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DE L'INCRIMINATION DE LA TENTATIVE EN DROIT POSITIF CONGOLAIS

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par Victor IRENGE BALEMIRWE
Université Libre des Pays des Grands Lacs, Goma - Graduat 2008
  

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Section II. LA VOLONTE IRREVOCABLE DE L'AGENT

JEAN PRADEL, dans son analyse de la tentative punissable, révèle que dans la doctrine italienne, il s'est dégagé une célèbre distinction entre l'acte équivoque et l'acte univoque.22(*) Ceci veut signifier qu'on ne peut pas simplement se fier à certains éléments pour déclarer une tentative punissable. Au-delà de la distinction entre les actes matériels de commencement d'exécution et des actes préparatoires, l'auteur présumé d'une tentative ne peut être poursuivi si une précision n'est pas faite sur l'infraction proprement dite que l'agent voulait commettre.

D'où la nécessité de préciser la question de la volonté irrévocable de l'agent: il s'agit en fait de différencier l'acte univoque de l'acte équivoque. L'acte équivoque est un acte qui se prête à plusieurs interprétations, ce qui a comme conséquence la difficulté de poursuivre le délinquant pour son acte délictueux. L'acte univoque cependant est un acte qui ne peut être interprété que d'une seule façon.

NYABIRUNGU mwene SONGA dit que la deuxième version de la tendance objective considère que l'on devrait retenir le commencement d'exécution d'une tentative lorsque les actes révèlent indiscutablement que la volonté criminelle du délinquant est devenue irrévocable, c'est-à-dire qu'elle ne peut plus porter à confusion.23(*) Il est donc question de savoir lorsque les actes déjà posés sont susceptibles de répondre à la définition d'une seule infraction car toute la difficulté sera celle de savoir pour quel motif poursuivre alors que l'on dispose de plusieurs possibilités de qualification.

N'est-ce pas là un moyen de revenir à l'élément moral de l'infraction alors que l'étude du commencent d'exécution ne concerne que les actes matériels posés. Nous pensons que ceci ne constitue pas nécessairement un retournement pur et simple aux éléments psychologiques de l'infraction, seulement il est question d'analyser l'interprétation de ces actes sans tout de même ignorer l'intention qui les accompagne. Et c'est dans cette étude que nous comprenons le pourquoi de la précision que nous avons voulu au sujet de l'infraction ou mieux de la tentative à incriminer.

Paragraphe 1. Acte équivoque ou acte préparatoire

Si la constitution dispose à son article 17alinéa 2 que nul ne peut être poursuivi pour des faits qui ne constituaient pas une infraction au terme de la loi pénale au moment de la commission,24(*) elle savait que toute infraction devrait être clairement définie par la loi pénale de manière à ne pas entraîner la confusion dans le chef des personnes. Et cette précision de la loi permet alors de la confronter aux faits bien déterminés car le travail quotidien du juge pénal est de rendre justice en interprétant la loi de manière à voir si les faits qui lui sont présentés répondent à la définition légale de l'infraction pour conclure à la condamnation ou l'acquittement de l'agent.

Et cette affirmation constitutionnelle nécessite, l'avons-nous dit, que les faits matériels soient susceptibles d'accepter une seule interprétation pénale. Et comme cela a si bien été dit par STEFANI, LEVASSEUR et BOULOC, la règle qui veut que la loi pénale soit interprétée de manière restrictive, poena sunt restringendam, n'est qu'un corollaire direct du principe de la légalité des délits et des peines.25(*) Mais comme l'interprétation de la loi doit être restrictive, la qualification des faits doit l'être aussi.

Quant à ce qui concerne la qualification, KAKULE KALWAHALI dit qu'il existe deux: la qualification législative ou légale et la qualification judiciaire. On parle de la qualification législative ou légale lorsque celle-ci se cristallise en un texte de loi ou encore celle qui est abstraite alors que la qualification judiciaire est justement une opération par laquelle l'autorité judiciaire fait correspondre les faits qui paraissent antisociaux à la qualification légale de telle sorte que l'application de la sanction pénale suppose l'existence préalable d'une loi.26(*) Il s'agit donc de confronter de manière assez stricte et rigoureuse les faits, les actes matériels posés dans le cas d'une tentative punissable avec les faits incriminés par la loi et alors on dira le bon droit.

Au-delà de la rigueur dans la qualification des faits, la doctrine admet unanimement que l'autorité judiciaire saisie des faits peut adopter une qualification provisoire qu'il sera loisible de modifier si à tout le moins des nouveaux éléments apparaissent et laissent penser que la première qualification n'est pas du tout exacte. Elle admet que les juridictions de jugement ne sont pas tenues par la qualification du ministère public, ce qui entraîne la même observation au niveau d'appel face au premier degré. Et le juge de cassation en RDC, comme pour rendre cela effectif, a opté pour la théorie de la peine justifiée ou méritée: si sa qualification ne correspond pas à celle du juge de fond mais que la peine reste la même ou du moins dans les mêmes limites pour les deux qualifications, il ne cassera pas cette décision. Et dans l'arrêt VUMBI wa TSHALA contre M.P et KALONDJI MUTAMBAYI,27(*) la cour suprême avait disqualifié les faits, en rejetant la qualification d'escroquerie donnée par la C.A., et en retenant le stellionat tel qu'il est prévu et puni par l'article 96 de notre code pénal. Elle rejeta néanmoins le pourvoi, étant donné que si l'on considère les peines légales prévues en matière de stellionat, les peines prononcées restaient justifiaient.

La doctrine fait aussi mention des droits de la défense lors de la requalification et de la disqualification des faits. Elle veut en outre que c'est au moment de l'action qu'il faut se placer pour apprécier la qualification de l'infraction consommée ou tentée. C'est cela le principe de la cristallisation. On ne tiendra pas compte dans la qualification, en vertu de ce principe, des faits qui se sont ajoutés après la commission de l'infraction. Ceci mettrait toute la société en insécurité permanente et au demeurant elle serait ainsi source d'injustice. La problématique de qualification n'est pas très délicate lorsqu'il s'agit d'une infraction consommée. Mais lorsqu'il est question de l'infraction tentée, le vrai problème se pose car il est des faits qui peuvent à la fois être différemment qualifiés. C'est valable pour les infractions effectivement consommées et les infractions seulement tentées.

Si pour les infractions effectivement consommées le concours idéal veut que la plus haute expression pénale soit prononcée, nous pensons que la tentative qui a des actes matériels équivoques devrait suivre la règle du concours matériel: chaque fait bien qu'étant posé en prélude de la consommation d'une infraction, soit sanctionnée au cas où il est incriminé par la loi et que le juge puisse cumuler toutes les peines. Seulement nous ne partageons pas l'opinion du législateur congolais qui limite la durée d'une servitude pénale à temps à vingt ans. Car nous considérons cette limitation arbitraire sinon pourquoi l'observer alors que le délinquant a posé des actes qui méritent bien plus que vingt ans de prison?

Cette analyse est également partagée par la doctrine française en matière pénale. C'est du moins ce q'il faut retenir de JEAN PRADEL lorsqu'il dit que lorsqu'un même fait est susceptible de plusieurs incriminations, ce que son auteur a enfreint plusieurs lois pénales: il y a alors pluralité d'infractions et l'on doit appliquer le vieil adage tot delica quod leges lesae... Le juge devra donc tout d'abord se prononcer sur chacune des incriminations possibles et les viser éventuellement dans la condamnation: il y aura autant de déclarations de culpabilité que les lois d'incriminations violées28(*). Il convient donc de retenir de PRADEL que la doctrine française est plutôt favorable aux qualifications multiples lorsque l'acte posé par le délinquant est équivoque.

Et c'est là toute la complexité de la tentative punissable car comment peut- on imaginer que parfois les actes posés en vue de... puissent être sanctionnés plus que l'infraction projetée. Ou même comment un simple acte posé en vue de... peut être sanctionné plusieurs fois. La règle en matière pénale n'est-elle pas le non bis in idem, comme pour dire que nul ne peut être poursuivi, sanctionné pour un seul et même fait plusieurs fois. Retenir ces qualifications multiples pour ces actes équivoques nous pousse à penser qu'il ne s'agit donc pas d'acte de commencement d'exécution d'une infraction car si tel serait le cas, on ne devrait retenir qu'une seule qualification, la tentative de...

De ce qui précède, il sied de signaler donc que pour une infraction inachevée, lorsque les actes matériellement posés sont susceptibles de qualifications multiples ou sont équivoques, on devra sortir du cadre de la tentative punissable et donc du commencement d'exécution pour ne pencher que sur les seuls actes commis, actes qui devront être alors considérés comme actes préparatoires mais alors constitutifs d'infractions et sanctionnés en tant que tels.

Prenons à titre illustratif quelques cas et voyons comment ils doivent être traités. Dans un premier cas, un délinquant qui, voulant voler des biens de grande valeur se trouvant dans une maison hermétiquement fermée pendant la nuit, se décide d'entrer dans cette maison et comment? Il escalade les murs de l'enclos et une fois à l'intérieur, il enchaîne la sentinelle après lui avoir fracasser le bras droit et, après il casse la porte et s'introduit dans la maison, il se précipite immédiatement dans le local où il y a ces biens après avoir blessé le maître de céans trouvé au salon. Malheureusement pour lui, avant qu'il ne parte de cette maison et qu'il ne mette effectivement la main sur ces biens qu'il a déjà vu, le secours de la police arrive et il est arrêté.

Nous pensons que pour ce délinquant, l'intention est certes de voler pendant la nuit et dans une maison des biens de grande valeur, mais il a posé plusieurs faits que nous ne pourrions initialement considérés comme ceux de commencement d'exécution du vol qualifié mais qui seront qualifiés d'actes préparatoires constitutifs de plusieurs infractions pénales. Et il s'agira donc pour ce cas bien précis d'actes matériels mais équivoques. Ainsi donc, au lieu de retenir la tentative de vol qualifié, le juge devra retenir cumulativement les infractions de coups et blessures volontaires, de violation de domicile bien éventuellement avec circonstances aggravantes, ...Par conséquent, le juge appliquera l'adage tot delica quod leges lesae qui veut tout simplement que le juge puisse considérer chaque acte infractionnel à part et prononcer une peine pour chacun de ces actes.

Dans un deuxième cas, dans le but d'opérer par exemple le kidnapping, d'effectuer le vol à mains armées, de tuer par moment leurs victimes, de faire de braquages ou simplement de terroriser la population, un groupe de gens se procurent chacun une arme de guerre et constituent une association des malfaiteurs; s'ils projettent de commettre un forfait et qu'ils n'y parviennent pas indépendamment de leur volonté, lorsque l'infraction tentée est beaucoup plus sanctionnée que ces actes matériels posés, le juge devra retenir la tentative, et si tel n'est pas le cas, il devra retenir tout à la fois la détention illégale d'armes de guerre et association des malfaiteurs et pourra, en pareil cas, cumuler toutes les peines et cela sans complaisance.

C'est encore l'occasion pour nous ici de revenir sur la problématique de la durée maximale pour une servitude pénale à temps. Bien que cela ne soit pas l'objet de notre travail, il importe cependant que nous disions qu'il ne sert à rien de reconnaître qu'un seul délinquant peut tout à la fois commettre le viol, le vol et le meurtre et que pour qu'on dise avec raison qu'il purge pour ses fautes, il faut impérativement qu'il ait été condamné pour chacun des faits qu'il a posé et non se contenter d'un simple cumul des peines qui a d'ailleurs des limites. Dans le souci donc de faire administrer une bonne et équitable justice, le législateur devrait donc revoir sa position là-dessus dans le sens de ne pas limiter la durée d'une peine de servitude pénale à temps. Sinon quel est ce délinquant qui, après avoir violé par exemple une femme avec violences, ne se permettrait pas en plus de voler et de lui fracasser le bras lorsqu'il sait qu'il ne peut faire que vingt ans en prison, comme si seul le viol avec violences a été sanctionné et le reste n'étaient pas des infractions.

Pour nous donc, il n'existe pas de différence particulière entre un acte équivoque et un acte préparatoire constitutif d'infraction particulière car, les deux types d'actes sont incriminés pareillement. Quid alors d'actes matériels univoques?

* 22. PRADEL (Jean), Op.Cit, p.343.

* 23. NYABIRUNGU mwene SONGA, Op.Cit, p.161.

* 24. Art 17al 2 de la constitution du 18 février 2006, Op.Cit, p.14.

* 25. STEFANIE (Gaston) et all, Droit pénal général, 13ième édition, Paris, Dalloz. 1987, p.193.

* 26. KAKULE KALWAHALI (Charles), Op.Cit, p.29.

* 27. C.S.J., 15 avril 1975, Bull, 1979, 119, In NYABIRUNGU mwene SONGA, Op.Cit, p.111.

* 28. PRADEL (Jean), Op.Cit, p.278.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery