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les limites des voies d'exécution eu égard à la protection des données personnelles

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par Cécile BARRA
Faculté de Droit et Science politique Aix Marseille III - Master II 2008
  

Disponible en mode multipage

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Faculté de Droit et de Science Politique - AIX-MARSEILLE III

MASTER II « CONTENTIEUX ET VOIES D'EXECUTION »

---------------------------

Les limites des procédures d'exécution . eu égard à la protection des données . personnelles

---------------------------

Année : 2007-2008

Liste des abréviations

BICC Bulletin d'information de la Cour de cassation

CA Cour d'appel

CCass Cour de cassation

Civ Civile

CNIL  Commission Nationale Informatique et Libertés

Ed Edition

IR Informations Rapides

JCP Juris-Classeur Périodique

JO Journal Officiel

Op cit Opere citato

P Page

RTD civ Revue trimestrielle de droit civil

UIHJ Union Internationale des Huissiers de Justice

VTM Véhicule Terrestre à Moteur Sommaire

Introduction

TITRE I

La recherche d'informations pour l'huissier de justice

Chapitre I Les moyens accessibles à tous

Chapitre II : Les rapports avec les autorités

Chapitre III : La place des tiers dans les procédures

d'exécution

Chapitre III : Le régime d'utilisation des données obtenues

et ses conséquences

TITRE II

Existence d'un marché parallèle

Chapitre I : Le marché parallèle de l'information

Chapitre II : La dévalorisation du titre exécutoire

TITRE III

Une réforme nécessaire

Chapitre I : La recherche d'informations dans d'autres Etats

européens

Chapitre II Les perspectives envisageables

Conclusion

Introduction

Comme l'écrivait le philosophe Alain, au début du XXème siècle, « il n'y a que les huissiers de justice qui savent quelque chose et peut-être aussi les vieux juges de la paix qui approchent les réalités de la vie ». Cette citation n'est plus en adéquation avec la situation actuelle.

Les huissiers de justice rencontrent des difficultés dans la recherche d'informations, indispensables pour mettre en application les titres exécutoires.

En matière d'exécution, la réforme issue de la loi du 9 juillet 1991 et son décret d'application du 31 juillet 1992 était attendue et a été appréciée.

Cependant, la mise en oeuvre de la justice française rencontre des problèmes et les critiques des justiciables sont nombreuses. Ces difficultés ont-elles toujours existé ?

La profession de ce qui s'apparente aujourd'hui à celle des huissiers de justice se retrouve dès l'Antiquité. A cette époque, sous la Pax Romana, nos ancêtres avaient recours à ce qu'ils appelaient des « officiales » afin de faire appliquer les décisions des juges. Suivant leurs fonctions, les « officiales » avaient des titres différents. Parmi eux, on retiendra les « apparitores » et les « executores ». Les premiers avaient pour mission de rassembler le peuple lors des jugements, d'introduire les justiciables et d'assurer la police des audiences. Les seconds procédaient aux saisies des biens des débiteurs ou à des "contraintes par corps" par lesquelles le créancier se faisait payer en emprisonnant son débiteur.

Les invasions barbares mirent fin à la Pax Romana et la justice privée réapparut.

C'est au Moyen Age que les différentes juridictions qui émergèrent, qu'elles soient seigneuriales, ecclésiastiques ou royales, eurent besoin d'une diversité d'agents assermentés ayant une autorité suffisante pour faire exécuter leurs décisions. C'est ainsi que les « officiales » romains devinrent sergents et huissiers. Par ailleurs, c'est à cette période, que le droit coutumier qui auparavant se transmettait oralement, a été écrit et rassemblé par les gens d'église. Au XIVème siècle, l'huissier est celui qui est préposé au service de certaines assemblées comme l'huissier du Parlement (1320) et, dès 1538, il est un Officier ministériel chargé de signifier les actes de procédures.

Progressivement, les huissiers devinrent les officiers des juridictions importantes. Leurs compétences s'élargirent En 1705, un édit donna le titre commun d' « huissier ». 

L'invention de l'imprimerie, au XVème siècle, permit une évolution du droit et de la législation. Les informations auxquelles pouvait avoir accès l'huissier de justice étaient ensuite retranscrites.

Le statut actuel des huissiers de justice résulte d'une ordonnance du 2 novembre 1945 et d'un décret d'application du 29 février 1956, plusieurs fois modifiés : ces textes fixent les limites de leur monopole, les conditions de leur responsabilité professionnelle, précisent leur statut et autorisent leur groupement ou leur association.

Différents articles du Code pénal renforcent les sanctions applicables à certaines infractions lorsqu'elles sont commises sur la personne d'un huissier dans l'exercice de ses fonctions.

Dès le XVIIIème siècle, il était déjà devenu nécessaire de prendre en compte les réalités économiques et sociales de la société. Les évolutions n'ont pas cessé jusqu'au XXème siècle et le législateur de 1991 a dû assurer l'effectivité du droit de créance du créancier saisissant. Ce droit à l'exécution forcée est énoncé dans l'article 1 de la loi du 9 juillet 1991 : « Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ».

Les huissiers de justice se sont vu offrir un panel de mesures en adéquation avec la situation de l'époque. Le législateur leur a donné toute latitude afin qu'ils choisissent parmi toutes les possibilités le moyen le plus adapté aux situations.

Selon les articles 2092 et 2093 du code civil, le patrimoine entier d'un débiteur est le gage de ses créanciers. Cependant, compte tenu de la dématérialisation du patrimoine, de la multiplication des achats à crédit avec clause de réserve de propriété, celui-ci est de plus en plus difficile à appréhender.

Le problème majeur reste cependant les questions de localisation du débiteur et de détermination de son patrimoine. Certains débiteurs organisent leur insolvabilité et fuient leurs responsabilités. A l'époque de la réforme, le législateur n'avait pas forcément pris en compte cette difficulté.

Avec l'article 3 de la loi du 9 juillet 1991, le législateur a tenté de valoriser des différents titres exécutoires servant de base aux procédures d'exécution. Ces titres proviennent de professionnels de la justice ou de personnes publiques. Il est donc important de leur conférer une certaine valeur, à l'inverse, ne pas mettre à exécution ces actes conduirait à un désaveu du pouvoir de ces représentants.

Il est nécessaire que l'exécution soit efficace, sachant qu'elle fait partie intégrante du droit au procès équitable issu des dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, entrée en vigueur en 1953. A l'inverse, si l'exécution échoue, le procès serait vidé de sa substance.

L'article 9 du code civil énonce que « chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures (...) propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ». S'agissant des officiers publics et ministériels, selon la Cour de cassation1(*), la discipline professionnelle n'exclut pas la prise en considération d'éléments de vie privée, eu égard à la portée sociale et d'intérêt public des fonctions qu'ils exercent. La CNIL, Commission nationale de l'informatique et des libertés, a confirmé ce principe, lors de la séance du 28 juin 2006, en prononçant une amende de 5.000 euros à l'encontre d'une étude d'huissiers de justice pour violation de l'intimité de la vie privée et pour entrave à l'action de la Commission. Les huissiers de justice sont, de par leur mission, proches des problèmes des débiteurs et donc souvent à la frontière de leur vie privée.

Le législateur de 1991 a cherché à aider les huissiers de justice en leur facilitant l'accès à l'information. Il a également voulu renforcer les obligations des tiers en matière de recherche de renseignements. Le procureur de la République, s'est donc vu ajouter une fonction d'aide envers les huissiers de justice issue des articles 39 et suivants. C'est un point important de la réforme.

Au côté du procureur de la République, les tiers ont aussi un devoir de collaboration. Dans le cadre de chaque saisie, des dispositions ont été mises en place déterminant ainsi le rôle des tiers. L'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 généralise cette obligation sous peine de sanctions : « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu'ils en sont légalement requis.

Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ses obligations peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts.

Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur. »

Les obligations énoncées montrent la nécessité du respect de la justice sous peine de sanctions, responsabilisant ainsi les tiers.

Ce cadre législatif était une aubaine pour les huissiers de justice qui ont vu là, les mesures adaptées au recouvrement.

La satisfaction des créanciers est un des objectifs des procédures d'exécution forcée, il ne faut néanmoins pas négliger la protection des débiteurs. Le législateur a souhaité humaniser les voies d'exécution. En parallèle, naît un paradoxe : les huissiers de justice doivent écouter et conseiller les débiteurs mais ces derniers en revanche, n'ont que peu d'obligations envers ces professionnels de la justice.

La protection des débiteurs est croissante avec l'augmentation du patrimoine insaisissable, de la protection des personnes surendettées... Le droit civil permet par ailleurs un échelonnement de la dette sur un délai maximum de deux ans, dès lors qu'elle n'est pas alimentaire. Les articles 1244-1 à 1244-3 n'envisagent que le cas des délais de paiement de sommes d'argent. La Cour d'appel de Paris, dans une jurisprudence isolée avait retenu, en 1991, que « ces textes de droit commun sont de portée générale qui s'applique non seulement au débiteur d'une somme d'argent mais encore à tous ceux qui sont tenus d'une obligation quelconque ». Dans ces deux hypothèses, les délais de grâce contribuent à protéger le débiteur et lui donne des moyens de défense.

Le législateur a souhaité éviter des mesures pouvant être vécues comme traumatisantes pour le débiteur, ainsi en matière de créance d'un petit montant, seront privilégiées la saisie-rémunération ou la saisie-attribution de comptes bancaires.

M. Gérard CORNU rappelle que « l'insaisissabilité est une protection spéciale découlant de la loi qui met tout ou partie de certains biens d'une personne hors d'atteinte de ses créanciers, en interdisant que ces biens soient l'objet d'une saisie, dans les limites et sous les exceptions déterminées par la loi »2(*). En ce sens, les dispositions du code civil ont été reprises au sein de l'article 14 de la loi du 9 juillet 1991 et son décret d'application. Certains biens de la vie courante ne peuvent pas être saisis, eu égard au respect de la dignité de la personne saisie. La loi exige que le créancier laisse un minimum indispensable aux besoins quotidiens de son débiteur. Ces dispositions législatives et décrétales contiennent une énumération des objets insaisissables, notamment les vêtements et la literie, les objets nécessaires à la préparation et à la conservation des aliments, les appareils de chauffage, une machine à laver (...). Toutefois, la loi prévoit des exceptions en raison de l'importance des biens énumérés ou de leur valeur.

Le législateur vise également la protection des créances alimentaires. Dans le cadre d'une saisie-attribution, selon les dispositions de l'article 46 du décret du 31 juillet 1992, un débiteur peut demander la mise à disposition d'une somme à caractère alimentaire d'un montant au plus égal à celui du revenu minimum d'insertion pour un allocataire. Toute cette série de dispositions protège le débiteur mais en contrepartie réduit la marge de manoeuvre des huissiers de justice.

La démarche des huissiers de justice, dans le but d'une recherche rapide et performante de renseignements, est entravée par la Commission Nationale Informatique et Libertés. La protection des données personnelles va de pair avec la CNIL, autorité administrative indépendante, créée par la Loi informatiques et libertés du 6 janvier 1978, ayant pour objectif de contrôler les transferts et les utilisations de renseignements d'ordre privé. Cet organisme veille au respect de la vie privée, au secret professionnel. La Commission est attentive à l'égard des particuliers et n'a pas pour objet de faciliter le travail de recherches des huissiers de justice. Par son action, la CNIL pose des obstacles à l'exécution de la justice française, et a contribué à alimenter l'existence d'un marché parallèle de l'information. A l'heure actuelle, pour obtenir des renseignements, certains créanciers n'hésitent plus à avancer des fonds et payer des sociétés spécialisées au détriment de la profession de l'huissier de justice.

Les huissiers de justice ont, selon les textes officiels, le monopole du recouvrement sur le territoire français. Cependant, de nos jours, ils ne l'ont plus en ce qui concerne la phase amiable. Ils n'ont plus à leur disposition les moyens de conserver ce monopole d'où l'existence des sociétés spécialisées. Ces dernières ont, pour la plupart, mis en place un recouvrement parallèle peu réglementé. Outre la question financière entraînant une discrimination dans l'efficacité du recouvrement, on doit également s'interroger sur les pratiques de ces sociétés.

La mise en place en France de la réforme de 1991 et de son décret d'application de 1992 a montré en son temps l'efficacité du système de la requête au procureur de la République, cependant il convient désormais de trouver d'autres moyens de recherche pour rendre l'exécution plus efficace. D'autres Etats européens peuvent présenter des similitudes avec le système français ou servir de modèles pour faire évoluer le Droit positif.

La recherche d'information par l'huissier de justice en France suscite de nombreuses questions ; cependant le problème central reste le même : comment les huissiers de justice peuvent-ils obtenir des renseignements permettant de localiser un débiteur, de déterminer le contenu de son patrimoine, données nécessaires à la mise en place des procédures d'exécution ?

Par conséquent, il convient d'étudier ce sujet selon trois axes. Le premier concerne la recherche en Droit positif (Titre I), dans laquelle il faudra détailler les moyens accessibles à tous (Chapitre I) puis ceux spécifiques à la profession d'huissier de justice (Chapitre II). Ensuite, il conviendra de réfléchir sur l'existence d'un marché parallèle de l'information et ses conséquences néfastes (Titre II) avec l'étude de ces sociétés (Chapitre I) et de la dévalorisation du titre exécutoire (Chapitre II). Il faudra prendre en compte la nécessité d'une nouvelle réforme (Titre III) avec, comme source d'inspiration, d'autres Etats européens (Chapitre I) et les perspectives envisageables en France (Chapitre II).

TITRE I 

La recherche d'informations pour l'huissier de justice

La recherche de renseignements occupe une place importante dans le quotidien des huissiers de justice et de leurs clercs.

Le Droit positif français met à la disposition des huissiers de justice différents accès aux renseignements. Ces informations vont permettre de localiser un débiteur, déterminer le contenu de son patrimoine et par conséquent connaître sa solvabilité.

Les huissiers de justice peuvent utiliser des moyens accessibles à tous (Chapitre I) et ceux spécifiques à leur profession (Chapitre II).

Chapitre I Les moyens accessibles à tous

Dans le cadre de ces moyens de recherche d'informations, les parties à l'exécution forcée (débiteur, créancier, tiers) jouent un rôle prépondérant (Section I). Cependant l'huissier de justice doit rester vigilant dans l'exercice de sa mission notamment à l'étude mais surtout sur le terrain (Section II).

Section I : Les acteurs principaux de cette

recherche d'informations

La mise à exécution d'un jugement, le recouvrement d'une créance nécessitent un minimum d'informations d'ordre formel.

Le premier pas vers l'information se fait par l'aide du créancier, puis du débiteur. Le créancier, en transmettant son dossier à un huissier de justice, montre sa volonté de voir sa créance recouvrée ou encore son acte signifié.

Théoriquement, dans les jugements, sont précisés les nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse des parties. La signification d'un acte est une manière de collecter des renseignements.

Dans certains litiges, il est possible de penser que les parties se connaissent bien voire très bien. Le créancier possède certainement des informations concernant son débiteur, ne serait-ce que son état civil ou simplement son numéro de téléphone, sa profession... Ces données obtenues permettent de constituer la base de l'identification du débiteur à moindre frais. Cette coopération mandant/mandataire a été placée au rang d'obligation par la Cour de Cassation dans un arrêt du 28 Septembre 2000. Cette dernière avait retenu le manque de diligence de l'huissier de justice dans un litige opposant le mandant à son ex-femme destinataire de l'acte. En effet, l'huissier de justice avait omis de demander si son mandant connaissait l'adresse de son ex-femme. La Cour de cassation a considéré comme un défaut de diligence de la part de l'huissier de justice mandaté le fait de n'avoir pas interrogé le mandant sur l'adresse de son ex-femme; lequel aurait pu lui-même communiquer spontanément cette information dans son propre intérêt. Dans le cas de recouvrement de cotisations sociales, il est fréquent que l'organisme communique dès l'ouverture du dossier le numéro de compte bancaire de son débiteur. Il en va de même pour le recouvrement de créances pour le compte d'opérateurs téléphoniques dans l'hypothèse où les clients auraient opté pour le prélèvement automatique. Tout créancier disposant de données inhérentes au dossier se doit de les communiquer à l'huissier de justice. Autant d'hypothèses dans lesquelles les informations données par le mandant peuvent faciliter et éviter les retards dus à ces recherches.

Une fois le débiteur identifié, celui-ci se devrait d'être loyal envers l'huissier de justice, il en va de son propre intérêt. Certes, il ne souhaite peut-être pas qu'une procédure soit engagée mais il se doit malgré tout de communiquer certains renseignements comme le nom de son employeur, voire son lieu de travail. D'autre part, le débiteur peut éclairer l'huissier sur sa solvabilité ou son endettement. Il se trouve donc en première ligne pour informer l'huissier de justice en charge de son dossier. Ainsi le code de procédure civile prévoit que, pour certaines créances, l'huissier de justice peut enjoindre au débiteur de lui communiquer des informations le concernant. Dans le cadre d'une procédure de saisie-vente, les articles 82 et 83 du décret du 31 juillet 1992 disposent que « lorsqu'il s'agit d'une créance, autre qu'alimentaire, dont le montant n'excède pas la somme de 535 euros en principal (...) » l'acte d'huissier de justice contient entre autres la «mention du titre exécutoire (...) commandement d'avoir à payer dans un délai de huit jours (...) injonction de communiquer à l'huissier de justice du poursuivant dans un délai de huit jours, les nom et adresse de son employeur ainsi que les références de ses comptes bancaires ou l'un de ces deux éléments seulement (...) »

En l'état des renseignements possédés, les huissiers de justice constatent, par expérience, que très peu de réponses sont données par le biais de ces dispositions. Il convient donc de rechercher des informations quant à la solvabilité du débiteur dans le but de connaître la constitution du patrimoine de celui-ci et par conséquent de déterminer la procédure adéquate à engager. Les renseignements sont le préalable à une procédure efficace et ce dans l'intérêt des débiteurs, en évitant des procédures basées sur des incertitudes. La multiplication des frais est ainsi évitée, il n'y aura pas de frais frustratoires.

L'attitude du débiteur est importante. L'analyse des renseignements déjà obtenus permet à l'huissier de justice d'adapter la procédure. Il y a trois sortes de débiteurs : ceux qui acceptent de payer, ceux qui refusent et ceux qui ne peuvent pas. Certains vont donc coopérer, d'autres non.

De nos jours, une grande partie des dossiers des grands donneurs d'ordre transitent au préalable par un service de recouvrement amiable avant d'être transmis à un huissier de justice pour le recouvrement judiciaire de la créance.

Il existe des sociétés spécialisées en recouvrement amiable ayant pignon sur rue et d'autres moins fiables qui n'hésitent pas à employer des moyens parfois à la limite de la légalité : harcèlement, menaces, pression, abus de faiblesse... Ces sociétés, pour travailler, ont besoin de renseignements qu'elles ne peuvent obtenir que par des moyens illégaux tout du moins pour ce qui relève de la vie privée. Il y a donc deux systèmes, l'un encadré et légal, l'autre sans contrôle.

Dans le cadre d'une procédure judiciaire, le rôle des avocats est important. Cependant, ils sont assujettis au secret professionnel. Il y donc là une incohérence. Un avocat doit agir dans l'intérêt de son client et c'est à ce titre qu'il devrait être autorisé, sans violer les règles déontologiques, à communiquer des renseignements à l'huissier de justice qui en ferait la demande. La réponse éventuelle de l'avocat serait un témoignage. Dans cette hypothèse et comme le souligne M. R. MARTIN, le défenseur requis « peut refuser de témoigner ou encore, acceptant de témoigner, il peut ne révéler que les faits favorables à son client, ce qui enlève à son témoignage à l'égard de l'accusation beaucoup de son efficacité »3(*). Par ailleurs, la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre criminelle en date du 24 mai 1862, précise que l'avocat a toujours été tenu de garder un secret inviolable sur tout ce qu'il apprend à ce titre ; que cette obligation est d'ordre public ; que l'avocat appelé en témoignage n'a donc, dans sa déposition, d'autre règle que sa conscience et qu'il doit s'abstenir des réponses qu'elle lui interdit ».

Dans la plupart des dossiers, les données personnelles obtenues grâce à ces trois acteurs : créancier, débiteur, avocat des parties, ne suffisent pas pour connaître la solvabilité du débiteur.

L'huissier de justice en charge du dossier se doit donc d'entreprendre de sa propre initiative des recherches pour mener à bien l'exécution confiée par son mandant.

Section II La recherche d'informations à l'initiative

de l'huissier de justice

L'huissier de justice et ses clercs ont accès, à l'étude, à différents moyens de recherche (I), cependant, en tournée sur le terrain, et notamment lorsqu'ils sont en visite chez des débiteurs, ils se doivent de rester attentifs (II).

I A l'étude

Internet est le premier moyen qui s'impose. Ce recueil moderne d'information peut permettre de retrouver les coordonnées d'une personne.

Les pages jaunes et blanches permettent de recueillir des données visant à localiser le débiteur. Les pages jaunes concernent les professionnels, les sociétés, les associations... et les pages blanches, les particuliers. En effet, avec les nom et prénoms du débiteur et la localité, il est possible d'obtenir son adresse complète ainsi que ses coordonnées téléphoniques. Cependant rien ne garantit l'exactitude des renseignements compte tenu de la mise à jour annuelle et du fait que le débiteur peut avoir choisi de ne pas figurer sur ces annuaires et d'être en liste rouge.

La Cour d'appel de Grenoble en date du 15 mai 2006 4(*) a considéré comme un manque de diligence de la part de l'huissier de justice concerné, le fait d'avoir consulté en vain l'annuaire de France Télécom afin d'y trouver les coordonnées de la personne à laquelle il était chargé de signifier un jugement et d'avoir dressé un procès verbal de recherches infructueuses alors que l'intéressé figurait bien sur les listes d'abonnés téléphoniques. L'interprétation de cet arrêt permet de mettre en avant le fait que la consultation des annuaires téléphoniques fait partie intégrante des diligences devant être effectuées par l'huissier de justice et ses clercs afin de retrouver un débiteur.

Toujours en ce qui concerne les sociétés débitrices, le site Internet du greffe du tribunal de commerce5(*) est un outil intéressant bien que payant. Sur les extraits K.bis, entre autres, seront indiqués : la dénomination sociale, le numéro d'identification au Registre du commerce et des sociétés (RCS), l'adresse du siège social, le nom du gérant. Il est possible d'obtenir moyennant également paiement : l'historique des modifications au RCS, l'état d'endettement ou encore un état en matière de procédure collective... De plus, différentes façons de chercher sont prévues : par le nom, la dénomination sociale de la société ou le numéro d'identification RCS, ensuite par le nom du dirigeant. Les informations doivent être inscrites de façon précise sur le site, avec ponctuation si nécessaire compte tenu de l'importance des renseignements qui vont être obtenues, aucune erreur n'est permise.

Cette méthode permet de savoir si l'entreprise est en exercice, radiée ou encore en procédure de redressement judiciaire..., informations importantes. Dans l'hypothèse où la société aurait été radiée, elle n'aurait évidemment plus son siège social à l'adresse indiquée.

En ce qui concerne les questions cadastrales et hypothécaires, il est possible également d'obtenir des réponses à partir d'Internet6(*). Ce service est payant, mais il faut connaître les noms, prénoms, date et ville de naissance de la personne recherchée, ensuite rentrer le code postal de la ville où elle est présumée être propriétaire... Les données à renseigner sur le site sont parfois également celles recherchées, dans cette hypothèse, la recherche ne pourra pas se faire sur le site Internet, elle sera faite directement au service cadastre de la ville à partir des noms et prénoms principalement.

Il est possible sans avoir à se déplacer d'envoyer au bureau des hypothèques une fiche préétablie dénommée « renseignements sommaires urgents »7(*). Deux hypothèses sont prévues, la demande est faite soit sous une entrée «immeuble» : recherche du (ou des) propriétaire(s) d'un immeuble repéré, ce dernier désigné par la commune sur laquelle il est situé et ses références cadastrales, soit par une entrée «propriétaire» si l'on souhaite connaître les biens immobiliers d'une personne, situées dans le ressort géographique de la conservation des hypothèques. L'informatisation du fichier immobilier (Fichier Informatisé de la Documentation Juridique sur les Immeubles : FIDJI) débutée en 1998 a été achevée en 2003. En conséquence, les renseignements figurent soit sur des fiches scannées pour la période antérieure à FIDJI soit dans des bases informatisées. Aussi, à la demande de l'huissier de justice, le conservateur des hypothèques pourra envoyer une fiche d'immeuble, une fiche personnelle.

Les renseignements sont délivrés sous la forme d'un état réponse et peuvent être obtenus suite au dépôt d'une des trois sortes de demandes :

- celle de renseignements réels ayant pour finalité d'obtenir l'ensemble des renseignements publiés sous FIDJI concernant un immeuble,

- celle de renseignements personnels afin de recevoir l'ensemble des renseignements publiés sous FIDJI concernant une personne

- celle de renseignements réels personnalisés pour connaitre l'ensemble des renseignements du chef d'une personne portant sur un immeuble déterminé.

Au-delà de ces investigations réalisées au sein de l'étude, certaines recherches doivent êtres faites sur le terrain dans le but de recueillir d'autres informations utiles.

II L'huissier de justice en tournée

L'huissier de justice ou ses clercs, lorsqu'ils sont en tournée de signification peuvent commencer par se rendre à l'adresse indiquée. A partir de là, différentes options s'offrent à eux : regarder les différentes sonnettes, les boites aux lettres, interroger des voisins ou encore le facteur...Tout ceci en respectant la vie privée de la personne recherchée conformément au Droit positif.

La toute première étape des recherches à l'extérieur consiste à chercher si, à l'adresse indiquée, une sonnette porte le nom du débiteur recherché. A ce moment là, il suffira de sonner et d'attendre que quelqu'un vienne répondre pour confirmer si le débiteur habite bien là. Cependant, si personne ne répond pour quelles que raisons que ce soit, l'huissier de justice ou son clerc à la recherche d'informations ne pourra pas se contenter d'une inscription peut-être désuète sur une sonnette, en parallèle, il faudra donc essayer de trouver la boite aux lettres correspondante, afin d'y laisser un avis de passage.

Sur le terrain, la principale personne pouvant apporter des renseignements se trouve être le facteur : personnage clé surtout dans les petits villages ou les quartiers. En effet, il côtoie tous les jours ou presque les habitants. En distribuant le courrier, il connaît les boites aux lettres même celles sans nom car il a dû rechercher à qui elles appartenaient. En évitant une double enquête, il fait gagner du temps dans cette quête de l'information.

Par ailleurs, certaines personnes peuvent connaître leurs différents voisins. Cette hypothèse est surtout valable dans les villages ou les lotissements. Dans notre société que l'on dit assez individualiste, il est plus rare qu'en ville les voisins se connaissent réellement, surtout s'il s'agit de locataires et non de propriétaires.

L'huissier de justice est tenu de procéder à des recherches élémentaires imposées par le bon sens. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 9 mars 1994, a retenu qu'il incombe à l'huissier de justice de recueillir auprès de la fille du destinataire d'un acte, dont il lui a été indiqué par un locataire qu'elle demeure dans l'immeuble, tous renseignements utiles.

Dans deux autres de ses arrêts, respectivement en date du 7 décembre 20068(*) et du 25 janvier 20079(*), la Cour de cassation considère l'interrogation du voisinage comme faisant partie des diligences à suivre dans le cadre de la recherche du destinataire d'un acte. Au travers de ces deux décisions, l'idée se dessine que cette interrogation ne suffit pas à caractériser des investigations complètes de la part d'un huissier de justice.

Dans un tout autre registre, la mairie est également un point de centralisation de données potentielles. Le service des élections conserve toutes les inscriptions sur les listes électorales, ces dernières peuvent être consultées par tous. Elles comportent entre autres les nom, prénoms, date et lieu de naissance de la personne inscrite ainsi que l'adresse qu'elle a donnée lors de son inscription. Cependant, chaque mairie possède son propre service électoral, ce qui ne facilitera pas les recherches. Le personnel municipal, surtout celui des villages voire des petites agglomérations ou encore des mairies annexes, peuvent fournir des renseignements utiles car il est au coeur des formalités administratives et donc au contact des habitants.

Les visites de l'huissier de justice expérimenté et avisé au domicile du débiteur peuvent permettre de noter certaines informations essentielles pour la suite. Par exemple, le calendrier d'une banque accroché au mur peut indiquer que la personne a ouvert un compte dans cet établissement bancaire. La lettre d'une banque également, posée sur le coin d'une table peut être un indice. L'huissier de justice doit être très observateur.

Dans les hypothèses où un contact téléphonique a déjà été établi avec le débiteur, ce dernier peut indiquer son adresse par exemple. Dans le même cas, l'huissier de justice amené à rencontrer en personne le débiteur, pourrait voir le porte clés d'un garage automobile qui laisserait penser que ce dernier possède un véhicule de cette marque.

Interroger les employeurs même sans titre exécutoire peut se révéler parfois très porteur. Par exemple, dans l'armée, lorsque l'on demande si une personne fait partie des troupes, soit l'armée répond qu'elle ne communique aucun renseignement sans titre exécutoire, soit elle répond tout simplement que la personne ne fait pas partie de celles-ci. L'huissier de justice aura donc sa réponse.

Dans certains cas, ces moyens de recherches ne suffisent pas pour obtenir les données nécessaires à l'engagement de voies d'exécution, il faut donc avoir recours à d'autres méthodes, aux autorités comme le préfet ou le Ministère Public. Ces dispositions sont prévues essentiellement pour l'huissier de justice.

Chapitre II : Les rapports avec les autorités

Le législateur de 1991 a donné à certaines autorités l'obligation de coopérer avec l'huissier de justice qui en ferait la demande. Ainsi, par une requête de l'huissier, peuvent être saisis le procureur de la République (Section I), le préfet (Section II). Depuis 2003, les huissiers de justice peuvent plus facilement obtenir des informations concernant les comptes bancaires d'un débiteur (Section III).

Section I La recherche d'informations avec

l'aide du Parquet

Il peut arriver que le créancier qui entend pratiquer une saisie à l'encontre de son débiteur ne soit pas en mesure de fournir à l'huissier de justice mandaté des renseignements indispensables et que ce dernier ne puisse pas les obtenir par lui-même.

Le recours au Ministère public est soumis à des conditions de forme (I), des conditions de fond (II) dans le dessein unique d'obtenir des informations concernant le débiteur. Cette requête sera reçue par le procureur de la République (III). Les informations visées sont détenues le plus souvent par des organismes publics.

I Les conditions de fond

Les articles 39 à 41 de la loi du 9 juillet 1991 organisent la mission de service public du procureur de la République. Il est investi d'une obligation légale, mission d'assistance aux créanciers.

Selon les dispositions de l'article 39 de la loi du 9 juillet 1991, le « titre exécutoire » est l'élément fondamental conditionnant la recherche d'informations.

L'article 3 de la loi du 9 juillet 1991 donne la liste des différents titres exécutoires pouvant remplir cette fonction.

Le titre exécutoire peut être par exemple une injonction de payer revêtue de la formule exécutoire. La procédure d'injonction de payer a pour objectif de permettre au créancier d'obtenir un titre exécutoire sans débat contradictoire. Une copie du titre exécutoire doit être jointe à la requête faite au procureur de la République.

A un moment de la procédure  il n'est pas rare que le créancier ou l'huissier de justice en charge du dossier perdent la trace du débiteur. Ils sont dans l'impossibilité de le localiser et ne possèdent pas d'informations le concernant : son activité professionnelle, son numéro de compte bancaire...

L'huissier de justice doit avoir fait toute diligence pour rechercher le débiteur par rapport à sa dernière adresse connue. Cependant, dans l'hypothèse où il ne parviendrait pas à remplir cet objectif, il devra rédiger un relevé sincère de recherches infructueuses. Dans cette conjoncture, la seconde condition est remplie.

En effet, pour pouvoir faire appel au procureur de la République, l'huissier de justice doit donc être en possession d'un titre exécutoire dont il joint la copie et avoir été dans l'obligation de rédiger un tel procès-verbal.

Après avoir rempli toutes les conditions de fond énumérées ci-dessus, la dite requête adressée au procureur de la République se doit de répondre aux exigences de forme.

II Les Conditions de forme

Tout d'abord la procédure est non contradictoire. S'il était informé d'une telle action, le débiteur pourrait chercher à dissimuler des éléments de son patrimoine.

Chaque étude a créé un modèle de requête type. L'acte doit permettre une identification précise des deux parties tant du créancier que du débiteur.

En ce qui concerne le créancier pour le compte duquel intervient l'huissier de justice, il s'agit de celui indiqué sur le titre exécutoire.

Pour le débiteur, les informations données doivent permettre de l'identifier sans aucune erreur possible car c'est le centre d'intérêt de la requête. L'état civil si possible complet du débiteur doit y figurer : nom, prénoms, date et lieu de naissance ainsi que tout autre renseignement possible apportant des précisions.

Cette requête aux fins de recherche des informations participe aux opérations d'exécution forcée, son coût relève donc du domaine des frais d'exécution. En tant que tel, cet acte doit donc être à la charge du débiteur poursuivi dans les conditions et limites de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991.

Ensuite vient la gestion par le procureur de la République, phase hors de la compétence des huissiers de justice. Il est cependant nécessaire de la traiter pour assurer une continuité.

III La gestion de la demande par le procureur de la République

Dès que le Parquet reçoit la requête aux fins de recherches des informations établies par l'huissier de justice, il devra la traiter dans un délai de trois mois, à défaut elle sera réputée infructueuse.

Une fois la requête entre les mains du procureur de la République, un contrôle a lieu même si la confiance existe entre les magistrats du Parquet et les Officiers Publics et Ministériels.

Le procureur de la République vérifie le contenu et la validité du titre exécutoire au vu de la copie jointe à la requête. Cependant sa responsabilité ne saurait être engagée s'il permet l'accomplissement d'une mesure d'exécution en vertu d'un titre non exécutoire.

En ce qui concerne les recherches infructueuses effectuées par l'huissier de justice au préalable de toute saisine du procureur de la République, comment s'effectue le contrôle adéquat?

Selon l'adage « à l'impossible nul n'est tenu », l'huissier de justice dans sa mission peut connaître des limites en matière de recherche d'informations. Il ne doit pas outrepasser ses droits. Ce n'est donc en aucun cas qu'il se dérobe devant ses obligations mais simplement qu'il n'a pas pu légalement aller plus loin dans ses investigations car il serait entré dans la sphère privée du débiteur.

Le procureur de la République est tenu de vérifier que la requête qui lui est adressée est nécessaire à la continuité de la procédure.

Après ce contrôle objectif et a minima, le Ministère Public va effectuer un contrôle de l'objet des recherches. En effet, ce dernier est limité selon les dispositions de l'article 39 de la loi du 9 juillet 1991, le requête doit avoir pour objet la domiciliation connue du débiteur ou encore le nom de son employeur.

Le ou les tiers désignés dans la requête peuvent être des tiers institutionnels ou tiers particuliers.

A la lecture des textes, plus précisément l'alinéa 3 de l'article 54 du décret du 31 juillet 1992, une requête peut être rejetée : « Au vu des documents produits, le procureur peut aussi ne pas donner suite à la requête et enjoindre à l'huissier de justice de procéder aux recherches complémentaires ou constatations matérielles qui lui paraîtraient nécessaires ».

Il existe deux types de rejets possibles : objectif ou subjectif. Pour ce qui est du rejet objectif, il concerne l'hypothèse où la requête est matériellement incomplète c'est-à-dire qu'elle ne comporte pas toutes les pièces nécessaires telle que la copie du titre exécutoire par exemple ou encore si les éléments fournis ne permettent pas une identification sans erreur du débiteur. Pour ce qui est du rejet subjectif de la requête : ce sera la conséquence de l'appréciation du Ministère Public.

Une fois la requête acceptée : le procureur de la République devra, en théorie, « entreprendre les diligences nécessaires » et « aura la possibilité d'interroger tous les organismes détenteurs de ces renseignements sur l'ensemble du territoire national ». En pratique, les Parquets débordés refusent souvent de faire ce travail. D'autre part, certains Parquets encore aujourd'hui refusent de signer les réquisitions (faute de personnel et de temps).

IV Les différents organismes interrogés

Les organismes seront avisés par voie postale de la réquisition du procureur de la République. Le secret professionnel est levé par cette réquisition.

Les tiers institutionnels détenteurs potentiels d'informations sont tenus d'y répondre. La requête concerne tous les renseignements possédés par les organismes interrogés.

Il arrivera que les organismes saisis ne possèdent aucune information concernant le débiteur, ils devront alors informer l'huissier de justice du fait qu'ils ne peuvent pas lui fournir d'informations susceptibles de l'intéresser.

Le contenu de la requête par laquelle l'huissier de justice saisit le procureur va déterminer le résultat de celle-ci. En effet, l'huissier de justice aura tout intérêt à demander au procureur de la République de consulter le maximum d'organismes susceptibles de fournir des renseignements. Les organismes interrogés sont souvent La Poste, EDF et GDF, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM), les Assedic, la Caisse d'Allocations Familiales (CAF), et même les centres des Impôts qui possèdent les numéros des comptes bancaires et coordonnées des employeurs des salariés.

Anciennement, l'article L 147 B du Livre des procédures fiscales permettait au procureur de la République saisi sur requête, d'obtenir des renseignements concernant l'adresse des organismes auprès desquels un compte était ouvert. Cette faculté a été supprimée par l'article 62 de la loi du 11 février 200410(*) afin d'éviter un doublon avec l'accès au Fichier Informatique des Comptes Bancaires (FICOBA) dont disposent désormais les huissiers de justice.

Pour ce qui est de l'interrogation de la Poste : service public, elle est tout aussi importante. En effet la Poste enregistre les changements d'adresse définitifs ou temporaires selon les cas.

EDF et GDF sont des organismes interrogés systématiquement, De nos jours, il est rare qu'un foyer n'utilise pas le gaz et /ou l'électricité. Ces organismes pourront donc communiquer l'adresse du domicile de leur client. De plus, si ce client a choisi le règlement par prélèvement automatique, ils pourront transmettre la domiciliation bancaire de celui-ci à l'huissier de justice.

La CAF et la CPAM, deux organismes sociaux, doivent être interrogés pour deux raisons. D'une part, dans l'hypothèse du versement des allocations logement ou des allocations familiales, l'organisme social connaît la domiciliation de son « créancier » (nommé débiteur dans la requête) il pourra donc communiquer l'adresse connue de ses services. D'autre part, les allocations sont habituellement versées sur un compte bancaire donc l'organisme social pourra fournir la domiciliation bancaire. La CPAM connaît parfois également les coordonnées des employeurs des salariés, notamment grâce aux arrêts de travail qu'elle reçoit.

Pour ce qui est d'interroger les ASSEDIC, une réponse positive de leur part sous- entendrait que le débiteur touche des allocations chômage. Dans le cas contraire, une réponse négative amènerait à penser que celui-ci a peut-être un travail et touche une rémunération mensuelle.

Outre les informations pouvant être obtenues à l'issue de cette procédure de requête au procureur de la République, d'autres autorités comme le préfet peuvent communiquer à l'huissier de justice des informations importantes qui permettraient de connaître certains éléments patrimoniaux du débiteur.

Section II : Le préfet en possession de données

importantes.

Le préfet possède des données importantes concernant les véhicules terrestres à moteur (VTM) puisque certaines formalités administratives, par exemple l'établissement des certificats d'immatriculation, se font à la préfecture. Ces véhicules terrestres à moteurs sont de nos jours, des éléments importants du patrimoine des particuliers.

Selon une jurisprudence du tribunal des conflits11(*), un véhicule à moteur est défini comme « tout objet susceptible de se mouvoir au moyen d'un dispositif propre ».

Le préfet a, en effet, accès au fichier national des immatriculations (FNI) qui recense tous les véhicules en circulation et pour lesquels une immatriculation est nécessaire12(*). Il a pour objet l'enregistrement des demandes d'immatriculation et des caractéristiques des véhicules, la gestion et la délivrance des certificats d'immatriculation (cartes grises), la gestion et la délivrance d'une nouvelle carte grise en cas de perte, de vol ou de modifications concernant le véhicule ou son propriétaire, le contrôle des véhicules immatriculés, la collecte des informations concernant les véhicules volés ou placés sous surveillance.

D'une manière générale, le FNI permet de connaître à tout moment la situation administrative et juridique d'un véhicule et d'identifier son propriétaire. Le fichier national contient par exemple l'identification du titulaire du certificat d'immatriculation (nom, prénoms, date de naissance, commune de domicile et son code I.N.S.E.E) et l'identification du véhicule. Il est, par exemple, intéressant de connaître la date de mise en circulation du véhicule car elle permet de décider si une procédure est opportune ou pas. Si le véhicule a plus de dix ans, il ne sera pas utile d'engager des frais de saisie. Les fichiers départementaux  contiennent l'état civil du titulaire de la carte grise, son adresse, la disponibilité du véhicule (inscription de gage, radiation d'inscription de gage, déclaration de vol, prescription d'immobilisation, prononcé d'une saisie, déclaration de destruction et date de chacun de ces événements). Sont inscrits tous les véhicules pour lesquels une demande de certificat d'immatriculation a été effectuée.

Ce fichier sera remplacé au 1er juin 2009 par le Système d'Immatriculation des Véhicules dénommé SIV. Les nouveaux véhicules terrestres à moteur seront dotés à vie d'un numéro quel qu'en soit le propriétaire. A priori, et en théorie, ceci ne changera pas l'accès aux informations par l'huissier de justice ainsi que l'exactitude des informations obtenues, cependant tout ceci restera à vérifier en pratique.

La loi du 19 Décembre 199013(*), relative à « l'enregistrement et à la communication des informations se rapportant à la documentation exigée pour la conduite et la circulation des véhicule » dispose que peuvent être destinataires de ces informations : les préfets ou encore les agents de préfecture et sous-préfectures14(*) ainsi que les agents chargés de l'exécution dans le cadre de l'exercice de leur mission. En ce qui concerne cette dernière disposition, l'article L330-4 du Code de la route dispose que ces derniers auront seulement accès aux « informations relatives à l'état civil du titulaire du certificat d'immatriculation, au numéro d'immatriculation et aux caractéristiques du véhicule ainsi qu'aux gages constituées et aux oppositions » à l'exclusion de tout autre renseignement.

Cependant les informations quant à l'identité concernent le titulaire de la carte grise qui n'est pas, dans tous les cas, le réel propriétaire. Il y a donc là une présomption simple de propriété. Par ailleurs, se pose la question de la clause de réserve de propriété, opposable si elle a date certaine.

L'huissier de justice adresse sa demande à la préfecture ou à la sous-préfecture du département avec une copie du titre exécutoire en sa possession. Cette requête peut être faite dans deux cas :

- Hypothèse de recherche : le débiteur est déjà identifié par son état civil et l'huissier de justice en charge du dossier le concernant souhaite savoir si ce dernier est propriétaire d'un VTM.

- Hypothèse de confirmation : l'huissier de justice pense que le débiteur également déjà identifié est propriétaire d'un VTM dont il connaît l'immatriculation et souhaite le vérifier.

Une fois ces informations obtenues, si elles s'avèrent positives et que le débiteur possède un VTM, l'huissier de justice se trouve devant deux possibilités. Soit, selon les dispositions de l'article 57 de la loi 9 juillet 1991, il peut « faire une déclaration, dont la notification au débiteur produit tous les effets d'une saisie, auprès des services de la préfecture où est immatriculé le véhicule du débiteur ». Soit, selon les dispositions de l'article 58 de la même loi, il peut saisir le véhicule du débiteur en l'immobilisant, en quelque lieu qu'il se trouve, par tout moyen n'entraînant aucune détérioration du véhicule ». Dans cette dernière hypothèse, le moyen utilisé se trouve être un sabot.

Plusieurs ombres restent dans cette recherche d'informations par l'huissier de justice. D'une part, les cyclomoteurs non immatriculés ne sont pas inscrits dans ce fichier, cependant leur prix peut être supérieur au montant de la dette. D'autre part, le concours du préfet peut poser certains problèmes quant au délai d'obtention des informations.

La domiciliation bancaire d'un débiteur est actuellement une information capitale dans le cadre du recouvrement. Le législateur a donné aux huissiers de justice la possibilité d'accéder plus facilement à ces informations.

Section II : Accès au fichier des comptes

bancaires

La loi du 11 février 200415(*) en son titre IX a notamment réformé le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, dont la profession d'huissier de justice, leur permettant en outre un accès au fichier des comptes bancaires (FICOBA), apport très utile pour la profession. Ce fichier a été créé en 1971. Son fondement juridique se trouve être l'article 1649 A du code général des impôts, qui fait obligations aux administrations, aux établissements ou aux organismes soumis au contrôle de l'autorité administrative ou de toute personne qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces, de déclarer à l'administration des impôts l'ouverture et la clôture des comptes. Il contient des informations sur les titulaires des comptes ainsi que les références des comptes (n°, date d'ouverture, localisation de l'établissement) à l'exclusion par contre de toutes informations concernant les mouvements de valeurs.

Le dispositif antérieur était régi principalement selon les dispositions de l'article 39 de la loi du 9 juillet 1991, l'huissier de justice n'avait donc pas cet accès direct « Sous réserve des dispositions de l'article 51, à la demande de l'huissier de justice chargé de l'exécution, porteur d'un titre exécutoire et au vu d'un relevé certifié sincère des recherches infructueuses qu'il a tentées pour l'exécution, le procureur de la République entreprend les diligences nécessaires pour connaître l'adresse des organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur (...)». L'huissier de justice devait passer par le biais de la requête au procureur de la République.

Désormais, selon les nouvelles dispositions de cet article 39 de la loi du 9 juillet 1991 ainsi que modifiées par cette loi du 11 février 2004, en son premier alinéa, « l'huissier de justice chargé de l'exécution, porteur d'un titre exécutoire, peut obtenir directement de l'administration fiscale : l'adresse des organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur. » En revanche, si cette demande n'aboutit pas et que l'administration ne dispose pas de cette information, l'huissier de justice pourra demander au procureur de la République « d'entreprendre les diligences nécessaires pour connaître l'adresse de ces organismes ». Le système de requête au procureur de la République pour obtenir ce genre d'informations est donc relégué au second rang. C'est une importante et nouvelle disposition pour la profession car elle permet d'obtenir ces renseignements un peu plus rapidement (quatre mois aujourd'hui). L'ancienne procédure était à la fois lente et peu efficace.

L'article du décret du 31 juillet 1992 en ses nouvelles dispositions précise qu'en vue d'obtenir les informations mentionnées au premier alinéa de la loi du 9 juillet 1991, « l'huissier de justice saisit le service central gestionnaire du fichier des comptes bancaires et assimilés relevant du ministère chargé des finances. La requête contient l'énonciation du titre exécutoire dont est porteur l'huissier de justice ». Une fois la demande traitée, « le service central gestionnaire du fichier des comptes bancaires et assimilés transmet les informations requises au vu des seuls éléments figurant dans la requête ».

Cependant ces nouvelles dispositions ne modifient pas les conditions de cette recherche : l'huissier de justice doit être porteur d'un titre exécutoire et certifier que ses propres recherches sont restées vaines.

La Commission Nationale Informatiques et Libertés (CNIL) chargée de veiller à la protection des données personnelles, a donné un avis favorable à cette réforme16(*) en précisant en outre qu'un contrôle rigoureux devrait avoir lieu quant à la vérification de l'auteur de la demande, de la validité du titre exécutoire, de la présence d'un relevé certifié sincère de recherches infructueuses, ainsi que la conformité de la demande aux conditions légales de transmission des renseignements. Par ailleurs, la Commission considère que la centralisation des demandes des huissiers de justice et leur traitement par le service central du fichier FICOBA constitueraient des garanties supplémentaires.

Cette mesure est destinée à faciliter le recouvrement par les huissiers de justice des créances constatées par le titre exécutoire et in fine à privilégier la saisie de comptes bancaires par rapport aux autres mesures d'exécution plus onéreuses et traumatisantes pour le débiteur. Les chances de recouvrement de créance qu'elles soient civiles ou commerciales sont considérablement augmentées et le gain de temps n'est pas négligeable. Bien évidemment ce processus ne fonctionne que lorsque le ou les comptes du débiteur sont provisionnés.

En dehors des différentes autorités pouvant être interrogées, lors des procédures d'exécution, les tiers saisis peuvent être de réelles sources d'informations.

Chapitre III : La place des tiers dans les procédures

d'exécution

Dans l'ensemble, les obligations des tiers dans les différentes procédures d'exécution se ressemblent mais il convient de les étudier de façon générale (Section I) puis séparément dans les procédures dans lesquelles les tiers jouent un rôle important, dans la saisie attribution (Section II), dans le cadre de la procédure de paiement direct d'une créance alimentaire (Section III). L'ordonnateur et le comptable public peuvent être également requis dans le cadre du recouvrement d'une créance (Section IV). Par ailleurs, les tiers, dans le cadre d'autres mesures comme la saisie-rémunération, saisie-vente ou encore saisie-conservatoire peuvent avoir à communiquer les renseignements qu'ils possèdent (Section V).

Section I Les obligations des tiers

En raison du titre exécutoire et de sa mise en oeuvre, les parties à la procédure présentent un lien de droit. Les tiers parties sont les personnes non concernées par celui-ci. Les tiers saisis sont ceux qui détiennent un ou plusieurs éléments issus du patrimoine du débiteur. Leurs principaux devoirs sont de s'abstenir d'entraver les procédures d'exécution (I) et de collaborer (II).

I Devoir d'abstention

Ce devoir d'abstention est énoncé par l'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 qui dispose en son alinéa 1 que : « Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation de la créance ». Que leur concours soit requis ou non, ils doivent s'abstenir de tout type de comportement pouvant ralentir l'exécution de la saisie.

Aucun tiers n'a le droit de s'opposer physiquement à une procédure d'exécution.

Certes, pour pouvoir opposer ce devoir à tous tiers, encore faut-il que la procédure engagée soit légale et respecte les prescriptions de la loi du 9 juillet 1991 et du décret du 31 juillet 1992.

De tels comportements gestes, mots déplacés, violence envers l'huissier de justice instrumentaire, peuvent empêcher celui-ci d'obtenir les renseignements nécessaires à la poursuite de sa mission.

La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 21 mai 1997, rappelle que l'huissier de justice est dépositaire de l'autorité publique au sens de l'article 433-5 du code pénal.17(*)

C'est donc ce code pénal qui servira pour sanctionner toute résistance violente à ce dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de sa mission. Il en va de même pour les paroles et les gestes déplacés qui seront constitutifs d'un outrage.

Au-delà de ce devoir d'abstention, les tiers ont un devoir de collaboration par rapport à l'huissier de justice en charge du dossier les concernant.

II Devoir de collaboration

In fine, l'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que les tiers « doivent apporter leur concours » aux procédures d'exécution « lorsqu'ils en sont également requis ».

Les tiers sont, dans un dossier de recouvrement de créance, tenus de communiquer les informations qu'ils détiennent concernant le débiteur. Il peut s'agir de renseignements par rapport à des sommes dont ils restent redevables envers le débiteur ou encore d'informations qui pourraient permettre de déterminer si certains biens sont saisissables ou pas. Ce devoir d'information incombe également à toute personne qui serait en possession de biens du débiteur, comme ce peut être le cas d'un établissement bancaire qui est tenu de communiquer, lorsqu'elle est requise à cet effet, tout renseignement pouvant aider à connaître les avoirs bancaires, les coffres et biens du débiteur.

Ce devoir général de collaboration à l'exécution auquel sont tenus les tiers, est sanctionné par le prononcé d'astreintes ou de dommages et intérêts lorsqu'un préjudice résultant du défaut de collaboration est prouvé. En effet, sans motif légitime, il est impossible de refuser cette collaboration avec l'huissier de justice concerné.

Par ailleurs, ce concours du tiers à la mise en oeuvre de l'exécution vise en premier les tiers saisis qui doivent informer le saisissant sur sa demande des biens meubles, créances qu'ils détiennent pour le compte du saisi. Ces obligations résultent des dispositions des articles tant de la loi du 9 juillet 1991 que du décret du 31 juillet 1992.

Il est donc utile d'étudier ces obligations faites au tiers dans les différentes procédures d'exécution : saisie-attribution, procédure de paiement direct d'une pension alimentaire

Section II Les tiers et la saisie-attribution

Le tiers saisi est tenu d'obligations : celle de renseigner l'huissier de justice chargé de la mesure d'exécution, obligation à exécuter « sur le champ », au moment de l'acte de saisie. Il est nécessaire de faire la différence entre contenu de la déclaration et conséquences d'un retard ou éventuellement d'un refus.

I Obligations du tiers saisi

1) L'obligation de déclaration du tiers saisi

Selon les dispositions de l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, le tiers saisi, grâce à cette déclaration, permet de faire connaître au créancier « l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que des modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures ». L'article 59 du décret du 31 juillet 1992 ajoute que « le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements » prévus à l'article susvisé « et de lui communiquer les pièces justificatives ».

La jurisprudence est très abondante en la matière compte tenu de la rigueur des obligations du tiers dans le cadre de cette procédure.

L'expression « sur le champ » engendre certains problèmes. En effet, le système bancaire est informatisé mais parfois certains renseignements ne peuvent être obtenus qu'après interrogation d'un autre service. Cependant, un arrêt de la Cour de cassation, en date du 2 avril 199718(*) précise qu'un retard d'un jour suffit à caractériser le refus de fournir les renseignements prévus par les dispositions du décret de 1992. Le tiers saisi est tenu de satisfaire spontanément à son obligation de renseignement au même moment que la signification du procès verbal de saisie-attribution.

Le destinataire de cet acte de saisie doit être bien identifié. En effet, dans un jugement du 28 septembre 2000, le tribunal rappelle que « le banquier n'est constitué tiers saisi et donc tenu à l'obligation de renseignements prévue par les articles 44 de la loi du 9 juillet 1991 et 59 du décret du 31 juillet 1992 qu'à compter de la signification du procès verbal de saisie attribution, matérialisé par la remise dudit procès verbal à une personne habilitée à le recevoir ».

La notion de temps insérée dans ces articles permet de faire face à une éventuelle entente entre le tiers saisi et le débiteur qui permettrait à ce dernier, une fois informé, de vider les comptes qu'il détient au sein de l'établissement bancaire.

Par ailleurs, si l'établissement bancaire n'est finalement pas débiteur du saisi dans l'affaire concernée, l'huissier de justice peut, compte tenu de la déclaration du tiers saisi, s'en rendre compte « sur le champ ».

La déclaration du tiers saisi concerne bien évidemment les comptes bancaires du débiteur cependant, il convient d'en étudier de façon précise son contenu.

2) Le contenu de la déclaration du tiers saisi

L'article 47 de la loi du 9 juillet 1991 fait obligation à l'établissement bancaire « de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie ». L'article 74 du décret du 31 juillet 1992, quant à lui, évoque l'ensemble des comptes du débiteur. La formulation est générale, la banque tiers saisi est tenue d'indiquer à l'huissier de justice les comptes de dépôt, ordinaires ou joints, comptes courants, mais également tous les comptes et livrets d'épargne « ouverts au jour de la saisie » dont le solde représente une valeur patrimoniale, en l'espèce une somme d'argent. Le banquier doit en dresser une liste complète.

La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt en date du 27 juin 1996, précise que l'obligation de renseignement qui pèse sur le tiers saisi « porte non sur les seuls comptes enregistrant des créances de sommes d'argent mais sur tout compte au sens générique du terme dont le débiteur est titulaire au jour de la saisie qu'il s'agisse de comptes d'espèce (...) tels des comptes courants ou de dépôt, rémunérés ou non, à terme ou à vue, individuels ou collectifs, des comptes de provision ou de gages d'espèces ou de compte de titres portant placement de trésorerie tels des warrants financiers, bon de caisse et titres de créances négociables ».

Une déclaration complète permet au créancier d'appliquer le principe de proportionnalité et de pratiquer une saisie attribution adaptée.

Dans le cas où le tiers saisi manquerait à ses obligations, cas de refus de répondre, renseignements inexacts ou encore retard dans la réponse, il encourt des sanctions.

3) L'assouplissement de la notion de délai

La sévérité de la jurisprudence encourage les tiers saisis à remplir leur obligation de déclaration. Malgré tout, les juridictions font preuve d'une certaine souplesse en prenant en compte les possibles motifs légitimes.

L'expression qui pose le plus de difficulté est évidemment « sur le champ ». En effet, comme énoncé précédemment, cela peut poser certains problèmes compte tenu des nombreuses agences que peut avoir un établissement bancaire et des mouvements des comptes au jour de la saisie.

En pratique, l'application de cette disposition est donc soumise à un certain assouplissement. En effet, la réponse du tiers n'est que rarement voire jamais complète et donnée « sur le champ ». Elle peut être incomplète, partielle « sur le champ » et complétée par la suite et ce rapidement malgré tout, elle peut aussi être absente et donnée par la suite, mais cette dernière hypothèse reste rare.

Ces cas peuvent s'expliquer par différents motifs. Par exemple, si la signification a été faite à une personne non habilitée à recevoir l'acte, sans pouvoir, l'acte va devoir être transmis par voie interne voire re-signifié à une personne habilitée. Ces hypothèses peuvent trouver également leur origine dans le fait que l'acte a été signifié au siège social. Le retard ou le manque d'information peuvent être dus à la nécessité de recherches complémentaires pour connaître avec précision l'étendue des obligations du tiers saisi envers le saisi.

La Banque Postale et la CEP bénéficient légalement d'un délai de vingt quatre heures pour répondre.

L'expression « sur le champ » permet à l'huissier de justice pratiquant la saisie attribution d'obtenir rapidement des renseignements sur les comptes bancaires du saisi.

Ce retard dans la déclaration peut être sanctionné sur la base des dispositions du décret du 31 juillet 1992, mais en exposant un motif légitime le tiers saisi peut être exonéré de ces sanctions.

II Les sanctions encourues par le tiers saisi

1) Les différentes sanctions envisagées
L'article 60 du décret du 31 juillet 1992 dispose que « le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues par ce dernier, sans préjudice de son recours contre le débiteur ».

« Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère ».

Le tiers saisi ne peut encourir de sanctions que lorsque l'acte de saisie est valable et que le tiers saisi est bien à juste titre tiers saisi.

Dans un arrêt du 5 juillet 2000 la Cour de cassation rappelle le fait que le tiers saisi ne peut être condamné aux causes de la saisie pour manquement à son obligation légale de renseignement lorsqu'il n'est tenu à aucune obligation envers le débiteur.

Les arrêts de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 5 juillet 2000 ont permis une jurisprudence claire. Le tiers saisi sera condamné au paiement des causes de la saisie dans deux cas lorsqu'il effectue une déclaration incomplète ou mensongère. En cas de négligence fautive, il sera condamné à payer des dommages et intérêts calculés en fonction du préjudice subi par le créancier encore faudra-t-il une faute, un dommage et un lien de causalité.

A la lecture des dispositions de l'article 60 du décret énoncé ci-dessus, l'adverbe « aussi » aurait pu sous-entendre un cumul de ces sanctions. La Cour de cassation a, au contraire, voulu poser une séparation entre ces sanctions et éviter leur cumul.

Cette jurisprudence a été confirmée dans un arrêt de la Cour de cassation, le 5 juillet 2001 : le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne déclare pas sur le champ l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur, peut être condamné à garantir le paiement des causes de la saisie.19(*)

Ces dispositions évoquent les sanctions pouvant être encourues par les tiers mais cependant n'indiquent pas des causes et motifs légitimes pouvant les exonérer.

2) Les cas d'exonération pour le tiers saisi

La notion de motif légitime est subjective et le contenu, prétorien. La jurisprudence a, au fil du temps, affiné cette notion et son contenu pour permettre une sécurité juridique.

La nécessité de récapituler les comptes pour connaître exactement ce dont le tiers saisi est redevable envers le débiteur peut constituer ce motif légitime par exemple20(*).

Le motif légitime soulevé par le tiers saisi pour expliquer le retard, l'inexactitude de sa déclaration peut trouver sa cause dans les modalités de signification. Il est vrai que la signification par exemple à une hôtesse d'accueil non habilitée à recevoir l'acte comme vu précédemment, peut entraîner un retard dans la transmission de la déclaration.

La Cour de cassation a soulevé que l'exigence de réponse « sur le champ » peut s'avérer « irréaliste si la signification de l'acte n'a pas été faite entre les mains du destinataire de l'acte ou du possesseur de renseignements »21(*).

En revanche, n'est pas considéré comme un motif légitime un dysfonctionnement informatique allégué par la banque22(*) ou encore la nécessité de procéder à des recherches à l'étranger, le Tribunal rappelant que, de nos jours, les systèmes sont informatisés.23(*)

Il convient de rappeler que cette liste de motifs légitimes est loin d'être exhaustive compte tenu des nouvelles jurisprudences quasi quotidiennes.

Au-delà de la procédure de saisie-attribution et de la place des tiers dans celle-ci, ces derniers ont des obligations semblables de déclaration dans d'autres mesures d'exécution.

Section III Le rôle du tiers dans la procédure de paiement direct

La procédure de paiement direct est la plus simple et la plus rapide en matière de recouvrement alimentaire. Elle permet d'obtenir le paiement de la pension par des tiers (employeurs, organismes bancaires ou de versement des prestations) disposant de sommes dues au débiteur.

Le recours par le bénéficiaire d'une pension alimentaire à cette procédure peut se faire dans trois cas : s'il ne parvient pas à se faire verser la pension alimentaire, si celle-ci est versée irrégulièrement ou incomplètement, il doit pouvoir justifier d'une décision de justice définitive ou immédiatement exécutoire. Le recours à ce type de procédure peut également se faire dans le cadre d'un accord entre créancier et débiteur.

Il suffit qu'une seule échéance de la pension alimentaire soit impayée pour pouvoir entamer cette procédure. Le créancier doit dès lors s'adresser à un huissier de justice de son lieu de résidence et lui fournir le jugement relatif à la pension alimentaire, le décompte des sommes dues ainsi que tous les renseignements en sa possession concernant le débiteur.

Certains organismes sont tenus de communiquer à l'huissier de justice en charge du dossier l'adresse du débiteur ou de son employeur, si le bénéficiaire ne les connaît pas. Ce sont : l'administration fiscale, la sécurité sociale, le service des recherches dans l'intérêt des familles, le Fichier National des Chèques Irréguliers (FNCI) ainsi que les fichiers départementaux des cartes grises des préfectures.

En matière de recouvrement de la pension alimentaire, l'huissier de justice va donc pouvoir requérir de la part du tiers saisi les mêmes renseignements qu'une réquisition faite au ministère public. L'article 7 de la loi du 2 janvier 1973 prévoit que les tiers saisis faisant l'objet d'une demande de paiement direct « sont tenus de réunir et de communiquer, en faisant toutes les diligences nécessaires, à l'huissier de justice chargé par le créancier de former la demande de paiement direct, tous renseignements dont ils disposent ou peuvent disposer permettant de déterminer l'adresse du débiteur de la pension alimentaire, l'identité et l'adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles ».

Par cette réquisition, l'huissier de justice pourra obtenir directement ces informations, ce qui permet un réel gain de temps et une correspondance avec le souci de rapidité présent dans les procédures d'exécution.

Cet accès direct aux informations nécessaires reste pourtant, à l'heure actuelle, une exception dans le système actuel de réglementation et d'accès aux informations touchant à la vie privée. Pourtant il est nécessaire pour la conduite des procédures d'exécution de les mener a bien rapidement.

Section IV : L'ordonnateur et le comptable public

Les personnes publiques tiers saisis sont soumises aux règles générales des procédures d'exécution (loi 9 juillet 1991 et décret du 31 juillet 1992) ou à des règles spécifiques lorsqu'elles sont dotées d'un comptable public (décret 31 juillet 1993, textes anciens non abrogés ou encore partiellement en vigueur).

Selon les dispositions de l'article 3 du décret du 29 décembre 1962, un des principes fondamentaux de la comptabilité publique est celui de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics.

I Interrogation de l'ordonnateur

Le principe d'insaisissabilité des biens d'une personne morale de droit public n'est pas un obstacle à ce qu'une saisie-attribution soit pratiquée sur des sommes dues par celle-ci à une personne privée.

Selon les dispositions de l'article 25 de la loi du 9 juillet 1991 « Lorsque la mesure doit être faite entre les mains du comptable public, tout créancier porteur d'un titre exécutoire ou d'une autorisation de mesure conservatoire peut requérir de l'ordonnateur qu'il lui indique le comptable public assignataire de la dépense ainsi que tous les renseignements nécessaires à la mise en oeuvre de la mesure ».

Ces dispositions vont donner à l'huissier de justice les moyens d'interroger directement la personne susceptible de l'orienter dans le labyrinthe de l'administration, permettant un réel gain de temps.

L'ordonnateur a en charge de liquider et d'ordonnancer les dépenses, de constater les droits des organismes publics et de liquider les recettes. Contrairement au comptable public, il ne peut manipuler aucune somme d'argent.

Au terme de l'article 4 du décret du 31 juillet 1993, l'acte de saisie doit, sous peine de nullité, être signifié au comptable public assignataire de la dépense, autrement dit auprès duquel l'ordonnateur est accrédité. En revanche, la signification d'un tel acte à un ordonnateur ne peut pas être couverte par une transmission au comptable assignataire. La Cour de cassation précise, dans un arrêt de 1920, que cette opération intérieure de trésorerie ne peut pas suppléer les formalités essentielles édictées par la loi aux intéressés24(*).

L'acte de saisie doit contenir les mentions issues des dispositions de l'article 3 du décret du 31 juillet 1993 : mentions de l'article 56 du décret du 31 juillet 1992 telle que l'identification du débiteur, l'énonciation du titre, le décompte des sommes réclamées... Il est nécessaire d'éviter toute homonymie et les conséquences qui en découleraient.

II Les obligations incombant au comptable public

Le comptable public est considéré comme tous les autres tiers saisis. Son rang de personne morale de Droit public ne le soustrait pas aux obligations incombant à ces derniers aux termes de l'article 24 de la loi du 9 juillet 1991 disposant que tout tiers saisi est tenu d'apporter son concours aux procédures d'exécution.

Les articles 44 de la loi du 9 juillet 1991 et l'article 59 du décret du 31 juillet 1992 imposent au tiers saisi de déclarer « sur le champ » l'étendue de ses obligations envers le saisi ainsi que les modalités pouvant les affecter. Le décret du 31 juillet 1993 pose un tempérament et n'impose pas au comptable public de donner sa réponse « sur le champ ». Il dispose de vingt quatre heures pour répondre. Ce délai peut s'expliquer par le fait que le comptable public doive interroger, se concerter avec d'autres personnes ou encore par le souci du respect de l'organisation de l'administration.

Aux termes de l'article 5 du décret du 31 juillet 1993, le comptable public est tenu de fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus par l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 : « étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations et saisies antérieures ». Il doit, de plus, lui communiquer les pièces justificatives.

Le secret professionnel ne peut pas constituer un obstacle à cette déclaration.

Tout manquement par le tiers saisi à ses obligations : toute déclaration inexacte ou mensongère sera sanctionnée qu'il s'agisse d'un refus de répondre sans motif légitime ou d'une négligence fautive. Dans le premier cas, la sanction sera de payer les sommes dues au créancier sans préjudice de son recours contre le débiteur. Dans l'autre cas, le tiers saisi pourra par exemple être contraint à effectuer sa déclaration par astreinte sous peine de dommages et intérêts par exemple.

Section V La place des tiers dans les autres

mesures

I Saisie-rémunérations

La base de cette procédure est une conciliation entre un créancier et son débiteur. Si celle-ci échoue, le greffier procède dans les huit jours à l'établissement d'un procès verbal de non-conciliation. L'acte de saisi établi par ce dernier devra être porté à connaissance du débiteur et du tiers saisi qui sera, en la matière, l'employeur de ce dernier.

La notification faite à l'employeur engendre certaines conséquences : il devient tenu d'obligations dont la principale est une obligation de déclaration.

L'acte de saisie lui enjoint de faire une déclaration dans les quinze jours au plus tard suivant la notification. L'employeur requis doit, selon les dispositions de l'article L.145-8 du Code du travail : « faire connaître la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi ainsi que les cessions, saisies, avis à tiers détenteur ou paiement direct de créances alimentaires en cours d'exécution ».

Cette obligation incombant au tiers saisi est, pour être remplie, soumise à sanctions. Selon le Code du travail en son article L 145-8 et R 145-21, l'employeur qui, sans motif légitime, n'exécute pas ou mal son obligation, pourra être condamné au paiement d'une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourront lui être réclamés.

Le rôle du tiers saisi est aussi relatif à ce devoir de collaboration dans la procédure de saisie-conservatoire, saisie-vente.

II Le rôle des tiers en matière de saisie- conservatoire, saisie-vente

En matière de saisie-conservatoire, quand celle-ci nécessite l'intervention d'un tiers, selon les dispositions des articles 237 du décret du 31 juillet 1992 «  Le tiers saisi est tenu de fournir les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 » et de remettre à l'huissier de justice « toutes pièces justificatives ». Les renseignements sont mentionnés sur l'acte de saisie ». Celui ci est donc tenu de « déclarer à l'huissier de justice l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et s'il y a lieu les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures ».

L'article 238 du même décret prévoit que « le tiers qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère ».

En matière de saisie-vente, le tiers détenteur de biens pour le compte du saisi doit les déclarer à l'huissier de justice qui opère une saisie entre ses mains. De plus, il devra déclarer ceux qui font l'objet d'une saisie antérieure selon les dispositions de l'article 99 du décret du 31 juillet 1992 en son alinéa 2. En ce qui concerne les sanctions auxquelles il s'expose s'il ne fournit pas ces renseignements, elles sont identiques à celle vues ci-dessus en matière de saisie-conservatoire.

Certes, ces renseignements ne servent pas à identifier la personne du débiteur ou sa domiciliation bancaire, cependant, ils servent à identifier les biens que le tiers saisi possède pour son compte. Ils permettent donc à l'huissier de justice de diligenter à bien la procédure et de parvenir au recouvrement de la dette du saisi. Ces informations sont donc tout aussi importantes.

Ces chapitre I et II ont permis une étude des différentes méthodes de recherche d'informations. Désormais, il convient d'étudier ce que deviennent les informations à l'issue de cette procédure une fois collectées et rassemblées par l'huissier de justice ?

Chapitre III : Le régime d'utilisation des données

obtenues et ses conséquences

Les huissiers collectent des informations nécessaires à la poursuite de mesures d'exécution adaptées. Comme cela a été vu précédemment, la CNIL joue un rôle prépondérant en matière de protection des données à caractère personnel (I). La loi Informatique et Libertés réglemente la conservation de ces informations (II)

I Le rôle de la CNIL

La Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) a été instituée par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés qui la qualifie d'autorité administrative indépendante. Faisant partie du corpus législatif français depuis près de trente ans, l'objectif de cette loi, tel qu'énoncé par son article 1 est de protéger les citoyens contre d'éventuelles atteintes à leur identité ou encore leur vie privée face au traitement automatisé ou non des données à caractère personnel.

La CNIL a été mise en place afin de limiter l'accès à l'information en tenant compte des libertés individuelles et des droits de la personne.

La nécessité d'information quant à la poursuite d'une procédure civile d'exécution se heurte au principe de protection de la vie privée. Les informations auxquelles il est possible d'avoir librement accès ne font certes pas l'objet d'une réglementation mais à l'inverse celles plus personnelles, nécessitant des recherches plus pointues sont soumises à une réglementation.

Selon les dispositions de l'article 2 de la loi Informatique et Libertés citée précédemment, « constitue une donnée personnelle toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l'ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou tout autre personne »

La CNIL vérifie que la loi est respectée en contrôlant les applications informatiques, elle surveille par ailleurs la sécurité des systèmes d'information en s'assurant que toutes les précautions sont prises pour empêcher que les données ne soient déformées ou communiquées à des personnes non autorisées. La CNIL peut prononcer diverses sanctions graduées : avertissement, mise en demeure, sanctions pécuniaires...

Les utilisateurs de renseignements personnels ont des obligations à respecter. En effet, les données concernant des parcelles de vie privée, une potentielle diffusion pourrait alors porter atteinte aux libertés des intéressés. La loi Informatique et Libertés encadre l'utilisation des données de cette nature.

Parmi les droits reconnus aux débiteurs, à l'article 39 de la loi susvisée figure, le droit d'accès au traitement.

Ces données concernées doivent être exactes, complètes et mises à jour. Selon l'article 40 de la loi précitée, les intéressés ont un droit de rectification, encore faut-il que le débiteur soit de bonne foi. Un fichier doit avoir un objectif précis. Les informations exploitées dans un fichier doivent être cohérentes par rapport à son objectif. De plus, les informations ne peuvent être réutilisées de manière incompatible avec la finalité pour laquelle elles ont été collectées.

Tout détournement de finalité est passible de 5 ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende selon les dispositions de l'article 226-21 du Code Pénal

Compte tenu des règles de la CNIL, qu'en est-il de la conservation par les huissiers de justice des données ainsi obtenues ?

II La conservation des données obtenues

En ce qui concerne la durée de conservation des informations, ces dernières ont une date de péremption fixée par le responsable d'un fichier. Elles doivent être conservées sur une durée raisonnable et proportionnelle à l'objectif poursuivi par le dit fichier. Le fichier regroupant les données personnelles doit être protégé.

Une étude d'huissier est dans l'obligation de déclarer ses fichiers regroupant l'ensemble des données collectées concernant les débiteurs. Elle doit donc respecter les dispositions relatives au traitement et durée de conservation des données eu égard au principe de proportionnalité quant à leur finalité. La CNIL peut ainsi remplir ses fonctions et contrôler les professions utilisant des fichiers regroupant des données à caractère personnel.

« L'huissier de justice ne devra en aucun cas communiquer des informations à un tiers ni les employer à la constitution d'un fichier. De plus, il ne pourra les communiquer au créancier lui-même que dans la seule mesure nécessaire à l'exécution du titre, c'est-à-dire dans les seuls cas où l'information doit figurer dans les actes de procédure. En outre, pour éviter que des renseignements ne soient utilisés pour d'autres procédures que celle pour laquelle ils ont été sollicités » ce texte législatif, lorsqu'il était encore à l'état de projet, contenait une autre disposition : « l'huissier de justice devra à l'occasion de toute mesure d'exécution pouvoir justifier de l'origine des informations dont il s'est servi ». Le texte a donc été adopté de façon plus restrictive et se trouve être contenu dans les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 juillet 1991.

Selon les dispositions de ce dernier en vigueur, « les renseignements obtenus ne peuvent être utilisés que dans la seule mesure nécessaire à l'exécution du ou des titres pour lesquels ils ont été demandés. Ils ne peuvent, en aucun cas êtres communiqués à des tiers ni faire l'objet d'un fichier d'informations nominatives ».

L'article 226-21 du Code Pénal prévoit des sanctions pour les huissiers de justice qui, en violant la disposition selon laquelle aucune information ne doit être transmise à des tiers ou faire l'objet d'un fichier d'informations nominatives, ceux-ci porteraient ainsi atteinte aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques.

Par ailleurs, l'officier ministériel pourrait faire l'objet de sanctions disciplinaires et être condamné à des dommages et intérêts.

La possibilité d'enregistrer des informations dans le fichier de gestion des procédures est donnée au cas par cas. Des données telles que celle d'identification (nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance), sont indispensables pour l'huissier de justice instrumentaire pour des raisons de sécurité juridique. La Cour d'appel de Paris a jugé qu'un acte d'huissier de justice était nul pour avoir été délivré en mairie au nom de « Mademoiselle » au lieu de « Madame », alors que, par la suite de cette mention erronée, la lettre avait été refusée par la destinataire25(*). La situation familiale et le régime matrimonial sont des informations relativement importantes pour l'huissier de justice afin de connaître les biens propres ou communs des époux, l'adresse et les caractéristiques du logement, ces données seront utiles notamment en matière d'expulsion. Tant pour la signification que pour l'exécution forcée, il est indispensable pour l'huissier de justice de collecter des informations concernant la vie professionnelle d'un débiteur. Pour les données concernant la situation économique et financière d'un débiteur ou encore ses moyens de déplacement, elles sont collectées pour les stricts besoins des procédures d'exécution qu'ils sont amenés à conduire.

En revanche, les informations relatives à la santé, le numéro de sécurité sociale ou encore l'appartenance religieuse, les origines raciales ne peuvent pas faire l'objet d'un traitement de la part des huissiers de justice.

Ces données pourront être conservées dans la base active avant d'être archivées pour un délai de cinq ans. De cette obligation découle l'évidence selon laquelle l'huissier de justice ne pourra pas utiliser les informations obtenues deux fois pour le même débiteur au-delà de ce délai. Dans l'hypothèse d'un nouveau titre exécutoire rendu contre le même débiteur passé ces cinq ans, l'huissier de justice devra donc déposer une nouvelle requête auprès du procureur de la République, faire de nouvelles recherches, interroger de nouveau le fichier FICOBA et bien entendu des frais supplémentaires seront engendrés, à charge au débiteur de les payer ultérieurement.

Comment, avec la protection actuelle des consommateurs et des débiteurs, le législateur peut-il être d'accord sur le fait qu'un d'entre eux paye à nouveau des frais pour permettre à l'huissier de justice d'obtenir des informations déjà collectées dans le cadre d'un précédent dossier ?

La CNIL confirme le fait que les huissiers de justice ne peuvent pas utiliser plusieurs fois les informations obtenues. Sachant que celles-ci le sont en vertu d'un titre exécutoire précis, elles ne pourront pas être réutilisées dans le cadre d'une nouvelle procédure engagée contre le même débiteur.

Il conviendrait d'être réaliste, le rôle des huissiers de justice n'est pas d'être en perpétuelle recherche des débiteurs mais principalement de parvenir au recouvrement de créances et de procéder à la signification d'actes détachés. Les renseignements ainsi obtenus devraient pouvoir être légalement réutilisables compte tenu de leur importance et des difficultés pour les obtenir. 

Par ailleurs, obligation est faite aux officiers ministériels de conserver en minutes à l'étude l'ensemble des actes signifiés par les clercs. Selon les dispositions du décret du 29 février 1956, en son article 29-1, « les actes, exploits et procès verbaux sont conservés en minutes pendant la durée fixée par l'article 17 du décret n°79-1037 du 3 décembre 1979 relatif à la compétence des services d'archives publics et à la coopération entre les administrations pour la collecte, la conservation et la communication des archives publiques ».

La durée de conservation des archives et actes d'huissier de justice est fixée par le décret du 29 février 1956, modifié par la loi du 3 janvier 1979 et le décret du 3 décembre 1979, qui indique que les actes, exploits et procès-verbaux établis en double original, doivent être conservés par l'huissier de justice pour une durée d'au moins 30 années.

L'article 29-5 du même décret dispose que « les opérations successives justifiées par sa conservation, notamment les migrations dont il peut faire l'objet ne retirent pas à l'acte sa nature original ». Cette disposition sous-entend que les minutes doivent être conservées pendant un temps certain, assez long pour être susceptibles d'être « déménagées ».

L'article 29-6 du décret susvisé dispose que « les huissiers de justice peuvent délivrer des expéditions des actes ou procès verbaux qu'ils détiennent en minute à toutes personnes intéressées qui, lors de l'établissement du procès verbal ou de la signification de l'acte auront déjà soit reçu le second original, soit une copie ».

En effet, outre les nom, prénoms, date de naissance, adresse, éventuellement profession du débiteur, sont notés sur les procès verbaux de saisie-attribution les numéros de compte bancaire du saisi et donc la domiciliation de ce dernier puisque dans cette hypothèse l'acte est signifié au tiers saisi : la banque du débiteur. Il en va de même pour la signification de certificat de non paiement de chèques. En effet, une copie de chacun d'eux comportant tous les renseignements relatifs à la domiciliation bancaire du débiteur est jointe à l'acte de signification.

Il y a donc bien deux obligations qu'un officier public et ministériel est tenu de respecter : d'une part, celle de conserver les actes signifiés par l'étude en minutes autrement dit de conserver des archives, d'autre part, obligation leur est faite de ne pas conserver les données personnelles obtenues sur un débiteur suite à une procédure de requête au procureur de la République. Comment peut-il être envisageable de respecter deux obligations à première vue contradictoires ?

Au-delà de cette législation quelque peu désuète eu égard aux nouvelles technologies, Internet véhicule un réel marché parallèle de l'information (Titre II), qui promet à ses clients potentiels d'obtenir des renseignements d'ordre privé sur un particulier (Section I). Ces sociétés sont-elles soumises à une quelconque réglementation? (Section II). Par ailleurs, les huissiers de justice peuvent-ils « rivaliser » avec un marché spécialisé dans cette quête de l'information ? (Section III)

TITRE II 

Existence d'un marché parallèle

La lenteur des processus étudiés dans le titre I a des conséquences pour le créancier. Un débiteur, durant les trois mois d'attente d'une éventuelle réponse de la part du procureur de la République, peut par exemple avoir organisé son insolvabilité si c'est un particulier et avoir été mise en liquidation si c'est une société commerciale.

Certaines personnes ont profité de cette brèche pour s'y engouffrer et créer un véritable marché de l'information (Chapitre I). Quel est donc le but de ces sociétés qui ne semblent pas soumises à une réglementation ? Par ailleurs, les conséquences sont néfastes pour la société mais surtout pour la profession d'huissier de justice (Chapitre II).

Chapitre I : Le marché parallèle de l'information

Ce marché parallèle de l'information est alimenté par des sociétés spécialisées en la matière (SectionI). Il convient de savoir à quelle réglementation elles sont soumises (SectionII).

Section I : Des sociétés spécialisées

Les sites Internet de ces sociétés permettent à de nombreux clients potentiels d'y avoir accès (I). Cependant quelle est réellement la nature des renseignements qu'elles obtiennent ?(II)

I Les potentiels clients de ces sites Internet

Internet, avancée technologique, véhicule de nombreux sites proposant toutes sortes de services. De nos jours, au minimum un quart de la population française a déjà effectué un ou plusieurs achats sur Internet. Les enquêtes peuvent faire partie de ces achats.

Il convient de faire la différence entre les détectives et enquêteurs privés qui respectent le droit positif  et les autres. Les premiers n'usurpent aucun titre, aucune identité afin d'obtenir des renseignements d'ordre privé et les autres n'ayant aucun scrupule et se cachent parfois derrière des sociétés au nom à consonance juridique tel « juridis » par exemple. La CNIL26(*) fait bien la distinction entre les professionnels qui prennent en compte les dispositions de la loi Informatiques et Libertés dans le traitement des données concernant leurs clients et les autres qui n'ont manifestement pas connaissance des règles à respecter ou qui n'en tiennent volontairement pas compte.

Il suffit de passer par un moteur de recherche, d'inscrire des mots clés, par exemple : recherche, débiteur, enquête... et certains de ces sites apparaissent27(*). Leurs enquêtes sont de simples produits à vendre. Des renseignements touchant à la vie privée des particuliers s'achètent comme un livre ou une place de théâtre en quelques clics.

Les services proposés à tout créancier désireux de retrouver son débiteur sont divers. Les créanciers intéressés peuvent obtenir la localisation de leur débiteur, les coordonnées de compte bancaire, le solde de celui-ci ou encore un inventaire de son patrimoine. Leurs formules sont attractives, elles promettent rapidité et résultats. En moyenne les résultats escomptés sont là au bout d'un délai de trois semaines. Pour tout créancier qui souhaite obtenir gain de cause, c'est une réelle aubaine.

Ces sites sont donc à la portée de tout particulier ou toute société intéressée qui veut faire exécuter un titre exécutoire. En revanche, les cas de figure peuvent être différents, soit les clients de ces sites Internet veulent éviter d'avoir recours aux exploits d'un huissier de justice, soit au contraire ils recherchent des renseignements avant d'y avoir recours. En effet, seuls, ils ne pourraient pas les obtenir eu égard à leur nature d'ordre privé.

Les sociétés commerciales et leur service contentieux sont d'importants clients potentiels. En effet, avant de conclure un contrat, ils peuvent être tentés d'enquêter sur la solvabilité de leur futur cocontractant, la méfiance est de rigueur en la matière eu égard à la protection actuelle et à la rapidité avec laquelle des particuliers peuvent être déclarés en faillite personnelle et des sociétés mises en liquidation judiciaire.

Les services contentieux, sans recours à un huissier de justice, n'ont en effet pas accès à la procédure de requête au procureur de la République, ils doivent donc trouver les mêmes renseignements par leurs propres moyens. Ce marché parallèle est donc une solution facile pour ces sociétés qui ne seront pas très regardantes par rapport à la légalité avec laquelle ces renseignements sont obtenus tant que le résultat escompté est présent.

Les cabinets de recherche sont donc généralement mandatés par un créancier notamment établissement de crédit ou par un cabinet de recouvrement de créances pour procéder à certaines diligences. Parfois les cabinets de recherches procèdent eux-mêmes à la sous-traitance de certaines recherches auprès d'autres sociétés.

Le « plus » de la majorité de ces sites est même de proposer le paiement au prorata du résultat. « Nos recherches sont facturées exclusivement au résultat ! »28(*) Sous toute logique, il est possible de penser que ces derniers sont obtenus dans la majorité des cas. Ces sociétés ne peuvent donc pas être considérées comme des leurres compte tenu de ces propositions en matière de règlement. « Juridis.org s'engage à rembourser le souscripteur en cas de recherche négative ».

Malgré tout, si le paiement était effectué sans tenir compte du fait que les résultats soient obtenus ou non, il aurait été possible de penser que ces sociétés n'offraient aucune garantie en matière de résultats, qu'elles n'obtenaient pas à chaque fois les dits renseignements et qu'en conséquence, celles-ci pouvaient être en quelque sorte des leurres. Cependant, elles présentent ces garanties en proposant le remboursement hors frais de dossier retenus si le but recherché n'est pas atteint, elles reflètent donc réellement l'existence de ce véritable marché parallèle.

Après avoir étudié le fonctionnement de ses sociétés, il est utile de comprendre quels sont réellement les renseignements obtenus et leur nature ?

II La nature des renseignements obtenus

Les renseignements sont divers, ils peuvent toucher au patrimoine immobilier ou mobilier, concerner la domiciliation bancaire et le solde des comptes voire les revenus, l'adresse de l'employeur... En effet, selon les sites, en l'espèce www.juridis.org/recherches, comme la plupart des autres sociétés spécialisées, propose d'obtenir  « les coordonnées bancaires d'une personne physique ou morale », de « localiser les biens immobiliers d'une personne physique ou morale », de « déterminer la nature des revenus d'une personne physique », ou encore de se « renseigner sur la solvabilité d'une personne physique ou morale». « Nos enquêtes de solvabilité prévoient l'identification et l'analyse : des revenus, des comptes bancaires, du patrimoine immobilier, du patrimoine mobilier et roulant ».

Sur la base des premières informations données par leurs clients, les enquêteurs privés procèdent aux recherches demandées.

Le problème majeur est que ces sites ne font en aucun cas allusion au recours d'un huissier de justice pour obtenir ce genre de renseignements. Par ailleurs, dans un entretien téléphonique en date du mercredi 14 mai 2008, la société « Juridis »  a déclaré que ses services ne faisaient en aucun cas appel à un huissier de justice et que son personnel était là au contraire pour pallier à la lenteur des procédures de requêtes au procureur.

Certes, les huissiers de justice, comme cela a été souligné précédemment, ne sont pas des détectives privés mais ce sont malgré tout les garde-fous de l'exécution, dont ils ont le monopole.

Certains renseignements peuvent être obtenus après interrogation de tierces personnes : anciens voisins, concierge, membres de la famille... Il en va ainsi en ce qui concerne par exemple la localisation du débiteur à partir de sa dernière adresse connue. Même si en pratique, les cas restent rares, un débiteur peut avoir laissé en partant une adresse à un tiers. Obtenir l'adresse d'une résidence principale peut donc potentiellement rester dans le cadre légal.

Pour ce qui est des renseignements concernant la domiciliation bancaire et le solde du ou des comptes du débiteur, ces derniers ne sont probablement pas donnés par des membres de la famille ou des tiers même s'ils sont interrogés, alors comment sont ils obtenus ? Probablement frauduleusement eu égard aux informations qui suivent et comme vu précédemment29(*).

Selon toutes dispositions légales et plus précisément celles contenues dans la loi Informatique et Libertés de 1971 visant à protéger tous les fichiers de renseignements d'ordre privé, c'est le fichier FICOBA qui sert à recenser les comptes de toute nature (bancaires, postaux, d'épargne...) et à fournir aux personnes habilitées des informations sur les comptes détenus par une personne ou une société.

Pour ce qui est de la liste des personnes habilitées : autorités judiciaires, Banque de France, huissier de justice... De telles informations ne sont donc pas données à tout demandeur, alors sachant qu'elles sont obtenues, comment le sont-elles puisque aucun site ne laisse penser qu'il y a ne serait-ce qu'un recours à une personne habilitée à pouvoir obtenir de telles informations ?

Quelle peut être l'éthique de ces sites qui vendent des données touchant à la vie privée de personnes ? Le fait d'être cité comme étant débiteur dans une procédure ne permet pas pour autant une violation des droits de la personne par des tiers non habilités.

De plus, comment ces sites peuvent-ils obtenir un inventaire détaillé du patrimoine d'un tiers sachant que de nos jours la tendance est à la dématérialisation du patrimoine ? Ils peuvent sans doute interroger le cadastre, le bureau des hypothèques. Certes, ce moyen reste ouvert à tous mais comment interroger l'ensemble des bureaux existants dans la France entière ?

Quant aux données portant sur l'employeur, le salaire mensuel versé à l'employé « débiteur » qui touche selon la position de la jurisprudence actuelle à la vie privée, comment les obtiennent-ils ? Il est possible de rester dans le cadre du voisinage voire de l'entourage proche. Cependant, il faut être réaliste : quel pourcentage de la population française indique son salaire à ses voisins ? Cela doit approcher du taux zéro, quant au fait de le donner à sa famille et ses amis, certes le pourcentage peut être un plus élevé mais ces derniers ne le divulgueront certainement pas au premier venu. Les résultats ne peuvent donc pas être obtenus au moyen d'enquête auprès de tiers. Ces sociétés ne seraient donc pas si florissantes si elles n'avaient à leur portée que de tels moyens.

Ce marché parallèle de l'information est une question tout à fait d'actualité. Au mois de mai 2008, une affaire politique a éclaté, la personne visée étant M. Olivier BESANCENOT. Pendant plusieurs mois, d'octobre 2007 à janvier 2008 au moins, la vie de celui-ci a été épiée et mises en fiches de renseignements par une officine de renseignement privé. Différents documents de cette dernière recensent par exemple les numéros de compte bancaire de l'intéressé et de sa compagne ainsi que les sommes au centime près ou encore l'emplacement exact de son appartement avec sa fiche cadastrale, des informations quant à son véhicule... Ce dernier a déposé plainte pour violation du secret professionnel visant d'éventuels complices dans les administrations dont auraient pu bénéficier les commanditaires de cet espionnage. Il a également soulevé le chef d'atteinte aux droits des personnes pouvant résulter des fichiers et traitements informatiques. Cette affaire remet une fois de plus en question le problème des renseignements pouvant être obtenus et leur utilisation.

Ces enquêteurs arrivent à leurs fins mais comment peuvent-t-ils y parvenir sans avoir la possibilité de passer par la procédure de requête au procureur alors que les renseignements obtenus sont de même nature ? Le législateur se voilerait-il la face ? Sous toute logique, comment penser que ces sociétés ne se jouent pas de la légalité ?

A la suite de plaintes concernant les méthodes utilisées par des détectives privés pour retrouver les coordonnées d'un débiteur, la CNIL a réalisé cinq missions de contrôle afin de s'informer sur les pratiques et les traitements de données mis en oeuvre par ces professionnels. Elle a pu observer l'activité de ces sociétés et donc répondre à toutes les interrogations précédentes. Les recherches de débiteur ne se font pas dans le respect de l'article 6-1 de la loi du 6 janvier 1978.

Les investigations s'effectuent depuis les bureaux de la société en consultant des bases de données publiques ou par des appels téléphoniques auprès de tiers susceptibles de communiquer des renseignements sur les personnes concernées. Par ailleurs, les contrôles diligentés par la CNIL ont permis d'identifier des pratiques d'accès indirect à ces fichiers. Des copies de notes ont ainsi permis de révéler l'identité de certains fonctionnaires manifestement disposés à livrer des informations. De plus, des copies de scripts téléphoniques, dont l'utilisation était manifestement de permettre de procéder à des appels téléphoniques auprès d'administrations en usurpant des titres ou fonctions afin d'obtenir de façon détournée des informations sur des personnes recherchées.

Il a fallu attendre que des personnes abusées par les pratiques de ce genre de société portent plainte pour que la CNIL procède à des enquêtes et entre dans le quotidien de ces sociétés, quotidien qui se déroule en majeure partie dans l'illégalité.

Un autre problème tout aussi important que l'existence même de ces sociétés se trouve être que certains fonctionnaires soumis au respect du secret professionnel sont tout à fait disposés à donner des renseignements confidentiels en échange d'une contrepartie financière ou autre. Ces comportements illégaux sont certes sanctionnés lorsqu'ils sont avérés mais ils devraient être inexistants.

Mais ce système parallèle d'obtention de renseignements touchant à la vie privée est-il soumis à des règles déjà existantes ?

Section II : La réglementation

Au même titre que les huissiers de justice, les enquêteurs et détectives privés touchent de près ce qui a trait à la notion de vie privée, mais s'ils doivent également respecter le secret professionnel (I), ils ne sont pas pour autant soumis à la même réglementation (II).

I Le secret professionnel

Le secret professionnel doit être une règle de base de la déontologie inhérente à toute profession ayant accès, dans le cadre de son exercice, à des renseignements d'ordre privé et confidentiels. C'est pourquoi la moindre des choses pour les personnes qu'elles soient dirigeantes ou employés des sociétés constituant et permettant l'existence du marché parallèle susvisé, est d'être soumises au respect de la règle du secret professionnel. Mais le sont-elles vraiment ?

François Eugène VIDOCQ, considéré comme étant à l'origine de la profession d'enquêteur, imposait déjà des règles de stricte confidentialité à ses collaborateurs, dans le règlement intérieur de son agence, qui prescrivait, en 1838, en son article 14 : «  La discrétion étant l'âme d'une bonne administration, il est défendu aux commis et employés de toute classe de se communiquer réciproquement les notes, soit de surveillance ou de recherches, ni de parler des affaires dont ils sont chargés ; aucun d'eux ne doit se permettre d'ouvrir ou d'examiner un dossier dont le travail ne lui est pas confié ; à cet égard, les pièces et notes devront toujours être retournées dans les bureaux de façon à ce que les curieux ne puissent les lire. Celui des employés intérieurs ou extérieurs qui prouvera avoir obtenu de son camarade une récompense de cette nature sera récompensé d'un montant d'une journée de travail retenue à l'indiscret qui lui aura fait cette confidence ».

Dans cet article, les enquêteurs sont encouragés par une « prime » à la délation, ceci dans le seul but de faire respecter la règle du secret professionnel.

Sur le plan déontologique, moral et juridique, les enquêteurs de droit privé sont bien tenus au secret professionnel, quelle que soit leur spécialité, la question ne fait plus aucun doute. Les informations qu'i1s détiennent dans le cadre de l'exercice de leur fonction sont strictement confidentielles.

En avril 1977, aucune réglementation n'était encore applicable aux enquêteurs et détectives privés, comme l'a rappelé M. INCHAUSPE dans le cadre d'une question à l'Assemblée Nationale30(*). Le 13 août 1977, par une publication au Journal Officiel, une réponse est apportée bien qu'imprécise. Elle laisse le soin à la jurisprudence de déterminer si les enquêteurs et détectives privés répondent ou non aux exigences globalement définies par les dispositions du Code pénal qui sanctionnent toutes violations du secret professionnel.

Les sanctions encourues en l'espèce sont issues des dispositions de l'article 226-13 du code pénal : « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende ».

La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt en date du 9 juillet 1980, retient que les enquêteurs ont trahi le secret professionnel de leurs missions. Dans un autre arrêt, la même Cour retient également que le détective est tenu à une obligation de secret professionnel. Ainsi la jurisprudence est venu confirmer ce qui semblait une évidence : les enquêteurs et détectives privés sont bien soumis au respect du secret professionnel eu égard aux renseignements obtenus dans le cadre de l'exercice de leur mission. Toute violation de ce secret entraînerait donc une condamnation pénale.

La loi du 18 mars 200331(*) en son article 102, a permis au législateur de réglementer la profession. « Est donc soumise aux dispositions du présent titre la profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l'objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts ». Ce texte renforce le secret professionnel de l'enquêteur en l'autorisant à agir en toute confidentialité.

Les sociétés contribuant à l'existence de ce marché parallèle de l'information respectent-elles ces dispositions ? Certes, peut-être qu'une fois les renseignements obtenus, le secret professionnel est respecté mais avant, les moyens utilisés sortent du cadre des moyens légaux et autorisés.

Cependant existe-t-il au-delà de la règle du secret professionnel une législation précise aux fins de réglementer la profession ?

II La question de la réelle réglementation

Il existe différentes dispositions et réglementations concernant la profession de détective et enquêteur privé. Encore faut-il que les dirigeants et employés de ces sociétés soient soumis à celles-ci et contrôlés comme tels par les autorités et institutions publiques, la CNIL par exemple.

Un décret du Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire réglementant en outre les activités privées de renseignements en date du 6 septembre 2005 a été pris en la matière32(*). Il a été modifié par le décret du 7 août 200733(*),

Son chapitre premier concerne les dispositions communes relatives à la qualification professionnelle des dirigeants et à l'aptitude professionnelle des salariés des agences de recherches privées. En son article 1er, ce décret dispose que « les dirigeants et les salariés d'entreprises exerçant l'une des activités mentionnées à l'article 1er de la loi du 12 juillet 1983 susvisée justifient de leur aptitude professionnelle par la détention : soit d'une certification professionnelle, enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles, se rapportant à l'activité exercée ; soit d'un certificat de qualification professionnelle élaboré par la branche professionnelle de l'activité concernée, agréé par arrêté du Ministre de l'intérieur ou, s'agissant des activités visant à assurer préventivement la sûreté des vols mentionnées à l'article L. 282-8 du code de l'aviation civile, par arrêté conjoint du Ministre de l'intérieur et du Ministre chargé des transports ; soit d'un titre reconnu par un Etat membre de l'Union européenne ou par un des Etats ayant pris part à l'accord sur l'Espace économique européen, se rapportant à l'activité exercée ».

Les professionnels sont donc habilités et peuvent en fournir une preuve si besoin, c'est un point positif, il faut avoir des qualifications particulières et donc n'importe qui ne peut pas ouvrir ce genre d'agences.

En son article 2, le décret précise que « la certification professionnelle et le certificat de qualification professionnelle attestent notamment des connaissances et savoir faire relatifs (...) aux dispositions du code pénal relatives (...) à l'atteinte au secret des correspondances et aux systèmes de traitement automatisé de données, à l'usurpation de titres ou fonctions, aux faux et usage de faux, à l'appropriation frauduleuse (...) »

Le noeud du problème est le fait qu'aucune disposition ou stipulation ne précise réellement quelles sont les informations pouvant être obtenues. Il est fait état de la notion de respect de la vie privée, des techniques d'enquête, d'investigation...mais rien sur la nature des renseignements pouvant être obtenus et sur la motivation des enquêtes.

La loi du 12 juillet 1983 réglementant et autorisant les activités privées de sécurité34(*) dans son article 20 issu de la loi du 18 mars 200335(*) « Est soumise aux dispositions du présent titre la profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir (...) des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts ».

Ces sociétés ont une autorisation d'exercer mais la nature des renseignements qu'elles peuvent obtenir n'est pas mentionnée. En revanche, ce manque de réglementation ne peut en aucun cas être considéré comme un vide juridique, bien au contraire car la nature des renseignements litigieux est connue, ils sont et restent d'ordre privé et sont soumis par conséquent aux dispositions de la loi informatique et libertés de 1978. Les sociétés concernées violent donc de façon caractérisée le droit au respect de la vie privée tel qu'énoncé par la Convention européenne des droits de l'homme.

Cependant un problème demeure. Ces sociétés de recherche sont visibles et connues de tous, leurs procédés ne font aucun doute, pourtant elles ne semblent avoir été sanctionnées que par la CNIL, malgré la violation de dispositions législatives et réglementaires autres que la loi Informatique et libertés de 1978. Par ailleurs, seulement un petit nombre de sociétés a été contrôlé. Les autres continuent à exercer leur activité et à proposer l'obtention d'informations concernant le domaine privé en toute impunité.

En effet, la CNIL au sein de sa formation restreinte, lors de sa séance du 27 avril 2006, a prononcé plusieurs mises en demeure à la suite de contrôles. Sur la base de ces observations, la CNIL a mis les sociétés contrôlées en demeure de « procéder à la déclaration des traitements de gestion des enquêtes , d'apporter à la CNIL toute garantie permettant de considérer que, pour l'avenir, les modalités mises en oeuvre pour la recherche des débiteurs seront conformes aux dispositions de l'article 6-1 de la loi du 9 janvier 1978 modifiée le 6 août 2004 et que, notamment il ne sera plus procédé à l'usurpation de titres ou de fonctions ainsi qu'à appels téléphoniques à des personnes soumises au secret professionnel afin d'obtenir des informations à caractère confidentiel ; de prendre toutes mesures nécessaires pour que, dans l'ensemble des traitements, les mentions manifestement contraires à la loi du 6 janvier 1978 modifiée (numéro de sécurité sociale, données relative à la santé des personnes ou à leur passé judiciaire) soient supprimées (...) de procéder à la purge de l'ensemble des informations relatives à des enquêtes clôturées, d'apporter à la CNIL toute garantie permettant de considérer que la sécurité et la confidentialité sont assurées sur les données conservées dans les traitements mis en oeuvre ». Ces mises en demeure ne sont sûrement pas restées sans effet pour les sociétés contrôlées puisque, dans le cas inverse, des sanctions comme une injonction de cesser la mise en oeuvre ou des sanctions financières auraient pu être prononcées si aucune régularisation n'avait été faite dans les délais impartis par la CNIL.

Ce marché parallèle permettant un accès presque direct à l'information a certes des avantages pour les créanciers qui souhaiteraient obtenir rapidement des renseignements et ne pas subir la lenteur des procédures mises à ce titre à la disposition des huissiers de justice. Cependant dans ce système en plein essor, il est possible de voir d'importantes conséquences négatives touchant aux titres exécutoires et par procuration à la profession d'huissier de justice.

Chapitre II : La dévalorisation du titre exécutoire

L'existence de ce marché parallèle d'accès à l'information a deux conséquences principales : la première étant la dévalorisation des titres exécutoires servant de base à l'exécution (Section I) et plus généralement de la profession d'huissier de justice (Section II).

Section I : La dévalorisation du titre exécutoire

La notion de titre exécutoire sert de base aux procédures civiles d'exécution. Un titre exécutoire est un titre revêtu de la formule exécutoire et constatant une créance liquide, exigible. Ce titre permet au créancier d'en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

La loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution indique dans son article 3 quels sont les titres exécutoires. Parmi eux se trouvent : les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, les extraits de procès verbaux de conciliation signés par le juge et les parties, le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non paiement d'un chèque ou encore les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiées comme telles par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement. Cette liste peut être considérée comme non exhaustive avec l'emploi par le législateur de 1991 du mot « seuls » au début de l'alinéa 1 de l'article susvisé.

La formule exécutoire est la suivante : « En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous huissiers sur ce requis de mettre la dite décision à exécution, aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les Tribunaux de Grande Instance d'y tenir la main à tous commandants et Officiers de la Force Publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis. En fois de quoi, la présente décision a été signée par le Président et le Greffier »

Cette formule exécutoire « mande et ordonne à tous huissiers (...) de mettre la dite décision à exécution » et uniquement ces derniers. L'huissier de justice porteur de l'original du titre exécutoire pourra procéder à toutes les mesures d'exécution mises à sa disposition par la loi.

En Droit positif, un officier ministériel est tenu de respecter les diverses procédures visant à obtenir des informations personnelles sur un débiteur, mises à sa disposition dans le cadre de son mandat. Parmi ces dites procédures se trouve le système de requête au procureur, l'accès direct au fichier FICOBA.36(*) Une copie du titre exécutoire doit être annexée à ces requêtes, ceci étant une condition de recevabilité de celles-ci.

Le cas le plus désastreux en matière de résultats se trouve être celui de la requête au procureur de la République. En effet, cette démarche procédurale est longue et sans garantie de résultats. Dans le cadre de ce processus, la requête est reçue, il est imparti au procureur de la République de l'analyser, de l'accepter ou de la rejeter selon les cas. De nos jours, compte tenu de l'engorgement de la justice et de l'importante mission attribuée aux magistrats du Parquet, ces requêtes ne sont pas ou peu examinées ni encore moins acceptées rapidement. Le délai de trois mois donné au procureur de la République pour traiter et répondre à la requête est dans la grande majorité des cas, dépassé. Dans le reste des cas, elle n'est pas du tout traitée ce qui retarde encore un peu plus la procédure de recherche du débiteur concerné et par conséquent de la procédure d'exécution en cours contre ce requis. Par ailleurs, une fois saisis dans le cadre de cette procédure, les organismes ne répondent pas non plus très rapidement malgré le caractère judiciaire de la demande.

Alors comment expliquer qu'à l'heure d'Internet un huissier de justice, sur la base d'un titre exécutoire, mandaté par la République Française, soit cantonné à avoir recours à des procédures complexes et excessivement longues.

A côté de cela, les créanciers peuvent obtenir par des sites Internet et ce, moyennant finances, des renseignements en un délai battant tout record : de quinze à parfois trente jours dans certains cas. En parallèle, rappelons-le, au-delà de trois mois, une requête au procureur de la République restée sans réponse sera qualifiée d'infructueuse. Par des procédures légales avec copie d'un titre exécutoire et selon la pratique, il faut de deux à trois mois minimum pour obtenir éventuellement des renseignements concernant le requis. Alors que sans titre exécutoire, il en faut au minimum quinze jours pour obtenir des renseignements de même nature.

Avec la naissance et l'existence de ce marché parallèle d'obtention de renseignements d'ordre privé, il y a une véritable dévalorisation du titre exécutoire et des procédures civiles d'exécution. Qu'un titre exécutoire serve ou non de base à cette quête d'informations, autrement dit effectuée respectivement par un huissier de justice ou par des sociétés spécialisées, les renseignements obtenus peuvent être en tous points identiques. Par ailleurs, dans l'hypothèse d'absence de titre exécutoire et par la corruption, les renseignements sont même parfois plus précis et plus abondants qu'avec la présentation d'un titre exécutoire.

La lenteur des procédures prévues par les dispositions législatives et décrétales ne peut en aucun cas rivaliser avec la rapidité avec laquelle les sites Internet concernés obtiennent des informations d'ordre privé.

Au-delà de cette dévalorisation du titre exécutoire, par procuration est engendrée une atteinte à la profession d'huissier de justice en général.

Section II : Atteinte à la profession d'huissier de

justice

M. Gérard CORNU rappelle qu'un huissier de justice est « un auxiliaire de justice ayant qualité d'officier ministériel seul habilité à signifier les actes de procédures dans la circonscription où il a le pouvoir d'instrumenter et à mettre à exécution les décisions de justice et autres actes exécutoires, qui peut être chargé de diverses autres opérations (...) » 37(*). Par ailleurs, « un officier ministériel est titulaire d'un office rattaché à l'administration de la justice ».38(*) L'huissier de justice reçoit une habilitation afin de pouvoir exercer, il a le monopole de l'exécution dans le cadre de la justice française. En France, il se trouve donc être un membre actif dans le cadre du fonctionnement de la justice et de son exécution. Rachida DATI, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, au 23ème Forum de la Chambre nationale des huissiers de Justice, présentant une réforme à venir, a souligné le rôle capital des huissiers dans le fonctionnement de la Justice. "Vous faîtes vivre la décision de Justice, sans vous la Justice reste inachevée" a-t-elle déclaré. Cependant les huissiers de justice n'ont pas pour autant les moyens de conserver ce monopole et de mener à bien les mandats qui lui sont confiés.

Les créanciers ayant recours à un huissier de justice espèrent que la procédure de recouvrement de leur créance sera la plus rapide possible, alors comment justifier que ces recours ne donnent pas les résultats escomptés ?

Le souci de sécurité juridique et d'impartialité entraîne un cloisonnement des différentes professions et de leurs fonctions. L'huissier de justice, quant à lui, s'occupe de la mise à exécution des titres exécutoires en général. Il est donc nécessaire de lui donner toute latitude afin qu'il puisse remplir sa mission dans les meilleures conditions possibles.

De nos jours, l'assiette patrimoniale se modifie. Le patrimoine se définit comme étant l'ensemble des biens et des obligations d'une personne, appréciables en argent. Les comptes bancaires représentent désormais la plus grande partie du patrimoine d'un individu. Il est vrai qu'aujourd'hui un certain nombre de ménages n'arrivent pas à accéder à la propriété immobilière eu égard à leur revenu. Par ailleurs, le mobilier garnissant les habitations n'a souvent que peu de valeur. La procédure de saisie vente est donc en train de tomber en désuétude. Cependant, de nos jours, aucun moyen ou presque n'est donné à l'huissier de justice en adéquation avec cette modification patrimoniale et ce dans le but de faciliter par exemple la saisie-attribution. Ceci dévalue le titre exécutoire et, plus généralement, la profession d'huissier de justice.

En matière de renseignements personnels, entre en jeu la CNIL, organe indépendant créé pour veiller à la protection des particuliers. Le législateur, en 1971, a mis en place différentes autorisations pour accéder aux fichiers de renseignements personnels : FICOBA, FNI... ceci afin d'éviter toute dispersion de ces renseignements et faciliter les contrôles. Avec ce système d'accès sécurisé, finalement le résultat escompté n'est pas là. En effet, toute personne même sans preuve de ses fonctions ou munis de faux titres exécutoires peut y accéder, la vérification n'est donc pas fiable.

La question des données personnelles nécessite bien évidemment une protection. Cependant trop de protection, trop de sécurité en l'espèce a incité certaines personnes à créer des sociétés de recherche afin de pallier à la lenteur des procédures en vigueur. Les huissiers de justice s'en trouvent donc lésés puisqu'ils ne peuvent pas utiliser ces systèmes illégaux. Ils doivent s'en tenir aux procédures prévues et subir l'engorgement des Parquets.

En l'espèce, la CNIL a mis en place tout ce dispositif de sécurité en matière de données personnelles afin de faciliter ses contrôles, cibler les autorisations d'accès aux fichiers en fonction des professions et de l'utilité des renseignements pour l'exercice de celles-ci. Cependant, malgré ce système de protection, des brèches sont ouvertes mais elles ne le sont pas en faveur de la justice mais bien de sociétés privées. Ce cadre juridique n'est donc pas fiable en tout point.

Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que l'huissier de justice est un auxiliaire de justice, il se doit d'être irréprochable. De plus, l'huissier de justice est responsable devant les juridictions civiles, pénales, et disciplinaires.

L'article 2 de l'ordonnance du 28 juin 194539(*) dispose que « toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, donne lieu à des sanctions disciplinaires ».

L'article 3 précise la hiérarchie des peines disciplinaires. Celles-ci vont du rappel à l'ordre à la destitution, en passant par la défense de récidiver ou encore la censure simple.

Le titre II de ladite ordonnance prévoit le fonctionnement des juridictions disciplinaires, quant au titre III, celui-ci évoque l'effet de ces peines disciplinaires.

L'huissier de justice est donc soumis à une déontologie adaptée à sa profession, au respect de règles sous peine de sanctions disciplinaires pouvant être lourdes de conséquences lorsqu'il s'agit de l'interdiction temporaire d'exercer voire même la destitution.

Par ailleurs, en ce qui concerne les conditions générales d'aptitude aux fonctions d'huissier de justice, elles résultent du décret du 14 août 197540(*) et sont importantes en matière de garantie que peuvent apporter les huissiers de justice à la CNIL.

Selon l'article 1er dudit décret : « Nul ne peut être huissier de justice, s'il ne remplit les conditions suivantes : 1° Etre français ; 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ; 3° N'avoir pas été l'auteur de faits de même nature ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, mise à la retraite d'office, de retrait d'agrément ou d'autorisation (...) ». Ces trois conditions sont celles qui garantissent principalement que l'accès à la profession d'huissier de justice est strictement réglementé et encadré. Ces dispositions montrent qu'un huissier de justice doit avoir des valeurs telle le respect par exemple et doit avoir une conduite irréprochable qu'il soit en exercice ou non.

Ces garanties malgré tout ne suffisent pas apparemment à rassurer la CNIL qui reste méfiante vis-à-vis de ces auxiliaires de justice. En effet, eu égard aux barrages qu'elle a disposés afin de priver l'huissier de justice d'accès direct à des informations capitales pour la poursuite de l'exécution de ses mandats, la CNIL montre son souhait de préserver des données d'ordre personnel de ce type d'accès.

En revanche, les administrations ne subissent pas toutes ces restrictions, alors que pourtant l'ensemble du personnel de certaines administrations peut avoir accès à toutes sortes d'informations touchant à la vie privée des Français. Tous ces individus n'offrent certainement pas les mêmes garanties qu'un huissier en exercice. La preuve étant que certains des membres du personnel n'hésitent pas à divulguer des informations d'ordre privé alors que les huissiers respectent tous le secret professionnel. La CNIL souhaite, d'un côté, éviter une dispersion et un trop grand accès aux fichiers regroupant des données d'ordre privé mais par ailleurs elle autorise la plupart des administrations et leur personnel à y accéder tout en refusant d`autoriser un membre de la justice à y accéder en fonction de ses besoins. Cette contradiction montre que ces systèmes de contrôle et restriction d'accès restent un leurre.

Les dispositions permettant l'accès à l'information pour l'huissier de justice sont donc désuètes et contribuent à la dévalorisation de la profession d'huissier de justice. Une réforme est donc nécessaire pour éviter une trop grande dévalorisation du titre exécutoire et par procuration de la profession. Certains Etats européens sont déjà très en avance. En France, il reste beaucoup de points à reformer tout en gardant à l'esprit le souci de sécurité juridique français.

TITRE III

Une réforme nécessaire

Lorsque la loi du 9 juillet 1991 puis le décret du 31 juillet 1992 ont été publiés, les huissiers de justice ont vu le panel important de mesures leur étant proposé. La loi de 2003 a réformé les professions judiciaires et notamment celles des Officiers Publics et Ministériels. Cependant il ne faudrait pas que le législateur en reste là, d'autres réformes sont nécessaires (Chapitre II). Certains Etats européens comme l'Italie, l'Allemagne ou encore la Suède peuvent servir d'exemples (Chapitre I)

Chapitre I : La recherche d'informations dans d'autres

Etats européens

Les Etats européens comme l'Italie (Section I), l'Allemagne (II) ou la Suède (III) peuvent être source d'innovation pour le législateur français. Ce dernier doit en effet prendre en compte la nécessité de faire une nouvelle réforme générale (Section II)

Section I Le cas de l'Italie

Même si la France n'a pas beaucoup à envier à ses voisins italiens en matière d'exécution forcée et de collecte de renseignements, à part certains de leurs registres publics, il est nécessaire d'étudier le cas italien en matière d'identification du débiteur (I) et de transparence du patrimoine (II) afin de le démontrer.

I Identification du débiteur

L'identification d'une personne physique par le registre public de l'état civil ou « anagrafe » en droit italien, est possible seulement si l'on connaît la ville où la personne a sa résidence. En effet, le registre public de l'état civil est organisé en Italie sur une base locale autrement dit sur base municipale. Le service de « l'anagrafe » local peut être organisé de façon conjointe par plusieurs mairies mais cette solution reste à leur initiative propre. Toute personne peut, sans conditions, accéder au registre de l'état civil local et vérifier les informations qui y sont contenues. Il existe un registre organisé sur une base nationale pour les personnes physiques, c'est celui de l'état fiscal, disponible uniquement dans le cadre de buts privés.

En dehors de ces hypothèses, si un créancier connaît le code fiscal de son débiteur, c'est-à-dire le numéro qui identifie fiscalement toutes les personnes physiques, il lui est possible de découvrir le lieu de naissance du débiteur. Avec ce dernier élément, un créancier peut espérer que son débiteur réside toujours dans sa ville natale.

En ce qui concerne les personnes physiques exerçant en tant qu'entrepreneur, artisan ou profession libérale, sur les pièces fiscales ou lettres à en-tête est indiqué un numéro « partita IVA », identifiant fiscalement l'individu. Avec ce numéro, un créancier peut s'adresser au bureau IVA et demander à obtenir des informations sur le sujet et sur son domicile fiscal.

En matière de personnes morales, le siège social est le lieu dans lequel la société pose formellement le centre de ses affaires et de ses intérêts autrement dit le lieu depuis lequel l'activité est dirigée et les services administratifs accomplis.

En Italie, il n'y a pas un seul et même registre valide pour toutes les personnes morales. Pour chaque sorte de société ou association, les formalités sont différentes. Dans le cas d'une association qui s'occupe en matière de compétence régionale, on doit faire l'inscription sur le registre qu'il y a dans la même région. En revanche si une association n'a pas de personnalité juridique, elle ne doit s'inscrire sur aucun registre. En ce qui concerne les sociétés : SNC, SA, SARL... elles doivent être inscrites sur le registre des entreprises même si elles n'exercent aucune activité de commerce.

Tous ces différents registres énoncés précédemment sont dits publics et en conséquence peuvent être consultés par tous, créanciers, tiers, avocats...Il n'y a aucune condition particulière d'accès à ces registres. Les informations sont données par voie écrite.

II Détermination du patrimoine

En matière de contenu du patrimoine, le système italien ne prévoit aucune voie effective pour permettre au créancier d'obtenir des informations complètes sur celui-ci.

Seuls certains registres sont accessibles mais cet accès n'est pas dû à la possession d'un titre exécutoire. Il n'y a pas de différence entre le fait que le créancier possède ou non un titre exécutoire. Cependant, dans certaines hypothèses, le système italien dispose de règles plus complètes.

En matière de procès de la famille, il y a des règles particulières afin de pouvoir vérifier le patrimoine du sujet obligé à l'entretien de la famille. Les époux doivent par exemple déposer dans le dossier du litige leurs déclarations fiscales respectives et chaque pièce relative à leurs revenus et à leur patrimoine personnel et commun. A défaut d'y procéder, le juge peut ordonner à la partie défaillante voire aux deux ou à des tiers, la production de pièces fiscales ou bancaires. Ce pouvoir exercé par le juge est cependant plus un pouvoir d'instruction mais il n'est pas exercé dans le cadre d'une exécution forcée. En cas de contestation de la décision du juge ou des pièces fournies par l'autre époux ou un tiers, le juge peut ordonner une enquête sur les revenus, le patrimoine ou le train de vie effectif. Il peut également s'adresser à la police ayant accès au fichier des impôts ou « anagrafe tributaria ».

En matière de créances publiques, en majeure partie, c'est aux « concessionari », personnes privées, qu'est déléguée une partie très importante de la procédure d'exécution. Ces derniers peuvent avoir accès à tous les bureaux publics administrant les registres non accessibles au public ainsi qu'au système informatique tenu par le Ministère des finances à fin d'obtenir toute information utile sur le patrimoine du débiteur. Les « concessionari » peuvent en outre obtenir un tableau complet de la situation patrimoniale du débiteur.

Certains registres, comme étudiés précédemment, sont publics. Dans cette hypothèse, un titre exécutoire ne confère aucun pouvoir particulier pour accéder à ceux-ci. En parallèle, il existe des registres non publics, par exemple les registres fiscaux ou bancaires. Dans ce cas, les huissiers de justice ou les avocats n'ont pas d'accès privilégié à ces fichiers.

En droit italien, le procureur de la République peut demander des renseignements uniquement dans le cadre d'une affaire pénale. Par ailleurs, le débiteur ne peut pas être contraint, comme en France dans certains cas, à donner des renseignements sur ses biens dans une déclaration de patrimoine.

Il existe en Italie toutes sortes de registres publics. Il est important de citer les principaux :

- Le registre foncier ou cadastre. Il faut distinguer le cadastre et le registre immobilier. Le premier a une fonction de description des immeubles. Le second organisé sur base locale ou nationale peut donner toutes sortes d'informations à partir des nom, prénoms d'une personne.

- Le registre des saisies effectuées sur des débiteurs. Est tenu un registre se référant aux exécutions civiles et un autre relatif à l'exécution sur des biens immeubles.

- Le registre des débiteurs défaillants. Dans chaque tribunal, certains registres doivent être tenus : celui des faillites qui ont été déclarées, celui des mises en faillite, ceux se référant aux différentes procédures que la loi prévoit pour le redressement ou la liquidation judiciaires.

- Le registre d'immatriculation d'automobile, navires, aéronefs. Près de chaque siège provincial de l'Automobile Club Italien, il y a un registre public des automobiles sur lequel on doit inscrire chaque véhicule automobile ayant obtenu dans la province la licence lui permettant de circuler. Les motos, scooters et tracteurs agricoles sont inscrits sur des registres différents. Toute personne peut obtenir copie des inscriptions faites sur le registre.

Dans ce système italien, seuls les « concessionari » peuvent obtenir un tableau récapitulatif du patrimoine d'un débiteur, les huissiers de justice n'ont quant à eux que peu d'accès direct aux informations. A l'image du Droit positif français, la recherche de renseignements peut être un parcours difficile pour ces derniers. Cependant, l'idée de rendre publics certains fichiers comme celui des saisies effectuées sur les débiteurs ou encore le registre d'immatriculation d'automobile est une avancée notable.

Outre le cas italien, d'autres Etats européens comme l'Allemagne ou la Suède, peuvent également être source d'inspiration pour le législateur français.

Section II Le cas de l'Allemagne

L'exécution en droit allemand se base sur trois conditions spécifiques : un titre, une formule exécutoire et une notification dudit titre revêtu de la formule exécutoire. Les principaux titres sont les jugements définitifs (« Endurteile ») émanant des tribunaux allemands. Le jugement doit avoir un contenu exécutoire et être lui-même exécutoire.

La réforme française de 1991 a contribué à rapprocher un certain nombre de règles françaises du droit allemand, cependant il reste à ce jour de nombreuses divergences.

Le droit allemand se caractérise par certaines spécificités par rapport à ses voisins européens. En matière d'exécution forcée et plus précisément de renseignements, le droit allemand prévoit l'obligation pour le débiteur de déclarer sous serment relative à la teneur de son patrimoine (I) et la tenue d'un registre des différents débiteurs auprès de chaque tribunal cantonal (II).

I La déclaration sous serment

1) Le contenu de cette déclaration

L'article 807 du Code allemand de procédure civile (« ZivilprozeBordnung » ou ZPO) dispose que lorsque le créancier n'a pas été entièrement désintéressé par la saisie ou lorsqu'il démontre de façon plausible qu'il ne pourra pas être entièrement satisfait par le produit de la saisie, le débiteur peut être obligé par le tribunal, sur demande du créancier, à produire un état de ses biens, à indiquer les causes et les moyens de preuve de ses créances. Il prête serment dans lequel il indique sa fortune en toute conscience et aussi complètement et précisément qu'il est en état de la faire.

Cette déclaration présente un avantage pour le créancier mais aussi pour le débiteur. Le premier pourra à l'avance connaître l'ensemble du patrimoine de son débiteur et donc savoir sur quels biens il pourra poursuivre l'exécution forcée. Pour le second, grâce à cette déclaration sous serment, si son patrimoine est insignifiant, il pourra être à l'abri d'une exécution forcée.

En outre, l'état des biens doit préciser :

- les cessions à titre onéreux réalisées par le débiteur dans l'année précédant la date de la prestation de serment, qu'elles aient été faites à son conjoint avant ou pendant le mariage, à des parents, à ses frères et soeurs ou ceux de son conjoint,

- les dispositions à titre gratuit accomplies par le débiteur pendant cette même période, sauf cadeaux d'usage,

- les dispositions à titre gratuit au profit de son conjoint réalisées dans les deux dernières années précédant la date fixée par la déclaration sous serment.

Le débiteur peut aussi être contraint de faire cette déclaration sous serment dans d'autres situations. En effet, celui-ci y est obligé dans les hypothèses où le bien meuble qu'il est tenu de délivrer ou restituer n'est pas retrouvé chez lui ou encore si le débiteur a refusé l'accès à son domicile et enfin si le débiteur n'était pas présent le jour de la venue de l'huissier de justice sans pouvoir justifier cette absence par des motifs sérieux et légitimes.

2) Modalités de la prestation sous serment

La réforme allemande du 28 décembre 1997 prévoit que l'huissier de justice reçoit et enregistre cette prestation de serment. Le dispositif antérieur confiait cette compétence au tribunal cantonal dans le ressort duquel le débiteur avait son domicile ou sa résidence, c'est le « Rechtspfleger » qui enregistrait la déclaration.

Le créancier lance la procédure par une requête en fixation d'une date pour la déclaration sous serment. Cette requête est accompagnée du titre exécutoire et des documents montrant l'obligation pour le débiteur de se soumettre à la prestation de serment.

La date fixée pour la déclaration sur l'honneur est signifiée au débiteur et communiquée au créancier, la présence de ce dernier n'est pas requise. Si le débiteur affirme qu'il va payer sa dette dans les trois mois à venir, l'huissier de justice peut décider de repousser la date prévue pour la déclaration sous serment et si le débiteur démontre qu'il a entre-temps payé au moins le 2/3 de la dette, l'huissier pourra encore repousser de six semaines.

En vertu de l'article 901 du ZPO, le tribunal doit ordonner dans un cas précis : défaut de comparution du débiteur au jour fixé sans motif légitime, la contrainte par corps pour obliger le débiteur à respecter son obligation de déclaration. Le débiteur emprisonné peut alors demander à tout moment au tribunal d'enregistrer sa prestation de serment. Dès que cela est fait, le débiteur est libéré. Cette méthode de contrainte par corps ne peut en aucun cas excéder six mois. En cas de faux serment, le droit allemand prévoit aussi des sanctions.

Cette disposition du ZPO montre que le droit allemand mêle droit pénal et exécution forcée, hypothèse très rare en France. En effet le législateur français refuse d'intégrer des sanctions pénales en matière de procédures d'exécution forcée, hormis les cas de dettes fiscales. Le droit français se contente dans la majorité des cas de poser des sanctions pécuniaires.

En l'état, la CNIL refuserait en France de permettre la tenue d'un registre des débiteurs ainsi qu'un tel mode de conservation des données d'ordre personnel. A côté de la rigueur française, le droit allemand le permet.

II Le registre des débiteurs

L'article 915 du ZPO instaure le registre des débiteurs pouvant être consulté par tout intéressé. Le Tribunal de l'exécution tient un registre des personnes ayant fait une déclaration sous serment sur le teneur de leur patrimoine ou contre lesquelles la contrainte par corps a été déclenchée parce qu'elles se sont refusées à ladite déclaration.

Les informations personnelles sur ces différents débiteurs ne peuvent être utilisées qu'à des fins d'exécution forcée ou pour permettre un contrôle de la fiabilité économique, pour contrôler les conditions d'attribution d'aides publiques, pour écarter les dommages économiques résultant de l'inexécution.

Les renseignements contenus dans le registre à propos d'un individu déterminé peuvent être communiqués sur demande par le greffier du tribunal, à condition que le requérant démontre qu'il agit dans le cadre d'une des hypothèses de l'article 915 du ZPO. Le greffier peut également délivrer des extraits du registre. Ces dits extraits ne peuvent pas être communiqués à des tiers par le requérant.

Les inscriptions faites dans ce registre doivent être effacées au bout de trois ans à compter de la déclaration sous serment du débiteur, de la contrainte ou de la cessation de cette contrainte au bout de six mois. Il est possible de procéder à une radiation des mentions plus tôt dans l'hypothèse où le créancier qui a déclenché cette procédure de prestation de serment aurait été satisfait ou si le tribunal a eu connaissance de la disparition de la cause pour laquelle avait eu lieu l'inscription.

Ce système allemand ne correspond certes pas au régime français de protection des données d'ordre personnel. Cependant cette procédure de déclaration est intéressante eu égard au fait que c'est le débiteur lui-même, le mieux à même de connaître l'étendue de son patrimoine qui effectue cette prestation sous serment. En Allemagne, les sanctions attachées au défaut de déclaration, aux déclarations inexactes ou incomplètes renforce le sérieux de cette prestation de serment et l'apport positif qu'elle peut avoir. En France, la législation actuelle ne permettrait pas d'adopter un tel système malgré les avantages qu'il présente.

Section III Le cas de la Suède

Certains auteurs, à l'instar de M. Alain VERBEKE, soulignent qu'en Suède : « tout est enregistré ». Le droit suédois permet une recherche d'informations sans garde-fous ou presque. En France, un tel droit et ses procédures ne pourraient s'appliquer car la CNIL s'y opposerait formellement. Cependant, certains fichiers existant en Suède pourraient être source d'inspiration afin d'être reproduits dans les administrations françaises.

En ce qui concerne les personnes pouvant être tiers débiteur, les règles diffèrent beaucoup. En Suède les tiers ont des obligations très étendues. Le tiers doit préciser si le débiteur a quelques créances ou d'autres aspects financiers qui les lient. Ces renseignements obtenus sont importants pour déterminer si le patrimoine existe et de quelle nature il est. En ce qui concerne les employeurs, ils sont tenus de fournir des informations sur les revenus du débiteur lorsqu'ils y sont invités. Ainsi les banques doivent aussi fournir l'information concernant tous les comptes ouverts au nom du débiteur ainsi que si le débiteur en a, les emplacements de son (ou ses) coffre(s). Ces établissements bancaires doivent aussi indiquer les établissements centraux pouvant offrir d'autres renseignements comme par exemple celui tenant le registre central des chèques.

Selon le chapitre IV du code d'application, le débiteur doit, s'il y est invité, fournir des informations sur ses capitaux, confirmer également la véracité des informations qu'il a fournies dans un document ou lors d'un interrogatoire. En effet, en Suède, une des premières étapes substantielles dans une recherche relative à un débiteur consiste à l'interroger au sujet de ses dettes.

En Suède, chaque citoyen a libre accès aux données relatives au patrimoine actif et passif d'un débiteur tenu par le service public de recouvrement forcé, lesquelles font l'objet de fichiers électroniques.

La localisation du débiteur est utile pour en déduire la localisation de ses biens et, en conséquence, permettre dans un second temps la réussite d'une saisie. C'est la raison pour laquelle le registre de la population sera une pierre angulaire pour réussir à pratiquer les mesures d'exécutions adéquates.

Parmi tous les registres suédois dont fait l'objet la population, on trouve les suivants :

- Le REX permet une centralisation de données concernant la situation de saisie d'un débiteur. Tous les paiements et actions pris en rapport avec un débiteur y sont enregistrés. Grâce à un code d'accès personnel, il est possible de savoir quelles mesures ont été prises, quels paiements ou saisies ont déjà été effectués,

- Le registre d'injonction de payer géré par l'application Authorities,

- Le registre des Impôts ou « tax register » tenu par les autorités fiscales contient des informations sur les redevables de tout impôt,

- Le « trade and association register » donne toute information sur l'identité des associés d'une société de personnes ainsi que ses comptes annuels,

Au côté de ces registres, il en existe d'autres qui sont publics, toute personne peut donc y avoir accès. Parmi eux on trouve :

- Le « matrimonial register » contient toutes les informations sur les enregistrements prénuptiaux, les documents de division de propriété commune ainsi que les donations faites entre époux,

- Le « real estate register » contenant des informations telles que les statuts de propriété, la valeur d'imposition et les gages immobiliers...

- Le registre des sociétés « trade et association register » tenu par le bureau des brevets et de l'enregistrement et contenant des informations sur l'identité des associés d'une société de personnes ainsi que ses comptes annuels,

- Le « securities register » renseigne sur des opérations boursières,

- Le « register if mortgage on a company assets » relatifs aux sûretés concédées sur les actifs d'une société,

- Le «  traffic register » contenant toutes informations sur les véhicules et propriétaires enregistrés (identité du propriétaire actuel et des trois précédents)

- Le « shipping register » et le registre des avions contiennent respectivement toutes les informations concernant les bateaux et les avions ainsi que leurs propriétaires,

- Le registre des chevaux permet de savoir si un débiteur est propriétaire d'un cheval,

D'autres registres permettent de localiser des personnes physiques et ainsi d'éviter de perdre leur trace par exemple :

- Le registre des personnes mis à jour régulièrement eu égard au fait que les individus enregistrés sont tenus de communiquer à l'administration fiscale, sous peine d'astreinte, leur déménagement.

Le système juridique suédois et le travail des autorités sont fortement influencés par un modèle ouvert de décision, tout ceci réalisé dans le cadre d'un principe de liberté individuelle de la parole et du droit du public d'assister à des affaires en jugement voire à des réunions des autorités d'Etat ou de ville. Le public a le droit de lire des documents rédigés et gardés par les différentes autorités. Cependant ceci n'est pas une généralité, certains documents peuvent être classés confidentiels. En pratique, dans certains cas, les autorités ne peuvent donner certaines informations sans savoir l'identité ou les buts du destinataire.

L'énumération des différents registres n'est pas exhaustive, elle montre l'étendue de l'accès aux renseignements pour les autorités d'exécution. Ce système est centralisé et informatisé, signe de modernité pour certains, cependant d'autres s'insurgent contre l'atteinte à la vie privée des débiteurs résultant de cet accès.

Depuis la loi du 1er octobre 2001, les documents des services publics en liaison avec les services du Trésor ne sont accessibles qu'aux services de recouvrement et non à tous comme cela était possible avant.

En France, la place donnée au respect de la vie privée des débiteurs prime sur l'accès aux renseignements. Cependant, il serait possible que le système français s'inspire du système suédois en établissant un équilibre entre vie privée et accès à l'information afin de permettre une revalorisation du titre exécutoire. En Suède, les personnes chargées de l'exécution sont des fonctionnaires et à ce titre, à la différence de la France, ils ont le même statut que le personnel administratif et ont donc accès aux mêmes informations, c'est une des raisons pouvant expliquer le système en vigueur.

Ces systèmes européens, italien, allemand et suédois, présentent certaines idées quant à la réforme qu'il faudrait poursuivre en France. En effet, avec la loi de 2004 permettant un accès aux fichiers FICOBA, le législateur a montré sa volonté de donner plus de moyens à l'huissier de justice afin qu'il mène à bien ses différents mandats. Cependant, bien que cette avancée lui permette un gain de temps, elle ne suffit guère à l'heure actuelle pour revaloriser globalement la profession. La notion d'équilibre entre les intérêts des débiteurs et ceux des créanciers est un axe de la réforme de 1991, en l'état, elle n'est pas la réalité. En effet, les intérêts des débiteurs priment sur les intérêts des créanciers.

Chapitre II Les perspectives envisageables

A l'heure actuelle, comme étudié précédemment, la profession d'huissier de justice n'a plus à sa disposition les moyens nécessaires pour mener à bien sa mission d'exécution et correspondre au mieux aux exigences précises des créanciers. Ces derniers veulent essentiellement plus de rapidité. Il faut donc un accès effectif à l'information.

En matière de paiement direct de pension alimentaire, les avancées sont visibles. En effet, certains organismes sont tenus de communiquer à l'huissier de justice en charge du dossier : l'adresse du débiteur ou de son employeur, si le bénéficiaire ne les connaît pas. Ce sont : l'administration fiscale, la sécurité sociale, le service des recherches dans l'intérêt des familles, le fichier national des chèques irréguliers (FNCI) ainsi que les fichiers départementaux des cartes grises des préfectures. En matière de recouvrement de la pension alimentaire, l'huissier de justice va donc pouvoir requérir de la part du tiers saisi les mêmes renseignements qu'une réquisition faite au ministère public.

Par ailleurs, en 2002, Jean Claude BELOT, président de la CNHJ à l'époque, a précisé que «depuis 1973, la loi sur les prestations compensatoires et les pensions alimentaires a permis aux huissiers de justice l'accès à toutes sortes d'informations, sans qu'il y ait eu en trente ans aucun abus »41(*).

Le caractère alimentaire de la créance est-il donc le seul élément capable de justifier un accès direct, exceptionnel et spécifique à la matière ? Bien que, dans certains cas, la créance concernée n'ait pas ce caractère alimentaire, son recouvrement n'en est pas moins nécessaire pour la survie d'une petite société ou d'une famille. Par ailleurs, le système actuel établit une hiérarchie des créances en plaçant les alimentaires au premier rang de telle sorte qu'il favorise leur recouvrement. Cependant toute autre créance peut être nécessaire pour une famille ou une société.

L'accès à l'information devrait être total pour l'huissier de justice dans le cadre de l'exercice de sa profession.

Les organismes requis par le biais de la procédure de requête au procureur devraient pouvoir être interrogés directement par ces officiers ministériels. Avec la mise en place d'un système sécurisé d'accès aux différents fichiers, les huissiers de justice qui le souhaitent pourraient dans cette hypothèse obtenir directement des informations capitales pour la poursuite de leur mission. 

La CAF, la CPAM, les ASSEDIC, EDF et GDF, organismes publics, devraient avoir l'autorisation de donner à un huissier de justice sur présentation de sa carte professionnelle toute information utile en leur possession. Il est légitime que le législateur français soit réticent à ce que les renseignements soient donnés par téléphone, mais s'ils le sont par voie postale ou en personne, ce système devrait voir le jour.

Par ailleurs, ce moyen déjà mis en pratique dans certains ressorts de compétence serait donc simplement étendu. Il est vrai qu'en pratique, certains procureurs de la République, conscients de la lenteur avec laquelle ils répondent à ces requêtes, n'ont pas hésité à « autoriser » les huissiers de justice à interroger directement les organismes concernés. Cette méthode a fait ses preuves mais n'étant pas légale, sa réussite ne peut être totale car seulement certains huissiers de justice peuvent en bénéficier.

Si les procureurs de la République ont, en toute conscience et sous leur responsabilité, autorisé certains huissiers de justice à user de cette « délégation » de fonctions, le législateur devrait prendre en compte les avis des différents protagonistes concernés pour faire évoluer la justice. Cette pratique n'a qu'un seul but légitime, celui de faire appliquer au mieux la justice française.

Une alternative au système précédent existe, il suffirait de modifier légèrement la formule exécutoire. Si la République Française mande et ordonne également aux administrations et organismes publics de tenir la main à tous commandants et Officiers de la Force Publique et de leur prêter main-forte lorsqu'ils en sont légalement requis, il ne serait plus utile de passer par le biais d'une requête au procureur de la République. Les huissiers de justice pourraient ainsi interroger directement les administrations et organismes publics qui au vu de leur intégration au sein de la formule exécutoire, ne pourraient refuser de prêter directement leur concours.

Au-delà de ces possibilités, la conservation des données collectées devrait faire l'objet d'un assouplissement de la part du législateur et de la CNIL. L'huissier de justice devrait pouvoir réutiliser des informations déjà obtenues dans le cadre d'un dossier précédent. Il est impensable d'imaginer que les huissiers effectuent deux fois le même travail de recherche par rapport à un même débiteur. La CNIL autorise la conservation de documents tels que les minutes, les correspondances, les pièces comptables pour une durée limitée. Cependant tous les renseignements collectés dans le cadre de procédures d'exécution ne peuvent pas faire l'objet d'un archivage. La CNIL permet déjà de conserver ces informations dans des fichiers sécurisés et accessibles dans la base active pendant une durée de cinq ans, la durée devrait logiquement être augmentée et alignée sur le temps de conservation des minutes.

Par ailleurs, le secret postal devrait être levé envers les huissiers de justice qu'ils soient munis ou non d'un titre exécutoire. Par un changement d'adresse auprès des services postaux, un débiteur peut continuer à recevoir son courrier désormais réorienté, cependant l'huissier de justice ne peut pas en avoir connaissance. Il serait donc nécessaire que ce dernier puisse être tenu informé des changements d'adresse. En pratique, ceux-ci pourraient faire l'objet d'un fichier postal particulier auquel l'huissier de justice munis de codes personnels pourrait avoir librement accès. Aux yeux des services postaux, ce dernier passerait donc du rang de n'importe quelle personne physique à celui de membre à part entière de la Justice.

Dans un second temps, la mise en place d'un fichier central des hypothèques et du cadastre serait un point positif. En effet, il est particulièrement difficile pour l'huissier de justice voire impossible, de savoir si un débiteur possède un ou des biens immobiliers. S'adresser à chaque bureau local des hypothèques est difficilement envisageable, c'est pourquoi un fichier recensant l'ensemble des propriétaires et des informations concernant leurs biens serait un point positif qui éviterait des frais dus à une carence d'organisation des services étatiques. Au niveau européen, certains pays ont déjà des registres centralisés, très efficaces, des propriétés immobilières. Sur une base des données sont enregistrées toutes informations concernant les titres de propriété à travers le pays comme en Suède par exemple. A l'heure actuelle, en France, il existe un service Internet permettant d'obtenir gratuitement des plans cadastraux, mais aucune information concernant le propriétaire. Les renseignements obtenus restent parcellaires et incomplets.

Au-delà de ces systèmes d'accès à l'information post-obtention d'un titre exécutoire, il est important de donner les moyens au créancier de connaître l'étendue du patrimoine de son débiteur avant l'engagement d'une procédure d'exécution. La Chambre Nationale des Huissiers de Justice considère qu'il serait en effet préférable de permettre à l'agent d'exécution de rechercher, sous sa responsabilité et préalablement à l'engagement d'une procédure, des informations concernant la solvabilité du débiteur en cause, évitant ainsi au créancier, d'engager une action dont l'issue est rendue incertaine par une solvabilité inconnue du débiteur. En l'absence de réelles informations sur la situation de solvabilité d'un débiteur, le créancier ne peut les obtenir qu'en étant titulaire d'un titre exécutoire, ce qui l'oblige à engager des frais pour bénéficier d'une source d'information légale.

Cette situation faisant du titre exécutoire le point d'entrée obligatoire et légal d'information nuit donc à la pertinence du système. En enlevant cette condition d'accès et en la remplaçant par l'obligation de recourir à un huissier de justice, en prenant évidemment en compte toutes les garanties offertes par la profession, ceci donnerait plus de crédibilité au titre exécutoire et permettrait une revalorisation de la profession en matière d'exécution forcée. Cette hypothèse illustrerait ainsi le processus actuel de déjudiciarisation de certaines procédures de recouvrement.

Rachida DATI, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice a participé, comme vu précédemment, au 23ème Forum de la Chambre nationale des huissiers de Justice. A cette occasion, elle a annoncé une extension des moyens d'actions des huissiers de Justice afin de faciliter l'exercice de leurs missions. Afin de faciliter la recherche d'informations, les huissiers doivent également "avoir accès à tous les renseignements utiles". "Je veux que vous soyez autorisés à interroger directement certaines personnes publiques afin d'obtenir l'adresse d'un débiteur, celle de son employeur, ou celle de la banque où il a ouvert un compte" a assuré le ministre. Cela simplifiera le travail des huissiers de justice puisqu'ils n'auront plus besoin de passer par le procureur de la République. Ainsi la nécessité de la réforme est à l'esprit de tous y compris au sein du Ministère de la justice. La Ministre de la justice ajoute que plusieurs autres mesures vont être prises dans les mois à venir afin de permettre aux huissiers de justice dont une concerne le sujet. Une de ces dispositions devra permettre d'accéder aux dispositifs d'appel et aux boîtes aux lettres particulières des immeubles d'habitation, le syndic pourra ainsi être autorisé à fournir un passe et communiquer aux huissiers le code d'accès à un hall d'immeuble.

A l'heure actuelle, la CNIL met en place, en partenariat avec la Chambre Nationale des Huissiers de Justice (CNHJ), un système qui permet aux huissiers de justice de lui garantir l'utilisation et la conservation des données personnelles concernant des débiteurs. Peut-on y voir le début d'une confiance totale de la CNIL ? La circulaire n°2007-46 fait part de cet accord grâce à la mise en place d'un correspondant informatique et libertés (CIL) mutualisé entre le plus grand nombre d'études. La mission d'être le CIL mutualisé de la profession d'huissier de justice a été confiée en janvier 2008 par le Président de la CNHJ à Maître Guy CHEZEAUBERNARD. Six relais régionaux sont également mis en place. Le rôle du CIL et des relais régionaux va être d'accompagner les études dans la mise en conformité des fichiers qu'elles détiennent. La démarche d'adhésion au système de CIL mutualisé est propre à chaque étude et non obligatoire. Cependant, le Président de la CNHJ rappelle dans sa circulaire en date du 06/02/2008 que toute adhésion à ce système dispensera l'étude des formalités de déclaration du contenu des fichiers détenus par elle à la CNIL. Ce système va garantir un accès privilégié des services de la CNIL à la profession d'huissier de justice.

Ceci permettra de trouver des solutions permettant de concilier protection des libertés individuelles et intérêts légitimes des professionnels concernés.

Conclusion

En France, la réforme de 1991 ainsi que son décret d'application de 1992, ne suffisent plus pour permettre une exécution convenable de la Justice à l'image d'autres pays européens. Le législateur a souhaité donner le monopole de l'exécution et du recouvrement à l'huissier de justice grâce à toute une série de dispositions.

Cependant, les carences de moyens, les difficultés présentes au quotidien pour l'huissier de justice dans son parcours d'accès à l'information ont des conséquences néfastes pour l'exercice de la profession. Des sociétés se sont développées pour pallier à ces problèmes, elles usent de moyens souvent illégaux, obtiennent des informations d'ordre privé par le biais de corruption, de complicité d'agents fonctionnaires d'Etat, d'organismes sociaux ou encore d'agents bancaires. En parallèle, la CNIL, par son souci de protection des individus, contribue à alimenter ce commerce de l'information. Ces sociétés ne présentent aucune garantie contrairement aux huissiers de justice. Alors la question que devrait se poser le législateur est simple : n'est-il pas préférable de donner aux huissiers de justice les moyens nécessaires pour exécuter les décisions de justice plutôt que de laisser des sociétés sans scrupule continuer à proposer leurs offres de services portant atteinte à la vie privée des débiteurs ?

Certes, avec la loi du 11 février 2004 portant réforme de la profession, les huissiers de justice se sont vu conférer la possibilité d'interroger le fichier FICOBA, avancée notable mais pourtant insuffisante. Cet accès ne concerne qu'un seul aspect de la recherche d'informations, les comptes bancaires, le reste du patrimoine, s'il existe, est tout à fait délaissé.

Consciente du problème, la Chambre Nationale des Huissiers de Justice tente souvent d'attirer l'attention du législateur. Les huissiers de justice rencontrent ce problème tous les jours et souhaitent vraiment que la réforme en marche s'accélère.

Il est nécessaire de donner aux huissiers de justice un accès direct aux informations sans nier le souci de protection des débiteurs quant à leur sphère privée.

Les deux parties, créancier et débiteur, y trouveraient leur propre intérêt. Les premiers verraient un gain de temps et les seconds ne paieraient pas de frais inutiles, les renseignements obtenus permettant d'appréhender la réelle solvabilité du débiteur et de choisir une procédure adaptée.

Le législateur et les administrations doivent prendre réellement conscience du problème interdire le commerce de l'information et mettre à disposition de l'huissier de justice les moyens permettant que l'application de la justice française soit une réalité.

« L'huissier de justice fait vivre la décision de justice »42(*). Par cela, il est à même d'utiliser les moyens adéquats pour mener à bien ses missions dans le respect des individus.

Tables des matières

Introduction 1

Titre I La recherche d'informations pour l'huissier de...........8 . justice 8

Chapitre I Les moyens accessibles à tous 9

Section I : Les acteurs principaux de cette recherche 9

d'informations 9

Section II La recherche d'informations à l'initiative de l'huissier 12

I A l'étude 12

II L'huissier de justice en tournée 14

Chapitre II : Les rapports avec les autorités 17

Section I La recherche d'informations avec l'aide du Parquet 17

I Les conditions de fond 17

II Les Conditions de forme 18

III La gestion de la demande par le procureur de la République 19

IV Les différents organismes interrogés 20

Section II : Le préfet en possession de données importantes 22

Section II : Accès au fichier des comptes bancaires 25

Chapitre III : La place des tiers dans les procédures d'exécution 28

Section I Les obligations des tiers 28

I Devoir d'abstention 28

II Devoir de collaboration 29

Section II Les tiers et la saisie attribution 30

I Obligations du tiers saisi 30

1) L'obligation de déclaration du tiers saisi 30

2) Le contenu de la déclaration du tiers saisi 31

3) L'assouplissement de la notion de délai 32

II Les sanctions encourues par le tiers saisi 33

1) Les différentes sanctions envisagées 33

2) Les cas d'exonération pour le tiers saisi 34

Section III Le rôle des tiers dans la procédure de paiement direct 35

Section IV : L'ordonnateur et le comptable public 37

I Interrogation de l'ordonnateur 37

II Les obligations incombant au comptable public 38

Section V La place des tiers dans les autres mesures 39

I Saisie rémunérations 39

II Le rôle du tiers en matière de saisie conservatoire, saisie vente 40

Chapitre III : Le régime d'utilisation des données obtenues et ses 42

conséquences 42

I Le rôle de la CNIL 42

II La conservation des données obtenues 43

TITRE II : Existence d'un marché parallèle 47

Chapitre I : Le marché parallèle de l'information 48

Section I : Des sociétés spécialisées 48

I Les potentiels clients de ces sites Internet 48

II La nature des renseignements obtenus 50

Section II : La réglementation 54

I Le secret professionnel 54

II La question de la réelle réglementation 56

Chapitre II : La dévalorisation du titre exécutoire 60

Section I : La dévalorisation du titre exécutoire 60

Section II : Atteinte à la profession d'huissier de 1 justice 62

Titre III : Une réforme nécessaire 67

Chapitre I : La recherche d'informations dans d'autres Etats 68

européens 68

Section I Le cas de l'Italie 68

I Identification du débiteur 68

II Détermination du patrimoine 69

Section II Le cas de l'Allemagne 71

I La déclaration sous serment 72

1) Le contenu de cette déclaration 72

2) Modalités de la prestation sous serment 73

II Le registre des débiteurs 74

Section II Le cas de la Suède 75

Chapitre II Les perspectives envisageables 79

Conclusion 83

Bibliographie

I Dictionnaire

- Lexique des termes juridiques, Dalloz

- G.CORNU, « Vocabulaire juridique », Presse universitaire de France

II Codes

- Code de procédure civile, Edition Dalloz, 2008

- Code civil, Edition Dalloz, 2008

- Code de la route, Edition Dalloz, 2008

- Code pénal, Edition Dalloz, 2008

III Ouvrages généraux

- J .PREVAULT, J.VINCENT, « Voies d'exécution », Mémentos, Dalloz, 2001

- G.COUCHEZ, Voies d'exécution, Armand Colin, 8ème édition, 2005,

- PERROT et THERY, Procédures civiles d'exécution, Dalloz, 2ème édition, 2005,

- M.DONNIER, J.B DONNIER, Voies d'exécution et procédures de distribution, 7ème édition, Lexis Nexis, Litec

- S.GUINCHARD, T.MOUSSA, Droit et pratique des voies d'exécution, Dalloz action, 2007/2008

- G.TAORMINA, Opérations préalables aux mesures d'exécution, Fascicule 125, Droit de l'exécution forcée, Edition Lamy, 2000

IV Jurisprudence

- C.Cass 2ème civ 25/01/07, N° de pourvoi 05-13.618

- CCass 2ème civ 05/04/07 N° de pourvoi 05-14593C.Cass 3ème civ 23/05/07, N° de pourvoi 06-15.066

- CCass 2ème civ 21/12/06, Droit et procédures 2007, N° 3, page 164

- C.Cass 2ème civ 07/12/06, N° de pourvoi 06-11.211

- CCass 2ème civ 14/09/06 N° de pourvoi 04-17.065, JCP 2006

- CCass 2ème civ 11/05/06 N° de pourvoi 04-14280

- C.Cass 2ème civ 15/12/05, N° de pourvoi 04-12171

- CCass Ch com 8/03/05 N° de pourvoi 03-30018

- CCass 2ème civ 10/06/04 N° de pourvoi 02-16839

- CCass 2ème civ 06/05/04 N° de pourvoi 02-15348

- C.Cass 2ème civ 13/02/03, Juris-classeur Mai 2003, page 12C.

- CCass 2ème civ 28/05/03 N° de pourvoi 01-12892

- Cass, 2ème civ 07/11/02, Juris-classeur, Procédure civile, Fascicule 2040

- C.Cass, 2ème Civ 2, 03/10/02, N° de pourvoi 01-02159

- C.Cass 2ème civ 19/09/2002, Juris-classeur Janvier 2003

- C.Cass 2ème civ 04/10/01, N° de pourvoi 99-21263

- C.Cass 2ème civ 31/05/01, N° de pourvoi 99-19104

- C.Cass, 2ème Civ 2, 05/07/00, N° de pourvoi 97-21606

- CA Grenoble, 15/05/06, JCP 2006, IV, 3327

- CA Paris, 25/01/01, N° de pourvoi 2000/10938

- CA Riom, Ch.Com, 26/01/05

- CA Lyon, 22/02/07, N° de pourvoi 05/04135

- CA Lyon, 17/02/05

- CA Lyon, 6/02/02, N° de pourvoi 2000/06798

- CA Versailles, 07/01/03, N° de pourvoi 2001-5838

- CA Versailles, 29/12/00, N° de pourvoi 1998-9457

V Articles et chroniques

- XXIIIème Colloque des Instituts judiciaires 1999

- A.CONFINO, « Le Parquet aux trousses des mauvais payeurs », Gazette du palais, 1991, 2ème semestre, Tome 3

- Professeur BURKHARD HESS, « Questionnaire sur la transparence du patrimoine », 2002

- J.C BELOT, « Le portrait de l'huissier de justice de demain », Petites affiches, N°66, 02/04/02

- B.CRENEAU-JABAUD, « Le secret professionnel et la justice », Petites affiches, N°24, 03/02/05

- R.PERROT, « Le droit du créancier de retrouver la trace de son débiteur », RTD 1991

- Editions Techniques, Juris-classeurs, 1993, Fascicule 2090

- RTD Civ, Janvier/Mars 2007, obs R.PERROT, page 180 et suiv.

- Revue Procédures, Lexis Nexis, Janvier 2005, page 13

- J.C LAUTRU, « Le procureur de la République à la recherche des informations », 06/01/93 n°6, Petites Affiches,

- R.PERROT, « Présentation générale de la réforme », Juris-classeur, fascicule 2010, Mars 1993

- R.GENIN MERIC, « Ministère Public », fascicule 2090, Juris-classeur, Procédure civile, Mars 1993

- Revue procédures 2001 commentaire 143 obs PERROT

- Revue procédures 2003 commentaire 165 note DOUCHY

- JC BELOT Revue des huissiers 2004 page 128

VI Sites internet

- www.legifrance.fr

- www.cnil.fr

- www.senat.fr

- www.uihj.com

- www.huissier-justice.fr

- Site de la Cour de cassation

* 1 C.Cass 1ère civ 9/05/01

* 2 G.CORNU, Vocabulaire juridique, Ed PUF

* 3 R.Martin, Déontologie de l'avocat, 4ème éd, Litec, 1999, spéc. n°445

* 4 Juris-Data n°2006-300763, JCP 2006, éd. G, IV, 3327

* 5 http://www.infogreffe.fr

* 6 www.hypoexpress.com.

* 7 http://www.orf.fr/pdf-documents-legaux-orf/documents-hypothecaires/demande-renseignements/orf-sommaires-urgents.pdf : exemplaire de cette fiche de renseignements sommaires urgents

* 8 Pourvoi n° 06-11.211

* 9 Pourvoi n° 05-13.618, Juris-Data n°2007-037078

* 10 Loi n° 2004-130

* 11 2 Juillet 1962, JCP édition générale 1962, II, n° 12835

* 12 Voir Article L 330-1 du Code de la route.

* 13 Loi n°90-1131 JO 22/12/1990 page 15860. Version originale.

* 14 Voir les articles L 330-2 et L 330-3 du Code de la route.

* 15 Loi n° 2004-130

* 16 Extrait de l'avis de la CNIL 14 décembre 2002

* 17 BICC 15/10/1997 n°1172

* 18 Bull.civ II n°107

* 19 Bull Civ II n°132

* 20 Cour de cassation 28 janvier 1998

* 21 Rapport Cour de cassation 1999

* 22 Chambéry 8 Janvier 2002

* 23 Paris 7 avril 1998 D.1998 IR 135

* 24 CCass 2ème Civ 7 janvier 1920

* 25 CA Paris 8/11/1963, JCP 1964 Ed G,II,13632

* 26 Séance du 27 avril 2006

* 27 Par exemple : www.juridis.org/recherches ou encore www.rocheinvestigations.fr

* 28 www.juridis.org/recherches

* 29 Titre I Section III page 21

* 30 Question n° 37302 du 20 avril 1977

* 31 Loi n° 2003-239

* 32 Décret n° 2005-1123 JO 9 septembre 2005

* 33 JOFR n°181 Page 13202

* 34 Loi n°83-629

* 35 Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 - art. 102 () JORF 19 mars 2003

* 36 Voir Titre I Chapitre II page 10

* 37 Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, Ed. PUF

* 38 Op.cité

* 39 Ordonnance n°45-1418

* 40 Décret n°75-770

* 41 Petites affiches, 02/04/02, N°66

* 42 R.DATI 23ème Forum des huissiers de justice






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote