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L'Intégration Juridique en Afrique : L'exemple de l'UEMOA et de l'OHADA

( Télécharger le fichier original )
par Samba DIOUF
Université Cheikh ANTA Diop de DAKAR Ecole Doctorale Régionale Africaine (EDRA) - DEA en Droit de l'Intégration et du système OMC 2005
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIQUE DU SENEGAL

- - -

UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DE DAKAR

ECOLE DOCTORALE REGIONALE AFRICAINE

(EDRA)

MEMOIRE DE TROISIEME CYCLE

SUJET : L'INTEGRATION JURIDIQUE DANS L'UEMOA ET DANS L'OHADA

Présenté par

M. Samba Diouf

Thieb_81@ yahoo.fr

536 86 43

DEA Droit de l'Intégration

Sous la direction de

M. Ousmane Mbaye

Docteur en Droit

Maître assistant à la fac de droit de Dakar

ANNEE ACADEMIQUE 2005 2006

BIBLIOGRAPHIE

I : OUVRAGES GENERAUX

Boutros B Ghali  : L'organisation de l'Unité africaine

Cheikh Anta Diop : L'Unité culturelle de l'Afrique noire. Prés africaines 1974

Cheikh Anta Diop : Les fondements politiques et économiques d'un Etat fédéral d'Afrique

noire prés Afr 1974

Djibril Samb : Normalisations et méthodologies en sciences sociales

Edem Kodjo : Et demain l'Afrique. Editions stoc Paris 1973

Filipe Moreau De Farges : Les organisations internationales contemporaines

Francis Wodje : Les institutions régionales en Afrique occidentale et centrale LGDJ

Paris 1970

Guy Issac : Droit communautaire général. 3édition, Masson 1992 Coll. Droit

Sciences économiques

Habib Guerari : Les organisations internationales à vocation régionale

Herri Wessling : Le partage de l'Afrique, Denoel 1996

Kwamé N'krumah : L'Afrique doit s'unir. Dernière édit. Prés Afrique Paris 1970

Lavergne Real : Intégration et coopération en Afrique de l'Ouest, édit karthala et CRDI

1996 403 pages

Louis Sangaré : Les fondements d'un Etat confédéral en Afrique, édit Harmattan 1998

378 Pages

Marianne Donny : Droit de la communauté et de la communauté et de l'Union européenne.

Editions de l'Université de Bruxelles 2001

Moussa Diakité : Le défi de l'Intégration économique en Afrique de l'Ouest, édit Harmattan

1998

Pierre. F. Gonidec  : Les systèmes politiques africains Paris 1975

Simon Denys : Le système juridique communautaire. Puf 3 édition 2001

II ARTICLES DE DOCTRINE

A Adotévi : Les lacunes du nouveau droit des affaires harmonisées. J. Afr écon n°265

Juin 98

Abdoulaye Dièye : La cour de justice de la CEDEAO et les juridictions nationales des

Etats membres : Quelles relations ?

Abdoulaye Seck : L'Afrique et le droit OHADA. Gazette du palais N° 48-49

Aquerebour : L'état justiciable de droit commun

Alioune Sall : Le juge national et la publication des Traités.Rev EDJA n°42 juillet Août-

Sept

Alioune Sall : Les systèmes normatifs de la CEDEAO et de l'UEMOA : considérations

historiques et critiques

André. Diouf et Yahya Bâ : Vers une harmonisation, réconciliation économique et juridique

A. Oliveira : La délimitation des compétences de la CCJA et les juridictions nationales : communication à la session de formation du CFJ oct. 2000

Babacar Sarr : L'intégration régionale par la coopération institutionnelle en Afrique de l'Ouest : thèse de doctorat Univ de Lyon juin 98. P350

Daniel Tapin : Le renouveau du droit des affaires en Afrique francophone, les échos oct. 97

Djibril Abarchi : La supranationalité de l'OHADA EDJA n° 44 janv-fevr-mars2000 p7

Doudou Ndoye (M) Sakho : Autopsie du Traité relatif à l'OHADA ,rev EDJA n°22 94 p 18 s

Françoise Dieng : L'harmonisation en questions. Séminaire sur le droit communautaire organisé par le CREDILA (fac droit Dakar) -LEPJO Dakar Juillet 2005

Gaston. Kenfack Douajni : Les conditions de la création dans l'OHADA d'un environnement juridique favorable au développement. Rec. Penant 1997 p39 s

Glélé Ahannanzo : Introduction à l'OUA et aux organisations régionales africaines LGDJ 97

Ibrahima Khalil Diallo : Les mécanismes d'élaboration des normes de droit communautaire l'équation de la méthode. Séminaire sur le droit commun Dakar Juillet 2005

Joseph Y Sayegh : L'intégration juridique des Etats de la zone franc, Rec. Penant p5 et s

J Y S : L'OHADA : l'instrument d'intégration juridique : Revu de juris com

J Y S : Quelques aspects techniques de l'intégration juridique : l'exemple des

Actes uniformes

Kéba Mbaye : L'unification du droit en Afrique.Rev seneg de droit n° 10 p65 s1971

M.M. Mbacké : Introduction à une réflexion sur la répartition des compétences entre juridictions sous régionales : cas de l'UEMOA et de l'OHADA : communication session de formation régionale du CFJ sur l'UEMOA et l'OHADA. Dkr 09-13oct 2000

Mbilampindo. W : Réflexions inoclastes sur l'OHADA. J. Afr n° 267 Juillet 98

N'diaw Diouf : La place du droit pénal dans le doit communautaire.Sémin sur le droit communautaire organisé par le CREDILA et le LEPJO 2006

III TEXTES DE LOIS

Le Traité UEMOA du 10 Août 1994

Le traité de l'OHADA du 17 Octobre 1993

Le Traité révisé de la CEDEAO

JURISPRUDENCE COMMUNAUTAIRE IV

I :COUR DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE DE L'OHADA

A : DECISIONS DE JUSTICE

CCJA N° O2/2001 du 11Octobre 2001

CCJA N° 003 2001 du 11 Octobre 2001

CCJA N° 001/2002 du 10 Janvier 2002

CCJA N°004/2002 du 10 Janvier 2002

CCJA N° 008/2004 du 26 Février 2004 société banque commerciale du Niger

CCJA N°030/2004 du 04 Novembre 2004 société de gestion ivoirienne de transport maritime et aérien C/ société africaine de matière export

CCJA N°062/2005 du 15 Décembre 2005

B : AVIS CONSULTATIFS

AVIS N° 001/99 du 07 Juillet 1999 CCJA : Sur le régime juridique des nullités institués par l'AU portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution

AVIS N°002 /99 du 13 Octobre 1999 CCJA : Sur la compatibilité entre l'article 16 du projet de loi sur l'habitat au Mali avec l'article 39 de l'AUPSRVE, à propos des conditions d'octroi du délai de grâce

AVIS N°001/2001 du 30 Avril 2001 : Sur la compatibilité entre l'AU sur la comptabilité des entreprises et le plan comptable SYSCOA

II : COUR DE JUSTICE DE L'UEMOA

A : DECISIONS DE JUSTICE

Sacko Abdurahmane C/Commission de l'UEMOA. CJU 29 Mai 1998

Dieng Ababacar C/ Commission de l'UEMOA CJU 26 Janvier 2000

Akakpo TobiE Doc C/ Commission de l'UEMOA CJU 20 Juin 2001

Société des ciments du Togo, SA et la commission de l'UEMOA

Eugène Yaï et la commission de l'UEMOA CJU 27 Avril 2005

Ordonnance du 02 Juin 2005/ UEMOA : Affaire Eugène Yaï

B : AVIS CONSULTATIFS

AVIS N° 001/99 du 22 Mars 1999 : Sur la délégation de signature du président de la Commission de l'UEMOA

AVIS N°002/00 du 22 Mars 2000 : Sur l'interprétation de l'article 84 du Traité de l'UEMOA

AVIS N° 003/ 00 du 27 Juin 2000 : Sur l'interprétation des articles 88, 89, 90 du Traité (concernant les règles de concurrence)

AVIS N°001/ 2003 du 18 Mars 2003 : Sur la création d'une cour des comptes au Mali

V : ADRESSES ELECTRONIQUES

WWW. Juriscope. Org. Rubrique OHADA

WWW OHADA. Com

WWW UEMOA. Int

WWW Le Faso. Net

LISTES DES SIGLES ET ABREVIATIONS

BCEAO : banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest

BOAD : banque ouest africaine de développement

CONSEIL : conseil des ministres

COMMISSION : commission de l'UEMOA

CCJA : cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA

CJU : cour de justice de l'UEMOA

CEA : communauté économique africaine

SYSCOA : système comptable ouest africain

TVA : taxe sur la valeur ajoutée

ORGANISATION : organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires

UNION : union économique et monétaire des Etats de l'Afrique de l'Ouest

PLAN DU MEMOIRE

TITRE I : La supranationalité des organes d'élaboration du droit Unifié...............................p30

CHAPITRE I : Une architecture institutionnelle identique dans les deux organisations internationales africaines..........................................................p30

SECTION I : Les organes de délibération et de direction..........................................................p31

PARAGRAPHE I : Les instances de l'UEMOA......p31

PARAGRAPHE II : Les instances de l'OHADA.....p32

SECTION II : Les organes de contrôle et de sanction............................................................p32

PARAGRAPHE I : Les juridictions de l'UEMOA...p32

PARAGRAPHE II : La cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA.....................................p33

CHAPITRE II : Un système normatif identique dans les deux communautés inter étatique......................p38

SECTION I : La convergence des principes posés par les traités institutifs de droit primaire....................p38

PARAGRAPHE I : La création de l'état de droit économique ......................................................p39

A : L'affirmation du principe d'Unification législative.........................................................p39

B : La création d'un environnement juridique favorable au développement économique .............................p41

PARAGRAPHE II : Le transfert de compétence des Etats vers les organes institutionnels......................p46

A : Le principe du transfert des compétences...........p46

B : Les modalités du transfert des compétences.......p50

SECTION II : L'édiction de règles de droit Dérivé..p53

PARAGRAPE I : Une variété de normes dans l'UEMOA..........................................................p53

A : Les normes de premier rang............................p53

a Les Règlements communautaires.........................p53

b : Les Directives communautaires........................p53

B : Les normes de second rang.............................p54

PARAGRAPE II : Les différents actes uniformes de l'OHADA..........................................................p57

A : Les techniques d'élaboration des Actes uniformes..........................................................p57

a : La délimitation du champ géographique et personnel..........................................................p57

b : La détermination des matières à uniformiser......p60

B : L'étude du contenu des Actes uniformes........................... ............................p62

a : Les Actes uniformes relatifs aux structures et aux opérations des entreprises ...................................p62

1 :L'ACTE UNIFORME relatif aux sociétés commerciales et du GIE ..................................p 63

2 :L'ACTE UNIFORME relatif au contrat de transport par route.........................................................p64

3 :L'ACTE UNIFORME relatif à l'harmonisation et à l'organisation de la comptabilité des entreprises....p65

b : Les ACTES UNIFORMES relatifs aux procédures de recouvrement de créances et aux règlements des litiges...............................................................p66

1 : L'ACTE UNIFORME relatif aux Sûretés............................................................ p66

2 : L'ACTE UNIFORME relatif aux Procédures Collectives et d'Apurement du Passif.................... P66

3 : L'ACTE UNIFORME relatif aux recouvrements et aux voies d'exécution..........................................P66

4 :L'ACTE UNIFORME relatif au droit de l'arbitrage.........................................................P66

CHAPITRE III : Le régime juridique des différents actes communautaires....................................... P68

SECTION I : L'applicabilité du droit unifié dans les deux organisations inter étatiques ..................... P68

PARAGRAPHE I : L'application médiate du droit Primaire....................................................... .P68

PARAGRAPHE II : L'application immédiate du droit Dérivé......................................................................P69

SECTION II : La portée normative des actes communautaires UEMOA et OHADA...................P72

PARAGRAPHE I : Le principe de la primauté du droit communautaire..................................................P72

A: L'affirmation et l'étendue du principe dans les deux entités institutionnelles.......................................P72

B : Les conséquences du principe de la primauté du droit communautaire..........................................P77

PARAGRAPHE II : L'effet direct des normes communautaires................................................P79

A : La consécration du principe de l'effet direct.......P79

B : Les modalités de l'applicabilité directe............P82

TITRE II : Le domaine du droit intégré et les entraves à l'Intégration juridique......................................P85

CHAPITRE I : La réglementation commune de l'espace économique ouest africain.......................P85

SECTION I : La mise en cohérence des environnements juridico économiques des Etats...........................P86

PARAGRAPHE I : La rationalisation du cadre juridique des affaires..........................................P86

A : L'édiction d'un droit des affaires moderne et adapté..............................................................P86

B L'organisation du fonctionnement normal du marché commun...........................................................P89

a : La législation commune de la concurrence.......P90

b : L'institution d'un marché financier régional dans l'UEMOA.........................................................P97

PARAGRAPHE II : Une harmonisation des règles et procédures comptables et budgétaires...................P98

A : L'adoption de deux règlementations communautaires sur le système comptable..............P98

a : L'approfondissement du droit comptable UEMOA par le droit comptable OHADA............................P99

b : La prise en compte des apports de l'OHADA par le droit comptable UEMOA...................................P100

B : La discipline communautaire de la gestion des Finances publiques.............................................P103

a : L'adoption des critères de convergence budgétaires.....................................................P104

b : L'obligation d'élaboration de programmes pluriannuels de convergence...............................P107

SECTION II: L'harmonisation des législations fiscales dans l'UEMOA............................................... P109

PARAGRAPHE I : La législation commune des échanges intra communautaire...........................P109

A : La suppression des barrières tarifaires........ P110

a :Les droits de douane....................................P110

b :L'établissement d'une TVA commune

et l'harmonisation des droits d'accises................P114

B : La libéralisation des facteurs de production...P 119

a : La liberté de résidence et de circulation des personnes....................................................... P121

b : La libre circulation des mouvements de capitaux........................................................ P121

PARAGRAPHE II : L'harmonisation du régime des échanges extra communautaires..........................P124

A : L'institution d'un statut douanier unique de la marchandise.................................................. P125

B : L'établissement d'un TEC (tarif extérieur commun)

Communautaire.............................................P126

CHAPITRE II :   L'unification au sommet du système juridictionnel............ .......................................P128

SECTION I: Les règles de fonctionnements et de procédure des juridictions communautaires..........P128

PARAGRAPHE I : Les règles de fonctionnement des juridictions communautaires.............................P129

A : Les règles générales de fonctionnement .........P129

B : Les règles spécifiques à la prise des décisions. P131

PARAGRAPHE II : L es règles de procédure devant les juridictions communautaires .......................P132

A : La réglementation de la procédure ordinaire...P132

B : Les règles spécifiques de la procédure d'urgence................................................................P136

SECTION II : L'analyse de la compétence des juridictions communautaires..............................P138

PARAGRAPHE I : La complémentarité de compétence entre juridictions nationales et communautaires.....P138

A La situation du partage de compétence entre matière d'application...................................................P138B : L'exclusivité de compétence des juridictions communautaires en matière d'interprétation.........P140

a : Le recours préjudiciel de l'UEMOA..............P140

b : La procédure de consultation de l'OHADA...P141

PARAGRAPHE II : Les compétences particulières des juridictions communautaires..............................P144

A : Le contentieux de la légalité..........................P144

a : Le contentieux de l'exception d'illégalité.........P144

b : Le recours préjudiciel ..................................P145

B : La compétence exclusive dans le contentieux de pleine juridiction..............................................P147

a : Les matières de première saisine....................P147

1a : Le contentieux de la responsabilité..............P147

2a: Le contentieux individuel de la fonction publique.........................................................P148

3a : Le contentieux de la concurrence..................P148

4a : Le recours en manquement contre les Etats.....P149

5a : Le contentieux financier..............................P150

b :La compétence des juridictions communautaires en matière de cassation.........................................P151

1. Le monopole de la CCJA en matière de recours en cassation.........................................................P151

2. La collaboration entre la cour de justice de l'Union avec les cours de cassation nationales................P153

CHAPITRE III : Les obstacles à la dynamique d'Intégration juridique dans l'UEMOA et de l'OHADA.......................................... .............P155

SECTION I: Les limites tenant aux velléités souveraines des Etats.......................................P155

PARAGRAPHE I : L'existence de législations nationales irréductibles....................................P156
PARAGRAPHE II : Le problème de l'ineffectivité des normes communautaires dans les Etats parties......P157
SECTION II : La grande équation du choix des normes communautaires à appliquer..............................P159

PARAGRAPHE I : La concurrence législative ou la situation du double emploi entre l'UEMOA et l'OHADA......................................................P159
A : L'inopportunité de la double législation en matière comptable......................................................P160
B : La disharmonie dans la réglementation des deux entités en matière pénale..................................P161

PARAGRAPHE II : Les rapports conflictuels entre juridictions...................................................P166

A : Les relations conflictuelles entre juridictions nationales et juridictions communautaires : les avatars de la hiérarchie juridictionnelle de l'OHADA ......P166

B : Les conflits entre juridictions communautaires :

la conséquence du télescopage des normes de l'UEMOA et de l'OHADA..................................P169

CONCLUSION..........................................P173

INTRODUCTION GENERALE

Aux lendemains des indépendances, les Etats africains nouvellement affranchis du giron colonial se sont retrouvés avec des handicaps sérieux .Une telle situation est le résultat d'un passé assombri par la colonisation. En effet pour amorcer une allure impérialiste sur le continent africain, du 15 novembre au 26 février 1885 s'était tenue à Berlin une rencontre sur l'AFRIQUE, réunissant les pays d'Europe et les Etats-Unis. Cette rencontre sera ponctuée par la signature de l'acte de Berlin, consacrant le partage du continent noir. De ce fait, déjà à la veille de la première guerre, la quasi-totalité de l'AFRIQUE était donc constituée de colonies. Cette situation sus décrite va avoir des conséquences très néfastes sur notre vieux continent noir. Elle a entraîné la désagrégation des Etats et de la société dans tous les secteurs de la vie, la diminution de la population atteignant plusieurs centaines de millions d'habitants. En somme l'AFRIQUE a essuyé des pertes incommensurables qui sont la cause de sa fragilité actuelle.

De ce qui précède, il va sans dire que l'AFRIQUE dans sa généralité, est la partie du monde où la conception d'un modèle de reconstruction constitue une urgence , et l'Union qui est la voie idéale pour parvenir à cette fin , doit susciter chez ses peuples respectifs un sentiment de survie et de nécessité .Justement pour ce faire , un certain nombre de facteurs semblent militer en faveur d'un rapprochement , d'une dynamique d'Intégration devant favoriser l'émergence d'une AFRIQUE forte et stable dans tous ses domaines , unifiée dans toutes ses parties. Ces facteurs sont de plusieurs ordres : sociologiques, historiques, culturelles et géographiques .Tout d'abord relativement à ses conditions géographiques, l'AFRIQUE fait montre d'une certaine homogénéité. Trois fois plus vaste que l'Europe, l'équivalent des ¾ de la superficie de l'Asie, le continent noir fort de ses 30 million 300 mille km2, bénéficie d'atouts inestimables qui ne sont notables sur aucun autre continent. L'AFRIQUE est au centre des cinq continents par conséquent au centre de la planète. Sur le plan culturel, si l'on envisage l'organisation de la famille africaine précoloniale, celle de l'Etat, les conceptions philosophiques, morales. On constate une Unité culturelle évidente, découlant d'une adaptation similaire aux mêmes conditions matérielles d'existence1(*). Selon le savant scientifique, le sénégalais Cheikh Anta Diop, il existe de manière irréversible en AFRIQUE une civilisation organique qui est restée très vivace selon les âges.

Sous ces éclairages, il apparaît que devant la nécessité de reconstruction d'un continent décimé, et fortement affaibli. Face au défi de l'Union, perçu comme la voie de salut pour le continent. La culture, l'histoire et même le milieu physique, semblent à maints égards y apporter leurs concours.

Et pourtant depuis les indépendances, les projets de mise en commun, de rapprochement initiés en AFRIQUE, pour remédier à l'extrême segmentation des espaces politico économiques n'ont produits que des résultats embryonnaires. Une telle situation est certainement due au fait que le geste unitaire, la volonté d'Unité, appartient au politique. Alors que sous le sceau du Panafricanisme, idéologie nationaliste de libération, qui connut son éclosion à la fin de la seconde guerre mondiale. La genèse de l'Intégration a été fortement biaisée par une contrariété idéologique entre les dirigeants africains. En effet à la fin du 19e siècle, alors que l'AFRIQUE était encore dans la nuit coloniale, des noirs de la diaspora ont songé à l'avenir du continent d'origine de leurs ancêtres. Dès lors un concept connu sous le vocable de panafricanisme allait naître pour connaître une fortune durable. Les principaux chantres du panafricanisme avaient pour ambition la rencontre des noirs de la diaspora arrachés de force à la mère patrie, avec leurs frères du continent. En somme, ils avaient pour ambition de réaliser l'Unité de tout le continent africain, avec un double objectif : La libération du continent de la domination et de l'exploitation, et la renaissance des peuples africains. Cependant dans la marche vers l'Union pour la reconstruction, il s'est dessiné une différence de point de vue, qui a malheureusement donné naissance à l'existence de deux tendances qui vont bipolarisé la scène politique africaine avant et au lendemain des Indépendances : le groupe de Monrovia et celui dit de Casablanca.

Pour les tenants de la première tendance qui adoptaient en Décembre 1961 une charte de coopération africaine à vocation régionale, il n'était pas question de réaliser l'Unité politique, mais une intégration par cercles concentriques à l'échelle des régions .Celle ci n'entraînant pas bien sûr un abandon de souveraineté , dès lors que chaque Etat , chaque population devait garder sa propre identité, sa propre culture constitutionnelle .Pour la seconde tendance en l'occurrence les panafricanistes radicaux du groupe de Casablanca . Il fallait instituer une intégration réelle à l'échelle du continent. Leur vision profonde était d'arriver à l'Unité globale, et politique de tout le continent, englobant tous les aspects de la vie des sociétés africaines. Et pour ces continentalistes, leur voeu devait être facilité par tous les facteurs fédérateurs révélés par le milieu physique, l'histoire, et la culture.

Cet affrontement des idéologies était préjudiciable pour l'Afrique qui cherchait à consolider la juvénile souveraineté de ses nouveaux Etats. C'est pourquoi des efforts furent menés pour réduire l'écart entre les deux courants. Et cela a abouti en 1963 par la signature de la charte d'Addis Abéba, qui a donné naissance à l'OUA (organisation de l'Unité Africaine). Prévue à l'article premier de la charte, l'OUA qui est le résultat d'un compromis entre les deux courants idéologiques, avait pour objectif le renforcement de l'Unité et de la coopération entre les Etats africains et malgaches, pour penser les plaies encore ouvertes de la colonisation. Cependant plus de 40 ans après sa création, devenue UA (Unité Africaine ) depuis 2000 , le constat fait , est qu'elle n'est même pas arrivée à mis chemin des objectifs qui lui ont été assignés . L'institution continentale n'a drainé derrière elle qu'un lot d'illusions.

Pour toutes ces raisons, conjuguées aux réalités résultant de la nouvelle donne économique mondiale. Les Etats africains voulant apporter remède à leurs problèmes de sous développement, à leurs situations économiques peu reluisantes, ont entendu depuis quelques années emprunter une nouvelle voie. Ils entendent établir une correspondance parfaite entre les peuples des différentes zones d'Afrique, grâce à ce qui les régule, à savoir la règle de droit. Cette nouvelle option, consiste en un processus par lequel des Etats appartenant à une même zone géographique ou lointains, décident d'unir leurs économies, d'harmoniser leurs politiques et systèmes intérieurs, notamment au plan fiscal, comptable, monétaire, ceci via une réglementation juridique unique et uniforme, à l'effet d'optimiser leurs développements et d'avoir une place sécurisante sur l'échiquier économique mondial. Ce type de procédé qui implique ou qui résulte de la création d'un espace économique commun, est dénommé dans le lexique de vocabulaire juridique : Intégration. 2(*)

En effet l'Intégration est apparue aujourd'hui pour les peuples d'Afrique, comme le meilleur moyen sinon l'ultime, pour relever le défi du développement dans ce monde entièrement globalisé. Les Etats africains longtemps enfermés dans un carcan d'espace économique étroit, ont senti l'extrême urgence de dépasser le cadre de leur souveraineté nationale. Pour résoudre les problèmes conjoncturels, pour faire face aux enjeux politiques, économiques et sociaux, mais surtout stratégiques , imposés par le nouvel ordre mondial qui se manifeste à travers le phénomène de mondialisation ou globalisation . Les Etats africains ont enclenché une réglementation uniforme de leurs systèmes intérieurs, de leurs politiques économiques, sociales, budgétaires. A l'image de la CEE (communauté économique européenne), de l'ALENA en Amérique, ou du MERCOSUR (marché commun du sud). Les Etats africains n'ont pas voulu demeurer en rade. C'est ainsi que le phénomène de l'Intégration a aujourd'hui structuré l'AFRIQUE en différentes communautés. Il existe en effet plusieurs institutions à vocation régionale. Par exemple au centre la CEMAC (communauté économique et monétaire des Etats de l'Afrique centrale) a été créée en 1994, à l'Est l'exemple du Comeca (marché commun des Etats d'Afrique orientale et du sud) nous est donné depuis 1993. En Afrique du nord, l'Union du Maghreb Arabe est créée en 1989. Et enfin dans la partie ouest de l'Afrique où nous invite en grande partie notre sujet, la CEDEAO (communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest) fut créée en 1975 et l'UEMOA (Union économique et monétaire des Etats de l'Afrique de l'Ouest) qui a réussi des prouesses sans précédentes sur le plan de l'Unification législative, existe depuis 1994. En outre depuis 1993 une nouvelle institution est venue garnir le cadre des organisations internationales africaines. Cette institution se veut très ambitieuse, dans la mesure où elle n'entend pas se confiner dans aucune zone régionale ou sous régionale. En effet l'Organisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), comme son nom l'indique, à une ambition continentale. Elle désire l'adhésion de tous les Etats africains, conscients aujourd'hui que l'Unification de leurs différentes législations est la passerelle ultime pour favoriser la renaissance de leurs économies. Justement dans le cadre de cette étude nos propos porteront essentiellement sur ces deux modèles d'Intégration juridique : l'UEMOA et l'OHADA

L'UEMOA a été créée par le Traité de Dakar du 10janvier 1994, qui est entré en vigueur le 1e août de la même année. Mais l'UEMOA est le résultat d'un long processus dont il convient ici de rappeler les différentes étapes. En effet après avoir acquis l'indépendance, les six pays de l'Afrique occidentale, membres de la zone Franc (Bénin alors Dahomey, Burkina jadis Haute Volta, Côte d'ivoire, Niger, Sénégal, Togo) avaient créés le 12 Mai 1962 l'UMOA, marquant ainsi une coopération monétaire à la fois entre eux et avec la France au sein de la zone Franc. Chemin faisant, grâce à un environnement monétaire stable, eu égard aux performances économiques, supérieures de surcroît à la croissance démographique. Les conditions de vie des populations se sont fortement améliorées .Cependant dans les années 1980, à cause de la flambée des cours pétroliers, à cause de l'effondrement des prix de matières premières, et de l'appréciation réelle du Fcfa ; les pays de l'UMOA vont connaître une crise profonde. C'est ainsi que pour y faire face, également pour compléter les mécanismes de régulation monétaire par des réformes économiques, et jeter les bases d'une croissance durable. Le traité instituant l'UEMOA fut signé 2jours avant la dévaluation du Fcfa. L'Union économique et monétaire des Etats de l'Afrique de l'Ouest constitue donc un renforcement de l'UMOA, mais elle remplace également la CEAO (communauté économique d'Afrique de l'ouest), qui a été volontairement dissolue le 15 Mars 1994, afin d'éviter qu'elle ne fasse doublon avec la nouvelle entité ouest africaine. L'ensemble des institutions de la CEAO seront liquidées et reversées en bonne partie dans le patrimoine de l'UEMOA.

Aujourd'hui, l'Union regroupe sept pays qui ont en commun l'usage du français (Bénin , Burkina, Côte d'ivoire , Niger, Mali , Sénégal, Togo ), et un Etat lusophone en l'occurrence la Guinée Bissau , qui a adhérée en 1997 . Avec ses (8) Etats l'union économique regroupe plus de 70 millions d'habitants sur ses 3.509610km2 de superficie. Elle compte un PIB de 28 milliards d'Euros soit 33% du PIB de la sous région. Au chapitre de ses objectifs, l'union se donne pour office majeur, de renforcer la solidarité monétaire, de favoriser le développement économique des Etats membres, par l'unification des marchés intérieurs, et par une mise en oeuvre des politiques sectorielles communes dans les domaines essentielles de l'économie. Mais selon l'article 4 paragraphe E du Traité, cet objectif économique visé par l'organisation ne pourra se faire que si et uniquement si l'Unification des différentes législations des Etats membres est déjà réalisée. Donc c'est dire que, l'Union entend élaborer d'abord une réglementation juridique unique dans tout son espace, afin d'espérer une quelconque réussite de ses ambitions économiques

Quant à l'OHADA (organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires), elle a été créée par l'adoption à Port Louis, en Îles Maurice le 17octobre 1993 du traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires. Ce traité a été signé par 16 (seize) Etats africains. Soit le Bénin , le Burkina , le Cameroun , , la Côte d'Ivoire , le Gabon , la Guinée , la Guinée Bissau , la Guinée Equatoriale , le Mali , le Niger , le Tchad , le Sénégal , le Togo. Ces Etats ainsi considérés, abritent une population de 105 millions d'habitants, parlant près de 40 langues. Les objectifs de l'organisation sont de manière explicite prévus à l'article Premier du Traité. En effet, l'organisation se donne pour ambition de trouver des solutions juridiques, les meilleures, et les mettre à la disposition des Etats parties. Il s'agira comme dans l'UEMOA , d'élaborer et d'adopter des règles communes, modernes, simples, et adaptées .Il s'agira aussi de mettre en oeuvre des procédures judiciaires appropriées, et d'encourager le recours à l'arbitrage comme mode de règlement des différends contractuels. Toute fois la plus nette connaissance des objectifs de l'organisation, nécessite comme pour l'UEMOA un léger détour historique.

En effet, l'effort d'harmonisation est antérieure à l'apparition de l'OHADA, car plusieurs organisations ont servi bien avant de cadre à l'harmonisation de certaines branches du droit des affaires .Il en est ainsi de l'OAPI (organisation africaine de la propriété intellectuelle), de la CIMA (conférence inter africaine du marché d'assurance), ou encore de la CIPRES

(Conférence inter africaine de la prévoyance sociale).Mais pour ce qui est de l'harmonisation droit des affaires dans la zone Franc, l'idée a été clairement exprimée comme une préoccupation politique par les ministres chargés des finances en Avril 1991 .Ils ont exprimé la nécessité d'élaborer un droit régional unique, moderne, simplifié, et susceptible de favoriser le développement des pays. Cette préoccupation d'ordre politique est surtout fondée sur le besoin de stimuler les investissements privés en contribution à l'instauration d'une sécurité judiciaire et juridique. Les préoccupations des investisseurs privés allant dans la garantie de cette sécurité juridique et judiciaire. Pour matérialiser cette volonté, les ministres de la zone Franc ont chargé une mission d'experts d'en étudier la faisabilité. Par la suite, le sommet des chefs d'Etats de la zone s'est réuni à Libreville en octobre 1992, et a finalement décidé du principe de l'harmonisation en adoptant les grandes lignes du projet adopté par l'équipe d'experts. C'est ainsi que, entre 1994 et 1997, plusieurs réunions se sont tenues, au cours desquelles les commissions nationales ont pu échanger sur les projets d'Acte Uniforme. Enfin c'est au début de l'année 1998 que furent adoptés et entrer en vigueur trois Actes Uniformes portant sur des domaines différents du droit des affaires .En Avril 1998 deux autres Actes Uniformes furent adoptés Ensuite en 1999  et en Mars 2000 deux autres actes furent adoptés . Enfin le dernier né de l'OHADA a été adopté en 2004, il s'agit de l'Acte Uniforme relatif au transport de marchandises par route. Cela étant , on peut dire qu'en moins d'une décennie le processus d'harmonisation entrepris par l'OHADA a permis l'adoption de (8) huit Actes Uniformes, comportant plus de deux mille (2000) articles. Ce qui constitue sans doute une oeuvre juridique d'une portée capitale.

Ainsi considérées par rapport à leurs objectifs et principes, il est à dire que ces deux institutions inter gouvernementales que sont l'UEMOA et l'OHADA, ont sommes toutes pour ambition, une Unification de leurs différentes législations. Une telle option est certainement due au fait que les promoteurs de l'Intégration se sont rendus compte, que même si derrière leur volonté de mise en commun, l'idéal escompté est un accroissement de la croissance économique de leurs Etats, cet objectif serait vain et inaccessible, si la réforme du droit et son développement étaient laissés en chantier. Pour son éclosion économique, l'Afrique, particulièrement sa partie ouest puisque notre étude s'y bornera, doit donc ordonner une règle de droit forte, stable, et respectée, à même d'établir un environnement juridico économique sécurisé. En effet pour l'attrait des investissements étrangers, il faut qu'il y'ait en Afrique une certaine sécurité juridique et judiciaire. Ce qui ne peut avoir lieu que si et seulement si une même et unique règle de droit est élaborée dans tout l'espace ouest africain. A défaut ce manque de règles identiques dans nos législations va certainement freiner l'entrée des capitaux, et de surcroît provoquer un déséquilibre de développement. Car entre deux Etats qui prévoient des législations différentes dans un même domaine du droit des affaires par exemple en matière fiscale, l'investisseur portera nécessairement son choix sur le pays dont la législation lui est favorable. Sous ces éclairages , c'est dire que les créateurs de l'OHADA et de l'UEMOA sont convaincus que pour réussir l'Intégration économique , il faut de prime abord s'employer à la réalisation de l'Intégration juridique , qui va sous tendre et encadrer la première.

C'est pourquoi en marge de la volonté de création du marché commun africain , dont la réalisation s'inscrit sur un registre progressif qui doit s'achever à l'horizon 2028 , selon le traité d'Abuja du 12 Mai 1994 instituant la communauté économique africaine (CEA) , l'Afrique de l'Ouest via ses deux communautés entre autres , veut mettre sur pied un corps de règles souples , simples , et adaptées aux réalités des économies africaines , afin de faciliter la réalisation du futur marché africain .

Pour réussir une telle prouesse, les deux entités avaient le choix entre deux procédés juridiques .Soit s'adonner à une harmonisation pure et simple des différentes législations, celle-ci consisterait à modifier les dispositions existantes, afin de les mettre en harmonie entre elles ou avec une réforme nouvelle, mais tout en respectant le particularisme de chaque législation interne. Un tel résultat s'obtenant par le biais de technique juridiques douces, n'indiquant aux Etats que les buts à atteindre, leur laissant le libre choix des moyens et de la forme .Soit comme deuxième option procéder de manière plus accusée, plus audacieuse, à une uniformisation de leurs législations .En définitive ces deux organisations jugées comme des exemples parfaits d'une Unification législative en Afrique , ont porté leur choix sur le second terme de l'alternative, en l'occurrence la formule de l'uniformisation. Celle-ci constitue une méthode plus radicale de l'Intégration juridique, puisqu'elle consiste à effacer les différences entre les législations nationales en leur substituant un texte unique rédigé en des termes identiques pour tous les Etats concernés. De surcroît cette technique de l'Uniformisation obéit au principe de la supranationalité, qui permet d'introduire directement des normes dans l'ordre interne des Etats membres.

Sous ce rapport, il est fort justifié de soutenir que l'OHADA et l'UEMOA sont des illustrations parfaites d'une Intégration juridique très élaborée .Elles sont des entités non étatiques créées par un Traité de base, et elles assurent concurremment ou parallèlement aux Etats, des activités dont ces derniers avaient traditionnellement le monopole. Leur existence a permis la création d'un dense réseau de coopération, avec des mécanismes de contrôle et de direction prévus par le droit communautaire originaire et développés par le droit dérivé.

Mais au-delà du cadre théorique, très porteur d'espoirs, un certain nombre d'interrogations s'impose à nous, pour nous permettre justement de mieux appréhender notre étude. En effet peut -on postuler l'émergence de solidarités, de coopérations nouvelles, fondées non plus sur une communauté de langues, mais sur une proximité géographique sous l'effet des politiques d'ajustement structurels initiés depuis 1980 ? Comment est ce qu'il convient d'appréhender la création de ces deux organisations à vocation régionale, et continentale ? Apparaissent elles comme concurrentes ou comme complémentaires de l'action des autres organismes internationaux ? Est-ce qu'entre l'UEMOA et l'OHADA, il n'existe pas parfois un double emploi ? Une concurrence législative qui risque de biaiser leurs ambitions communes. Dans leur élaboration, les textes communautaires prennent ils en considération tous les facteurs locaux ? Mais surtout notre préoccupation sera de savoir est ce que l'application du droit communautaires est aussi uniforme comme le sont les textes eux-mêmes. En somme est ce qu'il y a des entraves certaines à la dynamique d'Intégration juridique ? Ces questions justifient déjà tout l'intérêt de l'étude de ce sujet.

En effet toutes ces questions vont nous servir de pistes de réflexions dans le cadre de cette étude qui fait montre d'un certain nombre d'intérêts. D'une part il permet de savoir comment est ce que le droit est aujourd'hui mis au service des ambitions économiques de l'Afrique en générale. Ce sujet va nous renseigner sur les procédés utilisés pour la construction de l'Unité du Droit, certes insuffisante mais nécessaire pour l'essor économique de l'Afrique de manière générale, de l'ouest en particulier .L'autre aspect du sujet nous ferra remarquer que même sil y a aujourd'hui une volonté ferme de nos Etats, à l'instauration d'une Unité de nos législations. Dans beaucoup de domaines de la discipline juridique des efforts certains restent à faire, les entraves se révèlent. Des pans entiers du droit des affaires demeurent à la discrétion réglementaire des Etats , compte non tenu de l'ineffectivité parfois notée des normes communautaires , du fait que les juridictions en font fi .

Au demeurant, pour essayer d'apporter réponse à la problématique soulevée plus haut, dans une perspective comparative, je m'emploierai à mettre en exergue les acquis de l'heure, c'est-à-dire les réalisations concrètes de l'UEMOA et de L'OHADA. D'autre part au cas par cas, la réflexion sera portée sur les points d'achoppement, à savoir les obstacles aux quels font face les promoteurs de l'Intégration juridique. Enfin des solutions jugées idoines pour l'accélération du processus d'Intégration seront préconisées. Pour ce faire dans une structure bipartite nos propos seront axés sur la supranationalité des organes d'impulsion du droit unifié (Titre I), et d'autre part le domaine du droit intégré

et les entraves à l'Intégration juridique, constitueront le second maillon de notre analyse (Titre II)

TITRE I : La supranationalité des organes d'élaboration du droit unifié

L'UEMOA et l'OHADA sont deux organisations internationales de l'AFRIQUE qui ont été créées, en réaction à un environnement économique défavorable. Leurs Etats membres veulent aujourd'hui jouer sur leurs complémentarités afin de réduire leurs fragilités conjoncturelles. Pour ce faire, ils ont jugé qu'il fallait de manière uniforme asseoir les solides bases d'une réglementation juridique, qui devra favoriser leur essor économique. C'est cette technique d'Unifications des législations, autrement dit Intégration juridique qui va engendrer dans les relations entre les Etats membres et les nouvelles entités, l'avènement du concept de supranationalité. Ce principe de la supranationalité qui est défini par Robert Schuman comme intermédiaire entre l'individualisme étatique et le fédéralisme, va placer tous les nouveaux organes d'élaboration du droit unifié, en haut de ceux dont disposaient traditionnellement les Etats parties. L'application effective du principe supranational, jugé par ailleurs comme le garant de l'Intégration, a permis la mise sur pied et le perfectionnement de mécanismes très élaborés. Sur la base d'un tel principe qui fonde aujourd'hui nos deux communautés, nous allons dans le premier maillon de cette étude, présenter leur architecture institutionnelle (chapitre I), et leur système normatif (Chapitre II) tous deux identiques dans les deux entités inter étatiques.

CHAPITRE I : Une architecture institutionnelle identique dans les deux entités

inter étatiques
Pour la réalisation des ambitions économiques qui sous tendent leurs créations, l'UEMOA et l'OHADA présentent de manière homogène un puissant système ou ordre juridique, qui résulte d'un renforcement de leur moyens d'action au plan matériel, humain, mais surtout juridique. En effet les traités constitutifs ont un objet résolument institutionnel, certains estiment même qu'il s'agit de charpentes constitutionnelles. C'est ainsi qu'au sein des deux entités, on trouve des organes politiques, qui sont d'une part des organes de délibération et de direction (section I) et d'autre part des organes d'exécution et de contrôle (section II).

SECTION I : Les organes de délibération et de direction

A l'image de toutes les autres organisations régionales ou sous régionales qui existent dans le monde. Au niveau de l'UEMOA (paragraphe I), comme au niveau de l'OHADA (paragraphe II). Les deux institutions se sont dotées de structures qui sont sous la houlette des Etats membres eux-mêmes. En vue de l'adoption de tout acte nécessaire à l'accomplissement des différentes tâches qui sont prévues dans leurs Traites de base.

PARAGRAPHE I : Les instances de l'UEMOA

La conférence des chefs d'Etat est l'autorité suprême de l'Union, et la périodicité des rencontres est d'une fois par année. Selon l'article 17 du Traité c'est cet organe qui définit les grandes orientations de l'entité inter gouvernementale, et les décisions y sont prises à l'unanimité. Après la signature du Traité de l'Union le 10 Janvier 1994, la première conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UEMOA s'était tenue le 10 Mai 1996 .Ensuite au second niveau de l'échelle, il y a le Conseil des ministres qui selon l'article 20 du Traité a pour mission de mettre en oeuvre les orientations générales de l'Union .Il se réunit au moins deux fois par année, et il est composé principalement des ministres des Finances. Mais n'empêche que tout ministre dont un point de discussion intéresse son secteur sera convié à la rencontre. Pour la réalisation de la mission qui lui est dévolue, le Conseil édicte les actes à caractère obligatoire, à savoir les Règlements, les Directives, ainsi que les décisions. Cela étant, c'est dire que le Conseil joue le rôle d'organe législatif, et c'est d'ailleurs à ce titre qu'il vote le budget de l'Union.

Egalement comme autre organe, il y a la Commission qui peut être définie comme l'organe moteur de l'entité ouest africaine. En effet c'est elle qui propose les textes de lois, qui adresse avis et recommandations aux deux autres entités qui la surplombent. Elle a aussi la faculté de saisir la Cour de justice de l'Union. En outre en tant qu'organe d'exécution, c'est naturellement la commission qui exécute le budget de l'Union pour la réalisation des différents objectifs définis par l'organe suprême. La Commission siège à Ouagadougou nous renseigne l'article 26 du Traité, en effet elle a hérité du siège ouagalais de la défunte CEAO (communauté économique de l'Afrique de l'Ouest). Elle est composée de (8) huit commissaires, chacun ayant la nationalité d'un Etat membre. Ils sont nommés pour une durée de (4) quatre ans renouvelable par la Conférence sur la base de critère d'intégrité et de compétence .Au demeurant, chaque commissaire a la stricte obligation d'exercer ses fonctions en toute indépendance et il ne leur est permis d'exercer aucune autre fonction rémunérée ou non.

Ainsi mis en lumière pour l'UEMOA, la structure de direction se prête à la même configuration au sein de l'OHADA.

PARAGRAPHE II : Les instances de l'OHADA

Dans le cadre de l'OHADA, l'article 3 du Traité nous renseigne que pour la conduite de sa mission, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), compte comme structure de direction, un Conseil de ministres qui est assisté d'un Secrétariat permanent auquel est rattaché une Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature. En effet c'est le Conseil des ministres qui, au sein de l'organisation assure à la fois le pouvoir normatif et le pouvoir de décision. De tels pouvoirs qui lui sont dévolus, se manifestent ainsi par le choix des matières à uniformiser. C'est ainsi que, après  avoir arrêté une liste de (8) Actes Uniformes à l'heure actuelle, l'article 2 du traité réserve à la seule structure qu'est le Conseil de ministres, la faculté d'adjoindre à la liste toute autre matière qu'il déciderait à l'unanimité. Comme autre pouvoir, c'est logiquement au conseil que revient la faculté d'adoption des Actes Uniformes. L'article 8 du Traité affirme à ce propos la compétence exclusive du Conseil, relativement à l'adoption des Actes Uniformes. S'il en est ainsi, c'est dire qu'en cette matière l'exécutif légifère ; il n'y a plus de séparation de pouvoirs. Mais également, en vue de l'application du Traité il appartient au Conseil de prendre à chaque fois que de besoin, des actes, tels que les règlements, à la majorité absolue des membres. D'ailleurs à ce jour (5) règlements3(*) ont été pris en application du Traité OHADA. A côté du Conseil, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires, a une autre structure comme dit plus haut. Le Secrétariat permanent, selon l'article 6 du Traité, a pour mission la préparation des différents Actes Uniformes en parfaite concertation avec les gouvernants des Etats parties. Ensuite à chaque fois que le Conseil porte son choix sur une matière devant faire l'objet d'uniformisation, c'est le Secrétariat qui communique aux gouvernements des Etats, les projets d'Actes Uniformes. C'est-à-dire la matière du droit des affaires que l'OHADA entend dans l'immédiat singulariser pour ses Etats membres. Et enfin, à l'expiration du délai prévu dans la procédure de communication, et de contrôle. C'est le Secrétariat permanent qui met au point le texte définitif du projet d'Acte Uniforme, dont il propose l'inscription à l'ordre du jour du prochain Conseil des ministres. Sous ces considérations, on peut affirmer que les deux entités ouest africaines qui constituent l'objet de notre propos, présentent des similitudes certaines quant à la configuration de leur structure de direction. Dans l'UEMOA, la Commission constitue le noeud gorgien de l'Union, et il trouve son pendant dans l'OHADA à travers l'institution qu'est le Secrétariat permanent. Ces deux structures dans les deux entités communautaires respectives sont chapotées par deux organes très politiques, d'où émanent les grandes orientations en matière juridique. Il convient dans le même ordre d'idée de vérifier maintenant, ce qu'il en est de leurs différents organes de contrôle.

SECTION II : Les organes de contrôle et de sanction

Etant donné que tout ordre juridique constitue d'une part, un ensemble organisé et structuré de normes juridiques, possédant leur propre source, dotées d'organes et de procédures aptes à les émettre, et à les interpréter. Mais d'autre part, dès lors que pour assurer l'effectivité de cet ordre juridique , il faut également des structures qui ont pour seul office , de constater et de faire sanctionner , le cas échéant les violations tant des normes que des orientations qu'elles indiquent. Nous constatons au sein de l'UEMOA l'existence de cours juridictionnelles (paragraphe I), et également d'une cour communautaire de justice et d'arbitrage dans l'OHADA (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : Les différentes juridictions de l'UEMOA

L'UEMOA compte un certain nombre de cours juridictionnelles, qui ont sommes toutes pour mission d'assurer le contrôle des éventuelles violations aux normes unifiées, afin que le droit régional qui est entrain de se construire soit effectif. Ces cours dont il s'agit ont une compétence élargie sur l'ensemble du territoire de l'Union. Il y a à ce propos la Cour de Justice de l'UEMOA, qui peut être définie comme la clef de voûte du contrôle juridictionnel au sein de l'Union. En effet selon le protocole additionnel n° 10 /96 portant statuts de la Cour de Justice de l'Union économique et monétaire ouest africaine, la Cour instituée par le Traité et le protocole additionnel, dont le siège se trouve à Ouagadougou, a pour mission : l'arbitrage des conflits entre les Etats membres, ou entre l'Union et ses agents. La Cour est composée de juges, un juge par Etat4(*). Ils sont nommés pour un mandat de 6 ans renouvelable une fois par la Conférence. Avant d'entrer en fonction, les membres de la Cour prêtent serment devant la Cour 5(*) . On a également la Cour des Comptes, qui contrôle les comptes des organes de l'Union, ainsi que la fiabilité des données budgétaires nécessaire à l'exercice de la surveillance multilatérale. Enfin on a le Comité inter parlementaire, qui préfigure le Parlement de l'Union, lequel organe sera chargé du contrôle démocratique des organes de l'Union .Il faut noter que le Parlement de l'Union a été institué par le Traité du 23 Janvier 2003, signé par les 8 présidents des Etats de l'Union.

Au demeurant, il faut aussi noter qu'à côté des organes de direction, qui sont chargés d'impulser une orientation générale sur l'ensemble du territoire de l'Union. Et des organes de contrôle, qui sont les garants de la volonté d'unification juridique. L'UEMOA compte d'autres organes. C'est d'une part les organes consultatifs, tels que la chambre consulaire régionale, qui est chargée de réaliser l'implication du secteur privé dans le processus d'intégration. C'est d'autre part, les institutions spécialisées et autonomes. Il en est ainsi de la BCEAO, qui bénéficient du privilège d'émission de signes monétaires sur le territoire de l'Union. C'est aussi la BOAD, qui contribue au financement, et à l'amélioration des conditions et moyens de production dans l'Union. On a également la BRVM (bourse régionale des valeurs mobilières), qui par le canal du marché financier qu'il dirige, participe au financement de l'entreprise. Ces organes certes n'ont pas de compétences législatives, ou juridictionnelles. Mais jouent un rôle d'une importance non moindre, dans le cadre de la volonté de mise en commun. Car dans les domaines respectifs où ils se déploient, l'existence d'une discipline juridique unique est toujours notée dans l'espace UEMOA. Par ailleurs, à l'image de l'UEMOA, c'est le même souci de contrôle qui anime les promoteurs de l'OHADA.

PARAGRAPHE II : La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de

L'OHADA

Pour assurer une marche sûre, solide, et assurée vers l'intégration juridique, sur tout le territoire des 16 Etats membres. L'organisation communautaire a mis sur pied depuis sa création, une cour communautaire qui doit jouer le rôle de sentinelle sur l'intégralité des territoires de l'Organisation. En effet au regard du Titre III du Traité du 17 octobre 1993 instituant l'OHADA. La Cour de Justice et d'Arbitrage a compétence par rapport à tout ce qui relève du contentieux relatif à l'interprétation et à l'application des Actes uniformes. Si le contentieux relatif à l'application des Actes Uniformes demeure à la compétence des juridictions nationales, en première instance et en appel. C'est à la CCJA qu'est dévolue la mission d'assurer dans les Etats parties, l'application et l'interprétation commune du Traité et des règlements pris pour son application, et des Actes Uniformes. Pour ce faire la CCJA jouie de fonctions juridictionnelles, consultatives, et arbitrales.

En matière juridictionnelle, la Cour est saisie par la voie du recours en cassation. La cour au stade de la cassation, se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats membres, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des Règlements .A l'exception toutefois des décisions impliquant des sanctions pénales. La CCJA se prononce également sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats parties, dans les mêmes contentieux. Mais en matière de cassation, l'OHADA présente une certaine originalité .Car à ce niveau, contrairement aux juridictions nationales de cassation qui sont de simples juridictions de droit. La CCJA en tant que juridiction de troisième degré évoque et statue au fond de l'affaire. Cette option de l'OHADA, se justifie par la volonté très manifeste d'imposer une réglementation juridique unifiée, unique pour tous les Etats de l'OHADA. Car si la CCJA a la faculté d'évoquer et de statuer au fond, quand un litige est porté à sa connaissance. Cela permet à la Cour non seulement d'indiquer la juste application de l'Acte Uniforme ou du Règlement. Mais en outre lorsqu'elle évoque et statue sans renvoie cela permet de gagner du temps, d'éviter les divergences de solutions qui proviendraient des différentes cours d'appel nationales, et le risque d'un second pourvoi devant la cour supranationale. Cette option originale de la CCJA a entre autres vertus celle de réaliser une Unification de la Jurisprudence. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Cour publie périodiquement ses Arrêts dans un recueil spécialement prévu à cet effet. A titre d'exemple, dans une affaire rendue en Avril 2002 6(*) , la Cour commune a évoqué et prononcé une condamnation après avoir cassé l'Arrêt de la Cour d'Appel d'Abidjan, pour avoir déclaré recevable l'appel qui a été interjeté hors délai, violant les dispositions de l'article 49 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées.

La Cour commune a également des fonctions en matière consultative. En effet selon l'article 14 alinéa 2 du Traité de l'OHADA ; la Cour peut être consultée par tout Etat partie, ou par le Conseil des ministres pour toute question relative à l'application des Actes Uniformes et Règlements. La même faculté est également reconnue aux juridictions nationales saisies pour les mêmes questions. En outre la CCJA a des compétences arbitrales, car l'objectif de l'OHADA est de promouvoir aujourd'hui, le règlement de tout litige relatif à l'application des Actes Uniformes par le recours à l'arbitrage. En effet l'organisation veut aujourd'hui casser le monopole de l'arbitrage étranger qui avait cours, même lorsque le litige faisait intervenir un Etat ou une entreprise africaine .Ainsi l'OHADA a élaboré un système dualiste d'arbitrage : d'une part il existe un Acte Uniforme relatif à l'arbitrage de manière générale . Il s'agit de l'Acte Uniforme du 11mars 1999, entré en vigueur le 15 juin de la même année.  Il régit l'arbitrage ad hoc et les arbitrages qui se tiennent sous les auspices des centres nationaux d'arbitrage, telle que la chambre de commerce, d'industrie, et d'agriculture de Dakar (CCIA) ou la cour d'arbitrage de la Côte d'Ivoire (CACI). D'autre part il existe un système d'arbitrage conçu et placé sous les auspices de la CCJA, régi par les articles 21 à 25 du Traité, et par les dispositions du règlement d'arbitrage du 11mars 1999. S'il en est ainsi c'est dire pour le préciser, que l'organe communautaire qu'est la CCJA, en tant que tel n'arbitre pas.

En somme, on peut affirmer que ces deux entités communautaires africaines, ont chacune mis sur pied un système institutionnel efficace, pour la réalisation de leurs ambitions communes d'intégration juridique. Leur système institutionnel est matérialisé en effet par l'existence d'organes, qui élaborent la nouvelle orientation juridique des communautés, et par d'autres qui veillent à l'application et au respect strict de la lettre et de l'esprit des règles juridiques unifiées. Ces organes ainsi considérés, jouissent de la valeur supranationale qui les place en haut de l'échelle régionale. C'est à dire que ces producteurs et garants du droit régional, se superposent à tous les autres organes qui dans l'ordre interne des Etats assuraient à l'origine le même rôle que celui qui leur est dévolu aujourd'hui dans le processus d'Intégration Juridique. Après avoir exposé la configuration de leur architecture institutionnelle, il conviendra de voir dans une phase nouvelle de notre analyse, le contenu, la teneur, mais surtout la nature identique de la production normative des deux communautés.

CHAPITRE II : Un système normatif identique dans les deux

entités inter étatiques

L'ordonnancement juridique est la manière dont sont disposées dans la nature et dans la hiérarchie, les normes qui matérialisent une réglementation juridique donnée. A ce niveau également les orientations de nos deux communautés semblent converger. Cela est caractérisé par la convergence des principes posés par les Traités institutifs de droit Primaire (Section I), et par l'édiction dans les deux communautés de différentes normes qui constituent le droit Dérivé (Section II)

SECTION I : La convergence des principes posés par les Traités institutifs de

droit Primaire

Les droits originaires ou normes suprêmes ayant posé les fondements de l'Intégration juridique dans l'OHADA et dans l'UEMOA, ont les mêmes orientations stratégiques. De ce fait, ils ont posé le principe du transfert de compétence (Paragraphe I) et ambitionnent dans les deux communautés, la création de l'état de droit économique (Paragraphe II)

PARAGRAPHE I : Le transfert de compétences des Etats vers les

Organes institutionnels.

Il s'agira à ce niveau de voire l'affirmation du principe de transfert de compétences par les deux institutions (A), pour ensuite mettre l'accent sur les modalités du transfert de compétences (B) posés au niveau des traités de base

A : Le principe du transfert des compétences

On peut dire que c'est ce premier principe dégagé par les Traités de base, et cela octroie aux organes institutionnels les moyens de leurs missions. Les Etats parties à l'UEMOA et à l'OHADA ont construits aujourd'hui un champ d'affinité et d'intérêts communs qui constitue leur espace intégré. Mais cette communauté n'est pas un Etat fédéral, car celui-ci est constitué d'Etats indépendants unis de plein gré, construit de bas en haut dans le respect total du pouvoir de décision des différentes parties réunies dans le pouvoir suprême, toujours exercé en commun. Dans une telle structure le pouvoir de décision, émane toujours des citoyens de chaque Etat membre. La communauté n'est pas non plus un Etat nation, doté d'un centre d'impulsion unique d'un pouvoir légitimé par la volonté populaire.

Le fonctionnement des cadres intégrés comme l'UEMOA et l'OHADA présente en vérité une certaine spécificité. En effet eu égard à la nouvelle configuration de l'économie mondiale, la dépendance des économies nationales à l'égard des échanges internationaux, la souveraineté de l'Etat n'est plus qu'un un mythe. Les Etats sont en situation d'interdépendance accrûe entre eux, et c'est justement ce qui a changé les données en matière réglementaire. A travers le développement concret d'une activité juridique, l'intégration fonctionnelle dégage la voie de dépasser le cadre restreint des Etats sans affronter leurs souverainetés respectives. Les Etats acceptent aujourd'hui de faire mandat aux institutions, via les organes crées ; la faculté d'élaborer, d'orienter et de conduire leurs politiques réglementaires. Car l'ancien mode de gouvernement hiérarchique, verticale, normalisé et enraciné dans la structure de l'Etat-nation, n'est plus adapté au système réglementaire et normatif multi niveaux, que la diversité et la nécessité des temps modernes sont entrain de faire émerger. C'est ainsi que dans le cadre aussi bien de l'UEMOA que de l'OHADA, le transfert des compétences en matière juridique se traduit par l'existence d'organismes, de mécanismes et de pouvoirs juridiques qui se superposent aux dispositifs nationaux. Dans l'Union par exemple, l'article 17 du Traité dispose que c'est la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement qui définit les grandes orientations de la politique de l'Union, et à chaque fois que de besoin il adopte des Actes Additionnels, dont le respect s'impose à tous les organes ainsi qu'aux autorités des Etats membres. Conformément à cette disposition, il apparaît que les Etats conviennent de transférer à l'Union tout pouvoir réglementaire, dans les domaines où le traité ainsi que les actes qui le complètent interviennent. Mais par rapport au domaine purement juridique, c'est l'article 60 qui renseigne de manière très explicite sur le principe de transfert. A cet effet il dispose que :

 « Dans le cadre des orientations prévues à l'article 8, la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement établit des principes directeurs pour l'harmonisation des législations des Etats membres ... ». Et l'alinéa 3 de l'article 65 d'ajouter que les Etats sont tenus d'harmoniser leurs politiques fiscales, selon la procédure prévue aux articles 60 et 61. Sous ces considérations, c'est dire que, dans les domaines visés par le Traité à l'heure actuelle, la politique législative des Etats parties à l'Union est l'apanage unique des organes institutionnels. L'entité inter gouvernementale élabore la réglementation uniforme en haut de l'échelle régionale et les Etats sont dans l'obligation de prendre tous les actes positifs nécessaires pour concourir aux objectifs de l'Union dans le domaine juridique. Pour ce qui est de l'OHADA, la dénomination de cette institution renseigne déjà sur le principe du transfert de compétence. En effet l'organisation se donne pour objectif d'harmoniser l'ensemble des matières qui relèvent du droit des affaires.Ce qui veut dire que chaque Etat qui décide d'adhérer aux ambitions de l'organisation en prenant part au traité, par la ratification. Accepte par conséquent de transférer tout pouvoir réglementaire dans le domaine des affaires, à l'organisation. A ce titre l'article 3 dispose que : « La réalisation des tâches prévues au présent traité est assurée par une organisation dénommée Organisation pour l'harmonisation en Afrique du Droit des Affaires(OHADA) comprenant un conseil des ministres et une cour commune de justice et d'arbitrage... » . Ainsi pour toutes les matières relevant du droit des affaires énumérées par l'article 2, seule l'organisation dispose aujourd'hui de la compétence pour y légiférer.

De tout ce qui précède c'est dire que les Etats parties aux deux entités institutionnelles que sont l'UEMOA et l'OHADA , ont décidé aujourd'hui de déléguer l'intégralité de leurs pouvoirs en matière règlementaire. Ce transfert de compétence est suggéré par le principe de la supranationalité qui sous tend toute la dynamique d'intégration juridique. Les institutions sont au dessus des organes législatifs nationaux, par conséquent elles sont seules habilitées à bâtir un système juridique unique pour l'ensemble des Etats. Par ailleurs il convient maintenant de voire comment est ce que le principe est mis en oeuvre au sein des deux entités.

B : Les modalités du transfert des compétences

Avec la nouvelle configuration de l'économie mondiale, les Etats parties aux Traités de l'OHADA et de l'UEMOA ont senti l'impérieuse nécessité de transférer selon les domaines visés, la totalité de leurs compétences en matière réglementaire, aux structures instituées à cet effet. Cette option supranationale s'exerce concrètement par le biais d'un certain nombre de procédés, permettant aux entités institutionnelles d'agir au nom et pour le compte des Etats. Mais par rapport à l'élaboration du droit unifié et son adoption, les deux entités inter gouvernementales présentent une certaine différence d'option car au sein de l'UEMOA c'est le principe de la majorité qualifiée qui est retenu (a), alors que l'OHADA a prévu la règle de l'Unanimité qui est toute fois non absolue (b).

a : La prise des décisions à la majorité qualifiée dans l'Union

En effet dans l'UEMOA, le Traité de base (articles 11, 25, 29) ainsi que les protocoles, retiennent le principe de la majorité qualifiée des deux tiers (2/3) comme technique de prise de décision des organes communautaires. Il s'agit là d'une procédure à cheval entre le vote classique de l'unanimité, et le vote à la majorité simple. Par hypothèse on peut dire que la majorité au sein de l'Union est égale à 5 Etats, si l'on fait le calcule de (8x2/3). Ainsi considérée, cette méthode présente comme vertu majeure celle d'éviter la paralysie des organes de décision, contrairement à la règle de l'unanimité qui exige l'assentiment de tous les votants. Elle permet aussi d'éviter les majorités non significatives pour des décisions trop importantes, telles que celles relatives au domaine règlementaire. S'il en est ainsi, c'est dire que le mécanisme juridique de prise de décision, retenu au sein de l'Union, en l'occurrence la règle des deux tiers ménage à la fois les souverainetés internes et externes des Etats, tout en obviant aux blocages des minorités. Par ailleurs une telle règle est également en phase avec le souci d'équilibre et de solidarité qui sous tend tout le fonctionnement de l'Union. Car le fait que l'idée de pondération, liant la capacité de vote des Etats à leurs contributions financières ; soit battue en brèche, traduit que l'Union n'entend pas prêter intérêt au poids économique d'un Etat. Et par conséquent cela ne lui donne aucune prépondérance ni privilège sur les autres. En fin de compte, eu égard à la volonté de rupture des déséquilibres, par la solidarité et l'égalité. Chaque Etat membre dans l'Union, dispose d'une seule voix au sein des organes communautaires.

Dans un autre aspect le traité instituant l'Union économique et monétaire procède d'une innovation, qui va au-delà même de l'inter étatisme ; en opérant une diversification des acteurs juridiques impliqués dans le processus d'Intégration juridique. En effet à rebours du monopole traditionnel que les gouvernants conservaient au niveau des différentes instances communautaires, le traité de l'union intègre d'autres acteurs dans le jeu institutionnel communautaire. C'est ainsi que les parlements nationaux, et les organisations privées comme les chambres consulaires, deviennent des sujets actifs du processus d'Intégration.

: La règle de l'Unanimité non absolue dans l'OHADA

Quant à l'OHADA elle marque une certaine différence par rapport à l'UEMOA, en ce qui concerne les modalités de mise en oeuvre du principe de transfert de compétence. Car au sein de l'OHADA c'est le principe de l'Unanimité qui est retenu comme mécanisme de prise des décisions, par l'organe supranational qu'est le Conseil des ministres. En effet contrairement à l'UEMOA, où pour l'adoption de toute réglementation uniforme, destinée aux différents Etats parties, la majorité qualifiée de 2/3 est requise. Dans l'Organisation l'alinéa 1 de l'article 8 du Traité de base dispose que : « L'adoption des Actes Uniformes requiert l'unanimité des représentants des Etats parties présents et votants ». Sous cet éclairage de la loi, c'est dire que pour toute prise de décision relative à l'adoption d'un Acte Uniforme, il faut nécessairement que tous les Etats parties présents et votants y acquiescent, par un vote unanime. Si l'on schématise cela veut dire, que si les 16 Etats membres à l'heure actuelle, se réunissent par exemple pour l'adoption d'un Acte Uniforme inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres ; et que parmi la pluralité d'Etats, un seul refuse l'adoption de l'Acte par un vote négatif. La réglementation uniforme issue de l'Acte en question, ne pourra être adoptée par aucun des 15 autres Etats majoritaires, même s'ils ont voté pour son adoption. Ce principe de l'Unanimité ainsi considéré, présente une certaine rigidité qui peut obérer le fonctionnement rapide des institutions. C'est ainsi que l'alinéa 2 du même article 8 peut être considéré comme une disposition qui vient en édulcorer la rigueur. A cet effet il dispose que:« L'adoption des Actes uniformes n'est valable que si les deux tiers au moins des Etats tiers sont représentés ». La lecture de ce second membre de phrase de l'article sus nommé, nous autorise à soutenir que, même si la règle de l'Unanimité est retenue au sein de l'Organisation, la fixation du quorum des deux tiers va permettre toute fois aux institutions de pouvoir légalement se réunir, de prendre des décisions, d'adopter des Actes Uniformes à l'occasion, sans l'accord unanime de tous les Etats parties. Compte non tenu du fait que le dernier alinéa de l'article 8 précise que, nonobstant l'abstention d'un Etat présent, l'adoption des Actes Uniformes ne serait bloquée. De manière arithmétique, étant donné que l'OHADA compte 16 Etats, le quorum est donc égale à : (16 x 2 : 3=10,6). Si l'on procède par défaut la présence de 10 Etats devrait suffire pour permettre le vote d'un Acte Uniforme. S'il en est ainsi c'est dire que l'OHADA fait montre d'une certaine différence par rapport à l'UEMOA, lors même que pour la réussite de leur cause commune à savoir l'Unification législative, leurs Etats respectifs ont prévu de leurs octroyer toutes leurs prérogatives dans ce domaine, pour les matières prioritairement arrêtées. L'Organisation d'harmonisation législative de l'Afrique, a retenue la règle de l'Unanimité, mais l'institution du quorum des 2/3 vient heureusement fléxibliser le mécanisme de prise de décision, afin de pallier à toute éventualité de blocage. C'est ainsi que, à bien y regarder cette différence d'option entre les deux institutions est à relativiser. Car si pour l'OHADA le quorum est de 2/3, et par hypothèse si ce quorum venait à être juste atteint, l'adoption d'une décision ne pourrait se faire éventuellement qu'à l'unanimité des 2/3. On peut dire que de manière implicite l'Organisation consacre la même règle de la majorité qualifiée des 2/3 comme l'UEMOA.

Cependant même si l'on ne renie nullement le mérite de la fixation du quorum, son couplage avec la règle de l'Unanimité, surtout dans un domaine aussi sensible que la réglementation juridique, peut à bien des égards poser des problèmes de cohérence, de légitimité et d'adhésion. En effet si l'on part du principe que la règle de l'Unanimité, c'est le vote positif de toutes les parties acquises à une même cause. Toute rencontre de l'institution devant aboutir à l'adoption d'un Acte Uniforme doit légitimement se faire avec la présence de tous. A contrario comment pourrait on envisager, la transposition par un Etat sur son territoire, d'une réglementation dont il n'a pas approuvée l'adoption finale par son vote. Même si au préalable dans la procédure d'adoption, les Etats ont la latitude nécessaire pour donner leurs observations sur les projets d'Actes Uniformes à leurs être communiquées par le secrétariat permanent. Afin de les légitimer, l'idéal aurait été qu'à chaque fois tous les Etats soient dans l'obligation légale de se présenter, pour se prononcer à l'occasion du vote, quitte à ce que l'Organisation les contraignent par une mesure spécifique : une amende ou une menace d'exclusion de l'Organisation. Par ce que si la réglementation communautaire permet la tenue de rencontre, et le vote d'une réglementation uniforme à l'absence d'un Etat donné conformément à la règle du quorum, c'est à vrai dire une manière, d'ignorer la voix d'un Etat partie, mais aussi et surtout cela favorise l'absentéisme des Etats. La règle de l'Unanimité est par ailleurs faussée dans son principe, et par conséquent cela peut être la cause d'un certain nombre de problèmes futurs, tel que l'ineffectivité par exemple d'un Acte Uniforme sur un territoire national. Le seul argument que l'on peut donner pour justifier l'option de l'Organisation, c'est de dire qu'en posant la règle de l'Unanimité couplée avec un quorum, les Etats parties veulent mutuellement se mettre au pied du mur. En effet dans la mesure où ni l'absence d'un Etat, ni son abstention malgré sa présence, ne font pas obstacle à l'adoption d'un Acte Uniforme, ont peut dire que c'est une manière pour l'Organisation d'accélérer le processus d'Unification législative. Et les Etats parties sont tous avertis par rapport à leurs nouvelles responsabilités. En définitive, on peut dire que dans les deux entités considérées, le transfert de compétence de la part des Etats, est à un niveau très avancé. Les organes communautaires ont la faculté légale de prendre des décisions auto exécutoires, car s'imposant directement dans tous les Etats sans le secours d'aucune procédure au plan interne. C'est en effet le cas des décisions des Conseils de ministres, du Secrétariat permanent, de la Commission, ou encore des cours juridictionnelles. Par ailleurs après avoir mis en exergue ce premier principe, qui à vrai dire sous tend aujourd'hui toute la marche unifiée du droit au plan communautaire. Il convient de jeter le pont sur le second principe fondamental, qui se confond avec les objectifs de nos institutions.

PARAGRAPHE II : La création de l'état de droit économique

L'objectif de création de l'état de droit dans le contexte actuel de

l'internationalisation croissante des échanges économiques et financiers au sein de l'Afrique francophone, est suggéré par la création d'un environnement juridique favorable au développement économique (B), mais au préalable une telle prouesse ne peut passer que par une unification législative dans les deux communautés (A)

A : L'affirmation du principe d'Unification législative

Les autorités de l'Afrique sont aujourd'hui convaincues, que pour la création d'un espace régional politiquement Uni, socialement solidaire, mais surtout économiquement développé. Elles devront dès l'abord franchir le passage obligé de l'Intégration juridique. En effet la marche vers l'Union africaine, que l'on veut sûre, solide, et rassurée, doit passer nécessairement par deux types de transformations au niveau des « cercles concentriques » : s'atteler au rapprochement des politiques économiques et sociales, afin de les rendre compatibles et cohérentes, d'autre part élaborer un cadre juridique uniforme ou à défaut fortement harmonisé. C'est ainsi que dans les traités de base de l'OHADA et de l'UEMOA, nos deux entités s'engagent résolument à l'institution d'une réglementation juridique unique et unifiée, pour l'ensemble de leurs Etats parties.

Pour ce qui est de l'UEMOA, c'est tout d'abord le préambule qui annonce les ambitions du Traité de 1994. Il y est explicitement prévu, la nécessité d'oeuvrer pour le développement économique et social des Etats membres, grâce à l'harmonisation de leurs législations, à l'unification de leurs marchés intérieurs, et à la mise en oeuvre de politiques sectorielles communes dans les domaines essentiels de leurs économies .Outre le préambule, plusieurs dispositions du Traité même, réaffirment avec rigueur et de manière aussi explicite, l'ambition d'Intégration juridique nourrie par l'Union. A ce titre l'article 4§a renseigne d'abord sur l'objectif de renforcement de la compétitivité des activités économiques, et financières des Etats membres, dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel, et d'un environnement juridique rationalisé et harmonisé. Ensuite comme pour montrer la voie devant mener vers la réalisation de ce premier objectif, le paragraphe E du même article, prévoit : « l'harmonisation dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, des législations des Etats membres et particulièrement le régime de la fiscalité». Dans la même occurrence, l'article 60 du Titre IV à son chapitre I qui est intitulé : « De l'harmonisation des législations » prévoit que l'organe suprême de l'Union en l'occurrence la Conférence des chefs d'Etats et des gouvernements, après identification des domaines jugés comme prioritaires pour le développement économique des Etats, doit établir des principes directeurs pour l'harmonisation de l'ensemble des législations nationales qui réglementaient ces dits domaines .Egalement l'article 21 du protocole additionnel n°2 relatif aux politiques sectorielles dans l'Union , aborde dans le sens de l'Unification des législations . Car il prévoit à son paragraphe d l'harmonisation des cadres réglementaires des activités industrielles et minières, par le biais d'un code communautaires des investissements. Toujours au chapitre de l'harmonisation législative, ou de l'Unification, l'article 65 alinéa 3 du Traité nous informe que  les Etats entendent harmoniser leurs législations fiscales, afin de réduire les disparités excessives prévalant dans la structure et l'importance de leurs prélèvements fiscaux. Ensuite pour garantir la stabilité du marché commun prévu à la Section 3 du Traité, l'article 76 à son paragraphe C, prévoit aussi «  l'institution de règles communes de concurrence applicables aux entreprises publiques et privées, ainsi qu'aux aides publiques ». Enfin si l'on retourne à l'article 60, comme pour inciter les Etats à faire preuve de volonté, de dépassement dans la poursuite de l'idéal d'Unification, l'alinéa 2 prévoit en substance que la conférence demeure toujours très attentionnée par rapport aux progrès réalisés dans le domaine de l'harmonisation, par d'autres organismes similaires à l'Union, ou poursuivant le même objectif d'Intégration.

De ce qui précède, c'est dire que l'UEMOA interpelle ses membres sur l'urgence à faciliter le processus d'Unification législative, pour en faire une réussite. Car elle est aujourd'hui la voie empruntée par tous les ensembles régionaux ou sous régionaux. Donc l'Afrique de l'Ouest de manière générale, doit faire du rapprochement de ses diverses législations un sacerdoce, si elle ne veut pas rester en rade dans ce monde où les enjeux économiques sont sous la maîtrise des grands ensembles. En attendant de voire dans le second versant de notre analyse, le niveau de réalisation dans l'UEMOA du processus d'Unification des règles juridiques ; volet cardinal pour la réalisation du marché commun de l'Afrique de l'Ouest. Il convient d'exposer l'état du cadre théorique dans l'OHADA.

Pour ce qui est de l'organisation en Afrique du droit des affaires, on relève la même affirmation de la volonté d'Uniformisation, et de rapprochement des différentes législations des Etats parties. Le Traité ainsi que le préambule qui le surplombe, et qui est d'égale valeur juridique, témoignent de manière très claire l'ambition irréversible de l'organisation, à asseoir aujourd'hui une harmonisation législative, et d'ailleurs dans la pratique elle est allée plus loin par ce qu'elle fait bien oeuvre d'Uniformisation. Tout d'abord il est affirmé dans le préambule que les 16 Etats membres à l'heure actuelle, sont convaincus que pour la réalisation d'une communauté économique, dans le cadre très large de l'Afrique. Il faut nécessairement mettre en place, un droit des affaires harmonisé, simple, moderne et adapté, pour faciliter l'activité des entreprises, pour garantir la sécurité juridique, et favoriser l'investissement. Dans le Traité en tant que tel l'article premier dispose que : « le présent Traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adoptées à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels ». C'est ainsi qu'à l'article 2 du Traité, une liste non exhaustive de huit matières relevant du droit des affaires est dressée. Dès lors à chaque fois qu'un Acte Uniforme est adopté pour une matière donnée, parmi celles qui sont listées. Toutes les législations nationales existantes en l'espèce, vont être abrogées, pour laisser la place à une seule, unique, mais surtout une uniforme réglementation juridique, propre aux Etats membres. C'est d'ailleurs pour cette raison, qu'au niveau de chaque Acte Uniforme, le premier article précise la vocation des dispositions de l'Acte à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de chaque Etat partie à l'organisation. A l'heure actuelle, onze années après l'entrée en vigueur du Traité, il ne serait pas injustifié de soutenir que l'organisation a réussi le pari de l'unification législative. Car mis à part le droit de la vente, les (8) matières prioritairement visées ont fait l'objet d'Actes Uniformes adoptés par le Conseil des ministres.

Sous ces considérations on peut affirmer qu'au sein de l'UEMOA et de l'OHADA, lors même que le principe d'Unification législative y soit affirmé, il existe toute fois une différence dans son affirmation. Car si dans l'Union le Préambule, ainsi que diverses dispositions du Traité, des protocoles, des actes additionnels, affirment ou réaffirment l'oeuvre que l'Union entend réaliser sur le plan législatif. Avec entre autres des chapitres du traité qui portent des intitulés y relatifs, par exemple : « De l'harmonisation ». Dans l'OHADA la remarque est que les promoteurs de l'Intégration juridique, se sont bornés aux deux véritables affirmations résultant du préambule et de la première disposition du Traité. Cette option de l'OHADA n'est pas due à un manque d'ambition de l'organisation continentale, loin s'en faut, parce que justement celle-ci envisage d'oeuvrer sur un cadre matériel et spatial, plus vaste que celui de l'UEMOA. L'OHADA prévoit non seulement l'harmonisation de l'ensemble du droit des affaires, mais surtout elle entend la réaliser pour l'Afrique toute entière. La différence entre l'OHADA et l'UEMOA est due au fait que pour la première, la notion d'Acte Uniforme, qui désigne sa production normative est déjà assez éloquente, pour renseigner sur la volonté d'Unification législative des Etats parties. L'autre explication qui peut être donnée de la différence d'option dans l'affirmation du principe d'unification législative, entre l'UEMOA et l'OHADA. C'est le caractère très politique de l'Union, qui investie des domaines politiquement très sensibles, où les Etats font montre d'une certaine jalousie de souveraineté. C'est ce qui explique la persistance, la réitération à chaque fois de la volonté d'Intégration Juridique, au niveau des différents actes que l'Union entend poser. Alors que pour l'OHADA, même si c'est de la volonté politique dont dépend la réalisation des objectifs poursuivis. Les matières énumérées par l'article 2, relèvent en principe du droit des personnes privées. Par conséquent l'Uniformisation au sein de l'OHADA s'est avérée moins laborieuse.

L'Uniformisation législative ainsi énoncée comme objectif, dans les deux entités inter gouvernementales, est en réalité sous tendue par le principe de la supranationalité. Car c'est la valeur supranationale dont jouissent aujourd'hui les organes communautaires, qui confère aux règles produites par ces derniers, une supériorité sur celles qui existent au plan national. En effet les règles juridiques internes doivent se conformer à la nouvelle réglementation communautaire, ce qui veut dire qu'elles s'abrogent lorsqu'elles lui sont contraires. Au demeurant, il convient maintenant de voire le regain escompté par les deux institutions avec la réalisation de leur objectif commun.

B: L a création d'un environnement juridique favorable au développement

économique

La balkanisation dont le continent noir a été victime avec l'accession de ses Etats à la souveraineté internationale, ne s'est pas uniquement bornée au seul plan politique, le domaine juridique n'a pas été épargné. En effet les Etats de la zone occidentale de l'Afrique qui sont parties au traité de l'UEMOA, et qui sont majoritaires aussi à l'OHADA, ont hérité d'un ordre juridique dérivé, sinon taillé à la mesure du système juridique de l'ancienne métropole. La transposition de la règle juridique, parfois maladroite ou inadaptée à la situation économique des peuples Africains, a entraîné un certain désordre dans l'ordonnancement juridique de ces nouveaux Etats. D'ailleurs fort d'un tel constat, avec une formule assez imagée, l'ancien président de la Cour suprême sénégalaise feu monsieur Kéba Mbaye remarquait de manière très juste ; que le droit ou plutôt les droits se présentaient dans les pays de la zone franc « en habit d'arlequin fait de pièces et de morceaux »7(*) . Donc il y avait une « balkanisation juridique » de la sous région et de tout le continent. Par exemple en matière de droit des sociétés, certains Etats en étaient encore à une réglementation relativement archaïque, alors que d'autres avec des efforts de réformes avaient pu entre temps disposer d'un corpus de règles nouvelles. Par ailleurs il arrivait même que dans certains Etats de nouveaux textes soient promulgués, sans que l'existant ne fasse l'objet d'une abrogation. D'une telle situation, il en résultait un chevauchement qui plongeait les opérateurs économiques dans une certaine insécurité juridique nuisible pour l'économie toute entière. Devant cette situation nullement encourageante, pour entreprendre une activité à risques, il est advenu une certaine récession de l'investissement privé. Alors que pour envisager son décollage économique, l'Afrique a fortement besoin d'attraire dans son orbite les investisseurs privés étrangers. Ainsi pour satisfaire un tel besoin, l'ingénieuse idée est de corriger aujourd'hui, les avatars du droit africain non pas séparément, mais de manière uniforme. Cela constitue justement la priorité des organisations sous régionales ou régionales comme l'UEMOA et l'OHADA, car leurs Etats sont convaincus que la réussite de leurs ambitions économiques, est fortement tributaire de celle d'une Unification juridique. D'ailleurs le préambule du Traité de l'Union est assez éloquent à ce propos, il y est question de la nécessité de favoriser le développement économique et social de tous les Etats grâce à une harmonisation des législations, à la mise en oeuvre de politiques sectorielles communes dans les domaines essentiels de leurs économies. Au niveau du préambule de l'organisation également, celui renseigne d'une part, que les Etats ambitionnent de créer un nouveau pôle de développement en Afrique, mais aussi ils sont conscients, qu'une législation moderne et surtout uniforme doit être appliquée avec diligence dans les conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement. Dans l'espace ouest africain, voire dans l'Afrique toute entière, l'Unification de la règle de droit est donc une préoccupation politico économique majeure. Cette nécessité d'ordonner une seule et unique discipline juridique, est concrètement suggérée par le besoin de stimuler les investissements privés. Car il s'est avéré que les investisseurs privés eux même, étaient confrontés à un certain nombre de contraintes, qui étaient autant d'obstacles pour leurs activités économiques. En effet ils ont surtout besoin que leur soit garantie une certaine sécurité juridique et judiciaire, dans l'exercice de leurs opérations afin que celles-ci puissent dégager d'importantes retombées pour tout le continent à travers ses communautés. Ainsi le mouvement vers un droit régional Unifié qui participe au mouvement général de la mondialisation, doit normalement entraîner des répercussions économiques, lesquelles répercussions seront bénéfiques au décloisonnement des marchés et surtout à l'attraction des investisseurs étrangers. Ainsi , il est sûre que pour une entreprise qui exerce par exemple dans plusieurs pays , l'unité des règles applicables va de manière considérable faciliter les opérations , qu'il s'agisse de son organisation juridique, de son fonctionnement ou de ses échanges commerciaux. De plus l'Unification du droit présente l'intérêt, d'ordonner un développement harmonieux des pays concernés, car l'investisseur ne fera plus de choix calculés, dès lors qu'il aura partout les mêmes avantages. Avec la nouvelle réglementation Uniforme élaborée par l'OHADA et l'UEMOA, les multinationales vont se débarrasser du traumatisme de la loi applicable. Dans toutes leurs opérations entreprises à la fois au sein des différents pays africains membres des entités inter gouvernementales dans un domaine précis de l'activité économique, elles sont désormais averties par rapport à la réglementation à la quelle elles sont assujetties. Aussi un phénomène tel que celui des « paradis pénaux », à savoir des Etats élaborant exprès une réglementation pénale trop légère ou presque inexistante, afin d'attirer l'investisseur étranger au détriment des autres Etats voisins, est-il aujourd'hui éradiqué. Car la loi est la même partout et pour tous. En somme on peut dire que la technique d'unification législative, a permis de rétablir la confiance des investisseurs, elle favorise également la délocalisation vers l'Afrique de grandes entreprises étrangères, et en cela elle est un stimulant vers l'activité entreprenariale, économique par excellence. Au demeurant, on peut dire qu'avec ce premier principe, les deux institutions présentent un rapprochement certain quant à leur ordonnancement juridique, cela est également notable avec l'impulsion par leurs différents organes respectifs, de normes d'application et de mise en oeuvre.

SECTION II : L'édiction de règles de droit dérivé par les deux institutions.

Le droit dérivé est la production normative des différents organes institutionnels, il est matérialisé par une variété de normes au sein de l'UEMOA (paragraphe I), et les Actes Uniformes dans l'OHADA (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : Une variété de normes dans l'UEMOA

Selon leur portée les règles de droit dérivé peuvent être classées en normes de premier rang (A), et en normes de second rang (B)

A : les normes de premier rang.

Les actes prévus par le traité de l'UEMOA sont d'une part, le traité lui-même et les actes additionnels ou protocoles qui viennent ultérieurement apporter certaines modifications, en s'incorporant à la norme suprême. Mais d'autre part il y a ce qu'on appelle les sources dérivées qui sont constituées des actes pris par les autorités de l'Union pour l'application du traité. Selon l'article 42 du traité de l'UEMOA, première disposition du chapitre III intitulé : Du régime des Actes pris par les organes de l'Union : « Pour l'accomplissement de leurs missions et dans les conditions prévues par le présent Traité...Le conseil édicte des règlements, des directives, et des décisions ; il peut également formuler des recommandations et/ ou des avis ; La commission prend des règlements pour l'application des actes du Conseil et édictes des décisions, elle peut formuler des recommandations et/ ou des avis ». S'il en est ainsi c'est dire que les actes du droit dérivé sont constitués d'abord des règlements et des directives pouvant émaner du Conseil et de la Commission.

S'agissant des règlements, ce sont des textes obligatoires dans tous leurs éléments. Mais ce qui fait surtout leur spécificité, c'est leur valeur normative, car ils sont directement applicables dans tous les Etats membres dès leur entrée en vigueur. Ces normes ont donc la même valeur juridique dans l'ensemble des Etats, et elles s'insèrent dans l'ordre juridique de chaque Etat, sans nécessiter l'intervention d'un texte législatif ou règlementaire. On peut citer par exemple le Règlement n° 15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les Etats membres de l'UEMOA. Ce règlement dote aujourd'hui à tous les Etats de l'UEMOA d'une réglementation unique en matière d'effets de commerce (la lettre de change, le billet à ordre ...). Ainsi considérés, les règlements sont donc les normes suprêmes du droit dérivé de l'Union. C'est la raison pour laquelle, lorsque l'entité veut poser un acte fondamental pour règlementer un domaine déterminé du droit des affaires, de l'activité économique de manière générale ; elle a toujours recours à un règlement. Le premier règlement adopté par le conseil des ministres date de 1996, c'est le règlement n°1/96/CM portant règlement de procédure de la cour de justice de l'Union. A l'heure actuelle le dernier règlement adopté par l'Union c'est le règlement n°11/2006/CM/UEMOA portant affectation du produit supplémentaire du prélèvement communautaire de solidarité de l'exercice 2006

Quant à la Directive, c'est un texte certes obligatoire parce que s'imposant à tous les Etats membres de l'Union, mais à la différence avec le règlement elle n'est pas d'une application immédiate. En effet la directive est un instrument juridique souple, qui est utilisée de manière générale dans les cadres communautaires, soit pour faire égard à la sensibilité de certains domaines, soit pour ménager la souveraineté des Etats. Mais la précision qu'il faut surtout faire c'est que la directive n'est pas d'une application facultative, contrairement à l'erreur qui est souvent faite, consistant à considérer les directives comme des normes non obligatoires. La directive est obligatoire dans tous ses éléments, lors même qu'une petite marge de manoeuvre est laissée aux Etats. Cela étant l'UEMOA utilise la directive pour fixer aux Etats parties un certain nombre d'objectifs, des buts à atteindre mais dans une fourchette de temps déterminée. Pour ce faire, par le biais de leurs instances nationales, les Etats ont donc le choix des moyens et de la forme pour le respect de l'obligation communautaire révélée par la Directive. Comme exemple de Directive UEMOA, on peut citer la Directive n°08/2002/CM/UEMOA portant sur les mesures de promotion de la bancarisation et de l'utilisation des moyens de paiement scripturaux. Eu égard à leur souplesse, les Directives sont aussi utilisées dans l'UEMOA, par exemple en matière fiscale où les Etats se montrent très réticentes face aux réformes que leurs impose l'entité communautaire. Il en est ainsi de la Directive portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur la valeur ajoutée8(*). C'est la directive n°02/96 qui fut adoptée en premier lieu par le conseil des ministres de l'Union, elle porte sur la surveillance multilatérale des politiques macro économiques. La directive 07/2006 est la dernière adoptée par le conseil, et elle est relative à la pharmacie vétérinaire

Au demeurant les Règlements et les Directives doivent être dûment motivés, en outre l'article 45 précise qu'ils doivent faire l'objet d'une publication au Bulletin Officiel de l'Union, et ils entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils fixent.

Mis à part ces normes, il existe d'autres variétés de normes, qui certes sont d'une valeur inférieure, mais d'une importance non moindre dans l'ordonnancement communautaire.

B : Les normes de second rang du droit dérivé de l'Union

Pour la réalisation de l'objectif d'Intégration juridique,l'UEMOA est tenue de ménager la souveraineté des Etats, c'est la raison pour laquelle des choix sont faits dans l'emploi des normes ou techniques juridiques à utiliser pour imposer un tel ou tel autre objectif aux Etats. En effet dans certains domaines où l'élaboration d'une réglementation uniforme peut s'avérer laborieuse dans l'immédiat, l'Union a recours aux Décisions, aux Avis ou à des Recommandations. La décision est l'obligation imposée à une personne ou à une catégorie de personnes. Selon l'article 43 du Traité, elle est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu'elles désignent. Conformément à l'article 45 les décisions dûment motivées, doivent être notifiées à leurs destinataires et prennent effet à compter de leur date de notification. La décision première de l'Union a été adoptée en 1997, c'est la décision n°01/97COM/UEMOA portant détermination des informations aux comités nationaux de politiques économiques pour les besoins de la surveillance multilatérale, et la dernière 9(*)porte modification de la décision n°12/2005 du 04 juillet 2005 relative à la liste des personnes, entités, ou organismes visés par le gel des fonds et autres ressources financières dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans l'UEMOA. Pour ce qui est des Recommandations et Avis, c'est l'invitation faite aux Etats d'agir en vue de telle ou telle mesure. Par exemple la dernière recommandation 10(*)de l'Union est relative aux orientations de politiques économiques des Etats membres de l'Union pour l'année 2007. Mais ils n'impriment aucun sentiment obligatoire aux destinataires, c'est à dire ils n'ont pas de force exécutoire. Ces normes n'ont pas certes de valeur contraignante, elles ne créent pas d'obligations juridiques. Mais elles ont une valeur politique, car elles expriment la position des institutions sur une question donnée. Par conséquent en créant une certaine coutume communautaire, cette catégorie de normes contribue par ricochet, à l'élaboration des normes de l'Union. Après les normes de l'UEMOA, ils convient maintenant de voire celles de l'OHADA qui sont moins variables

PARAGRAPHE II : Les Actes Uniformes de l'OHADA

Il convient de procéder à l'étude des techniques d'élaboration (A) et à celle du contenu des Actes Uniformes (B)

A : LES TECHNIQUES D'ELABORATION DES ACTES UNIFORMES

A ce niveau il convient succinctement de procéder à la délimitation du champ géographique et personnel (a), et à celle des matières à uniformiser (b).

a : La délimitation du champ géographique et personnel

La portée des Actes Uniformes nécessite que soient précisés le cadre géographique au sein duquel ils s'appliquent, ainsi que les personnes auxquelles ces normes sont destinées. Car cela ne manque pas de soulever un certain nombre de questions, même si le Traité de l'OHADA n'a pas manqué de faire oeuvre pédagogique à ce propos. A priori le cadre territorial de l'OHADA paraît posé, puisqu'en principe c'est les seuls Etats parties qui sont concernés. L'OHADA couvre donc les territoires des16 Etats signataires du Traité de Port-Louis, à savoir le Bénin, le Burkina, le Cameroun, la République Centrafricaine, les Comores, le Congo, la Côte d'ivoire, le Gabon, la Guinée Conakry, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo, et dans un futur proche le Congo démocratique. Ces pays ainsi considérés sont pour la plupart apparentés au plan juridique et monétaire du fait de leur appartenance à la zone franc et/ou à l'ex empire colonial français. Cependant même si le Traité a pris soin de lister les Etats membres, cela ne veut pas dire que l'adhésion est fermée. En effet l'adhésion à l'OHADA est ouverte à tout Etat membre de l'UA (Union Africaine) , et d'autre part elle est également ouverte à tout Etat non membre de l'UA, sauf que dans ce dernier cas, il faut au préalable une invitation, formulée à l'unanimité des Etats parties. L'OHADA est ainsi un Traité ouvert, car il prévoit d'avoir un rayonnement dans toute l'Afrique. Cependant des considérations d'ordre économique, historique, linguistique, culturel ou d'apparentement juridique pourraient limiter les nouvelles adhésions. Par ailleurs s'agissant du cadre territorial, il y a lieu de préciser que les Actes Uniformes ne s'appliquent pas à proprement parler à un territoire, mais à des situations ou opérations juridiques qui y sont localisées, ou qui s'y rattachent. Dès lors cela pose le problème du droit international privé qui n'est pas harmonisé. Ainsi, si tous les éléments localisateurs d'une situation juridique se rattachent à l'espace OHADA, il n'y a aucun problème majeur, car le droit OHADA s'applique dans toute sa rigueur. En revanche si une situation est spatialement diversifiée dans ses éléments constitutifs, par exemple un contrat de vente entre un acheteur domicilié dans l'espace OHADA et un vendeur domicilié en France, en Allemagne, en Belgique, le droit OHADA est muet à ce propos. Et la question se règle alors sur le terrain des règles de conflits de lois des Etats membres. Mais sauf à tenir compte de l'apparentement des droits des Etats membres, les règles du droit international sont pour l'essentiel de source jurisprudentielle, et de connaissance malaisée, d'où une certaine absence de prévisibilité, qui n'est pas souhaitable dans le domaine des affaires. En somme le Traité ainsi que les Actes Uniformes entrent en vigueur dès leur adoption, sur le territoire des Etats parties. Et pour ce qui est des cas d'adhésion l'article 53 du Traité prévoit que c'est 60jours après la date de dépôt de l'instrument d'adhésion que le Traité et les Actes Uniformes adoptés avant l'adhésion, entreront en vigueur sur le territoire du nouveau Etat OHADA. Cependant l'espace OHADA peut également se réduire par la dénonciation du traité. Conformément à l'article 62 du traité la dénonciation ne peut intervenir que dix années après l'entrée en vigueur du Traité, et elle ne produit d'effet qu'une année après sa notification au gouvernement dépositaire.

Pour ce qui est des destinataires des Actes Uniformes, ce sont tout naturellement les personnes assujetties à ce nouveau droit. Celui ci s'applique à eux, comme s'il était d'origine interne, puisqu'il s'implante dans l'ordre interne des Etats en entraînant l'abrogation de toute réglementation interne intervenant dans le même domaine, et qui lui est contraire. Les destinataires de manière générale sont les commerçants, les sociétés, les groupements d'intérêts économiques, les cocontractants, les personnes morales de droit privé, en résumé les particuliers. Mais compte tenu de la nature du droit des affaires qui ne fait plus intervenir que les seules personnes de droit privé, et surtout pour ne pas limiter la portée des Actes Uniformes, le champ d'application aux commerçants et aux personnes assimilées a été étendu. Ainsi dans une perspective de protection et de promotion des relations d'affaires, et d'instauration d'un espace juridique et judiciaire favorable aux investissements, l'option a été faîte en faveur de l'extension maximale du champ du droit des affaires, en direction des personnes semi publiques et publiques. A cet égard l'AUDSC s'applique expressément aux sociétés commerciales dans les quelles un Etat ou une personne morale de droit public est associé, dont le siège est situé sur le territoire de l'un des Etats parties. Il en est de même de l'acte Uniforme relatif à l'organisation de la comptabilité des entreprises qui à son article 2 astreint à la mise en place de la comptabilité générale « les entreprises soumises aux dispositions du droit commercial, les entreprises publiques, parapubliques, d'économie mixte, les coopératives... » Un autre exemple de l'extension du champ du droit des affaires nous est donné avec l'AUPC. En effet celui prévoit aux termes de l'article 2 que le règlement préventif, le redressement judiciaire, ou la liquidation des biens sont applicables non seulement à toute personne physique ou de droit privé non commerçante, mais également « à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de droit privé  » qui selon le cas connaît une situation économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise ou cesse ses paiements. Dans le même sens, l'AUDA prévoit l'arbitrabilité d'un litige dans lequel est partie une personne morale de droit public, un établissement public, ou une collectivité publique. Sous ces éclairages de la loi, il va sans dire donc que l'OHADA a fortement étendu le champ traditionnel du droit commercial, ou du traditionnel droit commercial, qui s'est mué aujourd'hui en droit des affaires ou droit économique, et dont le cadre réglementé est animé par des intervenants multiples et très variables. Par ailleurs après avoir éclairci leur champ spatial et personnel, il convient maintenant de préciser le domaine matériel des normes OHADA.

b : La détermination des matières à Uniformiser dans l'OHADA

L'intitulé de cette sous partie peut paraître inexact à priori, dans la mesure où le Traité se fixe littéralement un objectif d'harmonisation. Mais le constat de la pratique de l'Organisation nous y autorise, étant donné que celle ci a produit aujourd'hui des Actes Uniformes, donc elle fait oeuvre d'uniformisation. Le domaine de l'Uniformisation est d'ailleurs expressément déterminé par l'article 1 du Traité, qui énonce que : « Le présent Traité a pour objet l'harmonisation du Droit des affaires dans les Etats parties ... ». Mais l'interrogation qui s'impose à nous est de savoir ce qu'il faut entendre par Droit des Affaires. A ce propos à la suite du professeur J Y SAyegh, on peut affirmer que le droit des affaires englobe « la réglementation des différentes composantes de la vie économique : ses cadres juridiques (la réglementation du crédit, de la concurrence) ; ses acteurs (les commerçants, les sociétés, les intermédiaires du commerce) ; les biens et services qui sont l'objet de la vie économique ; les activités économiques elles mêmes (la production, la distribution, la consommation)11(*) . S'il en est ainsi le droit des affaires est donc un droit pluridisciplinaire qui est la résultante de l'évolution du droit commercial classique. Ainsi pour pallier à toute incertitude, le Traité de l'OHADA a pris le soin de procéder à une énumération des matières qui en relèvent. A ce propos l'article 2 dispose : « pour l'application du présent Traité entrent dans le domaine du droit des affaires, l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports ». A la suite de cette disposition, c'est dire que les promoteurs de l'Intégration juridique ont opté aujourd'hui pour une conception fonctionnelle et extensive du droit des affaires. Par conséquent semblent y entrer toutes les matières ou questions intéressant le monde des affaires et des entreprises. C'est d'ailleurs dans cette optique qu'il convient de comprendre l'inclusion de matières telles que les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d'exécution. Mais en outre pour pouvoir être permanemment en phase avec l'évolution souhaitée du monde des affaires, il est donné à l'Unanimité au Conseil des ministres d'adjoindre à sa liste

«  toutes autres matières ». Sous ce rapport on peut penser qu'à terme, il serait indiqué d'y inclure le droit de la propriété industrielle et commerciale, le droit de la société civile, le droit des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le droit de la concurrence et peut -être aussi celui de la consommation, certains aspects du droit bancaire et de celui des assurances, le droit des contrats spéciaux les plus utilisés dans le monde des affaires, ainsi que le droit international privé. Mais par rapport à une éventuelle extension du droit des affaires dans la conception de l'OHADA, il y a lieu toute fois d'émettre des réserves du fait que certaines matières que l'Organisation entend réglementer, sont déjà régies et de manière satisfaisante par d'autres organisations communautaire qui sont acquises à la même cause d'Intégration juridique. Il en est ainsi de l'UEMOA, qui a déjà règlementée le droit de la concurrence par exemple, une erreur de l'organisation sera d'accentuer le problème du double emploi qui existe entre les deux institutions relativement au droit comptable (le SYSCOA DE L'UEMOA, et l'Acte Uniforme sur le droit comptable OHADA). Aujourd'hui des Actes Uniformes sont en chantier, il en est ainsi du droit du travail, dont le travail très avancé devrait permettre la tenue bientôt d'une Assemblée plénière des commissions nationales, car le secrétariat permanent a déjà reçu douze observations des Etats parties pour les seize attendues. Il y a également l'adoption programmée d'une règlementation uniforme sur le droit des sociétés coopératives et mutualistes. Des projets d'Actes Uniformes sur le droit de la consommation et le droit des contrats sont aujourd'hui communiqués aux Etats parties par le secrétariat permanent, afin qu'ils apportent leurs observations conformément à la procédure des articles 7 et 6 du Traité.

Au demeurant même si le Traité limite au maximum les bornes au champ de compétence de l'OHADA, en prévoyant même une incursion dans le domaine des procédures judiciaires, avec les procédures de recouvrement de créances et de voies d'exécution, il y a lieu de préciser que ces matières ne relèvent pas directement du droit des affaires, par conséquent le recours à l'uniformisation de telles procédures doit être limité aux stricts besoins de sécurisation de l'environnement juridique des entreprises. L'étude technique des Actes Uniformes ainsi déclinée, il convient maintenant de procéder à l'analyse des normes OHADA.

B : L'ETUDE DU CONTENU DES ACTES UNIFORMES

Les actes uniformes permettent à l'intérieur de chacun des Etats concernés comme au niveau de tout l'espace territorialement couvert, d'avoir une législation claire, moderne , adaptée, facile à connaître , d'application uniforme à même de créer la sécurité juridique et judiciaire recherchée.

On relève huit actes uniformes adoptés entre 1997 et 2003. Ils peuvent être regroupés en deux catégories. Il y'a d'une part ceux qui ont trait aux structures et opérations des entreprises et d'autre part ceux qui ont trait au recouvrement des créances et au règlement des litiges.

a Les actes uniformes relatifs aux structures et aux opérations des entreprises :

Il s'agit de :

a1-L'acte uniforme portant sur le droit commercial général 

Cet Acte Uniforme est l'une des trois premières productions normatives de l'OHADA, qui sont entrées en vigueur sur le territoire des Etats parties le 1er Janvier 1998. Il comporte 289 articles et traite des questions variées intéressant les commerçants, surtout les personnes physiques mais également les sociétés, qui généralement n'étaient pas réglées au sein des Etats  ou l'étaient de manière lacunaire. Il traite d'abord du statut du commerçant où il innove avec la prescription décennale qui devient quinquennale aux termes de l'article 18. Ensuite, l'acte uniforme règlemente le registre du commerce et du crédit mobilier. A ce propos, il est fait obligation aux personnes physiques et morales de s'immatriculer au registre du commerce, mais la grande innovation dans ce domaine c'est l'inscription désormais obligatoire des sûretés mobilières. Les inscriptions modificatives, complémentaires et de radiation sont également érigées en obligation par la nouvelle réglementation OHADA. L'intérêt de l'immatriculation c'est qu'elle octroie avec cet Acte Uniforme, la présomption de commercialité, car pour bénéficier par exemple de la prescription quinquennale le commerçant devra justifier de son immatriculation. Le bail commercial et le fonds de commerce sont aussi des matières régies par cet Acte Uniforme, à ce niveau on note également une innovation pour ce qui est de la notion de fonds de commerce qui devient le « noyau dur du fonds de commerce ». En effet il y avait à chaque fois un certain nombre d'imprécisions à l'occasion des opérations relatives au fond de commerce, telles que la location gérance, le nantissement, et surtout la cession. La question qui se posait était celle de savoir, les éléments dont la cession entraîne celle du fonds de commerce lui-même. Avec l'ACTE Uniforme la question est désormais réglée par la notion de fonds de commercial, qui comprend obligatoirement selon l'article 104 : la clientèle, et l'enseigne ou le nom commercial. L'AUDCG traite aussi des intermédiaires de commerce autrement appelés auxiliaires, ici l'innovation qui se remarque c'est l'existence des trois catégories d'intermédiaires que sont le commissionnaire, le courtier, et l'agent commercial troisième catégorie jadis occultée par le code de commerce français en vigueur dans les anciennes colonies . Par ailleurs une telle innovation permet à l'OHADA d'être en phase avec la réglementation de la représentation en matière de vente internationale de marchandises, issue de la Convention de Genève du 11 février 1983. Et enfin le dernier domaine traité par l'AUDCG c'est la vente commerciale. A l'instar des autres domaines sus énoncés, l'empreinte de la volonté du législateur de moderniser la législation existante est assez notable. En effet il est introduit dans le droit positif des Etats membres les principales dispositions de la Convention de Vienne du 11avril 1980 sur la vente internationale de marchandises.

a2. L'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique 

Cet Acte Uniforme est également entré en vigueur le 1er Janvier 1998, il modifie profondément le droit positif des Etats parties au Traité de l'OHADA. Cependant cette réforme n'a produit entièrement ses effets qu'à partir de Janvier 2000. Cet acte uniforme est le plus long avec 920 articles. Il comprend quatre parties qui sont les : « dispositions générales sur la société commerciale » ; les « dispositions particulières aux sociétés commerciales » ; les « dispositions pénales » ; et les « dispositions finales et transitoires ». Avec l'AUDSC le caractère commercial d'une société est désormais déterminé par sa forme ou son objet, par conséquent la présence d'une personne de droit public n'affecte en rien la nature commerciale de la société. On note ici une législation moderne des sociétés, qui se manifeste par la nécessité à l'immatriculation, la protection des associés minoritaires et des tiers, le rôle accru du commissaire aux comptes. L'AUDSC maintien les formes classiques de la société (la SNC, la SCS, la SA, la SARL). Mais cette nouvelle réglementation innove avecl'institutionnalisation de la société, car la société unipersonnelle est consacrée et elle peut revêtir la forme d'une SA, ou d'une SARL. Mais également la société entre époux, de même que la SA faisant appel public à l'épargne sont introduites dans le tissu institutionnel. Les éléments d'identification de la société sont également mieux définis, par exemple le siège social ne peut plus être constitué par une domiciliation à une boîte postale, il doit être localisé par une adresse ou une indication géographique suffisamment précise. Par ailleurs dans le fonctionnement particulier des différentes formes de sociétés, une certaine flexibilité est laissée quant au mode d'administration de la société anonyme. C'est ainsi qu'on peut opter pour une SA avec conseil d'administration, dirigée par un président directeur général, soit par un président du conseil d'administration et un directeur général, ou pour une SA avec un administrateur général unique .Autre changement apporté par l'AUDSC, c'est l'extension des pouvoirs des dirigeants sociaux, mais corrélativement leur responsabilité individuelle est susceptible d'être plus engagée

a3. L'acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des

entreprises 

Couramment appelé acte uniforme sur le droit comptable, il comprend 113 articles traitant des grands principes applicables aux opérations d'enregistrement comptable, dans le respect des grands principes comme celui de prudence, avec comme objectifs de garantir la fiabilité, la compréhension et la comparabilité des informations, et de donner une image fidèle du patrimoine et des opérations de l'entreprise, avec comme référentiel temporel l'année civile. A ce propos l'article 8 dispose que : « les états financiers annuels comprennent le Bilan, le compte de résultat, le tableau financier des ressources et des emplois, ainsi que l'état annexé. »

a4. L'acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par

route 

C'est le huitième acte uniforme de l'OHADA et le dernier en date. C'est aussi le moins volumineux avec 31 articles. Il ne traite que du transport de marchandises par route. Il intéresse aussi bien les transports internes qu'international pourvu que le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu de la livraison soit situé soit sur le territoire d'un Etat membre de l'OHADA, soit sur le territoire de deux états dont l'un au moins est membre de l'OHADA.

: Les actes uniformes liés au recouvrement des créances

et au règlement des litiges

Il s'agit de :

b1. L'acte uniforme portant organisation des sûretés :

Il comprend 151 articles qui traitent en premier lieu des sûretés personnelles, que sont le cautionnement avec comme innovation le principe que le cautionnement est solidaire, et des règles de protection de la caution de tous engagements, ainsi que la garantie à première demande qui n'existait pas dans la législation des Etats parties.

En second lieu, elle traite des sûretés réelles avec comme souci majeur, la clarification

b2 : L'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d'exécution

Avec 338 articles, il traite des procédures simplifiées de recouvrement que sont l'injonction de payer, et l'injonction de délivrer ou de restituer qui visent deux objectifs : d'abord obtenir l'exécution rapide de l'obligation du débiteur en faveur du créancier, ensuite au cas ou l'injonction n'a pas aboutit à l'exécution, de permettre au créancier d'obtenir un titre exécutoire plus rapidement que s'il recourait à la procédure civile ordinaire.

Il traite ensuite des voies d'exécution. Les objectifs poursuivis semblent être la rationalisation, l'accélération et une plus grande efficacité de la procédure.

b3.L'acte uniforme portant organisation des procédures collectives et

d'apurement du passif 

Il comporte 258 articles et s'inspire des législations africaines, et celle de la France, en vigueur au moment de son élaboration. Il traite des entreprises en difficultés en mettant en place trois procédures qui s'appliquent aux commerçants personnes physiques et aux personnes morales de droit privé. Il s'agit du règlement préventif, du redressement judiciaire et de la liquidation des biens après la cessation des paiements et qui poursuivent soit le sauvetage de l'entreprise s'il est présenté dans les délais une présomption de concordat sérieux, soit la liquidation de celle-ci avec un rôle important pour le syndic et le juge commissaire dans les deux procédures ainsi que pour le débiteur dans le redressement judiciaire.

b4. L'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage 

On lui accorde une place de choix dans le système juridique de l'OHADA. Il contient un ensemble de règles traitant de manière conforme de l'évolution de l'arbitrage sur le plan international, de son champ d'application et spécialement de la convention d'arbitrage, de la composition du tribunal arbitral dont la saisine ouvre l'instance arbitral devant aboutir au prononcé d'une sentence arbitrale, ouvrant droit le cas échéant à l'exercice de voies de recours et faisant l'objet d'une reconnaissance et d'une exécution forcée à la suite d'une procédure d'exequatur.

Au demeurant après avoir porté nos propos sur la nature des normes communautaires au sein de l'Union, ainsi qu'au sein de l'Organisation. Des normes qui attestent de la réglementation Uniforme du domaine des affaires, de l'activité économique de manière générale, il convient dans la phase successive de notre analyse de voir leur place dans l'ordre communautaire.

CHAPITRE III : LE REGIME JURIDIQUE DES DIFFERENTS ACTES

COMMUNAUTAIRES

A ce niveau il convient de mettre l'accent succinctement sur l'applicabilité du droit unifié (Section I), et sur la portée normative des normes communautaires dans l'ordre interne des Etats parties (Section II)

SECTION I : L'applicabilité du droit unifié dans les deux organisations

internationales africaines

L'applicabilité du droit unifié renvoie à la forme utilisée pour l'introduction du droit communautaire dans l'ordre interne. Elle diffère selon qu'il s'agisse du droit primaire qui est la norme suprême au sein de l'OHADA et de l'UEMOA, ou du droit dérivé qui est la production normative des organes, en application du Traité. En effet si le droit primaire obéit à une procédure d'application médiate (Paragraphe I), le droit dérivé est soumis à un régime d'application immédiate (Paragraphe II).

PARAGRAPHE I : L'application médiate du droit primaire

Une règle assez originale en droit international, veut que l'application d'une norme d'origine conventionnelle soit subordonnée à sa réception par les organes étatiques compétents. Cette règle respecte le principe de la souveraineté des Etats. Elle est fondée sur l'idée d'une reconnaissance de la règle d'origine internationale par le droit interne. La réception de la règle d'origine internationale par le droit interne passe normalement par trois étapes principales. Tout d'abord la première correspond à la conclusion de la convention qui inclut la négociation et la signature de cette convention, à moins qu'il ne s'agisse d'adhérer à une convention déjà existante. Quant à la seconde phase, elle est celle de la Ratification, qui émane du Parlement de l'Etat. Et enfin la phase qui ponctue la procédure est relative à la publication. C'est uniquement après une telle procédure, que les conventions internationales devenues comme des règles internes, font l'objet d'une publication qui le plus souvent conditionne la force obligatoire de ces conventions internationales. Justement, même si parfois le droit communautaire porte atteinte aux dogmes du droit international classique, c'est cette procédure d'application médiate qu'épouse aujourd'hui les droits Unifiés de l'OHADA, de l'UEMOA, et de la CEMAC. En effet les Traités institutifs de l'UEMOA, de l'OHADA, obéissent aux règles du droit international conventionnel classique. C'est-à-dire que les Traités sont négociés et signés, ils sont ensuite soumis à une autorisation de ratification, puis à la ratification effective par les Parlements nationaux, et enfin à la publication au journal officiel des Etats parties . Une telle procédure diffère fortement de celle qui est utilisée pour le droit dérivé.

PARAGRAPHE II : L'application immédiate du droit dérivé.

A l'exception de la Directive UEMOA dont l'application est médiate, du fait que les Etats membres sont en vertu du Traité, appelés ou invités, à prendre des mesures d'ordre interne pour leur application. Le Droit dérivé de façon générale aussi bien dans la CEMAC, dans l'UEMOA, que dans l`OHADA, est d'une applicabilité immédiate. La règle de l'applicabilité immédiate veut dire que les normes communautaires pénètrent immédiatement dans l'ordre juridique des Etats sans le secours d'aucune mesure d'introduction au plan interne. De manière concrète cette règle technique de l'applicabilité directe signifie que les dispositions communautaires, bien qu'élaborées à l'échelle supra étatique, sont applicables dès leur publication au journal officiel de l'UEMOA, ou lorsqu'il s'agit des Actes Uniformes, au journal officiel de l'OHADA. S'il en est ainsi c'est dire qu'avec la règle de l'application immédiate, la disposition communautaire ne passe nullement par le truchement d'une loi écran. Le dégrossissement de la norme, ou encore sa traduction au plan interne, d'habitude requise dans la logique du droit international classique, est écarté lorsqu'il s'agit du droit communautaire. De cette règle on peut tirer comme conséquence un effflûtement de la souveraineté des Etats, qui à vrai dire ne constitue qu'une entrave à l'Intégration du droit unifié dans les systèmes juridiques nationaux. En outre on pourrait dire que les normes unifiées revêtent un caractère transnational du fait de l'automaticité de leur application, en tant que droit positif. L'autre conséquence que notre analyse permet de retenir, c'est l'interdiction de principe de toute transformation de ces règles, et la prescription de toute procédure de réception des normes unifiées. De ce qui précède on peut s'amener à dire que les actes recognitifs ou confirmatifs, sont non seulement inutiles, mais elles sont inadmissibles. Dans le cadre de l'Union c'est l'article 45du Traité qui constitue la base légale de la règle de l'applicabilité immédiate. En effet cette disposition prévoit que « les actes additionnels, les règlements, les directives, et les décisions sont publiées au Bulletin Officiel de l'Union. Ils entrent en vigueur après leur publication à la date qu'ils fixent ». Dans le cadre de l'OHADA les normes communautaires sont également affranchies de toute mesure interne d'introduction. A ce propos l'article 9 du Traité de base dispose que : « Les Actes Uniformes entrent en vigueur quatre vingt dix jours après leur adoption... Ils sont opposables trente jours francs après leur publication au journal officiel de l'OHADA... ». Même si cette disposition ne consacre pas expressément la règle de l'application immédiate. La non prévision d'une procédure de réception interne nous autorise à bon droit de soutenir que l'OHADA consacre à l'image de l'UEMOA, l'application immédiate de son droit dérivé. Cependant à la différence de l'UEMOA, dans l'Organisation il est prévu que l'Acte Uniforme peut lui-même imposer des modalités particulières d'entrée en vigueur. Il en est ainsi de l'AUDCG, de l'AUDSC, de l'AUS, en effet bien qu'adoptés le 17 Avril 1997 par le Conseil des ministres, ils sont entrés en vigueur par la volonté délibérée de cet organe, le 1er Janvier 1998, soit neuf mois après leur adoption et trois mois après leur publication au JO de l'OHADA. De même l'AUPC, adopté le 10 Janvier 1998, est entré en vigueur le 1er Janvier 1999. Aussi l'article 919 alinéas 2 de L'AUDSC, reconnaît à chaque Etat partie le droit de maintenir sa législation nationale applicable pour la forme des statuts pendant une période transitoire de 2 ans. Cette règle de l'application immédiate a d'ailleurs connût une illustration très récente au Sénégal dans l'affaire Hussein Habré. L'ancien président tchadien vivant au Sénégal, mais qui fait actuellement l'objet d'un mandat d'arrêt international, pour avoir été accusé d'actes de tortures sur les populations tchadiennes lors de l'exercice de sa présidence. En effet dans cette affaire, la Belgique avait demandé à l'Etat du Sénégal d'extrader l'ancien président, eu égard au Traité sur la torture que cet Etat Ouest africain avait ratifié. Cependant la demande d'extradition avait été refusée à cause du fait que le Traité dont il s'agit, bien que ratifié, n'est pas d'application immédiate. Il nécessite une modification de la législation sénégalaise en l'espèce, la quelle norme interne n'étant pas encore prise par le Sénégal. Par ailleurs si l'on s'inscrit dans une perspective purement comparative, il y a lieu de noter qu'en France, Etat moniste, l'applicabilité immédiate du droit communautaire n'a posé aucun problème. Le Conseil d'Etat et le Conseil Constitutionnel ont ainsi admis que les règlements communautaires avaient force obligatoire dès leur publication12(*), sans aucune intervention des autorités nationales conformément à l'article 189 T. CE (nouvelle numérotation art 249 Amsterdam T.CE)

En définitive, il est à dire que les deux organisations inter étatiques que sont l'UEMOA et l'OHADA, veulent écarter toute obstacle pour l'introduction des normes communautaires dans l'ordre interne des Etats. En effet c'est à dessein d'accélérer le processus d'Intégration Juridique que les normes communautaires s'appliquent immédiatement. Par ailleurs un tel principe qui sous tend le régime de l'applicabilité du droit unifié, imprime une portée normative tout aussi puissante aux normes communautaires.

SECTION II : La portée normative des normes communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA

Après avoir exposé le premier aspect du régime juridique des actes communautaires, c'est-à-dire la forme relative à l'introduction des normes, il convient maintenant de mettre l'accent sur l'aspect matériel, c'est-à-dire la place que le droit communautaire occupe dans l'ordre interne des Etats. A ce niveau il ressort de la jurisprudence européenne codifiée par les Traités des deux organisations, l'affirmation du principe de la primauté du droit communautaire (Paragraphe I), et l'applicabilité directe des normes

communautaires (Paragraphe II)

PARAGRAPHE I : La primauté du droit communautaire

Il s'agira de voire à ce niveau : l'affirmation et l'étendue du principe dans les deux communautés (A), ainsi que les conséquences logiques de l'application effective du principe (B)

A : L'affirmation et l'étendue du principe par les deux entités institutionnelles

La primauté du droit communautaire est la résultante logique du principe cardinal de la supranationalité, qui sous tend et garantit toute la dynamique d'Intégration Juridique, et la distingue de la simple coopération. En effet l 'UEMOA et l'OHADA veulent aujourd'hui faciliter l'application des normes communautaires dans l'ordre interne des Etats, et c'est à cet égard que les bases légales du principe sont posées dans les textes institutifs de ces deux institutions. Mais tout d'abord avant de les énoncer, il convient de préciser la signification technique du concept. La primauté du droit communautaire signifie simplement que les normes communautaires, doivent prévaloir sur les normes nationales antérieures ou postérieures. En d'autres termes, elles jouissent d'une valeur juridique qui leur permet de surplomber toutes normes nationales. Autrement dit, la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux implique que son insertion invalide toute norme nationale existante ou postérieure. En réalité la situation contraire aurait été paradoxale, car si une telle force n'était pas octroyée aux droits communautaires, l'intégration resterait simplement un voeu pieux. En effet que resterait il des normes communautaires, si on les subordonnait aux lois nationales ? L'application uniforme du droit communautaire dans tous les Etats, serait presque impossible. Il serait également impossible à l'Union ou à l'Organisation de remplir les missions qui leurs sont assignées. Ce qui fait que le fonctionnement de leurs communautés serait compromis, et la construction d'une Afrique que l'on voudrait unie, d'abord à travers les cercles concentriques, porteuse de grands espoirs serait minée. Car malgré les déclarations de bonnes intentions, les Etats jaloux de leur souveraineté, seraient plutôt tentés de faire prévaloir les normes nationales pour faire égard aux nécessités nationales. Ainsi considéré ce principe vaut pour l'ensemble des sources du droit communautaire, et il s'applique à toutes les sources de droit interne. Par conséquent un Etat ne peut pas invoquer une règle de son droit interne, même constitutionnelle pour empêcher l'application d'une norme communautaire, à condition toute fois que celle-ci soit entrée en vigueur. Cela est expressément consacré dans les différents Traités institutifs de l'Union et de l'Organisation.

Il est affirmé d'une part par l'article 10 du Traité OHADA, selon lequel : « les Actes Uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure. » et d'autre part, par l'article 6 du Traité de l' UEMOA qui stipule que : «  les actes arrêtés par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure. » La cour de justice de l' UEMOA a eu à confirmer cette primauté dans deux avis en date du 27 Juin 1999 n°003/2000 et du 18 Mars 2003 n°001/2003. Quant à l'OHADA, c'est par un Avis de la CCJA (Avis du 30 Avril 2001), sollicité par la Côte d'Ivoire, par lettre en date du 11 Avril 2000 que cette primauté a été affirmée. En effet à cette occasion la CCJA a retenu que : « l'article 10 du Traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des affaires contient une règle de supranationalité par ce qu'il prévoit l'application directe et obligatoire dans les Etats parties des Actes Uniformes et institue, par ailleurs leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures et postérieures... ». Si l'on s'en tient à cet avis, c'est dire qu'il consacre la supranationalité des Actes Uniformes, la quelle qualité emporte une portée abrogatoire sur les normes internes contraires. Mais à coté de cet Avis, une jurisprudence très réconfortante, qui peut être considérée comme un Arrêt de principe, a été rendue par la haute Cour juridictionnel de l'OHADA. C'est l'arrêt dit des époux Karnib du 11Octobre 200113(*) . A cette occasion la CCJA a cassé et annulé l'ordonnance de suspension d'exécution d'un jugement de condamnation, rendue sur le fondement des articles 180 et 181 du code de procédure civile ivoirien. Car elle a estimé que c'est plutôt l'article 32 de l'AUPS qui doit s'appliquer, au détriment des articles visés. Par conséquent cet Arrêt met fin à toute interprétation hasardeuse de l'article 10 du traité de l'Organisation, et par ricochet ayant entraîné l'abrogation des articles 180 181 du code de procédure civile ivoirien, cela implique l'abrogation future de toute normes contraires aux actes uniformes, qui sont en vigueur dans le cadre interne et sur les quelles les juges avaient l'habitude d'asseoir leurs jugements. De ce qui précède , c'est dire que les deux communautés de manière non équivoque, ont aménagé une place de choix à leur production normative , qui prime sur le droit interne des Etats membres. Et ce principe de la primauté, devient un élément essentiel de l'ordre public communautaire, dans la mesure où il assure à chacune des organisations, la cohérence de leurs ordres juridiques. En effet le postulat de la primauté, répond également aux impératifs d'uniformité et d'efficacité du droit des affaires ou droit économique, les quels impératifs constituent des exigences de tout ordre juridique d'Intégration. Dans l'hypothèse contraire, l'ordre juridique se décomposerait en une série de systèmes normatifs partiels, autonome, et donc divergents. On peut illustrer sans conteste cette position, pour ce qui concerne le droit dérivé des deux institutions avec notamment, les règlements de l'UEMOA, et les actes uniformes de l'OHADA, qui jouissent d'une place super législative.

Si en droit africain le principe de la primauté du droit communautaire a fait l'objet d'une juste affirmation dans les textes, en droit européen, il s'est agit plutôt d'une construction prétorienne à travers l'arrêt COSTA/ ENEL du 15 Juillet 1964.

En l'espèce, il s'agissait d'un conflit entre diverses dispositions du Traité de la Communauté Economique Européenne (CEE) l'actuelle Union Européenne (UE), et la loi italienne de nationalisation de l'électricité du 6 Septembre 1962. La Cour était confrontée à un conflit mettant en scène le droit communautaire et la loi nationale postérieure. La juridiction Constitutionnelle italienne qui s'était déjà prononcée sur ce même conflit, l'avait résolu dans le cadre de la thèse « internationaliste » et par l'application de la conception dualiste italienne des rapports entre le droit international et le droit interne, au profit de la norme la plus récente c'est-à-dire la loi nationale. Ayant été saisie d'une question préjudicielle, la Cour communautaire, dans son raisonnement fondé sur le système des Traités, a souligné la spécificité du droit communautaire par rapport au droit international ; elle a retenu deux constatations à cet effet : Elle a affirmé  que d'une part les Etats membres ont transféré définitivement les droits souverains à une communauté, qu'ils ont créée, et ils ne peuvent revenir ultérieurement sur ce transfert par des mesures unilatérales incompatibles avec le concept de communauté. D'autre part, la Cour a considéré qu'un pays membre ne peut porter atteinte, à la particularité du droit communautaire, celle d'être valable sur l'ensemble de la communauté. Un tel raisonnement a par ailleurs reposé sur trois arguments complémentaires. Le premier argument dégagé par la cour, c'est qu'elle a estimé que l'applicabilité immédiate et directe du droit communautaire resterait lettre morte, si l'Etat pouvait se soustraire, par un acte législatif opposable au texte communautaire. Comme second argument, l'instance juridictionnelle communautaire a considéré que l'attribution de compétence à la communauté, limite de manière correspondante les droits souverains des Etats. Enfin la cour a considéré que l'unité de l'ordre juridique communautaire, c'est-à-dire l'indispensable uniformisation du droit communautaire, serait fortement altérée.

De ce qui précède, il résulte que le droit communautaire a la primauté sur toute disposition contraire à lui dans l'ordre juridique des Etats membres. Cela vaut pour les législations qui lui sont antérieures et ultérieures. La conséquence juridique de cette prééminence, c'est qu'en cas de conflit de lois, la disposition nationale cesse d'être applicable, et aucune autre disposition nationale ne peut être introduite si elle n'est pas conforme à la norme communautaire. S'il en est ainsi, il va sans dire qu'à la suite de la construction jurisprudentielle européenne, codifié dans l'article 189 du Traité de la CEE, le principe de la primauté , est aujourd'hui posé dans les textes de base de nos deux institutions communautaires par souci de pragmatisme. En effet la primauté selon PESCADORE est une « condition existentielle » du droit communautaire, qui ne saurait exister en tant que droit qu'à la condition de ne pas pouvoir être mis en échec par le droit des Etats-membres. La norme communautaire doit prévaloir sous peine de cesser d'être commune, or comme le souligne encore Guy ISSAC ; à défaut d'être commune, elle cesse d'exister et il n'y a plus de communauté.

Nous retenons donc que le droit communautaire s'applique sur toute l'étendue du territoire des Etats-membres au même titre que les droits nationaux, avec de surcroît cette qualité supplémentaire qui le hisse, en haut de l'ordonnancement juridique. Ce qui ne sera pas sans effets.

B : Les conséquences du principe de la primauté du droit communautaire

Le principe de la primauté, s'il faut le rappeler n'a pas toujours fait l'unanimité. En effet si l'on prend l'exemple de la France, contrairement à la cour de cassation14(*), le conseil d'Etat français, a refusé pendant longtemps, de reconnaître la primauté du droit communautaire sur une loi postérieure aux Traités15(*). Puis dans un premier temps, en se fondant sur l'article 55 de la constitution, il a admis la primauté des dispositions du traité CE sur les lois nationales postérieures16(*) . Par la suite, il a étendu cette jurisprudence aux règlements et aux directives communautaires17(*). Mais aujourd'hui, l'application sans conteste du principe suggère la mise à l'écart de toute norme nationale contraire, au profit de la norme communautaire. C'est la raison pour la quelle le juge national chargé d'appliquer le droit communautaire, a l'obligation d'assurer le plein effet de ces normes. Il doit faire fi de toute disposition contraire de la législation nationale, postérieure ou antérieure au droit communautaire, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative, ou par tout autre procédé constitutionnel. L'abrogation expresse est souhaitable pour des motifs de sécurité juridique, et peu même être obligatoire. Cela n'est pas le cas en droit international, où il n'existe aucune garantie, aucune procédure internationale permettant d'annuler la norme nationale illicite. Cette valeur suprême du droit communautaire, a également entre autres conséquences, celle de conférer aux justiciables un droit à un contrôle juridictionnel effectif. En effet ils doivent pouvoir faire valoir par voie juridictionnelle, les droits qu'ils tirent du droit communautaire, et toute infraction des autorités nationales doit par conséquent être sanctionnée. Les exigences procédurales des Etats membres de l'UEMOA, ou de l'OHADA, qui demeurent non unifiées, ne doivent pas rendre impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire. En outre les autorités nationales, doivent s'employer à effacer les conséquences dommageables résultant d'une violation du droit communautaire.

Au regard de tout ce qui a été dit, il apparaît que le droit communautaire prime sur les normes nationales. Mais toute fois la question qui s'impose à nous, est celle de savoir quelles sont les catégories de normes nationales qui sont sous la coupole du droit communautaire. Les chartes fondamentales des Etats membres, en l'occurrence leurs Constitution sont-elles hiérarchiquement subordonnées au droit communautaire ?

Une telle question demeure à l'heure actuelle sans réponse certaine, surtout au regard de la controverse doctrinale dont elle fait l'objet.

Pour certains, compte tenu du fait que la plupart des Constitutions des Etats africains contiennent des dispositions prévoyant qu' un engagement international doit être ratifié, nonobstant des dispositions contraires à la constitution. Cela autorise à affirmer que la norme internationale conventionnelle est supérieure à la norme Constitutionnelle. Dans la mesure où c'est à la constitution de s'adapter au traité et non le contraire.

De plus  la nature même du droit international qui requiert l'accord et l'engagement de plusieurs Etats peut impliquer la supériorité de celui-ci sur l'ensemble des particularismes étatiques, y compris les dispositions Constitutionnelles. En effet, l'efficacité du droit international serait gravement compromise si elle était conditionnée par la conformité de la règle internationale à la règle Constitutionnelle.

Mais l'affirmation de cette solution est délicate dans les Etats comme ceux de l'OHADA et de l'UEMOA, qui ont une histoire relativement brève dans l'édification de l'Etat de droit, entraînant une sacralisation de la Constitution.

C'est dans cette optique que les partisans de la thèse négative se situent lorsqu'ils affirment que les actes du droit dérivé comme ceux du droit primaire se situent au-dessus des normes de caractère législatif ou réglementaire, mais au-dessous de la Constitution. En effet, ils considèrent d'une part que c'est la Constitution elle-même qui, classiquement prévoit la supériorité des Traités sur les lois internes et non un principe général de droit international.

Enfin et surtout, il faut tenir compte du fait que les autorités habilitées à signer et à ratifier les Traités, tiennent leur pouvoir de la Constitution et ne peuvent donc agir que dans les limites fixées par celle-ci. Mais en tout état de cause, il résulte des Traités de l'UEMOA et de l'OHADA, une affirmation certaine de la prééminence du droit communautaire dans tout l'espace communautaire. De plus étant donné que les Traités n'ont pas de manière expresse, bornés cette primauté sur les seuls textes législatifs. C'est dire que la Constitution non plus, n'est pas affranchie de la domination du droit communautaire. Par ailleurs nous ne manquerons pas de mettre en exergue, l'autre aspect évident qui caractérise les rapports entre le droit communautaire et le droit national.

PARAGRAPHE II : L'effet direct des normes communautaires

En droit international le principe traditionnellement admis est que les traités conclus entre les Etats, ne sont pas eux-mêmes sources de droit interne à moins qu'ils ne résulte clairement des Etats signataires que ceux-ci, entendent créer des droits ou obligations dans la personne des particuliers. Cependant dans le droit communautaire de l'OHADA et de l'UEMOA, l'application directe est un principe (A), et il obéit à un certains nombre de modalités (B)

A : La consécration du principe de l'effet directe

A l'analyse des traités de base de l'UEMOA et de l'OHADA, il apparaît sans conteste que l'applicabilité directe du droit communautaire est un principe sacro saint. En effet dans l'Union il est reconnu de manière expresse une faculté d'application directe au droit dérivé (article 43). Et la même affirmation est notable dans l'Organisation, car l'article 10 précise que les Actes Uniformes sont directement applicables. L'effet direct du droit communautaire signifie que ce droit crée dans le chef des particuliers, des obligations et des droits qu'ils peuvent invoquer devant les autorités ou les juridictions nationales. S'il en est ainsi, c'est dire que les sujets du droit communautaire sont non seulement les Etats membres, mais aussi leurs ressortissants. Le droit communautaire produit des effets au niveau inter étatique, et il pénètre plus avant pour produire directement des effets à l'égard des particuliers. Mais étant donné que l'application directe est le résultat d'une construction jurisprudentielle, il ne serait pas sans intérêt de rappeler le débat théorique, au terme duquel un tel principe est né. En effet c'est sous la plume du célèbre juge Marshall, que la Cour suprême des Etats-Unis a reconnu pour la première fois en 1829 dans l'affaire Foster et Elam, que les dispositions conventionnelles du droit international peuvent avoir valeur directe en droit interne américain, sans l'aide d'une législation de réception ou d'application. A cette occasion la Cour a posé les critères de ce qu'il convenait d'entendre par traité directement applicable dans l'ordre interne. C'est ainsi que la cour a retenu que le traité visé est celui qui se suffit à lui-même pour assurer son application, son exécution dans l'ordre interne. Par ailleurs la Cour de justice de l'Union européenne qui a inspiré aujourd'hui la Cour de justice de l'UEMOA et de l'OHADA, s'était attelée à affiner les critères dégagés par la jurisprudence américaine. En effet lors même que le traité de Rome ne contenait aucune indication sur les critères de l'immédiateté du droit communautaire, dans la célèbre affaire Van Gend et Loos18(*), la Cour de Luxembourg fixe les grands principes de l'effet direct du droit communautaire. Pour la Cour une disposition du droit communautaire d'effet direct est destinée à engendrer des droits qui entrent dans le patrimoine juridique des particuliers. En outre elle a posé un certain nombre de critères. Tout d'abord elle estime que la formulation de la norme communautaire « immédiate »doit être claire. Ensuite elle doit être de type inconditionnel, en ce sens que la mise en oeuvre de la norme ne doit être subordonnée à aucun autre acte d'accompagnement , soit communautaire, soit de droit positif interne . En résumé l'obligation en cause pesant sur les Etats et qui a valeur juridique directe dans l'ordre juridique des pays, doit être complète et juridiquement parfaite. Sous cet éclairage historique, on peut dire que nos deux institutions africaines, ont fait sienne l'expérience jurisprudentielle européenne et américaine. Puisqu'elles consacrent aujourd'hui la supranationalité des normes unifiées du droit des affaires, en référence au degré d'effets juridiques qu'elles peuvent produirent. S'agissant de l'OHADA comme énoncé plutôt, le problème est clairement résolu par l'article 10 « Les Actes Uniformes sont directement applicables ... dans les Etats parties ». Dans l'UEMOA le fondement de l'applicabilité directe des normes communautaires se trouve dans le traité et particulièrement à l'article 4 qui cite l'objectif de « la création entre les Etats membres d'un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens et des services, des capitaux, et le droit d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un TEC, et une politique commerciale commune ». On en déduit que les Etats entendent reconnaître le principe de l'applicabilité directe des normes harmonisées, comme la conséquence logique et inhérente au marché commun, dont les règles sont directement destinées aux sujets de droit établis dans leurs limites géographiques.

Sous ces éclairages, si on devait comparer l'applicabilité directe dans l'UEMOA et dans l'OHADA, on peut sans aucun doute affirmer que le souci de substitution d'un droit uniforme des affaires ou droit économique, au droit interne existant, est plus explicite dans l'Organisation qu'au sein de l'Union. L'applicabilité directe est très étendue en ce qui concerne l'OHADA, en raison du domaine potentiellement couvrable par les Actes Uniformes, mais aussi de leur portée abrogatoire. La perspective offerte par l'UEMOA est plus restreinte, car ce droit est en grande partie du droit public, intéressant notamment les Etats membres et leurs administrations, seule une partie de la réglementation UEMOA intéresse le droit des affaires, ou droit économique, et les sujets de droit privé que sont les entreprises individuelles ou sociétaires.

Au demeurant, après avoir mis en exergue le principe de l'effet direct, dans sa teneur, et dans son étendue au sein des entités institutionnelles, il convient de mettre l'accent à présent, sur la faisabilité du principe, c'est-à-dire son application compte tenu de la variété parfois notée des normes communautaires.

B : Les modalités de l'applicabilité directe

Le principe de l'effet direct n'est pas d'une application uniforme, en effet selon la nature de la norme en présence des variations sont notées, ce qui est source de contrariétés doctrinales, et de contreverses dans la jurisprudence des juridictions communautaires. En effet mis à part les règlements auxquels l'applicabilité directe est expressément attribuée par les traités, et qui par conséquent ne posent aucune difficulté majeure. La jurisprudence applique aux autres normes communautaires des solutions différentes. S'agissant tout d'abord des règlements, ils constituent un type de norme composée, par ce qu'ils se distinguent à la fois du point de vue organique et du point de vue matériel. Du point de vue matériel les règlements se distinguent par leurs auteurs. C'est ainsi que l'on distingue aux termes de l'article 42 du traité, les règlements du Conseil des ministres de l'Union et ceux qui émanent de la Commission. Du point de vue matérielle les règlements sont catégorisés entre règlements de base et règlements d'exécution. Cette distinction correspond à l'attribution par le conseil à la commission, de compétences pour l'exécution des missions aux quelles elle est destinée. Mais malgré cette différence qu'il était nécessaire de relever, les règlements possèdent de manière générique une qualité qui consiste à les appliquer de manière directe. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'article 43 du traité alinéa 1, selon lequel : « les règlements ont une portée générale ; ils sont applicables dans tout Etat membre. ». Quant aux décisions qui constituent une autre catégorie de normes dans l'Union, leur applicabilité directe a donné lieu à une contreverse. Des arguments d'effectivité et de textes ont été avancées, à ceci près cependant que les décisions ne nécessitent pas l'existence d'un droit national d'exécution, soit que le destinataire n'est pas un Etat, soit en tant qu'Etat, les obligations qui lui sont imposées ne concernent pas les particuliers. Pour ce qui est des directives communautaires, un débat de principe est né avec l'affrontement de deux thèses. La première qui est d'ordre exégétique se fonde sur plusieurs arguments formels. Elle suppose que le traité ne mentionne pas la qualité de l'applicabilité directe au bénéfice des directives au même titre que les règlements. Dès lors on peut soutenir qu'il la leurs refuse. Même si cette interprétation à contrario peut paraître comme indéterminante pour certains, il n'en reste pas moins que l'application directe est une qualité spécifique qu'il faut stipulée de manière expresse. Quant à la seconde argumentation, elle se déduit du régime des directives, qui selon le traité sont dépourvues de caractère général. Adressées aux seuls Etats membres, elles doivent sans distinction leurs être notifiées. Et à ces Etats la directive n'impose qu'une obligation de résultat, la compétence des autorités demeurant entière quant aux choix des moyens et de la forme  pour atteindre ce résultat, de telle sorte qu'elles impliquent bien l'existence d'un droit national d'accompagnement, gouvernant son application. Sur ce, c'est dire que les directives n'atteignent pas directement les particuliers puis qu'ils n'en sont pas les destinataires. Cependant à titre purement comparatif, nous pouvons retenir qu'en Europe la Cour de justice de l'Union avait estimé l'argument contraire, car pour elle l'effet utile du droit communautaire, exige la reconnaissance de l'effet direct aux directives, avec une obligation incombant pour les juges de les appliquer en tant que telle. Elle a relevé ensuite, que si dans la procédure de renvoi préjudiciel, en matière d'interprétation et d'appréciation de validité, il est visé seulement, les actes de l'Union sans distinction entre eux, «  il ne faudrait pas non plus distinguer là où la loi ne distingue pas ». Les directives peuvent également être invoquées devant les juges, et par conséquent elles sont susceptibles d'application directe. Au terme de cette contrariété de position, dans l'Union, la règle générale veut que les directives s'appliquent à chaque fois, où elles sont correctement mise en oeuvre , et que leurs effets atteignent les particuliers par l'effet des mesures d'application prises par l'Etat. Dans cet ordre d'idée, lorsqu'un Etat satisfait à son obligation d'exécution, la question de l'applicabilité ne se pose plus, puisque par hypothèse il existe des mesures nationales d'application. La question de savoir si ces mesures constituent ou non une exécution correcte de la directive n'est pas en réalité une question d'applicabilité directe ; mais elle soulève plutôt la conformité du droit national au droit communautaire. La question de la reconnaissance ou non de l'applicabilité directe, n'a donc d'intérêt que dans le cas où une directive ne se transcrit pas dans les délais, ce qui est une hypothèse dans la quelle cette qualité est requise.

Après l'analyse de ce premier massif de notre étude, on peut affirmer qu'aujourd'hui la supranationalité constitue la matrice, le soubassement du processus d'intégration, que l'Union et l'OHADA entendent réussir après l'avoir enclenché depuis plus d' une décennie. Les entités inter gouvernementales ont mis sur pied des institutions qui impulsent une allure règlementaire uniforme à leur communauté, et cela est d'autant plus facilité par une qualité super législative qui hissent ces normes émanant de ces organes, en haut du système normatif de tout Etat membre. Aujourd'hui, il apparaît nettement que les communautés ont élaboré un nouvel ordre juridique, dont les sujets sont non seulement les Etats membres, mais également leurs ressortissants. Et partant le droit communautaire fruit de l'intégration juridique, indépendamment de la législation des Etats membres, est destiné à engendrer des droits qui entrent dans le patrimoine juridique des particuliers, que ceux-ci naissent expressément non seulement lorsqu'une attribution en est faite, mais en raison d'obligation que le traité impose d'une manière bien définie tant aux particuliers, aux Etats, et aux institutions. Au demeurant c'est après une telle réflexion qui nous a permis de déterminer aussi bien l'orientation, la teneur, ainsi que la signification de l'Intégration, il convient maintenant de s'adonner à son étude pratique. En d'autres termes l'appréciation des normes intégrées par rapport au domaine qu'elles investissent.

TITRE II : Le domaine du droit intégré et les entraves à l'intégration juridique.

Ce second massif de notre analyse entend mettre en exergue les aspects purement pratiques de notre étude. En effet le nouveau cadre réglementaire de la communauté, vise un certain nombre de secteurs de l'activité économique, mais également les instances qui sont chargées de mettre en oeuvre la nouvelle réglementation. Cependant face aux ambitions de l'OHADA et de l'UEMOA, il s'avère que des difficultés majeures se révèlent pour constituer des freins à l'allure de l'intégration juridique. Ceci étant cette seconde partie ne va pas se prêter à la structure bipartite classiquement appliquée en droit. Car il s'agira de voire la réglementation commune de l'activité économique (section I), ensuite notre réflexion portera sur l'unification au sommet du système juridictionnel (section II), et enfin les obstacles à la dynamique d'intégration seront mises en exergue ( section III)

CHAPITRE I : La réglementation commune de l'espace économique ouest africain

De manière concrète, le nouvelle réglementation des deux communautés a réussi la mise en cohérence des environnements juridico économiques des Etats membres (section I), une harmonisation des règles et procédures financières et comptables (section II), mais à l'heure la grande prouesse de l'intégration c'est sans conteste l'institution d'un régionalisme fiscal (section III).

SECTION I : La mise en cohérence des environnements juridico économique des Etats

On peut dire que l'ambition majeure de l'UEMOA et de l'OHADA, est de mettre aujourd'hui un certain ordre dans le cadre opératoire des activités économiques en Afrique. Ainsi fortes d'un renouveau institutionnel et normatif, leur volonté se matérialise aujourd'hui, par une certaine rationalisation du cadre juridique des affaires (paragraphe I), mais également et surtout par la réussite d'une harmonisation des règles et procédures financières, bancaires et comptables (paragraphe I) sur toute l'étendue de leur espace couvert

PARAGRAPHE I : La rationalisation du cadre juridique des affaires

Parler de rationalisation du cadre juridique des affaires, renvoie simplement à la nouvelle orientation réglementaire que les entités ont réussi à imposer dans les différents secteurs économiques dans leurs Etats membres. Cette nouvelle réglementation imprime une lisibilité qui est facteur de stabilité, de croissance, pour le développement harmonieux des différents Etats membres, à travers la logique des marchés communs. C'est ainsi qu'aujourd'hui nous assistons d'une part à l'édiction d'un droit des affaires moderne et adapté (A), et d'une manière générale à une régulation du marché communautaire ouest africain (B)

A : L'édiction d'un droit des affaires moderne et adapté

La création de l'UEMOA et de l'OHADA a été suggérée par le nouveau contexte de la vie des affaires. En effet avec le développement massif des mouvements de capitaux, la croissance considérable et régulière du commerce international, la dépendance très marquée des économies nationales aux échanges internationaux. Le continent africain à travers ses cercles concentriques, devait nécessairement réagir pour pouvoir « tirer son épingle du jeu ».Il fallait nécessairement que l'UEMOA et l'OHADA élaborent un nouveau droit des activités économiques ou droit des affaires, qui de surcroît, serait unique pour les Etats membres. Mais ce droit nouveau devait revêtir un certain nombre de qualités, pour apporter remède aux inquiétudes des opérateurs économiques, à savoir l'incertitude quant au droit applicable par rapport aux règlements des litiges par exemple. C'est ainsi que les deux organisations internationales africaines, ont senti toute de suite la nécessité de corriger les imperfections de leurs législations, avec un droit qui non seulement s'adapterait au nouvel environnement des affaires, marqué du sceau de la mondialisation, mais une règlementation qui permettrait de bouster d'une manière générale les économies de leurs Etats membres. La diversité des droits nationaux était un obstacle aux échanges entre les Etats, ce qui rendait souhaitable leur unification, mais surtout leur correction en vue de leur perfectionnement. Car c'est ce qui doit permettre d'effacer les frontières juridiques, mais aussi la création d'un marché commun pour faire face à la concurrence internationale. Donc la première raison principale qui suggérait l'adoption d'un nouveau droit dans nos deux communautés, c'est le caractère vétuste de nos législations, mais surtout leur caractère inadapté. Si nous prenons l'exemple du droit des sociétés qui fait aujourd'hui l'objet d'un Acte uniforme, le régime général applicable était celui du code de commerce d'un Etat tiers, la France en l'occurrence. Plus grave encore cette réglementation était très vieille, car elle datait de 1804 avant l'importante réforme du droit des sociétés commerciales du 24 Juillet 1966. Malgré cela dans la plupart des Etats africains, il y avait très peu de modifications après les indépendances. Seuls certains pays comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire avait donné une touche de renouveau à leur réglementation. Par conséquent il fallait que les Etats adaptent leur droit, dont le droit des société à un contexte économique et social moderne très différent de celui de la période antérieure aux indépendances. Par ce que justement l'Afrique est concernée par la mondialisation de l'économie. Pour pouvoir marquer de sa présence sur la scène internationale, l'intégration régionale en est la seule condition si elle ne veut pas subir les revers du nouveau contexte économique. L'existence dans tous les Etats d'un même droit pour toutes les matières du droit des affaires, par exemple le droit des sociétés, le droit des procédures collectives, aura comme regain d'intérêt la facilitation et l'encouragement aux investissements étrangers et privés. C'est ainsi qu'en droit des sociétés l'innovation majeure qu'il convient de souligner à notre niveau c'est sans nul doute l'institutionnalisation de la société par l'AUDSC. Il est donné une existence légale à la société unipersonnelle par sa consécration aux termes de l'article 5. L'AUDSC fait ainsi preuve de pragmatisme, car avec le développement de l'entreprise individuelle, c'était une hérésie de maintenir les dogmes du droit classique des sociétés, notamment son fondement contractuel. Compte non tenu du fait que l'environnement des sociétés n'était truffé que de sociétés de façade, qui étaient en réalité sous la gouverne d'une seule personne. Une telle option se justifie également par le fait qu'il existe une multitude de micros entreprises de dimension artisanale en Afrique. Il fallait donc prévoir une structure et des mécanismes, qui permettent à celles-ci de mieux se développer, au lieu de les accabler en maintenant une réglementation vieille et inadaptée, de surplus inutile pour des opérateurs économiques modestes comme ceux de l'Afrique, sans formation et qui seraient par conséquent dans l'impossibilité de l'appliquer. Entres autres exemples, les innovations apportées par l'Acte Uniforme sur les procédures collectives, et celui portant droit des sûretés assurent nettement la sécurité aux créanciers, aux tiers, et aux investisseurs. Par ailleurs l'élan de modernité du droit économique dans l'OHADA, se caractérise par l'encouragement du recours à l'arbitrage. Avec la rapidité et le secret, qui caractérise le monde des activités économiques, la sécurité qui doit l'encadrer, l'arbitrage est aujourd'hui très développé en Afrique grâce à l'AUDA élaboré au sein de l'OHADA. Mais aussi dans le cadre de l'UEMOA, l'élaboration d'une nouvelle législation fiscale permet aujourd'hui aux Etats respectifs de l'Union, de participer de manière considérable, avec un profit consistant, au commerce international. En effet après avoir réussi la prouesse de la TVA unique, l'UEMOA a ingénieusement réussi à mettre sur pied un TEC (tarif extérieur commun), ce qui est source d'un certain nombre d'avantages pour le marché commun de l'Union, par ce que constituant la marque de sa consolidation . En outre le nouveau droit adapté de l'Union et de l'OHADA, a une autre vertu essentielle, qui est celle d'avoir pris en compte les réalités africaines. En effet le droit des deux institutions est avant tout un droit de bon sens par ce qu'il tient compte de la complexité et de l'originalité des réalités socio économiques et juridiques de l'Afrique. La réglementation nouvelle édicte des dispositions adaptées en évitant la tentation de perfectionnement juridique. Au titre des réalités socio économiques, on peut dire que c'est l'illettrisme persistant qui justifie, la règle de forme particulière à la caution analphabète, à la mention manuscrite. L'acte uniforme portant droit des sûretés substitue une assistance par des témoins, qui certifient, outre l'identité et la présence de la caution, l'explication qui lui est donnée de la nature et des effets de son engagement. De même on peut affirmer que c'est en prenant en considération le caractère rural, artisanal, ou industriel, bien plus que financière de l'économie africaine ; que les promoteurs de l'OHADA, on fait fi de certaines sûretés qui existent dans d'autres législations, comme en France. Il en est ainsi par exemple de la sûreté sur des biens dématérialisés. En Afrique le besoin ne s'est pas fait sentir de transformer le gage sur valeurs mobilières en un nantissement sur compte d'instruments financiers. Par contre l'hypothèque légale sur une construction immobilière, de même que le nantissement sur stocks, sont consacrés par la réglementation OHADA, eu égard aux considérations relevées plus haut.

En somme, on dira que la volonté d'élaboration d'un droit nouveau, en guise de réaction à un environnement économique défavorable dans les deux communautés, est surtout sous tendue par l'ambition de création d'un marché commun africain. En effet l'idée de nos différents Etats parties aux deux traités de l'UEMOA et de l'OHADA, est de favoriser l'émergence d'un marché unique permettant de faire face à la concurrence internationale. Et justement un marché unique, une monnaie unique, nécessitent des règles de conduite uniformes, ce qui constituera d'ailleurs l'objet de notre analyse ci après.

: La nouvelle régulation du marché commun ouest africain

Le libéralisme est à la base des rapports d'échanges marchands au sein des communautés de l'UEMOA et de l'OHADA. Mais nonobstant un tel principe, les deux institutions n'entendent pas faire de leurs espaces intégrés, une zone de « non droit ». C'est la raison pour laquelle, l'organisation normale du marché commun ouest africain est aujourd'hui assurée avec l'élaboration d'une réglementation commune de la concurrence (a), et l'institution d'un marché financier régional (b)

a : La réglementation commune de la concurrence et la protection des

Consommateurs

Le droit de la concurrence est l'ensemble des règles juridiques qui organisent le jeu des rapports de rivalité et de coopération, qui existent nécessairement entre les acteurs de la sphère des activités économiques, par exemple les entreprises, dans leur démarche de conquête ou de préservation de la clientèle. Le droit de la concurrence permet également de garantir la protection des consommateurs. En effet même si le marché est caractérisé par un principe cardinal, qui est celui du libre jeu de la concurrence entre tous les acteurs économiques et sociaux, cela ne manque pas de donner lieu à bon nombres d'abus, d'où l'importance du droit de la concurrence, qui va dans l'espace ouest africain rectifier les insuffisances et veiller aux fraudes du marché. C'est ainsi que, à première analyse on peut dire que le droit de la concurrence s'inscrit dans l'optique d'une protection directe des consommateurs, mais il veille à la protection générale des intérêts de tous, donc du marché commun et des consommateurs qui en sont également les animateurs. Quant au droit de la consommation elle peut se définir, comme étant la réglementation régissant le jeu des rapports collectifs ou individuels entre les professionnels et les consommateurs, protégeant les derniers dans l'utilisation finale des biens ou des services. Cependant dans l'UEMOA il n'existe aucune réglementation spécifique à la protection des consommateurs. Mais toute fois cela n'équivaut pas à une absence de protection des consommateurs, dans la mesure où les textes qui semblent se spécifier au droit de la concurrence, prennent en compte la protection des consommateurs. Le droit de la concurrence et le droit de la consommation se confondent, en raison des rapports qui les lient permanemment à travers les notions de marché et des animateurs de celui-ci. En effet même si le jeu libre de la concurrence est sensé exister à l'intérieur du marché, l'application sans discernement du principe aller heurter de front les intérêts des consommateurs, laissés à la merci des opérateurs économiques. Par conséquent c'est à la lumière des règles du droit de la concurrence qu'il conviendra de déceler, l'importance apportée à l'heure actuelle à la protection des consommateurs dans l'espace UEMOA. C'est donc avec le souci d'une double protection (sur le marché et sur les consommateurs), que la commission de l'UEMOA a mis sur pied, une législation à double détente composée de règlements et de directives. On a à cet effet le règlement n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l'intérieur de l'UEMOA. Ce règlement énonce dès son préambule, que c'est le libre jeu de la concurrence qui constitue le cadre idéal d'épanouissement des entreprises opérant dans le marché communautaire. Par conséquent, il prohibe les ententes anticoncurrentielles, les abus de position dominante, les aides d'Etats, ainsi que les pratiques anticoncurrentielles imputables aux Etats. Ainsi l'article 3 du règlement dispose que : « Sont incompatibles avec le marché commun et interdits, tous accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'union... » . S'il en est ainsi c'est dire qu'un Etat ne doit pas s'abstenir d'édicter des mesures, permettant aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes imposées à l'art 88 du traité entre autres les pratiques concertées entre entreprises, ayant pour effet de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'union. Si l'on analyse bien cette disposition troisième, on peut affirmer que toute entente n'est pas prohibée, car il en existe certaines qui sont profitables aux consommateurs. Cela veut dire que la commission ne pourra mettre en oeuvre ses prérogatives, injonctions ou mesures provisoires, que si et seulement si la pratique dénoncée porte une atteinte grave, irréparable et immédiate à l'économie générale, ou à celle du secteur intéressé, ou à l'intérêt des consommateurs et des concurrents. En ce qui concerne les abus de position dominantes, c'est l'article 4 qui en dispose, il prévoit à cet effet que le fonctionnement normal du marché commun répugne à ce que, une ou plusieurs entreprises exploitent de façon abusive une position dominante. Soit tel qu'en dispose l'alinéa 2 du même article : à «  imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente, ou d'autres conditions de transactions non équitables ; limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ; appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ; subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats »

Mais en outre l'article 4 va pus loin, car elle énumère un certain nombre de pratiques qu'elle assimile à des abus de positions dominantes. Il en est ainsi des opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante, détenue par une ou plusieurs entreprises, ayant comme conséquence d'entraver de manière significative une concurrence effective à l'intérieur du marché commun. Par ailleurs, lorsqu'une infraction à la législation communautaire est constatée, le Règlement n°3/CM/2002/UEMOA19(*) accorde un véritable pouvoir règlementaire à la commission de l'UEMOA. A cet effet la commission peut être saisie par les Etats membres ou toutes personnes physiques ou morales. Ce qui implique la possibilité pour les consommateurs pris individuellement et les associations de défense des consommateurs de présenter une demande auprès de la commission. Lorsqu'elle a connaissance d'une situation de concentration, constituant une pratique assimilable à un abus de position dominante, la commission peut enjoindre aux entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de concentration, ou de rétablir la situation de droit antérieure, soit de modifier ou de compléter l'opération ou de prendre toute mesure propre à assurer ou à rétablir une concurrence suffisante. Pour mettre fin aux infractions relatives aux ententes et abus de positions dominantes20(*), la commission peut par voie de décision infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes de 500.000 à 100.000.000 F CFA. Cette sanction pécuniaire peut être assortie des astreintes à raison de 5000 F CFA à 1 000 000 F CFA par jour de retard. De telles décisions peuvent toute fois être attaquées devant la cour de justice de l'Union, qui appréciera la légalité des actes de la commission.21(*)En second lieu au titre des directives communautaires, on a celle relative à la transparence des relations financières entre l'Etat et les entreprises publiques ou les organisations internationales, et celle relative à la coopération entre la commission et les structures nationales de la concurrence des Etats membres. En effet grâce à la nouvelle réglementation communautaire, les Etats parties ont mis sur pied des normes, ainsi que des structures chargées de promouvoir la protection des consommateurs, et le libre jeu de la concurrence. Pour exemple nous prendrons l'exemple du Sénégal, qui a eu élaboré une loi à ce propos bien avant même la communauté. Il s'agit en fait de la loi 94 63 du 22 Août 1994 relative aux prix, à la concurrence et aux contentieux économiques. Au Sénégal les autorités publiques ont favorisé l'organisation de structures spécifiques telles que les associations de consommateurs, les conseils de la consommation, qui ont pour office d'assurer une protection de masse aux consommateurs. Au titre de ces associations on peut citer l'association de défense des usagers de l'eau, de l'électricité, de la télécommunication et des services, ou encore l'association sénégalaise pour la défense de l'environnement et des consommateurs, entre autres. Eu égard à la nouvelle réglementation communautaire sur la concurrence, il existe aussi des commissions nationales de la concurrence qui sont regroupées en comités consultatifs de la concurrence au sein de l'UEMOA. Mais dans ce domaine le Sénégal est également pionnier dans la mesure où sa commission a été instituée depuis 1994 avec la même loi pré citée. Cette commission joue le rôle de sentinelle dans le marché, mais le seul regret que l'on pourrait exprimer c'est la carence de ses décisions, qui malheureusement ont été annulées par le Conseil d'Etat sénégalais. Toute fois pour l'intérêt pratique de notre étude sujet, il est de bon aloi d'en citer certaines afin de les analyser. La première décision rendue, été en fait relative au secteur des assurances. C'est la décision n°01 D-0122(*) , dans cette affaire la question de droit qui se posait été de savoir si le fait pour la FSSA d'ordonner à ses membres de rompre leurs relations professionnelles avec la CIBA pouvait être qualifiée d'entente ayant pour objet ou pour effet de restreindre, ou encore de fausser le libre jeu de la concurrence. Face à une telle question la commission a répondu par l'affirmative en application de l'article 24 de la loi 94-63. Par la suite la commission a retenu deux types de sanctions. D'abord elle a enjoint à la fédération et à ses sociétaires de faire cesser l'entente. Ensuite elle a ordonné la publication de la décision dans trois quotidiens sénégalais. Dans une autre affaire également la commission de la concurrence a eu à se prononcer en faveur de l'abus, c'est la décision n° 02 D02 relative au secteur du transport aérien. L'interrogation juridique était ici de savoir est ce que la compagnie Air France avait le droit eu égard à sa position dominante, et de l'état de dépendance des agences de voyage vis-à-vis d'elle, de modifier unilatéralement le montant de la rémunération des agences de voyage. A ce propos également la commission a répondu par la négative, constatant de ce fait la pratique anticoncurrentielle dont était fautive la compagnie en l'espèce.

Après avoir énoncé ces décisions notre analyse consistera maintenant, à s'interroger sur le pourquoi de leur annulation par le Conseil d'Etat sénégalais. En effet il semble selon l'argument de la cour saisie pour excès de pouvoir, que la commission nationale n'ait pas de compétence pour sanctionner une pratique anticoncurrentielle. Une telle position du Conseil peut certes se justifier par l'existence d'une nouvelle réglementation communautaire de la concurrence, et d'une commission communautaire de la concurrence, en principe seule habilitée désormais à connaître des questions relatives à ce domaine, eu égard au principe de l'application directe et immédiate du droit communautaire. Mais toute fois, il faut considérer aussi que les commissions nationales disposent d'une compétence de droit commun en matière de contentieux de la concurrence. Par conséquent à notre niveau, nous estimons que dans la mesure où, l'appréciation des infractions relatives à la concurrence, à la protection des consommateurs demeure à la compétence des organes nationaux, telles que les commissions de la concurrence, il serait plus pratique d'appliquer la même procédure que celle qui est utilisée devant la cour de justice de l'UEMOA, ou devant la CCJA de l'OHADA. Il faudra, pour une répartition rationnelle du travail juridictionnel, faire des commissions nationales des instances ayant une compétence de premier degré, qui pourront lorsqu'elles auront à statuer, solliciter au besoin l'avis de la commission communautaire. Et ensuite c'est après que toutes les voies de droit internes seront épuisées, que la commission communautaire pourra être saisie en cassation. Notre position est d'ailleurs réconfortée par celle du professeur Abdoulaye Sakho de la faculté de droit de l'Université Cheikh Anta Diop. Selon lui ont doit opter pour une procédure à double degré, à l'image du système OHADA. Les litiges doivent être connu en premier temps par les autorités nationales, en l'occurrence les commissions nationales, et dans un second temps par les autorités communautaires (commission de l'UEMOA). Notre plaidoyer pour un maintien des commissions nationales, ainsi que de leurs prérogatives de sanctions, tire aussi argument du fait que le droit communautaire de la concurrence, est encore très imparfait, il laisse en rade beaucoup de domaines, par conséquent une survivance par endroit des législations nationales antérieures, et des instances nationales serait souhaitable pour un renforcement, un développement du droit de la communauté. Et cela devra se faire dans une parfaite coordination.

L'analyse d'ensemble de ces textes communautaires autorise à dire que leur finalité est d'instaurer un nouveau cadre juridique concurrentiel propice aux acteurs économiques, évoluant dans l'environnement d'un marché commun marqué du sceau de la libéralisation. Cependant par rapport à la protection des consommateurs des efforts restent à faire sur le plan communautaire, c'est ce qui fait que les associations de consommateurs sont d'habitude déboutées en justice pour défaut d'intérêt, par ce qu'il n'ont pas d'habilitation législative si l'on prend l'exemple du Sénégal. A l'image de la commission de la concurrence, il faut penser à la mise sur pied d'une organisation communautaire chargée de la défense des intérêts des consommateurs. Dans le cadre de l'OHADA aucune norme communautaire n'existe à l'heure actuelle dans le domaine de la concurrence. Toute fois un Acte Uniforme est en chantier et celui ci promet d'être plus performent, sûrement au regard de l'expérience UEMOA, étant donné qu'il envisage de prendre en compte aussi bien le droit de la concurrence, que celui de la consommation.

Par ailleurs à coté de ses normes qui organisent de manière générale le jeu des rapports économiques, l'Union a aujourd'hui mis sur pied un certain cadre qui participe à l'encadrement de telles activités.

b :La création du marché financier régional

A l'image des règles de concurrence, le marché financier est également mis sur pied pour assurer une meilleure visibilité du marché commun de l'Afrique de l'Ouest. Cependant ce marché n'existe qu'au sein de l'UEMOA, l'OHADA n'en a pas encore posé les jalons. Ainsi pour remplir sa mission, le marché de l'UEMOA se fixe trois objectifs principaux : le relèvement du taux d'épargne, le renforcement de la structure financière des entreprises, et enfin la réduction des coûts d'intermédiation financière. Pour l'organisation institutionnelle du marché il a été d'abord mis sur pied, le conseil régional de l'épargne publique et des marchés financiers (CREPMF). La commission de l'UEMOA membre de cette structure y est représentée par un de ses fonctionnaires. Mais par la suite, afin de favoriser le fonctionnement efficace du marché financier crée en Juillet 1996, les autorités ont retenu conformément aux normes internationales le principe d'une nette séparation des missions et des intervenants. Et cela s'est traduit par la création de 2 pôles distincts. Un pôle privé composé de la BRVM qui a en charge d'assurer la bonne fin des transactions sur les valeurs mobilières, pour ensuite en informer le public. Le dépositaire Central / Banque de règlement (DC/BR) qui est une structure privée, chargée de la conservation et de la circulation scripturale des valeurs mobilières, aussi bien pour le compte des émetteurs que des intermédiaires. Il y a également la présence dans ce secteur des intervenants commerciaux à savoir les sociétés de gestion et d'intermédiation, il en est ainsi des sociétés de conseil en valeur mobilières, des sociétés de gestion et d'intermédiation (SGI), les sociétés de gestions de patrimoine (SGP), les apporteurs d'affaires ou encore les démarcheurs.

Quant au pôle public constitué du conseil régional de l'épargne publique et des marchés financiers, il représente l'intérêt général et garantit la sécurité et l'intégrité du marché. Le conseil régional est chargé de la protection de l'épargne investie en valeurs mobilières, et en tout autre placement donnant lieu à une procédure d'appel public à l'épargne, dans l'ensemble des Etats de l'UEMOA. A ce titre il est le seul habilité à réglementer les procédures d'appel public à l'épargne, il est habilité à formuler le cas échéant un veto sur l'émission et sur le placement de l'appel public de nouveaux produits financiers susceptibles d'être négociés en bourse. Il est également chargé de la mission de contrôle de l'ensemble des structures privées du marché, auxquelles il délivre leurs cartes professionnelles.

Cependant jouant un rôle très important dans la gestion du marché commun, le marché régional financier n'existe que dans l'UEMOA. L'inexistence dans l'OHADA d'une telle structure peut s'expliquer par le caractère non exclusivement économique de cette organisation africaine. Après avoir mis en exergue les solutions juridiques qui sont actuellement posées dans le cadre des deux communautés, afin de favoriser une certaine cohérence synonyme de stabilité du marché des affaires entre personnes privées particulièrement, il convient maintenant de mettre l'accent sur une réglementation qui investit un autre domaine des activités économiques.

PARAGRAPHE II : Une harmonisation des règles et procédures budgétaires et

Comptables

A ce niveau il s'agira de voire qu'au sein de nos deux entités, il y a eu l'adoption d'une réglementation relative au système comptable (A), il a été également définie au sein de l'Union économique une discipline communautaire de la gestion des finances publiques (B), sans oublier toute fois la nouvelle réglementation des opérations financières et le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux

A : L'adoption de deux réglementations communautaires sur le système

Comptable

Le droit comptable est conçu comme étant la science qui a pour objet l'enregistrement en unités monétaires des mouvement de valeurs économiques en vue de faciliter la conduite des affaires financières, industrielles et commerciales. Ainsi considéré le droit comptable entre dans le champ de compétence de l'UEMOA et de l'OHADA, puisque ces deux organisations se sont données pour objectif l'élaboration d'un droit renouvelé favorable au développement économique. Ainsi les deux entités ont chacune élaboré une réglementation comptable. S'agissant de l'OHADA sa réglementation se présente comme un approfondissement du système comptable de l'UEMOA (a), pour ce qui de l'UEMOA la prise en compte des apports de l'OHADA lui a permis d'ordonner un système comptable très moderne (b).

a : L'approfondissement du droit comptable UEMOA par le droit OHADA

Le droit comptable OHADA est une discipline nouvelle mais elle rassemble des éléments plus ou moins anciens. Son avènement a été précipité par un certain nombre de constats relatifs à l'histoire des différents systèmes comptables de la zone franc. En effet il y a différents facteurs qui expliquent l'adoption de l'Acte Uniforme OHADA sur le droit comptable. Il en est ainsi de l'hétérogénéité des référentiels comptables en vigueur, car il existait dans la zone au moins cinq référentiels comptables. Ensuite il a été noté une certaine obsolescence des normes comptables utilisées par les Etats parties de l'OHADA si on les compare aux normes comptables internationales. La pluralité des bilans et états financiers peut aussi être considérée comme une cause à l'adoption d'un droit comptable renouvelé. Car ce phénomène affectait la fiabilité des informations comptables émanant des entreprises. C'est ainsi qu'à été adopté le plan comptable général de l'OHADA en décembre 1995 à Dakar, mais cette première version n'est jamais entrée en vigueur. Ensuite c'est en décembre 1996 que le plan comptable général des entreprises du système comptable ouest africain sera adopté dans sa première version. Finalement c'est grâce à l'expérience résultant des différents systèmes comptables antérieurs, que le 24 mars 2000 à Yaoundé le conseil des ministres de l'Organisation adopta l'Acte Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les Etats parties au Traité de Port Louis. Il est entré en vigueur en deux phases, d'abord les dispositions portant sur les comptes personnels des entreprises sont entrées en vigueur le 1er janvier 2000, et la seconde partie portant sur les comptes consolidés et les comptes combinés sont venues en janvier 2001. A vrai dire le plan comptable OHADA dans sa deuxième version est un approfondissement du SYSCOA première version. Ce modelage du droit comptable OHADA sur celui de l'UEMOA se matérialise par l'adaptation de ses caractéristiques fondamentales comme le principe de la prudence et de la transparence. Mais ces fondamentaux ont connu une certaine évolution au sein de l'Organisation. Aux titres des évolutions du droit comptable UEMOA, on peut citer par exemple la séparation de la comptabilité générale, de la comptabilité analytique de gestion facultative, ce qui permet de préserver le secret des affaires. Par ailleurs si l'OHADA marque l'approfondissement du droit de l'UEMOA relatif à la comptabilité, celui-ci n'a pas manqué aujourd'hui de faire siens, tous les développements réalisés par l'Organisation dans ce domaine.

b : La prise en compte des apports de l'OHADA par le droit comptable

UEMOA

Il faut d'abord signaler que le droit comptable de l'UEMOA a été adopté suite à une prise de conscience des instances dirigeantes de la BCEAO et de l'UMOA, qui au regard de la conjoncture économique, ont pensé à la définition de nouveaux instruments de gestion monétaire pour les entreprises lesquels instruments nécessitaient pour leur mise en oeuvre optimale, la réalisation d'une centrale des bilans qui allait être un observatoire, constitué et gérant des données descriptives, monétaires et économiques, pour les entreprises. Entres autres objectifs il a été assigné à la centrale des bilans : la facilitation d'une articulation entre les données de la micro économie, et les agrégats macro économiques, afin de faciliter les comparaisons sectorielles, la faculté d'apporter aux décideurs des outils permettant une définition plus fine des options de politique économique, pour pouvoir suivre les incidences sur les entreprises. C'est ainsi qu'au rythme des efforts, il a été adopté le règlement communautaire n° 04/96/ CM/ UEMOA du 20 décembre 1996 portant référentiel comptable commun au sein de l'UEMOA dénommé SYSCOA, ce règlement est entré en vigueur deux ans plus tard le 1er janvier 1998. Ensuite tout un ensemble d'instruments juridiques a été adopté pour définir un cadre légal et institutionnel en cette matière. Il y a eu d'abord le règlement d'exécution n° 11/97/COM/UEMOA, modifié par la suite par le règlement

n° 02/2002/COM/UEMOA. Mais si le droit OHADA a préféré édicter un Acte Uniforme en matière comptable, parce que estimant les référentiels comptables existants notamment le SYSCOA, comme inadapté. La question qui se pose à nous est celle de savoir pourquoi le droit UEMOA en matière comptable n'a pas été purement et simplement abrogé ? D'autant plus que les Etats de l'UEMOA sont tous parties au traité de l'OHADA. Cette question est pertinente car elle permet de savoir que le SYSCOA n'est en réalité que la photocopie parfaite de l'AU sur le droit comptable. En effet après l'avènement de l'AUHOC les instances de l'UEMOA avait une double option, soit abroger le SYSCOA afin d'éviter tout doublon avec l'OHADA, soit le maintenir en procédant toute fois aux réaménagements nécessaires qu'imposaient les normes comptables internationales, et que l'OHADA avait pris en compte en élaborant son AU. Le choix de l'Union fut finalement porté sur la seconde alternative, puisque le 20 septembre 2001 il a été adopté le règlement n° 7/2001/CM/UEMOA qui est justement venu pour modifier un certain nombre de dispositions du règlement originel de 1996. En effet l'article 1er de ce règlement de 2001 dispose que : « En vue d'assurer leur compatibilité avec l'Acte Uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les Etats parties au traité relatif à l'harmonisation du droit des Affaires en Afrique, les dispositions des 11, 13, 38 , ,56, 70, 72, 73, 74, 89, 97, 98, 103 104, 108 et 111, du règlement n°04/96/CM portant adoption d'un référentiel comptable commun au sein de l'UEMOA dénommé Système Comptable Ouest Africain ( SYSCOA ), sont modifiées ». S'il en est ainsi on peut dire que cette démarche adoptée par l'Union est plus ou moins judicieuse à bien des égards, puisqu'elle a consisté à apporter au SYSCOA, les modifications nécessaires qu'implique l'Acte Uniforme de l'OHADA relatif au droit comptable. Cette nouvelle situation a du reste été confirmée par la CCJA dans un avis rendu le 30 avril 200123(*). Dans cet avis qui faisait suite à une requête de la République de Cote d'Ivoire la Cour communautaire a estimé qu'il revenait au même d'appliquer le système comptable OHADA ou celui de l'UEMOA.

Au demeurant il faut dire que même si aujourd'hui l'UEMOA s'est alignée sur le dispositif de l'OHADA en matière comptable, l'idéal aurait été de faire uniquement prévaloir les normes résultant de l'AU, de sorte qu'il n'existe pas de double législation en cette matière. Une telle option aurait l'avantage de renforcer l'OHADA qui regroupe en réalité tous les Etats de l'UEMOA et ceux de la CEMAC. L'UEMOA conserverait dans sa compétence les règles et mécanismes non supplantées par ceux de l'OHADA, telle la centrale des bilans. Mais en procédant de la manière actuelle, non seulement l'UEMOA vient briser l'oeuvre d'harmonisation de l'Organisation, mais elle créée par la même occasion des confusions qui peuvent donner lieu à de véritables conflits de juridictions entre la CCJA et la CJU. Puisqu' en fin de compte elles pourront en cas de litige s'estimer toutes les deux compétentes, étant donné que l'ordre juridique auquel elles appartiennent règlemente la matière. Par ailleurs si les deux entités ont senti la nécessité d'avoir un oeil visible sur la situation des finances au plan micro économique des entreprises, la même volonté se fait aujourd'hui ressentir au plan macro économique avec l'institution de nouvelles règles sur les finances des Etats.

B : La discipline communautaire de la gestion des finances publiques

C'est dans un domaine comme celui des finances publiques qu'apparaît la différence entre l'UEMOA et l'OHADA. Mais cette différence n'est pas de nature puisque les deux entités sont tous communautaires, et ont en fin de compte un but purement économique, mais c'est leurs orientations, leurs cibles ou matières qui diffèrent par endroit. En effet l'UEMOA a été créée par les Etats de la zone franc pour renforcer leur union monétaire par une réelle union économique. Par conséquent contrairement à l'OHADA que d'aucuns considèrent comme productrice d'un droit purement privé. Certaines des normes de l'Union n'auront logiquement comme destinataires, que les seuls Etats personnes publiques. C'est ainsi que aux termes de l'article 4 du Traité il est prévu : « La convergence des performances, et des politiques économiques des Etats membres  ». L'intérêt des règles de gestion budgétaire est justement lié au fait que la politique économique, qui est le nouveau défi de l'Union comporte deux aspects : une politique monétaire qui est gérée par une institution autonome de l'UEMOA, à savoir la Banque Centrale, et cette dernière a pour mission d'assurer la stabilité des prix, faisant en sorte qu'il y ait un ajustement entre la masse de liquidité en cours et l'évolution de la conjoncture économique. Quant à la politique budgétaire second versant de la politique économique, c'est l'utilisation de l'acte du budget comme instrument de politique économique. En l'occurrence le budget, est donc utilisé pour atteindre un certain nombre d'objectifs, définis à l'échelle communautaire. Avant la création de l'UEMOA il y avait diverses politiques budgétaires nationales, mais avec l'objectif d'union économique, il faut nécessairement une convergence de ces politiques budgétaires. Une telle convergence est aujourd'hui entreprise en convoquant également les vertus diverses de la règle de droit. Cette convergence est ainsi entreprise grâce à l'élaboration de critères (a), et programme pluriannuel de convergence (b)

a : L'élaboration des critères de convergence

La première formulation de la convergence des politiques budgétaires est donnée par le traité lui-même, lorsqu'il annonce aux termes de l'article 65 les grandes orientations aux quelles la politique économique des Etats doit se conformer. A savoir éviter les déficits excessifs, et assainir la structure des recettes et des dépenses publiques. C'est dans ce cadre qu'est intervenue la directive du 15 janvier 1996 relative à la mise en oeuvre de la surveillance multilatérale des politiques macro économiques. C'est à la suite qu'a été adopté celle du 15 septembre qui pour la première fois énonce un certain nombre d'indicateurs, appelés communément critères de convergence, pour jauger le respect par les Etats de la discipline budgétaire. Ensuite le 8 décembre 1999 l'acte additionnel n° 04 99 portant pacte de convergence est adopté pour mieux apprécier le respect de la discipline budgétaire. Ainsi le mécanisme du dispositif de surveillance est constitué aujourd'hui par ces critères et par l'existence de programme de convergence.

S'agissant des critères ils sont définis par l'article 16 du pacte comme étant les indicateurs jugés essentiels, et prévoit toute fois que les autres critères doivent être répertoriés sur un tableau de bord. Ensuite le pacte procède toute fois à leur hiérarchisation entre critères de premier rang et de second rang. D'abord les critères de premier rang sont définis par l'article 1 du règlement 11- 99 du 21 décembre 1999 comme : « ceux dont le non respect entraîne la formulation explicite de directives par le Conseil demandant à l'Etat concerné de prendre d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme de mesures rectificatives ». Leur nombre s'élève à quatre selon l'article 18 du pacte. Il s'agit tout d'abord du critère considéré, comme le critère clef parmi les quatre, il est relatif aux déficits publics, et selon la réglementation chaque Etat soucieux d'avoir des finances publiques saines doit le respecter. Ce critère est celui du solde budgétaire de base, et selon la réglementation issue du pacte il est égale aux recettes totales (hors dons) moins les dépenses courantes, moins les dépenses d'investissements publiques financées sur ressources internes. Pour ce critère les recettes totales de chaque Etat de l'Union doivent pouvoir permettre de couvrir les dépenses courantes y compris le remboursement des anuitées de la dette puisque les charges en intérêt et en amortissement sont dépenses ordinaires, et il doit subsister une épargne budgétaire pour financer les investissements nouveaux pour assurer l'auto financement. Ainsi la réglementation de l'UEMOA contraint en principe aux Etats de respecter ce critère du solde budgétaire qui de ce fait doit toujours être positif. Le critère est ainsi évalué : ratio du solde budgétaire de base rapporté au PIB supérieur ou égale à 0. Pour le respect de ce premier critère, la date butoire était fixée en 2002, mais l'acte additionnel n° 03/2003 du 23 janvier 2003 modifiant le pacte de 1999 l'a porté à 2005. Le second critère de premier rang est celui relatif à l'encours de la dette publique, le stock de la dette publique. Pour l'évaluation de ce critère la réglementation prévoit que le ratio de la dette extérieure et intérieure rapporté au PIB ne devrait pas excéder 70 % en 2005. S'il en est ainsi, c'est dire que l'article 18 fournit aujourd'hui une valeur de référence quantitative à la notion de soutenabilité de la dette publique. Avec la nouvelle réglementation sur la dette publique, il est aujourd'hui interdit aux Etats de recourir aux financements monétaires constitués par les découverts statutaires que leurs accordés la banque centrale24(*). Celan étant le recours à la dette est depuis 200225(*) le seul moyen offert aux Etats, pour le financement de leurs soldes budgétaires. Les deux autres critères de premier rang sont : le taux d'inflation annuel moyen qui devait être à 3% maximum par année, et enfin les arriérés de paiements intérieurs et extérieurs pour les quels la réglementation prévoit aujourd'hui que les Etats ne doivent pas en accumuler sur la gestion de la période courante.

Ensuite la réglementation prévoit quatre autres critères de second rang. Le premier est le ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales. Selon la directive n° 02 /96 ce ratio devait être supérieur à 50% en 1997, et ceci pour tous les Etats membres de l'UEMOA. Et en 1998 la directive n° 01/98 l'a fixé à 40 % pour l'année 1999. Les autorités de l'Union ont fixé ce critère eu égard à leur volonté d'améliorer la structure des dépenses publiques, en outre avec ce critère, les Etats auront également la possibilité de maîtriser l'évolution de la masse salariale , qui est en fait la principale composante des dépenses courantes. Le second critère de second rang est le ratio des investissements publics financés sur les ressources internes, rapporté aux recettes fiscales. Selon la réglementation issue du pacte ce ratio devait atteindre au moins 20% en 2002 pour tous les Etats. Ce second critère trouve son intérêt dans la relation qu'il entretien avec celui relatif à la masse salariale. Car si les Etats parviennent à maîtriser cette dernière, ils auront tous la possibilité d'accroître la part des recettes publiques affectée aux dépenses d'investissement. Un autre critère de second rang est le ratio du déficit extérieur courant par rapport au PIB, qui ne devait pas dépasser 5% en 2002. Et enfin le dernier critère de second rang est le taux de pression fiscale, que la réglementation communautaire définit comme étant le rapport entre les recettes totales et le produit intérieur brut. En 2002 le pacte prévoyait que ce critère devait être supérieur ou égale à 17% pour les Etats de l'Union.

A coté des critères, la nouvelle discipline budgétaire de l'UEMOA prévoit aussi des programmes pluriannuels de convergence dans un souci de renforcement et d'accélération des efforts de convergence.

b : L'obligation d'élaboration de programmes pluriannuels de convergence

Pour le pacte de stabilité, les programmes pluriannuels qui sont élaborés par les Etats eux-mêmes doivent permettrent d'atteindre en moyen terme les objectifs communautaires de convergence sur la base des critères définis par le pacte. Selon l'article 5 du pacte lorsque les Etats élaborent leurs programmes, ceux-ci doivent contenir un certain nombre d'informations. C'est les réalisations de l'année précédente, ensuite les objectifs de l'année en cours, aussi une description des mesures budgétaires et des autres mesures de politiques économiques permettant de réaliser les objectifs du programme. Et enfin le programme doit renseigner sur l'évolution des critères de convergence, et particulièrement celle du critère clef. Pour la mise en oeuvre des programmes, le point de départ était fixé pour l'année 2000 et elle devait se faire en deux phases. La première phase qui est la phase de convergence devait aller initialement du 1er janvier au 31 décembre 2002 mais l'article 3 de l'acte additionnel n° 03 - 2003 du 29 janvier 2003 modifiant le pacte de convergence a reporté l'échéance au 31 décembre 2005. A cette date les programmes de convergence proposés par les Etats membres devraient leur permettre de satisfaire aux quatre critères de rang. La deuxième phase qui est la phase de stabilité, doit normalement commencer le 1er janvier 2006 quand tous les Etats auront respecter les quatre critères de premier rang. Durant cette phase l'amélioration continue des critères ne sera plus une obligation, mais une faculté sous réserve que les programmes qui seront mis en oeuvre par la suite, permettent d'assurer une situation budgétaire équilibrée ou excédentaire, ceci pour faire face aux fluctuations conjoncturelles.

Par ailleurs il faut également noter qu'en plus des critères et des programmes de convergence. La nouvelle législation harmonisée de l'Union en matière budgétaire, prévoit une procédure d'évaluation des performances budgétaires. En effet il s'agit d'un mécanisme permettant de vérifier et de sanctionner le respect par les Etats membres des prescriptions communautaires en matière de convergence. Cette procédure de contrôle met en jeu des organes comme la commission de l'UEMOA et les comités nationaux de politique économique institués par la directive n° 01/ 96, qui est relative à la mise en oeuvre de la surveillance multilatérale. Et elle repose concrètement sur l'élaboration de rapports d'exécution par la commission et sur l'évaluation par le Conseil des ministres de l'Union des différents programmes établis par les Etats. Les rapports sont prévus par l'article 72 du traité, et sont soumis au conseil pour rendre compte de la convergence des politiques économiques des Etats membres. Pour l'élaboration du rapport, la commission bénéficie du concours du secrétariat conjoint qui en plus d'elle même, est composé de la banque centrale, de la BOAD. Chaque année deux rapports doivent être soumis au conseil selon la directive de 1996. Le premier rapport est examiné par le Conseil au mois d'Avril, il permet d'évaluer les objectifs de l'année précédente, ce qui permet de procéder à une revue de l'année en cours. C'est au mois de septembre que le second rapport semestriel est soumis au Conseil. Il permet à son tour de fixer les orientations des politiques économiques pour l'année suivante par voie de recommandations.

Enfin après l'évaluation des programmes et des critères de convergence, la réglementation prévoit objectivement des sanctions contre les 

« mauvais élèves », c'est-à-dire les Etats qui ne satisfont pas aux obligations communautaires. C'est ainsi que tout d'abord dans le traité il est prévu que la commission devra prendre une directive portant mesures rectificatives, chaque fois qu'un Etat manquera à ses obligations budgétaires, ou lorsque le programme proposé par l'Etat membre n'est pas conforme aux objectifs communautaires. Dans le pacte qui est la seconde source de sanctions, il existe une innovation avec le système de graduation. Par exemple, lorsque le manquement porte sur un critère de second rang le Conseil adresse à l'Etat une recommandation. Par contre si c'est un critère de premier rang autre que le critère clef qui n'est pas respecté, le Conseil adresse à l'initiative de la Commission une directive indiquant les mesures rectificatives, que celui devra mettre en oeuvre. Mais il faut par ailleurs préciser que les obligations qui s'imposent aux Etats en matière budgétaire, peuvent être sanctionnées dans le cadre du recours en manquement

Au demeurant il convient de souligner que dans les domaines jusque là énoncés, l'UEMOA, et l'OHADA ont réussi des prouesses remarquables dans le rapprochement de leurs différentes législations, avec toute fois quelques imprécisions, ou obstacles. Mais dans la partie de notre analyse qui suit, nous allons mettre l'accent sur ce qui peut être considéré comme la grande réussite de l'Union depuis la révision de 1994. Il s'agit en effet du domaine fiscal, car comparé aux autres organisations internationales le niveau de réalisation acquis par l'UEMOA est à louer.

SECTION II : L'harmonisation des législations fiscales dans l'Union ouest africaine

Face aux nouveaux défis de la mondialisation des échanges commerciaux, caractérisés principalement par le principe de la libéralisation du commerce, l'émergence de des grands blocs économiques. Face également aux réalités d'une concurrence stratégique aujourd'hui plus cruelle, l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'ouest n'a pas manqué de répondre à l'appel, en se mettant au diapason de ces nouvelles réalités économiques. En mettant en oeuvre un vaste et ambitieux mais très honorable projet de construction d'un marché commun et unifié. Celui-ci est basé sur non seulement la consécration du principe de la liberté de mouvement des personnes et des capitaux, mais également sur la libération du commerce. Aussi dans cette optique, avec le souci de démanteler toutes les entraves au commerce une législation commune des échanges intra (paragraphe I) et extra communautaires (paragraphe II) a été élaborée.

PARAGRAPHE I : La législation commune des échanges intra

Communautaires

Pour la mise en oeuvre des son marché commun, l'Union économique et monétaire de l'Afrique de l'Ouest a mis en place un ensemble de dispositions institutionnelles et législatives consacrant un régime libéral des échanges commerciaux reposant sur « l'élimination sur les échanges entre les pays membres, des droits de douanes, des restrictions quantitatives à l'entrée et à la sortie, des taxes d'effet équivalent et de toutes autres mesures d'effets équivalent susceptibles d'affecter lesdites transactions sous réserves du respect des règles d'origine de l'Union...... »

Cela traduit pour ainsi dire la volonté de l'UEMOA, d'éliminer progressivement aussi bien les barrières tarifaires et celles non tarifaires (A), mais également par la consécration du principe de la libéralisation des facteurs de production (B)

A : La suppression des barrières tarifaires

Cette suppression se traduit d'abord par un abaissement progressif devant aboutir à court et moyen terme des droits de douanes, ensuite à l'établissement d'une taxe sur la valeur ajoutée commune et enfin à une harmonisation des droits d'accises.

a : Les droits de douane

Par droits de douanes on entend tous les taxes et impôts particuliers sur les dépenses, perçus à l'occasion de l'importation ou de l'exportation des marchandises. Aussi la réalisation du marché commun nécessite t - elle a priori, une libre circulation de toutes marchandises. C'est pour cette raison que l'UEMOA a pris des dispositions comme susdit, allant dans le sens de cette libéralisation. Ainsi un schéma de libéralisation des échanges a été mis en place à cet effet. L'UEMOA a établit un régime tarifaire préférentiel des échanges dont le fondement se trouve dans l'art77 qui dispose que  les Etats membres devront s'abstenir d'introduire entre eux tous nouveaux droits de douanes à l'importation et à l'exportation, ainsi que toutes taxes d'effets équivalents, et également d'augmenter ceux qu'ils appliquaient dans leurs relations commerciales mutuelles. Il faut souligner tout de suite, à titre purement comparatif, qu'une disposition pendante à celle-ci se retrouve aussi dans le traité constitutif de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Ce qui serait intéressant à savoir c'est de voir comment elle a été transcrite concrètement sur le terrain.

A ce propos, on notera que dans l'Union, c'est les produits du cru et de l'artisanat qui ont d'abord bénéficié du régime de libéralisation de leur circulation. Toute fois ce régime ne leur est acquis que s'ils sont originaires de l'un des Etats membres. Cette qualité n'étant considérée comme remplie que si les produits ou biens sont fabriqués, produits, obtenus, élevés, trouvés, ou recueillis dans l'Etat membre. En outre pour pallier à toute équivoque, le législateur UEMOA n'a pas hésité à faire oeuvre de pédagogie en énumérant dans l'art 4 de l'acte additionnel n° 04/06 instituant le régime préférentiel transitoire et dans l'art 10, la définition de ce qu'il entendait par produit du cru et de l'artisanat. Ainsi pour la première disposition : «  Sont considérés comme produits du cru originaires des Etats de membres de l'Union, les produits du règne animal, minéral, végétal n'ayant subi aucune transformation à caractère industriel ». Par la suite une classification et une longue énumération des produits concernés26(*) est indiquée (voir annexe). Mais il s'agit évidemment d'une énumération non exhaustive. Pour les produits de l'artisanat traditionnels originaires des Etats membres, l'article 6 de l'acte additionnel dispose que « On entend par produits de l'artisanat traditionnels originaires des Etats membres de l'Union généralement les articles faits à la main, avec ou sans l'aide d'outils, d'instruments, ou de dispositifs actionnés directement par l'artisan ».Ici également l'annexe 2 de l'Acte additionnel voulant être plus explicite fournit une liste des produits concernés.

Il faut dire aussi que l'idée qui sous-tendait cette libéralisation immédiate était la promotion du développement rapide de l'agriculture, de l'élevage et des revenus de l'artisanat. Ainsi les produits du cru et de l'artisanat doivent circuler librement entre les Etats. Dans la communauté, puis que c'est l'entité soeur de l'UEMOA, les produits du cru et de l'artisanat ont bénéficié d'un régime de libéralisation immédiate et complète dans leur circulation sous réserve du fait qu'ils soient originaires de l'un des Etats membres de la communauté. La CEDEAO ajoute pour sa part qu' en plus d'être originaires, d'un des Etats membres , ces produits doivent également être repris dans la liste des produits annexés aux décisions portant libéralisation du commerce.

Après ce premier type de biens, quant est- il alors des produits industriels ? Il faut tout de suite remarquer qu'ils n'ont pas bénéficié dans l'UEMOA du même régime de libéralisation complète et immédiate que les produits du cru et de l'artisanat .En effet le législateur communautaires a fait preuve d'un véritable réalisme en prévoyant d'abord un régime transitoire devant se traduire par une réduction progressive des droits de douanes, puis ensuite un régime définitif qui correspondrait à l'élimination totale de ces droits sur ces produits industriels. A l'image des produits sus énoncés, les produits industriels sont également définis par l'Acte additionnel. Il s'agit des produits industriels dans la fabrication desquels sont incorporées des matières premières communautaires, représentant en quantité au moins 60% de l'ensemble des matières premières utilisées. Il s'agit aussi des produits industriels obtenus à partir des matières premières entièrement importées des pays tiers, ou dans la fabrication des quels, les matières premières communautaires utilisées représentent en quantité moins de 60% de l'ensemble des matières premières mises en oeuvre, lorsque la valeur ajoutée est au moins égale à 40% du prix de revient ex -usine hors taxes de ces produits27(*). Dans l'UEMOA ce régime gradué s'est traduit concrètement, par la réduction d'abord de 5% des droits et taxes d'entrée pour les produits industriels originaires non agréés, ensuite il y a eu une réduction de 30% des droits et taxes d'entrée pour les produits industriels originaires agréés qui bénéficient de la taxe préférentielle communautaire (TPC) qui caractérisait le régime transitoire de ces produits industriels originaires. Aussi on a procédé à un abattement de 60% à partir du 1er Juillet 1997 des droits et taxes d'entrée pour les biens industriels agrées originaires. La règlementation a par la suite maintenu le taux d'abattement de 60%28(*) jusqu'au 31 Décembre 1998, concernant les droits d'entrée pour les produits industriels originaires agrées. Un an et demi plus tard l'abattement est porté à 80%29(*), et les 20% restants vont être taxables jusqu'en 2000. Et enfin le désarmement tarifaire intégral de 100% est intervenu à partir du 1er Janvier 2000 pour les produits originaires agréés. Aujourd'hui 2136 produits industriels originaires agréés, fabriqués par 489 entreprises dans sept Etats membres, circulent dans le cadre du régime tarifaire préférentiel à la suppression totale des droits et taxes entre Etats membres, et cela est financé non pas par des contributions, mais par des ressources propres collectées sur les importations provenant d'Etats tiers. Le traité a également prévu la compensation temporaire automatique par étape jusqu'au 31 Décembre 2005, la compensation des moins-values des recettes douanières subies par les Etats du fait de l'application du régime tarifaire préférentiel. Il a été adopté l'acte additionnel 06/99 en date du 08 Décembre 1999 instituant le dispositif de compensations financières au sein de l'UEMOA. Cela est également prévu par l'article 58 du traité, qui dispose à cet effet que : « Les moins values de recettes douanières subies par certains Etats membres du fait de la mise en place de l'union douanière font l'objet d'un traitement spécifique temporaire. Ce traitement comprend, durant une phase transitoire, un dispositif automatique de compensations financières ». Par ailleurs d'autres mesures relatives à la facilitation de la libre circulation des marchandises ont été posées à savoir :

- l'adoption d'un programme minimum de politique commune, de production et d'élevage au sein de l'UEMOA

- l'adoption d'un programme communautaire d'infrastructures et des transports routiers de l'UEMOA

- l'adoption d'un programme communautaire de construction des postes de contrôle juxtaposées aux frontières des Etats membres.

Les Etats de l'Ouest Africain ayant pris conscience de l'importance prépondérante des services dans les échanges, et pour la croissance et le développement de l'économie, ont posé également le principe de leur libéralisation.

Ainsi dans le domaine des télécommunications les jalons de l'harmonisation des législations de ce secteur en Afrique de l'Ouest, ont été posés à Dakar lors de la troisième assemblée générale de l'ARTAO (Association des Régulations des Télécommunications de l'Afrique de l'Ouest). En plus de l'effort qui est fait sur le plan économique et sur celui de la circulation des biens et des personnes dans l'espace CEDEAO, tous les pays de l'Afrique de l'Ouest s'engagent aujourd'hui dans une harmonisation des politiques de réglementation et de régulation des télécommunications, afin de permettre une même compréhension des choses partout dans l'ouest Afrique. Toute fois un long chemin reste encore à parcourir en la matière.

Par ailleurs faut dire que plusieurs autres secteurs ont fait l'objet d'une législation au sein de l'UEMOA relativement à la libéralisation de ces services. On peut ainsi évoquer la Directive n°05/2006/CM/UEMOA relative à l'harmonisation des régimes applicables aux opérateurs de réseaux et fournisseurs de services, le Règlement n° 06/2005/UEMOA relatif aux conditions de délivrance des licences, de formation et de contrôle des membres d'équipage de conduite avion.

Au demeurant il faut rappeler que les Etats de l'UEMOA sont des Etats sous développés. A ce propos il s'agit d'Etats qui connaissent une forte dépendance, sur le plan budgétaire, par rapport aux recettes douanières. En moyenne pour chacun des Etats membres, les revenus des droits de douanes sont compris entre 38% et 56% des recettes budgétaires. Dans une telle situation, il est aisé de comprendre que les droits de douane ne peuvent pas être abolis sans difficultés. C'est la raison pour laquelle, comme dit plutôt pour certains produits comme ceux de type industriel, l'UEMOA a procédé par étape et par sélectivité. A coté de l'élimination de ces barrières tarifaires, l'établissement d'une TVA commune, ainsi que l'harmonisation des droits d'accises ont été mises en oeuvre.

b :L'établissement d'une taxe sur la valeur ajoutée commune et l'harmonisation

des droits d'accises

Aujourd'hui l'UEMOA s'est aperçue de l'effet des taxes sur les chiffres d'affaires, sur la libre circulation des produits et marchandises au sein de l'union. Et c'est pourquoi le premier champ de bataille en matière d'harmonisation des politiques fiscales des Etats membres fut l'institutionnalisation d'une taxe sur la valeur ajoutée commune. Car comme l'a précisé le conseil des ministres en Juillet 199830(*) « les objectifs d'harmonisation des politiques fiscales des Etats membres visent le renforcement de la compétitivité économique des Etats, le développement du commerce avec le reste du monde, la création d'un marché commun régional favorisant une meilleure allocation des ressources et assurant plus d'équité entre les consommateurs à l'intérieur de l'union ». Il faut souligner que l'harmonisation d'autres taxes indirectes sont également en projet. Mais dors et déjà on peut dire que l'union a accompli de très grands projets et a réussi aujourd'hui à adopter via son Conseil une taxe sur la valeur ajoutée commune par Directive31(*) dont le taux est fixé à 18% du chiffre d'affaire. Pour son application le préambule de la Directive avait accordé une période transitoire aux Etats. Ainsi ils se devaient tous de prendre les mesures législatives, règlementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la Directive de 1998. D'ailleurs cela devait se faire dans les meilleurs délais puis que la date butoire était fixée pour le 31 décembre 2001. Pour l'applicabilité de la Directive, il est prévu que celle-ci s'applique aux livraisons des biens et des prestations de services, par exemple la vente, la fourniture d'eau, d'électricité, de gaz et de télécommunication. Les prélèvements sur la production de l'entreprise, les opérations de productions- ventes, de construction, de même que les importations sont aussi concernés par la nouvelle réglementation. Au regard de cette brève énumération, on peut dire que les autorités de l'Union ont une volonté de généraliser la TVA. Mais tout de fois le secteur agricole est exclu du champ d'application de la TVA par l'article 4 de la Directive, en attendant la définition d'une politique agricole commune. Ensuite la Directive a tenu à préciser aux termes des articles 12 et 13 son champ territorial. Il prévoit à ce propos que le lieu d'imposition d'une livraison est le lieu où le bien est réputé se situer, et lorsqu'il s'agit d'une prestation de service, c'est le lieu où se produit l'exécution du service qui est considéré. Par la suite la Directive a également défini son champ ratione personae, c'est-à-dire ceux à qui elle s'applique. Ainsi l'article 6 dispose que : « Est assujettie toute personne physique ou morale qui réalise d'une manière indépendante les activités économiques de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, ainsi que toutes les opérations annexes qui y sont liées...Est également assujettie la personne qui effectue l'une des opérations du champ d'application à titre occasionnelle. Par conséquent, n'ont donc pas la qualité d'assujettis : l'Etat, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public. Mais toute fois il faut préciser que le régime spécial ne leur est refusé que s'ils accomplissent des activités du domaine industriel et commercial quel que soit le statut de l'établissement gestionnaire.

Mais par ailleurs il y a lieu de savoir quand est ce que la TVA frappe le chiffre d'affaire ? A cette question c'est les articles 15 et 16 qui nous renseignent que : « Les Etats déterminent le seuil de chiffre d'affaire annuel au dessous duquel les entreprises ou tout autre prestataire ne sont pas assujetis à la TVA...Le montant du chiffre d'affaire annuel tous droits et taxes compris constituant le seuil d'assujettissement est compris entre 30 et 50 millions de FR CFA ( les entreprises réalisant des opérations de livraisons de bien, et entre 15et 25 millions pour les entreprises de prestations de services ». Dans le cas contraire c'est le régime du réel dont le taux est compris entre 15 et 20 % qui doit s'appliquer. Cependant, par une sorte de gentleman agreement, les Etats ont choisi aujourd'hui le taux de 18 %. C'est ainsi que le Sénégal par exemple a modifié son code général des impôts, le Mali également en 199932(*).

Il ne faut pas manquer de souligner que dans ce cadre, l'élève a dépassé le maître, car l'Union marque aujourd'hui une avancée considérable par rapport au marché commun de l'union européenne..

Toujours au chapitre de l élimination des barrières tarifaires, en vue de permettre une meilleure fluidité des échanges commerciaux, fut adoptée une réglementation commune des droits d'accises et de la taxation des produits pétroliers. C'est ainsi qu'une directive datant du 22 Décembre 1996 33(*)vient régler la question. Selon ses visas il s'agit de « réaliser la cohérence des systèmes internes de taxation, et d'assurer l'égalité de traitement des opérations économiques... et d'améliorer le rendement des différents impôts ». L'harmonisation a donc consisté à la limitation du nombre des produits passibles de droits d'accises, et d'établir des méthodes convergentes de détermination de la base taxable. C'est ainsi que le conseil des ministres a dressé la liste des produits qui peuvent faire l'objet de l'imposition. Aujourd'hui les Etats soumettent aux droits d'accises deux catégories de produits34(*).

A l'analyse, on notera que le choix de ces produits n'est pas innocent. Car la remarque est apparue qu'il s'agit de produits nocifs ou dangereux pour la santé (alcool, excitant, ou pour la sécurité collective (armes et munitions).

Pour ce qui est du calcul de la taxation, la base d'imposition est constituée à l'importation par la valeur en douane majorée des droits et taxes perçus à l'entrée, à l'exception de la TVA. Mais en régime intérieur, c'est le prix de vente sortie usine qui est pris en compte à l'exclusion de la TVA. Il faut signaler également que la réglementation laisse une marge de manoeuvre aux Etats qui ont la latitude nécessaire de choisir entre un taux maximum et un taux minimum, tel que le démontre ce tableau qui va enrichir l'étude pratique de ce sujet.

Produits imposables

1. Boissons :

Boissons non alcoolisées à l'exclusion de l'eau

Boissons alcoolisées

2. Tabacs

3. Café

4. Cola

5. Farine de blé

6. Huiles et corps gras alimentaires

7. Thé

8. Armes et munitions

9. Produits de parfumerie et cosmétiques

Taux minimal

0%

10%

10%

1%

10%

1%

1%

1%

15%

5%

Taux maximal

20%

45%

40%

12%

30%

5%

15%

12%

40%

15%

Concernant la taxation des produits pétroliers c'est une Directive du conseil des ministres de l'union,35(*) qui est venue préciser une réglementation harmonisée. Le conseil des ministres a en effet considéré que la disparité des modes de taxation des produits pétroliers ne facilite pas la mobilité des entreprises au sein de l'Union, et qu'elle affecte la perception des coûts relatifs de chaque produit, et des différents produits dans chacun des pays. Donc suite à un tel constat l'harmonisation de cette taxation en vue d'assurer la simplification et l'uniformisation des modalités des taxations, s'avérait nécessaire, des mesures allant dans ce sens ont été prises. Concrètement la Directive a listé des produits tels que le gazole, le fuel domestique, le fuel léger, le pétrole lampant, le super carburant l'essence ordinaire entres autres. Et pour tendre vers la convergence voulue, c'est-à-dire une réduction des écarts de droits appliqués par les Etats, les articles 15 à 18 ont fixé une fourchette qui oscille entre 100 FR et 20 FR CFA

Pour clore cette partie de notre étude, il faut dire que malgré tous ces efforts démontrant la volonté avouée des Etats membres de l'Union, à concourir sans ménagement aux démantèlements des barrières tarifaires avec tous les sacrifices que cela nécessite sur le plan de la souveraineté, des difficultés restent encore à surmonter. Car il n'est pas chose inconnue que la totalité des pays concernés sont des Etats sous développés. Néanmoins inlassablement ces Etats continuent de lutter pour une réelle effectivité du marché commun, et ils ont à ce propos prévu l'élimination de certaines autres barrières non tarifaires.

B : La libéralisation des facteurs de production

La libéralisation des facteurs de production au sein de l'Union a nécessité la consécration de deux principes. Il s'agit d'une part de celui de la liberté de résidence et de circulation des personnes (a), et d'autre part de celui de la libre circulation des mouvements de capitaux

a : La consécration du principe de la liberté de résidence et de circulation des

personnes

L'intégration juridique enclenchée aujourd'hui au sein de l'UEMOA ne prend pas uniquement sous son orbite les activités économiques. En effet les animateurs de la vie des affaires sont également concernés, les personnes physiques ou morales bénéficient aujourd'hui du même régime de liberté au sein de l'espace communautaire, rendu homogène par la règle de droit. Cette liberté de circulation des personnes est prévue dans le traité UEMOA par les art 91 et suivants et dans la communauté soeur de la CEDEAO, par le protocole A/P1/5/79 signé le 29 Mai 1979 à Dakar. A l'heure actuelle, les seuls textes adoptés légiférant sur les questions migratoires sont : le 1er traité constitutif de 1994, et le traité révisé de 2003. Les arts 91 à 100 du traité de 1994 précisent les dispositions relatives à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Les ressortissants de l'UEMOA selon les dispositions de l'art 91

« bénéficient sur l'ensemble du territoire de l'Union de la liberté de circulation et de résidence ». Plus spécifiquement ce droit implique la possibilité d'occuper tout emploi sur le territoire d'un Etat de l'UEMOA, excepté dans la fonction publique, de s'y déplacer, d'y séjourner et d'y résider après y avoir exercé un emploi. Certaines réserves s'appliquent cependant aux droits accordés aux ressortissants des pays membres de l'UEMOA, selon la discrétion de chaque Etat, notamment pour des raisons relatives au droit d'établissement dont bénéficie tout ressortissant de l'Union. Tout ressortissant pourra exercer des activités non rémunérées et se constituer en entreprise. Ils peuvent aussi fournir des prestations de services dans un autre Etat membre dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants.

Il apparaît que l'UEMOA a élaboré beaucoup d'instruments juridiques visant à assurer la liberté de circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement, si on la compare par exemple à la CEDEAO. Cependant malgré le fait qu'elle soit allée beaucoup plus loin dans la mise en oeuvre du marché commun entre les pays francophones de l'Afrique de l'ouest, le dossier des migrations n'a pas été saisi de la même importance que les autres. Il faut toute fois souligner les difficultés d'application de ce principe de liberté de circulation de résidence et surtout d'établissement dans l'espace ouest africain car les citoyens des différents pays membres ne cessent de se heurter à des tracasseries administratives lors de leur installation ou séjour, les politiques de nationalisation et les contrôles intempestives pour ne citer que ceux là sont autant de facteurs qui entravent l'effectivité de ce principe.

La consolidation de l'intégration juridique, qui est le gage de la réalisation du marché commun, repose également sur un autre principe fondamental de libéralisation, relatif à ce qui peut être considéré comme le moteur de toute activité économique : les capitaux.

b : Le principe de la liberté des mouvements de capitaux et la règlementation

des systèmes de paiement

En matière de circulation des capitaux, les restrictions à l'intérieur de l'union, s'il s'agit des personnes résidant dans les Etats membres, sont interdites dans l'UEMOA. C'est ainsi que des règles relatives au régime applicable aux membres de familles des personnes faisant usage de ces droits ont été adoptées, afin d'assurer aux travailleurs migrants et à leurs ayants droits la continuité de la jouissance des prestations susceptibles de leur être données au titre des périodes d'emploi successive sur le territoire de tous les Etats membres et de préciser la portée des limitations justifiées par des raisons d'ordre, de sécurité publique et de santé publique.

D'une manière générale dans le cadre du marché interbancaire de l'UEMOA, tous les mouvements de capitaux entre les Etats membres de l'union sont libres et s'effectuent sans aucune restriction conformément aux arts 76, 96 et 97 du traité de l'UEMOA. Ensuite une réglementation du 20 Décembre 1998 a été prise pour s'appliquer aux relations financières entre les Etats membres et les pays étrangers par le Conseil des Ministres de l'Union. Elle complète aussi les réformes mises en oeuvre depuis 1989 dans le cadre de la modernisation des règles et de gestion de la politique de la monnaie et du crédit, et cela traduit de ce fait la libéralisation totale des opérations courantes des Etats, et la volonté de ceux-ci de poursuivre une libéralisation progressive des opérations en capital.

Il serait opportun de souligner que l'UEMOA se caractérise aussi par l'adoption d'une réglementation uniforme des échanges. Cette réglementation ayant comme objectif particulière d'assurer la liberté des relations financières au sein de la zone franc.

Par ailleurs, il est évident que l'on ne peut règlementer les relations financières, en occultant leur cadre d'expression, en l'occurrence les banques et établissements financiers. C'est pour cette raison que l'Union a élaboré depuis 1990 une réglementation uniforme portant sur l'activité bancaire, c'est la loi N°90/06 du 26 juin 1990 qui définit de façon explicite la profession bancaire à son article 3 : « sont considérées comme des banques, les entreprises qui font profession habituelle de recevoir des fonds, dont il peut être disposé par chèque ou virement, et qu'elles emploient pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui en opération de crédit ou de placement » . Mais en outre pour faciliter les relations financières, l'Union a mis par la voie d'un règlement une législation uniforme relative aux systèmes de paiement. Il s'agit du règlement

15- 2002/CM/UEMOA du 19 septembre 2002. C'est dans ce règlement que l'on retrouve les dispositions relatives au billet à ordre, à la lettre de change, au chèque et à la carte de paiement. Ainsi au sein de tous les Etats membres, les effets de commerce, les instruments de crédit dans leur diversité, ainsi que tous les moyens de paiements sont soumis aux mêmes règles de fond et de forme clairement définies par le règlement en vigueur. De surcroît dans un souci de sécurisation des opérations financières, de protection de ces animateurs, mais aussi et surtout d'une promotion des mouvements de capitaux, dans des conditions de rapidité et de sécurité, l'Union a également élaboré une réglementation plus ou moins spécifique au système de paiement scriptural. En effet le constat fait dans l'espace communautaire, révèle une très faible utilisation des moyens de paiements scripturaux, en l'occurrence le chèque. Alors que ce dernier comporte un certain nombre d'intérêts, très bénéfiques pour un système financier. Il a des vertus sécuritaires, par rapport à la manipulation des espèces, le chèque permet aux pouvoirs publics de procéder à des contrôles fiscaux, et il offre au banquier des possibilités de vérifications très aisées. C'est la raison pour la quelle des mesures de promotion de la bancarisation ont été prises. Il en est ainsi de la Loi 2004- 15 du 04 juin 2004. Cette nouvelle réglementation prévoit des privilèges pour les utilisateurs des systèmes scripturaux de paiement, tels que les exonérations de taxes para fiscales, mais aussi des obligations. Par exemple il est prévu que certains paiements doivent être nécessairement faits par chèques ou par virements. Il en est ainsi des salaires, du paiement d'indemnité et autres prestations dues par l'Etat, les entreprises, ou autres personnes publiques, et para publiques, aux personnes et agents ou à leurs familles, ainsi qu'aux prestataires. Mais toute fois pour que cette obligation soit de vigueur, il faut que le montant soit supérieur ou égal à 100. 000 FR (cent milles), une somme de référence fixée sur instruction par l'institut d'émission de l'UEMOA en l'occurrence la Banque centrale. La même obligation est retenue s'agissant du paiement des impôts et taxes dues à l'Etat. A coté il y a aussi des mesures relatives à la promotion des moyens de paiements scripturaux et à la détermination des intérêts exigibles en cas de défaut de paiement36(*). Cette réglementation émanant de la banque centrale assure d'abord la promotion des moyens de paiements scripturaux, en instaurant un droit au compte désormais reconnu à toute personne physique ou morale qui justifie d'un revenu régulier d'un montant supérieur ou égal à 50.000FR CFA. En outre face à l'aversion de certains opérateurs quant à l'utilisation du système scriptural, l'article 2 de l'Instruction de 2003 prévoit l'obligation pour tout commerçant d'accepter tout paiement ou versement de somme d'argent par virement ou par chèque, dont le montant est supérieur ou égal à 100. 000FR. En somme il faut retenir que la volonté de scripturalisation est motivée par une double considération, il permet d'une part de lutter contre les inconvénients que regorge la monnaie fiduciaire, entres autres son caractère inflationniste. D'autre part elle participe surtout à la libre circulation des capitaux dans l'UEMOA, eu égard à la rapidité du système bancaire et de ses moyens de paiements modernes. Par ailleurs et dans le même sens, il existe aussi un mécanisme de suivi de la libre circulation des capitaux et cela permet aux Etats membres de notifier à la commission toutes restrictions maintenues. Egalement l'AMAO (Agence Monétaire de l'Afrique de l'Ouest) a été également crée en vue de la facilitation de l'utilisation des monnaies locales dans les transactions commerciales de l'Afrique de l'ouest. Cependant lors même que le désir de l'Union est aujourd'hui de libéraliser la circulation des mouvements de capitaux, l'entité communautaire tient toute fois à assainir les masses de capitaux qui circulent dans les territoires de ses Etats. Ainsi une réglementation uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme a été adoptée pour neutraliser tous les revers que comporte le principe de libéralisation. En effet il a d'abord adopté le 19 septembre 2002 une Directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Finalement l'option a été prise d'élaborer une loi uniforme, qui fut adoptée le 19 mars 2003. Mais il faut reconnaître que ce principe de libéralisation des mouvements de capitaux, tout comme les schémas de libéralisation des échanges dans l'Union butent sur de nombreux obstacles, et beaucoup d'efforts restent encore à faire pour la réelle effectivité de l'intégration économique de l'Union ouest africaine, une prouesse que la règle devra se charger d'accomplir par des réformes juridiques nouvelles. Au demeurant, après avoir mis en exergue ce que l'Union présente aujourd'hui comme réalisation sur le plan des échanges intérieurs, il y a lieu de voir maintenant ce qui est prévu lorsqu'il s'agit d'opérations d'échanges avec les pays hors union.

PARAGRAPHE II : L'harmonisation du régime des échanges extérieurs

L'intégration juridique au sein de l'UEMOA, relativement au domaine de la fiscalité ne se borne pas au plan interne. En effet dans le cadre des échanges internationaux, les observateurs du dehors, les partenaires économiques remarquent l'homogénéité des législations des pays membres, grâce au l'unique « langage fiscal » de l'Union. C'est ainsi que le régime juridique des échanges extra communautaire est matérialisé aujourd'hui par l'établissement d'un statut douanier unique de la marchandise (A), et par celui d'un tarif extérieur commun (TEC) (B).

A : Le statut douanier unique de la marchandise

Conformément à l'art 4 du traité UEMOA qui à son paragraphe (e) prévoit l'adoption d'une politique commerciale commune, dans l'espace UEMOA un statut douanier est conféré à toute chose transférable contre une valeur. Ce statut douanier qui peut se concevoir comme la carte d'identité de la marchandise, est composé de 3 éléments : la valeur en douane, l'espèce et l'origine de la marchandise. Pour ce qui est de l'espèce tarifaire l'art 19-1 du code des douanes communautaire prévoit que, c'est la dénomination qui lui est donnée selon les règles en vigueur dans la nomenclature tarifaire et statistique du règlement numéro 23-2002 CM UEMOA 18 Nov. 2002 entré en vigueur le 1er Janv. 2003. C'est en fait un document volumineux dans lequel sont répertoriés par catégories tous les produits considérés comme marchandises. De sorte qu'à chaque marchandise correspond un numéro de code qui figure sur la déclaration en douane pour permettre de déterminer le taux de droit de douane de TVA et de taxes parafiscales. Quant à la valeur en douane c'est la valeur du produit telle qu'elle est déclarée à l'administration douanière. Son importance résulte du fait que les droits de douane sont fixés ad valorem, cela permet de déterminer la valeur du produit. Ainsi à l'exportation par exemple, la valeur à déclarer est celle hors taxe à la sortie du territoire national, et à l'importation la valeur à déclarer est celle de la marchandise à l'entrée de l'UEMOA.

Mais l'art 16 du règlement de l'UEMOA prévoit qu'en cas de doute sur le prix déclaré, les services de douane peuvent exiger des justificatifs complémentaires. Concernant l'origine, dernier élément du statut douanier son intérêt est capital car les droits de douane dans l'espace ouest africain peuvent différer pour un même produit en fonction de l'origine.

L'origine permet dans l'espace ouest africain de savoir quelle réglementation appliquer, notamment les droits dumpings ou compensateurs. Cependant bien qu'il n'existe pas de définition internationale de l'origine, on peut affirmer que la marchandise a pour origine le pays ou à eu lieu la dernière transformation substantielle. Si l'on imagine par exemple un produit originaire du Bénin pays membre de l'espace ouest africain. Si le bien est exporté ensuite dans un Etat européen, puis réexporté mais en état au Mali, autre pays ouest africain. Le mali va appliquer à ce produit les taux préférentiels qui unissent les Etats de la CEDEAO et de l'UEMOA, par ce que justement le produit n'a subi aucune transformation substantielle malgré le détour en Europe.

Ainsi considéré on peut dire qu'avec le statut douanier, le marché commun en Afrique de l'Ouest dispose d'un atout certain. Les marchandises de l'espace communautaire sont distinguées de celles qui en sont étrangères, et cela favorise une facilitation dans les opérations d'import export dans l'UEMOA. Pour la réglementation commune des échanges extra communautaires, l'entité ouest africaine a élaboré une autre technique de mise en commun participant à la consolidation du marché commun

B : L'établissement du tarif extérieur commun dans l'UEMOA

L'harmonisation des politiques douanières et commerciales est une donnée maîtresse dans la stratégie d'intégration, d'unification des marchés. A ce niveau l'un des acquis majeurs de l'espace ouest africain c'est sans nul doute l'entrée en vigueur du TEC UEMOA en 2000. En effet pour les besoins du marché commun, le Tec constitue plus qu'une nécessité. Mais pour satisfaire aux objectifs de l'art 4 du traité il a fallu que l'UEMOA fasse preuve de réalisme, il a fallu également que de la part des Etats ceux-ci fassent prévaloir le volontarisme politique sur la simple logique comptable. Car à terme cela devrait apporter le salut à tout l'espace ouest africain. Le Tec qui est la marque d'une politique extérieure commune est entré en vigueur dans l'UEMOA en Janvier. 2000. Il constitue avec la taxe préférentielle communautaire les composantes essentielles d'un véritable cordon douanier.

Le tarif extérieur commun est en réalité la somme de trois droits permanents : le droit de douane, la redevance statistique au taux unique de 1% sans exonération, et le Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) au taux unique de 1%. Selon les experts de l'institution le TEC poursuit trois objectifs principaux à savoir l'ouverture de l'espace vers l'extérieur, la protection de la production communautaire et la lutte contre le détournement de trafic. L'établissement du Tec s'est fait donc de façon progressive. En effet dés le 1er Juillet 1996 la mise en application du régime tarifaire préférentiel a permis la levée immédiate de toutes les barrières non tarifaires entravant les échanges entre les Etats, autorisant du coup la libre circulation en toute franchise de tous droits et taxes d'entrée des produits du cru et de l'artisanat qui sont originaires de l'un des Etats membres. Ensuite au chapitre des réformes pour la naissance du TEC, il y'a eu une réduction de 30% des droits et taxes d'entrée pour les produits industriels originaires agréés. Le régime tarifaire de 1996 offrait une réduction de 5 % des droits et taxes d'entrée pour les produits industriels originaires non agrées, un abattement de 60% pour les produits industriels originaires agrées.

Au 1er Janv. 1999, il y'a eu ensuite un abattement de 80% des droits d'entrée pour les produits industriels originaires non agrées et un désarmement tarifaire intégral de 100% pour les produits originaires agrées. La mise en oeuvre progressive du TEC va également entraîner l'abaissement du taux du droit de douane à 30% maximum hors redevance statistique du 1er Juillet au 31 Dec 1998, ensuite à 25% maximum du 1er Janv. au 31 Dec 1999. A l'heure actuelle et ceci depuis le 1er Janv. 2000 le TEC se présente comme suit : le taux de droit de douane (20%), la redevance statistique (1%) et le prélèvement communautaire de solidarité (1%). En somme, on doit dire qu'il a fallu un sacrifice de la souveraineté fiscale internationale des Etats de l'UEMOA pour que le Tec puisse voir le jour.

En définitive il convient de retenir, que l'analyse faite dans ce chapitre à surtout démontrer la différence qui existe entre l'UEMOA et l' OHADA dans la réalisation de leurs objectifs stratégiques. Les deux entités partagent les mêmes ambitions à savoir le développement économique de leurs Etats membres, grâce à l'existence d'une réglementation juridique forte, mais eu égard aux ambitions purement macro économiques que l'Union s'était fixée au moment de la réforme qui lui a donné naissance en 1994, la règlementation qu'elle secrète prend en compte des domaines qui sont jusque là étrangers à la législation uniforme de l'OHADA. Mais si par rapport aux domaines de l'activité économique l'UEMOA et l'OHADA, ne les règlementent pas tous ensembles, sur le plan de l'activité juridictionnelle, nos deux institutions semblent s'inscrire dans la même logique de rapprochement

CHAPITRE II : L'unification au sommet du système juridictionnel

La dynamique d'intégration enclenchée aujourd'hui en Afrique de manière générale, particulièrement dans l'UEMOA et dans l'OHADA, met en relation les ressortissants des différents Etats membres et les Etats eux mêmes. Ceux-ci nouent des relations d'affaires, et contractent dans un cadre de partenariat et d'intérêts communs. Cependant ces rapports ne manquent pas parfois d'engendrer une dynamique conflictuelle, qui peut déboucher malheureusement sur de véritables litiges. De ce fait évoluant aujourd'hui dans un cadre intégré, la résolution des conflits doit obéir nécessairement à un système arbitrale ou juridictionnel intégré. C'est ce qui justifie l'existence par souci de cohérence, de juridictions intégrés ou cours communautaires dans l'UEMOA et l'OHADA. Le système juridictionnel communautaire c'est donc l'ensemble des mécanismes de justice, à savoir les juridictions elles mêmes, et les voies de droit qui assurent la mise en oeuvre et la garantie de l'effectivité du droit communautaire, et par voie de conséquence la promotion de l'intégration. Il est garant de stabilité et de relations pacifiques à l'intérieur des deux entités inter gouvernementales. Sous ces éclairages, dans le cadre de ce chapitre consacré à l'étude des modes juridictionnels, et les règlements des conflits dans l'espace intégré de l'UEMOA et de l'OHADA. Il s'agira de voir les règles de fonctionnement et de procédure des juridictions communautaires (Section I), pour ensuite mettre l'accent sur une analyse de l'étendue de la compétence des juridictions communautaires (Section II).

SECTION I : Les règles de fonctionnement et de procédure des juridictions communautaires.

A l'image de toutes les juridictions nationales ou communautaires, celles de l'UEMOA et de l'OHADA sont soumises à des règles qui déterminent les modalités de leur bonne marche, ainsi que les voies et moyens permettant d'y accéder. Sur ce, il apparaît que les règles qui déterminent le fonctionnement des cours sont prévues dans les traités de base, les actes additionnels, les protocoles, mais également les règlements de procédure des cours elles mêmes. Donc nous allons dès lors voire les règles de fonctionnement des juridictions de l'UEMOA et de l'OHADA ( Paragraphe I), pour ensuite préciser conformément à la réglementation en vigueur les règles de procédure qu'il faut respecter devant les juridictions communautaires (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : Les règles de fonctionnement des juridictions communautaires

A ce niveau il s'agira de voire les règles générales de fonctionnement (A), et les règles qui sont spécifiques à la prise de décisions (B)

A : Les règles générales de fonctionnement des juridictions communautaires

A l'analyse il apparaît que c'est les mêmes règles que celles qu'on trouve habituellement dans les organisations internationales qui sont en vigueur au sein de l'UEMOA et de l'OHADA. Il s'agit en effet de la détermination du siège des cours. Le siège est fixé par la Conférence des chefs d'Etats et de gouvernement. Ainsi s'agissant de la cour de justice de l'Union, conformément à l'Acte additionnel n° 10/96 portant statuts de la cour, au regard du protocole additionnel n° 1 relatif aux organes de contrôle de l'UEMOA, il a son siège à Ouagadougou. Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord le traité lui-même à son article 9, mais également le règlement de procédure de la cour qui renseigne sur le siège de la CCJA, à savoir la Côte d'Ivoire. Cependant il n'est pas exclu que les cours se déplacent pour statuer dans les différents Etats membres. Ensuite les règles de fonctionnement concernent la convocation des réunions, la durée des sessions et la date des sessions. Dans les deux institutions c'est le président de la cour qui en fonction du rôle des audiences, détermine la date convoque les membres, et fixe la durée des sessions. Aussi pour le fonctionnement des cours communautaires, il y a une question parfois très complexes qu'il faut régler, c'est celle de la langue de travail. Au sein de la CCJA 37(*)comme au sein de la Cour de justice de l'Union38(*) c'est le français qui est la langue de travail, par conséquent c'est le français qui est utilisé devant les cours communautaires, mais il est toute fois donné aux juridictions d'utiliser la langue du défendeur lorsque celui-ci ne comprend pas la langue de travail. Par rapport à l'imposition du français comme langue de travail, cela est certes concevable, du fait que la majorité des Etats membres sont francophones. Les quelques Etats s'accommodent actuellement de l'inconvénient consistant à traduire les textes de lois ou les décisions de justice. Cependant il sera inconcevable de maintenir le monopole de la langue française si les deux organisations recueillent l'adhésion d'autres Etats non francophones. Enfin comme règles de fonctionnement, il y a la question des vacances judiciaires, et les congés qui sont fixés par les cours. A côté de ces règles techniques de fonctionnement, il existe par ailleurs d'autres règles qui organisent la conduite de l'instance.

B : Les règles spécifiques à la prise des décisions

Pour la prise de décision au sein de la Cour de justice, et de la CCJA, il y a un certain nombre de règles qui sont fixées. En effet il y a d'abord le quorum qui est exigé, et lorsqu'il n'est pas atteint l'instance ne peut se tenir, elle est ajournée. Dans le cadre de la CCJA le quorum est fixé à 5 juges par l'article 21 du règlement de procédure de la cour, et à la Cour de justice de l'Union le nombre de trois (3) juges est exigé aux termes de l'article 17 du règlement de procédure de la cour. De même pour la cour de justice de l'Union comme pour la CCJA, il est prévu que les délibérations ne seront prises qu'en nombre impair. Et même s'il existe un président de la cour, celui-ci n'a pas une voie prépondérante dans la cour de justice de l'UEMOA, contrairement au système en vigueur dans la CCJA, où le règlement de procédure retient l'idée de prépondérance de la voie du président. Par ailleurs il faut aussi ajouter qu'aucune partie ne peut invoquer la nationalité d'un juge, ou l'absence d'un juge de sa nationalité pour demander la modification de la composition de la cour. Pour ce qui est de la tenue des audiences, les règlements des deux cours prévoient qu'elles se tiennent publiquement, mais toute fois à la demande d'une partie, ou à l'initiative de la Cour le huis clos peut être prononcé. Lors de la tenue des séances, les membres des deux cours sont tous dans l'obligation d'y assister, sauf s'il évoque des motifs sérieux qui les empêchent de se présenter. Mais à ce niveau il faut aussi souligner que ce sont les seuls juges qui auront assisté à la procédure orale qui pourront prendre part aux délibérés. Cependant si un juge de la CCJA ou de la Cour de justice a déjà été l'avocat, le conseiller ou l'agent d'une personne partie au procès ouvert, il ne peut pas participer au règlement de l'affaire. Et en cas de suspicions légitimes, il appartient au président des Cours d'écarter le ou les juges concernés. Enfin pour le prononcé des délibérations les règlements des deux cours communautaires de l'OHADA39(*) et de l'UEMOA, retiennent le principe du secret des décisions, et elles sont prises à la majorité des juges. Par ailleurs relativement au processus il y a lieu de remarquer la différence qui existe entre les juridictions internationales et les juridictions communautaires particulièrement celles de l'UEMOA et de l'OHADA. En effet au sein des juridictions communautaires les décisions ne peuvent être que collectives, alors que pour ce qui est des juridictions internationales, les opinions dissidentes ou individuelles de certains juges minoritaires ne sont pas autorisées. Une telle possibilité qui existe pour la CCJA et la Cour de justice, et qui est absente en droit international, permet mieux de préserver l'indépendance des juges vis-à-vis des gouvernants et des opinions publiques. Au demeurant après avoir mis en lumière les règles qui organisent la vie des juridictions, il s'agira maintenant de montrer le comportement aussi bien des particuliers que des juges dans la conduite de l'instance

PARAGRAPHE II : Les règles de procédure devant les juridictions

communautaires

Même si les juridictions de l'UEMOA et de l'OHADA ont une vocation communautaire, comme au plan interne il existe des règles qui encadrent la bonne marche du procès. Ainsi la règlementation en vigueur devant les deux cours, prévoit que la procédure est contradictoire, publique et gratuite. Elle doit préserver l'égalité des plaideurs, et la libre discussion de leurs arguments. La lecture des règlements relatifs aux deux juridictions permet de dire qu'il existe une procédure ordinaire (A), et une procédure d'urgence (B)

A : La réglementation de la procédure ordinaire

En réalité la procédure ordinaire ou normale en vigueur au sein des juridictions de l'UEMOA et de l'OHADA est de nature mixte. Car elle comporte une double phase : une phase écrite, et une seconde étape orale, toute fois entre les deux phases, il peut y avoir une phase d'instruction. Pour ce qui de l'étape écrite, il faut tout d'abord distinguer entre l'introduction de l'instance et la conduite de l'instance. Pour ce qui est de la première il s'agit d'une requête introductive d'instance, accompagnée d'une consignation au greffe de la juridiction. Tout demandeur à la cour de l'UEMOA ou de l'OHADA doit introduire une requête adressée au greffe des cours. Les cours peuvent être saisies soit par un Etat, soit par un organe de l'organisation, ou de la communauté, soit enfin par toute personne physique, ou morale justifiant d'un intérêt légitime. Lorsque la requête est introduite elle doit contenir un certain nombre de mentions à peine d'irrecevabilité. Il s'agit de l'état civil (nom, prénom...), domicile du requérant, les statuts et ou extrait du registre de commerce, ou toute autre preuve de l'existence juridique, lorsqu'il s'agit de personnes morales, et le nom et l'adresse de l'agent ou de l'avocat des constitués. Elle doit contenir également la désignation de la partie défenderesse, l'objet du litige, les conclusions, l'exposé des faits et des moyens, et éventuellement l'acte dont l'annulation est demandé. Dans le cas spécifique de la CCJA l'article 28 du règlement de la cour indique le recours doit préciser l'acte uniforme ou le règlement dont l'application dans le litige occasionne la présente saisine. La requête doit aussi obéir au principe du multiple, en effet outre l'originale, elle doit être établie en autant d'exemplaires que de parties40(*), mais aussi dans la CCJA le règlement prévoit41(*), que sept ( 7 ) copies doivent être remises à la Cour, certifiées conformes par leur auteur. La requête doit être datée et signée par le demandeur ou par son agent. Par ce que, il faut surtout le préciser, c'est la date du dépôt au greffe ou celle du cachet de la poste, qui fait foi au regard des délais de procédure. La requête est introduite à peine d'irrecevabilité dans les délais fixés par les textes pour chaque recours. Par exemple au niveau de la CCJA42(*) le délai est fixé dans les deux mois de la signification de la décision attaquée. Dans l'UEMOA l'article 15 du règlement de procédure fixe également le délai à deux mois à compter de la publication de l'acte, de sa notification au requérant, ou à défaut du jour où celui-ci en a eu connaissance. Mais lorsqu'il s'agit d'une action en responsabilité contre l'Union, ou celle de l'Union contre les tiers ou ses agents, elle se prescrit par trois mois.

Par ailleurs après l'introduction de l'instance, c'est-à-dire la remise du recours auprès des greffes, il y a la phase de conduite de l'instance. Au niveau de celle-ci le greffier inscrit d'abord le dossier au rôle général, mais dans les deux cours c'est le président qui désigne un juge rapporteur chargé de suivre et d'instruire l'affaire. Par la suite la requête sera signifiée à la partie adverse qui dispose d'un délai de trois mois dans la CCJA, et d'un mois dans la Cour de justice de l'Union pour produire un mémoire de défense. En effet le règlement de la CCJA à son article 30 donne la possibilité à toute personne partie à la procédure devant la juridiction nationale de présenter un mémoire en réponse. Et l'article 31 prévoit qu'un tel mémoire peut être complété par un mémoire en réplique émanent du requérant, d'un mémoire en duplique que le défendeur produit encore une fois. L'intérêt de ces documents ainsi considérés permet aux parties de faire des offres de preuves, mais elles doivent toute fois justifier les raisons du retard accusé à la production de telles preuves. Si par hypothèse les parties produisent des moyens nouveaux, c'est les président des cours qui autoriseront leur présentation dans un délai raisonnable Mais si une partie estime que les cours communautaires ne sont pas compétentes pour connaître de l'affaire à leur être soumise, l'exception à la compétence ou à la recevabilité du recours doit être présentée dans le délai fixé pour le dépôt de la première pièce de procédure émanent de la partie soulevant l'exception. Et dans cette hypothèse la cour a le choix entre joindre l'exception au fond, ou bien statuer distinctement sur sa compétence. Par ailleurs dans la conduite de l'instance il peut y avoir des incidences de procédure. Il en est ainsi des demandes incidentes additionnelles (lorsqu'elle émane du demandeur) ou reconventionnelles

(défendeur). Il peut s'agir aussi de l'intervention d'un tiers, celle-ci est recevable en tout état de la procédure, elle peut être spontanée ou provoquée par les parties. Egalement aux titres des incidences, il y a l'acquiescement, le désistement, et la péremption. L'acquiescement est le fait pour un plaideur de soumettre à la prétention de l'autre partie, il a la vertu de mettre fin à l'audience. Pour ce qui est du désistement c'est tout naturellement lorsqu'une partie décide de renoncer à la procédure. Un tel acte aura pour conséquence l'obligation pour la partie de supporter les dépens. Quant à la péremption lorsqu'il y a une discontinuité des poursuites pendant un mois, dans ce cas l'action sera éteinte. Aussi le décès, de même que la dissolution d'une personne morale, sont considérés comme des incidents de procédure devant les juridictions de l'UEMOA et de l'OHADA. En fin comme incident de procédure le système de récusation est également en vigueur au sein des cours communautaires. En effet si un juge est soupçonné pour ses opinions personnelles, son lien de parenté, d'amitié, ou l'inimitié en vers une partie, sa récusation se justifie.

Après la phase écrite, il est prévu au sein des deux cours communautaires de l'OHADA et de l'UEMOA une phase d'instruction. Celle-ci correspond aux investigations et recherches à la solution du litige C'est ainsi que le juge peut rendre par exemple un arrêt avant dire droit où il fixe les mesures d'instructions. De ce fait le juge peut procéder à des vérifications d'écritures, à des constatations de fait, en faisant des descentes sur les lieux. S'il en est ainsi c'est donc dire que la procédure au plan communautaire est de nature inquisitoriale, par ce qu'il apparaît que le juge participe à la recherche de la preuve de manière très active. Le rôle de ce juge rapporteur sera ponctué par l'ordonnance de clôture qu'il rend lorsque l'affaire est en état, et par son rapport qu'il présente à l'audience. Ainsi c'est après l'accomplissement de toutes les mesures d'instruction que la date de la procédure orale sera fixée.

La phase orale correspond à la seconde étape de la procédure, elle est prévue par l'article 34 du chapitre III du règlement de procédure de la CJU, intitulé d'ailleurs : De la procédure orale. Elle est également prévue dans la CCJA, à la différence toute fois que dans l'OHADA le règlement de procédure semble en faire une faculté : « ...La cour peut à la demande de l'une des parties organiser dans certaines affaires une procédure orale... ». Cette étape comprend de manière générale trois étapes. Il y a d'abord la lecture du rapport d'audience du juge rapporteur. Il y a ensuite l'ouverture des débats sous la direction du président, qui comme au plan interne exerce la police de l'audience. Pour ce faire il pose des questions aux agents et aux avocats des parties, ainsi qu'aux experts. Enfin la phase orale de la procédure est ponctuée dans la CCJA par l'établissement du procès verbal de chaque audience par le greffier, celui sera ensuite signé par le président et par le greffier en chef. Et dans la CJU, c'est après les conclusions de l'avocat général que le président du tribunal prononce la clôture de la procédure orale. Mais à coté de cette procédure ordinaire, la complexité de certaines affaires peut parfois occasionner un autre type de démarche devant les juridictions communautaires, et celle-ci est plus ou moins spécifique par rapport à la procédure normale.

B : Les règles spécifiques de la procédure d'urgence

A l'analyse des règlements de procédure de la CCJA et de la CJU, il existe en réalité deux types de procédures spéciales. Ces procédures sont explicitement prévues par le titre IV du règlement de procédure de la CJU intitulé : des procédures spéciales. Dans ce titre, même s'il n'est pas consacré une disposition spéciale à chaque type de procédure, comme c'est le cas dans d'autres réglementations communautaires, le fait que son premier chapitre soit dénommé : «  Du sursis et des autres mesures provisoires  », constate la prise en compte, et l'admission de toutes par l'UEMOA. Dans le cadre de la CCJA c'est plutôt l'article 46 du règlement de procédure qui prévoit les procédures d'urgence. D'abord on dira qu'il y a une procédure d'urgence lorsqu'une partie demande au juge d'ordonner des mesures provisoires ou conservatoires. Cette procédure d'urgence est appelée Référé, elle permet au juge de prendre toute mesure utile sans faire préjudice au principal. Le référé est prononcé lors d'une audience spéciale, par le biais d'une ordonnance. Celle-ci est exécutoire avec ou sans caution selon la décision du juge. Mais elle n'a qu'un caractère provisoire, en ce sens elle ne peut avoir aucune influence sur la décision finale du juge statuant sur le principal. La seconde mesure spéciale c'est lorsque l'une des parties au procès demande la suspension de l'exécution de la décision du juge. En effet même si le recours est soumis au même régime qu'en droit interne, c'est-à-dire qu'il n'a pas d'effet suspensif, la juridiction communautaire que se soit dans l'OHADA ou dans l'UEMOA, peut ordonner le sursis à exécution des décisions qui sont contestées devant elle. Mais le sursis n'est octroyé que si et seulement si des justifications nécessaires sont apportées à la demande. Pour l'UEMOA par exemple l'article 72 du règlement de procédure de la cour prévoit que la demande d'octroi de sursis doit spécifier l'objet du litige, les circonstances établissant l'urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l'octroi de la mesure provisoire. S'agissant de l'OHADA l'article 46 renvoie aux dispositions régissant l'introduction de l'instance ordinaire, par conséquent c'est les mêmes conditions que celles prévues dans l'Union qui sont de rigueur. En outre la requête est accompagnée de l'acte contesté, et elle est signifiée dans un délai bref au défendeur afin qu'il puisse produire ses observations écrites orales. C'est justement après la réponse du défendeur que la date de l'audience sera fixée. Mais il faut souligner que par rapport à la procédure d'urgence les deux cours communautaires (CJU CCJA), ont manqué de faire preuve de pédagogie dans leurs réglementations. Dans aucun des deux règlements les conditions d'octrois du sursis ou du référé ne sont précisées, ce qui peut être source de difficultés et d'équivoques. Par conséquent il appartiendra au président du tribunal d'user de son pouvoir discrétionnaire pour déterminer les caractères du préjudice, et d'apprécier notamment la pertinence des motifs invoqués. Au demeurant il apparaît que les règles qui organisent la vie des organes de contrôles et de sanctions de l'UEMOA et de l'OHADA, présentent quelques spécificités inhérentes à leur nature communautaires, mais dans leur majorité les règlements des deux cours reprennent les règles classiques qui sont en vigueur dans l'ordre interne des Etats. Dans le point suivant de notre analyse, il conviendra de voir si la spécificité des juridictions communautaires par rapport aux juridictions nationales persiste, ou si elle est moins notable, en ce qui concerne les domaines de compétence de ces cours communautaires.

SECTION II : L'analyse de la compétence des juridictions communautaires

Aujourd'hui il existe en réalité une unification juridique au sein de l'espace intégré de l'UEMOA et de l'OHADA, car tel que analysé plus haut, dans beaucoup de domaines de la vie des affaires la réglementation est la même pour tous les Etats parties. Cependant lors même que la dynamique d'intégration soit à un niveau très satisfaisant, l'intégration juridictionnelle n'est pas réalisée, d'ailleurs d'aucuns objectent même par rapport à sa possibilité. C'est pour cette raison que les juridictions nationales cohabitent nécessairement avec les juridictions communautaires dans l'espace intégré, et cela donne lieu à une complémentarité de compétences dans l'application du droit communautaire (paragraphe I), mais d'autre part eu égard à la sensibilité des nouveaux rapports que crée l'existence d'un droit communautaire, des compétences particulières sont réservées aux juridictions communautaires (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : La complémentarité des compétences entre juridictions

communautaires et juridictions nationales

La complémentarité de compétence se justifie par la situation de partage de compétence en matière d'application (A), et d'autre part le renvoi qui est fait par les juridiction nationales, et qui donne de ce fait une exclusivité de compétence aux juridictions communautaires en matière d'interprétation (B)

A : La situation de partage de compétence en matière d'application du droit

Communautaire

L'espace intégré de l'UEMOA et de l'OHADA n'est en réalité qu'un ensemble d'Etats qui se sont regroupés afin de favoriser le rapprochement de leurs différents peuples par le biais de la règle de droit. Par conséquent les règles communautaires ne sont destinées qu'aux seuls Etats et à leurs particuliers. Justement étant donné que dans l'ordre interne des Etats, il appartient aux juridictions nationales d'appliquer la règle de droit, c'est à ces mêmes juridictions d'assurer l'effectivité de la réglementation communautaire par son application sur le territoire de chaque Etat. En réalité c'est aux juridictions nationales qu'incombe au premier chef l'application, en d'autres termes la mise en oeuvre des nouvelles règles du droit unifié. C'est ainsi qu'au sein de l'Union ouest africaine et de l'organisation africaine du droit harmonisé, les juges nationaux font montre d'une intervention potentiellement active dans l'application des normes communautaires. En effet pour que les Traités de base soient mis en oeuvre, il faut nécessairement l'admission de la compétence des juridictions nationales sur l'ensemble des litiges mettant en cause l'application du droit communautaire. Les juridictions nationales des Etats parties disposent d'une compétence d'attribution et cette compétence est étendue sur l'ensemble du contentieux de particuliers à particuliers, celui mettant en cause l'Etat national à ses ressortissants, mais aussi le contentieux entre les ressortissants des différents Etats et les communautés. Mais aussi il faut dire que la compétence des juges nationaux de l'UEMOA et de l'OHADA, s'explique par le fait que le droit communautaire qui est secrété d'en haut devient partie intégrante du droit national. Donc avec le principe de l'applicabilité directe dont jouissent les actes communautaires, le juge national est dans l'obligeance d'appliquer à chaque fois qu'il est saisi le droit communautaire, et d'écarter tout naturellement le droit national antérieur contraire. Ainsi considéré c'est dire que le juge national est le premier garant du droit des particuliers dans l'ordre communautaire. Pour ce qui est de l'UEMOA, il faut signaler que les norme résultant des règlements, des directives, et des autres sources du droit communautaire sont transposées et prennent place dans le droit interne et par conséquent elles sont appliquées par les juridictions nationales dans tous les litiges nécessitant pour leur résolution l'application de ces normes. Le même constat peut être fait pour ce qui est de l'OHADA où il apparaît que les cours et tribunaux nationaux jouent le rôle de première ligne dans l'application du droit des affaires harmonisé.

Sous ces éclairages il va sans dire que ces deux organisations intergouvernementales malgré le principe de la supranationalité, reconnaissent une autonomie institutionnelle, juridictionnelle aux différents Etats. Cette autonomie signifiant que les Etats demeurent autonomes dans la répartition des compétences entre les différents organes juridictionnels. Elle est également présente dans l'organisation des procédures destinées à sanctionner le droit communautaire ou le droit commun, c'est la raison pour laquelle on parle de communautarisation des juridictions nationales. Cependant une telle autonomie doit être limitée, elle ne doit pas rendre impossible la sanction du droit communautaire. A titre purement comparatif on peut citer à premier égard la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui dans un arrêt datant de 1976 (l'affaire Cornet) rappelait fort justement que les modalités procédurales de recours en justice destinées à la sanction du droit communautaire ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant les recours similaires jadis régis par le droit interne. L a seconde limite qu'il faut soulever contre l'autonomie du juge national en matière d'application, c'est surtout qu'il respecte strictement l'esprit des règles communautaires qu'il invoque. En effet l'uniformisation du droit économique serait compromise si son interprétation était laissée à la libre appréciation des pouvoirs nationaux. C'est en fait ce qui explique l'existence d'un système de contrôle, dans le cadre d'une collaboration entre les juridictions nationales et communautaires, pour un éclairage nécessaire sur les normes communautaires.

B : L'exclusivité de compétence des juridictions communautaires en matière

d'interprétation

Dans le souci d'une application uniforme des normes uniformes, il est institué au sein de l'OHADA et de l'UEMOA un système de coordination entre les juridictions communautaires, et celles qui sont propres aux territoires des Etats parties. En effet ont aurait couru le risque d'une incohérence si les juridictions nationales pouvaient chacune de manière séparée, et selon leur bon vouloir et leur entendement, interpréter le droit communautaire. Sans conteste il y aurait autant d'interprétations que de juridictions nationales, et par conséquent l'uniformisation serait fortement obérée. Pour cette raison l'analyse des textes fondamentaux de l'UEMOA et de l'OHADA révèlent que c'est aux cours communautaires de justice qu'est dévolue la mission d'interprétation des normes communautaires en cas de difficultés pour leur application dans un litige au plan interne. L'interprétation consiste à préciser le sens et la portée des dispositions du droit communautaire

Dans l'UEMOA mais également dans la communauté jumelle de l'Afrique centrale (CEMAC), le contrôle par l'interprétation s'exerce à travers ce que l'on appelle le recours préjudiciel en interprétation. Ce recours est organisé dans l'Union par les dispositions du protocole additionnel n°1 du Traité de l'UEMOA, et par l'article 15 paragraphe 6 du règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant règlement de procédure de la Cour de justice. Justement cet article 15 dispose que : «  Lorsqu'un problème d'interprétation du traité de l'Union, de la légalité des organes de l'Union, de la légalité et d'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du conseil, se pose devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours, cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions préjudicielles à la Cour » . S'il en est ainsi c'est dire que la saisine est facultative, mais la même disposition précise également, que les juridictions nationales sont cependant dans l'obligeance des saisir la Cour de justice, lorsqu'elles statuent en dernier ressort. Dans l'Union le contentieux portant sur l'ensemble du droit communautaire est susceptible de faire l'objet d'un recours préjudiciel, (les règlements, les directives, décisions, les statuts des organes spécialisés comme la BRVM), et le Traité lui-même. Le recours doit émaner d'une juridiction nationale ou d'une autorité à fonction juridictionnelle. Ainsi l'opportunité de renvoi appartient à la juridiction nationale qui peut la refuser malgré la requête d'une partie. Cela amène à dire que dans l'Union le recours n'est pas une voie de recours, dont les justiciables peuvent user, contrairement à l'Union Européenne où les avocats peuvent provoquer le renvoi et même participer à la formulation de la question posée à la juridiction communautaire.

Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord l'article 14 du Traité de base qui prévoit la compétence exclusive de la CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements pris pour son application et des applications. Ensuite c'est l'article 56 du règlement de procédure qui traite de la question de l'interprétation, mais à ce niveau le règlement consacre le concept de procédure consultative. Ainsi la disposition inclus au niveau du Titre III intitulé : De la procédure consultative énonce que : «  Toute décision par laquelle une juridiction visée à l'article 14 du traité sollicite un avis consultatif est notifié à la cour à la diligence de cette juridiction. Cette décision formule en termes précis la question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de solliciter l'avis de la cour pour rendre son jugement... ». Ainsi on peut dire que la demande d'avis est le pendant de la procédure du renvoi préjudiciel de l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est demandé, elle fait même l'objet d'une notification à tous les Etats parties au Traité, par le greffier en chef. En outre il faut dire que, plus que dans l'Union la demande d'avis apparaît comme une obligation dans l'Organisation, dans la mesure où les décisions rendues par les juridictions nationales qui s'inscriraient en faux avec le droit communautaire, seraient toutes invalidées par la CCJA qui est une véritable juridiction de troisième degré. Matériellement la réglementation des deux juridictions prévoient que le juge national doit exposer les motifs pour les quels il juge la saisine nécessaire à la solution du litige, et les éléments de droit et de fait du litige en y joignant toutes les pièces du dossier Lorsque la décision d'interprétation est rendue par les deux Cours elle contient l'indication de son auteur, la date du prononcé, les noms des juges, l'exposé sommaire des faits, les motifs, et enfin la réponse à la question qui était posée.

Il faut dire en fin de compte que les interprétations qui sont données par les cours s'imposent en principe à la juridiction nationale qui les a demandées. L'interprétation s'impose à touts les autorités administratives et judiciaires dans l'ensemble des Etats membres. De ce fait l'inobservation par l'Etat ou la juridiction d'une décision d'interprétation peut entraîner un recours en manquement dans l'UEMOA. Par conséquent la pratique de la demande d'interprétation présente des intérêts certains. Cela permet de préserver l'unité d'interprétation servant de base à des applications homogènes par les juridictions nationales, mais également l'interprétation permet de diminuer l'encombrement du plétoire de la juridiction communautaire. En outre la faculté de saisine de la cour communautaire aux fins d'une interprétation disparaît si la question posée a déjà fait l'objet d'une jurisprudence. Le recours à l'interprétation n'est pas requis également lorsque la question soulevée par l'une des parties manque de pertinence, c'est-à-dire quand elle n'a aucune influence sur la solution du litige.

Au demeurant on retiendra que les rapports entre les juridictions nationales et les juridictions communautaires ne sont pas toujours conflictuels. Il existe un partage de compétences entre les deux lorsqu'il s'agit d'appliquer la norme communautaire, car même si c'est à des niveaux différents les juridictions nationales interviennent à coté des juridictions communautaires. D'autre part une coexistence pacifique existe entre les deux juridictions eu égard à la coopération qu'il entretienne lorsque des difficultés surviennent pour l'application des textes communautaires. La seule remarque qu'il faut faire c'est que la collaboration est plus élaborée dans l'UEMOA que dans l'OHADA. Toute fois à coté de cette complémentarité il existe des matières pour les quelles les juridictions communautaires sont seules souveraines pour en connaître des litiges.

PARAGRAPHE II : Les compétences particulières des juridictions

communautaires

Les juridictions des communautés de l'UEMOA et de l'OHADA cohabitent avec les juridictions nationales, mais il existe des matières par rapport aux quelles le règne des premières est sans partage. Il en est d'abord ainsi du contentieux de la légalité (A), mais aussi pour certaines matières spécifiques dans le contentieux de pleine juridiction (B)

: Le contentieux de la légalité

Il faut tout de suite signaler que ce type de contentieux propre aux juridictions communautaires fait l'objet d'une consécration beaucoup plus élaborée au sein de l'UEMOA que dans l'OHADA. Il comprend trois éléments le recours en appréciation de légalité, le recours en exception de l'illégalité et le recours préjudiciel en interprétation de la légalité.

Pour ce qui est du premier type de recours, il s'agit du recours en annulation prévu expressément dans les textes de l'UEMOA, particulièrement le chapitre II du règlement de procédure de la cour de justice. Au termes de l'article 15 de ce chapitre la cour est compétente pour connaître du recours en appréciation de légalité, l'alinéa 2 dispose que : « ... Le recours en appréciation de légalité est dirigé contre les actes communautaires obligatoires ; les règlements, les directives ainsi que les décisions individuelles prises par le conseil et la commission... ». Le recours en appréciation de légalité peut être conçu comme étant la transposition à l'échelle régionale du recours pour excès de pouvoir applicable dans l'ordre interne des Etats. Comme tout recours la cour est saisie au moyen d'une requête signée généralement par un avocat, elle est signifiée à la partie adverse accompagnée d'un cautionnement. La requête peut être introduite conformément au même alinéa second de l'article 15 par toute personne physique ou morale, contre tout acte d'un organe de l'Union lui faisant grief. En outre il ajoute que le recours est même ouvert aux organes de l'Union, tels que la commission, le conseil, ou encore les Etats membres contre les règlements, les directives et décisions. Ainsi considéré ce recours s'exerce contre les actes unilatéraux de l'Union, notamment les directives, les règlements, les décisions, à l'exclusion des actes additionnels. Et lorsque la cour statue, son office consistera à confronter les actes en questions avec le Traité de base et les autres conventions. Comme en droit interne les actes en cause doivent faire grief, c'est-à-dire modifier l'ordonnancement juridique, par conséquent les avis et recommandations ne peuvent faire l'objet du recours. Pour l'introduction du recours le requérant se devra d'arguer d'un intérêt légitime et certain qui sera souverainement apprécié par le juge. Il devra également respecter les délais de procédures classiques, ce délai est fixé par l'article 15 à deux mois à compter de la publication de l'acte, de sa notification au requerrant, ou du jour où celui-ci en a eu connaissance. Comme en droit administratif interne, il s'agit de délais francs, mais il peut y avoir une dérogation qui ne joue qu'une seule fois en cas de recours administratifs préalables. Par ailleurs ce recours peut donner lieu à des cas d'annulation d'un acte communautaire, lorsqu'il y a eu vice de forme et de procédure43(*), par exemple l'absence de motivation ou la violation de la procédure contradictoire. Il en est ainsi également en cas d'incompétence ou de détournement de pouvoir, car les autorités communautaires ont des compétences d'attribution. Mais surtout l'annulation est retenue lorsqu'il y a violation du traité de base et des textes subséquents. A l'heure actuelle l'affaire qui défraie la chronique en cette matière c'est sans nul doute le licenciement abusif du commissaire ivoirien Eugène Yaï. Dans cette Arrêt rendu le 05 avril 200544(*), la cour de justice de l'Union a déclaré nul et de nul effet l'acte additionnel n°01/2005 du 11 mai 2005 nommant monsieur Jérôme Bro Grebe en qualité de membre de la commission de l'UEMOA pour remplacer monsieur Yaï. Mais le curieux dans cette affaire, c'est que sous les pressions de la Côte d'Ivoire la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement va encore adopter l'Acte additionnel n°04/2006 pour réaffirmer la nomination de monsieur Jérôme Bro, ce qui est aujourd'hui synonyme de licenciement pour monsieur Eugène Yaï. Ce remplacement conformément au premier arrêt de la CJU sera encore jugé illégal par la cour communautaire, qui convient toute fois de l'entrée en vigueur de l'acte additionnel dans le but de donner une base légale à la nomination du nouveau membre de la commission, bien que illégalement effectuée. Dans cette affaire il se pose une question très cruciale, celle de la crédibilité de la cour de justice. Est-ce que les chefs d'Etats de l'Union dans le seul but de satisfaire aux désires d'un Etat membre, vont en tant que animateur de l'organe suprême de l'UEMOA, faire totalement fi de la décision de justice de la cour ? Lequel organe de contrôle a été justement créé pour servir l'effectivité du droit communautaire. Même si la conférence n'en juge pas encore la portée, la suite qu'elle donnera à cette affaire sera très décisive pour l'avenir de l'UEMOA. Car si l'organe suprême viole le droit communautaire, c'est dire que l'Union risque d'être une zone de non droit dans l'avenir. Après ce premier recours il existe un autre type dont les juridictions communautaires sont les seules compétentes.

Le recours en exception d'illégalité est prévu au sein des deux cours communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA, mais comme pour le recours sus évoqué il fait l'objet d'une réglementation plus stricte dans la Cour de justice de l'Union. En effet il est permis à toute personne partie à un litige de soulever une exception à l'encontre d'un acte d'un organe de l'organisation. Mais l'exception d'illégalité ne vise pas à faire annuler un acte, mais à le déclarer inapplicable en l'espèce même après l'expiration du recours en annulation. Lorsque c'est des requérants ordinaires, l'exception d'illégalité aura pour intérêt de corriger les restrictions auxquelles le traité subordonnait le recours en annulation des particuliers contre les décisions et règlements. Mais quand c'est des Etats ou des institutions qui saisissent le juge, l'exception d'illégalité devra servir à empêcher l'application d'actes illégaux qu'ils auraient pu attaquer, mais qu'ils n'ont pas pu faire dans le cadre du délai du recours en annulation. Dans ce cas de figure le juge est saisi par la voie de la question préalable, à la quelle il devra répondre. Comme autre catégorie de contentieux par rapport au quel la compétence est réservée aux juges communautaires, on peut relativement citer le contentieux de l'interprétation. Mais dans le cadre de notre étude il nous est paru plus judicieux de l'analyser dans le cadre de la répartition de compétence, puisque l'initiative émane des juridictions nationales. Mais le contentieux de la légalité n'est pas la seule matière de compétence des juridictions communautaires, celles-ci peuvent aussi connaître des litiges de pleine juridiction.

B : La compétence exclusive dans le contentieux de pleine juridiction

Si l'on considère la réglementation de l'UEMOA et de l'OHADA s'agissant du contentieux de pleine juridiction, leurs juridictions sont compétentes à deux niveaux différents. En effet il y a des matières de première saisine, c'est-à-dire lorsque la question est obligatoirement portée en premier lieu devant le juge communautaire. Mais également comme tout contentieux de pleine juridiction les cours communautaires sont compétentes par la voie de la cassation

a : Les matières de la première saisine

Les juridictions communautaires ne sauraient avoir des compétences bornées au seul contentieux de la légalité. C'est la raison pour la quelle la CCJA et l'OHADA sous peine de voire leur rôle trop réduit ou inexistant sont compétentes en matière de responsabilité, de contentieux de la concurrence, ou de la fonction publique. Pour la responsabilité il faut dire qu'elle fait naturellement l'objet d'une consécration dans tous les textes régissant les juridictions africaines. Dans l'UEMOA le paragraphe 5 de l'article 15 du règlement de procédure de la cour dispose que : « la cour de justice est seule compétente pour déclarer engager la responsabilité non contractuelle et condamner l'Union à la réparation du préjudice causé par des agissements matériels, soit par des actes normatifs des organes de ou de ses agents dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leur fonction... ». Ainsi considéré il faut nécessairement que les différents éléments de la responsabilité soient réunis, à savoir le préjudice, le fait générateur, une imputabilité. Comme en droit interne la responsabilité est engagée pour faute et sans faute, les communautés ne sont donc engagées que si l'agent agissait dans le cadre de ses fonctions, utilisant les moyens du service. Par contre les agents des communautés peuvent être condamner en totalité ou en partie à réparer les préjudices subis par l'Union en raison de faute personnelle commise, lorsqu'elle celle ci se détache matériellement et intellectuellement du service. L'action en responsabilité quelque soit le cas peut être intentée par les particuliers contre l'Union, cette dernière peut également engager la responsabilité des particuliers. Mais dans tous les cas de figure, l'action en responsabilité se prescrit au bout de trois années à compter de la réalisation du dommage.

Il y a aussi le contentieux individuel de la fonction publique, qui peut être porté devant les juridictions communautaires. En effet il existe un ensemble de règles régissant les personnels de l'UEMOA et de l'OHADA, il en est ainsi par exemple du règlement 1/98 du 30 janvier 1998 relatif au régime applicable au personnel de l'OHADA. Ces règles constituent le statut de ces personnels qui fixe les droits et obligations du personnel qui peut être fonctionnaire, ou non fonctionnaire. Cependant comme dans tout rapport humain, il peut survenir des litiges entre l'organisation et les agents. C'est la raison pour laquelle les textes qui régissent les cours communautaires donnent compétence à celles-ci pour connaître de ces litiges. C'est le cas du règlement de procédure de la CJU qui à l'alinéa 4 de son article 15 habilite la cour à statuer sur tout litige entre les organes de l'union et leurs agents, dans les conditions déterminées au statut du personnel. Dans la pratique la CJU connaît un contentieux très volumineux de la fonction publique, c'est le contentieux le plus important ; Ainsi entre 2002 et 2004 sur 12 décisions rendues les 11 sont relatives au contentieux individuels.

Comme autres contentieux exclusifs aux juridictions communautaires, il faut noter celui qui est relatif à la concurrence, aux litiges financiers et aux recours en manquement contre les Etats. Mais ces contentieux ne sont prévus à l'heure actuelle que dans le cadre de l'UEMOA. Cela peut aisément se comprendre, d'une part par la nature des normes de l'UEMOA qui visent dans leur majorité expressément les Etats, et d'autre part il n'existe à l'heure actuelle aucun Acte Uniforme devant portant sur ces matières. Ainsi lorsqu'elle est saisie, la CJU peut être amenée à se prononcer sur les décisions et sanctions que la commission a pu prendre contre les entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence, ou bien celles qui ont abusé de leur position dominante sur le marché de l'UEMOA. Quant au recours en manquement il est également prévu par l'alinéa 1er de l'article 15 du règlement de procédure de la CJU. En effet selon la réglementation la cour de justice connaît des recours de la commission ou de tout Etat membre, pour tous manquements que les Etats accusent par rapport aux obligations communautaires qui les incombent. Enfin concernant le recours financier il ne fait pas l'objet d'une consécration expresse par l'UEMOA, contrairement à la convention de la cour de justice de la CEMAC mais il s'agit essentiellement du contentieux bancaire. Dans la pratique au sein de l'UEMOA, un avis a été rendu concernant la question de l'agrément unique, qui était préconisé par la BCEAO par ce que estimant l'agrément multiple contraire à la liberté de circulation. La CJU a abordé dans le sens de l'institution de mission, à la condition que l'agrément unique soit donné par la CBAO.

Au demeurant il faut dire que les juridictions communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA disposent d'une compétence générale, elles peuvent être saisies par les juridictions nationales dans le cadre du recours préjudiciel ou consultatif pour un éclairage sur le droit communautaire. Mais elles peuvent être saisies également par toutes personnes physiques ou morales pour des matières qu'elles sont seules à pouvoir connaître. A la suite de tous ces contentieux dont les juridictions communautaires sont saisies, ces dernières rendent des arrêts qui se présentent sous certaines formes et obéissent à des règles de fond. En effet en rendant sa décision le juge communautaire de l'UEMOA et de l'OHADA s'appui sur le Traité de base, sur les dispositions du droit dérivé, ainsi que sur le règlement qui régisse le fonctionnement des cours. Les arrêts sont rendus en audience publique, et la lecture se fait en présence des parties à qui l'arrêt est ensuite notifié. Les arrêts qui sont rendus jouissent ensuite d'un régime qui facilite leur application. En effet aussi bien dans la CJU (article 80 du règlement de procédure) que dans la CCJA (article 40 du règlement) les arrêts rendus ont une force obligatoire à compter du jour de leur prononcé. Autrement dit les arrêts ont l'autorité de la chose jugée, ils sont non seulement obligatoires pour les organes de l'Union ou de l'Organisation, mais aussi pour tous les Etats et leurs ressortissants. De surcroît l'article 20 du Traité de l'OHADA prévoit l'exécution forcée des arrêts de la CCJA. Cette exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile dans l'Etat sur le territoire duquel l'exécution a lieu. Lorsque survient des erreurs matérielles de calcul ou de plume, le juge procède d'office ou à la demande d'une partie aux vérifications nécessaires. En cas d'omission par la cour sur un élément, ou sur les dépens, la partie qui entend s'en prévaloir saisit la cour par la voie de requête dans le mois de la signification de l'arrêt, et la requête est signifiée à l'autre partie invitée à présenter ses observations. La cour statue sur les dépens à savoir les frais de correspondance et de notification, les frais d'établissement des copies, des mémoires, des pièces jointes et d'instructions. C'est la partie qui succombe qui est condamnée aux dépens, si plusieurs parties succombent la cour décide du partage des dépens. De même si une partie se désiste elle supporte les dépens. Par ailleurs comme dans le cadre interne, les parties disposent de voies de recours pour contester les arrêts rendus par les juridictions communautaires. Mais dans le cadre communautaire les voies de recours ordinaires ne sont pas admises. Les parties qui désirent contester un arrêt de la CJU ou de la CCJA ont la possibilité d'user des voies de recours dites extraordinaires. Ainsi lorsque la décision est rendue par défaut, la partie défaillante peut former une opposition contre cette décision dans un délai de deux mois après la publication. En cas de découverte d'un fait nouveau pertinent la partie peut demander la révision du procès. De même en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif d'un arrêt, il appartient à aux cours communautaires de l'interpréter. Dans le cadre de la CCJA le règlement de procédure prévoit à son article 48 que : «...Toute partie peut demander l'interprétation du dispositif d'un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé ... ». Quant à l'UEMOA c'est l'article 85 du règlement de procédure qui prévoit la possibilité d'interprétation des arrêts. Par ailleurs à coté de cette compétence exclusive des communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA, laquelle compétence commence déjà au premier degré de juridiction pour des matières que les règlementations ont tenu à préciser. Il faut aussi ajouter que le principe supranational qui sous tend toute la dynamique d'intégration au sein de nos deux entités considérées, innove aujourd'hui en conférant un monopole spécial aux juridiction communautaire au troisième degré du système judiciaire.

b : La compétence des juridictions communautaires en matière de cassation

Lors même que l'option de rapprochement juridictionnelle soit la même aussi bien dans l'UEMOA que dans l'OHADA. Cette dernière présente toute fois une particularité eu égard au monopole qui lui est conféré par le Traité au niveau de la cassation (1). Alors que dans l'Union il existe simplement une collaboration entre les juridictions nationales et la juridiction de la communauté (2).

1 : Le monopole de la CCJA au niveau de la cassation

Lors de sa création l'OHADA s'est fixée comme office majeur de promouvoir l'uniformisation législative par une uniformisation juridictionnelle. C'est la raison pour laquelle conformément à l'analyse faite plus haut, il apparaît que les dispositions de l'OHADA sont motivées non seulement par le souci d'uniformiser l'interprétation des textes, mais d'élaborer une justice unique. Dans cette occurrence la CCJA est aujourd'hui érigée en une véritable juridiction de troisième degré au détriment des traditionnelles juridictions nationales de cassation. Ainsi il est prévu aux termes de l'article 14 du Traité OHADA que : « Saisie par la voie du recours en cassation, la cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales... ». Sous cet éclairage de la loi il est à dire que la cassation dans le cadre de l'espace OHADA constitue en quelque sorte la « chasse gardée » de la CCJA. Cette dernière peut être saisie conformément à l'article 51 du règlement de procédure, par la voie du renvoi effectué par le juge national, elle peut également être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, par toute partie à un procès qui estime que la juridiction nationale statuant en cassation a méconnu la compétence de la CCJA. Lorsque la juridiction communautaire est saisie, cela entraîne automatiquement la suspension de toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale, à l'exception des procédures d'exécution. Et si la CCJA estime à bon droit que sa compétence doit être retenue en l'espèce elle évoque et statue au fond. L'évocation c'est la faculté qui est donné à la cour de l'OHADA de se prononcer sur le fond de l'affaire, et de ne plus opérer de renvoi après la cassation. Ceci étant la CCJA se substitue donc aux cours de cassation des différents Etats parties, mais elle se substitue surtout à la juridiction nationale de fond qui aurait été normalement compétente à statuer après la cassation. Cependant ce mécanisme de substitution de la CCJA aux juridictions nationales connaît une limite concernant les décisions appliquant des sanctions pénales. Cette exclusion de compétence s'explique par le fait que les dispositions du traité OHADA contiennent certes des dispositions d'incrimination, mais non celles infligeant des sanctions pénales45(*). Par conséquent dès lors qu'il s'agit d'un pourvoi en matière pénale les cours de cassation nationales retrouvent toute leur compétence. De manière pratique cela revient à affirmer qu'il y aura un partage, la CCJA serait toujours compétente à statuer sur les dispositions d'incrimination pénales, mais la détermination de la peine demeure l'apanage des juridictions nationales compétentes. Ainsi considéré on peut soutenir que l'OHADA à travers la CCJA a mis la barre très haute en ce qui concerne le rapprochement juridictionnel de ses Etats même si pour l'instant la question de l'intégration juridictionnelle est vue par certains comme une utopie. L'on s'accorde avec une presque unanimité, que les dispositions du traité et du règlement de procédure de l'Organisation pose un principe de supranationalité juridique, opérant un transfert de compétences des juridictions nationales de cassation vers la CCJA. Ce principe est d'autant plus rigoureux que la cour peut statuer sur le fond. La CCJA se présente ainsi en un véritable régulateur de l'application du droit des affaires dans l'espace OHADA. Cependant l'innovation et le principe qu'elle instaure ne manque pas d'engendrer une énergie conflictuelle. En attendant de s'étendre sur cette question dans le dernier maillon de notre analyse, il convient de voir maintenant le système qui est applicable au sein de l'UEMOA.

2 : La collaboration entre la Cour de Justice de l'Union avec les cours de

cassation nationales

Au niveau de la cassation il apparaît une très nette différence entre le système de l'UEMOA et celui de l'OHADA. En effet contrairement à ce qu'à révélé notre analyse au sein de la CCJA. La procédure de contrôle de l'application du droit communautaire par les juridictions nationales s'organise autour d'une relation de collaboration entre la CJU et les juridictions propres aux Etats parties. Concrètement cette coordination s'effectue par un système de renvoi préjudiciel qu'opèrent les cours de cassation saisies, à la CJU, afin que celle-ci puisse donner sa position sur la question de droit communautaire, dont la juridiction nationale est saisie. Le recours préjudiciel est certes une faculté qui reste à la libre appréciation des juridictions nationales. Mais aux termes de l'article 12 alinéa 2 du règlement de procédure de la CJU, les juridictions qui statuent en dernier ressort sont sommes toutes dans l'obligation de saisir la cour de la communautaire afin de requérir sa position sur la question de droit communautaire révélée par le litige dont elle est saisie. Ensuite le juge national est tenu de se conformer à l'interprétation qui lui sera donnée par la cour. S'il en est ainsi c'est dire que la CJU ne dispose pas d'un quelconque pouvoir d'invalidation des décisions des juridictions nationales, lors même que l'application du droit communautaire est en cause. Contrairement au monopole dont dispose la CCJA qui évoque les affaires, les tranche sans renvoi, la CJU quant à elle ne tranche pas en fait les litiges, ceux-ci sont exclusivement tranchés par les juridictions nationales. La résolution d'un litige impliquant l'application des normes communautaires nécessite donc le respect de l'interprétation donnée par le juge communautaire, qui ne statue pas pour autant sur le fond de l'affaire.

Sous ces considérations c'est dire qu'il n'existe qu'une simple collaboration en l'absence de toute substitution de la CJU aux organes juridictionnels nationaux. Un tel système appliqué au sein de l'Union est certes garant de la souveraineté des Etats, surtout dans le domaine sensible de la juridiction. Mais pour notre part il nous semble que la CJU devrait jouer pleinement son rôle en s'érigeant en une véritable juridiction de cassation, non comme la CCJA qui est juridiction de troisième degré, mais une juridiction de droit qui aura pour mission de vérifier la légalité des arrêts des juridictions d'appel des différents Etats parties de l'Union. Par ce que le système de renvoi comporte beaucoup de lenteurs, et étant donné que la juridiction nationale ne peut pas outre passer la position de la cour communautaire, puisqu'elle devra s'y conformer. Il serait plus indiqué que la CJU se prononce une fois sur la question de droit. En effet si l'on élimine le renvoi préjudiciel au niveau de la cassation cela favoriserait la rapidité du pourvoi, en même temps l'élimination de ce renvoi qui semble être un barrage à l'accès personnel des ressortissants aux juridictions communautaires, permettra de donner une culture du droit communautaire aux particuliers des différents Etats membres, puisqu'ils auront eux même à saisir la cour de la communauté à la quelle ils appartiennent. Pour ce qui est de l'OHADA également l'institution de la CCJA en juridiction de troisième semble être une option d'efficacité et de rapidité, mais la compétence ne s'étend pas à tous les contentieux ce qui peut être source de problèmes. C'est d'ailleurs cette panoplie d'écueils que pose l'existence des juridictions communautaires, qui nous permet de jeter le pont sur la partie ultime de notre analyse faisant l'inventaire des problèmes de l'intégration en générale au sein de nos deux entités.

CHAPITRE III : Les obstacles à la dynamique d'intégration juridique dans

l'UEMOA et dans l'OHADA

Le processus de l'intégration juridique ou « union des législations » a été enclenché au sein de ces deux entités intergouvernementales depuis plus d'une dizaine d'années. Dans beaucoup de domaines de l'activité économique des prouesses certaines ont été réalisées à l'heure actuelle, et dans certaines autres matières des efforts restent à faire. Justement les retards notés ça et là sont causés par un certain nombre de limites relatives aux velléités souveraines des Etats (Section I), et à l'équation du choix des normes communautaires

(Section II).

SECTION I : Les limites tenant aux velléités souveraines des Etats

Ces limites sont de deux ordres, il s'agit d'une part de l'existence de législations nationales irréductibles (Paragraphe I), mais aussi et surtout du grand problème de l'ineffectivité des normes communautaires (Paragraphe I)

PARAGRAPHE I : L'existence de législations nationales irréductibles

Lors même que la volonté d'uniformisation de la règle de droit soit affirmée sans conteste au sein de l'UEMOA et de l'OHADA, il existe toute fois des contraintes techniques irréductibles qui obligent à respecter le droit national des différents Etats parties, cela se manifeste soit à travers le droit commun, soit à travers des règles du droit spécial. En effet il faut tout d'abord considérer que le droit des affaires ou droit économique est un droit nouveau spécial, en ce sens il obéit avant tout au droit commun des personnes, des biens, des actes et des faits juridiques. Par conséquent il doit nécessairement en tenir compte sans y retoucher par une loi uniforme. S'agissant de l'OHADA c'est tout d'abord le Traité lui-même qui constate la survivance de certaines législations nationales en prévoyant expressément un système de renvoi aux législations des Etats parties. Il en est ainsi par exemple lorsque l'article 205 de l'AUDCG renvoi au droit de la vente pour la validité et le régime juridique de la vente entre professionnels, ou lorsque les articles 143 et 150 de l'AUDCG portant statut des intermédiaires de commerce renvoi aux règles classiques du mandat. Outre ces renvois explicites, il est incontestable que les Actes Uniformes renvoient au droit commun lorsqu'ils utilisent des concepts ou des règles provenant de celui -ci. Il en est ainsi lorsqu'ils évoquent la règle de la solidarité en matière de sûreté (article 270 AUS) ; C'est le cas notamment de l'article 119- 2 de l'AUPS portant sur les immeubles et les droits immobiliers, ou encore de l'article 46 de l'AUS, qui ne font que énumérer ces choses dans leur nature sans pour autant en donner la définition. De ce fait ils revoient implicitement aux droits communs nationaux. Cependant cette situation peut être la source d'un risque de dégradation de l'uniformisation, car il est clair que les Etats ne manqueront pas de diverger dans la réglementation et la définition de ces concepts. D'autre part les dispositions du droit communautaire renvoient parfois à des règles du droit national qu'il est impossible ou inconcevable de réduire à l'uniformisation pour des raisons économiques, sociales, ou politiques. Par exemple la détermination d'une quotité cessible ou saisissable est partout nécessaire pour protéger la fraction alimentaire du revenu du salarié débiteur. Mais le montant qui sera retenu dépend du niveau de vie et des rémunérations propres à chaque Etat, ce la fait qu'elle se dédouane de l'uniformisation. C'est donc le droit national que l'on devra interroger pour déterminer l'assiette du super privilège des salaires46(*). Par ailleurs même le droit des sociétés n'échappe pas à cette réticence à effacer tout particularisme national justifié par des besoins économiques, sociaux ou professionnel d'un pays. C'est ainsi que s'explique la disposition de l'article 916de l'AUSCG qui prévoit la survivance des dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier (banque, assurances, sociétés nationales ou d'économie mixte). Dans le cadre de l'UEMOA en particulier le même constat peut être fait en ce qui concerne les entraves au principe de libéralisation des échanges ou de libre circulation des personnes. A l'heure actuelle même si la liberté de circulation existe la réglementation administrative des Etats membres aux frontières de leurs territoires demeurent. Il en est aussi de même des conventions bilatérales conclues par les Etats de l'UEMOA en matière fiscales et autres domaines des échanges, qui continuent à être en vigueur malgré la réglementation uniforme de l'Union. Ces considérations faites, il faut dire que la survivance de certaines normes nationales malgré le processus de l'intégration est sans doute une entrave à la parfaite réalisation de celle-ci. Par ailleurs le regret est encore plus fort dans la mesure où on constate que le droit communautaire est parfois mis en veilleuse au niveau des instances juridictionnelles des Etats parties

PARAGRAPHE II : Le problème de l'ineffectivité des normes

communautaires dans les Etats parties

L'existence d'un dispositif juridique aussi pertinent, adapté simple et moderne qu'il puisse être, ne trouve son impact pratique que par l'adhésion de ceux aux quels il est destiné. La règle de droit régional également n'échappe pas à ce principe, elle n'a de raison d'être que si et seulement si les Etats et les particuliers auxquels elle est destinée la respecte, et que les tribunaux l'appliquent. Cependant dans le cadre de l'UEMOA et de l'OHADA le constat qui est fait à l'heure actuelle et que les normes communautaires ne sont pas appliquées de manière efficiente dans es différents Etats membres des deux communautés. S'agissant de l'UEMOA l'union a une ambition purement économique, qui est d'assurer la performance de ses différents Etats en cette matière. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle des règles juridiques sont élaborées pour impulser une orientation uniforme en matière économique. Ainsi conformément à l'analyse qui précède des critères de convergence ont été institués pour que justement les Etats les respectent. Malheureusement le constat à l'heure actuelle c'est que les Etats s'illustrent en porte à faux avec la réglementation communautaire. Par exemple si l'on considère le critère de premier rang relatif aux déficits publics, la réglementation communautaire voulait que la dette intérieure et extérieure des Etats n'excède pas 7O%. Mais il s'avère que les pays ne respectent pas ce ratio. Si l'on prend l'exemple du Sénégal, membre de l'UEMOA, il ne l'a pas respecté depuis 1999. Le non respect par le Sénégal des obligations communautaires, est notable en ce qui concerne le ratio des investissements publics. Concernant le critère portant sur les arriérés de paiement intérieurs et extérieurs qui doivent être maintenus à 3% par année, les Etats comme celui du Togo, du Bénin, ou du Niger ne le respectent pas encore. La question de l'ineffectivité des normes communautaires se pose également au niveau des juridictions communautaires. Il en est ainsi lorsque la juridiction applique la loi nationale contraire au détriment de la nouvelle loi communautaire. A ce propos l'exemple qui peut être donné dans le cadre de l'OHADA, est sans doute l'Arrêt Epoux Karnib. Dans cette affaire le juge ivoirien saisi avait appliqué les articles 181 et 182 du code procédure ivoirien, au détriment de l'article 32 de l'AUPS de l'OHADA. La non application du droit communautaire par le juge national peut par ailleurs avoir une origine indépendante de la volonté du juge. C'est le cas des règles d'application non immédiate qui nécessite une transposition au plan interne, ou du système de renvoi qui existe en matière pénale. Par exemple en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, la loi uniforme qui devait être adoptée par les Etats de l'UEMOA ne l'a même pas été par la moitié des 8. Cela veut dire que si demain un juge est saisi au plan national pour un litige concernant cette matière il n'aura à priori aucune base légale pour statuer car la réglementation communautaire n'est pas en vigueur.

De ce qui précède il est apparu que la souveraineté des Etats constitue une certaine entrave pour un règne sans partage des normes communautaires, sur les territoires des différents Etats parties de l'UEMOA et de l'OHADA. Mais il faut aussi dire que l'existence multiple des organisation internationales africaines, particulièrement celle de l'OHADA et de l'UEMOA , qui sont deux organisations investies des mêmes missions, regroupant presque les mêmes Etats, est également un obstacle à l'éclosion d'un unique droit régional. L'UEMOA et l'OHADA ont créées les conditions de leur télescopage, et cela vient encore perturber l'ordre communautaire.

SECTION II : La grande équation du choix des normes communautaires à

appliquer.

L'UEMOA et l'OHADA servent toutes les deux de cadre à l'uniformisation du droit économique. Ce recoupement est cependant source de problèmes, qui résultent d'une part de la concurrence législative ou situation du double emploi entre les deux entités (Paragraphe I), et cela est la principale cause des conflits entre les juridictions communautaires d'une part et communautaires et nationales d'autre part (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : La concurrence législative ou la situation du double emploi

entre l'UEMOA et l'OHADA

Le risque de conflit de normes entre l'UEMOA et l'OHADA est attesté par l'inopportunité de leur double législation comptable (A), mais aussi et surtout par la disharmonie constatée dans la réglementation des deux entités en matière pénale (B).

A : L'inopportunité de la double législation en matière comptable.

L'existence des organisations internationales africaines d'intégration juridique, est de manière générale la cause d'une multiplication des pôles de productions normatives en Afrique. Dans le cadre spécifique de l'UEMOA et de l'OHADA, le fait que ces deux communautés investissent les mêmes domaines de l'activité économique, occasionne également l'existence d'une double législation qui à bien des égards paraît inopportune. Car les deux entités couvrent le même domaine de compétence, elles regroupent sous leurs orbites les mêmes Etats, dans la mesure où tous les Etats de l'UEMOA font partie de l'OHADA. La dualité normative parfois notée entre les deux entités favorise l'apparution de ce que le professeur Filipe Diguer appelait la mosaïque juridique du droit des affaires, une mosaïque comportant cependant le risque d'une contrariété de normes émanent des différentes instances législatives de l'Union et de l'Organisation. Aujourd'hui le recoupement qui est jugé comme étant le plus déterminant entre les deux entités, est en particulier le droit comptable. En effet le Conseil des ministres de l'UEMOA a d'abord adopté le règlement

n° 04/96/CM du 20 décembre 1996 entré vigueur le 1er janvier 1998. Ce règlement portait adoption d'un plan comptable pour toute la partie ouest africaine. Ensuite en 2001 la deuxième version du plan comptable de l'Union fut adoptée. S'agissant de l'OHADA nonobstant cette réglementation, le Conseil des ministres a tenu également a adopté un Acte Uniforme portant sur l'organisation de la comptabilité des entreprises, même après l'avortement d'une première réglementation en 1995.L'Acte Uniforme OHADA sur le droit comptable (AUHOC) est entré en vigueur en janvier 2001, d'où l'existence aujourd'hui de deux textes ayant la vocation de régir la même matière, pour les mêmes concernés, dans un même espace territoriale. Cette situation ainsi considérée est à coup sûr facteur de discorde entre les deux entités. Car même si l'on a soutenu dans notre étude à la suite de certaines analyses plus autorisées d'experts, que l'AUHOC de l'OHADA est la version approfondie du système comptable ouest africain, et que par conséquent les deux règlementations sont invariables dans leur application. Il faut toute fois objecter que les entreprises auront du mal à savoir laquelle des deux réglementations elles devront faire référence dans leurs statuts et leurs documents comptables. Mais également lorsque surviendra une légère différence entre les deux textes la question sera de savoir celle qui devra prévaloir au détriment de l'autre. Telle que considérée, la concurrence législative entre l'UEMOA et l'OHADA accouche d'un certain nombre de situations qui sous tendent une forte énergie conflictuelle. En effet ce trop plein de textes laisse présager un avenir de désordre qui risque de saper tous les efforts entrepris jusque là. Mais le grand regret c'est que la tendance risque de se poursuivre à cause du caractère élastique du domaine de l'OHADA, en effet l'Organisation a mis au «  laboratoire » pour leur sortie prochaine, des Actes destinés à règlementer des matières déjà couvertes par l'UEMOA. Il en est ainsi du droit de la concurrence, ou encore du droit bancaire. Mais encore l'OHADA entend élaborer un Acte sur la propriété intellectuelle déjà régie par l'OAPI, dans ce dernier exemple les conflits seront plus graves puisque le mal va toucher toute l'Afrique. Par ailleurs la co existence conflictuelle entre les deux entités est malheureusement notable sur une autre matière trop sensible, et les conséquences risquent d'être plus néfastes sur le processus d'intégration.

B : La disharmonie dans la réglementation des deux entités en matière pénale.

Le droit régional de l'UEMOA et de l'OHADA ne peut pas connaître son odyssée sans la prise en compte du droit pénal. Car tout droit a besoin de sanctions pour assurer son effectivité. Les deux entités impulsent aujourd'hui une discipline unique en matière économique, mais il faut nécessairement l'existence d'un droit pénal de direction qui devra apporter l'appui de ses sanctions, aux règles tendant à orienter la vie des affaires, voire la vie économique dans le sens voulu par les organes supranationaux. Malgré la sensibilité de cette matière, qui impose le respect de la souveraineté des Etats, particulièrement leur pouvoir de légiférer en matière pénale. De commander, d'interdire, et d'édicter une sanction de nature à porter atteinte à la liberté. Il y a aussi un impératif d'harmoniser aujourd'hui les règles pénales sanctionnant les violations du droit communautaire, car si la violation du droit était sanctionnée différemment d'un Etat à un autre, l'application uniforme du droit communautaire risquerait d'être sérieusement compromise. C'est ainsi que pour faire compromis, les promoteurs du droit OHADA ainsi que ceux de l'UEMOA, ont fait des options qui ménagent la souveraineté des Etats, mais avec une différence remarquable entre les deux entités, ce qui occasionne un surplus de problèmes et de difficultés pour l'application de ce droit dans les différents Etats parties.

Pour ce qui est de l'OHADA c'est l'article 5 du Traité de base qui dispose que : « Les Actes uniformes peuvent contenir des dispositions d'incrimination à l'exclusion des sanctions pénales ». S'il en est ainsi c'est dire que la réglementation de l'Organisation en matière pénale procède à un éclatement de l'élément légal. Car la norme d'incrimination et celle de sanction relèvent d'ordres juridiques différents. L'Acte Uniforme se borne à la formulation d'une incrimination, pour renvoyer ensuite à la législation de chaque Etat pour la détermination de la peine. Le concours de compétence existe obligatoirement, mais il n'est pas fait de la même manière. En effet cela nécessite dans certains cas l'intervention du législateur du législateur national, et dans d'autres les textes qui existent déjà permettent de sanctionner le comportement considéré. Dans la première hypothèse c'est lorsque après indication du comportement prohibé l'Acte Uniforme renvoi à une sanction préétablie, existant, ou censée exister dans la législation nationale. En réalité la norme communautaire part d'une infraction qui lui sert de repère et envoie aux peines qui lui sont applicables. Donc c'est l'Acte d'incrimination qui se choisit lui même la peine applicable, par référence à une infraction déjà existante. A titre d'exemple il suffit d'analyser les dispositions de l'Acte Uniforme portant organisation des sûretés, de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution,ou encore les dispositions de l'Acte Uniforme portant organisation des procédure collectives d'apurement du passif. C'est le cas de l'article 97 de l'AUS, qui prévoit que les peines prévues par le délit d'abus de confiance s'appliquent au débiteur ou à toute personne qui, par des manoeuvres frauduleuses, prive le créancier nanti de ses droits ou les diminue. Quant à l'ACTE uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement, c'est les mêmes peines applicables pour le détournement d'objets saisis en droit interne, qui sont retenues par l'article 100 pour le déplacement ou l'aliénation d'objets saisis. L'autre hypothèse que peut révéler la réglementation partagée de l'OHADA en matière pénale c'est la situation du renvoi à des textes à créer. En fait c'est la méthode qui est utilisée par l'AUDSC. Dans cet Acte Uniforme la formulation utilisée pour annoncer les incriminations, traduisent la volonté du législateur de laisser aux Etats la liberté de détermination des sanctions idoines.

La législation pénale de l'OHADA ainsi considérée révèle au sein de l'Organisation elle-même un certain nombre de difficultés. Celles-ci sont relatives à l'affaiblissement du principe de légalité, car il y a parfois une imprécision des termes utilisés, entraînant une hésitation sur le choix de la norme de répression47(*). L'autre problème soulevé par le droit pénal OHADA c'est la disparité des sanctions qu'il entraîne, et cela compromet malheureusement l'unité d'application du droit communautaire. Mais les difficultés vont davantage s'aggraver aussi bien pour les juges, que pour les particuliers de la zone, dans la mesure où l'UEMOA présente aujourd'hui un autre système de réglementation pénale.

En ce qui concerne l'UEMOA l'option prise a été d'écarter toute disposition d'incriminations et de sanctions dans le Traité lui-même, de même que dans les normes dérivées de ce droit primaire, en l'occurrence les règlements et les directives. En effet il est fait recours à une technique très simple pour parvenir à une répression uniforme face aux atteintes commises par rapport aux règles communautaires. Celle-ci consiste concrètement à recourir aux directives qui vont imposer aux Etats parties, l'adoption selon la procédure législative normale de chacun, de projets de lois uniformes. Ce système ainsi considéré permet à priori d'avoir les mêmes sanctions, qui sont en fait édictées par des lois propres à chaque Etat partie. Il en est ainsi des règles pénales qui répriment l'utilisation illicite du système économique, financier et bancaire. Particulièrement l'exercice illégal de l'activité bancaire, l'utilisation illicite des instruments de paiement, l'émission de chèque sans provision, l'utilisation frauduleuse des cartes de paiement. Comme exemple de directive UEMOA imposant aux Etats l'adoption de normes pénales, on peut citer celle qui est intervenue le 19 septembre 2002, en l'occurrence la directive

n° 07/2002/CM/UEMOA, qui est relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les Etats de l'UEMOA. En effet cette directive communautaire procède tout d'abord dans ses dispositions, à des renvois aux lois nationales pour la qualification des délits d'où peut résulter les biens objets de blanchiment. Mais en outre l'article 42 intitulé obligation de transposition dispose expressément que : «  Les Etats membres doivent adopter au plus tard six mois à compter de la signature de la présente directive, les textes uniformes relatifs à la lutte contre le blanchiment de capitaux ». Au paravent l'article 36 annonçant la disposition sus évoquée, prévoyait qu'il incombera aux Etats membres de prendre dans les conditions prévues par l'article 42, les dispositions législatives relatives d'une part, aux sanctions pénales applicables à toute personne physique ou morale ayant commis des infractions de blanchiment de capitaux. C'est ainsi que le conseil des ministres de l'Union a élaboré une loi uniforme en 2004 demandant chaque Etat membre de l'adopter dans le délai prévu à l'article 42 de la directive. Un autre exemple peut également être donné avec le règlement n° 15/2002 du 19 septembre 2002, qui lorsqu'il est venu abroger l'ancienne loi uniforme pourtant jugée inadaptée à la nouvelle situation économique, a tenu toutefois à maintenir les dispositions relatives aux sanctions pénales, à savoir les articles 83 à 103. Une telle réglementation en vigueur au sein de l'Union concernant le droit pénal paraît à bien des égards plus élaborée, plus audacieuses, et permet plus d'éviter les risques de dysfonctionnement entre les différents Etats acteurs de l'Intégration.

Cependant il y a toute fois des constats qui nous poussent à soulever quelques objections quant à son efficacité. Car s'il est demandé aux Etats de transposer par une loi uniforme dans l'ordre interne le dispositif juridique établi par l'organe communautaire, il est apparu que d'une part les Etats ne respectent pas les délais qui leur sont fixés, mais plus graves encore certains Etats demeurent éternellement inactifs quant à l'obligation qui les incombe. L'exemple très patent et actuel à la fois qui peut être donné à ce propos, c'est le cas de l'Acte Uniforme sur le blanchiment de capitaux. En effet jusqu'à l'heure actuelle cet Acte devant contenir les sanctions pénales contre les auteurs d'un délit aussi grave pour le système financier des Etats sous développés comme ceux de l'Union, n'a été adopté que par deux Etats (le Sénégal et le Niger). Mais au delà des problèmes que soulèvent l'uniformisation du droit pénal dans l'UEMOA et l'OHADA, la grande interrogation qui s'impose à nous est celle relative à la lace du droit pénal dans le droit régional. En effet eu égard aux constats faits au sein des autres organisations africaines d'intégration, mais également dans l'Union Européenne, le droit pénal apparaît comme un éternel affranchi du droit régional. Sa sensibilité fait qu'il ne s'accommode pas à l'uniformisation. Le droit pénal au vu de l'expérience des années du processus de régionalisme juridique, a toujours résisté à une internationalisation, à une intégration dans une souveraineté autre que celle qui est strictement étatique. S'il en est ainsi il faut donc se rendre à l'évidence que devant la réticence du droit pénal, compte tenu de toutes les difficultés qu'il occasionne, les promoteurs de l'uniformisation doivent sciemment laisser aux seuls Etats, l'édiction de leurs normes régaliennes. Au demeurant si les normes communautaires posent des difficultés en elles mêmes, il va sans dire que leur mise en oeuvre au sein des organes habilités à cet effet posera aussi d'énormes difficultés.

PARAGRAPHE II : Les rapports conflictuels entre les juridictions au sein de

l'espace intégré

Les conflits de normes qui sont notés entre l'UEMOA et l'OHADA au sein de leur espace intégré, l'imprécision ou l'insuffisance de certaines dispositions du droit communautaire, sont la cause aujourd'hui de conflits entre d'une part les juridictions communautaires et les juridictions nationales (A), et d'autre part entre les juridictions communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA (B) elles mêmes.

A : Les relations conflictuelles entre juridictions nationales et juridictions

Communautaires : les avatars de la hiérarchie juridictionnelle de l'OHADA

Les contentieux relatifs à l'application des normes communautaires de l'OHADA et de l'UEMOA relèvent au premier chef de la compétence des juridictions nationales, et les procédures utilisées pour l'application de ce droit sont celles du droit interne. Ainsi c'est dire que les juridictions nationales remplissent, en tranchant un litige suscitant l'application d'une norme communautaire, les fonctions de juridictions communautaires au niveau national. Mais la clef de répartition entre les deux types de juridiction n'est pas toujours aisée à déterminer, à cause de la connexité entre les normes de droit communautaire harmonisées et celles du droit national non harmonisées. Dors et déjà il faut tout de suite préciser que les heurts qui sont notées au sein de l'espace intégré ne concernent en principe que l'OHADA. Car celle celle-ci a préféré mettre sur pied un système radical de substitution de sa juridiction communautaire la CCJA à savoir, aux organes juridictionnels nationaux dans le cadre du contrôle de l'interprétation et de l'application de la norme communautaire au niveau de la cassation. En effet contrairement au système du renvoi préjudiciel qui est utilisé au sein de l'UEMOA en matière de cassation, c'est la CCJA qui est seule habilitée à connaître des pourvois soulevant l'application des AU. Ainsi à l'exception des décisions impliquant des sanctions pénales, c'est la CCJA qui va dérober aux juridictions de cassation nationales leurs compétences normales. Ce mécanisme de substitution est à coup sûr générateur de conflits entre les juridictions de l'Etat et celle de la communauté. Tout d'abord il se pose une question par rapport à sa portée. Par ce que même si le traité vise ses propres dispositions, les Actes Uniformes, ainsi que les règlements. Il faut dire que logiquement les règlements ne sont pas concernés, car ils régissent uniquement les rapports entre les organes de l'OHADA, et les rapports entre l'OHADA et les Etats parties. Une autre hypothèse de conflits peut être constatée en matière pénale, car même si la compétence de la CCJA n'est pas retenue. Il faut dire que les AU contiennent des incriminations, par conséquent la CCJA peut statuer sur les dispositions d'incrimination pénales, et renvoyer à la juridiction nationale pour statuer sur la sanction. Mais dans une telle situation, outre le risque d'hétérogénéité des sanctions qui peut en découler dans les différents pays de l'Organisation, la complexité est accrûe lorsqu'une partie forme un pourvoi en cassation en se fondant sur la violation de la disposition d'incrimination, et celle établissant la sanction. Cette même observation en matière pénale peut être étendue à toute espèce de pourvoi en cassation intervenant dans un domaine où l'OHADA laisse une compétence résiduelle aux lois nationales. On peut imaginer à ce titre qu'un pourvoi en cassation puisse impliquer à la fois une ou plusieurs règles de droit uniforme et des règles de droit national non uniformisées. Par exemple le droit civil, le droit processuel, ou le droit de la preuve. La question dans cette situation serait alors de savoir comment procéder au partage de compétence entre la juridiction commune et les juridictions nationales. Plusieurs solutions peuvent être envisagées soit attribuer compétence à la juridiction nationale pour l'intégralité du litige, soit retenir la compétence de la CCJA. Ou encore une autre solution peut consister à former un pourvoi avec deux moyens destinés à deux juridictions. Cependant cette situation de conjonction de moyens, ne trouve aucune solution satisfaisante dans les relations telles qu'elles sont établies actuellement entre la CCJA et les juridictions nationales. D'ailleurs le problème s'est posé dans l'affaire Snar/ Leyma du 16 août 2001. Dans cette affaire la cour suprême du Niger qui avait été saisie, a subordonné les conditions de la saisine de la CCJA à deux conditions. D'abord elle a estimé qu'il faut une prépondérance des AU pour la solution du litige, ensuite la seconde condition est que le pourvoi doit essentiellement porté sur les Actes Uniformes. Si tel n'est pas le cas la juridiction de cassation nationale sera compétente pour statuer sur l'intégralité du litige, au détriment de la CCJA, même si les normes communautaires sont relativement en cause. Cette jurisprudence Snar et Leyma peut être considérée comme la manifestation de la réticence des juridictions nationales au monopole exclusif de la CCJA

Par ailleurs il faut dire que les conflits entre les juridictions nationales et la CCJA ne sont pas insolubles en principe. Car si l'on s'en tient à l'article 18 du traité on est dans un système où la juridiction communautaire peut imposer sa compétence aux juridictions nationales. Une partie peut en effet soulever l'incompétence d'une juridiction de cassation nationale, lorsqu'elle estime que cette dernière a méconnu la compétence de la CCJA, pour ensuite saisir celle-ci. Cependant il faut dire que la solution aux difficultés potentielles et réelles entre la CCJA et les juridictions des Etats doit plutôt être donnée par une répartition claire, une collaboration entre les deux types de juridictions. L'OHADA s'est voulue de bonne guerre très ambitieuse, mais son système de hiérarchie juridictionnel créé beaucoup plus de problèmes qu'il n'en règle en réalité, d'où l'urgence d'imiter aujourd'hui le modèle de l'UEMOA. Ce qui permettra par ricochet de pallier aux conflits qui se révèlent entre leurs juridictions communautaires.

B : Les conflits entre juridictions communautaires UEMOA et OHADA

: la conséquence du télescopage des normes

Les cours communautaires de l'UEMOA et d l'OHADA ont pour fonctions essentielles d'assurer l'uniformisation, de l'interprétation, et de l'application des normes spécifiques à l'ordre juridique, dont elle constitue l'institution juridictionnelle suprême. En fait l'Unification ne porte que sur l'ordre juridique propre à chaque organisation. Car aucune juridiction n'a une vocation, ou une compétence qui l'habilite à dire le droit qui n'est pas spécifique à l'ordre juridique auquel elle appartient. Ces éclairages ainsi faits nous amènent à soutenir simplement que les conflits entre la CCJA et la CJU ne sont que des conséquences logiques des conflits de normes qui existent entre les deux entités communautaires. En effet lorsqu'il est saisi, le juge de la CCJA ou de l'UEMOA, doit simplement vérifier si les éléments du litige qui lui est présenté, entre dans le champ d'application du droit de sa communauté. Donc les conflits entre les juridictions communautaires de l'Organisation et de l'Union ne sont notables que s'il y a incompatibilités ou co existence entre les normes UEMOA et les normes OHADA. E t cela est notable lorsque les deux entités investissent de par leur réglementation des domaines identiques. Ainsi lorsqu'un litige est porté à la connaissance de la CCJA ou de la CJU par la voie du renvoi préjudiciel, le juge communautaire doit apprécier eu égard aux éléments de sa compétence (le territoire, les Etats concernés, la matière du litige), si son droit peut être appliqué. A priori un tel problème ne se pose pas s'il s'agit de juridictions établies dans deux communautés regroupant des Etats totalement distincts. Cependant s'agissant des deux entités considérées il s'avère qu'elles regroupent les mêmes Etats, en plus leurs normes se chevauchent dans certaines matières. Ce qui fait que leurs juridictions connaissent nécessairement des rapports heurtés, étant donné qu'il n'existe aucun rapport hiérarchique entre elles. Mais par rapport à cette situation il y a lieu toute fois de distinguer entre deux hypothèses : la première est moins grave c'est lorsque les deux corps de règles qui revendiquent leur application dans le litige peuvent être appliqués de manière distributive. Par exemple lorsque dans un contentieux il est invoqué des atteintes à la concurrence, et une indemnité d'éviction. Dans ce cas les atteintes à la concurrence relèveront du droit de l'UEMOA, en l'occurrence le règlement n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques anti concurrentielles, la CJU sera saisie. Alors que l'indemnité d'éviction relèvera de l'OHADA plus précisément de l'AUDCG. La seconde hypothèse qui est source de conflits c'est lorsque les normes UEMOA et OHADA régissent ensembles toutes les matières du litige. A ce propos l'exemple le plus patent qui peut être donné, et qui a d'ailleurs fait l'objet d'analyse plus haut, c'est le droit comptable. En effet l'UEMOA a élaboré son SYSCOA, alors qu'à coté l'OHADA s'est nantie de l'AUHOC. Cette situation peut être à coup sûre source de problèmes. En effet lors même que les experts affirment que les législations des deux entités sont identiques, si un litige naît en matière comptable les principaux concernés ne seront pas laquelle des juridictions communautaires saisir. Si une des parties saisie la CCJA, l'autre qui estime se référer au SYSCOA pourra à bon droit saisir la cour de cassation ou la cour suprême nationale, qui va ensuite solliciter l'avis de la CJU. Eu égard à la connexité des matières, il découle de cette situation que l'arrêt rendu par le juge national d'appel tenu de saisir le juge communautaire de la CJU, en vertu des dispositions de l'article 12-2 du protocole additionnel n°1 est susceptible d'être cassé et infirmé par la CCJA, en application soit de l'article 18alinéa 3, soit de l'article14-3-5 du Traité. Dans ces circonstances l'interprétation et l'application des normes intégrées seront assurées par une juridiction qui n'a pas reçu compétence de le faire, et le grand malaise c'est que la décision que rendra la CCJA ou la CJU sera soumise au contrôle de l'autre.

Ainsi considérés, c'est dire que les conflits de juridictions qui existent entre la CCJA et la CJU, sont les résultantes des conflits de normes entre les deux entités, lesquels conflits découlent du trop plein de textes dans l'espace intégré. Ce problème paraît à priori insoluble dès lors que dans le Traité de Dakar et dans celui de Port Louis, le principe de l'effet direct des normes48(*) est affirmé. Aujourd'hui pour ne pas saper les efforts entrepris dans le cadre du processus d'intégration juridique, la solution qui paraît judicieuse et urgente, serait de conférer un primat aux normes OHADA, du fait que dune part l'Organisation ambitionne d'harmoniser le droit des affaires lato sensu, alors que l'UEMOA n'en fait qu'un complément à son principal objectif d'intégration économique. Mais d'autre part le nombre d'Etats parties à l'OHADA, de même que le monopole de la CCJA en matière d'interprétation, sont des arguments qui militent en faveur d'une telle option. Il faudrait par souci de rationalisation établir une sorte de vase communiquant entre la CCJA, la CJU, et la cour de justice de la CEMAC notamment. Cela pourra se faire si l'on érige la Cour de justice de l'OHADA en un centre principal de législation en matière de droit des affaires. Elle sera investie de compétences consultatives et juridictionnelles. Elle sera dès lors saisie par voie de recours préjudiciel par la CJU et la Cour de justice de la CEMAC, ces dernières quant à elles auront pour fonction d'appliquer la règle communautaire (Actes Uniformes ou normes dérivées UEMOA ou CEMAC) après une réelle coordination. Mais en attendant qu'un antidote soit apporté, peut être de manière plus judicieuse et pratique que celle préconisée. La situation actuelle laisse augurer des risques de décisions contradictoires, qui sont porteurs du mal que l'intégration avait pour ambitionner d'apporter remède. L'insécurité juridique principal symptôme d'une économie stagnante, peut engendrer des labyrinthes de procédure qui peuvent donner lieu à de véritables dénis de justice. Et l'intégration sera ainsi fortement estompée dans sa dynamique.

CONCLUSION

En définitive on peut dire que les années 90 constituent une date repère dans la construction des organisations sous régionales africaines, enclenchée déjà à la veille des indépendances dans les mouvements de libération nationale. L'Afrique de l'Ouest à l'image des autres contrées du continent noir, a entendu donner du relief à ses ambitions intégrationnistes. C'est ainsi qu'à cette époque, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires est créée avec pour ambitionner ultime d'unifier les législations de l'ensemble des matières du droit des affaires ou droit économique, sur toute l'étendue des territoires africains. L'Union économique et monétaire des Etats de l'Afrique de l'Ouest, quant à elle est née pour harmoniser les règles et procédures financières et comptables, mais aussi assurer la convergence des politiques et performances économiques des Etats de la zone Franc, grâce à une nouvelle discipline juridique en vigueur dans toute l'Union. S'il en est ainsi, il faut dire que si dans l'UEMOA l'intégration juridique a été la conséquence de l'existence d'une Union économique et monétaire commune, autrement dit la condition sine qua non, et irréversible de la volonté d'intégration économique des Etats parties au Traité de l'Union. L'OHADA quant à elle s'est voulue à priori, un modèle absolu d'intégration juridique parfaite. En effet les pays de la zone Franc ont institué l'Union économique et monétaire en Afrique de l'Ouest pour la création d'un marché commun, avec un territoire douanier unique, devant permettre la libre circulation des personnes, des biens,des services, des capitaux, de même que le libre établissement des personnes. Et c'est cette union qui par voie de conséquence, a suggéré la mise en commun des législations des Etats membres dans ces différents domaines. De l'autre coté avec l'évolution des règles du jeu de la mondialisation, l'apparution permanente des nouvelles relations économiques, et des nouvelles techniques de gestion et de fonctionnement des entreprises. Il est apparu plus que nécessaire pour les promoteurs de l'OHADA, d'édicter un droit également moderne, et adapté aux nouvelles configurations de l'économie, et susceptible de protéger les nouveaux intérêts, ou de mieux protéger les intérêts déjà existants. Ainsi considérée, l'intégration juridique dans ces deux organisations internationales ouest africaine, s'est donnée pour office ultime, la réussite de l'intégration économique africaine, l'amélioration du climat des investissements, et au-delà elle doit favoriser l'institution d'une communauté économique africaine, en vue d'accomplir des progrès nouveaux sur la voie de l'Unité Africaine. A l'heure actuelle, les résultats enregistrés sont à bien des égards satisfaisants. L'UEMOA considérée séparément, a réussi l'unification des marchés intérieurs, les biens circulent librement en toute franchise de droit de douane à l'intérieur de l'Union, grâce à une législation unique régissant les échanges intra régionaux. De surcroît l'existence du tarif extérieur commun (TEC), permet à l'UEMOA de mener une politique commerciale commune, favorisant des retombées économiques positives, dans ses relations avec l'extérieur. La nouvelle discipline juridique communautaire a permis l'élaboration de politiques sectorielles communes, qui sont prioritairement mises en oeuvre aujourd'hui dans les domaines de l'énergie et de l'agriculture. Au chapitre des mesures d'accompagnement, et pour pallier aux nombreuses contraintes que peut causer pour les Etats, l'existence de la nouvelle réglementation unique. Par exemple en matière fiscal, un système transitoire de compensation est institué pour compenser les moins values fiscales que peuvent accuser les Etats en appliquant la législation relative au schéma de libéralisation des échanges. C'est ainsi que des sommes importantes collectées par l'Union, sont ensuite réparties aux Etats. Des routes régionales sont initiées pour faciliter les échanges intra régionaux. Car si l'intégration juridique est une manière de mettre la règle de droit au service des ambitions économiques de la zone ouest africaine, aucune intégration des marchés ne pourra se réussir sans les transports. Il faut aussi signaler qu'un code des transports aériens a été adopté au sein de l'Union tout récemment en fin 2006. Au chapitre de la nouvelle réglementation bancaire une carte bancaire UEMOA, qui sera dénommée carte (GIM : groupement interbancaire et monétaire), a déjà reçu l'adhésion de 64 banques de la zone sur les 88. Cette carte qui va accentuer l'homogénéité des opérations en cette matière devrait donc bientôt voir jour. S'agissant de l'OHADA, le nouveau droit des affaires, symbolisé par les différents Actes Uniformes, donne aujourd'hui une orientation juridique très pratique, qui de manière efficace aura permis plus de dix ans après, de bouster l'économie des différents Etats parties, après en avoir assaini le cadre règlementaire. Sous ce rapport l'analyse d'ensemble de la dynamique d'intégration juridique dans l'UEMOA et dans l'OHADA, permet sans ambages de dire que l'Afrique de l'Ouest a même réussi une prouesse en matière juridique. Car dans de nombreux domaines, tel que la fiscalité, le niveau de réalisation dépasse très largement celui des autres régions d'Afrique, et même l'Union Européenne qui pourtant constitue sa référence en la matière. Cependant la coexistence de l'OHADA et de l'UEMOA, regroupant les mêmes Etats, et de surcroît investies des mêmes missions, ne manque pas de créer un certain nombre de situations problèmes. En effet il y a un éclatement, une dispersion des pôles de production du droit des affaires. Tout d'abord cela créé aujourd'hui des conflits de normes entre les deux organisations internationales africaines, mais plus grave encore avec les autres ordres juridiques internationaux les conflits sont inévitables. Virtuellement des risques de conflits peuvent apparaître entre l'OHADA et des organisations telles que la CEA, ou la CEDEAO, qui se sont assignées des domaines de compétence très larges. La CEA qui a une vocation continentale tout comme l'OHADA s'est fixée parmi ses objectifs : la promotion économique, culturelle, et sociale africaine, ainsi que l'établissement d'un marché commun africain. En résumé on peut dire qu'elle a une compétence générale en matière économique et sociale. Même si dans le Traité on n'y parle pas d'uniformisation mais d'une simple coopération entre les Etats. Celle-ci pourra prendre sous les exigences de la pratique une forme normative. S'agissant de la CEDEAO, même si l'article 2 du Traité version 1993, prévoit que les hautes parties contractantes s'engagent pour en faire à terme la seule communauté économique africaine, l'appartenance de celles-ci à l'OHADA qui a une vocation continentale, nous fait craindre des risques de conflits de normes. En fin de compte la dispersion de la production normative, du fait de l'existence multiple des organisations d'intégration, aura pour conséquence néfaste de saper l'homogénéité et la cohérence des différentes branches du droit, alors que de telles règles doivent être simples, afin de servir l'efficacité économique, et le développement des Etats africains. Pour que l'intégration juridique puisse offrir tous les résultats attendus d'elle, il faut dès l'abord penser aux moyens de son parachèvement. Ce qui ne pourra se faire que par l'existence d'une seule et unique organisation internationale, dans chaque zone économique d'Afrique, ou comme autre alternative, on pourrait penser à instituer des règles de primauté entre les normes communautaires des différentes organisations régionales africaines, ou encore poser des règles de spécialisation, faisant que chaque organisation sera exclusivement chargée de réglementer une branche bien définie du droit économique. Une telle solution sera très bénéfique, car un droit des affaires produit par une seule instance supranationale gagnerait en cohérence, et en visibilité, et cela lui donnera beaucoup plus d'efficacité pour la réalisation d'ensemble des objectifs d'intégration économique de toute l'Afrique. Mais en marge de ces obstacles techniques, il faut aussi dire que l'intégration juridique ne pourra réussir que si et seulement si les normes qui sont édictées font l'objet d'une application efficiente par les Etats qui s'engagent. Aujourd'hui les Etats ont certes valorisé leur engagements communautaires, par des procédés plus élaborés de prise de décisions, ou de garantie d'exécution, mais les gouvernants africains qui représentent leurs Etats au sein des structures communautaires, et qui volontairement s'assignent des obligations au nom de ceux-ci, doivent en tout état de cause taire leurs contingences politiques internes ou internationales, afin de faire primer la rationalité juridique. En somme ont doit militer pour le triomphe d'une règle de droit forte et stable dans l'UEMOA et dans l'OHADA, notamment dans toutes les autres organisations internationales africaines, et cela ne sera possible que si l'Afrique parvient d'abord à synchroniser ses droits économiques, autrement dit on doit aujourd'hui penser à l'harmonisation des différents systèmes d'intégration juridique en Afrique.

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* 1 Cheikh A Diop : Fondements économiques et culturels d'un Etat fédéral d'Afrique noire, Pres afric 1974 P17

* 2 Gérard. Cornu Rev Juridiques Puf Paris 2002 P 478

* 3 Le Règlement de procédure de la CCJA : le 18 avril 1996. Le Règlement d'arbitrage de la CCJA,

Le Règlement financier des institutions de l'OHADA. Les Règlements relatifs au statut des fonctionnaires et au régime applicable au personnel de l'OHADA

* 4 Un juge pour chacun des 8 Etats que compte l'UEMOA

* 5 «  Je jure solennellement d'exercer mes fonctions de membre de la Cour de Justice de l'UEMOA en toute indépendance et impartialité de façon digne et loyale et de garder le secret des délibérations  »

* 6 CCJA. Arrêt n°013/2002, 18Avril 2002

* 7 Kéba Mbaye, les éditions juridiques africaines « EDJA », n°57 janvier 1994, p.9

* 8 Voir Directive n°2/98/CM/UEMOA du 22désembre 1998

* 9 La dernière décision de l'UEMOA : décision n°14/2006/ CM/UEMOA

* 10 01/2006/CM/UEMOA

* 11 J Y SAyegh. , op. cit. , p9

* 12 CE 22 décembre 1978, syndicat des hautes graves de bordeaux ; décisions 89 et 77- 90 du 30 décembre 1977 du conseil constitutionnel

* 13Jurisprudence OHADA 02 /02/ P24

* 14 Arrêt du 24 mai 1975, société des cafés J. Vabre

* 15 Arrêt du 1er mars 1968 «  syndicat général des fabricants de semoules de France.

Arrêt d'assemblée du 22octobre 1979 « Union démocratique du travail

* 16 Arrêt d'assemblée du 20 octobre 1989 « Nicolo »

* 17 Arrêt du 24 février 1990 « boisdet » pour les règlements,

Arrêt S A Rothmans International France et Philip Morris, pour les directives

* 18 CJCE, 5 / 02/ 1963, Van Gen en Loos 26/ 62, Rec., 1963, concl Roemer et G.A I..29 P . 1.

* 19 Règlement relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l'intérieur de l'UEMOA

* 20 Article 2et 4.1 du règlement

* 21 Article 31 du règlement n° 3/CM2002 /UEMOA

* 22 Les sociétés se sont retrouvées dans un cadre de concertation dénommée Fédération sénégalaise des sociétés d'assurance (FSSA). Cette fédération coordonne les activités de ces sociétés en matière tarifaire, ces sociétés font recours à des courtiers qui sont plus en rapport direct avec la clientèle. Cette intermédiation sera à l'origine du problème majeur que vivent les compagnies d'assurance, celui des primes impayées. En l'espèce les faits se sont déroulés comme suit : La centrale Insurance broker Agency (CIBA), cabinet spécialisé dans le courtage en assurance réalisait près de 80% de son chiffre d'affaire dans les activités de médiation pour le compte des AGS et de la Sosar el Amane .

A la suite de deux contentieux non vidées entre la CIBA et les sociétés d'assurance dans le versement des primes, la FSSA (instance nationale à la quelle appartenait les AGS et la Sosar el Amane.) décide à l'issue d'une réunion de recommander à tous ses membres de rompre toutes relations d'affaires avec la CIBA à compter du 1er Janvier 1998. Cette décision est matérialisée par la lettre n° MRG/ MT/120 du 22 décembre 1997, signée par 9 des 10 représentants des compagnies présentes à la réunion.

En exécution de cette décision divers communiquées de presse sont publiés dans les journaux de la place (Walfadjri, Soleil, Sud quotidien) par les AGS pour informer le public de la suspension des liens contractuels

* 23 Avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001 www. Juriscope. Org, rubrique OHADA

* 24 Décision du Conseil des ministres de l'UEMOA lors d'une réunion tenue le 25 décembre 1998

* 25 Décision n°01/09/2002 du 19 septembre 2002 : L'article 1 énonce l'engagement des Etats à ne plus recourir aux dispositions de l'article 14 des statuts de la banque centrale. L'article 2 prévoit l'entrée en vigueur de la mesure à partir du 1er janvier 2003

* 26 Annexe n°1 de l'Acte additionnel, in bid P. 21à 23

* 27 Article 7 de l'Acte additionnel n°4/96

* 28 Acte additionnel n°1/97 du 23 juin 1997

* 29 Acte additionnel n°4/98 du 30 décembre 1998

* 30 Décision du n° 1/98/CM/ UEMOA, in Bulletin officiel de l'UEMOA n° 9, p5

* 31 Directive n° 2/ 98/ CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

* 32 Loi n°99- 012 du 1er avril 1999 portant modification du code général des impôts, Impôts indirects, journal officiel de la république du Mali numéro spécial, avril 1999, article 517, p LXVIII.

* 33 Directive n° 3/ 98/CM/ UEMOA du conseil des ministres, à Dakar portant harmonisation des législations des Etats membres en matière de droits d'accises.

* 34 Voir article 55 et 56 de la directive n° 3/ 98/CM

* 35 Voir Directive n° 6/ 2001/ CM/ UEMOA du 26 novembre 2001 portant harmonisation de la taxation des produits pétroliers au sein de l'UEMOA.

* 36 Voire Instruction n° 01 2003 SP du 08 mai 2003

* 37 Voire article 42 du traité de l'OHADA

* 38 Voire article 105 du traité de l'UEMOA de 1994

* 39 Voire article 22

* 40 Voire article 26 du règlement de procédure de la cour de la cour de justice.

* 41 Voire article 27 du règlement de procédure de la CCJA

* 42 Voire article 28 du règlement de procédure de la CCJA

* 43 La jurisprudence de la cour de justice l'UEMOA s'est prononcée à deux reprises sur le vice de forme dans des décisions rendues le même jour. Le 29 mai 1998 Sakho Abdurahmane c/ commission de l'UEMOA ;

Dieng Ababacar c/ commission de l'UEMOA.

Dans ces affaires le juge a annulé les décisions de la commission pour non respect de certaines formalités préalables à la prise de décision de sanctions. Dans la seconde affaire elle a estimé que la procédure constitue une formalité substantielle

* 44 Arrêt n° 01/2006 du 05 avril 2006

* 45 Voire Article 5 du Traité de l'OHADA

* 46 Voire article 148 -2 et 149 -3 AUS et articles 166 et 167 AUPC

* 47 Le renvoi fait par l'article 241 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives incrimine certains agissements imputables aux proches du débiteur et l'article 244 incrimine ceux qui sont imputables aux créanciers. Ces dispositions prévoient pour la répression l'application des peines prévues par le droit pénal national pour les infractions commises au préjudice d'un incapable. Alors que dans la législation de chaque Etat il peut y avoir plusieurs infractions portant atteinte aux intérêts d'un incapable : L'abus des biens d'un mineur ;l'exposition ou le délaissement d'enfants ou d'incapables.

* 48 Voire l'article 6 du Traité de l'UEMOA, et l'article 10 du Traité de l'OHADA






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote