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L'humanisation des lieux de détention au Cameroun

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par Vincent Pascal MOUEN MOUEN
Université catholique d'Afrique centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009
  

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Paragraphe2 : Les pratiques judiciaires préjudiciables aux détenus

Ce sont des usages qui portent atteinte aux droits des détenus mais qui sont rendus banals du fait de leur caractère répétitif. Ces pratiques se déclinent essentiellement en des lenteurs judiciaires et dans le caractère systématique de la privation de liberté dans l'administration de la justice.

A- La systématisation de la privation de liberté

Le juge d'instruction, le Procureur de la République et l'officier de police judiciaire disposent des pouvoirs légaux de privation de liberté. Le code d'instruction criminelle n'énumère aucun critère objectif dans l'usage de ce pouvoir discrétionnaire par le Procureur de la République, tout comme une totale liberté d'appréciation est laissée au magistrat instructeur lorsqu'une information judiciaire est ouverte.106(*) La détention préventive se justifie soit par les nécessités de l'instruction, soit à titre de mesure de sûreté ; C'est-à-dire, dans le but d'empêcher une concertation frauduleuse entre les complices, de conserver les preuves, de parvenir à la manifestation de la vérité ou bien dans le dans le but de mettre fin à l'infraction, de prévenir son renouvellement ou de maintenir la personne à la disposition de la justice. En principe donc, toute personne faisant l'objet d'une information judiciaire ou à l'encontre de laquelle des mesures de sûreté sont édictées peut être astreinte à la détention préventive. Cependant l'article 17 du code d'instruction criminelle y apporte des restrictions relatives à l'âge en proscrivant des poursuites contre les mineurs de 14 à 18 ans pour flagrant délit et par voie de citation directe. Ce qui rend obligatoire l'information judiciaire pour les délinquants de cette tranche d'age. De plus, le décret du 30 novembre 1928 instituant les juridictions spéciales et le régime de liberté surveillée en France exclut toute forme de détention préventive pour les mineurs de 10 ans, la tolère pour les mineurs de 10 à 14 ans seulement en cas de crime de sang, l'admet pour les mineurs de 14 à 18 ans uniquement dans des circonstances exceptionnelles. Mais dans la pratique, les juges d'instruction y font systématiquement recours dès lors qu'une information judiciaire est ouverte au point que l'information judiciaire renvoie très souvent dans le contexte camerounais à la mise en détention provisoire. Le comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral dans son document intitulé «politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral'' note bien cette propension à la systématisation de la privation de liberté dans l'administration de la justice. Le comité constate que :

« Le recours à la privation de liberté comme moyen privilégié de garantie d'une bonne administration de la justice pénale, même pour les infractions dont les auteurs ne présentent pas toujours de graves menaces pour la paix publique et la sécurité de la société, débouche inéluctablement sur la systématisation et le développement d'une tendance particulièrement répressive du système pénal camerounais. »107(*)

Comme cela ressort dans le tableau N°1, l'usage de la détention préventive ou provisoire s'est banalisé à un tel point que certains auteurs n'ont pas hésité à dire qu'au Cameroun la détention est le principe et la liberté l'exception.108(*) Pourtant, le professeur Adolphe MINKOA SHE soutient qu'« un système pénal respectueux des droits fondamentaux doit avoir à coeur de donner à la détention préventive un caractère exceptionnel, en prévoyant limitativement les cas où elle est possible et en organisant un contrôle efficace de la motivation de la décision de mise en détention.»109(*) Cette propension à l'intensification de l'usage de la détention préventive est encore plus prononcée dans les juridictions militaires. Le comité observe d'ailleurs que :

« Les titres de détention délivrés par les autorités militaires et qui, dans les prisons comme Garoua et Bafoussam tout particulièrement conduisent à de véritables crises dans la gestion des détentions préventives, traduisent à souhait, la tendance du juge camerounais à recourir à la privation de liberté comme mode privilégié de lutte contre la délinquance et partant de la criminalité. »110(*)

Les commissariats de police et les brigades de gendarmerie ne sont pas en marge de cette lutte contre la délinquance même primaire par la privation de liberté. En effet, les officiers de police judiciaire usent et abusent du pouvoir de garde à vue pourtant déjà bien encadré par le code de procédure pénale. Situation d'autant plus grave que leurs victimes ignorent dans la plupart des cas les dispositions légales qui encadrent les mesures de garde à vue et par conséquent ne peuvent initier des recours pour atteinte à leurs droits. C'est ainsi par exemple que la garde à vue est utilisée comme moyen de pression sur les justiciables pour régler des affaires relevant des tribunaux civils. Dans son rapport relatif à la visite des centres de détention de Yaoundé en décembre 2008, la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés confirme « de nombreux cas de garde à vue à l'occasion du règlement des affaires purement civiles » comme c'est le cas au commissariat de sécurité publique de Mendong.111(*) Les magistrats eux aussi font recours à cette pratique sinon comment justifier qu'une mineure de 20 ans soit emprisonnée pour non paiement d'une amende de 20.000frs cfa.112(*) Il en est de même de telles mesures prises à l'encontre des personnes justifiants d'un domicile connu, d'un emploi permanent et pour des motifs relevant du domaine de la contravention ou des délits mineurs.

* 106 L'information judiciaire est obligatoire pour les crimes et dans les affaires impliquant des mineurs, facultative pour les délits et exceptionnelle, voire inopportune pour les contraventions

* 107Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, « politique pénitentiaire et stratégie de réforme du système carcéral », Yaoundé, décembre 2006, p.41

* 108MESSINA BELINGA, Réflexion sur l'état actuel de la présomption d'innocence en droit positif camerounais, Mémoire de Maîtrise, Université de Ngaoundéré, 1998-1999.

* 109 MINKOA SHE (Adolphe), Droit de l'homme et droit pénal au Cameroun, coll. La vie du droit en Afrique, éd. Economia, Paris, 1999.

* 110Comité ad hoc chargé de l'élaboration d'une nouvelle politique pénitentiaire et de la réforme du système carcéral, op. cit. p 41.

* 111 Rapport général de la visite des centres de détention de Yaoundé, CHDHL, décembre 2008, p. 15.

* 112Ibid., p.26.

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