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L'humanisation des lieux de détention au Cameroun

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par Vincent Pascal MOUEN MOUEN
Université catholique d'Afrique centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE

INSTITUT CATHOLIQUE DE YAOUNDÉ

FACULTÉ DE SCIENCES SOCIALES ET DE GESTION

Association pour la promotion des droits de l'homme en Afrique centrale

Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du diplôme de Master en droits de l'homme et action humanitaire

L'HUMANISATION DES LIEUX DE DETENTION AU CAMEROUN

Par

MOUEN MOUEN Vincent Pascal

Diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure de Police

Sous la direction du

Pr. Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO

Agrégé des Facultés de droit

Professeur associé à l'UCAC

Année 2009

« Avec beaucoup de sagesse, on a beaucoup de chagrin et celui qui augmente sa science augmente sa douleur »

Ecclésiaste 1, 18.

A «Elo'',

MOUEN ELOLONGUE ZETH Emile,

Qui, jusqu'au bout, aura courageusement affronté ton destin.

Il n'est de jour où mes pensées ne se tournent vers toi,

Afin de puiser dans la force de ton caractère,

Le courage et l'énergie nécessaires pour mener les combats de la vie.

REMERCIEMENTS

Comme le disait l'Ecclésiaste si « l'oeil ne se rassasie pas de voir et l'oreille ne se lasse pas d'entendre », c'est parce que l'Homme est en quête perpétuelle du savoir. Ma gratitude va tout d'abord à l'Inspirateur de l'Ecclésiaste, l'Eternel DIEU Tout-Puissant qui m'a protégé et a dirigé mes pas tout au long de cette formation.

Professeur Bernard-Raymond GUIMDO DONGMO, pour avoir accepté de diriger ce travail, pour être resté en permanence disponible malgré vos multiples occupations et enfin pour la patience et la rigueur dont vous n'avez cessé de faire preuve durant ce parcours que je considère comme initiatique, je vous prie de trouver dans ces lignes l'expression de toute ma gratitude.

Par la même occasion, je voudrais adresser mes sincères remerciements au Pr. Jean Didier BOUKONGOU, directeur de l'APDHAC et à toute son équipe pour les efforts de promotion et de protection des droits de l'homme dans la sous région Afrique centrale à travers une formation de qualité de la jeunesse dans ce domaine.

Qu'il me soit permis d'exprimer ma profonde gratitude à Mr MOUEN KWAMBE Samuel et Madame pour l'envie, l'amour et l'attachement à l'école qu'ils m'ont inculqués. La quête permanente du savoir étant restée pour ce météorologiste de formation le credo, et les connaissances acquises, « le seul héritage que nul ne peut usurper ».

J'exprime également ma reconnaissance à tous ceux qui m'ont apporté leur soutien dans cette entreprise, particulièrement à la famille MOUEN, la famille TCHONANG, le Commissaire de Police MEDOU Thierry, l'Officier de Police 2ème grade MATEKE Théodore, et à mon cher ami YANDOU Rochedieu.

Comment oublier celle qui chaque jour a partagé mes angoisses et mon anxiété au sujet de cette formation. Celle dont les sacrifices sont allés au-delà du matériel pour que cette entreprise soit couronnée de succès. Grâce Martine MONNY BOKO, à toi je dis Merci, aussi bien pour tout ton soutien que pour le présent que tu m'as offert : Raphaël-Anthony MOUEN III.

SIGLES ET ABREVIATIONS

al. Alinéa

AP Administrateur de Prison ou Administration Pénitentiaire

APDHAC Association pour la Promotion des Droits de l'Homme en Afrique Centrale

CDJP Commission Diocésaine Justice et Paix

CIJ Cour Internationale de Justice

CNDHL Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés

DAPEN Direction de l'Administration Pénitentiaire

DUDH Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

ENAP Ecole Nationale d'Administration des Prisons

FED Fonds Européen de Développement

GP Gardien de Prison

GCP Gardien Chef de Prison

IP Intendant de Prison

MINATD Ministère de l'Administration du Territoire et de la Décentralisation

PACDET Programme d'Amélioration des Conditions de Détention et du Respect des Droits de l'Homme

PIDCP Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques

PIDESC Pacte International Relatif aux Droits Economiques Sociaux et Culturels

PUF Presses Universitaires de France

TGI Tribunal de Grande Instance

TPI Tribunal de Première Instance

UCAC Université Catholique d'Afrique Centrale

RESUME

L'observation même furtive des lieux de détention au Cameroun montre un dysfonctionnement de la structure pénitentiaire qui se traduit par la dégradation des conditions de détention et la banalisation de toute sorte de violation des droits des personnes incarcérées au mépris des règles internationales et des engagements internationaux de l'Etat camerounais. Les lieux de détention entendus dans la présente étude comme l'ensemble des lieux où s'exécutent des mesures légales de privation de liberté se caractérisent par une dégradation continue des conditions de détention. L'humanisation des lieux de détention au Cameroun qui est pourtant appelée de tous les voeux se heurte ainsi à des obstacles liés pour l'essentiel à la volonté politique peu affirmée de l'Etat camerounais dans la protection des intérêts et des droits de la personne privée de liberté.

Si le contexte économique peut être excipé comme argument, il ne saurait cependant à lui seul justifier l'absence d'humanité dans les lieux de détention car dans la lutte pour la réalisation et la satisfaction permanente des droits fondamentaux des personnes incarcérées, l'Etat du Cameroun bénéficie d'un apport non négligeable de la société civile et des partenaires extérieurs, malgré les velléités d'instrumentalisation de cette assistance.

Comme processus devant conduire à terme à l'amélioration des conditions de détention par la satisfaction et à la réalisation permanente des droits fondamentaux des personnes incarcérées, l'humanisation des lieux de détention ne vise pas l'érection au sein de la société, d'une caste constituée de délinquants qui jouissent de tous les privilèges du fait de la protection internationale dont ils bénéficient. Mais plutôt, il s'agit de susciter en ces délinquants, par le respect de leur dignité, de la considération pour soi et autrui. Pour ce faire, le tribut qu'ils paient à la société à travers la privation de liberté, au lieu d'en faire des citoyens à part, devrait plutôt contribuer à leur resocialisation. D'où l'émergence d'une nouvelle politique pénitentiaire qui privilégiera les mesures alternatives à l'emprisonnement.

Mots-clés

Lieu de détention - humanisation - peine alternative - dignité humaine - emprisonnement -droits fondamentaux - détention - détention préventive - liberté - droits de l'homme

ABSTRACT

A casual observation of prison facilities in Cameroon would reveal a dysfunctioning of the penitentiary structure which is manifested by the worsening of prison conditions and the normalization of all sorts of violations of prisoners' rights which go against international rules and Cameroon's international engagements. Prison facilities, which in this work refer to all places where legal measures involving the deprivation of liberty are executed, are characterized by a continuous worsening of detention conditions. The humanization of prison facilities in Cameroon, which is highly wished for, is thus faced with obstacles essentially resulting from very little expressed political will on the part of the State of Cameroon in the protection of the rights and interests of persons deprived of their liberty.

Though the economic context can serve as an excuse, it does not in itself alone completely justify the absence of humanity in prison facilities. This because Cameroon benefits from substantial support from the civil society and foreign partners in the fight for the permanent respect of the fundamental rights of imprisoned persons though this support is at times instrumentalised.

The humanization of prison facilities, as a process which in the long run would lead to the permanent respect for the fundamental rights of the prisoner, is not aimed at creating a caste of delinquents in the society benefiting from all the privileges accorded to them by the international protection they enjoy. On the contrary, respecting their dignity would instill self respect and respect for others in these prisoners. Consequently, the tribute they pay to society through their loss of liberty, instead of making them citizens apart, would instead contribute to their resocialisation. This calls for the emergence of a new penitentiary policy which gives privilege to other alternatives than imprisonment.

Key words

Detention facilities - humanization - alternative penalty - human dignity - imprisonment-fundamental rights - detention - préventive detention - liberty - human rights.

SOMMAIRE

Introduction générale....................................................................................0

Première partie : L'APPLICATION LIMITEE DES MESURES EXISTANTES........13

Chapitre 1er :LA MINIMISATION DES PRINCIPES JURIDIQUES INTERNATIONAUX APPLICABLES AUX PERSONNES INCARCEREES............15

Section 1 : Une application mitigée des principes de protection des droits physiques des personnes détenues.......................................................................................15

Section 2 :Une minoration des garanties procédurales et des règles d'incarcération.............................................................................................24

Chapitre 2 : UN CADRE JUDICIAIRE PEU FAVORABLE A LA PROTECTION DES PERSONNES INCARCEREES..........................................................................33

Section 1 : L'inadaptation de l'institution judiciaire à l'exercice des droits processuels des personnes privées de liberté.......................................................................33

Section 2 : La timide répression des atteintes à la dignité humaine dans les lieux de détention....................................................................................................41

Seconde Partie : L'INNEFICACITE DE LA POLITIQUE PENITENTIAIRE............49

Chapitre1 :L'INADEQUATION DES RESSOURCES HUMAINES ET MATERIELLES AUX REALITES DU MILIEU CARCERAL..............................................................51

Section 1: La déficience des ressources humaines.................................................51

Section 2 : L'insuffisance des ressources matérielles allouées au système pénitentiaire...............................................................................................58

Chapitre 2 : LES ENTRAVES AUX STRATEGIES DEVELLOPPEES POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME EN MILIEU CARCERAL..............................................................................................65

Section 1 : L'inefficacité des initiatives locales....................................................65

Section 2 : Le caractère draconien du partenariat externe....................................74

Conclusion générale....................................................................................78

Bibliographie.............................................................................................83

Annexes....................................................................................................88

Table des matières......................................................................................89

INTRODUCTION GENERALE

Introduction générale

« Une société se juge à l'état de ses prisons ; l'Etat de droit ne doit pas cesser à la porte des prisons »1(*). La violation des droits des personnes privées de leur liberté n'est pas un problème nouveau ou spécifique à une région du globe. Cette préoccupation a traversé les siècles pour s'imposer aux Etats dits `'modernes'' comme l'un des critères d'évaluation de l'Etat de droit. Les prisons, loin d'être des lieux de bagne et de toutes sortes de frustrations, des lieux de `'non droit'' devraient plutôt être des espaces clos réservés aux personnes qui ne respectent pas les normes sociales, avec pour buts de protéger la société des personnes dangereuses, de décourager la commission de nouveaux actes délictuels et de rééduquer les délinquants en vue d'une réinsertion sociale. Pour cela, ces espaces de privation de liberté devaient rester des modèles dans lesquels les droits de ceux privés de leur liberté sont respectés car la violation des droits du prisonnier étant inadmissible.2(*)

I- Contexte de l'étude

Les Etats- Unis d'Amérique sont l'un des pays reconnus au sein de la communauté internationale comme un «Etat de droit''. Cependant, ce pays est en proie aux critiques les plus acerbes en matière de respect des droits de l'homme à cause de sa prison de GUANTANAMO. Les traitements infligés aux personnes détenues en ce lieu non seulement violent les règles de droit international, mais se démarquent des dispositions des instruments de droit pertinents en la matière. C'est ce qui vaut à cet espace carcéral réservé aux terroristes l'appellation de `'prison de la honte''3(*) donnée par les organisations de défense des droits de l'homme. En France les mauvaises conditions de travail ont poussé les fonctionnaires en service dans les unités pénitentiaires dans la rue.4(*) En reconnaissant une surpopulation de 230 pour cent des structures pénitentiaires avec un fort taux de détenus préventifs, un personnel d'encadrement insuffisant, mal équipé et peu formé; le ministre camerounais de l'administration territoriale et de la décentralisation, au cours du conseil de cabinet du 04 décembre 20075(*), aura ainsi avoué à demi mots, l'absence d'humanité dans le traitement des citoyens privés de leur liberté au Cameroun. Mener une réflexion sur l'humanisation des lieux de détention au Cameroun implique la prise en compte des violations de toutes les générations de droits dans l'ensemble des lieux de détention du territoire national et depuis la création de cet Etat. Opération cependant fastidieuse et nécessitant la mobilisation d'importantes ressources matérielles. Il importe donc de délimiter le sujet.

II- Délimitation de l'étude

Pour mieux comprendre le sujet objet de la présente étude, une délimitation matérielle, spatiale et temporelle est nécessaire.

1- Délimitation matérielle

La présente réflexion s'appesantira, sur les causes de la persistance des conditions matérielles de détention inhumaines et sur l'existence des principes juridiques relatifs au traitement des personnes incarcérées. Les conditions matérielles intègrent la satisfaction des besoins élémentaires des personnes privées de liberté tels que un logement décent, une alimentation suffisante et une santé convenable, codifiés sous la forme de droits qui sont garantis par le Pacte international relatif aux droits sociaux économiques et culturels (PIDESC) d'une part et du respect de l'intégrité physique et corporelle des détenus garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants d'autre part. Les principes juridiques dont il est question quand à eux représentant les droits processuels reconnus aux personnes privées de liberté et qui sont les gages d'une justice de qualité. Entre autre on peut citer le principe du droit d'accès au juge, le principe de la présomption d'innocence, le principe du débat contradictoire et tous les autres principes codifiés par les textes internationaux et qui permettent à un individu (même déjà incarcéré) faisant face à la justice de se défendre valablement.

2- Délimitation spatiale

Même s'il existe quelques spécificités liées à la culture et au niveau d'émancipation des populations locales, les conditions de vie dans les structures carcérales et les chambres de sûreté au Cameroun se ressemblent, particulièrement en ce qui concerne la pratique de la détention. La présente étude se limitera donc aux pratiques qui ont cours dans les lieux de détention dans les régions camerounaises du Centre et du Littoral6(*) pour de nombreuses raisons : d'abord parce que ces lieux de détention auront été les plus accessibles tout au long de ce travail. Ensuite parce que les Régions du Centre et du Littoral sont celles dans lesquelles on retrouve les plus grandes métropoles du pays, où les populations sont le plus émancipées, mais où paradoxalement les droits des personnes privées de leur liberté sont le plus violées. Enfin parce que les deux plus grandes prisons du pays en terme de budget alloué, de nombre de détenus et du personnel pénitentiaire se trouvent dans les villes de Douala et Yaoundé respectivement chef lieux des régions du Littoral et du Centre.

3- Délimitation temporelle

La question de la protection des droits des personnes légalement privées de leur liberté en Afrique et particulièrement au Cameroun est plus ancienne que les revendications sociales et politiques des années 1990. Depuis le milieu des années 1980, le Cameroun s'était déjà engagé dans la voie de la protection des droits et libertés en ratifiant les instruments internationaux qui garantissent les droits humains et protègent les individus contre les sévices corporels et autres traitements inhumains et dégradants7(*). Mais c'est à partir des années 1990 que la protection des personnes privées de leur liberté prend toute son ampleur à travers la mobilisation des acteurs sociaux nationaux et des partenaires extérieurs. Il serait donc intéressant de ne tenir compte que de la période allant de 1990, période à laquelle commencent à émerger les mouvements de protection des libertés au Cameroun, à 2009, date de clôture de la présente étude, pour interroger les politiques mises sur pied par l'administration camerounaise afin de protéger la catégorie de personnes objet de la présente étude et garantir ainsi un espace carcéral plus respectueux des valeurs humaines.

Puisque « le savant doit définir les choses dont il traite afin que l'on sache bien de quoi il est question »8(*), il convient de définir les termes qui constituent le sujet de manière claire et précise afin d'en permettre une meilleure compréhension.

III- Définition des concepts

Pour une meilleure compréhension du sujet, il serait convenable, de distinguer pour mieux les définir les concepts humanisation et lieux de détention qui constituent le sujet objet de la présente réflexion.

Ø Le terme humanisation dérive du verbe humaniser qui signifie traiter quelqu'un avec humanité. Par opposition à l'animalité que le dictionnaire encyclopédique Petit Larousse9(*) définit comme « l'ensemble des caractères propres à l'animal»10(*), l'humanité est l'ensemble des caractères propres à l'être humain. C'est un état que l'on atteint par le processus d'humanisation. En se référant à l'Arret de la CIJ sur l'affaire du détroit de Corfou, l'on peut définir l'humanité par les éléments qui la constituent à savoir la vie, l'intégrité physique, le bien être etc...11(*). Par le terme humanisation, il faudrait donc entendre tout au long de la présente étude, le processus qui conduit à l'humanité. C'est-à-dire, à la reconnaissance et la satisfaction permanente des besoins fondamentaux de l'homme.

Ø Par lieux de détention, il faut entendre tous les espaces dans lesquels s'effectuent des mesures de privation de liberté. Pour Emile Littré une prison ou un pénitencier est un lieu de détention, et les buts de ceux-ci varient selon les époques et les sociétés12(*). Cependant, si l'on s'en tient aux buts assignés aux lieux de détention par Emile Littré, l'on remarque entre autre la fonction d' « empêcher les détenus de prendre fuite ou de compromettre leur futur procès »13(*). Ce qui pourrait justifier la garde à vue dans les unités des forces de maintien de l'ordre, mais aussi et surtout la détention préventive. Terme de jurisprudence et de droit criminel14(*), la détention est l'« action de détenir, de garder en sa possession ».15(*) Pour J.C. SOYER, elle consiste en l'incarcération d'une personne. Cette incarcération étant susceptible de se prolonger parfois aussi longtemps que l'instruction n'est pas close ou même que la juridiction de jugement ne s'est pas prononcée. Dans ce cas, on parlera de détention préventive.16(*) Bien qu'étant une mesure de privation de liberté au même titre que l'emprisonnement et la garde à vue, la peine désignée par le terme détention est cependant différente des autres mesures de privation de liberté d'abord parce qu'elle résulte des infractions politiques ensuite parce que contrairement au détenu, l'emprisonné est astreint au travail17(*) et enfin parce que la garde à vue, contrairement à la détention et à l'emprisonnement ou à l'incarcération, n'est pas une peine prononcée par une juridiction et elle ne se justifie dans le cadre de l'enquête préliminaire que par la volonté de l'enquêteur, d'autre part officier de police judiciaire, de maintenir à sa disposition, des éléments pouvant concourir à la manifestation de la vérité.18(*) Toutes Les mesures ci-dessus ont en commun le fait qu'elles s'effectuent dans des lieux particuliers que le sujet désigne sous l'expression ''lieux de détention''. Il faut donc entendre par lieux de détention, tous les espaces officiels dans lesquels s'exécutent des mesures légales de privation de liberté. Les lieux de détention tels qu'étudiés dans le cadre de ce travail regroupent ainsi outre les cellules des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, les chambres de sûreté que l'on retrouve au niveau des parquets des différents Tribunaux et toutes les structures pénitentiaires telles que prévues par la loi n° 92/052 du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire au Cameroun.

Le sujet ainsi défini dégage cependant un intérêt pluriel qu'il convient de relever.

IV- Intérêt du sujet

Bien que déjà abordé par des auteurs dont les observations, analyses et réflexions sont aussi pertinentes les unes que les autres, l'étude de l'humanisation des lieux de détention au Cameroun revêt encore un intérêt certain aussi bien sur le plan social que scientifique.

1- Intérêt social

Une observation même furtive des lieux de détention au Cameroun permet de noter qu'au-delà des frustrations qu'elles endurent au cours de leur incarcération, les personnes privées de leur liberté éprouvent d'énormes difficultés à se réinsérer dans la société après avoir purgé leurs peines. Pour la société camerounaise dans sa globalité, la présente étude se veut une contribution qui permettra à l'Etat camerounais d'identifier à travers les pesanteurs à l'éradication des comportements inhumains qui se sont enracinés dans l'univers carcéral camerounais malgré l'encadrement juridique dont jouit la privation de liberté au Cameroun.

Le présent travail offre également de précieux renseignements d'une part, sur les droits qui sont reconnus aux personnes privées de leur liberté par les instruments internationaux régionaux et locaux, car comme le disent certains spécialistes du droit, l'on ne peut être sensible qu'à un droit que l'on connaît. D'autre part, il renseigne sur les possibilités de recours en cas de violation ou de non respect de ces droits.

2- Intérêt scientifique

Le respect des droits du prisonnier est synonyme de l'application de nombreux instruments de droit tant internationaux que nationaux et relatifs à la protection des droits de cette catégorie de personnes. Même si de nombreux travaux existent sur ce sujet, ils sont orientés pour la plupart vers la description des conditions d'incarcération ou la présentation de l'arsenal juridique national et supranational qui garantit l'humanisation des lieux de détention. Cette étude quant à elle, au-delà de ces aspects, voudrait évaluer l'efficacité des différents mécanismes de protection des droits de l'homme dans le contexte d'une privation de liberté.

V- Revue de littérature

Le problème de l'humanisation des lieux de détention a préoccupé plusieurs auteurs. Monsieur Edmond ATEMENGUE19(*) , dans son article «La torture en milieu carcéral : le cas de la prison centrale de Kondengui-Yaoundé (09 octobre 1985 - 06 octobre 1995)''20(*) décrit la prison centrale de Kondengui comme « un lieu de bagne » dans lequel la violence physique et morale est la règle, dès l'arrivée des prisonniers jusqu'à leur sortie. En se limitant à un exposé des faits vécus durant dix années dans cet univers carcéral, l'auteur compare les violences dont sont victimes les pensionnaires de cette structure à « un outil de travail » qui serait « nécessaire et indispensable » pour un meilleur encadrement des prisonniers. D'après l'auteur, même si les conditions carcérales à Kondengui connaissent depuis quelques temps une nette amélioration, « on y retrouve encore quelques brebis galeuses qui refusent de suivre le nouveau rythme ».

L'auteur s'est limité à une analyse factuelle de la situation des détenus de Kondengui, sans convoquer aucune source de droit, même pas le règlement intérieur de la prison qui reconnaît aux pensionnaires des droits bafoués quotidiennement par leurs geôliers. Il convient même de relativiser l'amélioration  à laquelle il fait allusion, ce d'autant plus que ce pénitencier est encore de nos jours réputé pour les violences que l'on y exerce sur les pensionnaires. Surtout que ces derniers ignorent la plupart du temps les droits qui leurs sont reconnus ou/et les mécanismes juridiques et institutionnels existants pour les faire valoir. De plus, le «léger mieux'' qu'il souligne ne concerne que les sévices corporels, les frustrations morales étant encore la règle dans cet univers. Cette analyse de l'auteur qui assimile les violences sur les pensionnaires de cette prison à un outil de travail rejoint notre opinion sur les violences et autres brutalités que subissent les citoyens privés de leur liberté. Faits vécus sur le terrain et rapportés par de nombreuses associations de défense des droit de l'homme. Ce qui légitimement pourrait nous amener à nous interroger sur la pertinence de la violence comme outil d'encadrement des prisonniers qui possèdent parmi les droits qui leur sont reconnus, le droit à la protection de l'intégrité physique et corporelle21(*).

Monsieur Eyike-Vieux, en analysant les droits du prisonnier22(*), a passé en revue l'arsenal des textes nationaux et supra nationaux qui consacrent des droits aux prisonniers. Après avoir fait l'inventaire des droits dont jouissent tous les prisonniers, il s'est appesanti sur les droits spécifiques aux mineurs, aux femmes incarcérées aux aliénés mentaux, aux étrangers et aux gardés à vue. La pertinence de l'analyse juridique du droit des prisonniers par l'auteur n'étant plus à démontrer, il aurait cependant été souhaitable qu'elle soit conciliée avec des faits réels qui illustrent la difficile protection des droits de cette catégorie de personnes. Il a conclu en s'interrogeant sur l'efficacité de la protection accordée aux prisonniers au regard de la modicité du budget des établissements pénitenciers et des dysfonctionnements observés dans l'administration en général, en excluant quelque peu la responsabilité du personnel de l'administration pénitentiaire dans le non respect des droits du prisonnier. Analyse certes pertinente, mais qui nous semble peu réaliste. En effet, la modicité des budgets des établissements pénitentiaires est il est vrai une sérieuse entrave au respect des droits de l'homme dans la mesure où ces budgets ne permettent pas d'assurer la formation et la sensibilisation du personnel chargé de l'application des lois aux droits de l'homme. Mais cette raison ne pourrait à elle seule justifier le déficit d'humanisation observé dans les lieux de détention au Cameroun. Et c'est précisément sur ce point que nous nous écartons de l'analyse de l'auteur car la législation en matière de détention fait elle aussi prospérer les conditions inhumaines dans les lieux de détention dans le sens où elle ne prévoit pas les peines alternatives à l'emprisonnement qui pourraient contribuer significativement à la décongestion des prisons au Cameroun.

La réflexion du Professeur Bernard-Raymond GUIMDO D. sur les alternatives à l'emprisonnement23(*) fait état de la multiplicité des infractions passibles de peines d'emprisonnement, situation qui contribue à détériorer d'avantage les conditions de détention dans les structures pénitentiaires par le surpeuplement. Il propose pour cela une plus grande utilisation des peines alternatives à l'emprisonnement, les unes étant prévues par le code pénal et d'autres textes législatifs, les autres envisageables au regard de la saturation du milieu carcéral et des besoins des collectivités victimes des méfaits des délinquants à condamner. L'auteur estime cependant que certaines institutions telles que les institutions étatiques, la société civile et les collectivités territoriales décentralisées devraient nécessairement être impliquées pour un meilleur suivi et une mise en oeuvre efficiente de ces peines alternatives car « il ne sert à rien de mettre des gens en prison si cela ne permet pas leur rachat ou leur réinsertion dans la société et si cela ne profite pas à la société ».24(*)

Cette analyse renforce nos convictions quand on sait que l'incarcération, si elle est une mesure punitive, constitue également une grande humiliation pour ceux des citoyens qui, bien qu'exemplaires sont malencontreusement ou accidentellement tombés sous le coup de la loi. De plus, purger une peine d'emprisonnement dans le contexte camerounais actuel c'est aussi supporter l'abandon de la famille qui très souvent rompt les liens avec le détenu, rendant ainsi plus difficile une possible réinsertion. Pourtant le condamné d'aujourd'hui peut, lorsqu'il est bien accompagné, devenir un modèle social après avoir payé ses fautes.

Madame Adeline FOUEGOUM,25(*) traitant des institutions judiciaires et carcérales26(*) fait dans un premier temps, une présentation des institutions judiciaires du Cameroun car estime-t-elle, pour mieux se servir d'un instrument, il faut le connaître. Puis, dans un second temps, elle analyse le cadre institutionnel de l'administration pénitentiaire à la lumière du décret présidentiel n° 92/052 du 27 mars 1992 qui classe les centres pénitentiaires, définit leurs modalités de fonctionnement, prescrit et définit les règles relatives au traitement des détenus, à leur santé et à leur incarcération. L'auteur fait remarquer que « de manière générale, les droits du citoyen incarcéré sont légalement assez bien préservés. Mais seulement à l'application les violations et les abus sont légions »27(*). Elle préconise pour cela la mise sur pied des structures de contrôle des lieux de détention aptes à constater les infractions pour une préservation efficiente de la dignité de ceux qui sont privés de leur liberté.

Au regard du fonctionnement actuel des lieux de détention, la position de cet auteur rejoint nos préoccupations. En effet, ceux qui sont privés de leur liberté le sont même parfois à tort et subissent du même coup comme les autres, d'affres conditions de vie dans les lieux de détention. Conditions qui, au lieu de faciliter leur réinsertion et de les encourager à respecter la loi après avoir recouvré la liberté, les mettent plutôt en marge de la société au mépris des dispositions de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.28(*)Il nous semble donc pertinent d'envisager, comme l'auteur de cet article, la mise sur pied des structures de contrôle et de surveillance des lieux de détention ou la redynamisation de celles déjà existantes.

La divergence des opinions de ces différents auteurs suggère un questionnement légitime sur les causes de l'absence d'humanisation dans les lieux de détention.

VI- Problématique

Le thème objet de la présente étude pose un problème d'actualité, celui de l'humanisation des lieux de détention. Les auteurs qui se sont penchés sur la question ont établis de manière claire et assez évidente que les conditions de détention au Cameroun violent les normes internationalement reconnues en matière de privation de liberté. Cette absence d'humanisation dans les lieux de détention ouvre la voie à une interrogation somme toute légitime, à savoir pourquoi le respect des droits de l'homme n'est ni effectif, ni efficace dans les lieux de détention camerounais malgré la multiplicité des initiatives visant à améliorer les conditions d'incarcération tant sur le plan interne qu'international ? En d'autres termes, il s'agit de voir pourquoi les personnes privées de leur liberté au Cameroun, ne parviennent pas à jouir effectivement des conditions de détention acceptables malgré la multiplicité des initiatives engagées dans ce sens tant au plan interne qu'international.

VII- Hypothèse de recherche

Si le respect des droits de l'homme n'est ni effectif, ni efficace dans les lieux de détention, c'est à cause de l'application limitée des normes existantes et de l'inefficacité de la politique pénitentiaire appliquée.

L'hypothèse ainsi présentée, cette étude s'attellera à la démontrer en se servant d' un certain nombre de méthodes et techniques de recherches.

VIII- Cadre méthodologique

La recherche des raisons du mal être dans les divers lieux de privation de liberté au Cameroun ne peut être menée de manière rigoureuse et avec des règles scientifiquement admises que si l'on convoque un certain nombre de techniques et méthodes de recherche.

1. Les méthodes utilisées

Ces méthodes se déclinent en la méthode juridique, la méthode systémique et la méthode fonctionnelle.

a- La méthode juridique

Il s'agit de faire l'état du droit sur les conditions de détention au Cameroun en s'appesantissant sur la nécessité du respect de la dignité humaine. Si sur le plan national, il existe une abondante législation sur les conditions de détention, à l'échelle internationale également, de nombreux instruments de droit confortent le respect de la dignité humaine même en situation de privation légale de liberté. L'analyse juridique qui sera développée s'appuiera donc sur les instruments internationaux qui protègent et garantissent les droits des l'homme et particulièrement ceux des personnes privées de leur liberté d'une part et d'autre part sur la jurisprudence internationale. Ainsi, tour à tour, seront explorées les dispositions pertinentes en la matière contenues dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention contre la torture et les autres traitements inhumains ou dégradants, l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus, les Pactes de 1966, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la loi fondamentale camerounaise, les textes règlementaires en vigueur et tous les autres instruments pertinents. Mais également, les occasions données au juge interne de construire le droit à travers les décisions de justice rendues en matière de violation des droits des prisonniers seront analysées.

b-La méthode systémique 

Elle consiste à étudier la politique de l'administration camerounaise en matière de prison et des lieux de détention. Dans la pratique, les informations collectées sur le terrain remontent jusqu'à un organe de décision qui prend un acte dans le domaine concerné et en attend l'impact sur les cibles. Seulement, ni les agents qui remontent les informations, ni les cibles ne sont associés à la prise de cette décision. C'est la technique du ''input, output et de la boite noire''. Dans le cadre de notre étude, Il s'agit surtout d'analyser l'intervention de l'Etat camerounais en matière de gestion des prisons afin d'y déceler éventuellement l'origine du manque d'humanité dans les prisons. Les cibles ici étant les personnes privées de leur liberté, les agents renseignements, les différentes structures chargées de l'inspection et de la surveillance des prisons. La boîte noire quant à elle étant l'administration centrale chargée des prisons.

c- La méthode fonctionnelle :

C'est une méthode complémentaire à la méthode systémique en ce sens qu'elle comble les lacunes crées par la non association des cibles et des agents de renseignement à la prise de décision. La méthode fonctionnelle consiste à étudier dans un système la fonction d'un élément qui entretient avec les autres éléments du même système, une relation d'interdépendance. Il s'agit ici d'étudier le fonctionnement des lieux de détention à partir des fonctions attribuées à ceux-ci afin d'y déceler les raisons du manque d'humanité.

2. Les techniques de recherche appliquées

La conduite de cette étude nous a amené à faire recours à diverses techniques permettant de collecter et d'analyser les informations recueillies sur le terrain afin d'évaluer les conditions de détention en milieu carcéral camerounais.

A- Les interviews29(*) :

Ce sont des entretiens accordés par les acteurs et les observateurs du milieu carcéral camerounais. Ils nous auront permis tout au long de ce travail de nous imprégner de la politique de l'administration en matière de détention et de gestion des lieux de détention d'une part, et d'autre part, de comprendre l'action de la société civile et des autres partenaires de l'administration en matière de protection des droits des personnes privées de leur liberté.

B- L'enquête:

C'est un travail de collecte des informations à travers des témoignages, des entretiens, des auditions et même par la recherche documentaire. L'enquête vise la manifestation de la vérité. Les auditions obéissent à des techniques quelques peu particulières dont le but est d'empêcher une concentration suffisante de l'enquêté pour que ce dernier ne construise une réflexion autour de la question qui lui est posée afin que les réponses qu'il donne reflète le plus possible la réalité. Entre autres techniques, on peut citer l'entretien à bâtons rompus, le déplacement latéral des objets sur une table, la technique de l'enquêteur distrait.

IX- Articulation et justification du plan

Le foisonnement de textes qui régissent le système pénitentiaire au Cameroun montre bien que la condition du détenu est au centre des préoccupations des autorités. Les frasques du personnel chargé de l'application des lois au détriment des détenus et au mépris des droits humains légitiment une réflexion sur le système camerounais de détention dans sa globalité. L'humanisation des lieux de détention apparaît donc être plus qu'un souhait, une nécessité. Pour comprendre pourquoi malgré l'encadrement juridique dont elle bénéficie, la privation de liberté au Cameroun ne respecte pas les normes internationales en la matière, nous étudierons dans une première partie, les limites dans l'application des mesures existantes, puis dans une seconde partie nous traiterons de l'inadéquation de la politique pénitentiaire actuellement en vigueur au Cameroun.

PREMIERE PARTIE :

L'APPLICATION LIMITEE DES MESURES EXISTANTES

La volonté de protéger les hommes contre les actes de barbarie de leurs alter egos a engagé la « famille humaine »30(*) dans une logique de protection de la dignité humaine. Ce souci de protection de l'être humain contre les actes de torture et autres traitements qui renient la nature humaine de l'homme a conduit la communauté internationale à se doter de moyens juridiques de protection contre de tels actes et de mécanismes visant leur prévention. Les moyens juridiques dont il est question sont essentiellement constitués de principes internationalement admis et codifiés par les instruments de droit alors que les mécanismes auxquels il est fait référence s'entendent comme des stratégies visant la prévention des atteintes aux droits de l'homme soit par leur effet de sensibilisation, de dissuasion, ou de répression. Si le respect des droits fondamentaux de l'homme est nécessaire à l'épanouissement des membres de la « famille humaine », la protection de la dignité humaine est encore plus impérative pour ceux d'entre eux qui sont privés de leur liberté car l'état de privation de liberté est un facteur aggravant de vulnérabilité pour déjà fragilisées par un contexte général de pauvreté. D'ailleurs la 57ème règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus31(*) précise que :

 «L'emprisonnement et les autres mesures qui ont pour effet de retrancher un délinquant du monde extérieur sont afflictives par le fait même qu'elles dépouillent l'individu du droit de disposer de sa personne en le privant de sa liberté. Sous réserve des mesures de ségrégation justifiées ou du maintien de la discipline, le système pénitentiaire ne doit donc pas aggraver les souffrances inhérentes à une telle situation ».

 En ratifiant un certain nombre d'instruments internationaux de droit, le Cameroun s'est imposé entre autres devoirs, celui de faire respecter la dignité des personnes privées de leur liberté. Cependant, malgré cet encadrement juridique, l'humanisation des lieux de détention au Cameroun tarde encore à se concrétiser et à devenir une réalité observable du fait de la minimisation des principes internationaux de droit (Chapitre I) et de l'inexistence d'un cadre juridique interne favorable à la protection des personnes privées de leur liberté (Chapitre II).

Chapitre 1er : LA MINIMISATION DES PRINCIPES JURIDIQUES INTERNATIONAUX APPLICABLES AUX PERSONNES INCARCEREES

La nature humaine des personnes privées de liberté ressort dans la plupart des textes des Nations Unies32(*) qui, bien que n'ayant aucun caractère contraignant pour certains, réaffirment cependant tous l'appartenance totale et entière de ces personnes à la « famille humaine». La privation de liberté, même lorsqu'elle est légale, n'altère pas la nature humaine de ceux qui en sont victimes. D'ailleurs le premier principe de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement réitère, sans être impératif, la nécessité de traiter avec humanité et respect toute personne privée de sa liberté.33(*) Ce texte consacre également des garanties procédurales en termes des droits de la défense et des conditions physiques de détention. Membre de la communauté internationale, le Cameroun a également ratifié la plupart des instruments internationaux ayant un caractère obligatoire relatifs à la protection de la dignité humaine et partant, celle des personnes privées de leur liberté. Il résulte donc de l'engagement international de l'Etat du Cameroun, un ensemble de principes de droit qui lui sont opposables aussi bien du point de vue de la protection des droits physiques des personnes détenues que de celui des garanties procédurales qui leur assurent un procès équitable. Cependant, l'effectivité de cette protection se heurte à une application mitigée desdits principes (section 1) et à la minoration des garanties procédurales ainsi édictées (section 2).

Section 1 : Une application mitigée des principes de protection des droits physiques des personnes détenues

La préservation de la dignité humaine34(*) est l'un des idéaux que la communauté internationale s'est fixée comme objectif. Pour l'atteindre, le droit international s'est doté de normes juridiques les unes contraignantes, les autres permissives, mais qui devraient toutes s'appliquer à tous les êtres humains sans considération aucune du statut juridique. Ces normes sont relatives d'une part au respect de l'intégrité de la personne humaine, et d'autre part à la jouissance des droits économiques sociaux et culturels. Cependant, la protection des personnes privées de leur liberté se trouve diluée dans le caractère épars de ces normes (paragraphe 1) et dans la permissivité de certains des instruments qui les consacrent (paragraphe 2).

Paragraphe 1er : Le caractère épars des normes juridiques de protection de la personne détenue

Au Cameroun, la dignité de toute personne humaine en général et des personnes privées de liberté en particulier est protégée par des normes internationales, régionales et locales qui se diluent cependant dans la multiplicité des instruments de droit (A) et dans le caractère relatif des interdictions énoncées(B).

A- La dilution de la protection de la dignité des personnes privées de leur liberté dans la multiplicité des instruments de droit

La protection de l'intégrité physique de la personne humaine occupe une place prépondérante dans le droit international des droits des l'homme. Elle suppose la protection de la partie charnelle du corps humain contre toutes les atteintes possibles allant des mauvais traitements à la suppression de la vie en passant par des mutilations ou actes de torture. Mais cette protection suppose également la satisfaction des besoins élémentaires de l'être humain.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dans son article 635(*) consacre le droit à la vie et protège du même coup l'intégrité physique de la personne humaine. De même, l'article 736(*) de ce texte interdit de manière formelle la pratique de la torture et des traitements qui avilissent l'être humain. Cette protection de la dignité humaine s'étend spécifiquement aux personnes privées de leur liberté dans l'article 10 alinéa 1 du même texte.37(*)Quant à la Convention contre la torture, elle fait obligation aux Etats parties entre autre « d'incorporer le crime de torture dans la législation nationale et de réprimer les actes de torture par des peines appropriées (...) ».38(*) La Convention relative aux droits de l'enfant exhorte les Etats partie à veiller à ce que les enfants soient protégés contre les actes de torture et les traitements cruels inhumains et dégradants.39(*)

Au plan régional, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples à laquelle le Cameroun est partie protège également l'intégrité de personne humaine à travers son article 440(*)

Le Cameroun a pour sa part ratifié les instruments qui protègent l'intégrité physique de la personne humaine pour préserver sa crédibilité internationale.41(*) D'où la pénalisation de la torture à travers l'article 132 bis du code pénal camerounais.

L'intégrité physique trouve une autre source de protection juridique à travers le droit civil. En effet, le Code civil français définit le droit à l'intégrité physique comme un droit en vertu duquel chacun a droit au respect de son corps.42(*) Ce droit peut s'exprimer de façon différente selon que la personne est vivante ou décédée.43(*)

La satisfaction des besoins fondamentaux de l'homme est elle aussi garantie par de nombreux instruments internationaux. La Convention relative aux droits de l'enfant dans ses articles 24 (le droit à la santé), 26 (le droit à la sécurité sociale), 27 (le droit à un niveau de vie suffisant), 28 (le droit à l'éducation), protège les droits relatifs à cette catégorie sociale. Mais, le principal instrument international contraignant qui garantit la satisfaction des besoins fondamentaux de la personne humaine est le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (PIDESC).44(*) Il garanti notamment à tous le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible (article 12), le droit à un niveau de vie suffisant (article 11). Il érige « le droit d'être à l'abri de la faim » comme un droit fondamental (article 11) et pose le principe de l'éducation primaire obligatoire (article 13 al.2-a). Le PIDESC protège spécifiquement les mères (article10 al. 2) et les enfants (article 10 al.3). Le caractère global et général de cette protection fait qu'elle s'étend aux personnes privées de liberté. D'ailleurs l'article 2 alinéa 2 précise qu'aucune situation ne saurait justifier la discrimination dans l'application des droits qui sont énoncés dans ce texte.45(*)

D'autres instruments bien que non contraignants participent également à la protection des personnes incarcérées. Il s'agit pour la plupart des instruments des droits de l'homme intervenant dans l'administration de la justice. On peut citer entre autre l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus qui visent « à établir, en s'inspirant des conceptions généralement admises de nos jours et des éléments essentiels des systèmes contemporains les plus adéquats, les principes et les règles d'une bonne organisation pénitentiaire et de la pratique du traitement des détenus, des principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus »46(*), l'Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement  et les Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus.

A la lecture des dispositions de tous ces textes, l'on remarque que la communauté internationale, dans un souci d'efficacité a adopté de nombreux instruments contraignants qui mettent un accent particulier sur la protection de la dignité de la personne humaine en général. Mais en voulant cette protection également spécifique aux détenus, les nations unies ont adoptées de nombreux textes à valeur déclarative, contribuant ainsi à parsemer davantage les normes de protection de la personne détenue.

B- La relativité dans la protection de l'intégrité physique des personnes détenues

La multiplicité des sources de droit contribue également de manière assez significative à relativiser le principe de protection de la dignité humaine pourtant clairement posé dès le départ dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. En effet, l'article 6 du PIDCP, en disposant que :

« Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. »,

supprime de manière à peine voilée le caractère absolu du droit à la vie. En effet, le terme «arbitrairement'', laisse croire qu'il peut être porté atteinte à la vie de manière non arbitraire, au mépris du caractère sacré de la vie humaine, par exemple à la suite d'une décision émanant d'une juridiction légale. Cette voie de sortie qu'offre ce texte est l'un des arguments utilisé par certaines juridictions nationales pour justifier la pratique de la peine de mort. Pourtant cette interprétation est manifestement contraire à la volonté de la communauté internationale qui entend consacrer l'interdiction absolue de supprimer la vie. Interdiction déjà posée depuis 1948 par la DUDH et qui attend d'être reconnue comme une norme contraignante à travers l'entrée en vigueur du deuxième protocole facultatif du PIDCP visant l'abolition de la peine de mort.47(*) D'autres textes se prêtent eux aussi à une interprétation partisane en ce qui concerne la protection de la dignité humaine. C'est le cas du code civil français. En effet, l'article 16 alinéa 3 du Code civil français en stipule que :

« Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir ».

Cette disposition protège l'intégrité physique en ce sens qu'elle interdit les expériences scientifiques sur autrui sans son consentement. Seulement, cette interdiction que le PIDCP pose comme principe absolu à travers l'article 7 se trouve relativisée d'une part par l'«exceptionnalité de l'intérêt thérapeutique d'autrui'' et d'autre part par la possibilité qu'offre le Code Civil de mener sur autrui de telles expériences sans recueillir au préalable le consentement du sujet en raison de son incapacité à l'exprimer.

L'instrument global majeur en matière de droits de l'homme est la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)48(*). La DUDH est jugée globale en ce sens qu'elle garantit la dignité humaine à travers le respect de l'intégrité physique de la personne humaine et la satisfaction de ses droits sociaux, économiques et culturels. La reconnaissance dont jouit la DUDH est aujourd'hui à ce point généralisée qu'elle est considérée comme obligatoire en vertu du droit coutumier international, alors qu'elle ne l'est pas à l'origine. Elle énonce les droits de l'homme et les libertés fondamentales auxquels tous les hommes et les femmes, partout dans le monde, peuvent prétendre, sans discrimination. L'intégrité de la personne humaine y est notamment protégée dans les articles 3 et 5 traitant respectivement du droit à la vie, et à l'interdiction de la torture et des traitements dégradants ou inhumains. Les droits fondamentaux de l'homme quant à eux y sont protégés à travers les articles 22 (droit à la sécurité sociale), article 25 (droit à un niveau de vie suffisant, droit au logement, droit à la santé), article 26 (droit à l'éducation).

Contrairement ce que pense Rogatien TEJOZIEM49(*) , la DUDH étend même de manière assez claire cette protection de la dignité humaine aux personnes privées de leur liberté en disposant au premier alinéa de son article 2 :

« Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

L'expression «sans distinction aucune (...) de toute autre situation'' est assez révélatrice du caractère non discriminatoire des dispositions de la DUDH à l'égard des personnes détenues en ce sens qu'elle fait renter dans le champ d'application de ce texte toutes les couches sociologiques et les sujets de tous les statuts juridiques. Si bien qu'en dehors des droits dont une incarcération légale emporte déchéance, le statut juridique des prisonniers ne saurait être invoqué comme un motif d'exclusion de la protection internationale contre les atteintes à la dignité des personnes détenues. D'ailleurs le 5ème principe fondamental relatif au traitement des détenus précise que :

« Sauf pour ce qui est des limitations qui sont évidemment rendues nécessaires par leur incarcération, tous les détenus doivent continuer à jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme (...) ainsi que tous les autres droits énoncés dans d'autres pactes des nations unies. »

Cependant, d'autres instruments protègent l'intégrité physique des personnes privées de leur liberté par la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Mais cette protection est encore marquée du sceau de la permissivité de ces instruments.

Paragraphe 2 : La permissivité des instruments spécifiques de protection de la dignité des personnes incarcérées

La permissivité des instruments de protection des personnes incarcérées résulte d'une part, de l'absence de contrainte des instruments de protection spécifique des personnes incarcérées et d'autre part, du caractère progressif de la réalisation des droits économiques sociaux et culturels.

A- L'absence de contrainte des instruments de protection spécifique des personnes privées de leur liberté

Le principe du respect de la dignité des personnes privées de leur liberté est réitéré par de nombreux instruments internationaux à valeur déclarative. Il s'agit pour l'essentiel des textes adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies sous la forme de résolutions50(*) et de ceux élaborés et approuvés par les institutions onusiennes.51(*) Ces textes protègent spécifiquement les personnes privées de leur liberté.

L'Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement réaffirme, à travers les principes 1,3 et 6, l'interdiction de la torture et des peines et traitements inhumains, cruels et dégradants pour cette catégorie de personnes. D'ailleurs le principe 6 de ce texte dispose clairement que :

« Aucune personne soumise à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement ne sera soumise à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Aucune circonstance quelle qu'elle soit ne peut être invoquée pour justifier la torture ou toute autre peine ou traitement cruel inhumain ou dégradant ».

Cependant, le texte précise que « l'expression «peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant'' doit être interprété de façon à assurer une protection aussi large que possible contre tous les sévices, qu'ils aient un caractère physique ou mental(...)».52(*)

Les personnes privées de leur liberté jouissent également de la protection internationale contre l'exploitation de leurs corps à des fins expérimentales médicales ou scientifiques. C'est ce qui ressort explicitement du principe 22 de ce texte qui dispose :

« Aucune personne détenue ou emprisonnée ne pourra, même si elle y consens, faire l'objet d'expériences médicales ou scientifiques de nature à nuire à sa santé. »

Les dispositions de l'Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement sont renforcées par les Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus.

Lorsque l'on considère les dates d'adoption de ces deux textes (1988 et 1990), l'on pourrait imaginer qu'ils ambitionnent de combler les vides laissés par les instruments de protection de l'intégrité physique de la personne humaine précédemment entrés en vigueur. Cependant ne disposant d'aucune valeur contraignante, leur application dans les Etats dépend de la volonté de ceux-ci. Cette absence de contrainte est d'ailleurs marquée par l'utilisation du temps présent et de la voie passive dans les dispositions pertinentes du droit international qui se veulent coutumières.53(*) Le premier principe fondamental relatif au traitement des détenus ne stipule-t-il pas que :

« Tous les détenus sont traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérentes à l'être humain. ».

Cette permissivité transparaît également dans la protection des personnes privées de leur liberté contre les diverses atteintes à leurs besoins fondamentaux.

B- La progressivité dans la réalisation des droits fondamentaux de l'homme

Bien que les droits de l'homme soient indivisibles, les droits économiques, sociaux et culturels connus comme droits de seconde génération sont au centre même de l'existence humaine en ce sens que leur réalisation implique la satisfaction des besoins fondamentaux de l'homme et son épanouissement. Car comme le faisait remarquer le Docteur AKONUMBO ATANGCHO,

«If one does not have shelter, he/she would certainly not be of good health; if one's health is bad, he/she would possibly die; if one were to be sick or were to die, one would certainly not enjoy or be in a position to clamour for the enforcement of his/her right to vote, freedom of expression, right to development, right to self determination, right to education self determination, right to a clean environment and so on, in short, his/her right to exist- right to life. In the final therefore, it seems that some rights-socio-economic-rights such as the right to health and the right to food, are more equal than other human rights in the sense that they condition the enjoyment and enforcement of the others, particularly civil and political rights and some of the third generation rights (solidarity rights).»54(*)

L'auteur voudrait expliquer ici que les droits socio-économiques et culturels sont aussi importants que tous les autres droits notamment les droits civils et politiques car c'est la satisfaction des premiers qui détermine la jouissance des seconds et donne un sens aux droits de solidarité. Pourtant leur consécration par les instruments internationaux semble en faire des droits de seconde zone.

Le principe de la progressivité dans la réalisation des droits fondamentaux de l'homme est posé par l'article 2 du PIDESC.55(*) Sa mise en oeuvre doit tenir compte des disponibilités matérielles de l'Etat. L'utilisation de ce principe comme conditionnalité de la réalisation des DESC offre une excuse juridique aux gouvernants qui ne veulent pas s'investir dans la réalisation de ces droits. Pourtant, la satisfaction des besoins fondamentaux de l'homme est une obligation des Etats.56(*) Le principe de la progressivité dans la réalisation des DESC constitue donc un paravent qui à une échelle assez grande, contribue au déni même des droits économiques sociaux et culturels principalement en raison de la difficulté à mesurer ou évaluer la bonne foi de l'Etat. Et les personnes privées de leur liberté au Cameroun sont encore plus exposées que les autres couches sociales. En effet, le contexte camerounais est marqué par la démission de l'Etat face à son obligation de satisfaction des besoins fondamentaux des citoyens. Par conséquent, si les citoyens jouissants de tous leurs droits peinent à se nourrir, se loger, se soigner et s'éduquer même en travaillant, ceux privés de la liberté d'aller et venir et déchus sur le plan civique souffrent encore plus de cette démission de l'Etat. Surtout qu'ils sont le plus souvent dans l'incapacité matérielle et intellectuelle de faire valoir ces droits.

Section 2 : La minoration des garanties procédurales et des règles d'incarcération

L'humanisation des lieux de détention trouve une autre entrave dans la méconnaissance des principes et des normes consacrés par les instruments internationaux et qui sont universellement admis parce que garantissant le respect de la dignité humaine des personnes incarcérées. Il s'agit des garanties procédurales (paragraphe 1) et des règles relatives à l'incarcération (paragraphe 2).

Paragraphe 1er : La méconnaissance des garanties procédurales

Le respect des droits de l'homme suppose aussi la reconnaissance et la garantie du respect de tous les droits inhérents à la personne humaine. La méconnaissance de certains d'entre eux altère l'essence même de l'homme.57(*) Bien que les textes internationaux aient codifiés certains droits de l'homme sous la forme de garanties procédurales judiciaires, le contexte camerounais reste toujours marqué par « un décalage entre l'intention et les résultats, entre la théorie et la pratique »58(*). La violation du principe de la présomption d'innocence et le dénie des droits de la défense contribue, certes de manière indirecte, mais de façon significative tout de même, à déshumaniser les lieux de détention au cameroun.

A- Le non respect du principe de la présomption d'innocence

La présomption d'innocence est un principe de droit internationalement59(*) reconnu et en vertu duquel toute personne soupçonnée d'un chef d'accusation est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie au cours d'un procès durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa défense lui seront assurées. C'est un droit fondamental en matière pénale qui vise à assurer à l'accusé que sa culpabilité sera prouvée au-delà de tout doute raisonnable.60(*) A l'échelle internationale, ce principe est codifié dans l'article 11 de la DUDH61(*) et l'article 14 du PIDCP62(*). La Convention internationale relative aux droits de l'enfant quant à elle, enjoint aux Etats de veiller à ce que tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale ait au moins le droit entre autre, à la garantie de la présomption d'innocence jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie.63(*)

Au niveau national, la présomption d'innocence est un principe constitutionnel. La Loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin1972 l'exprime clairement dans son préambule64(*) en ces termes :

« Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie au cours d'un procès conduit dans le strict respect des droits de la défense »

La loi n° 2005/007 du 27 Juillet 2005 portant Code de procédure pénale réitère ce principe et précise même la constance de son application tout au long du procès pénal, c'est-à-dire de la poursuite jusqu'au jugement en passant par l'instruction.65(*)

La manifestation la plus frappante de la violation du principe de la présomption d'innocence est la détention préventive. C'est une mesure privative de liberté prise soit par le Procureur de la République dans le cadre de la procédure de flagrant délit, soit par le magistrat instructeur à l'information judiciaire. Bien que pouvant se justifier par plusieurs raisons liées pour les unes à l'intérêt social et pour les autres, à la bonne administration de la justice66(*), le résultat de cette mesure est toujours effroyable.67(*) C'est d'ailleurs la principale cause du surpeuplement carcéral au Cameroun;68(*)

Le PACDET (programme d'amélioration des conditions de détention et respect des droits de l'homme)69(*) en présentant le contexte de la mise en oeuvre de la deuxième phase de ce projet dans l'annexe II de la convention de financement, indique un taux de surpopulation carcérale de 400 pour cent dans l'ensemble des 70 centres pénitentiaires que compte le pays, avec un taux de détention provisoire global de l'ordre de 60 pour cent et 70 pour cent lorsqu'on ne tient compte que des 10 prisons centrales. Ces statistiques justifient la réflexion de Rogatien TEJIOZEM qui pense que la détention préventive est une mesure « attentatoire aux garanties des droits de la personne devant la justice dans ce sens qu'elle est contraire à la présomption d'innocence ».70(*) Quand on sait que la privation de liberté dans la vie d'un individu peut avoir des conséquences fâcheuses, surtout lorsque après une longue détention celui-ci est déclaré non coupable, l'on pourrait penser avec cet auteur que « la détention préventive, utilisée de manière abusive, constitue une atteinte aux droits de l'homme».71(*)

Dans sa communication n° 39/90, la Commission africaine affirme qu'une «détention fondée sur la seule suspicion qu'un individu pourrait être à l'origine des troubles est une violation du droit à la présomption d'innocence.»72(*). En effet, l'intéressé (Abdoulaye Mazou) qui avait été arrêté et condamné pour subversion après le coup d'Etat du 06 avril 1984 a été gardé en détention jusqu'en Mai 1990 alors qu'il devait être libéré au mois d'Avril de la même année. L'Etat Camerounais craignant ainsi que la libération de l'intéressé pourrait entraîner des troubles à l'ordre public.

Mais la pratique judiciaire au Cameroun se caractérise aussi par « les habitudes de reniement du principe du droit à un procès équitable dans un délai raisonnable».73(*)

B- Le reniement des droits de la défense

Les droits de la défense regroupent un certain nombre de droits permettant à toute personne de se protéger contre la menace d'un procès pénal. Le respect des droits de la défense est un principe de droit international, qui vise la recherche d'une relation équitable entre l'accusation et la défense74(*). L'assistance et la représentation d'un avocat, l'impartialité et l'indépendance du tribunal, l'obligation de célérité du tribunal, le caractère raisonnable des délais de jugement, le débat contradictoire, l'égalité des armes, l'exercice des recours etc... sont autant de droits qui rentrent dans le principe du respect des droits de la défense que les instruments internationaux ont codifié à travers l'article 14 du PIDCP, l'article 10 de la DUDH, l'article 40 de le Convention relative aux droits de l'enfant et par les 37ème et 38ème principes de l'Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement. Au plan interne, le respect des droits de la défense est dans l'ensemble assez bien protégé dans les textes depuis l'adoption et l'entrée en vigueur du code de procédure pénale. Mais dans la pratique, le droit à un procès équitable qui intègre toutes les garanties ci-dessus énumérées relève de la pure fiction. Si la jurisprudence interne est quelque peu timide dans cette matière, la jurisprudence de la Commission africaine nous offre des situations assez édifiantes en ce qui concerne le respect des droits de la défense. Concernant le droit de choisir librement son avocat, la commission l'érige en un droit « fondamental pour la garantie d'un procès équitable »75(*). Elle précise même que « reconnaître au tribunal le droit de veto sur le choix d'un avocat constitue une violation inacceptable de ce droit ».76(*) Dans sa résolution relative au droit de recours et à un procès équitable, la commission en vue de renforcer le droit à la défense tient à préciser au paragraphe 2 (e) (i) que : « dans la détermination des charges retenues contre elle, toute personne a droit en particulier (i)... à communiquer confidentiellement avec un avocat de son choix »77(*). Le déni de ce droit constituant une violation de l'article 7.1 (c).78(*)

Une justice de qualité doit répondre à un critère fondamental qui est celui de la célérité des procédures. La durée raisonnable de la procédure préserve la crédibilité de la justice et témoigne de son efficacité.79(*) La Commission, statuant sur le temps écoulé depuis l'arrestation des détenus souligne que :

« Dans une affaire criminelle, spécialement, lorsque les accusées sont en détention préventive, le procès doit se faire le plus rapidement possible, afin de minimiser les effets néfastes sur la vie d'une personne qui, en fin de compte, peut être innocent ».80(*)

L'obligation de célérité dans les procédures pénales est donc en définitive une exigence d'un procès juste et une garantie des droits de la défense.

Le droit d'être jugé par une juridiction impartiale concourt à la sauvegarde du droit à un procès équitable. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples dans sa résolution sur le Nigéria adoptée à la 17ème session, a indiqué que « la limitation de l'indépendance du pouvoir judiciaire et la mise sur pied de tribunaux militaires sans indépendance ni règles de procédure pour juger les personnes soupçonnées d'être des opposants du régime militaire » comptait parmi les graves atteintes ayant cours dans ce pays.81(*)

La méconnaissance des garanties procédurales contribue donc, à n'en point douter, à la dégradation des conditions de détention dans ce sens qu'elle accroît la population carcérale. Le caractère systématique de la détention provisoire et le reniement des droits de la défense y contribuant pour une grande part. Pourtant l'Etat camerounais, pour avoir ratifié les instruments internationaux qui consacrent ces principes devrait être le garant des droits qui en découlent. Ce qui légitime la pensée d'Antoinette EKAM d'après qui « en tant que garant de l'ordre judiciaire, l'Etat est responsable du mauvais fonctionnement des institutions judiciaires ». Mais la responsabilité de l'Etat est aussi engagée dans l'application des règles en matière d'incarcération.

Paragraphe 2nd : L'inobservation des règles en matière d'incarcération

La privation de liberté obéit à des règles bien précises, surtout en matière d'incarcération. Elle doit prendre en compte la sécurité des personnes incarcérées et le caractère vulnérable de certaines couches.

A- La séparation des détenus en fonction de leur statut juridique

La séparation des personnes privées de leur liberté en fonction de leur statut juridique vise principalement à éviter que des personnes suspectes dont la privation de liberté s'avère pourtant nécessaire pour le besoin de protéger leur propre vie ou de ne pas entraver la manifestation de la vérité au cours de l'enquête ne souffrent pas particulièrement du fait de leur incarcération. Cette mesure limite les frustrations qui pourraient naître d'une privation de liberté injuste en ce sens qu'elle prévoit un traitement spécifique à chaque catégorie de détenus, qu'il soit prévenu, contraignable ou condamné.

L'article 9 (3) du Code de procédure pénale camerounais a définit le prévenu comme tout individu susceptible d'être traduit devant une juridiction pour répondre d'une contravention ou d'un délit.82(*) Cette définition semble quelque peu partielle en ce sens que non seulement elle ne prend pas en compte les détenus provisoires incarcérés pour des cas de crime, mais elle ne spécifie pas non plus le lieu de la détention. La 84ème règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus nous donne une définition plus exhaustive de la notion de prévenu. Selon ce texte, « tout individu arrêté ou incarcéré en raison d'une infraction à la loi pénale qui se trouve détenu soit dans les locaux de la police soit dans une maison d'arrêt, mais n'a pas encore été jugé est qualifié de prévenu»83(*), à la différence du condamné dont le jugement est déjà définitif. Le contraignable est à la base un condamné mais qui, en raison de son insolvabilité, ne peut satisfaire les mesures de restitution ou les condamnations pécuniaires ordonnées par une juridiction répressive contre lui.84(*) La condamnation initialement pécuniaire se mue donc en une mesure de privation de liberté : c'est la contrainte par corps. Elle ne s'exerce ni contre les personnes âgées de moins de 18 ans ou de plus de 60 ans, ni contre les femmes enceintes85(*).

La séparation des détenus est donc un moyen d'adapter à chaque catégorie de détenu un traitement en fonction de son statut juridique. La 89ème règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus dispose même à cet égard que :

« Les personnes emprisonnées pour dettes ou condamnées à une autre forme d'emprisonnement civil doivent être séparées des détenus pour infraction pénale »

Le PIDCP souligne dans son article 10 la nécessité de séparer les condamnés des prévenus et de traiter ces dernier en tenant compte de leur situation de personnes non condamnées. Cette mesure est encore plus impérative en ce qui concerne la séparation des jeunes prévenus des adultes86(*). D'ailleurs la Convention relative aux droits de l'enfant précise que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Le principe, de la séparation des détenus en fonction de leur statut juridique trouve également un écho favorable dans l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus à travers les règles 8 et 85. Ces règles consacrent la séparation des détenus « en fonction de leur age, leur sexe, de leurs antécédents, des motifs de leur incarcération et des exigences de leur traitement».

Au Cameroun, la sélection et la répartition des détenus dans les locaux pénitentiaires sont prévues à l'article 20 du décret N° 92/052 du 27 mars 1992. Ce texte prévoit la séparation des personnes prévenues des condamnées, les hommes des femmes, l'affectation de locaux spéciaux aux condamnés à mort, aux détenus dangereux, un quartier spécial réservé aux éléments des forces de maintien de l'ordre. Mais la surpopulation carcérale a conduit à la fusion de tous ces référentiels de spécialisation de l'incarcération des détenus, au point que cet article est soit ignoré, soit partiellement appliqué87(*). Ce qui pourrait dans une certaine mesure justifier la réflexion de Thierry Vincent selon laquelle« En Afrique, la pauvreté et la faiblesse des budgets des Etats, ajoutées à la prise de conscience relativement récente de la nécessité de respecter la personne humaine, fut-elle délinquante ou criminelle, font que la vétusté, l'insalubrité, et les mauvais traitements sont la règle dans les centres de détention»88(*).

Le Cameroun ne fait pas exception à ce constat. L'influence du contexte global de pauvreté est à l'origine de nombreux dérapages dans les milieux pénitentiaires. Le défaut d'investissement rendant pratiquement impossible l'application des mesures internationalement admises et qui lui sont opposables. Les aménagements de quartiers distincts pour prévenus, contraignables et condamnés devenant impossible du fait de la surpopulation carcérale. Pourtant, « Les personnes emprisonnées pour dettes ou condamnées à une autre forme d'emprisonnement civil doivent être séparées des détenus pour infraction pénale ».89(*)

De manière générale, les prisons camerounaises sont caractérisées par leur étroitesse et leur engorgement. La plupart d'entre elles sont logées dans de vieilles bâtisses de récupération héritées de l'époque coloniale et qui ont subies quelques aménagements. Cette exiguïté rend impossible l'application des mesures de sécurité et de stricte séparation des différentes catégories de détenus. Pour exemple aucun de ces établissements ne dispose de cellule individuelle. Les détenus sont logés dans des dortoirs accueillants des dizaines voire des centaines de personnes. A la prison principale d'Edéa, la plus hygiénique des cellules accueille 10 personnes dans un réduit d'environ trois mètres sur cinq. C'est le «HILTON'', du nom d'un hôtel huppé de la capitale politique. Dans la prison centrale de Nkodengui, le «KOSOVO'' est un quartier hétéroclite. Les condamnés, prévenus et contraignables s'y côtoient et sont logés dans les mêmes dortoirs. Ce qui rend inévitables les violences des prisonniers sur leurs co-détenus. La séparation en fonction du type de traitement suivi par les détenus est elle aussi inopérante à la prison centrale de Nkodengui. Le quartier 3 réservé aux malades accueille des personnes présentant des symptômes de maladies différentes. Les blessés par armes à feu y séjournent avec certains tuberculeux, malades de sida et d'autres personnes potentiellement dangereuses parce qu'atteintes de maladies contagieuses, au mépris des règles minima pour le traitement des détenus qui dispose pourtant que :

« Lorsqu'on recourt à des dortoirs, ceux-ci doivent être occupés par des détenus soigneusement sélectionnés et reconnus aptes à être logés dans ces conditions ».90(*)

Certes il existe un quartier de mineurs dans la quasi-totalité des prisons visitées, mais force est de reconnaître que la porosité de ses limites ne permet pas de parler d'une véritable séparation entre mineurs et adultes. Ils partagent la même cour, les mêmes repas et les mêmes loisirs. Ce contact permanent et presque incontrôlé des mineurs et des adultes facilite la corruption de la jeunesse carcérale que les textes internationaux entendaient protéger. Mais au-delà de l'âge et du statut juridique, le genre est aussi un facteur de séparation des détenus.

B- La séparation des détenus en fonction du genre

Les femmes détenues sont plus vulnérables du fait même de leur constitution physique plus fragile que celle de l'homme et de la privation de la jouissance d'une liberté fondamentale qu'est la liberté d'aller et de venir. La séparation des personnes privées de leur liberté en fonction du sexe se fonde donc sur un certain nombre d'instruments internationaux qui ont consacrés des considérations culturelles universellement reconnues. Le plus expressif d'entre eux à ce sujet est l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus qui dispose que :

« Les hommes et les femmes doivent être détenus dans la mesure du possible dans des établissements différents ; dans un établissement recevant à la fois des hommes et des femmes, l'ensemble des locaux destinés aux femmes doit être entièrement séparé ».91(*)

L'existence d'une prison spéciale pour femmes à Mfou et d'un quartier exclusivement réservé aux personnes de ce sexe dans les prisons centrales de Douala et de Yaoundé occulte quelque peu la réalité de l'application de ce principe. En règle générale, dans les différentes prisons camerounaises, la pratique est tout à fait autre. Bien que l'on y retrouve des dortoirs pour femmes exclusivement, ces dortoirs côtoient ceux des hommes. Souvent avec un mur mitoyen. Par conséquent les détenus des deux sexes partagent le même environnement avec tous les risques inhérents à cette situation.

Plus grave, dans les commissariats de police et les unités de gendarmerie, les chambres de sûreté sont constituées d'une seule pièce. Lorsque privés de liberté à la suite de l'ouverture d'une enquête, les hommes et les femmes s'y entremêlent dans une promiscuité indescriptible. Les cas de viol n'y sont pas rares surtout avec la notion de «chef de cellule'' qui souvent, à défaut d'argent au moment de l'entrée en cellule, se fait servir en nature auprès des gardées à vue. Situation d'autant plus grave que certains responsables de ces unités préfèrent passer ces cas sous silence pour préserver leurs carrières professionnelles.

L'application mitigée des principes de protection des droits physiques des personnes détenues et la méconnaissance des garanties procédurales et des règles d'incarcération limitent l'application des mesures existantes visant à humaniser les conditions de détention au cameroun. Cependant, si « en Afrique, la pauvreté et la faiblesse des budgets des Etats, ajoutées à la prise de conscience relativement récente de la nécessité de respecter la personne humaine, fut-elle délinquante ou criminelle, font que la vétusté, l'insalubrité, et les mauvais traitements sont la règle dans les centres de détention»92(*), le cadre juridique existant ne favorise pas non plus la protection des droits des personnes appartenant à cette catégorie sociale.

Chapitre 2 : UNE POLITIQUE JUDICIAIRE PEU FAVORABLE A LA PROTECTION DES PERSONNES INCARCEREES

L'humanisation des lieux de détention au Cameroun est une question épineuse mais qui a pendant très longtemps été exclue du débat public. Pourtant, ce sujet ne manque pas d'intérêt, soulevant des aspects relevant de l'intérêt général. En effet, la bonne administration de la justice permet d'éviter l'engorgement des prisons. Elle offre aux personnes privées de leur liberté des moyens de recours contre l'administration en général en cas de violation de leurs droits en même temps qu'elle met en place des mécanismes judiciaires permettant aux personnes incarcérées d'assurer leur défense relativement au motif de leur incarcération. La protection des personnes sous mains de justice nécessite donc la mise en place d'un cadre judiciaire crédible garant des droits relatifs à l'exercice de la justice pour les personnes détenues, mais aussi d'un cadre répressif adéquat qui contribuerait à décourager les atteintes aux droits des personnes incarcérées. Cependant, le cadre judiciaire camerounais est encore marqué par une timide répression des atteintes à la dignité humaine dans les lieux de détention (section 2) et par l'inadaptation de l'institution judiciaire à l'exercice des droits processuels des personnes privées de leur liberté (section 1).

Section 1 : L'inadaptation de l'institution judiciaire à l'exercice des droits processuels des personnes privées de liberté

« Les droits processuels sont les droits dont l'exercice est indispensable à l'individu lorsqu'il fait face à l'appareil judiciaire. Ces droits concourent à assurer le bon déroulement de la justice et à garantir à chaque individu le respect de ses droits face au rouleau compresseur que peut devenir la justice».93(*) Il s'agit des principes qui garantissent à l'être humain des voies de recours en cas d'atteinte à ses droits. Ce qui « implique d'une part le droit de saisir les juridictions compétentes et d'autre part le droit à un procès équitable par une juridiction indépendante et impartiale »94(*) en cas de violation d'un de ses droits. Le statut de personne incarcérée n'emportant pas privation de l'exercice des droits dits processuels, les personnes privées de leur liberté se retrouvent pourtant très souvent victimes du fonctionnement tatillon de l'appareil judiciaire ou même d'une certaine discrimination relative à leur statut. Ces dysfonctionnements s'observent à travers un difficile accès à la (paragraphe1) et certaines pratiques préjudiciables aux détenus (paragraphe2).

Paragraphe1 : Un difficile accès à la justice

« L'accès à la justice pour le justiciable camerounais suppose que ce dernier à non seulement accès aux tribunaux, mais aussi et surtout qu'il a accès au juge et au droit.»95(*) Seulement, si physiquement les tribunaux sont relativement faciles d'accès, l'administration d'une bonne justice dans un contexte de privation de liberté quant à elle, reste minée par le caractère restrictif des voies de recours et l'impossibilité matérielle pour les détenus d'assurer leur défense.

A- Le caractère restrictif des voies de recours

L'accès à la justice se manifeste par la possibilité offerte aux justiciables de saisir les juridictions soit pour faire appel d'une décision, soit pour alléguer des atteintes à leurs droits et libertés commises par des tiers ou par l'administration. La possibilité des recours est garantie aux citoyens en général par l'article 8 de la DUDH, les articles 9 et 14 du PIDCP, et aux personnes privées de leur liberté en particulier par les 35ème et 36ème règles de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus. Mais dans un cas comme dans l'autre, les recours sont assez bien encadrés et leur mise en oeuvre obéit à une conditionnalité qui en limite l'usage et favorise du même coup le surpeuplement carcéral par leur caractère sélectif. Ainsi, les critères de compétence de l'institution choisie, la nécessité de présenter des preuves tangibles des atteintes dénoncées, les délais de saisine, l'intérêt à agir, et les contraintes financières, sont tous applicables dans la formulation des recours internes. Et c'est précisément ces multiples conditions qui rendent ces recours inopérants, c'est à dire inefficaces et indisponibles. Pour la Commission africaine des droits de l'homme, « Un recours est considéré disponible lorsque le plaignant peut y accéder sans entrave ; il est jugé efficace s'il offre une chance de succès et si l'on trouve qu'il est capable de réparer le préjudice ».96(*) Dans l'affaire Jean SIMBARAKIYE, la Commission précise que :

« L'existence d'une voie de recours interne doit être à la fois théorique et pratique et, à défaut de remplir cette condition, la voie de recours en question ne serait ni disponible ni efficace. Tel est le cas lorsque pour des raisons objectives le plaignant ne peut pas aller vers les tribunaux de l'Etat mis en cause dans les conditions lui garantissant un procès équitable.»97(*)

Au Cameroun, le contexte global de pauvreté couplé à l'ignorance des populations rend difficile, la mise en oeuvre des recours. Cette situation est encore plus criarde dans un contexte de privation de liberté. En effet, très souvent délaissés par leurs familles, la majorité des détenus ne survie que grâce aux dons de la société civile. La défaillance de l'administration pénitentiaire étant quasiment généralisée. Ne pouvant ni manger à leur faim, ni se soigner convenablement, ni même s'habiller décemment, il va de soit que les détenus soient incapables de s'acquitter des frais parfois exorbitants nécessaires à la mise en oeuvre des recours surtout lorsqu'il faut faire appel d'une décision de justice les concernant, de même qu'ils sont incapables de se payer les services d'un avocat. La conséquence logique de cet état de chose étant l'expiration des délais de saisine et l'impossibilité de rassembler les preuves tangibles qui prouvent la véracité des dénonciations alléguées. Ainsi, bien que théoriques, les recours sont difficilement mis en oeuvre dans la réalité quotidienne. Et c'est à juste titre que le professeur Bernard-Raymond GUIMDO note que les obstacles de fait ou de droit, matériels, procéduraux, financiers, structurels et temporels insurmontables ou déraisonnables sont aussi de nature à rendre inopérantes, les voies de recours pourtant nécessaires à la protection des droits des personnes incarcérées.98(*) Il préconise pour pallier cette situation une « proximité géographique et technique entre le justiciable et le juge, proximité sans laquelle le droit d'accès au juge ne remplirait pas toute sa fonction ».99(*)

Les recours internationaux demeurent une option pour les citoyens dont les droits ont été violés. Cependant, ils restent subordonnés à l'épuisement des voies de recours internes, au respect d'un délai raisonnable pour la saisine de l'instance internationale et à l'interdiction des recours parallèles. Conditions encore plus contraignantes que celles qui régissent les recours internes.

B- L'impossibilité matérielle des détenus à assurer leur défense

Le droit d'accès au juge que Frédéric FOKA présente également comme le droit à un tribunal100(*) est « le premier des droits des individus, indispensable, essentiel, primordial, à l'effectivité des droits ».101(*)Il est consacré par les instruments internationaux à travers l'article 10 de la DUDH, l'article 14 du PIDCP notamment aux points b, d et e de l'alinéa 2, et la 35ème règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

Au plan régional, c'est l'article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du qui consacre le droit d'accès au juge.

A l'échelle nationale, La Constitution de janvier 1996 garantit dans son préambule le droit d'accès au juge en stipulant que :

«  La loi assure à tous les hommes le droit de se faire rendre justice ».

L'objectif premier des personnes incarcérées est d'assurer leur défense afin de pouvoir retrouver la liberté le plus tôt possible. Pour cela, dans le contexte camerounais, un suivi permanent des dossiers est nécessaire au niveau des juridictions et même auprès des enquêteurs dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie. L'exercice du droit d'accès à la justice est de ce fait limité par l'impossibilité matérielle des personnes privées de leur liberté de se défendre en accédant au juge, ou aux informations relatives à la procédure encourue, avec pour conséquence, un allongement inutile de la durée de la détention préventive, l'impossibilité de faire appel et par ricochet, le surpeuplement carcéral.

Dans les unités de police et de gendarmerie, il n'est pas rare qu'un gardé à vue soit oublié dans les cellules. Ne pouvant pas lui-même se manifester auprès de l'enquêteur, parce que n'ayant pas accès à lui à partir de son lieu d'incarcération, il est abandonné à lui-même, surtout si aucun de ses proches ne s'intéresse à cette procédure. La situation dans les centres pénitentiaires est encore plus préoccupante. Ces structures d'incarcération ne disposant pas de service et de personnel affecté à cette tâche, les personnes incarcérées sont très souvent oubliées dans leur détresse. A la prison centrale de kondengui par exemple, une fois dans l'enceinte, les seules informations qu'ont les pensionnaires sur l'évolution de la procédure ouverte contre eux se limitent à l'appel que les gardiens de prisons font à leur retour du parquet chaque jour pour prévenir certains prisonniers de leur transport vers le tribunal le jour suivant. Au point que même lorsque les détenus disposent de nouvelles informations susceptibles d'éclairer les magistrats dans la recherche de la vérité, celles-ci ne peuvent leur être communiquées. Ce sont les magistrats qui décident de qui ils voient et quand ils les voient.

La formulation des recours contre les décisions de justice déjà prononcées est elle aussi un véritable parcours du combattant que les personnes incarcérées ne peuvent malheureusement pas engager en raison de leur incarcération, de l'inaccessibilité des juges et d'une absence d'assistance judiciaire. Cette situation est d'autant plus grave que la pratique des enquêtes dans les unités et les juridictions est telle que c'est le mis en cause qui apporte la preuve de son innocence. Dès lors il est évident que lorsqu'elle est privée de sa liberté, réunir de telles preuves devient utopique pour la personne incarcérée surtout lorsqu'elle ne peut se payer les services d'un avocat et qu'aucun ne lui est commis d'office. Pourtant, « un avocat constitue un élément déterminant du droit d'accès au juge »102(*). En tant que praticien du droit, l'avocat veille à la régularité de la procédure ouverte contre son client, lui fournit des informations sur l'évolution de la procédure, sert d'interface entre la personne incarcérée et le monde extérieur et peut même formuler des recours dans son intérêt lorsque les formalités de saisine sont suffisamment flexibles pour le lui permettre étant entendu que « la possibilité de relever appel d'une décision de justice devant un tribunal de juridiction supérieure est l'essence même du droit d'accès au juge. »103(*)

L'une des entraves à l'humanisation des lieux de détention au Cameroun est sans nul doute la difficulté d'accès à la justice, en ce sens que l'incapacité des détenus à assurer leur défense et le caractère inopérant des voies de recours contribuent au surpeuplement carcéral. Pourtant à la suite des textes internationaux, monsieur Frédéric FOKA pose comme socle de la protection des droits humains, le droit d'accès au juge ou le droit à un tribunal,104(*) en même temps que Evelyn ANKUMAH stigmatise les entraves financières à l'exercice du droit à la défense compte tenu de la pauvreté et de l'analphabétisme des masses populaires africaines.105(*)

Si le difficile accès à la justice témoigne de l'inadaptation de l'institution judiciaire à l'exercice des droits processuels des citoyens en général et des personnes incarcérées en particulier, certaines pratiques judiciaires participent elles aussi au discrédit de cette institution.

Paragraphe2 : Les pratiques judiciaires préjudiciables aux détenus

Ce sont des usages qui portent atteinte aux droits des détenus mais qui sont rendus banals du fait de leur caractère répétitif. Ces pratiques se déclinent essentiellement en des lenteurs judiciaires et dans le caractère systématique de la privation de liberté dans l'administration de la justice.

A- La systématisation de la privation de liberté

Le juge d'instruction, le Procureur de la République et l'officier de police judiciaire disposent des pouvoirs légaux de privation de liberté. Le code d'instruction criminelle n'énumère aucun critère objectif dans l'usage de ce pouvoir discrétionnaire par le Procureur de la République, tout comme une totale liberté d'appréciation est laissée au magistrat instructeur lorsqu'une information judiciaire est ouverte.106(*) La détention préventive se justifie soit par les nécessités de l'instruction, soit à titre de mesure de sûreté ; C'est-à-dire, dans le but d'empêcher une concertation frauduleuse entre les complices, de conserver les preuves, de parvenir à la manifestation de la vérité ou bien dans le dans le but de mettre fin à l'infraction, de prévenir son renouvellement ou de maintenir la personne à la disposition de la justice. En principe donc, toute personne faisant l'objet d'une information judiciaire ou à l'encontre de laquelle des mesures de sûreté sont édictées peut être astreinte à la détention préventive. Cependant l'article 17 du code d'instruction criminelle y apporte des restrictions relatives à l'âge en proscrivant des poursuites contre les mineurs de 14 à 18 ans pour flagrant délit et par voie de citation directe. Ce qui rend obligatoire l'information judiciaire pour les délinquants de cette tranche d'age. De plus, le décret du 30 novembre 1928 instituant les juridictions spéciales et le régime de liberté surveillée en France exclut toute forme de détention préventive pour les mineurs de 10 ans, la tolère pour les mineurs de 10 à 14 ans seulement en cas de crime de sang, l'admet pour les mineurs de 14 à 18 ans uniquement dans des circonstances exceptionnelles. Mais dans la pratique, les juges d'instruction y font systématiquement recours dès lors qu'une information judiciaire est ouverte au point que l'information judiciaire renvoie très souvent dans le contexte camerounais à la mise en détention provisoire. Le comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral dans son document intitulé «politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral'' note bien cette propension à la systématisation de la privation de liberté dans l'administration de la justice. Le comité constate que :

« Le recours à la privation de liberté comme moyen privilégié de garantie d'une bonne administration de la justice pénale, même pour les infractions dont les auteurs ne présentent pas toujours de graves menaces pour la paix publique et la sécurité de la société, débouche inéluctablement sur la systématisation et le développement d'une tendance particulièrement répressive du système pénal camerounais. »107(*)

Comme cela ressort dans le tableau N°1, l'usage de la détention préventive ou provisoire s'est banalisé à un tel point que certains auteurs n'ont pas hésité à dire qu'au Cameroun la détention est le principe et la liberté l'exception.108(*) Pourtant, le professeur Adolphe MINKOA SHE soutient qu'« un système pénal respectueux des droits fondamentaux doit avoir à coeur de donner à la détention préventive un caractère exceptionnel, en prévoyant limitativement les cas où elle est possible et en organisant un contrôle efficace de la motivation de la décision de mise en détention.»109(*) Cette propension à l'intensification de l'usage de la détention préventive est encore plus prononcée dans les juridictions militaires. Le comité observe d'ailleurs que :

« Les titres de détention délivrés par les autorités militaires et qui, dans les prisons comme Garoua et Bafoussam tout particulièrement conduisent à de véritables crises dans la gestion des détentions préventives, traduisent à souhait, la tendance du juge camerounais à recourir à la privation de liberté comme mode privilégié de lutte contre la délinquance et partant de la criminalité. »110(*)

Les commissariats de police et les brigades de gendarmerie ne sont pas en marge de cette lutte contre la délinquance même primaire par la privation de liberté. En effet, les officiers de police judiciaire usent et abusent du pouvoir de garde à vue pourtant déjà bien encadré par le code de procédure pénale. Situation d'autant plus grave que leurs victimes ignorent dans la plupart des cas les dispositions légales qui encadrent les mesures de garde à vue et par conséquent ne peuvent initier des recours pour atteinte à leurs droits. C'est ainsi par exemple que la garde à vue est utilisée comme moyen de pression sur les justiciables pour régler des affaires relevant des tribunaux civils. Dans son rapport relatif à la visite des centres de détention de Yaoundé en décembre 2008, la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés confirme « de nombreux cas de garde à vue à l'occasion du règlement des affaires purement civiles » comme c'est le cas au commissariat de sécurité publique de Mendong.111(*) Les magistrats eux aussi font recours à cette pratique sinon comment justifier qu'une mineure de 20 ans soit emprisonnée pour non paiement d'une amende de 20.000frs cfa.112(*) Il en est de même de telles mesures prises à l'encontre des personnes justifiants d'un domicile connu, d'un emploi permanent et pour des motifs relevant du domaine de la contravention ou des délits mineurs.

B- La lenteur des procédures judiciaires

Selon sa durée, la détention provisoire apparaît comme un facteur aggravant de la déshumanisation des lieux de détention en ce sens qu'elle augmente considérablement la population carcérale. En effet selon une étude conduite en 2000, 17,7% des prévenus subissent une détention préventive de moins d'un mois, 45,67% sont détenus pendant plus de cinq mois parmi lesquels 23,7% pendant plus d'un an.113(*) Le temps qui s'écoule entre la délivrance du titre de détention provisoire et la première rencontre avec le magistrat instructeur est parfois anormalement long. Dans certains cas, il va même au-delà de deux ans. Le tableau N° 2 donne une assez bonne lisibilité de la détention préventive dans les centres pénitentiaires camerounais. Il révèle un taux de détention préventive de près de 15% pour une durée comprise entre 12 et 24 mois. Et près de 9% de détention préventive dont la durée excède 24 mois, donc largement au-delà des dispositions du code de procédure pénale.114(*)En cause, des renvois excessifs qui freinent l'évolution des procédures et la non, exécution des diligences judiciaires.115(*) Le défaut d'expertise, le défaut de conseil, l'absence de la partie civile sont autant de diligences qui motivent les renvois. La mission d'évaluation du projet PACDET observe que« la présence des témoins ou des parties civiles est aléatoire. Les tribunaux consacrent au moins 3 à 4 audiences à la citation de la partie civile ou des témoins, ce qui est excessif, alors que la procédure d'instruction est écrite. »116(*) La commission nationale des droits de l'homme et des libertés signale même un cas de trente renvois sans ouverture de dossier.117(*)Mais les lenteurs des procédures judiciaires pourraient également être imputables aux retards dans la transmission des pièces et des dossiers de procédures. La mission note pour le déplorer que « les pertes de dossiers sont régulières, les méthodes de classement étant archaïques et la tenue des archives rendue difficile par des locaux et du matériel inadéquat. »118(*) Pourtant les sollicitations de l'institution judiciaire s'accroissent au fil du temps d'où son inévitable engorgement.

Tableau n°1 : Détenus selon le type de titre de détention

Titre de détention

effectif

%

Mandat d'arrêt

358

1,82

Mandat de dépôt

18745

95,2

Garde à vue administrative

212

1,08

Condamnés

376

1,91

Total

19 691

100

Recensement du 31 août 2000.

Source : Document de politique pénitentiaire et de stratégie de réforme du système carcéral, décembre 2006.

Tableau n° 2 : Durée de détention préventive selon le sexe

Durée de la détention préventive

Masculin

Féminin

Ensemble

Effectifs

%

Effectifs

%

Effectifs

%

Moins de 01 mois

1202

17,5

44

25,43

1246

17.7

De01 mois à 04 mois

2528

36,81

51

29,43

2579

36.63

De05 mois à 11 mois

1550

22,57

37

21,39

1587

22.54

De 01 an à 02 ans

989

14,4

23

13,29

1012

14.37

Plus de 02 ans

598

8.71

18

10,4

616

8.75

Ensemble

6867

100

173

100

7040

100

Source : Document de politique pénitentiaire et de stratégie de réforme du système carcéral, décembre 2006.

L'inefficacité de la politique judiciaire dans la protection des personnes incarcérées est aussi en partie imputable à la complaisance observée dans la répression des atteintes à la dignité humaine des personnes privées de leur liberté.

Section 2 : La timide répression des atteintes à la dignité humaine dans les lieux de détention

L'apparente impunité du personnel chargé de l'application des lois est l'une des causes des violations des droits de l'homme dans le milieu carcéral. Ces violations concernent aussi bien les droits substantiels que les droits processuels des personnes privées de leur liberté. Pourtant, les textes en vigueur prévoient des sanctions aussi bien sur le plan administratif que judiciaire contre les agents publics auteurs ou complices de telles indélicatesses. Mais l'exemplarité de ces mesures reste mitigée en ce qui concerne les sanctions administratives (paragraphe1), pendant que les actions judiciaires engagées peinent à dissuader la commission de tels actes (paragraphe2).

Paragraphe1 : La faiblesse des mesures disciplinaires prises à l'encontre des agents indélicats

Dans le contexte spécifique de privation de liberté, les principes qui gouvernent les actes des fonctionnaires doivent obéir à l'impératif de protection des droits de l'homme conformément aux engagements internationaux de l'Etat camerounais. Le cadre administratif offre à l'encontre des agents publics, un éventail de sanctions dont la mise en oeuvre demeure cependant inefficace.

A- L'échelle des sanctions disciplinaires

«  La lutte contre l'impunité est au coeur du combat pour l'instauration d'une société plus respectueuse des droits de l'homme ».119(*) Selon le rapport 2007 sur l'état des droits de l'homme au Cameroun, certains domaines des droits de l'homme tels que le droit à la sûreté, le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique, corporelle et morale, le droit à la protection contre les traitements cruels inhumains et dégradants méritent une attention particulière et « les personnels chargés de l'application des lois qui sont concernés par la violation de ces droits se recrutent essentiellement parmi les forces de maintien de l'ordre, les autorités administratives et traditionnelles ainsi que les magistrats ».120(*) Au Cameroun, les fonctionnaires qui interviennent dans la privation de liberté sont régis par des statuts spéciaux.

Le décret 2001/065 du 12 mars 2001 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la sûreté nationale prévoit dans son article 95 des sanctions disciplinaires contre les agents indélicats. Ces sanctions vont de la réprimande à la révocation et sont classées en première, deuxième et troisième catégorie en fonction de la gravité  de la faute.121(*)

Le règlement de discipline générale dans les forces de défense122(*), classe les fautes commises par les personnels militaires et gendarmes en six catégories. Ainsi en fonction de leur gravité, on distingue, au terme de l'article 103 de ce règlement :

-les actes tendant à se soustraire aux obligations de service

-les actes contre la discipline militaire

-les actes constituant des manquements aux consignes

-les actes constituant des négligences et des fautes professionnelles

-les actes contre l'honneur, le devoir militaire et la probité

-les actes contre le devoir de tenue, conduite et morale

Ces actes sont sanctionnés par :

1- Des punitions non restrictives de liberté comprenant l'avertissement, la réprimande et le blâme

2- Des punitions restrictives de liberté constituées de la consigne, la salle de police, la prison et la cellule, les arrêts simples, les arrêts de rigueur, la prison militaire

3- Des punitions administratives telles que le rappel à l'unité, la maintien à la formation, la retenue, suspension ou suppression de la solde par mesure de discipline, la mutation disciplinaire, la suspension ou le retrait d'emploi ou de fonction

4- Des punitions statutaires : le renvoi à la 2ème classe, la rétrogradation, la résiliation de contrat, révocation ou refus de réengagement, la révocation des personnels officiers etc...123(*)

Le décret N° 92/054 du 12 Mars 1992 portant statut du personnel de l'administration pénitentiaire prévoit également différents types de sanctions contre le personnel de cette administration en cas de violation des règles.

Les textes régissant le corps des magistrats encadre lui aussi l'action de ces fonctionnaires en prévoyant un éventail de sanctions contre eux en cas d'indélicatesse avérée.124(*)

Bien que régissant des corps différents, les textes ci-dessus cités présentent cependant une constante : il s'agit des effets néfastes des procédures disciplinaires sur les carrières des fonctionnaires ainsi incriminés. Pourtant, l'usage de ces armes administratives ne produit pas toujours les effets escomptés en ce qui concerne la protection des droits des personnes privées de leur liberté et ce, en raison de la timidité de leur application.

B- La timidité de la mise en oeuvre des sanctions disciplinaires

La mise en oeuvre des sanctions disciplinaires est le fait du supérieur hiérarchique ou de la haute hiérarchie125(*) du fonctionnaire fautif suivant le principe selon lequel « qui peut le plus peut le moins ».126(*) Sous réserve des poursuites judiciaires et disciplinaires, des mesures administratives sont souvent prises à l'encontre des fonctionnaires pour des actes contraires à l'éthique ou qui violent manifestement la réglementation en vigueur.

Dans la sûreté nationale par exemple le commissaire de police BEKOM ESSOMBA François Alexandre, alors en service au commissariat de sécurité publique de Mbalmayo a été suspendu pour une durée de trois mois en 2007 pour «  usage abusif d'une arme de service ayant occasionné une mort d'homme». La même mesure a été appliquée à l'officier de police MONGOLO ONDOUA Guy, aux inspecteurs de police EVOUNG NDOUM Timothée et NDJOCK NANG Ambroise pour «  inobservation des consignes dans l'exercice de (leurs) fonctions et indélicatesse grave portant atteinte à la considération de la sûreté nationale ».127(*)

Si l'inobservation des consignes renvoie au non respect des instructions de service, l'indélicatesse portant atteinte à la considération de la sûreté nationale renvoie très souvent aux abus que les fonctionnaires exercent sur les citoyens. Entre autres et les plus courantes, on peut noter la confiscation des biens, la pratique des actes de torture et autres traitements inhumains et dégradants, les arrestations et séquestrations arbitraires.

Les éléments de la gendarmerie font eux aussi l'objet de mesures disciplinaires en cas de violation de consignes. Ainsi, l'adjudant chef EMINI EMINI a fait l'objet de trente (30) jours d'arrêts de rigueur pour séquestration et abus de fonction en 2007 alors que les maréchaux de logis Vincent SIGAL NGUTI et NTIEGE John ont fait l'objet de vingt (20) jours d'arrêts de rigueur pour extorsion de fonds.

Quant à l'administrateur de prison FONGOH Divine, régisseur de la prison de Mbanga, il a été relevé de ses fonctions pour abus d'autorité, indélicatesse qui s'est manifestée par la détention abusive d'une femme en 2007.128(*)

A l'observation de ces sanctions, on note que les mesures administratives prises à l'encontre des fonctionnaires indélicats ne tiennent pas compte de la gravité de la faute. Ainsi dans la sûreté nationale, la suspension d'une durée de trois (03) mois est la principale sinon la seule mesure administrative utilisée pendant que la mise aux arrêts de rigueur prédomine à la gendarmerie. Le recours systématique à des mesures aussi légères pour des fautes dont la gravité n'est plus à démontrer au regard du droit international pourrait se comprendre surtout dans la Sûreté Nationale ou de telles mesures ne font très souvent suite qu'à une simple plainte qui n'a pas encore fait l'objet d'une enquête minutieuse. Les faits n'étant pas encore avérés de telles mesures ne sont prises qu'à titre de « mesures conservatoires ».Les mesures disciplinaires proprement dites telles que l'abaissement de grade ou d'échelon, la révocation la suspension ou la mise à pied pour ne citer que celles-là restent rares.

Si les mesures conservatoires évoquées plus haut ont cependant l'avantage de calmer les ardeurs des victimes, et de les soulager sur le plan psychologique, aucune suite administrative ne leur est souvent réservée et les bourreaux, à l'expiration de leur période de suspension ou d'arrêts de rigueur, sont purement et simplement réintégrés dans leurs fonctions, ou au pire des cas mutés. Situation d'autant plus grave que les administrations concernées n'ignorent pas que les victimes sont dans l'incapacité de mettre en oeuvre des recours judiciaires contre les agents incriminés, du fait de leur ignorance et ou de leur pauvreté. Quand bien même de telles actions sont engagées elles restent peu dissuasives à cause du caractère complaisant des sanctions pénales prononcées.

Paragraphe2 : Le caractère peu dissuasif des actions judiciaires engagées contre le personnel chargé de l'application des lois

La nature peu dissuasive des actions judiciaires entreprises découle de l'inadaptation des décisions rendues par les juridictions et du caractère exceptionnel des poursuites judiciaires engagées.

A- La rareté des poursuites

Le tableau n° 3 donne une idée assez précise des cas recensés par Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés (CNDHL), il y apparaît clairement qu'en 2007 cette structure a recensé 307 cas de violations alléguées des droits de l'homme. Cependant, le rapport du ministère de la justice sur l'état des droits de l'homme au Cameroun en 2007 ne relève que 96 cas de poursuites judiciaires enclenchées pour les cas de violation des droits de l'homme.129(*) Ce rapport ne fait état d'aucun cas de poursuites engagées contre les magistrats, greffiers et autres fonctionnaires de l'administration de la justice, pourtant 82 cas d'allégations de violations du droit à un procès équitable ont été rapportés par la CNDHL en 2007. Le défaut d'initiative de poursuites judiciaires contre les fonctionnaires ouvre la voie à un régime d'impunité favorable à la violation des droits humains surtout lorsque les sanctions prononcées pour clôturer les rares actions judiciaires entreprises ne reflètent pas la gravité des exactions commises.

Tableau N°3 : nombre de cas de violations présumées des droits de l'homme traités en 2007 par la CNDHL

Typologie des violations

Siège (Yaoundé)

Antenne du Sud-Ouest

Droit à un procès équitable

80

02

Droit à la vie, à l'intégrité physique et morale

88

10

Droit à la sécurité et à la sûreté (arrestation et détention arbitraires)

46

25

Abus d'autorité et de pouvoir

15

14

Torture et traitements inhumains et dégradants

27

00

Nombre total de cas recensés

256

51

Source : Rapport 2007 du MINJUSTICE sur l'état des droits de l'homme au Cameroun

B- La complaisance des sanctions pénales prononcées contre le personnel chargé de l'application des lois

Les sanctions pénales prononcées à l'endroit des fonctionnaires des forces de maintien de l'ordre, si elles témoignent de la volonté de lutter contre les atteintes aux droits humains observées dans les lieux de détention ne sont pas toujours assez dissuasives par leur sévérité. Elles jettent même un doute sérieux sur l'aptitude de la justice à éradiquer les atteintes aux droits humains à travers la lutte contre l'impunité. De nombreux cas illustrent bien cette situation. Comme celui d'OLAMA Laurent et AMBELLIE Zacharie, fonctionnaires de police, déclarés coupables de torture par le TPI d'Ebolowa le 18.04.2007 et condamnés seulement à deux ans d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans130(*), des Gardiens de la paix MPACKO DIKOUME et NDIWA Joseph déclarés coupables de coups mortels par le jugement du 12.12.2006 par le TGI du Wouri et définitivement condamnés seulement à trois ans d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et de AMBATA Hermès René et NGOUMBA jean Dejoli Major, respectivement inspecteur de police et gardien de la paix reconnus coupables des actes de torture, arrestation et séquestration, coups et blessures simples par le TPI de Mbanga, mais uniquement condamnés à 50.000 frs cfa d'amende chacun.131(*)

Dans certaines localités, les chefs traditionnels ont une telle importance que ceux-ci jouent également le rôle de responsable de maintien de l'ordre, au point d'entretenir une véritable force de police dans la localité et d'y ériger même les prisons. Le silence de l'administration ou la tolérance dont elle fait preuve à l'endroit de ces dépositaires de la tradition est tel que ces autorités traditionnelles semblent quelque peu au dessus de la loi. Et les sanctions pénales souvent prises à leur encontre semblent confirmer leur caractère de citoyen intouchables. C'est ainsi que les faits d'arrestation et de séquestration dont ils se rendent coupables sont sanctionnés avec légèreté. Si le cas de BAINA DEDAIDANDI, chef du village Doré-Tongo, poursuivi pour arrestation et séquestration, condamné par jugement N° 13/Crim du 16.08.2006 du TGI de la Bénoué condamné à 10 ans d'emprisonnement ferme132(*) peut être cité comme un exemple à suivre dans la répression des atteintes au droit à la sûreté, de tels exemples restent minoritaires. En effet, de nombreuses affaires témoignent de la complaisance de la justice face à ce type d'atteintes. C'est le cas de :

-DJAOURO HAMADOU, chef du village Nyassar, condamné à 06 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 03 ans par le TPI de Ngaoundéré pour les faits d'arrestation et de séquestration arbitraires.133(*)

-ISSA MAOUNDE alias DJAOURO ISSA, chef traditionnel déclaré coupable d'arrestation et de séquestration arbitraires par le jugement n° 89/Cor. Du 29.07.08 du TPI de Tignère est condamné à un an d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans.134(*)

La complaisance des sanctions prononcées contre le personnel chargé de l'application des lois et la rareté  des poursuites judiciaires enclenchées contre eux les conforte dans le sentiment d'impunité en cas d'atteinte aux droits des personnes privées de leur liberté, encourageant ainsi de manière implicite la violation des droits reconnus à cette catégorie de personnes.

La dignité humaine suppose le respect inconditionnel de tout homme, quelque soit son age, son sexe sa religion, sa condition sociale, son origine ethnique, ou même son statut juridique.135(*) Elle résulte de la conjonction du respect de l'intégrité physique et morale de la personne humaine et de la satisfaction de ses besoins vitaux. Le respect de l'intégrité physique participe donc du respect de la dignité humaine, tout comme l'exercice des droits processuels. Si les textes internationaux auxquels le Cameroun est partie protègent l'exercice des droits attributs, c'est à dire ceux inhérents à la personne humaine136(*), la pratique reste minée entre autre par une application limitée de ces mesures pourtant internalisées dans les textes nationaux. L'absence d'un cadre juridique propice à la protection des personnes incarcérées doublée de la minimisation des principes juridiques internationaux qui leur sont applicables fait de l'Etat du Cameroun un terreau fertile pour la violation des droits des personnes privées de liberté avec pour conséquence directe, la dégradation des conditions de détention.

SECONDE PARTIE :

L'INNEFICACITE DE LA POLITIQUE PENITENTIAIRE

Les institutions pénitentiaires camerounaises laissent dans l'esprit du visiteur, un sentiment de pitié empreint de désolation tant les conditions de vie y sont difficiles. La misère et l'insalubrité y sont la règle, un environnement acceptable l'exception, et les violences, le mode d'expression par excellence de tous. Pourtant, le Cameroun a souscrit des engagements internationaux qui tendent à l'amélioration des conditions de vie dans le contexte de privation de liberté. Ces engagements se traduisent au plan national par la définition d'une politique pénitentiaire mise en oeuvre au travers des ressources humaines et matérielles malheureusement encore inadéquates (chapitre 1) et des stratégies de protection et d'amélioration des droits de l'homme en milieu carcéral certes efficaces, mais encore timides (chapitre2).

Chapitre1er : L'INADEQUATION DES RESSOURCES HUMAINES ET MATERIELLES AUX REALITES DU MILIEU CARCERAL

Etant sous la responsabilité de l'Etat, les personnes privées de liberté sont en droit d'attendre de ce dernier des mesures qui garantissent la jouissance des droits qui sont reconnus aux personnes de leur statut juridique. Le contexte global de pauvreté influence de manière significative la vie en milieu carcéral au Cameroun, alimentant du même coup la polémique née autour de la nécessité de dépenser l'argent du contribuable à la construction de cadres luxueux pour les délinquants alors même que leurs victimes peinent à subvenir à leurs besoins quotidiens. Pourtant, la privation de liberté n'altère pas la nature humaine de ceux qui en font l'objet. Les personnes incarcérées doivent jouir des conditions minimales d'existence qui leur sont garanties par les normes internationales. Il appartient donc à l'Etat de définir une politique pénitentiaire adéquate et de mettre des moyens humains et matériels nécessaires et suffisants au service de cette politique. Au Cameroun, l'un des obstacles majeurs à l'humanisation des lieux de détention est sans nul doute l'inadéquation des ressources mises à la disposition des administrations intervenant dans le processus de privation de liberté. Cette inadéquation peut s'observer sous le prisme d'une déficience qualitative et quantitative des ressources humaines (section 1) et de l'irréalisme des ressources matérielles et financières allouées (section 2).

Section 1: La déficience des ressources humaines

De nombreuses administrations interviennent dans le processus de privation de liberté et d'encadrement des détenus137(*). Mais cette multiplicité d'intervenants ne règle pas pour autant le problème de l'humanisation des lieux de détention. Pire même, les carences relevées au sein de l'administration pénitentiaire semblent même s'étendre à la sûreté nationale, à la gendarmerie et dans une moindre mesure au corps des magistrats. Ces carences s'expriment en termes d'effectifs insuffisants par leur nombre (paragraphe 1), mais aussi par la qualité relative du personnel (paragraphe 2).

Paragraphe1 : L'insuffisance des effectifs

Le déficit en personnel s'observe aussi bien dans l'administration pénitentiaire que dans les autres administrations qui interviennent dans le processus de privation de liberté.

A- Le personnel de l'administration pénitentiaire

Les chambres de sûreté des unités de police et de gendarmerie n'étant pas des lieux d'exécution des peines mais des espèces de «lieux de transit'' pour les mis en cause, l'effectif le plus important des personnes privées de leur liberté se retrouve donc dans les prisons. Il va de soi que l'administration pénitentiaire soit la plus impliquée dans la gestion et l'encadrement des personnes incarcérées. Pourtant ses effectifs n'ont pas suivi la courbe de l'évolution de la population carcérale tel que nous le montre le tableau n°4.

Tableau n° 4 : Etat du déficit des effectifs du personnel de l'AP par rapport au ratio national d'encadrement souhaité (1/5) de l'année 2001 à 2005

Année

Effectif des détenus

Personnel souhaité (ratio1/5) (1)

Effectif réel du personnel

(2)

Déficit de remplacement des départ à la retraite (3)

Déficit normatif

(1)-(2) + (3)

2001

19.691

3.339

3.728

49

-340

2002

20.335

4.167

3.604

36

599

2003

21.000

4.200

3.269

198

1.129

2004

21.687

2.943

2.943

240

1.634

2005

22.330

4.414

2.619

-446

1.349

Source : document de politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral, 2006, p.63.

Le tableau montre bien que depuis 2001 jusqu'en 2005, les effectifs du personnel d'encadrement des détenus n'ont cessé de diminuer pendant que le nombre de détenus augmentait. le ratio de 1 personnel pour 5 détenus que l' administration camerounaise s'est fixé comme objectif étant loin d'être atteint à cause des nombreux départs à la retraite.

L'administration pénitentiaire est en proie depuis de nombreuses années à un déficit en personnel que le document de politique pénitentiaire et de stratégie de réforme du système carcéral qualifie de « chronique ». Ce déficit s'observe notamment au niveau de l'encadrement rapproché des détenus (c'est-à-dire dans les cadres des gardiens de prison et des gardiens chefs de prison) et c'est lui qui conduit à la surcharge de travail et par la même occasion à la dégradation de la sécurité et des conditions de détention. En effet, sur les 2619 fonctionnaires que comptait l'administration pénitentiaire en 2005, 13,3% d'entre eux sont affectés à des taches de supervision donc n'interviennent pas véritablement dans l'encadrement des détenus. Il s'agit des fonctionnaires des cadres des administrateurs de prison (2%) et des intendants de prison (11,3%). Les 715 fonctionnaires de sexe féminin de grade gardien de prison et gardiens chef de prison s'occupent des 800 détenues de même sexe pour un ratio d'environ 1,1 fonctionnaires pour une détenue. Mais ce ratio est rompu du fait de l'implication desdites fonctionnaires dans l'encadrement des détenus de sexe masculin. D'où le ratio global de 1 fonctionnaire pour 8 détenus tous sexes confondus. Si l'on ne tient compte que des 1310 fonctionnaires assurant les tâches d'exécution courantes, ce ratio passe à 1/17.138(*) Les causes de ce déficit sont à rechercher dans les départs à la retraite et le non renouvellement des effectifs. Le tableau ci-après présente les effectifs et les proportions du personnel par cadre et en fonction de l'âge.

Tableau N°5 : Effectifs et proportions du personnel de l'administration pénitentiaire par cadre et en fonction de l'age

Age

AP

IP

GCP

GP

TOTAL

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

Eff.

%

20-30

0

0

2

0,66

17

4,88

446

23,44

465

17,75

30-40

05

7,14

15

5,01

174

50

528

27,76

722

27,56

40-50

40

57,14

156

52,17

157

45,1

928

48,79

1.281

48,91

50-55

25

35,71

126

42,14

-

 

-

 

151

5,76

Cadre total

70

100

299

100

348

100

1902

100

2619

100

Source : document de politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral, 2006, p 62.

L'on y observe que près de 50% des effectifs de l'administration pénitentiaire se situe entre 40 et 50 ans, c'est-à-dire, proche de la retraite.139(*) La plupart de ces fonctionnaires se recrutant dans les cadres des gardiens de prison et de gardien chef de prison, c'est-à-dire, le personnel chargé de l'exécution des taches courantes au sein de la prison.

L'utilisation des personnels peu gradés à d'autres fins contribue à accroître le déficit observé. Le document de politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral publié par le comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral relève que : 

« Près de 185 personnels de l'administration pénitentiaire sont utilisés hors des établissements pénitentiaires en qualité de garde du corps, chauffeur, gardien de résidence de certaines hautes personnalités. Ce fait aggrave le déficit du personnel d'exécution des missions spécialisées et courantes propres à l'administration pénitentiaire».140(*)

Situation banale vu la pratique ayant cours dans les autres forces de maintien de l'ordre, mais au regard des effectifs de cette administration, démobiliser 7% du personnel réduit fortement les chances d'atteindre le ratio national de 1 fonctionnaire pour 5 détenus. Ce d'autant plus que même les missions spécifiques en tant normal dévolues au personnel d'accompagnement (assistants sociaux, conseillers de jeunesse et animation etc...) doivent être exécutées par les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire.

B- Les autres administrations

. Moins criard dans les forces de maintien de l'ordre (gendarmerie et police), les problèmes d'effectifs se posent cependant avec acuité au sein de la magistrature et dans les autres administrations spécialisées. L'encadrement et l'accompagnement des personnes détenues nécessitent pourtant des hommes disponibles.

Si l'on considère que les visites des lieux d'incarcération par les magistrats du parquet prévues par les textes font partie de l'encadrement des personnes privées de liberté141(*), alors on serait tenté de penser, au regard de la multiplicité des unités de police et de gendarmerie, que les effectifs des magistrats du parquet sont assez insuffisants pour assurer un véritable suivi des personnes incarcérées au niveau de ces unités. Cette insuffisance des effectifs de la magistrature se traduit par des lenteurs judiciaires et la surpopulation carcérale préjudiciables aux personnes privées de leur liberté. En effet, les magistrats du siège, pour éviter l'amoncellement des dossiers sur leurs tables, ont recours à des méthodes expéditives telles que la détention provisoire.

L'accompagnement des détenus pendant leur détention et pour les besoins de leur réinsertion sociale nécessite des connaissances et de l'expertise dans des domaines variés tels que la médecine, l'agriculture, l'élevage, l'assistance sociale, l'animation etc... De l'aveu même du comité, « l'administration pénitentiaire compte moins de 300 personnels spécialisés »142(*), soit 11, 45% de l'effectif total du personnel. Ainsi, si le domaine de la médecine est mieux loti avec 126 fonctionnaires par rapport aux autres spécialités telles que l'agriculture qui n'en compte que 16, ces chiffres demeurent encore assez insuffisants par rapports aux besoins réels en personnels spécialisés dans les établissements pénitentiaires. Le soutient des administrations de la santé de la jeunesse, des affaires sociales reste jusqu'à lors très timide. Certaines prisons à ce jour ne disposent ni d'un personnel soignant permanent, ni d'animateurs de jeunesse encore moins d'assistants sociaux ou de psychologue. Le cas des prisons principales d'Edéa et Yabassi est à cet égard assez expressif. A la prison d'Edéa par exemple, le seul personnel soignant est une gardienne de prison qui n'est compétente que pour des pathologies mineures parce que «aide soignante''. Cette prison ne dispose pas de local pour la consultation. Tous les cas de maladies déclarés sont donc référés vers les hôpitaux classiques à condition que le détenu dispose de moyens pour se soigner. Le soutient psychologique dans ce centre est assuré par un assistant social que la délégation départementale des affaires sociales commet de temps en temps à cette fin et sur la demande des autorités du pénitencier. Les visites de psychologues sont rares voire même inexistantes, l'animation sociale est l'oeuvre des gardiens de prison sans formation préalable dans ce domaine. Aucun médecin n'est affecté dans ces centres malgré les multiples demandes formulées dans ce sens. Ce sombre tableau n'est malheureusement pas une exception dans le paysage des centres pénitentiaires au Cameroun et affecte gravement les conditions de détention. Surtout qu'à ce déficit de personnel s'ajoute une déficience qualitative des acteurs de la privation de liberté.

Paragraphe2 : La déficience qualitative du personnel

La qualité du personnel des administrations intervenant dans le processus de privation de liberté est une sérieuse entrave à l'humanisation des lieux de détention. Si dans la police la gendarmerie et la magistrature l'on peut déplorer le peu d'intérêt accordé à l'enseignement des droits de l'homme, c'est surtout la sous- qualification du personnel spécialisé employé dans les centres de détention et le déphasage de la formation des élèves de l'ENAP qui accroissent ce déficit qualitatif.

A- Une sous-qualification des personnels spécialisés

L'on peut noter avec satisfaction la présence effective d'un bureau des affaires sociales fonctionnel géré par au moins une assistante sociale dans toutes les unités de police des grands centres urbains. Mais cela n'est pas le cas des brigades de gendarmerie. De plus aucune présence de personnel médical n'est observée dans ces unités.

L'absence de statistiques fiables ne nous a pas permis tout au long de ce travail de ressortir les effectifs de chaque type de personnel spécialisé et son niveau de spécialisation. Toutefois, l'on peut relever que sur les 300 fonctionnaires spécialisés que compte l'administration pénitentiaire, 126 sont du domaine de la médecine tous niveaux confondus, 16 de l'agriculture et 108 de la comptabilité matière. Quelques rares fonctionnaires ont également suivi la formation des assistants sociaux, de conseiller et de conseiller principal de jeunesse et animation.143(*)

Pour le domaine spécifique de la santé, pris globalement, le ratio est de un personnel soignant pour environ 175 détenus. Mais ce rapport traduit mal la réalité observée sur le terrain d'abord parce que le personnel soignant dont il est question est en majorité constitué d'infirmiers et d'aides soignants ensuite parce que les médecins qui en font partie sont pour la plupart nommés à des postes dans l'administration centrale. C'est ainsi que les aides soignants et infirmiers sans qualification suffisante se retrouvent à exercer le rôle de médecin dans les infirmeries des centres pénitentiaires pour ceux qui en disposent d'une. Les médecins eux-mêmes se limitant à des visites ponctuelles dont la fréquence peut atteindre un rythme semestriel pour les prisons les plus reculées. Mais c'est surtout la formation du personnel de l'administration pénitentiaire qui est à l'origine de la plus grande déficience qualitative observée dans l'encadrement des personnes privées de liberté.

B- Une formation inadaptée des élèves de l'ENAP

Le texte fondateur de l'ENAP est le décret N° 92-066 du 03 avril 1992 portant création et organisation de ladite école. Elle est née des cendres du Centre National de Formation et de Recyclage du personnel de l'administration pénitentiaire avec pour missions la formation, le perfectionnement et le recyclage des fonctionnaires du corps de l'administration pénitentiaire.144(*) En tant qu'école professionnelle, l'ENAP doit former des profils adaptés aux besoins de l'administration pénitentiaire. Les différentes formations qui s'y déroulent correspondent ainsi à des profils bien déterminés pour assurer des emplois précis à des postes tout aussi précis. Ce profil correspond aussi à une carrière bien définie. Mais, « l'on constate cependant que les carrières techniques nécessaires à la diversification et au renforcement des activités de l'administration ne sont pas prévus dans le profil actuel de formation à l'école. C'est par exemple le cas de la préparation des élèves ou des stagiaires aux métiers de resocialisation, avec un éventail assez large allant des ingénieurs et techniciens agricoles pour l'encadrement des fermes pénitentiaires aux artisans professionnels reconnus pour assurer le compagnonnage de métiers des détenus en voie de réinsertion sociale ».145(*)

En ce qui concerne la formation proprement dite, en 2005 elle était assurée par 56 enseignants dont 46 vacataires et 10 permanents seulement parmi les quels 4 professeurs et 6 instructeurs tous démotivés parce que considérant leur affectation à l'ENAP comme une sanction du fait de l'absence d'avantages liés à leur fonctions.146(*) Normalement, les vacataires sont nommés par le ministre de la justice sur proposition du directeur de l'école. Mais au fil des dernières années, il s'est développé une pratique qui laisse la latitude au directeur de les recruter lui-même. Ainsi, ils sont pour la plupart recrutés sur la base de ses relations personnelles parmi les enseignants de l'université de Buéa147(*) et les autres fonctionnaires de la ville. Situation d'autant plus préoccupante que ces vacataires qui varient pratiquement tous les ans assurent la part la plus importante des enseignements professionnels. Le Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral note que :

« L'examen des profils des ressources professorales, en poste à l'ENAP, amène à constater qu'il existe une inadéquation entre leur qualifications et les enseignements dispensés ».

Pour ce qui est du perfectionnement et du recyclage, il est réservé aux fonctionnaires ayant bénéficié d'un avancement de cadre ou ayant réussi à un concours professionnel. Cette mise à niveau n'est pas prévue pour les gardiens de prison qui pourtant constituent la frange la plus importante des fonctionnaires de cette administration et qui assurent l'exécution des taches courantes d'encadrement des personnes incarcérées.

De tout ce qui précède, il s'en suit une diminution logique de la qualité des programmes qui s'explique par l'instabilité des professeurs, la mobilité et l'irrationalité des affectations du personnel pénitentiaire de l'ENAP et par voie de conséquence, la diminution de la qualité des produits de cette structure. Mais cette situation est aussi en partie imputable à l'insuffisance des ressources matérielles.

Section 2 : L'insuffisance des ressources matérielles allouées au système pénitentiaire

Le système pénitentiaire dispose de deux types de revenus : ceux provenant de main d'oeuvre pénale ou de la vente des produits agro pastoraux ou artisanaux et ceux provenant des allocations budgétaires. Mais au terme du décret n° 92/052 du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire au Cameroun, les revenus provenant de la cession de la main d'oeuvre pénale et autre sont directement reversés au trésor public. Donc seules les allocations budgétaires constituent les ressources propres de l'administration pénitentiaire. Pourtant, les ressources matérielles disponibles pour le système pénitentiaire restent insuffisantes du fait de l'irréalisme dans la répartition du budget et de la rareté des actions caritatives.

Paragraphe 1 : L'irréalisme des allocations budgétaires

Les ressources budgétaires ne sont pas l'objet d'un budget autonome. Elles proviennent d'une dotation forfaitaire à partir du budget du ministère de la justice (ministère de l'administration territoriale avant le décret 2004/320 du 08 décembre 2004) et concernent aussi bien le fonctionnement du système pénitentiaire que les investissements dont il a besoin.

A- La faiblesse et l'irrégularité du budget de fonctionnement

Les engagements internationaux de l'Etat camerounais l'obligent à prendre en charge les personnes privées de leur liberté. Cet engagement ressort également dans l'article 122 du code de procédure pénale, du moins en ce qui concerne l'alimentation. Il y est stipulé que « l'Etat assure l'alimentation des personnes gardées à vue ».148(*) Mais le financement des structures pénitentiaires reste irrégulier et faible pour ce qui est de leur fonctionnement. Entre 2001 et 2005, le budget de fonctionnement du système pénitentiaire en général a continuellement régressé en dépit d'une légère hausse en 2004 pendant que le budget d'investissement de ce ministère progressait de plus de 04 milliards, soit de 1,25%.

Le tableau ci-dessous donne une idée assez claire de la part réservée au système pénitentiaire entre 2001 et 2005 en ce qui concerne le budget de fonctionnement

Tableau N°6 : part réservée au système pénitentiaire entre 2001 et 2005 en ce qui concerne le budget de fonctionnement (en millions de fcfa).

 

2001

2002

2003

2004

2005

MINATD

19.080

20.254

11.317

22.916

23.628

%

100

100

100

100

100

ENAP

123

123

61

135

123

%par rapport au MINATD

0,64

0,60

0,53

0,58

0,52

DAPEN

285

305

144

340

319

%par rapport au MINATD

1,49

1,50

1,27

1,48

1,35

PRISONS

1241

1242

639

1248

1294

%par rapport au MINATD

6,5

6,1

5,64

5,44

5,5

TOTAL

1649

1670

844

1723

1736

%total du système pénitentiaire

8,64

8,25

7,46

7,52

7,35

Source : données recueillies dans le document de politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral, 2006, p.30

Si l'on ne considère que la part du budget allouée au fonctionnement des prisons, on se rend compte qu'elle régresse, allant de 6.5% à 5,5% du budget du ministère tout entier entre 2001 et 2005. Ce qui est tout à fait dérisoire, lorsqu'on considère uniquement les besoins d'alimentation de la population carcérale au Cameroun évaluée en 2005 à 22096 détenus. En effet, si à chaque détenu était consacré la moitié d'un dollar chaque jour (ce qui est très en deçà des standards internationaux), en 2005, le budget de fonctionnement des prisons serait de l'ordre de 8,5% du budget du ministère de tutelle pourtant, le budget cumulé de tout le système pénitentiaire en 2005 n'a été que 7,35% du budget du ministère de tutelle. A l'observation du tableau N°6, on se rend compte que le ministère de tutelle ne consacre qu'une infime partie de son budget généralement comprise entre 0,64% et 0.52% à la formation du personnel pénitentiaire. L'on comprend donc mieux au regard de ces statistiques la qualité relative du personnel formé à l'ENAP. La prise en charge quotidienne d'un détenu comprend son alimentation, son entretien et ses médicaments. L'absence de rationalité dans la répartition du budget du ministère de tutelle fait que toutes ces exigences ne sont pas prises en compte. Il en résulte donc une dégradation des conditions de détention du fait de l'irrégularité et de la faiblesse des budgets de fonctionnement. Mais le sort des investissements dans le système pénitentiaire n'est guère reluisant.

B- La modestie du budget d'investissement de l'administration pénitentiaire

Les besoins réels d'investissement, et de modernisation du système pénitentiaire sont rarement pris en compte dans la répartition des ressources budgétaires. Pourtant, l'état de délabrement des centres pénitentiaires au Cameroun est très avancé. La description que fait Rogatien TEJIOZEM est à ce sujet assez édifiante : 

« La caractéristique principale de ces établissements pénitentiaires est qu'ils sont, pour la plupart, logés dans de vieilles bâtisses de récupération héritées de l'époque coloniale et ayant subi quelques aménagements. Leur exiguïté fait en sorte qu'ils ne permettent pas de répondre positivement aux exigences de sécurité et de stricte séparation des différentes catégories des détenus, ni de traitement humain de ces derniers. Aucun de ces établissements pénitentiaires ne dispose de cellules individuelles, les locaux de détention étant constitués des dortoirs accueillants des dizaines voire des centaines de détenus. De même, les locaux administratifs sont insuffisants, exigus, mal entretenus, n'offrant pas au personnel les possibilités et les commodités nécessaires pour l'accomplissement de sa tache administrative ».149(*)

L'investissement dans le système pénitentiaire est quasi inexistant. Le Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, note que « les lits et les matelas sont en nombre insuffisants et dans certaines prisons comme celle de Guider, ils sont inexistants. A Douala, près de la moitié des détenus dorment dehors dans ce qu'ils appellent «Kito'' et parfois à même le sol ».150(*)

Le tableau N° 7 présente en millions de frs cfa, le budget d'investissement des différentes composantes du système pénitentiaire et leur pourcentage par rapport au budget du ministère de tutelle.

Tableau n° 7 :

 

2001

2002

2003

2004

2005

MINATD

2.106

2.100

900

2200

1500

%

100

100

100

100

100

ENAP

-

46

10

80

33

%par rapport au budget MINATD

-

2,19

1,11

3,63

2,22

DAPEN

0

0

0

0

20

% par rapport au budget MINATD

0

0

0

0

1,33

PRISONS

540

400

74

221

75

% par rapport au budget MINATD

25,64

19,04

8,22

10,04

5

Total du système pénitentiaire

540

446

84

301

128

%totaldu système pénitentiaire

25,64

21,23

9,33

13,68

8,53

Source : données recueillies dans le document de politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral, 2006, p. 30.

Il se dégage au regard du tableau ci-dessus, que le budget réservé à l'investissement au MINADT reste très faible. Au cours de la période 2001- 2002, le budget d'investissement du système pénitentiaire était en moyenne de 23,41% du budget du ministère de tutelle. Mais entre 2002 et 2005, ce budget a connu une forte réduction pour atteindre une moyenne de 10,5% du budget d'investissement de la tutelle, soit un retrait de moitié par rapport au budget 2001-2002. On comprend donc aisément que « la tendance de la dotation financière du système pénitentiaire n'est pas celle de la réforme (investissement), ni du renforcement du fonctionnement de ce système (entretiens prioritaires et amélioration des conditions des détenus)».151(*) Les cas particuliers des prisons et de l'ENAP permettent de conclure au manque d'intérêt de l'administration pour le système pénitentiaire. En effet, le budget d'investissement des prisons a régressé entre 2001 et 2005 passant de 25,64 à 5 % du budget d'investissement de la tutelle pendant que celui de l'ENAP restait dérisoire avec une moyenne de l'ordre de 2,2% du budget d'investissement de la tutelle. Ce qui justifie bien la réflexion selon laquelle « les dotations (budgétaires) ne tiennent pas compte des exigences d'humanisation des conditions de détention ni celles liées à la réhabilitation des infrastructures d'incarcération ».152(*) La modicité des allocations budgétaires rend donc l'institution carcérale fortement dépendante des actions caritatives.

Paragraphe 2 : La rareté des actions caritatives dans les lieux de détention

La grande misère qui sévit dans les lieux de détention a suscité la sympathie de certains acteurs de la société civile camerounaise. En dehors des associations religieuses qui oeuvrent en permanence dans les prisons, les actions caritatives en faveur des pensionnaires de ces structures demeurent rares à cause d'une faible médiatisation des conditions carcérales et du manque d'orthodoxie dans la gestion des dons octroyés.

A- La faible médiatisation des conditions carcérales au Cameroun

Qualifié de «11ème province''153(*), pour la grande majorité de la population, les établissements pénitentiaires constituent un lieu d'abandon des délinquants. Cette situation s'explique par le fait que les autorités des structures pénitentiaires communiquent très peu sur les conditions de détentions de leurs de pensionnaires, mais aussi par le manque d'intérêt de la société.

L'accès dans les pénitenciers est une véritable épreuve de nerfs. Si certaines mesures sécuritaires peuvent se justifier en raison du caractère dangereux de ces institutions, d'autres par contre sont destinées à décourager ceux qui voudraient accéder aux détenus soit pour des besoins d'information du grand public soit pour les besoins scientifiques. Dans certaines prisons se succèdent une dizaine de rencontres avec les responsables pour avoir accès aux détenus. La technique est de faire subir à l'intéressé un interrogatoire informel à chacun des rendez-vous que le personnel administratif multiplie sans cesse afin de susciter le découragement. Cette prudence des autorités pénitentiaires peut se comprendre lorsqu'on sait que la publicité des dramatiques conditions de détention peut coûter aux responsables des pénitenciers leurs postes. Situation cependant paradoxale car à en croire les gestionnaires de ces structures, la dégradation des conditions de vie dans les lieux de détention n'est imputable qu'à l'administration centrale qui ne dégage pas des budgets conséquents par rapport aux missions confiées. Pourtant, même avec une autorisation des responsables de l'administration centrale, l'accès aux pensionnaires des prisons reste une vraie gageure. La publicité des conditions de détention pouvait cependant contribuer à la sensibilisation de l'opinion nationale et internationale sur le drame humain qui se déroule en toute impunité dans les structures carcérales camerounaises et engager ainsi la responsabilité internationale de l'Etat camerounais pour toutes ces violations des droits de l'homme.

Egalement, parce que victime des méfaits de certains délinquants, la société dans sa grande majorité affiche une indifférence totale vis-à-vis du milieu pénitentiaire, au point même d'y abandonner ceux des membres de leur famille qui s'y sont retrouvés quelque soit la raison. Ceux-ci deviennent donc tributaires des associations caritatives dont l'aide est malheureusement très souvent détournée de ses objectifs initiaux.

B- Le défaut d'orthodoxie dans la gestion des dons

La gestion des dons est un sujet tabou pour les autorités pénitentiaires qui ne donnent aucune information ni sur la quantité des dons qui leur sont octroyés, ni sur la nature de ces dons. Pourtant, même si l'on ne peut pas uniquement se fier aux déclarations des prisonniers, il reste constant que la gestion de ces dons en nature ne respecte aucun processus participatif. Au cours des entretiens, certains détenus nous confiaient que « même lorsqu'on vient de remettre la nourriture nous ne mangeons que du mais mélangé au haricot tous les jours ». Preuve qu'ils ne sont associés ni de près, ni de loin à la gestion des denrées qui leur sont gracieusement offerts.

La démission de l'administration centrale dans la gestion des dons ouvre la voie à des maladresses de toutes sortes, surtout en ce qui concerne les dons en espèces. En effet, bien que relevant du domaine juridique des fonds publics, les dons en espèces offerts aux structures pénitentiaires ne connaissent encore que très peu de contrôle et parfois même aucun. Et dans un contexte de prévarication et d'enrichissement illicite comme celui qui prévaut au Cameroun actuellement, il n'est pas exclu que ces fonds soient utilisés à des fins personnels au détriment des personnes incarcérées.

Le déficit qualitatif et quantitatif des ressources humaines intervenant dans la privation de liberté, la faiblesse des allocations budgétaires aussi bien pour le fonctionnement que pour l'investissement dans le système pénitentiaire, constituent de sérieuses entraves à l'humanisation des lieux de détention surtout que les politiques mises en oeuvre, si elles suscitent beaucoup d'espoir chez les défenseurs des droits des personnes détenues, elles ne semblent pas encore prouver leur efficacité.

Chapitre 2 : LES ENTRAVES AUX STRATEGIES DEVELLOPPEES POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME EN MILIEU CARCERAL.

La situation des droits de l'homme dans les lieux de détention soulève non seulement un problème de management des établissements pénitentiaires, mais également elle nécessite une politique clairement énoncée et expressément définie, qui intègre en même temps les actions des structures locales, gouvernementales et celle de la société civile d'une part et d'autre part l'assistance extérieure apportée par les partenaires au développement. Les entraves aux stratégies développées pour la protection et la promotion des droits de l'homme en milieu carcéral s'identifient donc sous la forme de pesanteurs à l'efficacité des initiatives locales (Section 1) et du caractère draconien du partenariat externe (Section 2).

Section 1 : L'inefficacité des initiatives locales

La volonté des pouvoirs publics et de la société civile d'améliorer le quotidien des personnes incarcérées s'analyse mieux à travers les initiatives de la Commission nationale des droits de l'homme et du Service national justice et paix de l'Eglise catholique romaine car ces structures sont de loin les plus actives dans les pénitenciers. Cependant si les initiatives de ces structures pèchent par la non participation des bénéficiaires à l'élaboration et la mise en oeuvre des projets concernant ces derniers, l'inutilisation des mesures alternatives à l'emprisonnement prévues par les textes législatifs pour certaines et recommandées par des instruments internationaux pour d'autres constitue également une entrave à l'effectivité des initiatives locales visant à humaniser les lieux de détention.

Paragraphe 1er : Les initiatives internes d'humanisation des lieux de détention

L'inefficacité des initiatives internes d'humanisation des lieux de détention résulte de l'absence de pragmatisme dans les actions entreprises par la CNDHL et le défaut d'association des détenus et personnel pénitentiaire dans les actions du service national justice et paix.

A- L'absence de pragmatisme dans les initiatives de la CNDHL

Emanation de la loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004, la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés (CNDHL) remplace le comité des droits de l'homme et des libertés institué par le décret n° 90/1459 du 08 novembre 1990. Elle est « une institution indépendante de consultation d'observation, d'évaluation, de dialogue, de concertation, de promotion et de protection en matière des droits de l'homme».154(*) Dans le cadre de l'accomplissement de ses missions, la Commission traite des requêtes sur les violations des droits de l'homme sur le territoire national, elle mène des investigations sur les cas flagrants de violation, éduque et sensibilise les populations sur les droits de l'homme et les libertés, donne son point de vue et fait des rapports sur les questions de droits de l'homme.

Les initiatives de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés en faveur des lieux de détention, se limite à l'observation et la production de rapports sur les réalités du milieu carcéral et à l'intention des autorités compétentes. En effet, dans son article 2, la loi n° 2004/016 du 22 juillet 2004 stipule que : 

« (la commission) procède, en tant que de besoin, aux visites des établissements pénitentiaires, des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, en présence du Procureur de la république compétent ou de son représentant ; ces visites peuvent donner lieu à rédaction d'un rapport adressé aux autorités compétentes ».

S'il est vrai que parmi ses moyens d'action, la commission dispose du pouvoir d' « intervenir en tout état de cause pour participer à la défense des intérêts des victimes des violations des droits de l'homme»155(*), le rôle de cette structure reste assez caricatural quant à l'amélioration des conditions de détention dans les lieux de privation de liberté.

Au cours des années 2007 et 2008, la CNDHL a organisé avec l'appui de ses différents partenaires, des activités de vulgarisation et de sensibilisation à la protection et la promotion des droits de l'homme. C'est le cas des séminaires et ateliers animés par les experts nationaux et internationaux des droits de l'homme, des causeries éducatives organisées dans le but d'imprégner les différentes franges sociales des objectifs et des missions de la CNDHL, et de les familiariser avec les outils de protection des droits de l'homme, la diffusion hebdomadaire sur les ondes des médias publics des émissions visant à améliorer la visibilité de la CNDHL, la production et la diffusion des bulletins d'information gratuits sur les mécanismes de recours en cas de violation des droits de l'homme. Bien que pertinentes, ces actions n'influencent cependant pas véritablement les conditions de détention ce d'autant plus que les constations de la CNDHL à l'issue des visites des pénitenciers n'ont aucune force contraignante pour faire cesser ou réparer les atteintes aux droits humains observés. Elle peut tout au plus convoquer les auteurs de ces violations à l'effet de procéder à leur audition, émettre les réquisitions pour attester de l'authenticité des allégations de violations des droits de l'homme ou interpeller les administrations accusées pour faire cesser les faits incriminés. Elle ne dispose donc d'aucun pouvoir de coercition à l'endroit des auteurs des violations des droits de l'homme. Cependant elle peut invoquer devant les juridictions pénales l'article R370 du code pénal contre ceux qui refusent de déférer à ses convocations.156(*)Mais la Commission se limite surtout à formuler les recommandations, émettre des avis et dresser des rapports.157(*) C'est ce caractère abstrait de l'action de la Commission qui est dénoncé dans son implication pour l'amélioration des conditions de détention. En définitive, bien que compatible avec les Principes de Paris158(*), le fonctionnement de la CNDHL et les missions qui lui ont été assignées par la loi du 22 juillet 2004 font que l'action de cette structure dans l'humanisation des lieux de détention au Cameroun reste quelque peu abstraite. Le contexte social camerounais étant tel que seule la capacité de répression que peut développer une telle structure est capable de dissuader la commission de certaines infractions.

L'absence d'actions concrètes de la CNDHL en faveur de l'amélioration des conditions de détention constitue donc une sérieuse entrave à l'humanisation des lieux de détention tout comme le défaut d'un mécanisme de participation des détenus et du personnel pénitentiaire dans la mise en oeuvre des projets d'amélioration des conditions de vie dans le milieu carcéral.

B- Le déficit de participation des détenus dans la mise en oeuvre des projets du Service National Justice et Paix

Parmi les principes de la doctrine sociale de l'église, le principe de l'option préférentielle pour les pauvres est celui qui anime plus profondément la mission évangélisatrice de l'Eglise. Selon le Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, c'est « (...) une option ou une forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l'Eglise »159(*). C'est cette option préférentielle qui pousse à pratiquer la charité et à oeuvrer en faveur de la justice sociale pour les pauvres. Le fondement de l'action du Service National Justice et Paix se trouve dans les Evangiles qui inspirent l'amour de l'Eglise pour les pauvres. Et c'est fidèle à ses enseignements que l'Eglise intervient en prison pour rencontrer les personnes incarcérées dans leurs joies, leurs angoisses, leurs espoirs, et leurs tristesses, parce que ce sont les joies et les tristesses, les espoirs et les angoisses des préférés du Christ.160(*) Le ministère de l'Eglise en prison revêt ainsi un certain nombre de caractéristiques parmi lesquels la présence gratuite, l'écoute, la consolation, la compassion, l'évangélisation, et la réconciliation.161(*) Bien que gardant son indépendance vis-à- vis de la communauté politique,162(*) l'Eglise et L'Etat sont cependant appelés à collaborer. Pour cela le Service National Justice et Paix de l'Eglise catholique exerce son action dans le respect des normes en vigueur dans les structures pénitentiaires. Mais lorsque cela est rendu nécessaire, pour la défense des droits fondamentaux d'un détenu, l'Eglise peut être amenée à exprimer un jugement moral sur la réalité pénitentiaire. En ce qui concerne le volet humain, pour la seule première moitié de l'année 2008, la Commission Diocésaine Justice et Paix de yaoundé a suivi dans la prison centrale de NKONDENGUI, 418 dossiers. 58 d'entre eux ont été confiés aux avocats, 58 personnes libérées suite aux interventions de la Commission elle même ou des avocats, 15 personnes ont bénéficié d'une ordonnance de non lieu, 4 personnes ont pu être placées en liberté provisoire, 72 dossiers ont pu être mis en l'état et enrôlés, 16 cas de réinsertion sociale d'ex détenus ont été réussis, 37 cas de contacts renoués avec la famille, 164 dossiers en cours de suivi. La Commission Diocésaine Justice et Paix a particulièrement oeuvré pour l'humanisation des conditions de détention à la prison centrale de Yaoundé. Entre autre, en 1989 elle a ressuscité l'école du centre éducatif du quartier des mineurs fermée depuis 1978. en 1995, elle a permis l'aménagement d'un terrain de sport où peu se pratiquer du volley-ball, du lawn tennis, du football, du hand ball. En 2002, grâce à l'intervention de la commission auprès de la coopération française, l'école des mineurs a reçu une dotation en fournitures d'un montant de 1.750.000 frs cfa. En 2002, grâce à la même coopération, une bibliothèque moderne a été construite à Nkondengui pour un montant total de 6.000.000 frs cfa et un don de fournitures d'un montant de 3.750.000 frs cfa a été octroyé aux cycles primaires et secondaires toutes les classes confondues.

La pastorale en milieu carcéral comporte donc deux volets : un volet humain et un volet spirituel. L'intervention du service national justice et paix se décline en deux types d'actions : les actions menées à long terme et les actions menées à court terme. Les actions à court terme concernent surtout l'écoute des détenus et leur orientation vers les structures administratives ou des organisations compétentes susceptibles de les aider. Les actions à long terme quant à elles s'inscrivent dans un processus de resocialisation.

Cependant les initiatives entreprises ne tiennent pas toujours compte des priorités des pensionnaires des structures carcérales. En effet, bien que l'on ne puisse reprocher au service national justice et paix son intervention en faveur de l'éducation dans le milieu carcéral, ou même le suivi des dossiers des détenus au niveau de l'administration judiciaire, on peut tout de même interroger l'opportunité de ces investissements quand on sait que la famine et la maladie sont les premiers adversaires des détenus. Le comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral le confirme en ces termes :

«Dans la quasi-totalité des prisons, l'alimentation est insuffisante et de mauvaise qualité. Le repas donné une fois par jour est de quantité et de qualité insuffisantes (...). Ainsi alors que la norme internationale prévoit 2000 à 2400 kilos calories par jour et par détenu, la ration alimentaire actuelle dans nos pénitenciers est évaluée à 1000 kilos calories en moyenne par jour. L'on comprend que la sous alimentation chronique des détenus justifie presque à elle seule la totalité des pathologies et des décès enregistrés dans les établissements pénitentiaires».163(*)

Dans un contexte où les détenus peinent à manger et à se soigner, il est évident qu'ils ne sauraient se consacrer aux études malgré les importants investissements dont bénéficie ce secteur dans le milieu carcéral. En réalité, ces investissements, loin d'être inutiles auraient pu servir à d'autres secteurs plus prioritaires que l'éducation et sauver ainsi la vie des centaines de détenus qui meurent tous les ans de la malnutrition et de la maladie dans les prisons. C'est le défaut de participation des détenus dans l'élaboration de la politique de l'aide qui leur est accordée qui conduit à de tels dysfonctionnements causés par le caractère unilatéral de cette aide. D'ailleurs, en dévoilant sa feuille de route pour 2008, la commission diocésaine justice et paix de l'archidiocèse de Yaoundé ne fait mention à aucun moment d'une quelconque action visant à satisfaire durablement les besoins élémentaires des détenus.164(*)

Paragraphe 2nd : Le faible recours aux mesures alternatives à « l'enferment »165(*)

En raison du risque psychologique que représentait l'emprisonnement, de nombreuses mesures alternatives sont proposées. Celles prévues par le Code pénal et les autres textes législatifs restent hélas très peu utilisées alors et les autres envisageables au regard de la saturation des prisons camerounaises tardent à être codifiées.166(*)

A- L'inutilisation des mesures législatives de substitution existantes

Afin d'assurer le caractère exceptionnel de la détention le nouveau code de procédure pénale a adopté une gamme variée de mesures qui tendent à éviter le recours systématique à l'incarcération ou à en limiter la durée. La surveillance judiciaire ou contrôle judiciaire prévue aux articles 246 à 250 du code de procédure pénal constitue à cet un effet un substitut à la détention provisoire. Il s'agit d'une mesure par laquelle le juge d'instruction soumet l'inculpé à un certain nombre d'obligations visant à assurer la mainmise permanente de la justice sur le bénéficiaire de la mesure(ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction, répondre aux convocations de toute autorité chargée de la mission de surveillance et d'assistance ou de toute autre autorité désignée par le juge d'instruction, assurer sa représentation en justice soit par un cautionnement ou une garantie morale...). Ces obligations tendent aussi à limiter les risques de récidive, la dissimulation des preuves ou une concertation frauduleuse(ne pas se rendre en des lieux déterminés, s'abstenir de recevoir certaines personnes désignées par le juge d'instruction ainsi que de communiquer avec elles de quelque façon que ce soit, ne pas exercer certaines activités professionnelles lorsque l'infraction a été commise à l'occasion ou dans l'exercice de celles-ci...). La surveillance judiciaire peut également intervenir après la clôture de l'information par une ordonnance de renvoi. Il en est de même pour la Cour d'appel réunie en Chambre de contrôle.

La mise en liberté sous caution est aussi une mesure alternative à l'emprisonnement. Ce mécanisme de substitution dont seuls les détenus provisoires peuvent être bénéficiaires, n'est opérationnel que lorsque la peine encourue n'est pas l'emprisonnement à vie ou la condamnation à mort. C'est une mesure prise par le juge d'instruction pour substituer la détention provisoire à la liberté. Elle est cependant subordonnée au versement par son bénéficiaire d'une caution qui garantit la représentation de l'inculpé à tous les actes de la procédure et éventuellement, le paiement des condamnations pécuniaires prononcées contre lui. Ce sont les articles 224 à 235 du code de procédure pénale qui garantissent cette mesure alternative à l'emprisonnement. Mais les personnes définitivement condamnées peuvent elles aussi prétendre, sous réserve de conditions bien définies, à une autre forme de liberté : la liberté conditionnelle.

Ce sont les articles 691 à 694 du code de procédure pénale qui traitent de la libération conditionnelle. Elle est «la mise en liberté anticipée du condamné à une peine privative de liberté ou soumis par la décision de condamnation à une mesure de sûreté de même nature».167(*) Elle n'est pas une mesure de substitution à la privation de liberté à proprement parler parce que seuls des condamnés ayant purgé une partie de leur peine y ont droit. Mais cependant, elle s'inscrit dans une logique de resocialisation de la personne incarcérée en ce sens qu'elle tient compte des efforts d'amendement du bénéficiaire tout au long de son séjour dans le pénitencier.168(*)

Pourtant déjà bien prévus et encadrés par le code pénal, ces différentes mesures n'ont jusqu'à lors fait l'objet que d'une application bien restreinte. Ce sont des dispositions qui renforcent les mesures pourtant déjà édictées par le code pénal dans ses articles 40 à 42 (pour la surveillance judiciaire), 61 à 64 (pour la libération conditionnelle), mais qui malheureusement sont jusque là restées d'application très restreinte ou consciemment ignorées par les détenteurs de ce pouvoir, contribuant ainsi au surpeuplement du milieu carcéral et entraînant du même coup la dégradation des conditions d'existence des personnes privées de liberté. La nouvelle politique pénitentiaire telle que définie par le Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral prône pourtant la refondation des peines autour des idéaux de vie démocratique sans délégitimer la prison.169(*) Elle explique bien que « (la prison) n'est pas la peine en tant que telle. La peine est la privation de liberté »170(*) et définit la prison comme « un dispositif de surveillance du délinquant soumis à une peine privative de liberté».171(*) La liberté est donc la règle et l'emprisonnement l'exception. Une exception que consacrent la déclaration de Kampala sur la promotion et l'utilisation des mesures alternatives à la privation de liberté.

B- Les autres mesures envisageables

L'utilisation des mesures alternatives à l'enfermement pourrait devenir une arme efficace dans la lutte contre la surpopulation carcérale surtout dans un contexte où les magistrats ont systématiquement recours à la détention préventive, même pour des délits mineurs.

Le travail d'intérêt général (TIG) est sans doute le substitut le plus efficace aux courtes peines d'emprisonnement. Il consiste pour le condamné à accomplir pendant une durée bien déterminée (comprise entre 40 et 140 heures dans le droit français), un travail non rémunéré au profit d'une personne morale de droit public ou d'une association habilitée.
Le TIG a deux aspects très positifs : d'abord il oblige à faire quelque chose plutôt que de subir l'emprisonnement, ensuite il introduit une notion nouvelle, celle d'adhésion. En effet, le condamné doit être présent lors du prononcé de cette peine et avoir donné son accord préalable du fait de la prohibition des travaux forcés. Cela signifie que le condamné reconnaît sa faute et choisit sa sanction. En France par exemple depuis 1983, date d'application de cette mesure, les associations et les collectivités locales ont répondu très favorablement.172(*) Les TIG vont des travaux d'entretien des parcs et jardins à l'initiation à une formation pour les délinquants qui n'ont aucune qualification en passant par des travaux qui requièrent une compétence précise et que la société a tout intérêt à faire exécuter au délinquant. Or il faut pour que cette peine soit acceptée qu'elle soit effective, il faut donc une décision politique d'investissement afin de se doter d'une infrastructure correcte d'exécution des peines en milieu ouvert, cette décision appartient à l'Etat. Et c'est précisément pour cette raison que le Professeur Bernard-Raymond GUIMDO suggère un encadrement strict de l'application de cette mesure et un suivi de tout instant des délinquants dans l'exécution de la peine décidée afin que le TIG ne soit pas une simple formalité judiciaire173(*), mais que son application, tout en respectant les règles de TOKYO174(*), promeuve une nouvelle approche de la peine en même temps qu'elle dissuade la commission de nouvelles infractions. C'est pour cette raison que, prenant en compte l'efficacité limitée de l'incarcération, en particulier pour les détenus purgeant de courtes peines, ainsi que le coût de l'emprisonnement pour l'ensemble de la société, Les participants au Séminaire international sur les conditions de détention dans les prisons en Afrique, tenu à Kampala du 19 au 21 septembre 1996, ont recommandé que: « Que le travail d'intérêt général et autres mesures non privatives de liberté soient autant que possible, préférés à l'incarcération ».175(*)

Peu réaliste dans le contexte africain, l'arrêt domiciliaire sous surveillance électronique (ou bracelet électronique), prévu par les lois françaises du 19 décembre 1997 et du 15 juin 2000, est en place à titre expérimental depuis septembre 2000. Il place le condamné sous surveillance électronique via un bracelet émetteur signalant au service chargé de la surveillance tout dépassement d'un rayon d'action fixé par le Juge d'application des peines. Son principal avantage étant de ne pas couper le condamné de tout lien social ce qui est inestimable. Au 1er octobre 2002, 393 mesures avaient été prononcées avec un taux d'échec très faible.176(*) Le bracelet électronique constitue donc une alternative pertinente à l'emprisonnement et une modalité du contrôle judiciaire de nature à limiter le nombre de détentions provisoires.

Le suivi socio judiciaire177(*) est une peine destinée aux personnes condamnées pour une infraction sexuelle. L'objectif poursuivi est de prévenir la récidive des délinquants sexuels, notamment en les « incitant » fortement à suivre un traitement. Le suivi socio judiciaire est prononcé par le tribunal ou la Cour en complément ou à la place de la peine de prison. Il implique que le condamné devra se soumettre, immédiatement ou à sa sortie de sa prison s'il est incarcéré, à un suivi judiciaire, social et éventuellement médical. S'il ne se conforme pas à ses obligations, le condamné devra exécuter une peine de prison supplémentaire.
Le défaut de codification de ces mesures en droit interne les rend inopérantes dans le contexte camerounais et contribue ainsi à l'augmentation de la population carcérale. D'où la préoccupation de la FIACAT (Fédération Internationale de l'Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) qui recommande à l'Etat camerounais de « prendre des mesures urgentes pour lutter contre la surpopulation carcérale en privilégiant les mesures alternatives à la détention des personnes, particulièrement en ce qui concerne les personnes condamnées pour des délits mineurs ou pour les personnes en détention préventive depuis de nombreuses années ainsi qu'en construisant de nouvelles prisons répondants aux normes ».178(*) Mais la mise en route des réformes escomptées nécessite, compte tenu des contraintes socio économiques du Cameroun, une assistance technique et financière extérieure pour établir les bases d'une nouvelle politique pénitentiaire arrimée aux normes internationales et donc, plus respectueuse des droits de l'homme.

Section 2 : Le caractère draconien du partenariat externe

L'intérêt et l'attention des partenaires au développement se sont traduits par des interventions multiformes en faveur de l'amélioration des conditions de détention au cameroun. Les projets mis en oeuvre ont connus des fortunes diverses du fait de l'implication timide de certains partenaires et des desseins pour le moins inavouées des autres. Les stratégies développées en partenariat avec les acteurs extérieurs souffrent de l'inadéquation du cadre de coopération et du dévoiement de l'aide extérieure.

Paragraphe 1er : L'inadéquation du cadre de coopération avec les partenaires au développement.

Le partenariat externe nécessite la mise sur pied d'un cadre de coopération adéquat pour un accomplissement heureux des objectifs fixés. Mais la complexité des règles de procédure des partenaires extérieurs et le non respect des engagements de la partie nationale contribuent très souvent à retarder ou même à empêcher la réalisation de ces objectifs.

A- La complexité des règles de procédure des partenaires extérieurs

Les règles de procédures sont une réelle pesanteur à une coopération efficace entre le Cameroun et ses partenaires extérieurs. Pour la plupart du temps, les lenteurs observées dans l'exécution des programmes d'assistance sont dues au déblocage tardif des moyens financiers par les partenaires, mais aussi à un mécanisme complexe de mise en oeuvre des projets et programmes d'amélioration des conditions d'incarcération. Pour le cas du projet PACDET179(*), rendu actuellement à sa deuxième phase et qui est le projet phare de l'amélioration des conditions de détention au Cameroun, c'est à l'unité de gestion du programme (UGP) que revient la charge de procéder à l'identification des activités à financer, d'arrêter le budget et le chronogramme de mise en oeuvre du projet. Le projet de devis-programme ainsi arrêté est soumis tour à tour à l'approbation du ministère technique compétent qui pour le cas d'espèce est le Ministère de la Justice qui assure également le rôle de maître d'oeuvre à travers la Direction de l'Administration Pénitentiaire, de l'ordonnateur national du FED (Fonds Européen de Développement) pour lequel travaille l'UGP, de la Délégation de la Commission Européenne qui fonctionne comme une ambassade parce que bras technique de mise en oeuvre du projet qui est couplé à l'organe politique. Puis c'est au tour du Comité de Pilotage180(*) de procéder à l'approbation dudit projet avant de le soumettre à la signature du MINEPAT181(*), du MINJUSTICE et à la Délégation de l'Union Européenne. Le devis-programme qui en résulte peut alors rentrer dans sa phase de mise en oeuvre. Ces différentes étapes qui d'ailleurs ne sont pas les seules alourdissent considérablement le processus de mise en oeuvre du projet. Surtout que le déblocage des fonds alloués au projet ne va pas de soi. A titre d'exemple, la mission d'évaluation du programme d'amélioration des conditions de détention et du respect des droits de l'homme note que les 210.870 Euros sur lesquels portait le devis-programme de démarrage (1er juillet au 31 décembre 2002) n'ont été utilisés qu'à hauteur de 28%.182(*)  Si l'on peut comprendre la nécessité de sécuriser les financements destinés aux investissements surtout dans une société camerounaise fortement empreinte de malversations financières de toutes sortes, l'on peut cependant regretter que cette politique de gestion prenne le pas sur les objectifs d'amélioration des conditions de vie dans le milieu carcéral, contribuant de ce fait à retarder l'atteinte des objectifs, ou même à décourager les partenaires nationaux qui se sentent infantilisés et humiliés par le manque de confiance des partenaires extérieurs.

B- Le non-respect des engagements de coopération par l'administration camerounaise

L'incapacité technique de l'administration pénitentiaire camerounaise à répondre aux attentes constituant les contre parties inhérentes aux projets de coopération et à profiter durablement des opportunités offertes a généralement hypothéqué le bon déroulement de ceux-ci et rendu les partenaires extérieurs sceptiques quant à la poursuite de leur soutient. Si le PACDET reste un bel exemple de coopération nord-sud. De nombreux programmes de coopération, s'ils n'ont pas connu une interruption brusque du fait du non respect par la partie camerounaise des engagements contractés, ont cependant marqués négativement les bailleurs extérieurs qui n'ont pas jugé utile d'en reconduire certains, d'en étendre d'autres ou d'en envisager de nouveaux. C'est le cas du projet d'appui aux droits de l'homme et au développement d'une culture démocratique au Cameroun développé par la France, le projet de réhabilitation et /ou l'équipement de certains établissements pénitentiaires et la formation du personnel pénitentiaire que soutenait la Grande Bretagne, le projet d'appui à la formation continue des personnels de l'administration pénitentiaire initié par le Canada. « La méfiance à l'égard des Etats prédateurs africains incite les donateurs à contourner l'échelon étatique, au risque de se cantonner dans des actions locales »183(*).

Il parait dès lors urgent de mettre en place un cadre approprié de coopération dépouillé de toutes les pesanteurs, un cadre qui rassure les partenaires et favorise le développement des projets conjointement adoptés dans le strict respect des conventions de financement et sans velléités hégémonistes.

Paragraphe 2nd : L'instrumentalisation de l'aide extérieure destinée à l'humanisation des conditions de détention

La coopération internationale doit se mettre au service du développement, pour cela les relations entre bailleurs extérieurs et Etats doivent passer de l'assistanat à une réelle approche partenariale. Mais l'aide extérieure se trouve très souvent dénaturée du fait des velléités hégémonistes et des calculs stratégiques qui poussent les partenaires extérieurs à imposer des conditions qui ne cadrent pas avec les objectifs des projets envisagés. Le partenariat se trouve ainsi dénaturé surtout lorsque les conditions posées sont susceptibles d'enfreindre la souveraineté des Etats bénéficiaires. En s'essayant à un bilan de l'aide au développement en Afrique, le Docteur Mamadou Diouf, Président du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) affirme que :

« Le continent africain a reçu un volume d'aide extraordinaire. Mais quand on rapproche les financements perçus des actions envisagées et des résultats obtenus, il est clair que l'on n'a pas atteint les objectifs globaux qui avaient été fixés. Les réussites ne concernent que des actions très précises. On peut d'ailleurs se demander si les interventions de coopération ont été bien choisies ».

L'ONG Refonder l'Etat en Afrique estime à ce sujet que :

« Tant que les pays riches continueront de faire de l'aide au développement, avant tout un de leurs instruments de politique et d'influence dans le domaine diplomatique et commercial, l'esprit de cette aide continuera d'être dévoyé, corrompu par des considérations qui n'ont rien à voir avec les motivations exprimées et les finalités déclarées. Il est possible d'établir entre tous les partenaires des cadres et des mécanismes de convergence de l'aide au développement, qui rationalisent celui-ci et le rendent plus efficace. Dans cette perspective, l'on doit, par exemple, accepter que les partenaires nationaux, bénéficiaires de cette aide, définissent les orientations et fixent les priorités et non l'inverse ».184(*)

La dénaturation de l'aide apportée par les partenaires extérieurs dessert donc les intérêts de la communauté carcérale en ce sens qu'elle suscite au sein de l'administration bénéficiaire des blocages dus au fait que certaines conditions imposées sont de nature à créer une situation d'ingérence. Les exigences de la bonne gouvernance commandent certainement l'amélioration des pratiques de gestion cependant, ces exigences à elles seules ne sauraient justifier le contournement par les partenaires extérieurs, d'une administration souveraine dans la mise en oeuvre des projets fussent-ils au bénéfice de ses populations.

CONCLUSION GENERALE

L'humanisation des lieux de détention au Cameroun se heurte à de nombreux obstacles. Le caractère épars des normes juridiques de protection des personnes incarcérées et la minoration des garanties procédurales contribuent à la minimisation des principes juridiques internationaux applicables aux personnes incarcérées pendant que l'inadaptation de l'institution judiciaire à l'exercice des droits processuels des personnes privées de liberté et la timide répression des atteintes à la dignité humaine dans les lieux de détention ne favorisent pas la protection de cette catégorie de personnes. Les limites ainsi observées dans l'application des mesures existantes en matière de privation de liberté se posent donc comme un frein à l'amélioration des conditions de détention.

Comprendre pourquoi malgré les textes et mécanismes existants, les conditions de détention au Cameroun ne respectent pas les normes internationalement admises exige d'interroger également la politique pénitentiaire. Cet exercice révèle ainsi que la déficience des ressources humaines et l'insuffisance des ressources matérielles affecte qualitativement et quantitativement les services et la protection que les personnes privées de liberté sont en droit d'attendre de l'Etat du fait de leur statut juridique. De même, l'inefficacité des initiatives internes d'humanisation des lieux de détention et l'instrumentalisation de l'aide extérieure à l'amélioration des conditions de détention au Cameroun contribuent à maintenir les détenus dans un leur état de marginalisation.

Le contexte global de pauvreté constitue pour les autorités un paravent pouvant justifier les restrictions voire même les atteintes aux droits des personnes privées de liberté. Pourtant l'être humain, du fait seulement de sa nature humaine jouit d'une certaine dignité à laquelle sont rattachés un certain nombre de droits dits fondamentaux.185(*) C'est le cas du droit à un procès équitable, du droit d'être protégé contre la torture et autres traitements inhumains et dégradants, du droit d'accès au juge, du droit à l'alimentation, du droit à la santé et du droit à un environnement sain. Le non respect de ces droits pouvant engager la responsabilité de l'Etat du Cameroun. Cependant, les cas de saisine des instances internationales ou régionales par des personnes incarcérées pour atteinte ou violation de ces droits fondamentaux restent rares, voire même inexistants malgré la disponibilité de ces instances. Pourtant, au plan universel, le Comité des droits de l'homme, le Comité des droits économiques sociaux et culturels, le Comité contre la torture, sont autant d'instances compétentes pour connaître respectivement des cas de violation des droits civils et politiques, des droits économiques sociaux et culturels et des cas de torture et des traitements inhumains et/ou dégradants. Au plan régional la commission africaine a exercé sa compétence pour connaître de nombreux cas de violation des droits de l'homme186(*). Au plan national, même si la crédibilité des instances judiciaires fait encore problème, ces structures demeurent un préalable nécessaire pour la mise en mouvement des instances internationales et régionales. Les recours intentés par les personnes incarcérées pour violation des droits de l'homme sont donc possibles aussi bien contre le personnel chargé de l'application des lois, que contre l'Etat parce que ce dernier n'a pas respecté ses engagements internationaux envers les personnes privées de liberté.

Ce n'est pourtant pas faute de pertinence que les cas de violation des droits des détenus ne sont pas soumis aux instances internationales. En effet, les visites effectuées dans les lieux de détention ont permis de constater que les rapports des organisations de défense des droits de l'homme n'ont nullement dramatisé la réalité du milieu carcéral camerounais. Au contraire, le souci de neutralité, d'impartialité de certaines d'entre elles et les exigences de la diplomatie seraient à l'origine des rapports édulcorés. Mais la disponibilité de ces recours reste à démontrer au regard du caractère élitiste de ceux-ci. En effet, les conditions relatives à la saisine de ces instances aussi bien au plan régional qu'au plan universel présentent des similitudes liées pour la plupart « à la difficulté des justiciables des pays en voie de développement à recourir à ces instances, non seulement en raison de leur pauvreté, mais aussi et surtout eu égard à ce que le maniement de la procédure contentieuse exige la maîtrise d'un minimum juridique »187(*). Le Docteur Alain Didier Olinga relève à ce sujet que :

« Les auteurs des communications sont donc pour l'essentiel, des personnes possédant des ressources intellectuelles, matérielles et autres susceptibles d'être mobilisées, par elles-mêmes ou par des institutions vouées à la protection des droits et qui souhaitent évoluer dans une logique d'exemplarité et de médiatisation. Dans le cas singulier du Cameroun, on constate qu'est vérifié le caractère élitiste du contentieux africain devant les instances internationales de contrôle... ».188(*)

L'humanisation des lieux de détention exige certes le respect de la dignité humaine, mais elle doit également prendre en considération les réalités propres à chaque Etat et qui sont pratiquement les mêmes pour les pays africains. Il convient de relever cependant qu'il ne s'agit pas pour l'Etat, de sacrifier les honnêtes citoyens sur l'autel de ses engagements internationaux envers les délinquants par la construction de centres huppés au bénéfice des malfaiteurs et avec l'argent de leurs victimes.

Au final, l'humanisation des lieux de détention reste un processus dont le but est l'épanouissement des personnes privées de liberté mais qui se décline en plusieurs étapes et qui requiert de la part des cadres et du système qu'ils animent de l'ingéniosité pour les premiers et de la maturité pour le second. Le système pénitentiaire en Afrique, tout en respectant les principes internationaux, peut trouver dans les valeurs propres à ce continent des solutions à certaines situations qui contribuent à la dégradation des conditions de détention. La palabre typiquement africaine reste un modèle de résolution des litiges qui se solde dans la plupart des cas par un arrangement à l'amiable et une forme de réconciliation des parties dont seules les sociétés traditionnelles ont le secret. Au pire des cas, la mise à l'écart de la communauté peut être envisagée avec la possibilité pour le mis en cause de réintégrer la communauté après des excuses publiques et son amendement. Si de telles pratiques s'appliquent tel quel difficilement dans un Etat moderne, elles peuvent cependant constituer une parade à l'emprisonnement pour les délits mineurs dans certaines communautés ou l'autorité traditionnelle jouit encore d'un grand prestige, à charge pour l'administration d'effectuer le contrôle nécessaire pour éviter les dérives. L'on peut donc conclure avec Mamadou Diouf, président du conseil pour le développement et de la recherche en sciences sociales en Afrique, que :

« Les Africains instruits sont nombreux, mais leur éducation est souvent totalement inadaptée aux besoins de la société. Elle ne leur permet pas de comprendre les problèmes de l'Afrique, de saisir sa complexité et de proposer des solutions internes. Or pour construire l'avenir des sociétés africaines, il faut puiser dans la tradition et non dans la pensée moderne. »189(*)

BIBLIOGRAPHIE

I- Manuels, recueils, dictionnaires

A- Recueils

-Recueil africain des décisions des droits Humains, centre for Human Rights et l'Institut pour les Droits Humains et le Développement en Afrique, Pretoria University Law Press, 2000, 369 p

-MIAMBANZILA (E.M. F.), le travail d'intérêt général : une alternative à l'emprisonnement et à ses méfaits, veille documentaire, sous la direction de Jean Michel CHUEZ,université de Nantes,UFR droit et science politique,2005, 67 p

B- Dictionnaire

-Dictionnaire encyclopédique de langue française petit Larousse, édition 1992, 1740 p.

-Dictionnaire Littré en ligne, http//www.françoisgannaz.free.fr/Littré/xmlittré.php

- Lexique des termes juridiques, 13ème édition, Dalloz, 2001, 592 p.

-Encyclopédie libre wikipédia, http://www.fr.wikipédia.org/wiki/prison, consulté le 12 juillet 2008

II- Ouvrages

-FOKA (F.), Le contentieux africain des droits de l'homme et des peuples, 3ft, Yaoundé, 2008, 180 p.

-GHIGLIONE et MATALON, Les enquêtes sociologiques, théories et pratiques, Armand Collin, Paris, 1991,.....p .

-GRAWITZ (M.), Méthodes des sciences sociales, 6ème éd., Dalloz, Paris, 1984, ... p.

-MINKOA SHE (A.), Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, coll. La vie du droit en Afrique, Ed.Economia, 1999, 321 p.

-SOYER (J. C.), Droit pénal général et procédure pénale, Paris LGDJ, 13ème édition, année

III- Thèses et mémoires

-ETOUNDI (J.), L'administration pénitentiaire camerounaise et la protection des droits de l'homme : le cas de la maison d'arrêt de Kondengui à Yaoundé, Mémoire de Master en droits de l'homme et action humanitaire Université Catholique d'Afrique Centrale, année 200, 106 p.

-OUMBA (P.), La CIJ et la problématique des droits de l'homme, Mémoire de Master, Université Catholique d'Afrique Centrale, année 2004, mémoire on-line, http://www.memoireonline.com/12/05/19/cij-problematique-droits-de-l-homme.html, consulté le 22 juin 2007

-NGONO MVOGO (J. A.), La police camerounaise et l'interdiction de la torture, Mémoire de Master en droit de l'homme et action humanitaire, Université Catholique d'Afrique Centrale, année 2004, 97 p.

-NGWAFOR TANGYE (W.), Les conditions de vie et le respect des droits de du détenu au Cameroun, Mémoire de Master en droits de l'homme et action humanitaire Université Catholique d'Afrique Centrale, année 2003, 67 p.

-TEJIOZEM (R.), La détention préventive et les droits de l'homme au Cameroun, Mémoire de Master en droits de l'homme et action humanitaire Université Catholique d'Afrique Centrale, année 2005, 88 p.

IV-Articles 

-ATEMENGUE (E.), «La torture en milieu carcéral : le cas de la prison centrale de Kondengui-Yaoundé (09 octobre 1985-06 octobre 1995)'', in Intégrité physique et dignité humaine, Cahier africain des droits de l'homme n°1, Novenbre1998, Etudes et documents de l'apdhac, Presses de l'ucac, Pp.53-63

-BREARD (M.), «Guantanamo Bay : la prison de la honte'' http://www.quebecoislibre.org, consulté le 12 juillet 2008.

-ETOUNDI ONANA (F.) , «Analyse des décisions de justice et fonctionnement de l'institution carcérale'', in Presse et droits de l'homme en Afrique centrale, cahier africain des droits de l'homme n°5, Etude et documents de l'apdhac, Presses de l'ucac, Octobre 2000 , Pp121-125.

-Eyike-Vieux, Les droits du prisonnier, in Intégrité physique et dignité humaine, Cahier africain des droits de l'homme n°1, Novenbre1998, Etudes et documents de l'apdhac, Presses de l'ucac, Pp 65-87

-FOUEGOUM (A.), «Institutions judiciaires et carcérales'', in Presse et droits de l'homme en Afrique centrale, cahier africain des droits de l'homme n°5, Etude et documents de l'apdhac, Presses de l'ucac, Octobre 2000, Pp 111-118.

-GIUMDO (B.-R.), «Les alternatives à l'emprisonnement dans des contextes de surpeuplement carcéral : le cas du Cameroun'', in Juridis périodique n° 60, Edition Presses universitaires d'Afrique, Décembre 2004, Pp 77-85.

-GIUMDO (B.-R.), «Droit au developpement et dignité humaine'', in Actualité Scientifique, (dir.) Jacques-Yvan Morin, AUPELF-UREF, Bruylant, 1997, Bruxelles, pp 73-89.

-MPIGA KOUMA, Il faut préserver la dignité du séropositif, http// amic.refer.ga

-TCHAKOUA (J. M.), «Les droits de l'homme au village'', in Justice et Paix en Afrique Centrale, presses de l'UCAC, septembre 1995

V- Documents

A- Documents officiels

1- Textes juridiques internationaux

-La Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948

-Le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels du 16 décembre 1966

-Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966

-Le Code de conduite du personnel chargé de l'application des lois du 17 décembre 1979

-L'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus Adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social dans ses
résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 
et 2076 (LXII) du 13 mai 1977

-La Déclaration de Kampala sur les conditions de détention en Afrique du 21 septembre 1996

-La Déclaration de Moscou sur la santé en prison et santé publique du 24 octobre 2003

-La Convention contre la torture et son protocole du 10 décembre 1984

2- Textes juridiques nationaux

-Arrêté n° 0080 du 10 mai 1983 du ministre de l'administration territoriale portant sur le statut du personnel de l'administration pénitentiaire

-Décret 2001/065 du 12 Mars 2001 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la Sûreté Nationale

-La Constitution du 18 janvier 1996

-Le Code de procédure pénale

-La loi n° 92/052 du 27 mars 1992 portant régime pénitentiaire au Cameroun

B- Jurisprudence

-Amnesty International et autres c/ Etat du Soudan, Commission africaine, com. n° 48/90, 50/91,89/93.

-Annette PAGNOULE c/ Etat du Cameroun, Commission africaine, com. n°39/90

-Centre for free speech c/Etat du Nigeria, Commission africaine, com. n°206/97

-Constitutionnal rights project c/ Etat du Nigeria, Commission africaine, com. n°153/96

-Law office of Ghazi c/ Etat du Soudan, Commission africaine, com. n°222 /98,229/99

C- Les rapports

-Rapport d'étape de la mission d'évaluation du PACDET, Paris-Bruxelles-Yaoundé, 2004

-Rapport 2006 du comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral.

-Rapport 2006 du Ministère de la justice sur l'état des droits de l'homme au Cameroun

-Rapport 2007 du Ministère de la justice sur l'état des droits de l'homme au Cameroun

-Rapport 2007 de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés sur l'état des droits de l'homme au Cameroun

-Rapport général 2008 sur la visite des centres de détention de Yaoundé par la CNDHL, Décembre 2008.

D- Autres documents

- Cameroun Tribune N° 08991/5190 du 05 décembre 2007

ANNEXES

TABLE DES MATIERES

Dédicaces................................................................................................i

Remerciements.........................................................................................ii

Sigles et abréviations..................................................................................iii

Résumé/mots clés.......................................................................................iv

Abstract/ key words....................................................................................v

Sommaire................................................................................................vi

Introduction générale..................................................................................1

I- Contexte de l'étude..................................................................................1

II- Délimitation de l'étude............................................................................2

1-Délimitation matérielle..........................................................................2

2-Délimitation spatiale............................................................................2

3-Délimitation temporelle.........................................................................3

III- Définition des concepts..........................................................................4

IV- Intérêt du sujet....................................................................................5

1-Intérêt social.....................................................................................5

2-Intérêt scientifique..............................................................................6

V- Revue de littérature..............................................................................6

VI- Problématique.............................................................................. .....9

VII- Hypothèses de recherche......................................................................10

VIII- Cadre méthodologique.......................................................................10

1-Les méthodes utilisées.......................................................................10

a- La méthode juridique................................................................10

b- La méthode systémique..............................................................11

c- La méthode fonctionnelle............................................................11

2- Les techniques de recherche appliquées..............................................11

a- Les interviews.........................................................................11

b-L'enquête...............................................................................11

IX- Articulation et justification du plan.........................................................12

Première partie : L'APPLICATION LIMITEE DES MESURES EXISTANTES......13

Chapitre 1er : LA MINIMISATION DES PRINCIPES JURIDIQUES INTERNATIONAUX APPLICABLES AUX PERSONNES INCARCEREES........... 15

Section 1 : Une application mitigée des principes de protection des droits physiques des personnes détenues.....................................................................................15

Paragraphe 1er : Le caractère épars des normes juridiques de protection de la personne détenue.....................................................................................................16

A- La dilution de la protection de la dignité des personnes privées de leur liberté dans la multiplicité des instruments de droit .............................................................16

B- La relativité de la protection de l'intégrité physique des personnes détenues.....18

Paragraphe 2nd : La permissivité des instruments spécifiques de protection de la dignité des personnes incarcérées...............................................................................21

A- L'absence de contrainte des instruments de protection spécifique des personnes privées de liberté...........................................................................................21

B-La progressivité dans la réalisation des droits fondamentaux de l'homme...........22

Section 2 :Une minoration des garanties procédurales et des règles d'incarcération.............................................................................................24

Paragraphe 1er : La méconnaissance des garanties procédurales........................... ..24

A- Le non respect du principe de la présomption d'innocence ............................24

B- Le reniement des droits de la défense.......................................................26

Paragraphe 2nd : L'inobservation des règles en matière d'incarcération .................. 28

A- La séparation des détenus en fonction de leur statut juridique.......................28

B- La séparation des détenus en fonction du genre.........................................31

Chapitre 2 : UNE CADRE JUDICIAIRE PEU FAVORABLE A LA PROTECTION DES PERSONNES INCARCEREES...............................................................33

Section 1 : L'inadaptation de l'institution judiciaire à l'exercice des droits processuels des personnes privées de liberté.....................................................................33

Paragraphe1 : Un difficile accès à la justice......................................................34

A- Le caractère restrictif des voies de recours ..............................................34

B- L'impossibilité matérielle des détenus à assurer leur défense ........................35

Paragraphe2 : Les pratiques judiciaires préjudiciables aux détenus........................37

A- La systématisation de la privation de liberté ..........................................37

B- La lenteur des procédures judiciaires....................................................40

Section 2 : La timide répression des atteintes à la dignité humaine dans les lieux de détention...................................................................................................41

Paragraphe1 :La faiblesse des mesures et disciplinaires prises à l'encontre les agents indélicats...................................................................................................42

A- L'échelle des sanctions disciplinaires....................................................42

B- La timidité de la mise en oeuvre des sanctions disciplinaires.........................44

Paragraphe2 : Le caractère peu dissuasif des actions judiciaires engagées contre le personnel chargé de l'application des lois...........................................................45

A- La rareté des poursuites.....................................................................45

B- La complaisance des sanctions pénales prononcées contre le personnel chargé de l'application des lois....................................................................................46

Seconde Partie : L'INNEFICACITE DE LA POLITIQUE PENITENTIAIRE...........49

Chapitre1 :L'INADEQUATION DES RESSOURCES HUMAINES ET MATERIELLES AUX REALITES DU MILIEU CARCERAL...............................51

Section 1: La déficience des ressources humaines................................................51

Paragraphe1 : L'insuffisance des effectifs..........................................................51

A- Le personnel de l'administration pénitentiaire............................................52

B- Les autres administrations....................................................................54

Paragraphe2 : La déficience qualitative du personnel..........................................56

A- Une sous-qualification des personnels spécialisés.......................................56

B- Une formation inadaptée des élèves de l'ENAP..........................................57

Section 2 : L'insuffisance des ressources matérielles allouées au système pénitentiaire.............................................................................................58

Paragraphe 1 : L'irréalisme des allocations budgétaires ......................................58

A- La faiblesse et l'irrégularité du budget de fonctionnement...........................58

B- La modestie du budget d'investissement de l'administration pénitentiaire.........59

Paragraphe 2 : La rareté des actions caritatives dans les lieux de détention................62

A- La faible médiatisation des conditions carcérales au Cameroun....................61

B- Un défaut d'orthodoxie dans la gestion des dons ......................................62

Chapitre 2 : LES ENTRAVES AUX STRATEGIES DEVELLOPPEES POUR LA PROTECTION ET LA PROMOTION DES DROITS DE L'HOMME EN MILIEU CARCERAL.............................................................................................65

Section 1 : L'inefficacité des initiatives locales....................................................65

Paragraphe 1er : Les initiatives internes d'humanisation des lieux de détention ...............................................................................................................65

A- L'absence de pragmatisme dans les initiatives de la CNDHL.......................65

B- Le déficit de participation des détenus dans la mise en oeuvre des projets du Service National Justice et Paix......................................................................68

Paragraphe 2nd : Le faible recours aux mesures alternatives à « l'enferment »...........70

A- L'inutilisation des mesures législatives de substitution existantes.................70

B- Les autres mesures envisageables........................................................72

Section 2 : Le caractère draconien du partenariat externe....................................74

Paragraphe 1er : L'inadéquation du cadre de coopération avec les partenaires au développement..........................................................................................74

A- La complexité des règles de procédure des partenaires extérieurs..............74

B- Le non-respect des engagements de coopération par l'administration camerounaise............................................................................................76

Paragraphe 2nd : L'instrumentalisation de l'aide extérieure destinée à l'humanisation des conditions de détention............................................................................76

Conclusion générale....................................................................................78

Bibliographie.............................................................................................83

Annexes ...................................................................................................88

Table des matières .......................................................................................89

* 1CAMUS (Albert), cité par l'encyclopédie libre wikipédia, http://www.fr.wikipédia.org/wiki/prison, consulté le 12 juillet 2008.

* 2 MPIGA KOUMA, Il faut préserver la dignité du séropositif, http// amic.refer.ga, consulté le 22 janvier 2008.

* 3 BREARD (Mathieu), Guantanamo Bay : La prison de la honte, http://www.quebecoislibre.org, consulté le 12 juillet 2008.

* 4 Une mobilisation nationale à l'appel des trois principales organisations syndicales réunies en entente syndicale, a perturbé les prisons françaises en mai 2009. Les surveillants pénitentiaires ont entamé un "blocage progressif" des prisons : ils dénonçaient notamment les effets de la surpopulation carcérale sur leurs conditions de travail : "de plus en plus de violence, de suicides aussi, des agressions entre détenus, envers le personnel". Ce mouvement relayé en Guadeloupe et en Martinique a eu pour conséquence, d'empêcher les extractions et les entrées dans les prisons.

* 5 Cameroun tribune n° 08991/5190 du mercredi 05 décembre 2007.

* 6 Les «Régions'' sont instituées par le décret n° 2008/376 du 12 novembre 2008 portant organisation administrative de la République du Cameroun qui a abrogé les dispositions du décret n° 72/349 du 14 juillet 1972 portant organisation administrative de la République Unie du Cameroun ensemble ses divers modificatifs ayant mis en place les provinces.

* 7 Il s'agit de la convention contre la torture et autres formes de traitements inhumains ou dégradants ratifiée par le Cameroun le 19 décembre 1986, et des Pactes de 1966 ratifiés le 27 juin 1984.

* 8GRAWITZ (Madeleine), Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 6ème éd., 1984, p345.

* 9 Bien que ne constituant pas une référence scientifique en terme de définitions, ce dictionnaire donne tout de même du verbe humaniser une définition assez explicite et qui correspond parfaitement à l'idée que nous nous faisons des lieux de détention, à savoir pas un lieu de villégiature, mais un milieu dans lequel le délinquant est soumis à des contraintes supportables et qui ne bafouent en aucun cas sa dignité.

* 10 Dictionnaire encyclopédique Petit Larousse.

* 11OUMBA (Parfait), La Cour Internationale de justice et la problématique des droits de l'homme, mémoire de Master, Université Catholique d'Afrique Centrale, année, 2004, mémoire on-line, http://www.memoireonline.com/12/05/19/cij-problematique-droits-de-l-homme.html, consulté le 22.06.2007.

* 12 Dictionnaire Littré en ligne, http//www. François gannaz.free.fr/Littré/xmlittré.php, consulté le 12.05.2008.

* 13 Ibid.

* 14 Ibidem.

* 15 Ibidem.

* 16 SOYER (Jean Claude), Droit pénal général et procédure pénale, Paris, LGDJ, 13ème édition, p 333.

* 17 Article 24 du code pénal camerounais.

* 18 Article 118 de la loi N° 2005/7 du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale.

* 19 Ancien détenu à la prison centrale de Kondengui de 1985 à 1995.

* 20ATEMENGUE (Edmond), « La torture en milieu carcéral : le cas de la prison centrale de Kodengui-Yaoundé (09 octobre 1985-06 octobre 1995) » ,in Intégrité physique et dignité humaine, Cahier africain des droits de l'homme n°1, novenbre1998, études et documents de l'APDHAC, presses de l'UCAC, pp 53-63.

* 21 Il s'agit là d'un droit consacré par l'article 4 al. 1 de la convention contre la torture, de l'article5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de l'article 7 de Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des articles 4 et 5 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et de l'article 31 de l'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 22EYIKE (Vieux), « Les droits du prisonnier » in intégrité physique et dignité humaine, Cahier africain des droits de l'homme n°1, op. Cit. pp 65-87.

* 23GUIMDO (Bernard-Raymond), «  Les alternatives à l'emprisonnement dans des contextes de surpeuplement carcéral : le cas du Cameroun », in Juridis périodique n° 60, Décembre 2004, pp 77-85.

* 24 Ibid.

* 25 Avocat

* 26FOUEGOUM(Adeline), « Institutions judiciaires et carcérale », in Presse et droits de l'homme en Afrique centrale, Cahier africain des droits de l'homme n°5, Presses de l'UCAC, octobre 2000, pp 111-118.

* 27 Op. cit. Pp 117-118

* 28L'article 65 de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus stipule que : « le traitement des individus condamnés à une peine privative de liberté doit avoir pour but, autant que la durée de la condamnation le permet, de créer en eux la volonté et les aptitudes qui les mettent à même, après leur libération de vivre en respectant la loi et de subvenir à leurs besoins. Ce traitement doit être de nature à encourager le respect d'eux-mêmes et à développer leur sens de responsabilité ».

* 29 Voir le guide d'entretien en annexe n°1.

* 30 Notion consacrée par le premier considérant de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et reprise par le plus grand nombre de conventions internationales relatives aux droits de l'homme. Cependant, il faut noter que la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de 1993 dont est issue la Déclaration de Vienne oublie volontairement ou mieux éclipse la notion de « famille humaine » au profit de celle moins controversée de le « communauté internationale ».

* 31 Texte adopté lors du 1er congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants tenu à Genève en 1955. Il est approuvé par le Conseil Economique et Social dans ses résolutions 663C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.

* 32 Il s'agit des, principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus et de l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies respectivement dans ses résolutions 42/111 du 14 décembre 1990 et 43/173 du 9 décembre 1988.

* 33 Principe 1er de l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement : « toute personne soumise à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».

* 34 La notion de dignité fait référence à une qualité liée à l'être même de chaque homme. Ce qui explique qu'elle soit la même pour tous et qu'elle n'admette pas de degrés. Même si la DUDH n'en détermine ni sa signification ni son contenu, cette notion se voit accorder dans ce texte la préséance sur les droits. Ce qui en fait « une notion centrale des doits de l'homme ». (Lire le Pr. Bernard-Raymond GUIMDO, « Droit au développement et dignité humaine », in Les droits Fondamentaux, Actualité Scientifique, (dir.) Jacques-Yvan Morin, Bruylant, AUPELF-UREF Bruxelles, 1997, pp. 73-89.

* 35 L'article 6 al.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 stipule que : « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie».

* 36L'article 7 du PIDCP : « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique »

* 37 L'article 10 du PIDCP dans son alinéa 1 précise : « toute personne privée de sa liberté est traitée avec le respect et la dignité inhérente à la personne humaine ».

* 38Nations Unies, « Droits de l'homme : combattre la torture », fiche d'information n°4, (Rev.1), Genève, 2003, p. 10.

* 39 Article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant

* 40L'article 4 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dispose que : «  la personne humaine est inviolable, tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne : nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ».

* 41 NGONO MVOGO (Josiane Appolonie), La police camerounaise et l'interdiction de la torture, Mémoire de Master droits de l'homme et action humanitaire, APDHAC/UCAC, année 2003-2004.

* 42 http://playmendroit.free.fr/droit_civil/le_droit_a_l_integrite_physique.htm, consulté le 01.04.09.

* 43 Ibid.

* 44 Adopté le 10 décembre 1966, et entré en vigueur le 3 janvier 1976 conformément aux dispositions de l'article 27, ce texte avait pour objectif de garantir l'épanouissement de l'être humain à travers la satisfaction de certains de ses droits tels que le droit à une alimentation suffisante, le droit au logement, le droit à la santé, etc....la jurisprudence internationale en se basant sur d'autre instruments, à également protégée un certain nombre de droits qui n'étaient explicitement garantis par ce texte : c'est la protection par ricochet.

* 45 L'alinéa 2 de l'article 2 du PIDESC stipule que : « Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.».

* 46 1ère règle de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 47 La communauté internationale dans sa majorité soutient la suppression de la peine de mort. Selon Amnesty international, en 2007, 100 pays dans le monde ont aboli la peine de mort dans leur législation, 29 pays ne la pratiquent plus depuis 1848, mais 81 pays continuent de procéder à des exécutions (la peine de mort, http://www.senat.fr/evenement/archives/D22/abolition.htm consulté le 01.04.09). Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, s'il entre en vigueur scellera définitivement l'interdiction absolue de supprimer la vie.

* 48 Adoptée et proclamée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217A(III) .

* 49 Cet auteur pense que la DUDH est muette en ce qui concerne le sort des personnes privées de leur liberté parce qu'elle ne fait pas allusion explicitement à eux. (Lire le mémoire de l'auteur sur, La détention préventive et les droits de l'homme au Cameroun, Mémoire de Master en Droit de l'Homme et Action Humanitaire, Université catholique d'Afrique centrale, octobre 2005, p 17).

* 50 Il s'agit des, Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus et de l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies respectivement dans ses résolutions 42/111 du 14 décembre 1990 et 43/173 du 9 décembre 1988.

* 51 Il s'agit de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus qui est adopté en 1955 par le 1er Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants tenu à Genève et qui a été approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 (XXIV) du 31.07.1957 et 2076(LXII) du 13.05.1977

* 52 Recueil d'instruments internationaux, vol.1, Ière partie, Centre pour les droits de l'homme de Genève, p. 268, 1994.

* 53L'interdiction de la torture et des châtiments corporels est un principe du droit international qui se veut coutumier car accepté et reconnu comme tel par l'immense majorité de la communauté internationale

* 54ATANGCHOAKONUMBO, « Biens publics mondiaux », Cours de Master droits de l'homme et action humanitaire 2008-2009, APDHAC, Université catholique d'Afrique centrale, p.12, inédit.

* 55« Chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives.».

* 56L'observation générale n°12 du comité des droit économiques sociaux et culturels fait obligation aux Etats de subvenir aux besoins alimentaires des population en rendant la nourriture disponible, suffisante, et accessible.

* 57 TEJIOZEM (Rogatien), La détention préventive et les droits de l'homme au Cameroun, Mémoire de Master en droit de l'homme et action humanitaire, Université catholique d'Afrique centrale, p.6, octobre 2005.

* 58 Ibid.

* 59 Le caractère international de la présomption d'innocence découle de la consécration de ce principe par un certains nombre d'instruments internationaux tels que la DUDH article 11 et le PIDCP article 14.

* 60 FOKA (F.), Le contentieux africain des droits de l'homme et des peuples, 3ft, septembre 2008, p. 63. La notion de doute raisonnable en droit pénal doit toujours profiter à l'accusé. Elle vise à protéger ce dernier contre les erreurs judiciaires en écartant tout préjugé susceptible de provenir de la part du juge.

* 61 L'alinéa 1er de l'article 11 de la DUDH stipule que : « toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées ».

* 62 L'alinéa 2 de l'article 14 de la DUDH stipule que : « toute personne accusée d'une infraction pénale est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».

* 63 Article 40 alinéa 2

* 64 L'article 65 de la constitution affirme que : « le préambule fait partie de la constitution ».

* 65 L'article 8 alinéa 2 précise que la présomption d'innocence s'applique au suspect, à l'inculpé, au prévenu et à l'accusé. Ces qualificatifs correspondent aux appellations des mis en cause aux différentes phases du procès pénal. Le suspect correspondant à la phase de poursuites (enquête de police), l'inculpé à la phase d'instruction, le prévenu et l'accusé à la phase de jugement. (cf. article 9 du code de procédure pénale).

* 66 NGWAFOR TANGYYIE (Walters), Les conditions de vie et le respect des droits du détenu au Cameroun, Mémoire de master en droit de l'homme et action humanitaire, Université catholique d'Afrique centrale, p 27, 2003.

* 67 TCHAKOUA (J.M.), « les droits de l'homme au village », in Justice et paix en Afrique centrale, presses de l'UCAC, septembre 1995, P12.

* 68 TEJIOZEM (Rogatien), op. cit.

* 69 C'est un programme financé en grande partie par la communauté européenne et qui entend améliorer les conditions de détention au cameroun. Il a été conçu suite à une mission menée en mars 2001 par Me Eric Plouvier et Julie Godin qui a relevé une série de dysfonctionnements de la chaîne pénale et plus particulièrement de la détention préventive.

* 70 TEJIOZEM (Rogatien), op. cit. p. 4.

* 71 Ibid.

* 72 Communication n° 39/90, Annette PAGNOULE (pour le compte de Abdoulaye MAZOU) c/ Etat du Cameroun, paragraphe 19.

* 73 NGWAFOR TANGYYIE (Walters), op. cit p. iii

* 74ACI- cabinet d'avocats, Les droits de la défense, http://www.cabinetaci.com/les-droits-de-la-defense.html, consulté le 04.04.2009.

* 75 Com. 48/90, 50/91, 52/91, 89/93, Amnesty International & autres c/ Etat du Soudan.

* 76 Ibid.

* 77 Lire FOKA Frédéric, op. cit. p 67.

* 78 Com.206/97, centre for free speech c/ Nigeria.

* 79 SUDRE (Frédéric), Droit international et européen des droits de l'homme, 4ème édition, Paris, PUF, 1999, p 237.

* 80 Com. 153/96, Constitutional Rights Project c/Nigeria.

* 81 Com. 222/98 et 229/99, Law Ofiice of Ghazi Suleiman c/ Soudan.

* 82 L'article 9 (3) du Code de procédure pénale camerounais définit le prévenu comme « Toute personne qui doit comparaître devant une juridiction de jugement pour répondre d'une infraction qualifiée contravention ou délit. ».

* 83 Règle 84 de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 84 L'article557 du Code de procédure pénale camerounais.

* 85 Article 565 du Code de procédure pénale camerounais.

* 86 Article 10 al 2 du PIDCP.

* 87 TEJIOZEM (Rogatien), op. cit. p. 70

* 88 VINCENT (Thierry), « Justice : alerte dans les prisons africaines », Cameroun Tribune n°5973 du 14 novembre 1995, p.8.

* 89 Règle 8 c de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 90 Règle 9 (2) de l'Ensemble des règles minima pour la traitement des détenus.

* 91 Règle 8 (a) de l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

* 92 VINCENT Thierry, op. cit., p.8.

* 93FOKA (Frédéric), op. Cit. p 57.

* 94BOUKONGOU (Jean Didier), « Le système africain de protection des droits de l'homme » in Jean Didier BOUKONGOU (dir.), Protection des droits de l'homme en Afrique, Yaoundé, presses de l'UCAC, 2007, p128

* 95 ETOUNDI (Jean), L'administration pénitentiaire camerounaise et la protection des droits de l'homme : cas de la maison d'arrêt de kondengui, mémoire de master en droit de l'homme et action humanitaire, UCAC/APDHAC, année 2002-2003, p48.

* 96 Com.228/99, Law officeof Ghazi Suleiman c/ Soudan et Com. 147/95 et 149/96 Sir Dawda K.Jawara c/Gambie.

* 97 Com. 247/2002, aff. Jean SIMBARAKIYE

* 98 GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution à l'étude d'un droit fondamental », op. cit. P. 457.

* 99 Ibid.

* 100 FOKA (Frédéric), op. Cit. p 58.

* 101GUIMDO DONGMO (Bernard-Raymond), « Le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution à l'étude d'un droit fondamental » in Revue de la Recherche Juridique, Droit positif, n°XXXIII-121 (33ème année, 121ème numéro), 2008-1, PUAM, P. 453-454.

* 102ibid, p. 474.

* 103FOKA (Frédéric), op. Cit. p 61.

* 104 FOKA (Frédéric), op. cit., p 58.

* 105ANKUMAH (Evelyn), « La commission africaine des droits de l'homme et des peuples ; pratiques et procédures », société africaine du droit international et comparé, Londres, p.142.

* 106 L'information judiciaire est obligatoire pour les crimes et dans les affaires impliquant des mineurs, facultative pour les délits et exceptionnelle, voire inopportune pour les contraventions

* 107Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, « politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral », Yaoundé, décembre 2006, p.41

* 108MESSINA BELINGA, Réflexion sur l'état actuel de la présomption d'innocence en droit positif camerounais, Mémoire de Maîtrise, Université de Ngaoundéré, 1998-1999.

* 109 MINKOA SHE (Adolphe), Droit de l'homme et droit pénal au Cameroun, coll. La vie du droit en Afrique, éd. Economia, Paris, 1999.

* 110Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit. p 41.

* 111 Rapport général de la visite des centres de détention de Yaoundé, CHDHL, décembre 2008, p. 15.

* 112Ibid., p.26.

* 113Source : Document de politique pénitentiaire et de stratégie de réforme du système carcéral, 2006, p 42.

* 114 Dans son article 221 le code de procédure pénale précise que la durée de la détention provisoire ne peut excéder 06 mois. Mais elle peut être prorogée par ordonnance motivée au plus pour 12 mois en cas de crime et 06 mois en cas de délit.

* 115 EKAM TANDJEU (Antoinette), Les incidences de la pratique actuelle de la détention préventive au Cameroun : cas de la juridiction de Yaoundé, Mémoire de Maîtrise en Sciences Sociales, Faculté des Sciences sociales et de Gestion, UCAC, Yaoundé, 1999, pp 53-54.

* 116 Rapport d'étape de la mission d'évaluation du PACDET, Paris- Bruxelles- Yaoundé, mai 2004, A.R.S. Progetti S.r.l., p 10.

* 117 Rapport général de la visite des centres de détention de Yaoundé, CHDHL, décembre 2008, p. 25.

* 118Rapport d'étrape de la mission d'évaluation du PACDET, op. cit.

* 119 Rapport 2007 sur l'état des droits de l'homme au Cameroun, p. 33

* 120 Ibid.

* 121 Article 95 du décret 2001 

L'échelle de sanctions disciplinaires comporte par ordre de gravité croissante, trois catégories :

-Première catégorie : la réprimande ; le tour de service supplémentaire ; la consigne ; la cellule ; la mise aux arrêts de rigueur ; la mise à pied sans traitement pour une durée de 1 à 7 jours.

-Deuxième catégorie : l'avertissement écrit ; le blâme avec inscription au dossier ; la mise à pied sans traitement pour une durée de 8 à 20 jours ; la radiation du tableau d'avancement ou de la liste d'aptitude ; le retard à l'avancement d'une durée d'un an.

-Troisième catégorie : l'exclusion temporaire du service pour une durée de trois mois à un an ;l'abaissement d'échelon ;l'abaissement de grade ;la révocation avec suspension des droits à la pension, la révocation sans suspension des droit à pension ; la révocation avec suppression des droits à pension.

* 122 Décret n°2007/199 du 07 juillet 2007 portant règlement de discipline générale dans les forces de défense.

* 123 Articles 112 à 134 du décret n°2007/199 du 07 juillet 2007 portant règlement de discipline générale dans les forces de défense.

* 124 (Voir philiipe Nsoa)

* 125 La Haute hiérarchie est entendue ici comme toutes les autorités au dessus du supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire.

* 126Il s'agit d'un principe suivant lequel la haute hiérarchie peut prendre des mesures en faveur ou contre un fonctionnaire dans le cas où son supérieur hiérarchique direct hésite à la faire.

* 127 Rapport 2007 du MINJUSTICE sur l'état des droits de l'homme au Cameroun, op cit p.37

* 128 Rapport 2006 sur l'état des droits de l'homme au Cameroun p. 15.

* 129 Rapport sur l'état des droits de l'homme au Cameroun, pp 39-50.

* 130 Rapport du MINJUSTICE sur l'état des droits de l'homme au Cameroun en 2007, p.44.

* 131 Rapport 2006 sur l'état des droits de l'homme au Cameroun, MINJUSTICE, p. 11.

* 132 Ibid.

* 133 Rapport 2006 sur l'état des droits de l'homme au Cameroun, MINJUSTICE, p. 13.

* 134 Rapport du MINJUSTICE sur l'état des droits de l'homme au Cameroun en 2007, op. cit p. 40.

* 135 Encyclopédie wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Dignité, consulté le 12.11.2008

* 136 Lire GUIMDO (Bernard-Raymond), « Le droit d'accès à la justice administrative au Cameroun. Contribution à l'étude d'un droit fondamental », op. cit. P. 457.

* 137 La police, la gendarmerie, la magistrature et l'administration pénitentiaire elle-même sont directement impliquées dans la gestion des personnes privées de liberté.

* 138Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, document de politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral,

* 139 L'âge d'admission à la retraite est de 55 ans pour les intendants et les administrateurs de prison et de 45 ans pour les autres cadres, cf. décret n° 92/054 du 12 mars 1992 portant statut spécial du personnel de l'administration pénitentiaire.

* 140Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit, p. 64.

* 141L'article 137 al.2 stipule que : « il (le procureur) peut, à tout moment se transporter dans les locaux de police ou de gendarmerie pour procéder au contrôle de la garde à vue... ».

* 142Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral Op. cit p.63.

* 143 Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit pp 63-64.

* 144 Article du décret n° 92-066 du 03 avril 1992 portant création et organisation de l'ENAP.

* 145 Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, pp. 70-71.

* 146 Op.cit. p.72.

* 147 Chef lieu de la région du sud-ouest où est située l'ENAP.

* 148 Article 122 alinéa 4 du code de procédure pénale camerounais.

* 149 TEJIOZEM (Rogatien), op.cit.pp72-73.

* 150 Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op cit. p. 32.

* 151 Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit. p.31.

* 152 Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit. p.29.

* 153 Le Cameroun ne compte que 10 régions. Cette expression signifie que les détenus appartiennent à un monde à part formant la 11ème province, qui bien que faisant partie du Cameroun, n'est peuplé que de délinquants, d'où leur marginalisation. Au regard du décret 2008/376 du 12 novembre 2008 portant organisation administrative de la République du Cameroun, cette appellation pourrait bien devenir «11ème région''.

* 154 Article 1er alinéa 2 de la loi 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la commission nationale des droits de l'homme et des libertés.

* 155Article 3 de la loi 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la commission nationale des droits de l'homme et des libertés.

* 156 Cet article stipule que : «  sont punis d'une amende de 4000 à 25000 frs cfa et d'un emprisonnement de cinq à dix jours ou de l'une de ces peines seulement :

(...)

6-ceux qui par tous autres moyens que ceux prévus aux articles 157 et 158 du code pénal empêchent quiconque agissant pour l'exécution des lois, des règlements , des décisions judiciaires ou ordres légitimes, d'accomplir la mission dont il est légalement chargé.

7- ceux qui sans motif légitime, refusent ou négligent d'effectuer un service ou de prêter une assistance requise par l'autorité compétente soit en cas de crime ou délit flagrants, soit en vue d'assurer l'exécution d'une décision judiciaire (...). »

* 157Article 19 de la loi 2004/016 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la commission nationale des droits de l'homme et des libertés.

* 158Ce sont des principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'homme. Ils ont été adoptés en 1991 sur l'initiative du Centre pour les droits de l'homme qui a réuni des représentants d'institutions nationales, d'Etats, de l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées, ainsi que d'organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Les recommandations issues de ce séminaire ont été approuvées par la Commission des droits de l'homme en mars 1992, (résolution 1992/54) et par l'Assemblée générale (résolution A/RES/48/134 du 20 décembre 1993).

* 159Conseil Pontifical Justice et Paix, Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise ,1ère édition, Paris, Bayard, Cerfs, Fleurus Marne, 2005, p.101.

* 160 Constitution pastorale, Gaudium et Spes n °1.

* 161Voir les actes du séminaire tenu à LIMBE sur la justice réparatrice du 05 au 12 avril 2008. lire particulièrement les communication de Philippe Landenne « modèle des aumôneries », «  le ministère de la présence ».

* 162 Conseil Pontifical Justice et Paix, op. Cit.

* 163 Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit p.50.

* 164 ATAMENGUE (Edmond) et TSIMI ABOMO (Rémy), discours d'ouverture du séminaire de ............

* 165 C'est vers la fin des années 1970 que certains intellectuels tels que FOUCAULT ont entrepris de réfléchir sur les mesures alternatives à « l'enferment » connues aujourd'hui sous l'expression « peines en milieu ouvert ».

* 166Lire GUIMDO (B-R), « Les alternatives à l'emprisonnement dans les contextes de surpeuplement carcéral : le cas du Cameroun », op.cit.

* 167 Article691 alinéa 1 du code de procédure pénale

* 168 AHMADOU OUMAROU, Code de lois pénales, Presses Universitaires d'Afrique, 1998, p.55, article 61.D1.

* 169Le Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit., p.86.

* 170 Op.cit. p.83.

* 171 Ibid.

* 172 Les peines alternatives à la prison et l'aménagement des peines, une solution pour vider les prisons ? http://www.eleves.ens.fr/pollens/seminaire/seances/prisons/alternatives_amenagement.html

* 173 GUIMDO (B-R), « Les alternatives à l'emprisonnement dans les contextes de surpeuplement carcéral : le cas du Cameroun », op.cit.

* 174 Règles minima des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté Adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/110 du 14 décembre 199

* 175 La déclaration de Kampala sur les conditions de détention en Afrique, 21 septembre 1996.

* 176Les peines alternatives à la prison et l'aménagement des peines, une solution pour vider les prisons ? http://www.eleves.ens.fr/pollens/seminaire/seances/prisons/alternatives_amenagement.html, consulté le 01.05.2009.

* 177 Cette mesure est surtout utilisée lorsque la juridiction saisie estime que l'infraction commise résulte d'une défaillance psychologique du délinquant.

* 178 http://lib.ohchr.org/HRBodies/UPR/Documents/Session4/CM/ACAT_FIACAT_CMR_UPR_S4_2009_ACATCameroun_FederationInternationaledelActiondesChretienspourlAbolitiondelaTorture_FR_JOINT.pdf, consulté le 01.05.2009.

* 179Dans le cadre du 2ème protocole financier de la Convention de Lomé IV, le Cameroun et la Commission Européenne ont signé un programme indicatif national (PIN) pour le 8ème FED de 133 millions d'euros dont le premier programme relatif aux droits de l'homme est le PACDET.

* 180Le Comité de Pilotage est constitué du maître d'ouvrage qui est l'ordonnateur national du FED, du maître d'oeuvre qui est le ministère de la justice, de la délégation de la commission européenne en tant qu'observateur, de l'UGP, des ministères techniques compétents et de la société civile.

* 181 Ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire

* 182Rapport d'étape de la mission d'évaluation du PACDET, Paris-Bruxelles-Yaoundé, 10 mai 2004, ARS Progetti S. r. l., p. 16.

* 183Afrique, l'aide et l'Etat : inconciliables, indissociables, Courrier de la planète, entretien avec Mamadou Diouf, (Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique - CODESRIA) http://www.euforic.org/planete/33diouf.htm?&username=guest@euforic.org&password=9999&groups=EUFORIC&workgroup=, consulté le 07.05.09.

* 184Refonder l'Etat en Afrique : Proposition 06, http://www.afrique-gouvernance.net/fiches/bipint/fiche-bipint-207.html, consulté le 07.05.09.

* 185 GUIMDO (Bernard-Raymond), « Droit au développement et dignité humaine », in Les droits fondamentaux, actualité scientifique, dir. Jacques Morin, Bruylant, 1997, AUPELF-UREF, Bruxelles, pp 73-89.

* 186 Lire FOKA Frédéric, Le contentieux africain des droits de l'homme et des peuples, 3ft, septembre 2008.

* 187 TEJIOZEM (Rogatien), La détention préventive et le respect des droits de l'homme au Cameroun, Mémoire de Master en droit de l'homme et action humanitaire, UCAC,octobre 2005, p. 63.

* 188 Cité par NGONO (Solange), Le procès pénal camerounais au regard des exigences de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, éd. L'Harmattan, 2002p. 128.

* 189Afrique, l'aide et l'Etat : inconciliables, indissociables, Courrier de la planète, entretien avec Mamadou Diouf, (Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique - CODESRIA) http://www.euforic.org/planete/33diouf.htm?&username=guest@euforic.org&password=9999&groups=EUFORIC&workgroup=, consulté le 07.05.09.






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