WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le plein contentieux et l'excès de pouvoir

( Télécharger le fichier original )
par Jacquet Sébastien
Université de Lorient - Master 2 Droit public 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. La valeur de l'affirmation, la résistance inattendue du recours pour excès de pouvoir

En préférant la voie du recours pour excès de pouvoir à celle de la pleine juridiction, le Conseil d'État surprend, et ce, pour deux raisons. La première est qu'en matière de sanction disciplinaire pour cause de dopage une répartition des compétences entre la commission de discipline de la fédération et l'agence française de lutte contre le dopage est instaurée. Cependant, si pour cette dernière la loi (art. L. 232-24 du code du sport) a prévu de façon expresse que les contestations des sanctions prises par l'agence relèvent du plein contentieux, rien de tel n'est prévu pour les sanctions infligées par la fédération. Ainsi, face à ce vide quant à la nature du contentieux, le Conseil aurait pu prendre le parti de la cohérence en plaçant ces deux procédures sous l'égide du plein contentieux.

Surprenante, la solution du Conseil d'État l'est pour une seconde raison qui est de loin la plus importante. En effet, cette consécration du recours pour excès de pouvoir apparaît être une solution prenant à rebours l'évolution générale du contentieux administratif qui tend à privilégier le recours subjectif de pleine juridiction. Cependant, comment ces deux types de recours peuvent-ils entrer en concurrence ? Leur fonction est apparemment différente. Le recours pour excès de pouvoir est un recours dit objectif, un procès fait à la légalité d'un acte administratif indépendamment de la prise en compte des droits subjectifs des individus ; dans ce contentieux, le juge n'a qu'un pouvoir limité : soit il annule l'acte déféré soit il ne l'annule pas, en aucun cas il ne peut le réformer. Alors que le recours de pleine juridiction est un procès mettant en cause les droits subjectifs d'un individu ; dans ce cadre le juge dispose d'un pouvoir entier, il peut aller au delà de la seule annulation ou non de l'acte (il pourra, par exemple, annuler la décision de rejet l'administration et la condamner au paiement de dommages et intérêts). Cependant, cette distinction (dont nous devons la paternité à Gaston Jéze) entre un recours pour excès de pouvoir objectif et recours de pleine juridictions subjectif n'est pas le reflet de la réalité car elle méconnait l'existence du recours dit objectif de pleine juridiction, qui, comme le recours pour excès de pouvoir, tranche une question de légalité d'un acte, mais, en dépit de sa nature objective, est traité comme un recours subjectif en ce qu'il en suit le régime. Par conséquent, dans le cadre du recours objectif de pleine juridiction le juge dispose d'un pouvoir de réformation à l'égard de

5

l'acte administratif litigieux ; il pourra remplacer la décision de l'administration par sa décision, ce qui rend cette voie contentieuse plus dynamique que celle du recours pour excès de pouvoir du fait qu'elle puisse procurer des résultats plus certains, plus concrets et surtout immédiats. Au vu des avantages que le recours objectif de pleine juridiction présente, son domaine d'application a connu et connait une expansion importante sous la double impulsion du législateur et la jurisprudence. En effet, au delà des contentieux spéciaux qualifiés d'historiques (contentieux fiscal, électoral, bâtiments menaçant ruine, des installations classées), d'autres sont venus se greffer comme le contentieux de l'aide sociale, des comptes de campagnes, de la reconnaissance de la qualité d'handicapé ou encore, plus récemment, l'assemblée du contentieux du Conseil d'État (C.E, 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation) ouvra au bénéfice des tiers évincés à la conclusion d'un contrat administratif la voie de la pleine juridiction en fermant dans le même temps celle du recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables issue de la jurisprudence Martin. Cependant, force est de constater que le domaine dans lequel s'est pleinement épanouie le recours objectif de pleine juridiction reste celui des sanctions administratives ; en ce domaine, s'est développée une impressionnante convergence de dispositions législative désignant le recours de pleine juridiction comme voie contentieuse (par exemple, les sanctions prononcées par l'autorité des marchés financiers contre les professionnels, celles de la commission de régularisation de l'énergie, celles de la commission nationale de l'informatique et des libertés, etc. ). Cette convergence trouva son point d'orgue dans l'arrêt de l'assemblée du contentieux du Conseil d'État, Société Atom, du 16 février 2009, par lequel le Conseil généralisa l'appartenance au recours objectif pleine juridiction de la contestation des sanctions administratives infligées à un administré (ce qui exclut, a contrario, les sanctions disciplinaires prononcées contre les agents publics ainsi, qu'envers les personnes appartenant à une profession réglementée) ; par cette décision, le Conseil d'État abandonna sa jurisprudence Le Gun du 1er mars 1991 dont l'interprétation a contrario amenait à considérer qu'en l'absence de texte les sanctions administratives prononcées contre un administré relèvent du recours pour excès de pouvoir.

Ainsi, en l'absence de texte relatif à la nature des recours contre les décisions de la Fédération française d'athlétisme, la question de l'application de la jurisprudence se posait au Conseil d'État. Or, en l'espèce, la sanction prononcée par la fédération ne mettant pas en cause un agent public, ni une personne appartenant à une profession règlementée, le Conseil d'État aurait dû appliquer la jurisprudence Atom et déférer l'affaire devant le juge de pleine juridiction ; le Conseil a interprété largement les exceptions de la jurisprudence Atom. Ainsi, l'arrêt F.F.A est à mettre en perspective avec d'autres décisions allant toutes dans le sens d'une résistance du recours pour excès de pouvoir en matière de sanction administrative. En effet, par un arrêt Dalongeville rendu le même jour par les mêmes sous-sections réunies, le Conseil d'État consacra la voie du recours pour excès de pouvoir pour connaitre des sanctions prononcé contre un maire ou ses adjoints. Encore, la Cour administrative d'appel de Nancy par un arrêt du 23 septembre 2010 traita de la même façon les sanctions disciplinaires prononcées contre un détenu (censurant deux jugements du Tribunal administratif de Strasbourg du 25 juin 2009 qui s'étaient placés sur le terrain du plein contentieux). Reste à apprécier la valeur de ces décisions, car s'il est aisément compréhensible que les sanctions infligées aux maires relèvent des exceptions de la jurisprudence Atom en ce qu'elles sont prononcées contre un agents publics, l'on comprend plus difficilement la solution retenue par la Cour administrative de Nancy et encore plus difficilement celle de l'arrêt F.F.A. En effet, la décision de la Cour administrative d'appel de Nancy ne semble être justifier qu'au prix d'un raisonnement plus tortueux voulant que, certes, les détenus ne sont pas des agents publics ni même des membres d'une profession règlementée, mais, en ce qu'ils sont soumis à une

6

stricte subordination envers l'administration pénitentiaire, ils ne peuvent être considéré comme des administrés au sens de l'arrêt Atom. Pour ce qui est de l'arrêt F.F.A, les licenciés n'étant pas dans une situation particulière vis à vis de leur fédération, pas plus, d'ailleurs, qu'un l'habitant d'une commune ne le soit envers le maire, l'on pouvait normalement envisager que le contentieux relève de la pleine juridiction. Pour preuve de ce qui précède, il n'est pas anodin de signaler que le Tribunal administratif de Strasbourg par un jugement du 25 juin 2009 (n° 0405715) appliqua la jurisprudence Atom a une sanction infligé par la fédération de boxe à un de ses licencié ; ainsi, ces divergences entre la haute juridictions et les juges du fond se veulent l'écho de la pensée du président Genevois qui, par ses conclusions sous l'arrêt Aldana Barrena du 8 janvier 1982, affirmait que, lorsque le texte ne l'impose pas, le choix entre le recours pour excès de pouvoir et le plein contentieux est « rarement le fruit d'une théorie juridique ». L'arrêt commenté met, en effet, plus en lumière la volonté du Conseil d'État de ne pas donner la mort au recours pour excès de pouvoir en freinant le développement du domaine du plein contentieux, que sa rigueur dans la mise en oeuvre de sa jurisprudence Atom.

Cependant, selon le rapporteur public des arrêt F.F.A et Dallongeville, Béatrice Bourgeois-Machureau, le maintien du recours pour excès de pouvoir en matière de sanctions administratives ne pouvait être satisfaisant, notamment au niveau des exigences du droit européen, qu'à la condition d'abandonner le contrôle restreint pour admettre un contrôle entier de l'adéquation entre les motifs et dispositif de la sanction litigieuse ; suivant l'avis de son rapporteur public le Conseil d'État consacra un recours pour excès de pouvoir « renforcé ».

7

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"