 007/2002 du 11/07/2002.

Il réglemente en outre les matières connexes non expressément prévues, définies ou réglées par les dispositions de la Loi. Ce décret reprend également un code de bonne conduite à l'endroit des opérateurs du secteur minier et par catégorie.

3) Législation applicable à l'exploitation artisanale.

Le code minier de 2002, à l'instar de l'ordonnance-loi n° 81-013 du 02/04/1981, organise les critères d'institution d'une zone ou des zones d'exploitation artisanale de minerais.

En matière fiscale, il faut remarquer que l'exploitation artisanale est régie par des dispositions particulières étant donné que les acteurs de ce secteur ne sont pas titulaires de droits ou de titres miniers, selon qu'il est explicitement stipulé au Chapitre IV du Titre IX : « la fiscalité des exploitants artisanaux, des négociants et des comptoirs d'achat agréés et de vente des substances minérales d'exploitation artisanale, est organisée par des textes particuliers ».

Il faudrait de prime abord donc avoir à l'esprit que l'exploitation artisanale en soit n'est ni une activité informelle ni illégale. Elle est régie par la loi qui la définit et en fixe le mode opératoire.

Selon le code minier, l'exploitation minière artisanale est définie comme « toute activité par laquelle une personne de nationalité congolaise se livre, dans une zone d'exploitation délimitée en surface et en profondeur jusqu'à trente mètres au maximum, à extraire et à concentrer des substances minérales en utilisant des outils, des méthodes et des procédés non industriels ».65(*)

Nous reprenons de ce fait dans les lignes qui suivent, un énoncé des différentes dispositions qui concernent cette activité aussi bien dans le Code que dans le Règlement minier en nous attardant sur les textes en rapport avec la fiscalité.

a) L'exploitation minière artisanale dans le code minier de la RDC de 2002.

Outre les articles 5, 10, 11, 14, 26, 27 qui donnent des généralités sur l'exploitation artisanale de minerais, le Code a réservé tout un Titre consacré expressément à l'exploitation artisanale des mines ; soit, de l'article 109 à l'article 128.

L'article 261 du Titre IX, chapitre III traitant de la fiscalité mentionne que le régime fiscal et douanier applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants et aux comptoirs d'achat agréés est régi par voie réglementaire conformément aux modalités fixées par le Règlement minier.

C'est donc dans le Règlement minier qu'il faut chercher pour trouver les dispositions particulières concernant l'exploitation artisanale.

b) L'exploitation minière artisanale dans le Règlement minier de la RDC de 2003.

En dehors des articles sur des généralités qui reviennent sur certaines conditions pour l'exploitation minière artisanale (articles 3, 4, ...), le Règlement minier revient sur cette activité exclusivement en ses Titres IX et X dans les articles 224 à 268 qui donnent tous les détails sur l'exploitation minière artisanale.

Le Règlement a consacré son Titre XX à la fiscalité c'est-à-dire les régimes fiscal, douanier et de change. Le chapitre IV de ce titre est consacré aux mesures d'application du régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'artisanat minier en ses articles 537 et 538.

De même, les annexes V et VI du Règlement minier renseignent sur le Code de bonne conduite de l'exploitant artisanal (12 articles) et le modèle de déclaration que doit souscrire l'exploitant artisanal.

Il ressort de tout ce qui est évoqué ci-dessus que l'exploitation artisanale est bel et bien régie par la législation de la RDC ; des droits, taxes et redevances sont bien définis ainsi que les prérogatives des intervenants.

Notons qu'en plus d'intervenants énumérés dans le Code minier dont le Ministre des Mines (qui institue les zones d'exploitation artisanale ; accorde et retire l'agrément des comptoirs d'achat des produits de l'exploitation artisanale et délivre les autorisations de traitement des produits d'exploitation artisanale), l'autorité provinciale des Mines (délivre les cartes d'exploitant artisanal), le Cadastre minier (enregistre les zones d'exploitation ; s'assure de la non violation ou du non empiètement des zones d'exploitation artisanale par les détenteurs des titres miniers), la Direction de Géologie (ouvre et ferme les zones d'exploitation minière artisanale), la Direction des mines (s'occupe des statistiques, du contrôle et de l'inspection de l'exploitation), et le Département chargé de la protection de l'environnement minier (qui définit et met en oeuvre les règlements miniers concernant la protection de l'environnement en conformité avec les règles qui régissent les exploitants artisanaux) ; l'article 14 des Règlements miniers identifie d'autres services techniques du Ministère des Mines qui ont des responsabilités précises dans le secteur de l'exploitation minière artisanale.  Il s'agit de :

- le Service d'assistance et d'encadrement des exploitations minières à petite échelle (SAESSCAM), créé en 2003, est l'autorité gouvernementale chargée d'organiser et de superviser le secteur de l'exploitation minière artisanale. Une de ses missions est de « veiller à ce que les taxes appropriées provenant de l'exploitation artisanale soient perçues pour le compte de l'Etat ».

- la Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière (CTCPM), créée en 1978, a pour mission de jouer un rôle capital dans la coordination de tous les divers ministères et organisations impliqués dans la recherche, l'exploitation, la production, le traitement, le transport et la commercialisation des produits miniers (mise au point et adaptation des nouvelles techniques pour améliorer l'exploitation artisanale, collecter toutes les statistiques sur la production artisanale, collecter et publier les textes légaux et règlementaires qui sont émis au sujet de l'exploitation artisanale).

- le Centre d'Evaluation, d'Expertise et de Certification (CEEC) pour les minerais précieux et semi-précieux. Créé en 2003, il s'agit d'une autorité gouvernementale chargée de la certification des minerais. Etant donné que la plupart de minerais que le CEEC évalue et certifie provient des mines artisanales, il a un rôle important à jouer dans la production et le commerce des minerais d'exploitation artisanale.

Des dispositions particulières à tous ces agents et services s'appliquent donc à l'exploitation minière artisanale et à chaque intervention de l'un ou l'autre; il y a des droits, taxes ou redevances à percevoir.

Enfin, il faut tout simplement noter que le cadre juridique pour l'exploitation minière artisanale au Nord et au Sud Kivu existe, au moins formellement.

Mais, malgré l'institution du cadre juridique dans le domaine de minerais du fait de l'existence du Code minier, l'application de ces textes et le suivi souffrent d'un déficit coupable.

CHAPITRE III : LA TAXATION DE L'EXPLOITATION MINIERE ARTISANALE

Dans les pages précédentes, nous avons noté que le Code minier prévoit que le régime fiscal applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants et aux comptoirs agréés est régi par voie réglementaire conformément aux modalités fixées par le Règlement minier.66(*)

De ce fait, nous essayons dans les lignes qui suivent de revenir sur les prescrits du Règlement minier de la République Démocratique du Congo afin de bien appréhender les dispositions ayant trait aux différentes taxations mises en place en la matière, d'en évaluer la portée avant de considérer les autres pratiques à la base de taxations diverses dans le secteur ; pratiques qui ont une influence directe sur le comportement de différents acteurs.

III.1 Taxation selon la loi minière congolaise.

Ce sont les articles 537 et 538 du Règlement minier qui traitent des dispositions fiscales destinées aux exploitations artisanales. Ils stipulent, notamment :

Article 537 : du régime fiscal et douanier applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants et aux comptoirs agréés.

Sous réserve des dispositions de l'article 538 ci-dessous, le régime douanier, fiscal et parafiscal applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants ainsi qu'aux comptoirs agréés porte sur les contributions, impôts, taxes et redevances suivants :

III.1.1 Pour les exploitants artisanaux :

- le droit d'entrée et la CCA (actuelle TVA) à l'importation pour le petit matériel, équipements, liés à l'exploitation artisanale,

- le droit d'entrée pour réactifs,

- la taxe rémunératoire sur la carte d'exploitant artisanal.

III.1.2 Pour les négociants :

- la taxe rémunératoire sur la carte de négociant.

III.1.3 Pour les comptoirs agréés :

- la redevance annuelle anticipative à payer au trésor public, lors de l'agrément du comptoir et du renouvellement de celui-ci ;

- la caution à payer lors de l'agrément ;

- la taxe ad valorem, les droits de sortie, les taxes rémunératoires pour les services intervenants ;

- la taxe d'intérêt commun de 1% sur les transactions d'or et de diamant ;

- les impôts et taxes pour lesquels les comptoirs agréés sont des redevables légaux ;

- la taxe rémunératoire pour le travail d'étranger.

La taxe d'intérêt commun visé au point c, 4ème tiret de l'alinéa 1er du présent article peut être étendue à d'autres substances minérales de production artisanale par voie d'arrêté interministériel des Ministres ayant les Mines et les Finances dans leurs attributions.

Les ministres ayant les mines et les finances dans leurs attributions fixent par voie d'Arrêté Interministériel conjointement le taux, l'assiette et les modalités de perception des droits, taxes et redevances relevant du régime douanier, fiscal et parafiscal applicables à l'exploitation artisanale ainsi que les sanctions applicables en cas de contravention.

En ce qui concerne les comptoirs agréés, l'arrêté interministériel susvisé détermine également :

a) Les valeurs minimales des achats annuels et les quotités trimestrielles d'achat des substances minérales précieuses ;

b) Le montant de la caution à payer lors d'agrément du comptoir ;

c) Le montant de la redevance annuelle anticipative à verser au compte du Trésor, lors de l'agrément et du renouvellement de celui-ci ;

d) Le taux de la taxe ad valorem à payer à chaque exportation ;

e) Le montant de la taxe sur la carte de travail d'étranger ;

f) Les modalités de la caution et de la perception des redevances et taxes visées.

Article 538 : du régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'exploitation artisanale.

Le régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'exploitation artisanale ne soustrait pas les exploitants artisanaux, les négociants et les comptoirs agréés de leurs obligations douanières, fiscales et parafiscales et du paiement des autres contributions, impôts, droits, taxes et redevances prévus par la législation douanière, fiscale et parafiscale.

On peut toutefois lire sur le portail de la Direction Générale des impôts ( www.dgi.gouv.cd) sur la page consacrée à la présentation de la fiscalité minière ce qui suit : « il existe encore un vide juridique au sujet des textes réglementaires appelés à régir le régime fiscal de cette catégorie d'exploitants. C'est en définitive les dispositions du droit commun en matière des Petites et Moyennes Entreprises telles que définies par le Code des Impôts qui sont d'application en vertu de l'article 538 du Règlement minier ».

Pour mettre en application les prescrits ci-dessus de la loi minière et comme annoncés par celle-ci, des arrêtés interministériels successifs qui suivent ont été pris:

1) Arrêté Interministériel n°017/CAB/MIN/2005 et n° 205/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 12/08/2005 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Cet arrêté qui énumère les droits, taxes et redevances dus par les exploitations artisanales reprend pourtant à son article 2 que lesdits droits concernent le titulaire des droits miniers et celui des droits de carrière. Or, les exploitants artisanaux, les négociants et les comptoirs agréés ne sont ni l'un ni l'autre si on considère les définitions des termes énoncés par le code minier.

2) Arrêté Interministériel n° 3154/CAB.MIN/MINES/01/2007 et n° 031/CAB.MIN/FINANCES/2007 du 08 août 2007 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Cet arrêté qui abroge les dispositions de celui de 12 août 2005 a été pris en considérant la nécessité de maximiser les recettes de l'Etat en vue de contribuer à la réalisation des objectifs du gouvernement matérialisés par la loi budgétaire de 2007.

Ainsi, cet arrêté introduit des nouveaux droits et procède à l'augmentation de taux des diverses perceptions.

Il a été modifié par celui n° 0003/CAB/MIN.MINES/01/2007 et n° 006/CAB/MIN/FINANCES/2007 du 09/01/2008 qui y a rajouté des droits supplémentaires (Taxe d'extraction des matériaux de construction) sans changer les droits déjà déterminés.

3) Arrêté Interministériel n° 0495/CAB.MIN/MINES/01/2008 et n° 195/CAB/MIN/FINANCES/2008 du 22 août 2008 fixant les performances, le régime douanier, fiscal et parafiscal applicable aux exploitants artisanaux, négociants, comptoirs d'achats des substances minérales de production artisanale et entités de traitement ou de transformation.

Par son intitulé déjà, puis par son contenu, cet arrêté de 2008 est le premier à avoir le mérite de se conformer (jusqu'à un certain niveau) aux prescrits du Règlement minier en reprenant les éléments relatifs au régime douanier, fiscal et parafiscal ainsi que les performances en rapport avec l'activité artisanale des substances minérales.

L'arrêté confirme les taux des droits, taxes et redevances repris dans l'arrêté du 09/08/2007 qu'il ne fait que revoir (art. 3).

Il énumère les obligations douanières, fiscales et parafiscales en charge des exploitants artisanaux, des négociants, des comptoirs agréés et des entités de traitement ou de transformation des substances minérales de production artisanale (art.2) autant qu'il fixe les performances exigées aux opérateurs dudit secteur.

Au terme de cet arrêté, la redevance annuelle anticipative payée lors de l'agrément de comptoirs devient un acompte sur l'impôt sur les bénéfices et profits car elle devient déductible de la base imposable lorsque le comptoir est installé en République Démocratique du Congo en tant que société de droit national ou entreprise individuelle.

Cet arrêté fixe en outre les quotités de la taxe rémunératoire de 1% revenant aux services intervenants tel que fixé en vertu de l'article 537 du Règlement minier autant qu'il abroge explicitement les dispositions fixant le régime de taxation unique des activités d'exploitation artisanale des substances minérales (art. 10 et 11).

4) Arrêté Interministériel n° 0533/CAB.MIN/MINES/01/2008 et n° 275/CAB.MIN/FINANCES/2008 du 02 décembre 2008 modifiant et complétant l'arrêté interministériel 0495/CAB.MIN/MINES/01/2008 et n° 195/CAB/MIN/FINANCES/2008 du 22/08/2008.

La prise de cet arrêté est une réponse à la crise financière internationale et son incidence sur l'économie nationale en général et le secteur minier en particulier.

A l'occasion de cette modification, certains taux des droits, taxes et redevances ont été revus à la baisse dont ; notamment, les droits de sortie (passés de 3 à 1%).

5) Arrêté Interministériel n° 0249/CAB.MIN/MINES/01/2010 et n° 042/CAB/MIN/FINANCES/2010 du 05 octobre 2010 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Il reconfirme les dispositions de l'arrêté du 09 août 2007 et, revient aux tarifs des taxations d'avant la crise financière internationale.

6) Arrêté Interministériel n° 0458/CAB.MIN/MINES/01/2011 et n° 304/CAB.MIN/FINANCES/2011 du 14 novembre 2011 modifiant et complétant l'arrêté interministériel n°0249/CAB.MIN/MINES/01/2010 et n° 042/CAB.MIN/FINANCES/2010 du 05/05/2010 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Cet arrêté a été pris pour revoir à la baisse le taux de la carte d'exploitant artisanal et du négociant en vue de faciliter l'exercice de leur activité. Il vise de même la prise en compte des droits et redevances concernant les coopératives minières ainsi que l'exploitation et la commercialisation des pierres de couleur de production artisanale.

7) Arrêté Interministériel n° 0459/CAB.MIN/MINES/01/2011 et n° 295/CAB.MIN/FINANCES/2011 du 14/11/2011 fixant les taux, l'assiette et les modalités de perception des droits, taxes et redevances relevant du régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'exploitation artisanale des substances minérales ainsi que les performances minérales des comptoirs agréés.

Cet arrêté est la réplique de celui du 22 août 2008. Il reprend les impôts, droits, taxes et redevances tel que repris ci-dessous.

Il nous revient de constater, après avoir considéré ces différents textes, que le secteur de la production artisanale des minerais est réellement régi par des dispositions spécifiques.

Ainsi, pour ce qui est du régime fiscal et douanier, nous notons les impôts et autres droits ci-après tels que stipulés par les arrêtés interministériels du 22/08/2008 et du 14/11/2011 (en leurs articles 2è).

Il s'agit de :

- Les impôts réels : impôt foncier, impôt sur les véhicules et la taxe spéciale de

circulation routière.

- Les impôts sur les revenus :

+impôt professionnel sur les rémunérations

+impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés

+impôt cédulaire sur les revenus locatifs

+impôt mobilier

+impôt professionnel sur les bénéfices.

- Les droits et taxes à l'importation et à l'exportation.

Pour ce qui est de la parafiscalité, les autres droits, taxes et redevances dus par les exploitants, les négociants et les comptoirs agréés, sont repris en partie dans le tableau ci-dessous :

Tableau n° 3 : Quelques impôts, taxes, redevances et droits dus pour l'exploitation artisanale du coltan et de la cassitérite.

Catégorie de prélèvements

I

Arrêté du 12/08/2005

2

Arrêté du 08/08/ 2007

3

Arrêté du 22/08/ 2008

4

Arrêté du 02/12/2008

5

Arrêté du 05/05/ 2010

6

Arrêté du 14/11/2011

7

Arrêté du 14/11/ 2011

A. Droits et redevances

1) Carte d'exploitation artisanale

Cassitérite

Coltan

2) Carte de négociant

Cassitérite

Coltan

3) Comptoirs

a) Redevance annuelle

Cassitérite

Coltan

b) Caution

Cassitérite

Coltan

c) Agrément d'acheteurs

Cassitérite

Coltan

B. Taxe rémunératoire.

Cassitérite

Coltan

C.Taxe d'intérêt commun (ETD)

Cassitérite

Coltan

B. Droits et taxes à

l'exportation.

Cassitérite

Coltan

C. Autorisation

d'exportation

- produits miniers

- matières minérales à l'état brut

D. Redevance minière.

- pierres précieuses

E. Autres.

-autorisation d'achat de cassitérite

-autorisation d'achat des substances autres que l'or et le diamant.

-frais de dépôt pour demande d'agrément de l'acheteur des comptoirs des substances autres que l'or et le diamant (cassitérite, coltan, wolframite, ...)

-frais de dépôt lors de la demande d'agrément ou de renouvellement des comptoirs des substances minérales

20 FF

20 FF

300 FF

300 FF

6000 FF

-

3000 FF

-

-

-

-

-

-

-

-

-

50 FF

500 FF

4% de la valeur du produit marchand.

300 FF

800 FF.

25 USD

25 USD

500 USD

500 USD

6000 $

20000 $

3000 $

10000 $

-

-

1%

1%

-

-

-

-

150$

-

4%

100 $

200 $

25 USD

25 USD

500 USD

500 USD

6000 $

20000 $

3000 $

10000 $

500 $

500 $

1%

1%

1%

1%

3%

3%

-

-

-

25 USD

25 USD

-

-

5000 $

5000 $

1000 $

-

250 $

250 $

1,25%

1,25%

1%

1%

1%

1%

-

-

-

25 USD

25 USD

500 USD

500 USD

6000 $

20000 $

3000 $

10000 $

500 $

500 $

-

-

1%

1%

-

-

150 $

-

4%

100 $

200 $

5 USD

5 USD

250 $

250 $

6000$ 20000$

3000$

10000$

-

-

-

-

1%

1%

1%

1%

-

-

-

100 $

5 USD

5 USD

250 USD

250 USD

6000 $

20000$

3000 $

10000$

500 $

500 $

1%

1%

1%

1%

1%

1%

-

-

-

Source : compilation des données en annexe aux 7 arrêtés interministériels cités ci-haut

La loi minière a prévu une taxe rémunératoire pour l'intervention à divers niveaux des services publics autorisés à oeuvrer dans le secteur. Les différents arrêtés en ont fixé le taux et aussi la répartition.

Les quotités retenues sont celles reprises ci-dessous :

v arrêté du 22/08/2008 (pour le coltan et la cassitérite).

Taxe rémunératoire 1% sur la valeur à l'exportation

CEEC 30%

SAESSCAM 5%

CTCPM 5%

OCC 25%

OFIDA 15%

OGEFREM 10%

TRESOR PUBLIC (DGRAD) 10%

v arrêté du 02/12/2008 (pour cassitérite +or et coltan + or).

Taxe rémunératoire 1,25% sur la valeur à l'exportation

Services relevant du Ministère des Mines 24%

OFIDA 5%

CEEC 65%

OCC 2%

TRESOR PUBLIC (DGRAD) 4%

NB : Le CEEC procède à la perception et à la répartition de la taxe destinée aux services intervenants.

v arrêté du 14/11/2011

Taxe rémunératoire 1% sur la valeur à l'exportation

Cassitérite coltan

-Services relevant du Ministère des

Mines - 19%

-DGDA - 14%

-CEEC - 28%

-OCC - 23%

-OGEFREM - 8%

-TRESOR PUBLIC (DGRAD) - 8%

On peut remarquer que les textes ci-haut évoqués n'ont pas répondu exactement aux prescrits de la loi ; notamment, des dispositions de l'article 537 du Règlement minier qui stipule entre autres que l'arrêté interministériel fixe aussi bien le taux que l'assiette et les modalités de perception des droits, taxes et redevances relevant du régime douanier, fiscal et parafiscal applicables à l'exploitation artisanale ...

Aucun arrêté n'a, par exemple, fixé le taux des droits fiscaux confirmant ainsi le vide juridique qui fait que les opérateurs relevant de cette catégorie ne soient régis que par les dispositions de droit commun.

De même, le nombre des droits reconnus pour l'activité semble exorbitant; toutes les taxes n'étant même pas reprises dans le tableau ci-dessus.

III.2 Taxation effective des minerais d'exploitation artisanale au Nord

et au Sud-Kivu.

Il existe un écart considérable entre les dispositions fiscales légales et les pratiques observées ; entre les administrations qui ont la responsabilité d'encadrer l'exploitation et le commerce des produits miniers et celles qui prélèvent des taxes sur ce commerce. Autant il y a d'administrations, autant il y a des taxes.

Selon la réglementation congolaise, les Administrations sont au nombre de 5 tandis que celles qui prélèvent effectivement taxes et redevances varient en fonction de la richesse de l'imagination des fonctionnaires et surtout de la présence physique des administrations là où l'exploitation et le commerce des produits miniers ont cours.

Cinq services sont officiellement commis à l'exportation. Il s'agit de67(*) :

v la DGDA (Ofida), elle perçoit la taxe de sortie à l'exportation de 5% de la valeur des produits à exporter. Elle collecte aussi les droits alloués à l'OGEFREM et au FPI.

v la Division des Mines, qui contrôle les produits miniers à l'exportation et délivre l'autorisation d'exportation. Elle reçoit 45% de la taxe rémunératoire de 1.25% de la valeur à l'exportation.

v l'OCC, a la charge de contrôler la qualité et la quantité des produits et délivre le Certificat de Vérification à l'Exportation (CVE). Il perçoit 1,2% de la valeur de la quantité à l'exportation.

v le CEEC (Centre d'Expertise, d'Evaluation et de Certification), certifie la qualité et surtout l'origine des produits miniers. Il perçoit 55% de la taxe rémunératoire de 1,25%.

v la Division du Commerce extérieur, enregistre les données des produits à l'exportation et à l'importation et est supposée assurer la promotion des exportations sur le marché extérieur. Elle ne perçoit rien.

A côté de ces frais proportionnels, les mêmes services ou certains d'entre eux, exigent également des frais fixes en rapport avec certaines étapes de leurs prestations.

- la Division des mines taxe 50 USD pour délivrer l'autorisation d'exportation ;

- l'OCC facture une redevance de 140 USD par lot au titre de frais d'analyse ;

- le CEEC exige 100 USD par lot pour le certificat d'origine.

- la DGRAD impose 50 USD par conteneur pour la licence d'exportation.

- la DGDA taxe 60 USD par conteneur pour la déclaration à témoin.

Etc.

Cependant, un chapelet d'autres institutions et services s'improvisent aux comptoirs des produits miniers durant le pesage et l'enfûtage et exigent un paiement sans pour autant être couverts par un quelconque texte ; Il s'agit de : DGRAD, Gouvernorat de province, l'ANR, la DGM, la Police des Mines, la DEMIAP et la GR (GSSP)68(*).

L'enfûtage est au fait un moment important dans la chaine d'opérations essentielles sur les minerais à exporter. `C'est une procédure longue et fastidieuse qui consiste à peser des vieux bidons, les remplir jusqu'à ras bord de cassitérite (ou de coltan), sceller leur couvercle, poser un plomb, recalculer leur poids et les charger dans un conteneur, ... tout cela en présence de six ou sept fonctionnaires venus délivrer un certificat d'exportation, percevoir diverses taxes et toucher, au passage, un petit billet.

Cette dernière perspective explique l'extrême assiduité des agents de l'Etat à cette cérémonie. Ils prennent tous quelque chose ; sinon, ils ne se déplacent pas et ça bloque le camion. A chaque mise en fûts, les comptoirs découvrent de nouveaux services, de nouveaux sigles'.69(*)

A ces prélèvements des services à caractère national viennent s'ajouter les taxes et redevances des services et autorités locales comme l'Autorité coutumière, le Territoire, le Gouvernorat de province.

Le tableau ci-dessous reprend la chaîne de taxation pour les minerais du Nord-Kivu jusqu'en 2008, qui présente une situation identique à celle de la province du Sud-Kivu.

Tableau n° 4 : Taxes et commissions imposées sur la chaîne de commerce des minerais de Walikale à Goma70(*)

Taxe ou autre redevance

Service

Montant

Droit coutumier

Autorité coutumière

5% de la production

Droit de supervision

 

5% de la production

Taxe Territoriale

Administration du Territoire

50 $ par tonne

Taxe Provinciale (Walikale)

Province

25 $ par tonne

Small and Medium Enterprises Inspectorate

SAESSCAM

5 $ par tone

Impôt

DGI

17,50 $ par tonne

Taxe de transport (usage de la piste)

TRANSCOM

12,50 $ par tonne

Taxe des mines

Bureau minier

5 $ par tonne

Taxe EAD (Goma)

Province

1% de la valeur du produit exporté (24$/tonne)

Droit de sortie/douane

DGDA (OFIDA)

5% de la valeur du produit à exporter (120$/ tonne)

Redevance Fret maritime

OGEFREM

0,59% de la valeur du produit à l'exportation (14$/tonne)

Autorisation d'exportation

Division des mines (DGRAD)

45% de 1,25% de la valeur du produit à exporter (13,50$)

Certificat d'origine

CEEC

55% de 1,25% de la valeur du produit (16,50 $)

Certificat de Vérification à l'exportation

0CC

1,2% de la valeur du produit exporté (19,2 $/tonne).

Licence d'exportation

Commerce extérieur (DGRAD)

50 $ par lot.71(*)(soit 2 $/tonne).

Certificat d'origine

CEEC

100 $ par lot (soit 4$/tonne).

Frais d'analyse

OCC

140 $/lot (5,60$ par tonne).

PV témoins à l'enfûtage

DGDA (OFIDA)

60 $ par lot (2,40 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

OCC

30 $ par lot (1,20 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

Division Mines

30 $ par lot (1,20 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

CEEC

20 $ par lot (0,80 $ par tonne).

PV témoins à l'enfûtage

Commerce Extérieur (DGRAD)

20 $ par lot (soit 0,80 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

Gouvernorat de Province

20 $ par lot (0,80 $ par tonne).

source : sources diverses à Walikale et à Goma.

Les différents pourcentages cumulés de la valeur du produit à l'exportation ainsi que les forfaits imposés font entre 14,21% et 15,2% par tonne de cassitérite à l'exportation. De même il faut noter que les redevances forfaitaires que l'exportateur paie lors du PV à l'enfûtage n'ont aucun document justificatif et l'on pourrait donc douter de la nature officielle ou mieux légale de leur prélèvement.

Pour ce qui est de négociants et selon certains d'entre - eux, même si tous vos documents sont en règle et établis en bonne et due forme, vous devez payer quelque chose pour être tranquille. Il s'agit notamment de la fiche d'identification (10 USD), la fiche technique (15 USD), la fiche de recensement (3USD), l'échantillonnage d'un colis (5 USD).

D'autres taxes sont payées au moment de l'embarquement des minerais à l'aéroport et au débarquement ; à l'instar de vérification de la carte d'identité (1$), les frais des services aéroportuaires (10 $), les frais du service d'hygiène (3 $), les frais du service d'immigration (5 $).72(*)

Sur certains sites, il existe d'autres acteurs qui exigent aussi des paiements. A Bisie (Nord-Kivu), par exemple, les redevances sont perçues par « l'association des négociants ambulants », « l'association des porteurs », « l'association des transporteurs aériens » et, les FARDC.

En outre, les taxes versées aux autorités locales peuvent être extrêmement élevées73(*) :

- les mineurs payent l'équivalent de la production de deux heures de travail par semaine aux FARDC ;

- ils paient l'équivalent de la production de deux heures de travail par semaine au Chef de Groupement ;

- le travail d'une journée entière par semaine doit être donné au Chef coutumier ;

- 30% de la production quotidienne doivent être donnés au Mwami ;

- chaque commerçant paie 5 USD par mois au Mwami pour avoir l'autorisation de faire le commerce.

On note que les taxes et redevances prélevées par les fonctionnaires publics et propriétaires fonciers de droit coutumier atteignent les 25% de la valeur des produits à exporter dont 10% versés au site d'extraction et 15% payés par le négociant et le comptoir74(*).

Si certaines taxes ont été revues à la baisse à la suite, notamment, des réclamations des opérateurs économiques, à l'instar des droits de sortie qui étaient de 5% de la valeur à l'exportation jusqu'en 2008, passés d'abord à 3% puis à 1% dès la deuxième partie de l'année 2008, il faut noter que des taxes non reprises dans aucun arrêté interministériel sont créées par d'autres services publics en dehors des dispositions de la loi en la matière.

Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter par exemple, les nomenclatures des taxes des provinces mais aussi des notes d'instruction de certains services publics, pour s'en rendre réellement compte.

Considérons, pour ce faire et à titre d'exemple, quelques articles des différentes nomenclatures de la province du Sud-Kivu.

Tableau n° 5 : Taxes de la Division Provinciale des Mines et Géologie

Désignation

Arrêté de 2009

Arrêté de 2010

Arrêté de 2011

Arrêté de 2012

1.Taxe sur les transactions des matières précieuses d'exploitation artisanale perçue sur les transactions entre creuseurs et les comptoirs

Equivalent de 1% de la transaction

Equiv. de 1% de la transaction

1% de la transaction

1% de la transaction

2. Carte de commissionnaire des substances minérales

Equivalent en FC de 50 $ par an

Equivalent de 50 $ par an

Equivalent de 50 $ par

Equivalent de 50 $ par an

3.Taxe sur le transport des substances minérales

-coltan

-cassitérite-wolframite

0,2$/kg

0,1$/kg

0,2$/kg

0,1$/kg

0,2$/kg

0,1$/kg

-

-

4.Transfert des minerais du Sud-Kivu vers d'autres provinces

1% de la valeur FOB

1% de la valeur FOB

1% de la valeur FOB

-

5.Autocollant

-coltan

-cassitérite

3$/colis

2$/colis

3$/colis

2$/colis

-

2$/colis

2$/colis

2$/colis

6.Identification des personnes majeures sur les sites d'exploitation artisanale.

1$/mois par personne

1$ par mois par personne

1$ par mois par personne

1$/mois/personne

7.Taxe sur frais de rémunération pour service rendu du négociant.

10$/mois/négociant

10$ par mois par négociant

10$ par mois par négociant

10$ par mois par négociant.

8.Carte d'exploitation artisanale.

-secteur stannifère

-

-

-

25 USD

9.Carte de négociant des substances minérales d'exploitation artisanale.

-

-

-

500 USD

10.Agrément tiers-transporteurs des minerais d'exploitation artisanale

*transporteur aérien

*transporteur lacustre

-bateau

-boat

*transporteur routier

-véhicule de 5 à 10 T

-véhicule de moins de 5T

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

500$/transporteur

250$

150$

250$

150$

Source : arrêtés portant nomenclatures de taxes de la province du Sud-Kivu pour les exercices 2009, 2010, 2011 et 2012.

En considérant ce tableau, on constate donc que l'entité Province du Sud-Kivu crée d'autres droits non reconnus par la loi régissant le secteur ou applique des taux non conformes aux prescrits de celle-ci.

Cette longue liste de taxations diverses est cause d'une inquiétude commune tant aux négociants qu'aux exportateurs du fait du niveau élevé des taxes prélevées `pour le compte de l'Etat.' La conséquence est alors un alourdissement de frais et donc une réduction de marge de profit ; avec pour effet d'encourager la contrebande au profit des pays voisins.

C'est cette prolifération de services intervenants et de droits à payer dans la chaine de production et de commerce qui pousse les opérateurs économiques à trouver des voies de contournements vis-à-vis de leurs obligations douanières, fiscales et parafiscales.

On notera donc que les creuseurs sont soumis aux taxes officielles et aussi aux taxes totalement illégales. A Kamituga (Sud-Kivu), par exemple, les creuseurs et les négociants payent des taxes à la DGI, les droits coutumiers, la carte de mine et la taxe du territoire.75(*)

Didier Defailly dit que les négociants subissent des taxes que la loi ne reconnait pas ou des taxes qui font double emploi du fait de l'application à différents niveaux. Selon lui ; pour eux, le rythme d'activité est hebdomadaire : les agents des négociants sillonnent les carrières de coltan en fin de semaine (samedi et dimanche), suivis sur leurs talons par les agents de l'Etat (Mines 1$/kg ; DGRAD 0,5 $/kg ; transcoms 0,06$/kg ; militaires divers 1$/kg) ; de même que celui du « mwami » pour la location coutumière de l'emplacement (2 à 5 USD par semaine).76(*)

Le passage de porteurs utilisés par les négociants n'est pas laissé en reste. Il leur faut franchir « les barrières », une espèce de bureaux d'octroi, des vastes enclos aménagés à la sortie des campements, où tous les services administratifs, faute de pouvoir accéder aux puits, prennent leur revanche. Aucun récépissé n'est délivré en contrepartie de leur dîme prélevée au nom de l'Etat. Celui qui est de bon coeur te demande 1.000 francs ; avec un autre, cela peut être 1.500 ou 15.000 francs. D'autres péages les attendent, tout au long du chemin, à chaque halte dans un village : 200 francs ici, 300 francs là-bas, 4.900 francs à l'arrivée, ...77(*)

Les comptoirs quand à eux sont soumis à des taxes légales et à des redevances qui ne rentrent pas dans le cadre de la loi qui encadre l'activité. Ils subissent la multiplicité des taxations qui amoindrissent sensiblement leur marge bénéficiaire et les mettent à mal vis-à-vis de leurs collègues installés dans les pays voisins.

En résumé, nous comprenons qu'à tous les stades de l'exploitation artisanale, il y a une telle taxation qu'il est difficile de comprendre que ce commerce puisse exister et encore moins, prospérer et contribuer à l'expansion économique.

Et il faut se dire que les listes ci-haut présentées ne concernent que les taxations officielles. Si on considère que du fait de la situation de gouvernance particulière de cette région d'autres redevances sont exigées par les rebelles de tous bords, il y a lieu de comprendre qu'il n'y a d'autres issues pour les opérateurs du secteur que de se « débrouiller » étant donné qu'ils ne peuvent abandonner une activité qui constitue leur gagne pain.

En tant qu'entreprise à part entière, les comptoirs d'achat, par exemple, subissent toutes les autres taxes et redevances de tous les autres services publics à l'instar de l'Ipmea, l'environnement, ...sans compter qu'ils doivent faire face à leurs charges régulières de fonctionnement et payer leurs impôts.

Au fait, il faut seulement comprendre qu'il y a « des nombreuses irrégularités dans l'application des taxes fiscales à l'exploitation minière artisanale ainsi qu'aux minerais qu'elle produit, y compris les disparités entre les provinces. L'extraction artisanale est particulièrement sujette à la taxation illégale qui fait peser un fardeau énorme sur les mineurs et les négociants (autant que les comptoirs agréés).

Les cas les plus extrêmes de taxation illégale vont jusqu'au partage de 30% du produit avec certaines autorités et groupements communautaires pour payer les services publics dont surtout les services de sécurité»78(*).

De manière plus précise, on peut noter que « près de 10% de la valeur des produits exportés par les comptoirs sont absorbés par des taxes, ce qui réduit leur marge bénéficiaire et tend à encourager la contrebande au profit des pays voisins où la législation minière est plus avantageuse.»79(*) 

Ainsi, « les comptoirs se lamentent régulièrement au sujet de la pléthore de taxes auxquelles ils sont assujettis et qui représentent parfois plus de 10 fois celles payées par leurs homologues rwandais ».80(*) A titre d'exemple, Adamon Ndungu cite le cas du Burundi où l'ouverture d'un comptoir d'achat d'or ne coûte que 10.000 USD contre 50.000 USD en RDC.

Les comptoirs se plaignent de la multiplicité de contrôles, souvent inutiles et dont le seul but est la perception de taxes. Car, `malgré cette vigilance, cet engorgement bureaucratique, (au moins) la moitié du minerai du Kivu passe la frontière en contrebande, souvent à l'incitation de ceux-là même qui étaient chargés de la surveiller ; en échange d'autres « petits billets »'.81(*)

Les détails divers sur le commerce, la taxation et la fraude des minerais d'exploitation artisanale repris dans le chapitre suivant viennent étayer ces différentes assertions des uns et des autres.

CHAPITRE IV. COMMERCE, TAXATION ET FRAUDE DES MINERAIS

D'EXPLOITATION ARTISANALE AU NORD ET AU SUD KIVU.

La fiscalité et la parafiscalité sont essentielles quand il s'agit de considérer le commerce des minerais d'exploitation artisanale de l'Est de la République Démocratique du Congo.

Au fait, la fiscalité influe suffisamment sur le niveau des prix en agissant sur les charges ou mieux les coûts de production.

La valeur des différentes prestations publiques facturées ou taxées aux opérateurs économiques est directement affectée aux prix à pratiquer dans le commerce des produits concernés. La conséquence peut s'évaluer à deux niveaux :

-augmentation de coûts et donc des prix proposés à la clientèle, considérée comme consommateur final, avec comme effet le manque de compétitivité sur le marché ;

-comme les prix sont imposés par le marché, l'induction des coûts amenuise les marges bénéficiaires et s'attaque donc à la survie même de l'activité.

La fiscalité, en accroissant les coûts et, devant un souci légitime de gain de la part de l'opérateur économique, provoque - en raison de ses mécanismes de perception et de son niveau - l'attrait à la fraude et ou à l'évasion fiscale. La fraude ainsi installée est alors à la base des pertes importantes des recettes de l'Etat, privant ce dernier des moyens de sa politique.

C'est, au fait, cette réalité qui se manifeste dans les circuits de production et de commerce des minerais d'exploitation artisanale au Nord-Kivu et au Sud-Kivu tel que nous le reprenons dans les pages qui suivent.

IV.1 Le Commerce des minerais d'exploitation artisanale et la fraude.

IV.1.1 Le commerce des minerais de coltan et de la cassitérite d'exploitation

artisanale.

Le commerce des minerais est couvert par les articles 116 à 127 du Code minier de la RDC.

Le processus de commercialisation des minerais de coltan et de cassitérite d'exploitation artisanale dans le Nord et le Sud-Kivu correspond aux étapes de l'exploitation telle que décrite dans les pages précédentes. A chaque étape de l'exploitation correspond un type particulier de commerce.

Il s'agit donc ici de procéder à une analyse de la chaîne de valeur qui consiste en l'identification précise des parties prenantes de la production et du commerce d'un produit en particulier ou d'un groupe de produits (de même nature), de leurs rapports réciproques et de la manière dont la valeur définitive est redistribuée aux différentes parties prenantes. Ainsi, faut-il comprendre, que la production à des fins d'exportation est souvent organisée sous forme de chaîne de valeur, compte tenu d'un haut niveau de dépendance entre les parties prenantes de la chaîne.

Ces étapes sont celles de :

-le commerce à la production (extraction),

-la commercialisation intérieure, et

-l'exportation.

1) La production à la base

La production est la phase qui concerne l'extraction des minerais dans différents sites. Elle est l'oeuvre des creuseurs.

A cette étape, le commerce se fait entre l'exploitant artisanal (creuseur ou chef de site d'exploitation) et les petits négociants et/ou les négociants. En RDC, les creuseurs artisanaux ne peuvent vendre leurs produits miniers qu'aux commerçants, artistes, maisons de change ... agréés par l'Etat c'est-à-dire, détenant des cartes qui leur donnent le droit d'exercer cette activité.

Les négociants sillonnent les sites, attendant et interceptant ceux qui remontent des puits avec qui ils s'entendent pour l'achat de minerais qu'ils recherchent. Ce sont le plus souvent les négociants qui fixent les prix car ils sont plus ou moins informés des prix pratiqués tant par les opérateurs au niveau national que sur les marchés internationaux. Les creuseurs subissent les prix et sont, de toute la filière, les perdants. Ces prix devraient normalement être déterminés par le CEEC et rendus disponibles au niveau de centres de négoces.

Les quantités récoltées par les petits négociants et les négociants à ce niveau constituent la quantité réelle à considérer au titre de la production desdits minerais. Car, il faut le reconnaitre, les niveaux de production du coltan et de la cassitérite résultant de l'exploitation artisanale sont difficiles à établir ou mieux à chiffrer.

C'est donc à ce niveau que se forment les éléments de base de la structure de prix du commerce des minerais.

On dispose qu'à ce niveau, le commerce n'est pas rentable, les prix proposés aux creuseurs ne sont pas rémunérateurs de l'immense travail de risque qui précède la vente de produits extraits. Mais les creuseurs n'ont pas de choix, ils doivent vendre à tout prix. Les marges bénéficiaires récoltées sur les échanges des minerais entre les mineurs et les négociants sont faibles. Les mineurs demeurent ainsi pauvres ; sont incapables de constituer un moindre capital ou une petite économie ; tout ce qu'ils gagnent est directement dépensé pour l'acquisition de biens de première nécessité vendus très chers sur les sites mêmes. C'est difficilement que leurs revenus aident à pourvoir aux besoins quotidiens de leurs familles de telle sorte que la plupart finissent par oublier qu'ils ont laissé femmes et enfants.

Nous avons noté dans le chapitre précédent qu'à ce stade, plusieurs droits, taxes et redevances sont payés. Il s'agit des droits coutumiers, des taxes dues au territoire, des redevances exigées par plusieurs services présents sur les sites ; qui viennent s'ajouter à la taxe officielle sur la carte de creuseur.

2) La commercialisation intérieure

La commercialisation intérieure est l'étape où les principaux intervenants sont les petits négociants, les négociants, les transporteurs et enfin les comptoirs agréés.

Cette phase est dominée par la logique de la marge bénéficiaire ; chaque intervenant cherchant à s'assurer qu'il ne paye pas au delà de ce qu'il va gagner. Et ici intervient la fonction de négociation de chaque acteur, les prix n'étant pas fixes82(*). Ce pouvoir de négociation dépend de même de leurs possibilités financières et de l'accès qu'ils ont à l'information sur les prix des minerais en vigueur sur les marchés internationaux.

La phase part du petit négociant qui s'approvisionne auprès des exploitants, fait transporter (à dos d'hommes) les produits jusque dans des centres de négoces et vend aux négociants. Ces derniers, quand ils sont distincts des comptoirs, font transporter les produits pour les revendre auprès des comptoirs autorisés à exporter.

Le rôle de négociants est primordial dans la chaîne du commerce des minerais d'exploitation artisanale (autant que celui des courtiers, dans la chaîne du commerce international, que nous n'abordons pas dans cette étude). On devrait même conclure que c'est à leur niveau essentiellement que se trouve le maillon de la chaîne au niveau national.

En effet, en comparant les statistiques de production de ces minerais, on remarque que les écarts sont considérables selon que l'on prend en compte les données enregistrées par les services placés près des sites d'exploitation et ceux installés dans les centres urbains où se préparent les exportations.

L'exemple donné par Pole Institute dans Regards croisés n° 19 est éloquent pour cela. Pour le Nord-Kivu, en comparant les chiffres du Bureau Minier de Walikale et de la DGM/Kilambo, il en ressort que 50% de la cassitérite produite à Walikale et destinée à Goma disparaissent avant d'atteindre la destination. Les écarts sont importants de même entre la quantité de cassitérite produite à Walikale et transportée à Goma et la quantité officielle exportée et enregistrée par l'OFIDA83(*).

Les énormes quantités que l'on déplore donc à l'exportation disparaissent pour la grande part au niveau des négociants (qui peuvent être des comptoirs).

Contrairement aux creuseurs, les négociants sont des commerçants à part entière. Comme pour les creuseurs mais à un moindre niveau ils subissent les prix fixés par les comptoirs agréés. Mais étant donné qu'ils sont le plus souvent informés des cours mondiaux des minerais, ils sont capables de manoeuvrer entre les prix d'achat auprès des creuseurs majorés de diverses taxations et des frais connexes comme le coût du transport.

Pour ce qui est de la taxation, nous avons noté l'existence de droits et taxes de plusieurs services tant officiellement reconnus que ceux qui s'imposent du fait de leur présence sur le terrain. Ces taxes concernent aussi bien les négociants que les transporteurs et alourdissent le coût des produits à écouler auprès de comptoirs.

C'est quand son coût total ne peut lui permettre une marge bénéficiaire raisonnable par rapport au prix fixé par les comptoirs que le négociant trafique en usant des voies de contrebande pour aller vendre sur des marchés où son bénéfice est garanti.

Les comptoirs agréés achètent à des maisons autorisées et exportent les minerais d'extraction artisanale.

3) L'exportation

L'exportation est le niveau ultime du commerce de minerais à l'intérieur du pays c'est-à-dire la préparation du produit selon les normes et l'acquisition de différents documents officiels requis.

Dès que tout est en ordre, les comptoirs agréés confient les produits aux courtiers internationaux qui traitent avec les industries métallurgiques extérieures.

Les prix ici sont le fait de la mercuriale sur le marché international et le rendement ou la rentabilité dépend du niveau du coût de revient c'est-à-dire le prix d'achat auprès des négociants majorés de diverses perceptions qui interviennent avant la sortie effective du territoire national.

Les prix sont un des facteurs externes les plus importants. Il se fait que `les prix des métaux non ferreux, de l'or et des diamants - les principaux produits miniers de la RDC - sont fixés sur les marchés internationaux ; les cours internationaux des produits de base, échappent largement au contrôle du gouvernement.'84(*)

Ainsi, ni la RDC, ni aucun autre pays n'a les moyens de peser sur les prix des produits à l'exportation. Etant donné que les prix de vente ne sont pas fixés par le vendeur sur base de son coût de production ou de revient, ce dernier doit jouer plutôt sur l'amoindrissement des éléments dudit coût pour garantir la rentabilité de son activité. Le vendeur (comptoir agréé) se retrouve entre le marché mondial qui impose son prix et le négociant soucieux de garder sa marge bénéficiaire et est alors obligé de tout mettre en oeuvre pour assurer la survie et la rentabilité de son entreprise. La marge de manoeuvre n'est donc pas toujours assurée.

La procédure d'exportation par les comptoirs peut être résumée comme suit : `l'achat des minerais dans un comptoir se fait en présence de deux agents de l'Etat, l'un de la Division provinciale des Mines et géologie et l'autre, du CEEC. Ils ont pour mission de s'assurer de la transparence des opérations d'exportation et de relever les statistiques journalières.

La procédure d'exportation commence par l'échantillonnage : un agent de l'OCC prélève un échantillon du minerai à exporter, qu'il fait analyser dans le laboratoire. Il émet alors un bulletin d'analyse dont une copie est remise au comptoir pour la poursuite des opérations. Le minerai est ensuite chargé dans des fûts de 200 litres remplis de cassitérite ou de coltan pesant en moyenne 750 kgs et dont les couvercles sont soudés (c'est l'opération d'enfûtage). Dès qu'un lot est atteint, le CEEC établit un procès-verbal de scellage ou d'enfûtage contresigné par les autres services habilités à assister à l'enfûtage : l'OFIDA, la Division des Mines et l'OCC.

Après versement à la banque de toutes les taxes dues, le dossier du comptoir est déposé à la Division des Mines et ensuite amené au gouvernorat de province pour autorisation d'exportation par le gouverneur.

Avec les deux autorisations, la facture ainsi que le bulletin d'analyse, l'agence en douane du comptoir agréé concerné s'adresse à l'Office Congolais de Contrôle pour obtenir le certificat de vérification à l'exportation (CVE). Le dossier ainsi complété finit sa course à l'OFIDA pour les dernières formalités douanières ; l'OFIDA va établir une déclaration de sortie définitive autorisant le minerai à quitter le pays.'85(*)Les statistiques concernant les quantités exportées sont disponibles auprès des services publics qui interviennent lors de l'exportation (Division des Mines, OFIDA, CEEC, Commerce extérieur).

Mais « une analyse minutieuse des statistiques officielles des exportations montre clairement qu'il s'agit d'un secteur où s'accumulent des fausses informations, des divergences de chiffres qui représentent un véritable défi à n'importe quel analyste ».86(*)

Le graphe des filières coltan et cassitérite détaillées ci-dessus se présente comme suit :

Phase de commerce de bbbase

duction

Petits négociants

Négociants

Transporteurs

- chefs d'équipes

- creuseurs

base (extraction/production)

Petits négociants

Phase de Commercialisation

Intérieure

Comptoirs agréés

Phase d'exportation 

Comptoirs agréés

Courtiers internationaux

Pour ce qui est des différentes perceptions au niveau de cette phase du commerce, il faut noter que les taxations interviennent au niveau des interventions de divers services selon la procédure décrite ci-dessus et à l'occasion de l'obtention de différentes autorisations requises.

C'est la multitude de services intervenants qui justifie à ce stade la multiplicité des taxations que déplorent les opérateurs économiques du secteur. En dépit des aménagements de certains droits, le nombre de redevances demeure important, comme nous le constatons dans les documents ci-après de besoins en fonds d'un comptoir agréé à l'occasion de l'exportation de lots de cassitérite.

Tableau n° 6 : ETAT DE BESOIN relatif au lot 15/2010

Comptoir : a requis l'anonymat.

Marchandises : cassitérite

Teneur : 55,23 %

Quantité : 47.520 kgs

Valeur de base : 11,37 USD/KG

Total Facture: 540.3O2 USD

Date: 18/08/2010

Dénomination/Services

Montant

Ofida

EAD Province

CEEC

OCC

DIVISION DES MINES

OFIDA/rémunératoire

OGEFREM

DGRAD

AUTORISATION

FRAIS DE DEPOT

CERTIFICAT D'ORIGINE

AUTOCOLLANTS

LABO OCC

FRAIS DE CHARGEMENT

SUIVIS ENTREPOT

DIVISION DES MINES

TRANSPORT + CARTE

PHOTOCOPIES + IMPRESSION

MERCURIALE

FRAIS DES FRONTIERES

5.403 usd

5.403 usd

1.513 usd

1.383 usd

1.027 usd

756 usd

432 usd

437 usd

155 usd

480 usd

150 usd

198 usd

140 usd

140 usd

120 usd

80 usd

25 usd

25 usd

15 usd

60 usd

Total à payer

17.947 USD

Source: documents fournis par des opérateurs économiques ayant réquis l'anonymat.

Tableau n° 7 : Etat de besoin du lot 02/2012

Marchandises : cassitérite

Teneur : 56,04%

Poids net : 48.000 kgs (70 fûts)

Valeur de base : 7,38 USD/KG

Montant Facture : 354.240 USD

Date : 20/09/2012

Services à payer

Montant à payer

OFIDA T.P.

EAD PROVINCE

OCC T. REMUNERATOIRE + ANALYSE

CEEC

CERTIFICAT D'ORIGINE

AUTOCOLLANT

ANALYSE

CTCPM

OGEFREM

MINES

OFIDA REMUNER.

DGRAD T.P

FRAIS DE DEPOT

AUTORISATION

COMMERCE EXT/MERCURIALE

IMPRIMES OFIDA

CHANCELLERIE MINES

SUIVI ENTREPOT

TRANSPORT + COMMUNICATION

PHOTOCOPIE + IMPRESSION

CHARGEMENT

SUIVI FRONTIERE

ACHAT PLOMBS

PLOMBS + INFORMATIQUE/RW

3.542 USD

3.542 USD

1.115 USD

992 USD

150 USD

210 USD

140 USD

142 USD

283 USD

531 USD

496 USD

283 USD

480 USD

150 USD

15 USD

80 USD

150 USD

280 USD

40 USD

30 USD

200 USD

195 USD

80 USD

80 USD

TOTAL

13.206 USD

Source : opérateurs économiques du sud-kivu

Il nous faut comprendre que les perceptions reprises ci-dessus sont celles officiellement payées par le biais de l'agence en douane intervenant dans l'opération. En dehors de cette situation, il y a d'autres payements tels les frais d'enfûtage, les T.E. (=Travaux Exceptionnels) des agents de l'Ofida, etc.

L'analyse de la chaîne de valeur de ces produits montre que la fiscalité, officielle ou non officielle, agit comme un obstacle qui influence la répartition finale des recettes générées par la production/l'extraction.

Hormis la gouvernance des chaînes de valeur des exportations, les obstructions créées par une fiscalité lourde et le rent-seeking, activité de recherche de rentes pratiquée par les fonctionnaires publics, comptent parmi les caractéristiques plus généralisées du commerce en République Démocratique du Congo.

La nature de la fiscalité appliquée à la production, au transport, au processus de préparation à l'exportation et à l'obtention des autorisations diverses ainsi qu'aux opérations douanières en RDC crée des obstructions improductives (càd les négociants embauchent du personnel supplémentaire pour pousser leurs marchandises à travers les frontières) et est, d'autre part, extrêmement nuisible à la gouvernance et à l'expansion des chaînes de valeur.

IV.1.2 La fraude des minerais d'exploitation artisanale.

Il est attesté par tous ; chercheurs indépendants, organismes internationaux, opérateurs économiques et officiels, que l'essentiel de la production de minerais du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, quitte le pays par la contrebande, la fraude.

Boltanski, dans son ouvrage Minerais de sang, citant un rapport du Sénat Congolais sur la mauvaise gouvernance du secteur minier, reprend que : ` ... dans les provinces orientales (de la RDC), 80% des exportations échappent au contrôle de l'Etat'. Il reprend dans une évocation de ses enquêtes à Kigali les propos d'un enquêté qui, à la question de savoir ce qu'était sa source d'approvisionnement, ce dernier lui signale que ` ...le minerai provenait, ... à 70% de la RDC, la cassitérite ayant franchi la frontière illégalement avec la complicité des autorités de Kigali'.87(*)

Certains opérateurs économiques contactés à Bukavu et à Goma lors de nos enquêtes signalent même que `ce qui est déclaré serait le 1/10ème de la réalité'.

Les résultats des enquêtes sur le terrain confirment qu'il existe bel et bien une fraude massive des minerais d'exploitation artisanale des provinces du Nord et du Sud-Kivu. Aujourd'hui, plusieurs sources vont jusqu'à affirmer que plus de 80% de minerais du Kivu échappe au contrôle de l'Etat congolais. D'autres parlent de 50%, d'autres encore de 90% pour certains produits, etc. Pole Institute livre dans son rapport que « les différents opérateurs économiques comme les différents services commis à l'exportation reconnaissent qu'un pourcentage avoisinant 60% des exportations passe en fraude, qui revêt plusieurs formes ».88(*)

La situation est généralisée. Parlant de la filière aurifère, par exemple, les services d'investigation de la division provinciale des mines et géologie ont estimé à 10 tonnes la quantité d'or qui traverse frauduleusement la frontière du Sud-Kivu vers l'étranger chaque année89(*). Pendant ce temps, les statistiques officielles ne signalent que quelques centaines de kilogrammes exportés. La fraude est donc institutionnalisée et cela est connu de tous.

Cette fraude n'est pas non plus une nouveauté. C'est plutôt l'ampleur qui s'est accrue. Elle a existé depuis longtemps, avant la libéralisation de l'exploitation minière artisanale. Elle touchait alors essentiellement l'or.

Cette fraude a même aidé à l'émergence de la classe commerçante à une époque où on ne pouvait avoir facilement la possibilité d'accéder à des moyens officiels de financement des activités commerciales naissantes. La vente des produits miniers en dehors des frontières nationales (essentiellement au Burundi, à l'époque) a ainsi permis une certaine formation de capital que la plupart d'opérateurs économiques ont eu comme base pour se lancer dans les affaires.

Le but de cet essai est d'analyser si la fiscalité est une cause essentielle parmi les causes qui nourrissent la fraude décriée ; de voir si notre système de taxation des produits miniers artisanaux est adapté à l'environnement économique actuel ou s'il ne favorise pas l'amplification de ce fléau qu'est la fraude de minerais.

Avant de scruter le mode opératoire de la fraude en question, nous revenons sur les causes majeures régulièrement évoquées par les opérateurs du secteur ; à savoir les officiels, les différents chercheurs et organismes non gouvernementaux et même certains opérateurs économiques.

Les causes souvent évoquées sont :

- une fiscalité exagérée grevant sensiblement la marge bénéficiaire,

- une multiplicité de services intervenants,

- des prix plus alléchants offerts par les comptoirs des pays voisins,

- une fixation arbitraire de la valeur de base,

- une lourdeur administrative du fait des exigences de validation de sites, de transformation de comptoirs agréés en entités de traitement ou, de certification des minerais,

- l'impunité et la participation latente des pouvoirs publics.

Au fil de nos enquêtes menées au Nord-Kivu (Goma) et au Sud-Kivu (Bukavu) entre 2012 et 2013, il est apparu que même les officiels sont conscients de toutes ces causes avancées par les opérateurs économiques mais ils rétorquent qu'il y a également la mauvaise foi des opérateurs économiques qui tiennent à s'enrichir à tout prix et qui n'ont aucun sens de nationalisme. Pour eux, les pratiques frauduleuses sont profondément ancrées dans le commerce. Les principales raisons ne sont pas seulement le prix élevé de l'exploitation formelle, mais aussi les opportunités d'enrichissement rapide qui en découlent. On relève ici sans équivoque à « quel point la logique économique appliquée par les commerçants eux-mêmes est à l'origine de la très grande part des ressources naturelles échangées sur des bases non déclarées et, dans une certaine mesure, exportées illégalement : pour éviter le versement des taxes formelles, légales, arbitraires, illégales et maximiser le produit des échanges ainsi négociés ».90(*)

De manière générale, il est clair que des grandes quantités de minerais exportés ne font l'objet d'aucun enregistrement officiel et ce, indéniablement, consécutivement aux agissements frauduleux des négociants et des fonctionnaires de l'Etat. En effet, « un pourcentage très important -au moins 50% - des exportations de la RDC n'est pas enregistré par les fonctionnaires de l'Etat comme il devrait l'être ; en partie parce que les négociants et les fonctionnaires minimisent les exportations pour éviter de payer les taxes et redevances y afférentes, mais également en raison des lacunes bureaucratiques et des principes de gouvernance inadéquats qui caractérisent les organisations gouvernementales ».91(*)

Normalement, on parle de commerce frauduleux soit lorsqu'un opérateur économique évite les points où il doit s'acquitter des redevances ou des taxes en engageant des démarches non officielles ou, lorsque le contribuable et le percepteur font des affaires ensemble.

Les acteurs sont donc essentiellement les négociants, les comptoirs agréés et les fonctionnaires de l'Etat.

On devrait d'abord comprendre qu'en dépit de la modicité de leur gain, les creuseurs ne sont pas impliqués dans la fraude de minerais.

Les négociants sont ceux qui sont les plus concernés par le contournement ou mieux l'évitement des postes frontaliers officiels ou des points d'enregistrement reconnus.

Pour garantir leurs marges bénéficiaires devant des droits, taxes et redevances exorbitants et des prix imposés par les comptoirs agréés, ils font passer leurs produits par des postes frontaliers non officiels : en pleine campagne, sur des routes secondaires ou par bateau et pirogue, en traversant le lac en des points non contrôlés et parfois la nuit.

Ceux d'entre eux qui connaissent les militaires haut placés ou des membres influents d'autres services publics recourent à l'intervention de ces derniers pour faire passer les colis au niveau des postes officiels mais sans contrôle et sans aucun paiement. Ces responsables ordonnent même aux représentants d'autres services « d'aller se promener » au moment du passage des véhicules transportant les minerais.92(*)

L'autre principal mécanisme de fraude (au fait, le plus classique), est la sous déclaration systématique du volume ou de la valeur des produits à exporter afin de payer moins de taxes. C'est la pratique la plus répandue usée par les comptoirs agréés. Les produits étant assujettis à des droits et taxes, les exportateurs « achètent », soudoient les fonctionnaires de l'Etat en leur demandant d'enregistrer une quantité ou une valeur inférieure voire de les laisser passer sans enregistrement afin de minimiser leur charge fiscale.

Certains colis peuvent de même être cachés dans d'autres marchandises. A certains points de sortie (le long du lac), les embarcations qui chargent les produits agricoles transportent en même temps des minerais (coltan, cassitérite) sans qu'on puisse déterminer les quantités exportées ni respecter la réglementation en la matière.

Ces pratiques frauduleuses sont à la base de l'économie informelle au Kivu, dans laquelle le légal et l'illégal se côtoient et se fécondent mutuellement. Une marchandise sous évaluée peut ainsi sortir ou entrer avec des documents légaux.

Mais il sied de reconnaître que le maintien des taxes élevées et multiples ainsi que les tracasseries connexes alimentent et systématisent la fraude dans laquelle les opérateurs économiques et les agents commis à l'exportation et à l'importation tirent en définitive profit et dans la durée, la fraude est devenue systémique et structurelle.93(*)

Et cela d'autant plus que dans certains pays voisins, la taxe à la sortie à l'exportation des produits miniers dont la cassitérite est quasiment nulle. Les droits de sortie à l'exportation au Rwanda sont inexistants à la seule condition que le rapatriement des devises se fasse par les banques rwandaises.94(*)

Par ailleurs, bon nombre de négociants préfèrent prendre le risque d'amener frauduleusement leurs marchandises à Kigali, où les prix d'achat sont supérieurs.95(*)

Les conséquences de ce schéma de commerce frauduleux sont multiples. Il y a d'abord la perte de recettes de l'Etat. Cette perte est remarquable à divers niveaux. Les taxes perçues ou devant l'être à l'intérieur du territoire national ne sont pas encaissées par le Trésor Public soit parce qu'elles n'ont pas été payées, soit parce qu'elles ont été sous évaluées, soit encore qu'elles ont disparu dans les poches des individus malhonnêtes.

Ensuite, l'Etat est privé de ses moyens par le non rapatriement des revenus de ses ressources exportées en dehors du circuit normal ; cela nuit sérieusement l'analyse macroéconomique et la formulation des politiques dans le pays du fait de l'inexactitude des données commerciales. Les données statistiques sur la production réelle étant faussées, la situation peut induire des distorsions importantes sur le plan politique.

Pis encore, « dans un contexte où le culte de la fraude et de la corruption est profondément enraciné ; la corruption aux racines profondes et la volonté des négociants et autres individus, à toutes les étapes de la chaîne, de se comporter de manière `informelle', vulnérabilisent considérablement les structures de gouvernance face aux abus endémiques et les rendent difficiles à réformer ».96(*)

Un tel comportement peut, à long terme, dissuader les investisseurs. Etant donné que le pays ne réapparaît plus dans les statistiques internationales, les investisseurs ont tendance à financer des projets dans les pays voisins avec, comme corollaires, la création des richesses et la résorption du chômage devant notre nez avec des produits qui sont pourtant les nôtres.

Enfin, le manque de gouvernance dont souffre ce commerce jette un doute sérieux sur la possibilité pour la population de profiter durablement des richesses minérales de son sous-sol.

IV.2 La dimension régionale du commerce des minerais.

La compréhension des contraintes qui s'imposent pour le développement adéquat de l'économie minière nécessite une mise en perspectives à différentes échelles.

Nous avons noté, ci-haut, que ni la RDC, ni le Rwanda, ni aucun autre pays producteur de matières minérales du tiers monde n'a les moyens de peser sur les prix des produits d'exportation. Ils restent très dépendants de la demande d'industries des pays du Nord qui réglementent, selon leurs besoins, et les prix et les volumes ou quantités voulus.

La « fièvre du coltan congolais » en est une illustration éloquente ; elle est montée quand les industriels l'ont voulu et elle est tombée quand ils l'ont décidé manifestant ainsi les travers d'une dépendance qui n'a pas permis que les creuseurs sortent d'une économie de survie. Et, ce qui est vrai pour le coltan l'est aussi pour les autres produits.

Nous avons noté de même la manière dont les pratiques sur les marchés des pays voisins influencent le comportement des acteurs agissant sur le marché interne à tous les niveaux.

L'analyse de tous ces aspects nous montre donc l'importance à la fois de la dimension internationale, de la dimension régionale et même des échanges transfrontaliers dans le cadre de tout commerce.

IV.2.1 L'échelle mondiale.

L'échelle mondiale est très déterminante car ce sont les lois d'un marché dominé par les pays du Nord qui fixent les prix des matières premières des pays du Sud.

L'étude de l'économie minière ne peut donc que gagner à une approche globale intégrant les dimensions spatiales, sociales, politiques de niveau planétaire.

Le commerce international constitue l'une des forces les plus puissantes qui affecte le processus de développement économique. Les échanges influent, dans un pays, sur le rythme de croissance économique, la répartition des revenus, l'exploitation des ressources naturelles et les relations économiques entretenues avec le reste du monde.

C'est pour cette raison que l'échelle mondiale est de toute importance dans l'analyse de la chaîne de valeur des minerais de la province du Kivu.

Nous savons au fait que les pays en développement sont tributaires du commerce des produits de base dont les ressources naturelles. Les exportations desdites ressources constituent un pourcentage important de leur PIB.

Autant les échanges internationaux influent sur l'exploitation des ressources naturelles dont ils conditionnent le dynamisme de production, autant ils placent les pays en développement devant des défis ; dont l'instabilité des prix du marché mondial corollaires aux besoins des industries de transformation mais surtout de la politique de régulation que ces dernières mettent en place afin de garantir leurs stocks mais également la rentabilité de leurs activités de production. C'est ainsi que, comme dit plus haut, les prix des produits miniers à l'exportation demeurent très dépendants de la demande. Quand la demande est grande, on connait un « boom » de prix et inversement quand elle décroit. Dans son enquête, Patrick Martineau reprend «  qu'il ne semble pas y avoir de cours mondial formel du coltan, quoique le tantale et le colombium soient inscrits au London Metal Board et qu'ils sont parfois transigés sur le spot market »97(*). La cassitérite, quant à elle, a un cours mondial. Mais son prix est tributaire des décisions qui se prennent à des dizaines de milliers de kilomètres de là où les creuseurs croupissent dans les puits.

Il faut tout simplement retenir que le rythme économique des Provinces de Kivu monte ou régresse selon le comportement du marché mondial des minerais dont la cassitérite et le coltan.

Le fixing du marché mondial constitue une contrainte de taille sur l'exploitation des minerais dans le Kivu. Le prix que le comptoir fixe au négociant qui lui présente les minerais à l'achat dépend effectivement de ce fixing. Quand le fixing est bas, le comptoir propose un prix aussi bas au négociant afin de garantir sa marge. Quand ce prix n'est pas intéressant, il ne reste au négociant que de recourir à un marché aux prix plus alléchants.

D'ailleurs, l'économie de la RDC a toujours été suspendue au cours mondial de ses minerais. Quand les cours du cuivre avaient chuté, c'est toute l'économie du Zaïre qui avait chuté avec et c'est cela qui se manifeste de même pour les minerais d'exploitation artisanale.

IV.2.2 L'échelle régionale et les échanges transfrontaliers.

L'échelle régionale souligne les différences considérables entre la République Démocratique du Congo et ses voisins. A ce niveau, plusieurs contraintes aboutissent ou favorisent la mise en place d'un circuit de contournement ou plutôt de fraude.

Depuis toujours, l'économie des provinces orientales de la RDC dont essentiellement celles de l'ex-Kivu a eu comme pôle d'interaction, l'Est du continent africain. Les importations aussi bien que les exportations empruntent les voies de l'Est Africain où elles traversent plusieurs territoires nationaux. Cette situation est à la base des relations et des pratiques particulières liées à l'environnement socio-économique et politique de la région. C'est ainsi qu'une situation quelconque qui affecte un des pays traversés influe directement sur la vie des citoyens et surtout sur l'économie de toute la région.

Il faut retenir que dans cet espace le commerce est florissant et dynamique. Les exportations se multiplient. Les opportunités de marchés transfrontaliers abondent pour tous.

A l'exception des diamants et des produits pétroliers, on estime que 70% des exportations de la RDC passent par les couloirs qui relient la RDC à ses voisins et aux ports de Mombasa et Dar-es-salaam. Les six principaux couloirs commerciaux de la RDC orientale sont : Lubumbashi-Lusaka, Goma-Gisenyi, Beni/Butembo-Kasese, Uvira-Bujumbura, Bukavu-Cyangugu et Aru-Arua.98(*)

Ce commerce florissant entre la RDC et ses voisins crée de nombreux emplois (petits, soient-ils) et bien que les marges bénéficiaires soient considérablement réduites, il entretient une activité économique dont est tributaire la survie des populations frontalières.

En outre, à ce jour, pour des raisons surtout politiques et de conformité, la RDC a adhéré à plusieurs ensembles sous régionaux dont les principes, directives et recommandations, à caractère transnational ou mieux supranational, ne peuvent qu'influer sur son propre environnement socio - politique et économique.

Or, comme on le sait, la régionalisation ou l'intégration dans les économies en développement se caractérise par une intensification des mouvements d'échanges avec la suppression des obstacles internes (zone de libre-échange), un tarif extérieur commun (union douanière) et une mobilité des facteurs (marché commun). Elle se caractérise également par une coordination des politiques économiques et sociales (union économique), par des projets de coopération mis en place par des acteurs différents (coopération économique), par des interdépendances entre les espaces économiques nationaux. Ces interdépendances sont repérables au niveau des flux des marchandises, des flux des capitaux et des relations d'information. Des convergences entre des économies que l'on peut évaluer en termes d'indicateurs de convergences commerciaux et financiers ; des projets conjoints, des coordinations, des harmonisations voire des unifications de politiques économiques se traduisant le plus souvent par des transferts de souveraineté.

De cela naissent des phénomènes divers, à l'instar de la concurrence fiscale. Or, comme repris dans les pages précédentes, dans un contexte de survie, chaque Etat cherche à mettre en oeuvre des régimes qui maintiennent l'attractivité économique de son territoire afin d'attirer les investisseurs car ces derniers cherchent toujours à s'établir là où la fiscalité est faible et le climat des affaires serein.

A l'exportation comme à l'importation, la mise en place des intégrations devrait avoir des répercussions notables. Bien que cette mise en place ne soit pas encore totalement effective pour la RDC, la réalité des interactions économiques de la partie orientale du pays avec les pays voisins n'est pas à démontrer.

La concurrence fiscale et même de gouvernance est si réelle que les conséquences sont inéluctables. On observe une délocalisation des facteurs de production (comme la main-d'oeuvre) mais aussi des investissements (les entreprises s'installent dans les pays voisins mais pour fournir uniquement le marché congolais) et, une concurrence fiscale dommageable.

Il est connu qu'au Rwanda, la taxe de sortie à l'exportation est quasiment nulle, les droits sont inexistants. Dans ces conditions, l'opérateur économique n'est soumis qu'à l'obligation de rapatriement et à l'impôt sur le bénéfice (30%). Mais en RDC, en dehors de l'impôt sur le bénéfice (de 40% jusqu'en 2012 et 35% dès lors), l'entreprise doit verser tout un chapelet de droits et taxes.

Au Burundi, par exemple, pour la commercialisation des minerais d'exploitation artisanale, il existe deux types de comptoirs. Les comptoirs en transit et les comptoirs de droit burundais.

Les comptoirs en transit sont ceux qui sont autorisés d'acheter uniquement les minerais en provenance de l'extérieur du pays. Ils ne sont pas tenus à l'exigence de rapatriement des devises. Les conditions d'agrément et de taxation des deux types de comptoirs ne sont pas les mêmes. Par exemple, les comptoirs en transit ne payent pas la taxe ad valorem de 4%.99(*)

On comprend donc que ces comptoirs ne peuvent qu'offrir de meilleurs prix. Aussi, quand un négociant congolais qui pouvait vendre un kilogramme de coltan ou de cassitérite à un comptoir de transit au Burundi à plus ou moins 20 USD (entre 20.000 et 23.000 francs burundais), sur le marché congolais, le comptoir ne peut lui offrir que 7,5 USD par kilogramme. Les prix sont négociés par les comptoirs sur base du même fixing de Londres mais les comptoirs les adaptent selon leurs environnements respectifs.

On conclut très bien que dans ces conditions il n'y a pas lieu de réfléchir pour un opérateur congolais, nos services se contentant des miettes pour laisser passer les minerais sans contrôle et sans paiement. Tant que les gains à glaner dans les pays voisins seront disponibles, il est sûr que la fraude sera entretenue surtout si, entretemps, aucune réforme de la gouvernance n'est opérée afin de réduire les opérations ouvertes (soudoiement des fonctionnaires et des autorités).

Ainsi, le commerce transfrontalier qui est normalement un vecteur de l'épanouissement se transforme en un outil de déstabilisation de l'économie. Mais ce qui est réel est qu'il faut tenir compte de cette interdépendance naturelle et permanente pour mettre en place des politiques adéquates au commerce de l'Est de la RDC.

IV.3 L'évaluation du rendement de l'artisanat minier.

« ...l'extraction artisanale des minerais ne contribue donc pas pleinement aux recettes nationales et à la croissance économique. »100(*) C'est là le refrain concluant la plupart de travaux de recherche et repris dans différentes déclarations et analyses des politiques congolais.

Nous l'avons d'ailleurs noté dans l'état de la question en reprenant ce passage du journal ACP n° 2186 où il est dit que la République Démocratique du Congo ne jouit pas de recettes de l'exploitation artisanale de son sous-sol. Cela signifierait que le rendement de l'exploitation artisanale des minerais est insignifiant ou même inexistant. Patrick Martineau renchérit en disant que `...la RDC ne semble pas profiter réellement du coltan et détient peu de pouvoir sur ce marché, outre le fait d'être un important pourvoyeur. ...En somme, le coltan ne semble pas avoir profité ni au gouvernement congolais, ni à ses populations'.101(*)

Mais ces propos ne sont pas seulement évoqués pour la production artisanale, cela étant vrai également pour les autres types d'exploitation. En effet, dans une étude du Centre d'Etudes, Documentation et Animation Civique (CEDAC, 2009), il est stipulé que `la grande majorité des contrats d'exploitation des ressources minières et autres signés par le Congo et les opérateurs internes et externes sont léonins ; ils ont été octroyés sur fond des commissions et de bradage des intérêts nationaux'.102(*)

La conséquence est que les bénéfices tirés par l'Etat sont modiques selon que l'a affirmé d'ailleurs le Chef de l'Etat ; nous citons : « la nouvelle approche du développement minier doit mettre un terme au paradoxe que représente, d'une part, un énorme potentiel minier, une activité minière de plus en plus intense et, d'autre part, la modicité des bénéfices que l'Etat en tire avec une conséquence négative sur l'amélioration des conditions de vie de nos populations ».103(*)

Le 04 juillet 2013, l'ambassadeur des Etats Unis en RDC est revenu sur la même rhétorique affirmant que « ..., les minerais et les autres richesses naturelles (de la RDC) contrastent avec les souffrances humaines qui sont malheureusement trop fréquentes à travers le pays; ... les richesses naturelles incroyables de ce pays n'auront, au bout du compte, une signification que si elles sont utilisées pour améliorer le bien-être du peuple congolais... »104(*)

Parlant donc des minerais d'exploitation artisanale, il faudrait voir quelle approche considérée lorsqu'il s'agit d'évoquer sa rentabilité ou son rendement. Soit qu'il faut en mesurer l'ampleur en fonction des recettes réelles enregistrées par le Trésor Public, soit prendre en compte ses retombées réelles et vérifiables dans le système économique ou encore dans la situation ou le mode de vie des populations de la région.

La différence à ce niveau viendrait de la considération entre approche de « règles » et approche « d'adaptation » (ou de discrétion). Quand il est annoncé à l'avance la manière dont les activités doivent être menées à divers échelons et que l'on tient à le faire respecter quoi qu'il advienne, on ne considère comme rendement que les situations enregistrées et les recettes qu'elles produisent (approche de règles). Et dans ce cas, il est réel de parler de modicité des recettes de l'Etat et, par ricochet, d'absence de la nécessité de l'exploitation en question.

Or, c'est cette approche qui est prise en compte par différents chercheurs et analystes qui se penchent sur les retombées de l'exploitation artisanale des minerais dans les Kivu ainsi que, par les politiques.

Mais si les décideurs étaient toujours intelligents et soucieux du bien-être des populations, il y aurait lieu de mettre en place des dispositions d'adaptation à l'environnement et ainsi parvenir à la modification des règles et conditions économiques. Ainsi, tenir compte de l'apport de l'exploitation artisanale en évaluant exactement les véritables retombées sur terrain peut faire réfléchir plus d'un en démontrant que ladite exploitation pourrait avoir un rendement.

Nous savons qu'un circuit économique part de la production jusqu'à la distribution des revenus. Dans un circuit économique où il n'y a pas de redistribution, il est aberrant de parler de rendement bien qu'il peut nous être rétorqué qu'il n'y a pas moyen de redistribuer ce qui n'a pas été encaissé au préalable. Vu sous cet angle, nous disons que l'Etat congolais récolte ce que sa politique permet de recueillir.

Notre étude voudrait plutôt évaluer les potentialités que représente ce secteur d'activité ; son apport réel dans le circuit économique et dans la vie quotidienne des citoyens, ce que cela peut avoir changé positivement ou non. Nous voudrions aussi essayer de comprendre si l'exploitation en question peut être mesurable ou comparable à celle de la période au cours de laquelle les sociétés bien structurées s'occupaient de la production des mêmes minerais dans le même espace.

Nous notons de prime abord cette déclaration d'un officiel du Nord-Kivu qui dit que « la quasi-totalité des rentrées de devises, je dirais de 80 à 90%, sont générées par l'exploitation et le commerce des minerais ».105(*) Quel contraste !

Pendant que l'on clame partout que l'exploitation artisanale des minerais ne rapporte rien à l'Etat, ce responsable expérimenté du secteur a osé dire le contraire. Il n'est pas le seul. Nous notons, à titre d'exemple, ces déclarations reprises dans la revue Regards croisés n° 30 de Pole Institute qui confirment cette position. « ...le secteur minier participe aux recettes de la province du Nord-Kivu pour 2 millions de dollars américains même si, précise-t-on, seulement 800.000 arrivent dans les caisses de l'Etat ; le volume des transactions est de plus de 20 millions de dollars par jour. Pour Primo Rudahigwa, chercheur et journaliste, il est admis que les recettes de l'exploitation minière du Nord-Kivu représentent une assiette importante de 2/3 de revenus officiels. Ces recettes proviennent non seulement de l'exploitation minière mais aussi des services connexes tels que le transport aérien des minerais et le commerce des produits vivriers et manufacturés... C'est grâce à ce pactole que le gouvernement provincial s'acquittait de ses obligations, notamment la paie des agents sous sa gestion. Et dès que cette source s'est asséchée, on a constaté des mouvements de grogne ... »106(*)

Si on considère en outre que les rentrées de devises dont il est question ci-dessus ne concernent que les quelques exportations officielles, il y a lieu de commencer à se poser certaines questions et à reconsidérer certaines positions, déclarations et analyses.

La ville de Goma a été rasée par le volcan en 2001. Maisons d'habitation et commerce ont été calcinés. Mais, sans intervention du gouvernement ni d'institutions internationales, cette ville a été reconstruite, plus belle qu'avant et le commerce y est plus florissant qu'avant. Cette ville s'est reconstruite elle-même grâce en grande partie au commerce (illicite ?) de minerais et ; le dynamisme économique qui y est constaté est lié à cela.

De 2000 à 2003, il a été dénombré plus de 1000 villas cossues construites à Bukavu et un développement inimaginable du commerce d'import-export dans toute la province sans financement de quelques institutions que ce soient, et en plus, après des pillages et saccages indescriptibles du fait de la rébellion de 1998. Ce mouvement continue jusqu'à ce jour et est l'oeuvre de l'exploitation artisanale de minerais.

L'exploitation de minerais a généré beaucoup d'emplois et suscité une formation de capital dont se targuent beaucoup d'hommes d'affaires aujourd'hui. Il suffit de faire un tour par les différentes agglomérations de ces deux provinces quand les activités minières sont en berne pour comprendre que la vie tourne au rythme desdites activités. Quand elles sont en pleine effervescence, que Kinshasa existe ou pas, la vie est palpable et tout marche comme il faut.

Les enquêteurs de la Banque mondiale le reconnaissent et relèvent que « le secteur minier artisanal et à petite échelle est le segment le plus important de l'industrie minière, non seulement parce qu'il produit le volume le plus important de substances minérales, mais aussi en raison du nombre de personnes qui en dépendent. Il s'agit d'environ 8 à 10 millions de personnes, soit 14 à 16 % de la population de la RDC, qui exploitent directement les mines ou vivent de l'exploitation minière artisanale »107(*).

Il est donc difficile de calculer ou mesurer le rendement dans cette situation avec des considérations économétriques, mais il sied d'observer le court réel de la vie pour en appréhender le véritable rendement.

L'apport réel de l'activité minière est donc observable au travers de la croissance notable dans certains secteurs de la vie économique et sociale. Cela est indéniable en dépit du fait que l'essentiel des mouvements du secteur relève du ressort de l'informel ; ou mieux, du frauduleux. Le bâtiment a connu une croissance et une modernisation appréciables, les communications ont été améliorées (véhicules, téléphonie, ...), le commerce s'est accru ... Et dès que l'on observe un blocage dans l'activité, c'est le contraire qui se manifeste : le commerce décroit, le chômage revient au galop et les gens vont jusqu'à revendre biens meubles et immeubles, ...

Cela est relayé par d'autres chercheurs indépendants à l'instar de Véronique Isenmann, coopérante volontaire de Eirene Suisse auprès de Pole Institute qui, participant à la réunion de la Table de concertation permanente sur les enjeux du secteur minier le 16 mars 2011, a carrément tranché par une observation pertinente en ces termes : « quand les mines ferment, plus personne ne mange à sa faim. Quand les mines ferment, les creuseurs artisanaux creusent leur tombe... Des évidences qui crèvent les yeux mais dont la lueur n'a pas effleuré des décideurs qui, six mois durant, ont arrêté une économie dont dépendent des milliers d'hommes et des femmes.

Et le document de continuer que s'il fallait tenir compte du fait que ces minerais ne profitent guère aux populations congolaises en termes de réduction de la pauvreté, toutes les carrières du Katanga et du grand Kasaï auraient dû être fermées ». 108(*)

Certaines études reconnaissent de même l'importance du rendement de l'exploitation artisanale. Dans `Etude Promines' de Pact, nous lisons : « l'exploitation minière artisanale en RDC est un grand commerce. Il y a des fonds importants impliqués dedans. Il est très facile pour les commerçants, les entreprises, ... de générer d'importantes sommes d'argent par le contrôle des aspects de la production et du commerce des minerais ».109(*)

On devrait en outre analyser la potentialité que représente cette exploitation, en la comparant à la production de l'époque où l'exploitation était formelle pour dégager l'importance ou non de son encadrement. En effet, pendant la période coloniale et bien longtemps après l'indépendance, les sociétés minières avaient un impact réel sur la vie socio-économique dans le Kivu. Et comme dit Didier de Failly, « ces entreprises minières ont véritablement marqué les paysages physiques et sociaux et modelé même une culture : le Kivu connaissait l'équivalent des « mangeurs de cuivre » de la Copperbelt ou des « gueules noires » des charbonnages en Europe ».110(*)

L'exploitation minière industrielle au cours, par exemple de la période de 1960 - 1990 a été le domaine quasi exclusif de la société SOMINKI (et de ses prédécesseuses) sur toute l'étendue du Kivu et de la société Tenke Fungurume au Nord-Katanga. Les statistiques totales des exportations du pays montrent que le Colombo-Tantalite a toujours été produit et exporté par la RDC, à côté de la cassitérite dont il est l'accompagnateur. Les statistiques de production de cette époque pourraient ainsi être comparées à celles des périodes qui ont suivi où l'exploitation est passée du type industriel au type artisanal pour évaluer si, dans les meilleures conditions, le type actuel d'exploitation peut être considéré comme à potentiel rentable.

Tableau n° 8 : Evolution de la production de la cassitérite, du coltan et du wolframite de 1968 à 1991 (en tonnes)111(*)

Année

1968

1970

1976

1980

1984

1988

1990

1991

Cassitérite

8948

8971

5138

3160

4110

2687

2176

1626

Wolframite

174

365

443

134

59

22

17

17

Coltan

113

147

83

82

112

29

33

57

Source : Mutabazi Ngaoyeka et al, rapport de recherche n° 1 SARW

La période qui a suivi correspond à celle de l'effondrement de l'exploitation industrielle et de l'émergence d'une exploitation artisanale et informelle. Pour cette période les statistiques d'exportation du Nord et du Sud-Kivu se présentent comme suit112(*) :

Tableau n° 9 : Evolution des exportations de la cassitérite du Nord et du Sud-Kivu de 1999 à 2006 (en tonnes)

Année

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Sud-Kivu

295

1438

1037

830

1495

3053

3074

2699

Nord-Kivu

71

23

550

497

938

4672

3599

3599

Total

366

1461

1587

1327

2433

7725

6673

6298

Moyenne RDC 60-90

4602

4602

4602

4602

4602

4602

4602

4602

Source : Mutabazi Ngaboyeka et al, rapport de recherche n°1 de SARW

Tableau n° 10 : Evolution des exportations du coltan du Nord-Kivu et du Sud-Kivu de 1999 à 2006 (en tonnes).

année

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Sud-Kivu

361

604

362

237

110

27

98

27

Nord-Kivu

-

-

71

16

26

42

26

39

Total

361

604

433

253

136

69

124

66

Moyenne RDC 60-90

82

82

82

82

82

82

82

82

Source : Mutabazi Ngaboyeka et al, rapport de recherche n°1 de SARW

On constate, en analysant les éléments des différents tableaux que la faillite du secteur industriel semble avoir plutôt favorisé l'augmentation de la production (paradoxe) pendant la période où n'a prévalu que l'artisanat minier (doublé de guerres de pillage). Cela est d'autant plus flagrant qu'il s'agit là des statistiques se rapportant à deux provinces et non à tout le pays ; de même qu'il ne s'agit que des statistiques officielles.

Quand du Congo de Kasa-Vubu au Zaïre de Mobutu on ne produisait industriellement que 4600 T de cassitérite et 82 tonnes de coltan en moyenne chaque année, l'artisanat minier de la période des rébellions a produit, pour seulement le Nord et le Sud-Kivu, près de 3500 T de cassitérite (soit 75% du total du pays) et 256 T de coltan (soit 312% du total du pays). Il apparait sans contexte que la faillite du secteur industriel au Sud-Kivu a donc plutôt augmenté la production (grand paradoxe) pendant la période d'exploitation exclusive d'artisanat minier.

Considérons de même les éléments des situations officielles des exportations après la période des rébellions.

Tableau n° 11 : Evolution des exportations de la cassitérite du Nord-Kivu et du Sud-Kivu de 2005 à 2012 (en tonnes)

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Sud-Kivu

-

2528

4772

5868

4751

3149

913

1176

Nord-Kivu

3548

2694

8599

13065

10109

6558

2670

2051

Total

3548

5222

13371

18933

14860

9707

3583

3227

Moyenne

8050

8050

8050

8050

8050

8050

8050

8050

source: OCC Bukavu et OCC Goma

Tableau n° 12 : Evolution des exportations du coltan du Nord et Sud-Kivu pour la période de 2005 à 2012 (tonnes).

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Sud-Kivu

-

24

349

448

183

9

21

8

Nord-Kivu

28

39

74

81

290

211

125

256

Total

28

63

423

529

473

220

146

264

Moyenne

268

268

268

268

268

268

268

268

Source : OCC Bukavu et Goma

On remarque que les moyennes d'exportation de cette période sont de loin supérieures à celles de la période 1960-1990 avec 8050 T de cassitérite et 268 T de coltan par an seulement pour les deux provinces du Nord et du Sud Kivu. Ces moyennes dépassent de même celles de la période des rébellions surtout pour ce qui concerne la cassitérite.

Cela prouve au moins que la production de ces minerais est en plein essor. Toutefois il est de même difficile d'évaluer financièrement la vente desdits produits pour dégager si actuellement leur exportation rapporte plus qu'à l'époque coloniale et dans les années qui ont suivi l'indépendance de la RDC.

Toutefois, toutes choses restant égales par ailleurs, avec une production qui est passée du simple au double on ne peut croire que l'activité rapporte aujourd'hui plus que dans la période sus évoquée.

L'usage de ces produits s'étant étendu depuis quelques décennies avec le développement de l'électronique, il ne fait aucun doute que son commerce doit rapporter plus.

On peut tout de même noter les valeurs officielles d'exportations effectuées, et constater qu'il y a lieu de donner toute son importance à cette activité.

Tableau n° 13 : Valeurs officielles des exportations 2005-2012

Année

Vente cassitérite en USD

Vente coltan en USD

Total

2005

5.401.790

71.000

5.472.790

2006

13.400.194

421.306

13.821.500

2007

40.991.757

3.968.184

44.959.941

2008

123.895.488

7.354.393

131.249.881

2009

106.297.106

7.114.745

113.411.851

2010

110.043.295

3.282.638

113.325.933

2011

41.261.187

2.727.946

43.989.133

2012

23.712.471

3.812.398

27.524.869

 
 
 
 

TOTAL

465.003.288

28.752.610

493.755.898

Source : compilation données OCC Nord et Sud-Kivu.

Nous remarquons que la hauteur des chiffres dépend du rythme du marché mondial mais aussi de la gouvernance nationale et internationale. Quand les cours baissent, les valeurs des exportations suivent et vice versa comme entre 2001 et 2004.

Certaines décisions politiques ont également un impact. C'est ainsi que l'application de la Loi Dodd Franck, la suspension d'exploitation par le Chef de l'Etat entre 2010 et 2011, la mise en place des exigences d'organismes divers comme l'ITRI ou l'ITIE ont joué sur le niveau de la production et des exportations.

En temps normal, les deux provinces sont arrivées à exporter officiellement pour plus de 110 millions US, 130 en 2008.

Mises à part les différentes contraintes et tenant compte du fait que tous les analystes sont unanimes qu'au moins 70% des minerais extraits artisanalement passe la frontière en contrebande, on comprend que dans les conditions normales de gouvernance et de fiscalité, la RDC peut vendre pour près de 250 à 350 millions de dollars chaque année.

En terme donc de rendement, il y a lieu de dire que, malgré des conditions relativement difficiles et opaques dans lesquelles elles s'opèrent, les exploitations minières artisanales des Kivu peuvent avoir un grand nombre d'apports positifs tant au niveau national que local, familial et individuel.

Au niveau des individus et des familles, l'exploitation minière artisanale constitue un complément de ressources. Elle contribue, sinon à améliorer le niveau de vie de beaucoup de personnes, du moins à accroître leurs revenus.

Dans le Rapport n° 1 de l'Observatoire de Ressources pour l'Afrique Australe (2008), Mutabazi Ngaboyeka et Nyassa Sanganyi mentionnent que « les creuseurs rapportent que du temps des sociétés minières, jamais un ouvrier n'a eu à percevoir un salaire net de cette hauteur (2,4 à 2,8 usd par jour de travail). Aucun autre travailleur dans ce milieu, quel que soit son niveau de spécialisation ne peut gagner un tel revenu. Ce salaire peut aller jusqu'à 4 ou 6 USD selon les performances du creuseur ».113(*)

A l'échelon local, les impacts économiques de ces opérations se traduisent par une activité commerciale plus intense dans les régions concernées. L'accroissement de l'activité commerciale locale induit ainsi un volume plus important de transactions financières aux centres commerciaux des régions considérées.

IV.4 Quelle organisation pour une exploitation harmonieuse des minerais de

l'artisanat minier?

Nous pouvons affirmer que, dans les conditions normales d'exploitation et de commerce, l'exploitation minière artisanale est une activité rentable. Ses effets ont été remarquables sur la vie des citoyens et dans l'expansion de l'activité économique des contrées concernées (en dépit d'autres effets néfastes qui ne font pas l'objet de notre étude).

Son exploitation actuelle est, en volume et en valeur, beaucoup plus significative que durant la période coloniale et la période ayant précédé les décennies des guerres et rébellions dans l'Est de notre pays. Les effets induits de cette exploitation sont réels et ont été à la base d'une certaine croissance avérée au sein de l'espace constitué par les deux provinces du Kivu.

Les exploitations artisanales offrent, il est vrai, beaucoup de potentialités et peuvent avoir des impacts importants si les conditions sont rendues adéquates.

IV.4.1 Constats majeurs de faits.

En dépit de ce qui est évoqué ci-dessus, il faut remarquer que l'activité est sujette à des multiples contraintes tant internes qu'externes.

-Au niveau externe, la fixation des prix des minerais sur le marché mondial sans réellement tenir compte des conditions d'exploitation autant que les politiques économiques des pays voisins font peser des effets réels et sérieux sur le niveau du commerce interne et même de l'exploitation au quotidien.

-Au niveau interne nous observons que le commerce du coltan, de la cassitérite et même d'autres ressources naturelles, est gangrené par la fraude généralisée si pas institutionnalisée. L'essentiel de la production nationale passe nos frontières en contrebande de telle manière que, selon divers avis, l'impact sur les indicateurs du développement n'est pas visible jusque-là. Ce secteur à grand potentiel est ainsi resté informel.

-Les raisons avancées et connues de tous demeurent une gouvernance déplorable et une fiscalité insupportable. Le moins que l'on puisse dire est que la gouvernance congolaise du secteur, la taxation appliquée à l'activité et la fraude qui en découlent sont un véritable fléau contre lequel il sied de s'attaquer et lutter ardemment pour y apporter des remèdes efficaces.

IV.4.2 Evocation des problèmes et solutions envisageables

1) La Gouvernance.

La gouvernance est une notion parfois difficile à délimiter et donc à définir, car entendue de manière diverse et souvent contradictoire.

Ce mot renvoie à la mise en place de modes de gestion impliquant la prise de décisions, le pilotage et la régulation de ces décisions, l'organisation et la gestion pratique mais aussi le contrôle de l'exécution correcte des décisions prises.

Cela induit aussi bien les outils à utiliser que les acteurs impliqués dans la prise et l'exécution de décisions à différents échelons ainsi que leurs interactions.

Dans les sociétés occidentales régies par la démocratie libérale, la gouvernance renvoie aux interactions entre l'Etat, le corps politique et administratif et la société, et donc aussi aux systèmes de lobbysmes et de coalitions d'acteurs publics et privés. Elle peut être bonne ou mauvaise.

La bonne gouvernance vise à rendre l'action publique plus efficace et proche du bien public et de l'intérêt général ; et donc, plus légitime. Elle est supposée rendre les sociétés plus facilement ou harmonieusement gouvernables. Elle suppose donc aussi un système qui ne surexploite pas ses ressources et qui soit capable de résilience (notion de développement durable).

Pour la Banque mondiale, la gouvernance recouvre les normes, traditions et institutions à travers lesquelles un pays exerce son autorité sur le bien commun, dans une optique de développement. ...La bonne gouvernance recouvre aussi bien la capacité du gouvernement à gérer efficacement ses ressources, à mettre en oeuvre des politiques pertinentes, que le respect des citoyens et de l'Etat pour les institutions, ainsi que l'existence d'un contrôle démocratique sur les agents chargés de l'autorité (Banque mondiale, 1999).114(*)

La gouvernance a, comme on le perçoit à travers ces approches, un rôle à jouer dans la vie économique de chaque pays ou institution. Son rôle sur la croissance et le développement économique dépend des institutions mises en place pour répondre aux besoins de plus en plus croissants visant le bien être de tous de manière durable ; à l'instar de celles ayant la charge d'appréhender la force de l'Etat de droit, le degré de corruption dans un pays, le droit de propriété, la qualité des administrations publiques, etc.

Aujourd'hui, beaucoup d'éléments prouvent qu'il existe un étroit rapport entre la force des institutions, la rapidité de la croissance économique et l'augmentation des fruits du développement.115(*)

Mais, dans des nombreux pays à faible revenu, ces institutions essentielles sont flageolantes quand elles existent, ou seulement totalement absentes.

C'est le cas de la RDC. Bien d'institutions existent mais elles ne le sont que de nom.

Pour notre part, il y a lieu de noter que le plus grand problème est la faiblesse de l'Etat et de ses institutions caractérisées par l'incapacité très remarquée d'organiser divers secteurs de la vie nationale ; dont le secteur minier.

Quant à la perception du rôle de l'Etat, celui-ci se présente plus que jamais uniquement comme percepteur de taxes et redevances, sans offrir en contrepartie l'image du pouvoir structurant, organisateur, réglementant, capable de ristourner une partie de ses revenus dans les domaines de la santé, de la scolarité, de l'infrastructure, etc.116(*)

Or, on sait que la transparence et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques sont des facteurs indispensables pour la stabilité et le développement intégral d'un pays.

Pour notre cas, nous avons observé que la gouvernance est une des raisons essentielles de la fraude et donc du manque de rendement attendu par l'Etat dans le secteur de l'exploitation artisanale de minerais. On peut l'analyser à plusieurs dimensions dont ; la législation en vigueur et les services en charge de la gestion du secteur des mines.

Depuis l'année 2002, le secteur minier de la République Démocratique du Congo dont celui de l'artisanat, est régi par le Code Minier qui a été renforcé dès 2003 par le Règlement Minier au titre des mesures d'application. Il ne se pose donc a priori pas un problème de textes législatifs. Le problème est plutôt celui des dysfonctionnements dans l'administration du secteur qui est handicapée par des capacités institutionnelles insuffisantes, l'instabilité politique persistante, la corruption et autres défaillances dans la gestion.

Aussi, il y a lieu de noter avec Pole Institute (2005) que toute l'histoire de la RDC et spécialement des règles régissant son économie n'est qu'une succession de lois éphémères et arbitraires, co-existants et se contredisant, appliquées de façon sélective, prétendant pourtant être immuables, éternelles et irrécusables.

Le code minier a prévu une feuille de route et des échéances claires. Pourtant, rien de tout cela n'a été fait dans les délais arrêtés. Le Règlement minier a prévu des textes ministériels pour asseoir les impôts, taxes et redevances et bien d'autres obligations des exploitants mais il a fallu attendre beaucoup d'années pour voir édicter des arrêtés reprenant ce qui a été prévu.

Il a été prévu une opération de vulgarisation des dispositions légales ci-haut citées. Mais, très peu d'opérateurs ont connaissance des dispositions desdits textes. Le niveau de sensibilisation, de compréhension et de respect de ces conditions légales est extrêmement bas. Des nombreux exploitants n'ont pas les connaissances techniques nécessaires pour observer droitement les règlements. Peu d'exploitants ont les moyens ou le temps d'honorer leurs obligations, ils sont encore moins nombreux ceux qui veulent le faire car ils n'en perçoivent pas la nécessité, les avantages ou que ces clauses ne sont jamais mises en application.

Le Code et le Règlement miniers ont prévu les intervenants officiels au sein de la filière ; que cela soit au niveau de la gestion des services et des autorisations qu'au niveau opérationnel.

A ce niveau, il y a déjà pléthore de services et de responsabilités.

Nous avons ainsi, d'une part le Ministre national des mines, l'Autorité provinciale des mines, le cadastre minier, la direction de géologie, la direction des mines, le département chargé de la protection de l'environnement minier et ; d'autre part, le SAESSCAM, le CTCPM, le CEEC mais aussi tous les autres services publics qui fournissent certaines prestations dans tel ou tel domaine tels la DGDA (ex-OFIDA), l'OCC, le Commerce extérieur, le Gouvernorat de province, etc.

D'autres services s'imposent sur terrain du fait effectivement de ce manque de gouvernance adéquate que nous décrions, l'Etat étant le plus souvent géré comme un bien sans maître dans beaucoup de contrées du pays. Ces services s'imposent comme intervenants en dehors de la législation ou se couvrent sous des législations parallèles.

C'est le cas de divers services de l'Armée officielle, la Police nationale, les services de sécurité (ANR), le Territoire, le Groupement ou Collectivité, la DGM, ... sans oublier différentes milices.

La conséquence de la présence de tous ces services est la tracasserie et le pillage organisé aboutissant à des décaissements supplémentaires exorbitants et injustifiés par les opérateurs économiques.

De même, ces différents services agissent sans aucune cohésion de telle sorte qu'il est difficile pour un opérateur normal de comprendre le bien-fondé de leurs interventions. C'est même dans ce contexte qu'ils ne peuvent produire des éléments qui se ressemblent ou se complètent en termes de statistiques.

En dehors de la perception de taxes, aucun de ces services ne réalise parfaitement les objectifs pour lesquels il a été mis en place.

Les agents de ces différents services sont aussi des fonctionnaires démotivés, sous-payés et sans aucun esprit patriotique quand ils ne sont pas carrément au service des administrations des pays voisins.

Toute cette cacophonie est donc la base réelle de l'exploitation informelle que connaissent ces minerais.

Au fait, l'activité artisanale d'exploitation minière ne relève pas de l'informel car elle a été établie sur des bases juridiques officielles contrairement à la période avant 1982.

De même, il a été établi que les opérateurs économiques exportateurs de minerais de l'artisanat minier, qu'il s'agisse des négociants ou de comptoirs agréés, sont des commerçants à part entière, c'est-à-dire des acteurs du secteur formel enregistré et identifié.

Devant l'échec ou l'inadaptation des stratégies de développement orientées vers le maintien et l'essor du secteur formel, le recours à la contrebande devient une alternative de survie et, peut-être, de développement. Les opérateurs évoluant dans le formel posent alors des actes répréhensibles qui relèvent plutôt de la fraude, de l'illégal, du banditisme économique. Ce genre de comportement est qualifié `d'économie souterraine' ou d'activité au noir car accompli en marge de la réglementation. Cela doit être combattu et c'est cela la situation dans cette contrée.117(*)

Pour résoudre ces problèmes de gouvernance, plusieurs scénarii peuvent être envisagés selon les cas ; comme :

- diffuser et faire respecter la législation sur l'exploitation minière artisanale ;

- adapter la loi en prenant effectivement compte des réalités locales étant donné que l'extraction des ressources minérales et les autres domaines de la vie économique et politique sont inséparablement liés (les droits d'exploiter les mines et les droits fonciers sont liés, le commerce des minerais et celui des biens de consommation sont liés également ; les taxes minières et celles relatives à d'autres activités aussi) ; en d'autres mots, harmoniser le droit minier avec d'autres législations nationales relatives à la gestion des ressources naturelles et normaliser la réglementation minière artisanale dans les provinces ;

- clarifier et rationaliser les rôles et les responsabilités de tous les services intervenants pour éviter une duplication et des lacunes. Accroître la capacité des agents de l'Etat à jouer leur rôle juridique dans le secteur de l'exploitation minière artisanale et à exclure les acteurs non officiels;

- au mieux, mettre en place un guichet unique des services intervenants au sein duquel les actions sur terrain seront coordonnées et harmonisées afin de présenter un seul interlocuteur aux opérateurs et ainsi garantir la fiabilité des actions et des données et, de même, éliminer au maximum les tracasseries ;

- rémunérer correctement les agents intervenants (primes comme à la DGI et DGDA) afin de les prémunir contre la corruption car pour ceux qui occupent les postes inférieurs de la hiérarchie administrative, qui n'ont pas perçu leur salaire depuis des mois, percevoir un pot-de-vin est une question de survie;

- mettre tout en oeuvre pour réunifier la direction du pays en faisant en sorte que ce soit un même gouvernement qui gère tout le pays jusque dans les coins reculés au lieu d'avoir des mini gouvernements qui ne répondent pas de l'autorité officielle et qui font appliquer leur propre loi sur des étendues certaines du territoire national ;

- en urgence, bien gérer les frontières, et donc l'ensemble des mouvements des personnes et des biens. C'est au fait un suicide de croire à une intégration régionale quand on n'a pas encore assuré et maitrisé l'intégration nationale, quand on n'a pas encore implanté le sens de la patrie dans les coeurs et les moeurs des services de douane, des renseignements et de l'immigration (de même que tous les autres services publics).

2) La Révision de la Fiscalité.

Nous avons démontré que, et c'est l'avis de tous les chercheurs, analystes et opérateurs de tous bords, que le secteur de l'exploitation artisanale des minerais des provinces du Kivu souffre d'une surcharge fiscale. Des taxes officielles, officieuses et illégales se côtoient et sont perçues à plusieurs niveaux.

Pour contourner cette situation, les opérateurs sont poussés à diverses méthodes pour recourir à la fraude et à la contrebande.

Il est impérieux de comprendre qu'il y a une redondance du fait d'une fiscalité interne exorbitante et d'une fiscalité externe alléchante. Dans ces conditions, les opérateurs fuient un système de taxation usuraire en interne et tiennent à profiter des ouvertures fiscales offertes par les pays voisins pour maximiser leur gain.

Devant cet état de choses, des réflexions doivent être menées par rapport au degré de la taxation interne, d'une part ; et de l'autre, par rapport à l'attrait qu'offrent les fiscalités des pays voisins.

Sans tourner autour du pot, en termes de perspectives pour l'avenir, il sied d'envisager une réforme ou une révisitation de la fiscalité interne et une adaptation à la fiscalité environnante en prônant alors une harmonisation fiscale. Il s'agit donc de repenser tout le système de gestion de manière à garantir l'attractivité économique du territoire congolais en ce contexte de mondialisation qui est à l'origine d'une concurrence très forte.

Comme l'ont dit Leroy et autres, `il ne suffit pas d'avoir une fiscalité attrayante voire inexistante pour attirer les capitaux, les entreprises et les personnes physiques sur un territoire. Sans sécurité juridique, administrative, matérielle et politique, un Etat ne peut développer son attractivité'118(*)mais la fiscalité est un pan important tant dans la localisation des activités économiques que dans leur gestion quotidienne et leur croissance ou mieux, dans le développement d'une stratégie globale d'attractivité.

a) Revoir la fiscalité interne.

Bien que l'Etat Congolais a revu à la baisse depuis fin 2008 certains droits sur les minerais d'exploitation artisanale (à la suite de maintes réclamations d'opérateurs économiques du secteur) dont les droits à l'exportation qui sont passés de 5 à 1% de la valeur à l'exportation, la cohorte de droits, taxes et redevances constitue toujours un obstacle majeur au commerce de ces produits.

En passant par la contrebande, les comptoirs d'achat qui exportent évitent les droits à l'exportation mais aussi l'impôt sur le bénéfice ; l'argent rapatrié au travers le circuit bancaire des pays voisins rentrant au pays sans emprunter les voies de notre système bancaire. Quand on sait que notre système de contrôle fiscal des comptabilités souffre aussi des mêmes maux, il n'y a pas de possibilité de recouper les informations en rapport avec les ventes réellement effectuées.

En usant des mêmes voies, les négociants évitent en plus des droits de sortie et de l'impôt sur le bénéfice, plusieurs autres redevances qui auraient dues être payées du fait de l'intervention de divers services publics.

En dehors donc de la mise en place d'une politique de gouvernance tendant à éliminer les tracasseries à tous les niveaux ; la RDC, pour relancer le commerce et encourager ses opérateurs économiques à exporter officiellement à partir de son territoire, ne doit pas avoir honte de revoir sensiblement à la baisse sa taxation.

La solution serait de supprimer les droits de sortie et réduire au maximum les autres perceptions tant au niveau national qu'au niveau local.

Nous avons remarqué qu'à chaque niveau d'exploitation ou de transaction correspond un type de taxation. Cela justifie qu'il y a lieu de considérer d'abord les propositions d'améliorations éventuelles à chaque niveau avant d'y réfléchir de manière globale.

Au niveau des creuseurs artisanaux, la taxe pour carte d'exploitant devrait rester l'unique taxation. Elle serait rétrocédée aux collectivités locales pour éviter que ces dernières n'en rajoutent d'autres. Du fait du caractère non permanent de la qualité d'exploitant artisanal, la perception annuelle s'avère justifiée. D'ailleurs, les taxes payées à ce niveau ne pèsent pas dans le coût du produit devant être exporter.

Au niveau des négociants et des comptoirs d'achat, la loi stipule qu'ils doivent être réellement des commerçants ; c'est-à-dire des personnes établies en tant que telles au regard des dispositions règlementaires, relevant du droit commercial et du droit fiscal comme tous les autres commerçants.

A ce niveau on comprend qu'il faut supprimer le renouvellement annuel de la caution et de la taxe d'agrément, y compris les frais y relatifs. On pourrait peut-être les soumettre à une taxe unique d'agrément ou caution payable une seule fois à l'ouverture ; à l'instar des frais d'ouverture que payent les établissements des secteurs pharmaceutiques et sanitaires relevant du ministère de la santé publique.

Ils resteraient alors redevables de l'impôt sur le bénéfice comme tous les autres opérateurs économiques qu'ils verseraient au moment de la déclaration de leurs revenus annuels.

A ce niveau l'Etat devrait alors renforcer son système de contrôle des comptabilités afin de déceler tous les mouvements qui tendraient à dissimuler tout ou partie de l'assiette imposable. Cela est facile à faire si les services commis au suivi de l'exploitation sont mis dans des conditions susceptibles de leur permettre de faire leur travail.

Pour ce qui est de redevances liées aux interventions de divers services publics, il est important - dans le cadre d'un guichet unique - de réduire toutes les taxations ou perceptions à 1 ou tout au plus 2% ad valorem à répartir entre les services, dont le gouvernorat de province. Ainsi, on ne retrouverait plus un seul service qui perçoit de l'argent à plusieurs étapes ; comme par exemple pour le service rendu dans un premier temps et pour l'autorisation à donner dans un deuxième temps, qui parait comme une réelle surcharge ou mieux une double taxation.

A ce nouveau niveau de taxation, nous estimons que le risque pour l'opérateur économique serait plus grand et plus grave que le gain à percevoir en essayant de passer par la contrebande.

Cela est possible et plus rentable pour le pays que de se cacher derrière un souci affiché d'une maximisation de recettes théorique qui, en fait, facilite ou développe la non perception de celles-ci.

En dehors de ces aménagements purement fiscaux, d'autres aspects doivent être pris en considération pour rendre bénéfique l'exploitation artisanale.

Organiser les petits exploitants miniers (creuseurs) serait ainsi un atout majeur. Etant donné la précarité de leur métier et son bas niveau de rentabilité, étant donné les dangers auxquels ils sont exposés de manière permanente et la pauvreté criante qui caractérise leur vie ; un processus de formalisation de leur activité devrait être envisagé et puis renforcé selon d'ailleurs que le code minier l'avait préconisé.

Regrouper les artisans en coopératives minières structurées viserait non seulement la défense de leurs intérêts mais aussi la formation, l'amélioration de leurs conditions de vie de manière générale et l'accès à des petits financements de nature à les aider à orienter le fruit de leurs efforts vers d'autres microprojets.

Des projets d'appui aux exploitations minières artisanales pourraient ainsi voir le jour avec comme objectif principal d'identifier et de mettre en place des solutions durables aux problèmes multiformes par une approche intégrée.

La mise en place de telles structures permettrait de même à la longue d'envisager la possibilité de fiscaliser ces petits exploitants en récupérant, au travers de leurs structures d'encadrement, par exemple, assez aisément, l'impôt personnel minimum.

En effet, l'Etat perd beaucoup de ressources en n'imposant pas plusieurs bases oubliées. Il pourrait ainsi s'appuyer sur des structures formalisées à la base pour impliquer toute la population dans la perception des ressources publiques mais de manière indolore.

De même, la mise en place de telles structures, si elles sont bien organisées et appuyées, constitue une façon de répondre à une des priorités des gouvernants qu'est la lutte contre la pauvreté. Cela notamment, en encourageant, à côté du travail de la petite production minière, d'autres activités productives complémentaires auxquelles l'activité minière servira de pont d'encrage.

b) La possibilité d'harmonisation fiscale.

Comme dit plus haut, on ne peut chercher à harmoniser tant que les dispositions et normes en interne ne peuvent prêter à harmonisation. Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif de telle manière qu'en interne nous demeurons compétitifs pour inquiéter les marchés extérieurs afin de les pousser à vouloir harmoniser avec nous. L'aménagement donc en interne parait incontournable ; sinon, toute tentative de coordination ne serait qu'une « arme fatale » pour l'économie nationale.

Au sein des ensembles économiques, la nécessité d'harmonisation se veut inéluctable au moment où il est préconisé la mise en place des zones de libre échange et éventuellement des unions douanières.

En 2009 déjà, les ministres des mines des pays membres de la Communauté pour le développement de l'Afrique australe (SADC), ont évalué la possibilité de la convergence aussi bien de leurs politiques que de toutes les normes législatives et réglementaires régissant le cade minier des Etats respectifs. A cette occasion, le ministre congolais (RDC) des mines a appelé les Etats membres à tout mettre en oeuvre pour soutenir l'activité minière par des mesures fiscales courageuses.119(*)

Qu'a-t-il entendu par des mesures fiscales courageuses ? Nous ne saurons le dire exactement mais on voit bien que l'option de la convergence ou mieux de l'harmonisation des fiscalités est donc prise au sérieux car véridique ; raison de plus pour y attacher une certaine importance.

Mais qu'est-ce donc que l'harmonisation fiscale ?

Nous savons que la matière fiscale ou la détermination des régimes fiscaux relève de la souveraineté des Etats. Chaque Etat est libre d'imposer les différentes assiettes d'impôts comme bon lui semble sur son propre territoire, selon sa politique économique et sociale.

Ainsi, le libre exercice de la mise en oeuvre de leurs politiques fiscales peut engendrer une concurrence comme pour le commerce. La concurrence ainsi engendrée entre les systèmes fiscaux de pays différents est une retombée normale, qui ne pose pas de problème en soit. Elle est même qualifiée saine.

Il est à noter que chaque pays évalue ou doit évaluer en permanence ses régimes fiscaux et ses dépenses publiques en vue de procéder, s'il le faut, à des ajustements visant à améliorer ses prestations et son investissement.

Mais quand la politique économique et fiscale d'un pays contribue à développer des « niches » fiscales au seul motif d'attirer des activités fiscales et autres géographiquement mobiles, c'est-à-dire, quand la concurrence fiscale vise à inciter l'épargne et autres activités économiques à se localiser, non en fonction des besoins économiques locaux, mais à raison de la fiscalité des Etats ; alors, elle cesse d'être saine et devient déloyale. Il s'agit donc de mettre en place une concurrence fiscale néfaste entre les Etats dans le but de détourner l'épargne des autres pays en entrainant un risque de distorsion des échanges et des investissements et, à terme, d'effriter des assiettes fiscales nationales.

Dans la mesure où elle cause des préjudices à d'autres Etats, cette concurrence fiscale est alors qualifiée de dommageable.

Diverses pratiques sont possibles dans ce cadre mais retenons seulement que certains vont jusqu'à modifier leurs systèmes fiscaux afin d'attirer l'épargne venue d'ailleurs pour élargir leur part de base imposable faisant ainsi supporter leur fardeau fiscal par d'autres pays.

La concurrence fiscale quand elle devient dommageable, favorise, ipso facto, l'évasion fiscale, qui est l'ensemble des procédés, licites ou non, qu'un contribuable habile peut utiliser pour diminuer ses impôts ou y échapper carrément.

Fait important à retenir, les investisseurs et les épargnants c'est-à-dire les opérateurs économiques bénéficient de cette concurrence, mais elle s'avère catastrophiquement préjudiciable pour les Etats120(*).

Les dommages qu'elle peut causer sont multiples121(*) :

- elle fausse les flux financiers ;

- elle fausse les statistiques de production et financières ;

- elle décourage le respect des dispositions fiscales par tous les contribuables ;

- elle transfère indûment une partie de la charge fiscale vers des bases d'imposition moins mobiles (travail, consommation, biens immobiliers) ;

- elle entame le financement des dépenses publiques en privant l'Etat de ses moyens ; Etc.

Tous ces dommages incitent donc à procéder à l'harmonisation dans le cadre de la coopération entre les Etats, visant à mettre en place des législations et des pratiques de nature à freiner les distorsions économiques.

Il serait toutefois très simpliste de croire qu'une harmonisation signifie une uniformisation complète et souhaitable des fiscalités nationales. Au fait, les pays n'ayant pas les mêmes avantages comparatifs et pas les mêmes préférences collectives, leurs niveaux de dépenses publiques doivent rester hétérogènes et donc leurs pressions fiscales doivent être différentes. Et dans ce cas, une uniformisation ne peut être envisageable, chaque pays étant confrontés à ses propres réalités et besoins nécessitant une approche particulière de gestion.

Il s'agit plutôt de la mise en place des dispositions administratives pour aboutir à une coordination des politiques fiscales dans le cadre des conventions bilatérales. Cela relève bien sûr de la sincérité de ces relations bilatérales.

Avec les voisins de la RDC, il ne s'agit pas malheureusement d'un problème de compétitivité sur un quelconque marché, mais plutôt un problème de guerre économique. Les fiscalités privilégiées des pays voisins ont volontairement comme mobile le pillage de la RDC et l'élargissement de leurs recettes publiques.

Ainsi, avec une politique fiscale alléchante,

- les investisseurs étrangers viennent s'installer chez nos voisins mais aux portes de la RDC pour traiter les minerais congolais ;

- les produits de fabrication locale à coût élevé sont supplantés par ceux des pays voisins à coût de production faible. De ce fait, les entreprises naissantes en RDC n'ont d'autre issue que la faillite au moment où le marché congolais se remplit des produits fabriqués dans les pays voisins (c'est le cas de l'eau en bouteille plastique, du jus, des boissons, du savon, ...) ;

- les opérateurs congolais passent par les pays voisins et les produits d'exportation sont rapatriés et taxés dans ces pays là au détriment de la RDC.

La solution serait donc de mettre en place des conventions bilatérales qui permettraient une coopération honnête et traçable. Sous la 2e République, une telle coopération a été perçue au moyen de la CEPGL d'alors. Aujourd'hui, une telle coopération n'est plus que factice depuis la chute du régime Mobutu. Malheureusement, une coopération bilatérale sincère avec nos voisins de l'Est n'est pas prête d'être envisageable si on considère la façon dont les accords sur le plan politique sont faits et défaits à longueur de journée.

D'où l'impérieuse nécessité de revoir plutôt la fiscalité interne.

3) La loi Dodd-Frank, la suspension de 2010 et les obligations de traçabilité.

Ces différentes dispositions ne font, à priori, pas partie de notre essai d'analyse. Mais, nous estimons qu'un aperçu sur leurs objectifs et leur mode opératoire est essentiel du fait de leur caractère actuel et de leurs retombées sur les activités d'exploitation minière artisanale dans les Kivu.

Il s'agit, estimons-nous, également de problèmes liés à la gouvernance du secteur.

Il y a d'abord eu, la suspension des activités minières dans les provinces du Maniema, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Le 09 septembre 2010, ayant constaté un désordre manifeste dans l'exploitation minière dans l'ex-Kivu faisant état de l'irresponsabilité de certains cadres de l'armée régulière qui se plaisaient à abandonner leurs postes de travail pour s'adonner aux activités minières, le Chef de l'Etat de la RDC avait décidé de suspendre toutes les activités minières dans cette partie du pays.

Joignant la lettre à la parole, son ministre des mines avait confirmé cette décision en prenant l'arrêté ministériel n° 0705/CAB.MIN/MINES/01/2010 du 20/09/2010.

La mesure de suspension était officiellement justifiée par122(*) :

- l'existence des liens entre l'exploitation illégale et le commerce illicite des ressources minérales ;

- la prolifération et le trafic d'armes par des groupes mafieux armés et l'insécurité récurrente dans les provinces précitées ;

- la nécessité de sauvegarder la souveraineté de l'Etat et de rétablir son autorité sur le sol et le sous-sol dans les provinces concernées ;

- la nécessité de mettre un terme à l'immixtion des agents et des personnes étrangères aux services reconnus par le Code minier dans le circuit d'exploitation et de commercialisation des substances minérales.

Tous ces facteurs ne permettaient pas, selon le Chef de l'Etat, de réduire la pauvreté des populations congolaises de cette partie du pays. De même, l'apport de ce secteur au Trésor Public était insignifiant.

Cette suspension fut levée le 1er mars 2011 par l'arrêté du Ministre des mines numéro 0034/CAB/MINES/01/2011 portant levée de la mesure de suspension des activités minières dans les provinces du Maniema, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

A la suite de la suspension présidentielle, ce fut le tour de la loi américaine dite loi DODD-Frank ou loi OBAMA, entrée en vigueur le 1er avril 2011. La section 1502 de cette loi constitue une obligation de divulgation de l'origine des minerais c'est-à-dire, divulgation au titre de laquelle les entreprises se doivent d'établir si leurs produits contiennent des minerais du conflit (cfr. site Globalwitness.org).

Cette loi, adoptée par le Congrès américain en juillet 2010, est l'émanation des rapports de plusieurs organismes internationaux, dont Global Witness, qui ont conclu que le commerce de minerais du conflit exacerbait les atteintes aux droits de l'homme et favorisait l'insécurité dans l'Est de la République Démocratique du Congo.

Relativement aux prescrits de cette loi, il y a lieu de noter la mise en oeuvre de différentes initiatives dans le but de contribuer à la transparence et à la traçabilité des minerais de l'Est du Congo ; à l'instar de l'ITRI (International Tin Research Institute), Organisation des principaux producteurs et fonderies de l'étain, qui poursuit le projet de traçabilité du minerai de cassitérite et va fournir des informations vérifiables concernant leur provenance depuis le site d'exploitation par des creuseurs en procédant par l'étiquetage.

Il y a également le Bureau Fédéral allemand des Géosciences et de Ressources naturelles (BGR), chargé du projet d'appui à la mise en place et au développement d'un système de certification des substances minérales. Il a pour objectif d'améliorer la transparence et la traçabilité dans le secteur minier et veiller à ce que les recettes de l'Etat provenant du commerce des minerais contribuent au développement économique et social ainsi qu'à la réduction de la pauvreté.123(*)

Toutes ces dispositions ou initiatives pourtant indispensables ne font pas l'unanimité quand à leur utilité.

Pour ce qui est de la suspension présidentielle, analystes, opérateurs économiques et populations ont estimé que:

- il s'agissait d'une panne dans l'économie locale de survie qui ne vit que de l'existence du commerce des minerais ;

- il s'agissait d'une décision dévastatrice étant donné que c'est seul le commerce des minerais qui injecte de l'argent frais dans le commerce ; les minerais constituant l'artère principale de l'économie formelle et informelle à l'Est du Congo ;

- c'est cette décision qui, par contre, a privé le Trésor public de ressources importantes jusqu'à asphyxier le fonctionnement des institutions quand on sait que, au Nord-Kivu par exemple, 2/3 des recettes officielles viennent dudit secteur.

Pour ce qui est de la loi DODD-Frank, la population ne comprend pas que les initiatives affichées comme prenant en compte son bien être viennent de ceux-là même qui financent et entretiennent le conflit à l'Est de la RDC. C'est un leurre, disent plusieurs, car qu'est-ce qui empêchent les américains d'intervenir pour mettre de l'ordre comme en Irak...

En outre, certaines initiatives ne sont pas gratuites. Les nouvelles opérations de certification ont pour conséquence une lourdeur supplémentaire et, en plus, il faut payer jusqu'à 380 $ par lot au titre de frais de certification. Des frais qui viennent alourdir davantage une liste de taxations déjà insupportables et donc grignoter la marge bénéficiaire de l'opérateur économique à chaque occasion d'exportation.

Pire, il y a beaucoup de complications du fait de cette certification étant donné qu'il est impossible de certifier tous les sites de production ; ces derniers étant disséminés sur toute l'étendue de la province, même dans des parcelles familiales dans les contrées inaccessibles.

Non seulement que ces opérations ont augmenté la lourdeur mais elles ont rajouté les intervenants, les frais et ravivé donc le recours à la fraude. Cela est d'autant plus vrai que même les services publics oeuvrant dans la filière le reconnaissent :

« Pour comprendre la situation des exportations des produits miniers de la filière stannifère il faudrait aller chercher les premières raisons dans les mesures (décisions, exigences) prises aussi bien au niveau national qu'international. En effet, depuis la publication et l'entrée en vigueur de la loi Dodd Frank ainsi que des exigences de l'OCDE et des recommandations de l'ONU sur les minerais en provenance des zones des conflits ou à haut risque, l'exportation du Sud-Kivu a sensiblement baissé. Au niveau national, l'interdiction de transfert de minerais d'une province à une autre, ... ont influencé très négativement les exportations de 2012.

Somme toute, ces mesures ont plutôt favorisé la fraude et la contrebande ».124(*)On ne le redira donc pas assez !

Global Witness, évoquant la loi Dodd-Frank dans le document évoqué ci-haut, reconnait que ces dispositions ont été décriées par plusieurs personnes qui ont même orchestré d'importantes campagnes de dénigrement. Il qualifie ces campagnes de « fausses informations » mais rejette tout de même la responsabilité du disfonctionnement du secteur et du ralentissement des activités à la suspension imposée par le gouvernement congolais. Ces lois, mesures, exigences, obligations ne sont donc pas nécessairement salutaires pour le secteur de l'artisanat minier congolais. Elles peuvent parfois cacher des intentions difficiles à décrypter.

Une bonne organisation administrative permettrait à la RDC d'user des seuls services étatiques qui ne laisseraient pas leur responsabilité aux organismes étrangers même s'ils pourraient continuer de conjuguer avec en tant que partenaires.

CONCLUSION

En abordant cette étude, notre souci - en tant qu'observateur privilégié de la vie des opérateurs économiques de divers secteurs - était de vérifier les allégations de ces derniers pour qui les maux dont souffre l'activité minière artisanale de l'Est de la RDC sont entre autres la fiscalité excessive, la parafiscalité inadaptée et une interprétation erronée des textes légaux par les intervenants.

Il s'agissait de même de vérifier si réellement ce secteur n'a pas de raison d'être car ne profitant en rien au Trésor Public et à l'économie nationale comme n'ont cessé de l'affirmer les pouvoirs publics centraux et même certains organismes intéressés. Il était aussi question de cerner ce que l'Etat congolais peut réellement tirer de cette filière s'il était affirmé qu'il faut plutôt la réorganiser afin de résoudre les problèmes qui la gangrène.

Nous avons subdivisé cette dissertation en quatre chapitres. Nous avons de prime abord présenté - dans le premier chapitre - un bref aperçu sur la fiscalité congolaise en épinglant particulièrement des notions sur les ressources publiques et les mécanismes de leur gestion et mobilisation ainsi qu'une faible énumération de ce qui constitue le contenu de la fiscalité congolaise. La démarche à ce niveau là avait pour objectif de permettre à tout lecteur de se situer par rapport aux notions essentielles développées dans la dissertation qui relèvent effectivement du domaine des ressources de l'Etat. Il y a lieu de noter que la fiscalité congolaise est en pleine expansion et que depuis la mise en oeuvre du Programme économique du gouvernement PEG 1, des reformes importantes sont en cours et modifient rapidement la structure du système fiscal congolais.

Nous avons eu de même à examiner la littérature, dans un deuxième chapitre, en scrutant la fiscalité minière congolaise de façon particulière. De l'histoire de l'exploitation minière en RDC à l'examen des dispositions fiscales relatives à l'artisanat minier telles qu'édictées par le Code minier de 2002 et le Règlement minier de 2003 en passant par une revue historique de l'exploitation de minerais dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, nous avons noté que les dispositions en question n'ont pas totalement servi - dans leur application - à juguler une gestion hasardeuse du secteur.

Il est dit que l'on fait la science avec des faits comme l'on fait une maison avec des pierres. Aussi une approche assez pragmatique nous a amené à chercher à confronter l'hypothèse au réel, aux faits en allant sur terrain et en y menant des enquêtes qui ont fourni les différents éléments repris dans cette étude. Celles-ci (essentiellement des interviews) ont été menées au Nord-Kivu (Goma, Walikale) et au Sud-Kivu (Bukavu) auprès de divers services publics (OCC, Divisions et services des mines, CTCPM, CEEC, SAEESCAM, ...) où statistiques et explications diverses nous ont été fournies ; ainsi qu'auprès d'opérateurs économiques membres de la FEC ou non (qui ont requis l'anonymat en raison de la complexité estimée du sujet).

Fort des résultats de terrain et considérant l'hypothèse selon laquelle la fiscalité influerait négativement sur le commerce des minerais, nous avons - au moyen des résultats d'enquêtes - démontré le niveau des taxations réellement appliquées dans le circuit d'exploitation de minerais de l'artisanat minier au sein de notre troisième chapitre avant de confirmer l'hypothèse et proposer quelques suggestions dans le quatrième chapitre.

En effet, dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, il n'y a jusqu'à ce jour pas d'exploitation minière de grande envergure comme cela fut le cas il y a quelques décennies ; et cela, en dépit du début d'exploitation du groupe Banro Mining dans le Sud-Kivu.

De prime abord, une évidence s'impose : tandis que des partenaires étrangers sont encouragés à prendre la gestion de l'exploitation minière industrielle au Congo, les populations affectées n'ont rien à espérer et, leur propre travail dans les mines n'est considéré par personne comme économiquement utile.

Or, comme démontré tout au long de cette étude, l'exploitation minière artisanale peut avoir un impact considérable sur l'économie ; elle contribue déjà à la survie des populations de plus en plus nombreuses et à la dynamisation d'autres activités commerciales dans les contrées concernées.

Certes, force est de reconnaître que ce secteur est encore loin d'atteindre les résultats que l'on peut effectivement réaliser ou même ceux officiellement escomptés. Mais, sous réserve d'une organisation cohérente et d'une gestion améliorée, le secteur de l'artisanat minier peut s'affirmer comme un vecteur porteur de croissance pour la lutte contre la pauvreté et pour un développement durable du fait de ses effets induits sur les autres branches d'activités économiques.

La productivité des activités d'exploitation artisanale des minerais est officiellement beaucoup trop faible qu'elle ne devrait l'être en réalité. Et cela se justifie bien, qu'il s'agisse des quantités présentées ou des recettes enregistrées. Mais leur rentabilité économique et financière serait sans doute bien supérieure si des dispositifs fiscaux, réglementaires et administratifs appropriés étaient mis en place et respectés.

Il n'est un secret pour personne que l'essentiel de l'exploitation minière artisanale des Kivu passe les frontières par la voie de fraude ou de contrebande. La conséquence en est que le niveau de recettes revenant au Trésor public congolais est ainsi amenuisé ; la production du Congo profitant plus aux pays voisins d'où les exportations sont faites officiellement.

Or, l'exploitation des ressources naturelles et leur commercialisation sont supposées être soumises à la légitimité du pouvoir public et à des normes et règles établies. Mais, cela n'est pas la réalité pour la partie orientale de la RDC.

Il est vrai que les normes réglementaires existent pour l'exploitation desdites ressources mais en dépit de leur existence, l'exploitation artisanale fait l'objet d'une fraude massive mais aussi institutionnalisée privant l'Etat de recettes importantes. C'est là où se situe le problème. Il y a lieu de conclure que ces normes sont soit mauvaises et inadéquates soit elles souffrent de leur mise en application.

Les causes de cette situation de fraude sont effectivement une gouvernance hasardeuse et une fiscalité excessive et mal pensée.

Le nombre et la hauteur des différentes taxations, le nombre d'agents et services commis et le nombre d'autorisations à requérir sont autant de raisons qui poussent les opérateurs économiques à recourir au contournement et à l'exportation à partir des territoires des pays voisins où tout cela n'existe pas.

On comprendra alors que des solutions à cette situation ne peuvent être que le fait des actions du pouvoir public étant donné que les causes découlent du manque d'efficience dans l'action des mêmes pouvoirs publics.

Au fait, malgré la multitude de difficultés et d'obstacles, l'exploitation artisanale est l'un des moyens de subsistance et de développement les plus importants de la RDC et, du point de vue du secteur minier, il a un rôle très important à jouer dans la croissance de l'économie du pays.

Malheureusement, le chaos autour de la gestion du secteur minier artisanal dénote du presque vide de l'Etat, de la faiblesse de l'Etat et de ses institutions caractérisés par leur incapacité d'organiser le secteur de manière pratique.

On reconnait généralement que des principes et pratiques de gouvernance peu performants tant à l'échelle nationale, provinciale que locale, contribuent essentiellement au dysfonctionnement des systèmes censés gouverner le commerce et l'activité économique.

On a tendance à croire, à tort, que le seul moyen de lutter contre le commerce non enregistré et la fraude consiste à resserrer les contrôles de l'Etat. Et, pourtant, la simplification pourrait s'avérer plus profitable que le resserrement de la réglementation.

Ainsi, les facteurs motivants qui poussent les opérateurs économiques à pratiquer du commerce informel doivent être éliminés avant de mettre en oeuvre des mesures efficaces pour faire appliquer les principes du commerce légal ou formel et changer « la culture du contournement » ancrée dans la filière du fait des tracasseries et ponctions auxquelles sont soumis les exploitants à différents niveaux. Ces facteurs à éliminer sont nombreux, mais nous en évoquons quelques-uns qui résument et les problèmes liés à la fiscalité et ceux dus à la gouvernance administrative tel qu'évoqué dans les pages précédentes.

*les taxes excessives en comparaison avec les pays voisins.

Une façon de relancer le commerce et d'encourager ces opérateurs économiques d'exporter à partir de la RDC serait de supprimer tout simplement les droits de sortie à l'instar des pays voisins et les récupérer comme impôt sur le bénéfice. Ce qui suppose une régulation transparente et efficace dans le rapatriement des devises après vente sur le marché international.

De même, considérer la caution annuelle comme acompte sur l'impôt sur le bénéfice ne peut avoir pour effet que de retomber dans les travers abandonnés de l'ancien précompte sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) de triste mémoire, qui a comme conséquence des crédits d'impôts difficiles à gérer.

v Les taxes officieuses et illégales parallèles aux taxes officielles.

L'incapacité de payer les salaires décents aux fonctionnaires et agents de l'Etat est à la base de la magouille autour des taxes officieuses et illégales qui, cumulées, sont parfois plus élevées que les taxes officielles.

Les différentes taxes officielles doivent être réduites au maximum afin d'influer sur le coût de production ; tandis qu'une organisation réfléchie de l'action des services publics servirait à faire disparaître les taxes et redevances illégales et officieuses.

v La multiplicité de services intervenants.

Le nombre de services intervenants ne cesse d'augmenter, chacun se targuant d'une mission spécifique lui assignée par le pouvoir. A cela il faut rajouter ceux qui découlent des dispositions d'organismes internationaux impliqués dans la transparence dans l'exploitation des minerais.

La solution à ce niveau aussi est de supprimer tous ces services et d'en garder un seul ou mieux de mettre en place le système de guichet unique qui représenterait tous les autres services.

v La formalisation de l'exploitation artisanale.

Source d'une grande partie de la production réelle et stratégie de survie des populations, il vaut mieux réfléchir sur les moyens de la structurer au lieu de la marginaliser et même la combattre afin de ne pas pousser les opérateurs à opérer dans la clandestinité et l'informel.

La contribution du secteur minier à l'économie nationale est significative dans notre pays, celle de la filière artisanale de même.

Les recettes fiscales découlant de l'exploitation minière devraient passer de 186 millions à 388 millions, de 2008 à 2017 et représenteraient plus de 10% du PIB selon la Banque mondiale125(*)

Les recettes fiscales et parafiscales diverses provenant du secteur minier devraient être mobilisées suivant un plan clair qui retrace et respecte les taux et assiettes fixés, ainsi que le nombre exhaustif des assujettis.

Les recettes fiscales et parafiscales ainsi que les revenus en devises, lorsqu'ils sont rétrocédés effectivement et bien gérées, peuvent soutenir la croissance économique générale et servir également comme sources de financement des projets sociaux et des programmes de réduction de la pauvreté. Nous avons ainsi observé que les 2/3 des recettes du Nord-Kivu, par exemple, proviennent de cette activité ; et cela simplement pour la partie officielle.

Les grandes mines, la mine à petite échelle et artisanale fournissent de l'emploi à des milliers de personnes et leur procurent des revenus substantiels.

De ce qui précède il y a lieu de garder à l'esprit qu'effectivement le niveau de la fiscalité appliquée sur les minerais d'exploitation artisanale, couplé à la quasi impuissance ou à la complaisance des agents de l'Etat, constitue une raison majeure de la fraude qui caractérise l'exploitation et le commerce de cette filière.

Au lieu de déconsidérer et ou marginaliser cette filière qualifiée à tort ou à raison `d'informel', il vaut la peine de l'encourager et s'organiser à l'organiser étant donné aussi son caractère d'identification des populations à leur sol et à leurs richesses. Ses potentialités sont réelles et les possibilités d'en tirer des moyens pour le Trésor public sont importantes.

Aussi, la révision du code minier en cours est à encourager mais à suivre de près pour éviter les travers habituels consistant en des textes copiés ci et là sans aucune considération pour notre environnement.

Elle ne devrait pas laisser pour compte les considérations d'aménagements multiformes de l'artisanat minier au risque de sacrifier les intérêts économiques réels de notre pays en se laissant obnubiler par les seuls projets d'industriels miniers jouissant parfois de conditions très spéciales aux retombées fiscales pas sûres. Cela est d'autant vrai que l'on sait que c'est l'artisanat qui est le bras séculier de l'industrie actuellement en ce sens que ce qui est présenté comme produit par l'exploitation industrielle pour ces deux produits n'est en réalité que la collecte des achats auprès des miniers artisanaux.

BIBLIOGRAPHIE

I. OUVRAGES

1. BAKANDEJA, (G), Les Finances publiques. Pour une meilleure gouvernance économique et financière en République Démocratique du Congo, Afrique Editions, Kinshasa, 2005.

2. BATAL, (C), La gestion des ressources humaines dans le secteur public. L'analyse des métiers, des emplois et des compétences, Ed. d'Organisation, Paris, 1997.

3. BOLTANSKI, (C), Minerais de sang. Les esclaves du monde moderne,

Grasset et Fasquelle, Paris, 2012.

4. BRAECKMAN, C), Les Nouveaux prédateurs. Politique des puissances en

Afrique centrale, Fayard, Paris, 2003.

5. DANTONEL, (N), Droit des collectivités territoriales, Ed. Breal, Paris, 2001.

6. DISLE, (E) et SARAF, (J), Droit Fiscal. Manuel et applications 2006/2007, Ed. Dunod, Paris, 2006.

7. DUVERGER, (M), Finances publiques, Thémis, PUF, Paris, 1978.

8. DWIGHT, (H.P.), RADELET, (S) et LINDAUER, (D), Economie du développement, 3è édition, De Boeck, Bruxelles, 2008.

9. KABANGE, (NT), Droit administratif. Genèse et évolution de l'organisation territoriale, politique et administrative en République Démocratique du Congo, Ed. Saint-Paul, Kinshasa, 2001.

10. KRUGMAN, (P), OBSTFELD, (M), CAPELLE-BLANCARD, (G) et CROZET, (M), Economie internationale, 7è édition, Nouveaux Horizons, Paris, 2006.

11. LEROY, (M) et al, Mondialisation et fiscalité. La globalisation fiscale, L'Harmattan, Paris, 2006.

12. MBAYA, (M) & STREIFFELER, (F), Le secteur informel au Congo Kinshasa. Stratégies pour un développement endogène, Editions Universitaires Africaines, Kinshasa, 1999.

13. MUYER Oyong, Impératif du développement et de la reforme administrative locale au Zaïre, PUZ, Kinshasa, 1986.

14. NKERE Ntanda, (Nk), La crise financière internationale de 2008 et ses conséquences en RD Congo, L'Harmattan, Paris, 2009.

15. UMBA-di-NDANGI, Finances publiques. Commentaires de Principes-Procédures-Pratiques, des origines à nos jours en République Démocratique du Congo, éd. BECIF, Kinshasa, 2006.

16. VANDERLINDEN, (J) et al. , Du Congo au Zaïre, 1960-1980. Essai de bilan, Ed. CRISP, Bruxelles, 1985.

II. REVUES, ARTICLES ET RAPPORTS

17. Agence Congolaise de Presse, n° 1936 du 18/09/2009.

18. NDUNGU Mukasa Adamon et KILOSHO Buraye Javier, `La filière stannifère artisanale du Sud-Kivu : cas du Coltan et de la Cassitérite', in Annuaire Afrique des Grands Lacs, 2008-2009.

19. CEDAC, `étude sur la gestion des ressources naturelles en RDC, cas de la Province du Sud-Kivu', 01/2009.

20. Didier de Fally, `Coltan, pour comprendre ...', in L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2000-2001, L'Harmattan, Paris, 2001.

21. DFID, « Le commerce au service de la paix », Document de discussion, Atelier de Lusaka, 09/2007.

22. DFID, « Rapport sur les flux financiers et services bancaires liés au commerce des ressources naturelles et d'autres produits de base en République Démocratique du Congo », 04/2008.

23. DFID, « Le commerce au service au paix », Document de discussion, 03/2009.

24. Global Witness, `La paix sous tension : Dangereux et illicite commerce de la cassitérite dans l'est de la RDC', rapport de Global Witness, 06/2005.

25. Global Witness, `La guerre et la militarisation du secteur minier dans l'Est du Congo', rapport 07/2009.

26. GARRET, (N), `Walikale. Artisanal cassiterite mining and trade in North-Kivu. Implication for Poverty Reduction and Security', Communities and Small-Scale Mining Initiative, Washington DC, 2008.

27. HAYES, (K) et al, Researching Natural Ressources and Trade Flows in the Great Lakes Region, DFID/USAID/COMESA, 06/2007.

28. INICA, `L'Economie minière au Kivu et ses implications régionales. Résumé, conclusions et cartes' ; « Networking Event » sur l'artisanat minier, Kinshasa, 27-30 juillet 2004.

29. ITRI, `Rapport sur les minerais congolais, 10/2008.

30. Journal Le Potentiel, n° 4777 du 13/11/2009

31. MIDENDE, (G), `Les exploitations minières artisanales du Burundi', in L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2009-2010.

32. Mutabazi Ngaboyeka et Nyassa Sanganyi, `L'exploitation du Coltan en République Démocratique du Congo : Trafic et Guerre' ; Rapport de recherche n° 1, Southern Africa Resource Watch (SARW), 11/2008.

33. OCDE, `Concurrence fiscale dommageable, un problème mondial', Rapport OCDE, édition de l'OCDE, Paris, 1998.

34. PACT, Inc, `Etude PROMINES. Exploitation minière artisanale en République Démocratique du Congo', Washington, 06/2010.

35. Patrick Martineau, `La route commerciale du coltan congolais : une enquête', enquête du Groupe d Recherche sur les Activités minières en Afrique, Mai 2003.

36. Pole Institute, Regards croisés n° 07, `Le coltan et les populations du Nord-Kivu', Goma, 09/2002.

37. Pole Institute, Regards croisés n° 15, `Les Ressources minées : la faillite de la politique minière de la RDC', Goma, 12/2005.

38. Pole Institute, Regards croisés n° 19, `Ressources naturelles et flux du commerce transfrontalier dans la Régions des Grands Lacs', Goma, 07/2007.

39. Pole Institute, Regards croisés n° 30, `Le secteur minier : état des lieux après la réouverture des activités à l'Est de la RDC', Goma, 9/2011.

40. Afriquespoir n° 28, oct-déc. 2004, article `L'Or gris'.

III. TEXTES OFFICIELS

41. Constitution de la République Démocratique du Congo (du 18/02/2006).

42. Loi n° 007/2002 du 11/07/2002 portant code minier.

43. Décret n° 038/2003 du 26 mars 2003 portant Règlement Minier.

44. `Document de la Stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté' - République Démocratique du Congo, Juillet 2006.

45. Document de la Banque Mondiale, `République Démocratique du Congo, La bonne gouvernance dans le secteur minier comme facteur de croissance', Rapport, version préliminaire du 16 octobre 2007.

46. Rapport annuel CEEC Sud-Kivu, année 2012.

47. Ministère des Mines de la RDC, `Termes de référence du Plan Minier', Kinshasa, mai 2006.

IV. THESES ET MEMOIRES

48. Makindu Massamba, `Analyse des activités informelles dans une agglomération urbaine en Afrique subsaharienne. Le cas du petit commerce et du marché de change dans la ville de Kinshasa', thèse de doctorat en Sciences sociales, Université Libre de Bruxelles, Février 2002.

49. Eve D'ONORIO DI MEO, `De l'harmonisation à la coordination de la fiscalité directe dans la lutte contre la concurrence dommageable', mémoire du DEA de Droit des Affaires, Université d'Aix-Marseille, 2002-2003.

50. Mayundo Muyumba, `Exploitation minière au Sud-Kivu : de la responsabilité des entreprises et de l'Etat', mémoire de licence, Université du CEPROMAD, Bukavu, 2005-2006.

V. NOTES DE COURS ET SEMINAIRES

51. Kadimashi Mulamba, Questions spéciales de Finances Publiques, UPN/Kinshasa (ECODOC), 2009-2010.

52. Kola Gonze Roger, Droit Fiscal, UNIKIN, 2003-2004.

53. MABIALA Umba Laurent, Grands Problèmes Fiscaux Contemporains, 2è Licence, ISC-Kinshasa, 2006-2007.

VI. AUTRES DOCUMENTS

54. Mémorandum des opérateurs économiques du secteur minier du Sud-Kivu et du Nord-Kivu à l'attention du Ministre des Mines ; Goma, le 04/6/2008.

VII. WEBOGRAPHIE

1. www.wikipedia.org, article : `Economie de la République Démocratique du Congo'.

2. www.afrik.com, article : `le coltan congolais, objet de toutes les convoitises'.

3. www.dgi-gouv.cd, textes fiscaux de la RDC.

4. www.wikipedia.org, article : La Gouvernance.

Annexe

Etude sur la fiscalité minière des exploitations artisanales

de coltan et de cassitérite

Questionnaire n°1 : opérateurs miniers.

1. Présentation de l'enquêté

2. Rôle dans l'exploitation artisanale de minerais ?

A) Si creuseur ou chef d'équipe de creuseurs

3. Depuis combien de temps êtes-vous creuseurs ?

- 0 à 2 ans

- 3 à 5 ans

- 5 ans et plus

4. Pourquoi êtes-vous devenus creuseurs ?

- manque d'occupation

- prospérité de l'activité

-autre

5. Quelle est votre niveau de production ?

- par jour

- par semaine

- par mois

6. Vous arrive-t-il de payer des taxes ? Oui ou Non.

7. Quelles sont les taxes auxquelles votre activité est soumise ?

8. De quelle entité relève le prélèvement desdites taxes ?

- village

- collectivité

- territoire

- Services de mines

- autres

9. A qui vendez - vous votre production ?

- creuseurs

- petits négociants

- négociants

- comptoirs d'achat

10. Quelles sont les difficultés essentielles que vous rencontrez dans l'exercice de votre fonction ?

- tracasseries administratives

- tracasseries policières

- escroquerie

- autres

B) Si négociant ou comptoir agréé

1. Depuis combien de temps évoluez-vous dans cette activité ?

- 0 à 2 ans

- 3 à 5 ans

- 5 ans et plus

2. Comment procédez-vous pour acquérir la marchandise et auprès de qui ?

- transactions auprès des creuseurs

- achat auprès d'autres négociants

- autres

3. Quelles sont les difficultés au niveau de l'approvisionnement en

produits miniers ?

- voies de communication

- périodes de l'année

- contrôles divers

- fermeture de sites

4. Quelles sont les tracasseries que vous rencontrez ?

- administratives

- policières

- autres

5. Combien de services devez-vous contacter ? Commentaires.

6. Quelles sont les perceptions obligatoires ?

- impôts

- taxes

- redevances

- autres

7. Avez-vous eu à vérifier si elles sont toutes légales ? Oui ou Non.

8. Que faites-vous quand vous constatez que des perceptions sont illégales ?

- réclamations auprès des autorités

- corruption

- refus de payer

9. Quels sont les prix des produits que vous vendez ? Commentaires

10. Quels sont les prix auxquels vous achetez les produits ?

11. Pour échapper à toutes ces tracasseries, vous arrive-t-il de frauder ou de passer par la contrebande ? OUI ou NON

12. Quelles sont, en résumé, les vraies causes de la fraude ?

- taxes et impôts élevés

- tracasseries diverses

- souci d'accroissement de gains

- autres

13. Comment mesurez-vous le niveau des perceptions ?

- normal

- exagéré

- acceptable

14. Connaissez-vous les pratiques de pays voisins ? Oui ou Non.

15. Quel est l'impact de la production artisanale des minerais sur le plan économique et social ? Commentaires.

16. Comment améliorer l'activité de l'exploitation artisanale de minerais et la rendre utile à tous ? Commentaires

Questionnaire n° 2 : services et agents publics

1) L'exorbitance de droits, taxes et redevances ainsi que la multiplicité des services intervenants dans le secteur minier artisanal sont décriés tant par les opérateurs économiques que par les ONG qui ont enquêté sur le sujet.

Etes-vous du même avis ?

- OUI

- NON

- Sans avis

2) La multiplicité et la hauteur des droits et taxes peuvent-elles justifier la fraude dénoncée  desdits minerais ? OUI ou NON.

Justifiez votre avis.

3) Quel peut être la part des pouvoirs publics dans la manifestation de la fraude?

- tolérance

- complicité

- encouragement

- autre avis

4) Tous les services publics actuels et tous les ONG internationaux impliqués dans le secteur sont-ils de nature à promouvoir cette activité ?

OUI ou NON. Commentaires.

5) Avez-vous une idée sur des pistes de solution ? Commentaires.

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION...........................................................................................................1

CHAPITRE PREMIER : APERCU SUR LA FISCALITE CONGOLAISE......................16

I.1. Notions générales sur les ressources publiques...........................................16

I.1.1. Les ressources permanentes de l'Etat....................................................19

I.1.1.1 Les ressources fiscales.........................................................................19

I.1.1.2 Les ressources non fiscales.................................................................23

I.1.2. Les ressources temporaires de l'Etat......................................................27

I.1.2.1 L'emprunt public..................................................................................27

I.1.2.2 La trésorerie publique.........................................................................28

I.2. La Gestion des ressources publiques et fiscalité en RDC............................30

I.2.1 La gestion des ressources publiques congolaises..................................30

I.2.1.1 La gestion des ressources de l'Etat.....................................................30

I.2.1.2 La gestion des ressources des ETD.....................................................37

I.2.2 Aperçu sur la fiscalité congolaise.............................................................41

CHAPITRE DEUXIEME : FISCALITE MINIERE EN REP. DEM. DU CONGO.............49

II.1. Aperçu historique de l'exploitation en RDC................................................49

II.1.1 Les minerais de la République Démocratique du Congo....................49

II.1.1.1 Les ressources minières de la RDC..................................................49

II.1.1.2 Les ressources des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu........55

II.1.2 L'exploitation minière en République Démocratique du Congo.......64

II.1.2.1 Bref historique de l'exploitation minière en RDC.........................64

II.1.2.2 L'exploitation minière dans les provinces du Nord et Sud-Kivu.68

II.1.2.3 L'exploitation du coltan et de la cassitérite.....................................70

II.1.2.4 L'exploitation artisanale des minerais au Nord et Sud-Kivu.........74

II.2. La législation minière en République Démocratique du Congo..............79

II.2.1 Evolution de la fiscalité minière, des origines à nos jours..................80

II.2.2 La loi minière de 2002.............................................................................83

II.2.2.1 Aperçu.................................................................................................83

II.2.2.2 Quelques caractéristiques du Code minier de 2002.....................84

II.2.2.3 Législation applicable à l'exploitation artisanale...........................88

CHAPITRE TROISIEME : TAXATION DE L'EXPLOITATION MINIERE ARTISA-

NALE.................................................................................92

III.1. La taxation selon la loi minière congolaise................................................92

III.2 La taxation effective des minerais d'exploitation artisanale au

Nord-Kivu et au Sud-Kivu........................................................................... .103

CHAPITRE QUATRIEME : COMMERCE, TAXATION ET FRAUDE DES MINE-

RAIS D'EXPLOITATION ARTISANALE AU NORD ET AU SUD-KIVU...114

IV.1. Le commerce des minerais d'exploitation artisanale et la fraude........115

IV.1.1 Le commerce de coltan et de cassitérite d'exploitation artisanale115

IV.1.1.1 La production à la base.................................................................115

IV.1.1.2 La commercialisation intérieure..................................................117

IV.1.1.3 L'exportation des minerais...........................................................118

IV.1.2 La fraude des minerais d'exploitation artisanale..............................124

IV.2. La dimension régionale du commerce de minerais.................................130

IV.2.1 L'échelle mondiale................................................................................130

IV.2.2 L'échelle régionale et les échanges transfrontaliers.........................132

IV.3. L'évaluation du rendement de l'artisanat minier.....................................135

IV.4. Quelle organisation pour une exploitation harmonieuse, .....................145

IV.4.1 Constats majeurs de faits......................................................................145

IV.4.2 Evocation des problèmes et perspectives...........................................146

IV.4.2.1 La gouvernance...............................................................................146

IV.4.2.2 La révision de la fiscalité............................................................. ...151

IV.4.2.3 La loi Dodd-Frank et la suspension de 2010................................159

CONCLUSION..............................................................................................................164

BIBLIOGRAPHIE..........................................................................................................171

ANNEXE..................................................................................................................... 177

TABLE DES MATIERES................................................................................................182

ABREVIATIONS ET SIGLES UTILISES

A.C.P. : Agence Congolaise de Presse

A.F.D.L. : Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo

A.N.R. : Agence Nationale de Renseignements

C.E.E.C. : Centre d'Evaluation, d'Expertise et de Certification

COLTAN : Colombo-Tantalite

COMESA : Marché commun de l'Afrique orientale et australe

C.T.C.P.M. : Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière

DEMIAP : Détection Militaire des Activités Anti-Patrie (service de rensei

gnement militaire RDC)

DFID : Ministère (Britannique) pour le Développement International

(Department for International Development)

D.G.C. : Direction Générale des Contibutions

D.G.I. : Direction Générale des Impôts

D.G.D.A. : Direction Générale des Douanes et Accises

D.G.M. : Direction Générale des Migrations

D.G.R.A.D. : Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciares,

Domaniales et de Participation

E.T.D. : Entités Térritoriales Décentralisées

F.A.RDC : Forces Armées de la République Démocratique du Congo

F.P.I. : Fonds de Promotion de l'Industrie

F.P.C. : Fonds de Promotion Culturelle

G.R. : Garde Républicaine

INICA : Initiative pour l'Afrique Centrale

I.N.P.P. : Institut National de Préparation Professionnelle

I.N.S.S. : Institut National de Sécurité Sociale

ITRI : International Tin Research Institute

O.C.C. : Office Congolais de Contrôle

OGEFREM : Office de Gestion du Frêt Multimodal

O.N.C. : Office National du Café

PACT : Organisation pour l'assistance aux populations pauvres

et marginalisées (USA)

PME/PMI : Petites et Moyennes Entreprises/Petites et Moyennes

Industries

RDC : République Démocratique du Congo

SAESSCAM : Service d'Assistance et d'Encadrement des Exploitations

Minières à petite échelle

SARW : South Africa Resource Watch (Observatoire des Ressources

Pour l'Afrique Australe)

T.E : Travaux exceptionnels

* 1 Pact, Inc, « Etude PROMINES. Exploitation minière artisanale en République Démocratique du Congo », Washington, juin 2010, p. 5

* 2 Economie de la République Démocratique du Congo, article sur www.wikipédia.org, consulté le 10/01/2012.

* 3 J. Vanderlinden et al, Du Congo au Zaïre. 1960-1980. Essai de bilan, CRISP, Bruxelles, 1985, p.195.

* 4 Economie de la RDC, op. cit

* 5 J. Vanderlinden et al, idem, pp. 244-245.

* 6 DSCRP-RD Congo, juillet 2006, p.32

* 7 Laurent BUADI in Africanews, série II, n° 666 du 30/12/2011, p. 9

* 8 Braeckman, (C), Les Nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Ed. Fayard, Paris, 2003, pp. 7 et 33.

* 9 Boltanski, (C), Minerais de sang. Les esclaves du monde moderne, Grasset & Fasquelle, Paris, 2012, p. 26

* 10 Mutabazi Ngaboyeka et Nyassa Sanganyi, L'exploitation du coltan en RDC : trafic et guerre ; rapport de recherche n° 1, novembre 2008, Southern Africa Resource Watch (SARW), pp. 53, 54, 65.

* 11 Pact, Inc, op cit , pp. 5, 112.

* 12 Patrick Martineau, la route commerciale du coltan congolais : une enquête ; enquête du Groupe de Recherche sur les Activités Minières en Afrique, Mai 2003, p. 15.

* 13 Voir ACP n° 2186 du vendredi 10/09/2010, p.3

* 14 Laurent Mabiala, notes de cours de Grands problèmes fiscaux contemporains, 2è licence, ISC kinshasa, 2006-2007, inédites.

* 15 Emmanuel DISLE et Jacques SARAF, Droit Fiscal. Manuel et applications 2006/2007, Dunod, Paris, 2006, p. 16

* 16 Le coltan congolais, objet de toutes les convoitises ; article sur www.afrik.com; mis à jour le 19 avril 2001, consulté le 02/06/2010

* 17 MBAYA, (M), & STREIFFELER, (F), Le secteur informel au Congo Kinshasa. Stratégies pour un développement endogène, Editions Universitaires Africaines, Kinshasa, 1999, p.17

* 18 BATAL, (C), La gestion des ressources humaines dans le secteur public. L'analyse des métiers, des emplois et des compétences, Ed. d'Organisation, Paris, 1997, pp. 123-125

* 19 M. Duverger, Finances publiques, Thémis, PUF, Paris, 1978, p. 204

* 20 Bakandeja, (G), Les Finances Publiques. Pour une meilleure gouvernance économique et financière en RDC, Afrique Editions, 2005, p. 71

* 21 Gaston, (J), cité par Bakandeja G, idem, p. 72

* 22 KOLA GONZE R., notes de cours de Droit Fiscal, UNIKIN, année 2003-2004, inédites, p.2

* 23 Mehl, (L) et Beltrame, (P), in Science et technique fiscales, cités par KOLA GONZE, idem, p. 3

* 24 Disle, (E) et SARAF, (J), op.cit., pp. 1 - 2

* 25 Bakandeja, (G), op. cit., pp. 73-74

* 26 Disle, (E) et Saraf, (J), op.cit ; p. 5

* 27 Les ressources non fiscales. Voir :

1) Bakandeja wa Mpungu, op. cit. pp 92 à 99 et

2) Kadimashi Mulamba, séminaire sur Les questions spéciales des Finances Publiques, ECODOC/UPN - Kinshasa, 2009-2010, inédit.

* 28 Document du Ministère Français du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

* 29 Bakandeja wa Mp., (G), op. cit, p. 97.

* 30 Umba-di-Ndangi, Finances Publiques. Commentaires de Principes-Procédures-Pratiques, des origines à nos jours en RDC, BECIF, Kinshasa, 2006, p. 253

* 31 Umba-di-Ndangi, op.cit, pp. 137-139

* 32 Umba di Ndangi, op.cit., pp. 138-139

* 33 Umba-di-Ndangi, op.cit., pp. 253-255.

* 34 Dantonel, (N), Droit des collectivités territoriales, Ed. Breal, Paris, 2001, p. 3

* 35 MUYER Oyong, Impératif du développement et de la réforme administrative locale au Zaïre, PUZ, Kinshasa, 1986, p. 126

* 36 Kabange Ntabala, Droit administratif. Genèse et évolution de l'organisation territoriale, politique et administrative en RDC, St-Paul, Kinshasa, 2001, p. 23

* 37 Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, article 3

* 38 http://www.dgi.gouv.cd, consulté le 12/05/2012

* 39 Pole Institute, « Les Ressources minées : la faillite de la politique minière de la RDC », in Regards Croisés n° 15, Revue trimestrielle, Goma, décembre 2005.

* 40 Adamon Ndungu Mukasa et Janvier Kilosho Buraye, « La filière stannifère artisanale au Sud-Kivu : cas du coltan et de la cassitérite », in L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2008-2009, p.215

* 41 RDC, DSCRP, 7/2006, p. 32.

* 42 Rapport ITRI, octobre 2008.

* 43 Pact, Etude PROMINES, « exploitation minière artisanale en RDC », juin 2010, p. 19

* 44 Le Kivu, article sur www.wikipedia.org, consulté le 04/12/2013

* 45 « La guerre et la militarisation du secteur minier dans l'Est du Congo », Rapport de Global Witness, 07/2009, pp 23 à 27.

* 46 RDC, Ministère des Mines, `Termes de référence du Plan Minier', Kinshasa, mai 2006.

* 47 Martineau, P., La route commerciale du coltan congolais, une enquête de GRAMA, mai 2003, p. 18.

* 48 Mutabazi Ngaboyeka et Nyassa Sanganyi, Rapport de recherche n° 1, SARW, 11/2008, p. 30.

* 49 Didier de Failly, « Coltan, pour comprendre ... », p. 7, in L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2000-2001, l'Harmattan, Paris, 2001.

* 50 Martineau, op.cit., p. 7

* 51 Didier de Failly, op.cit. p. 8.

* 52 Martineau, op.cit, p. 7.

* 53 D. de Failly, idem, p. 10.

* 54 Martineau, op.cit, p. 8.

* 55 L'Or gris, article, in Afrisquespoir n° 28, octobre-décembre 2004.

* 56 Adamon Ndungu et al, « La filière stannifère artisanale au Sud-Kivu : cas du coltan et de la cassitérite », in l'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2008-2009, p. 218.

* 57 Mutabazi Ng et al, op.cit, p. 21.

* 58 Didier de Failly, op.cit, p. 14

* 59 Pole Institute, « Le coltan et les populations du Nord Kivu », Regards croisés n° 007, Goma, septembre 2002, p. 15.

* 60 Adamon Ndungu et al, op.cit., p. 221

* 61 Adamon Ndungu, idem.

* 62 Si on considère que l'exploitation minière au Kivu était effective vers 1910 et vers 1920 pour l'Ituri, il y a lieu de conclure qu'il y a eu un déficit de législation minière pendant une longue période dans l'espace concerné par notre étude.

* 63 Mayundo Muyumba, `Exploitation minière au Sud-Kivu : de la responsabilité des entreprises et de l'Etat', mémoire de licence, Université du CEPROMAD, Bukavu, 2006.

* 64 Loi n° 007/2002 du 11/07/2002 portant Code Minier, Exposé des motifs.

* 65 Loi n° 007/2002 portant Code minier, Titre premier, chapitre premier, art. 1er.

* 66 Code minier de la RDC, article 261

* 67 Pole Institute, « Ressources naturelles et flux du commerce transfrontalier dans la région des grands lacs », in Revue Regards Croisés n° 19, Goma, Juillet 2007, pp. 20-21.

* 68 Pole Institute, op cit, p. 45

* 69 Boltanski, (C.), op. cit. ; p. 197.

* 70 Pole Institute, idem, pp. 50-51.

* 71 Généralement, un lot équivaut à 25 tonnes.

* 72 Adamon Ndungu Mukasa et Janvier Kilosho Buraye, op.cit. , p. 234

* 73 Pact, Etude Promines, op.cit., pp. 91-92.

* 74 DFID, Rapport sur les Flux financiers et services bancaires liés au commerce des ressources naturelles et d'autres produits de base en République Démocratique du Congo, avril 2008, p. 4.

* 75 CEDAC, étude sur la gestion des ressources naturelles en RDC, cas de la Province du Sud-Kivu, 01/ 2009, p. 23

* 76 Didier Defailly, op.cit., p.

* 77 Boltanski, Christophe ; op.cit., p. 95.

* 78 Pact, Inc, Etude PROMINES, op.cit, p. 5

* 79 Adamon Ndungu et al, op.cit, p. 235

* 80 GARRET, N., Walikale. Artisanal Cassiterite Mining and Trade in North Kivu - Implications for Poverty Reduction and Security, Washington, D.C., Communities and Small-Scale Mining Initiative, 2008, p.53; cité par Adamon Ndungu et al, op.cit., p. 231.

* 81 Boltanski, C., op.cit. ; p. 198

* 82 Effectivement, les prix varient au jour le jour en fonction du cours mondial tel qu'il est fixé par le London Metal Exchange. Toutefois, notons ci-après les prix en vigueur depuis quelques mois (2013-2014), selon les informations recueillies auprès des opérateurs économiques (Comptoir Bakulikira à Bukavu, Présidente de producteurs de minerais du Nord-Kivu à Goma) et des services publics (Chef de bureau de Mines de Walikale, Mr Raphaël Kaponyola) qui se présentaient comme repris ci-dessous. Cassitérite : creuseurs 2,5 à 4 $/kg ; petits négociants 3,2 à 5,2 $/kg, négociants 5,0 à 7,0 $/kg ; entité de traitement (comptoir agréé) 7,1 à 8$/kg. Coltan : creuseurs 18 à 20 $/kg ; petits négociants (fournisseurs ou intermédiaires) 22 à 25 $/kg ; négociants 27 à 31 $/kg ; entité de traitement 1,2 à 2 $ par % de tantale soit 30 à 50 $/kg quand on considère la moyenne de 25% de tantale par kg de coltan.

* 83 Pole Institute, Regards croisés n° 19, Goma, juillet 2007, pp 47-49.

* 84 Banque Mondiale, `RDC, La bonne gouvernance dans le secteur minier comme facteur de croissance', Rapport, version préliminaire du 16/10/2007, p. 5

* 85 Adamon Ndungu et al, op.cit , p. 224.

* 86 HAYES, K et al., Researching Natural Resources and Trade Flows in the Great Lakes Region, DFID/USAID/COMESA, Juin 2007, p. 7

* 87 Boltanski, C., op.cit., pp. 142 et 223.

* 88 Pole Institute, Regards croisés n° 19, Goma 7/2007, p. 29.

* 89 Revue ACP n° 1936, Kinshasa le 18/9/2009

* 90 DFID, `Le Commerce au service de la Paix', document de discussion, 03/2009, p.6

* 91 DFID, Document de discussion `Le Commerce au service de la Paix', Atelier de Lusaka, 09/2007, p. 2

* 92 DFID, op.cit., p. 37

* 93 Pole Institute, Regards croisés n° 19, p. 30

* 94 Idem, p. 52

* 95 De Failly, Didier, op.cit, p. 24

* 96 DFID, 09/2007, op.cit., p. 49

* 97 Martineau, (P), op. cit , p. 11

* 98 DFID, Le Commerce au service de la paix, 4/2008, p. 1

* 99 Midende, (Gilbert), `Les exploitations minières artisanales du Burundi', in l'Afrique des Grands Lacs, 2009-2010, p. 50.

* 100 Pact, Etude Promines, op. cit., p. 6

* 101 Martineau, P., op.cit, pp 37-38

* 102 CEDAC, `Etude sur la gestion des ressources naturelles en RDC, cas de la Province du Sud-Kivu', 2009, p. 35

* 103 Discours du Chef de l'Etat, Joseph Kabila, lors de l'ouverture des travaux de la Conférence sur la bonne gouvernance et la transparence dans le secteur minier, organisée à Lubumbashi, du 30 au 31/01/2013.

* 104 Extraits du mot de circonstance de l'ambassadeur des Etats-Unis en RDC, James Entwistle, à l'occasion de la célébration de la 237è fête de l'indépendance de son pays, in Journal le Phare n° 4608 du vendredi 05/07/2013, p. 2.

* 105 Emmanuel NDIMUBANZI, Chef de division des mines du Nord Kivu, cité par Boltanski, op.cit., p. 139.

* 106 Pole Institute, Regards croisés n° 30 : Le secteur minier : état des lieux après la réouverture des activités à l'est de la RDC, Goma, 09/2011, pp. 12-13

* 107 Rapport Banque mondiale, op.cit, pp. 12 et 59.

* 108 Pole Institute, `Le secteur minier : état des lieux après la réouverture des activités à l'Est de la RDC' in Regards croisés n° 30, Goma, septembre 2011, p. 8

* 109 Pact, étude promines, op.cit, p. 112

* 110 Didier de Failly, op.cit., p. 3.

* 111 Mutabazi Ngaboyeka et al, op.cit, p. 49

* 112 Idem, pp. 50-51

* 113 Mutabazi Ngaboyeka et al, op.cit, pp. 60-61

* 114 La Gouvernance, sur www.wikipedia.org/, consulté le 20/07/2013

* 115 Dwight H. Perkins et al, Economie du développement, 3è édition, De Boeck, Bruxelles, 2008, p. 109.

* 116 Didier de Failly, op.cit., p. 25.

* 117 LOKOTA E.P. cité par Makindu Massamba, in Analyse des activités informelles dans une agglomération urbaine en Afrique Subsaharienne, Thèse de doctorat en sciences sociales, ULB, Bruxelles, Février 2002, inédit, p. 16

* 118 Leroy, (M) et al, Mondialisation et fiscalité. La globalisation fiscale, l'Harmattan, Paris, 2006, p. 255

* 119 Voir Journal le Potentiel n° 4777 du vendredi 13/11/2009.

* 120 Eve D'ONORIO DI MEO, `De l'harmonisation à la coordination de la fiscalité directe dans la lutte contre la concurrence fiscale dommageable', mémoire présenté dans le cadre du DEA de Droit des Affaires, Université de Droit, d'Economie et des Sciences d'Aix-Marseille, année 2002-2003, p. 8

* 121 `Concurrence fiscale dommageable, Un problème mondial', Rapport OCDE, éditions de l'OCDE, Paris, 1998, p. 17

* 122 Pole Institute, `Le secteur minier : état des lieux après la réouverture des activités à l'Est de la RDC', in Regards Croisés n° 30, Goma, septembre 2011, p. 10.

* 123 BGR, Rapport du groupe de travail sur la certification des substances minérales, dites minerais de conflit - or, coltan, cassitérite et wolframite - Kinshasa, le 22/02/2010.

* 124 Rapport 2012, CEEC Sud-Kivu, p. 8

* 125 Rapport Banque Mondiale, op.cit, p. 10






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry