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Contentieux Electoral et Etat de Droit au Tchad

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par Eugène Le-yotha Ngartebaye
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Droits de L'homme et Action Humanitaire 2004
  

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§2 : le juge garant potentiel des droits électoraux

Le juge est, dans un Etat de droit, investi du rôle de gardien des valeurs d'une société soucieuse de la protection des libertés. Ainsi, il est chargé de les défendre contre la volonté capricieuse des majorités et contre la domination d'une raison instrumentale exclusivement fondée l'efficacité. On peut penser à cet égard, avec le professeur du Bois de Gaudusson, qu'en Afrique, le bâillonnement des forces politiques et de la société civile a entravé durablement l'institution d'une justice indépendante et l'éclosion d'une protection effective des droits de l'homme74(*). Mais depuis l'amorce du renouveau démocratique, en matière électorale, la position du juge apparaît comme un site d'observation pertinent de l'avancée démocratique d'un pays en ce qu'elle renseigne sur sa marge de manoeuvre vis à vis des autres pouvoirs et sa capacité à répondre aux demandes citoyennes de justice. L'exercice du métier du juge signifie qu'il faille faire face à des multiples pressions émanant des parties engagées dans la procédure car chacune tient à gagner.

Au Tchad, le premier pas, même timide, amorcé avec hardiesse et fermeté par le juge réside dans les actes préparatoires des élections dans l'affaire Etat tchadien contre la Fondation pour le respect des Lois et des Libertés (FORELLI) représenté par Ngarlejy Yorongar. En effet, par suite d'une requête introduite par la FORELLI, le recensement électoral de1995 a été annulé au motif de la violation de la loi n°44 du code électoral75(*) . Un appel a été interjeté par l'Etat. Dans ces moyens d'appel, l'Etat disait qu'il y avait seulement une erreur matérielle et arguait l'incompétence du juge administratif. Le juge avait confirmé sa position au motif que l'administration avait méconnu la loi et qu'il est compétent lorsqu'il est question d'un décret signé en Conseil des Ministres. Cet élan de libéralisme jurisprudentiel est à saluer car le juge s'inscrit dans le renouveau démocratique qui a cours en Afrique76(*) en général et au Tchad en particulier.

Cette oeuvre pionnière va servir de limon et de ferment pour le juge électoral qui veillerait à l'application stricte de la loi. Emboîtant le pas du juge administratif, le juge électoral a eu à rétablir77(*) plusieurs candidats sur la liste. Il a aussi eu à invalider plusieurs candidatures. Le contentieux de candidature a été celui dans lequel le juge a fait des applications saines des textes. Ainsi, plusieurs candidats avaient été rejetés par la CENI ; saisi en appel le juge confirme la position aux motifs «  de la violation de l'article62 de la Constitution qui concerne la nationalité »78(*), « pour non-conformité du certificat de résidence »79(*), « ou encore pour la non résidence au Tchad ».80(*) Dans cette dernière espèce le requérant Fidèle Moungar, ancien premier ministre de la transition, qui vit à en France au moment de sa candidature avançait comme argument que son absence du pays se justifiait par la sécurité qui se trouvait être menacée après son départ de la primature. Le juge n'a pas cherché à voir si son argumentation était fondée et, si oui régler autrement sa question ; mais le juge s'est limité aux textes pour en faire une application stricte.

En effet dans la décision 002/PCC précité plusieurs requêtes avaient été introduites tendant au rétablissement de leurs candidatures. Après examen, le juge avait confirmé la décision n°002/CENI/2002 du 24 février 2002. Cette invalidation trouve tantôt sa justification sur la violation de l'article 153 du code électoral par rapport à l'âge, tantôt pour déchéance électorale81(*).

Ø Si le contentieux préparatoire a été un lieu où le juge a manifesté son indépendance et son rôle de protecteur des droits électoraux, il ne manquera pas aussi à toucher le contentieux proprement dit.

Quelques temps après son existence, le Conseil Constitutionnel devait lui aussi suivre ses prédécesseurs. En effet, les élections législatives partielles ont été organisées dans les circonscriptions d'Am-Timan et de Koumra. Après proclamation par la CENI, aucun recours n'a été enregistré pour la circonscription d'Am-Timan. Mais le juge dans sa mission de "veiller à la régularité" avait invalidé d'office vingt deux (22) procès verbaux pour défaut de précisions concernant les voix obtenues.

Pour la circonscription de Koumra, le candidat Noubata Georges avait demandé l'annulation du vote au motif qu'il y avait eu un vote anormal des nomades, de l'annulation des bureaux de vote par la cellule technique, le refus de délivrer les fiches de résultats aux délégués de son parti. Après examen, le conseil avait annulé les élections de la circonscription de Koumra82(*).

Par cette décision, le conseil s'inscrit dans la lancée du juge qui participe au respect des normes et la réalisation de l'Etat de droit. Il ira encore corriger une jurisprudence établie par ses prédécesseurs83(*).

En effet, après les élections présidentielles du 20 mai 2001, une requête tendant à l'annulation du scrutin a été introduite par les six (06) candidats malheureux84(*). La requête fait état de la violation de l'article 42 alinéas 1 du code électoral, le vote des Tchadiens de l'étranger (violation de l'article 70 - 2 du code); le vote multiple par procuration sans mandat légal. Déclarée recevable, la requête a été jugée partiellement fondée. Le juge ordonna l'annulation de l'ensemble des votes des Tchadiens de l'extérieur au motif que : "la création de bureaux de vote en dehors du siège des représentants diplomatiques est en violation de l'article 70-2 du code; qu'en effet, le siège s'entend par l'ambassade ou le consulat85(*)."

S'il est indéniable que l'annulation des votes des Tchadiens n'a pas changé les résultats, car après rectification, le candidat DEBY était toujours déclaré gagnant, cette décision mérite quelques observations:

1°) Le juge à travers cette décision a voulu corriger une interprétation trop abusive faite par ses prédécesseurs en 2001. Il marque ici sa position de "bon arbitre", de "bon technicien du droit", garant par sa neutralité de la paix sociale.

2°) Le juge s'est montré pédagogue en procédant à la définition et à la délimitation de la notion de "siège".

3°) le juge a été audacieux car l'élection a été annulée en défaveur du parti au pouvoir.

De tout ce qui précède, il est difficile d'en conclure que l'oeuvre du juge en matière électorale au Tchad est satisfaisante. Mais il serait un peu trop exagéré et injuste d'affirmer sans réserve que la justice électorale est négative, ou encore qu'elle est inexistante, comme on a pu le dire très souvent. La tâche n'est certainement pas aisée et c'est pour cette raison que la justice électorale actuelle au Tchad, telle qu'elle nous est apparue à travers ces quelques décisions étudiées, semble plutôt révéler une justice qui se cherche. Entre la protection des droits électoraux et les impératifs des intérêts politiques que poursuit un Etat dont la démocratie est en construction, l'équilibre n'est pas facile à trouver. Dans la recherche de cet équilibre, le juge y joue assurément un important rôle. Toute la question est de savoir s'il aura les moyens et la témérité pour l'assurer. D'où la question de l'instrumentalisation des élections.

* 74 Coulibaly A.A "La rénovation de la justice en Afrique : le rôle du juge dans la construction de l'Etat de droit" in RJPIC n°01, 1999, p57.

* 75 Décret 360/MLS/94 du 17 nov. 1994.

* 76 Nous en voudrions pour exemple, s'agissant du contentieux de légalisation des partis politiques, le juge administratif camerounais s'est montré protecteur des libertés publiques en annulant des actes administratifs portant refus de légalisation des partis politique. CS/CA, ordonnance n°02/O/PCA/CS du 09 déc. 1992, Union des populations du Cameroun Manidem (UPC-Manidem). C/Etat Cameroun (MINAT); ordonnance n°28/CS/PCA/91-92, affaire Union National Camerounais (UNC) (Stanley Akwote Akondi). C Etat du Cameroun (MINAT).

* 77 Arrêt n°07/96 précité; arrêt n°08/96 précité; arrêt n°09/96 précité; arrêt n°11/96 précité.

* 78 Affaire Abdermane Koulamah, cour d'appel arrêt du 18 mai 1996

* 79 Les espèces Antoine Bangui et Adoum Maurice Hel Bongo rendues respectivement le 14 et15 mai 1996 par la cour d'appel

* 80 Affaire Fidel Moungar, rendue le 13 mai 1996.

* 81 Décision 002 pp8-9.

* 82 Décision n°013/PCC/SG/99

* 83 Répertoire n°001 précité.

* 84 Il s'agissait de KEBZABO SALEH, DELWA KASSIRE COUMAKOYE Nouradine, KAMOUGUE WADAL Abdelkader, Ibni Oumar MAHAMAT SALEH, ALINGUE Jean Bawoyeu et YORONGAR KODJI NGARLEDJI le Moiban.

* 85 Décision n°004/PCC/SG/01 du.......

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand