ANALYSE DES FACTEURS EXPLICATIFS DES ACCIDENTS DU
TRAVAIL
La littérature en matière de
sécurité de travail n'est pas très abondante en Côte
d'Ivoire. Et lorsqu'il s'agit de recenser les recherches qui ont porté
sur les variables socio-professionnelles, individuelles ou organisationnelles
et à fortiori dans les entreprises du secteur privé, leur nombre
chute de façon importante. Aussi, la majorité des recherches
recensées dans le cadre de la présente étude concernant
les facteurs explicatifs de la survenance des accidents de travail, porte-elle
essentiellement sur des études faites dans d'autres pays. Dans cette
section, il sera successivement présenté les variables
considérées et les résultats obtenus.
3-1. Variables socio-professionnelles
Deux (2) variables socio-professionnelles ont
été fréquemment évoquées dans l'analyse du
processus accidentel. Ce sont le corps d'emploi et le statut professionnel.
3-1-1. Corps d'emploi
Bien que la terminologie varie selon le pays et
l'équipe de chercheurs, le type d'emploi occupé par le
travailleur apparaît comme un des facteurs associés au processus
accidentel dans les entreprises.
En effet, il ressort des différentes recherches
consultées que certains corps d'emploi sont plus à risque alors
que d'autres présentent une probabilité plus élevée
de subir une lésion sévère. Notons cependant que les
résultats des différentes recherches révèlent une
certaine hétérogénéité pour ce qui est des
corps d'emploi les plus à risque.
Ainsi, Hunting et al. ont fait observer l'incidence du corps
d'emploi sur le risque d'accident du travail (HUNTING et al, 1994). Leur
étude a porté sur le secteur de l'industrie de la construction
pour lequel ils identifient les manoeuvres, les électriciens et les
plombiers comme les corps d'emploi à risque plus élevé.
Malheureusement, l'absence de dénominateurs limite la portée de
cette étude.
(KISNER et al, 1994), pour leur part, ont observé que
les opérateurs de machinerie lourde sont les corps d'emploi les plus
à risque comparativement aux autres travailleurs de ce même
secteur d'activité.
3-1-2. Statut professionnel
Plusieurs études évoquent l'incidence du statut
professionnel sur le processus accidentel. La classification des emplois selon
le statut professionnel se fait souvent sous deux angles : emplois
qualifiés et non qualifiés, ou par catégories
professionnelles. Ainsi, selon GINGRAS et al. (1996), les emplois
qualifiés occupés par ceux qui exercent un métier sont les
moins exposés aux risques d'accidents du travail. Par contre, les
accidents du travail surviennent fréquemment chez les travailleurs non
qualifiés.
On observe à travers d'autres études que les
cadres sont les moins exposés aux risques d'accident.
La recherche la plus pertinente concernant l'incidence du
statut professionnel est de loin celle de WISNIEWSKI (1976) qui a
étudié les accidents du travail mortels survenus en France. Il
souligne que globalement que les apprentis, les manoeuvres et les ouvriers
spécialisés subissent 2 fois plus d'accidents mortels que les
ouvriers qualifiés ou hautement qualifiés. Il observe que le
premier groupe compte 24,1% des effectifs globaux, mais 44,3% des accidents
mortels. WISNIEWSKI soutient que cette situation est attribuable à
l'ignorance des travailleurs non qualifiés.
3-2. Variables organisationnelles
Les variables organisationnelles retenues dans la plupart des
études concernant le processus accidentel au sein des entreprises sont
l'intensité du travail, la taille de l'entreprise et le secteur
d'activité.
3-2-1. Intensité du travail
La notion d'intensité du travail peut être assez
large. La majorité des études la restreignent par
conséquent au nombre d'heures travaillées. SALMINEN et al.(1993)
ont tenu compte de plusieurs facteurs pouvant causer des accidents dont la
pression engendrée par des échéanciers serrés et le
nombre élevé d'heures de travail. Ils concluent que les facteurs
les plus importants sont la nécessité de sauver du temps, le
calendrier de travail très serré, et enfin l'imprudence des
travailleurs.
KUMAR (1991) dans une étude menée en Alberta a
observé qu'une part importante des accidents survient à
l'occasion de travail de plus de 8 heures par jour.
WISNIEWSKI (1976), pour sa part estime que les horaires les
plus lourds sont ceux où l'on retrouve le plus d'accidents mortels et
que des délais de livraison trop courts engendrent des cadences de
travail très rapides susceptibles d'entraîner des imprudences de
la part des travailleurs.
3-2-2. Taille de l'entreprise
L'association entre la taille de l'entreprise et la survenue
des accidents est souvent soulignée par certains auteurs. Bien qu'il
n'existe aucune étude visant à déterminer la taille
optimale en dessous de laquelle le risque serait acceptable, plusieurs
recherches ont évoqué la liaison entre la taille de l'entreprise
et le risque d'accident. SURUDA et al., (1988) et SALMINEN ont affirmé
qu'il existe une relation négative entre la taille de l'entreprise et le
risque d'accident. Les opinions de ces auteurs sont fondées sur le fait
que les grandes entreprises disposent de plus de moyens pour investir dans la
prévention que les petites entreprises. De plus, il semble que le taux
de roulement de la main-d'oeuvre dans les petites entreprises est plus
élevé que dans les grandes entreprises.
En somme, ces auteurs montrent que la fréquence
d'accident du travail est plus élevée dans les petites
entreprises que celles de grandes tailles.
3-2-3. Secteur d'activité
Le secteur d'activité est également un facteur
explicatif de la survenue des accidents. Un grand nombre d'auteurs ont
axé leurs études sur un secteur particulier d'activité.
Cependant, une étude comparative des accidents du travail par secteur
révèle que certains secteurs sont plus exposés aux risques
d'accidents du travail que d'autres.
3-3. Caractéristiques individuelles
Plusieurs études soulignent l'incidence des
caractéristiques individuelles des travailleurs sur le processus
accidentel au sein des entreprises. Parmi celles-ci, les plus couramment
évoquées sont : l'âge, le sexe et
l'expérience.
3-3-1. Âge
L'âge du travailleur est autre facteur que plusieurs
auteurs ont étudié en lien avec les accidents du travail
notamment dans les entreprises du secteur privé. Les résultats
des différentes recherches consultées indiquent que certaines
catégories d'âge constituent des groupes à risque. Kumar
(1991), par exemple, estime que dans l'industrie de la construction au
Québec, 60 à 70% des victimes d'accidents ont moins de 35ans. En
ce qui a trait à la sévérité des accidents survenus
dans le même cadre, les classes d'âge de moins de 35ans et de plus
de 60ans sont victimes des accidents les plus graves.
Le BIT estime également sur la base d'études
faites aux Etats-Unis que les jeunes travailleurs sont sujets aux accidents du
travail que leurs aînés. (BIT, 1984)
3-3-2. Sexe
Le BIT estime que les jeunes hommes ont environ deux fois plus
d'accidents que les jeunes femmes. Le sexe serait donc un facteur explicatif de
la survenance des accidents du travail ; les femmes étant plus
prudentes que les hommes (BIT, 1984). En effet, des études menées
par cet organisme ont révélé que les hommes ont deux fois
plus risque d'avoir un accident que les femmes.
3-3-3. Expérience
A propos de l'expérience, certains auteurs se sont
intéressés à ce facteur dans l'étude de la survenue
d'évènements accidentels.
Ils montrent en effet qu'il s'agit d'un facteur très
important. Ils dissocient cependant l'expérience dans la tâche,
qui s'apprécie à travers le nombre d'années que le
travailleur passe à accomplir la même tâche, de
l'expérience dans la profession qui a trait au nombre d'années
dans une même profession. Il semble en fait que l'expérience dans
la tâche est plus importante que l'expérience dans la profession
(SALMINEN et al, 1993). Par conséquent, l'expérience constitue un
facteur de protection (LEES et al, 1989). WISNIEWSKI (1976) pour sa part
soutien que la mobilité de la main-d'oeuvre est un facteur structurel
aggravant car une forte mobilité de la main d'oeuvre raccourcit
considérablement l'expérience dans la tâche.
3-4. Caractéristiques des accidents
Bien que l'on observe une certaine variation d'une
étude à l'autre, ce groupe de facteurs explique une bonne part de
la sévérité des lésions (GINGRAS et al, 1996). Ce
constat n'est pas étonnant compte tenu de leur interdépendance.
Les considérer revêt une grande importance puisque certains
facteurs, tels le corps d'emploi et la tache exercée, déterminent
potentiellement leur niveau de risque plus précisément par
rapport au siège et à la nature de la lésion, de
même qu'au genre d'évènement qui est à l'origine de
la lésion.
3-4-1. Siège et nature des
blessures
Le siège et la nature des blessures sont sans contredit
les facteurs qui reviennent le plus souvent dans les différentes
études consultées pour décrire les accidents. En fait,
à travers les études, principalement celles qui
s'intéressent à la sévérité des accidents,
le siège et la nature des lésions sont généralement
les facteurs qui expliquent le plus souvent la sévérité
des blessures (CHEADLE et al, 1994).
3-4-2. Genre d'accident
Le genre d'accident est également associé au
processus accidentel et plus particulièrement à la
sévérité des accidents. Aussi, les auteurs qui ont mis
l'emphase sur les accidents mortels accordent-ils beaucoup d'importance
à ce facteur. Les chutes sont à l'origine d'une importante
proportion d'accidents mortels (HUNTING et al, 1994). Et on les retrouve
également en forte proportion dans les accidents moins graves.
Dans une étude sur les accidents mortels, WISNIEWSKI
(1976) a traité le genre d'accident dans la perspective où le
travailleur participait à l'action au cours de laquelle est survenu
l'accident, ou au contraire, n'avait aucune participation dans le processus
accidentel.
Il s'agit en effet, d'une façon originale, de
considérer le genre d'accident d'autant plus que cet auteur
établit un lien entre le genre d'accident ainsi défini et la
notion de qualification professionnelle. De plus, il souligne que les victimes
passives sont majoritairement des travailleurs mobiles, qui se déplacent
beaucoup sur leurs sites de travail. Il ajoute que ces derniers sont
généralement à ce poste depuis peu de temps.
2. MODELISATION ECONOMETRIQUE DES FACTEURS EXPLICATIFS
DES ACCIDENTS DE TRAVAIL
Les probabilités individuelles d'accidents du travail
ont été estimées dans la majeure partie des études
évoquées plus haut par un modèle
économétrique multivarié. Le modèle
économétrique utilisé pour exprimer la fréquence
individuelle d'accident est le modèle de Poisson
généralisé ou binomiale négative. En effet, ce
modèle a permis à ces auteurs de tenir compte à la fois
des facteurs explicatifs précédemment évoqués et du
fait que les variances individuelles d'accident peuvent être de
différentes moyennes (BOYER, DIONNE et VANASSE, 1992).
Ce modèle a été dans l'
« étude de l'influence de certaines caractéristiques
entreprises et du secteur de la construction sur les accidents du
travail » (GRINGAS et al. 1996) et « l'analyse des facteurs
qui expliquent les taux et les gravités des accidents routiers
impliquant les chauffeurs professionnels au Québec » (DIONNE
et al., 1995)
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