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La Formation agricole et rurale dans la vallée du fleuve Sénégal : appui à la mise en place d'un cadre de pilotage régional

( Télécharger le fichier original )
par Xavier MALON
Université de Toulouse 1 Sciences sociales - Master 2 Pro Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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Xavier MALON Sous la direction

de Francis BESTION T uteur universitaire

Accompagnement :

Elhadji Abdou GUEYE Tuteur de stage Bureau Formation

Professionnelle Agricole

DAKAR

MEMOIRE D'ÉTUDE

| | 100 km

LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS LA

VALLEE DU FLEUVE SENEGAL :

APPUI À LA MISE EN PLACE

D'UN CADRE DE PILOTAGE REGIONAL

Master Professionnel

Ingénierie de la Formation

Et des Systèmes d'Emploi Aout 2007

UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES - TOULOUSE 1

MEMOIRE D'ÉTUDE

LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS LA

VALLEE DU FLEUVE SENEGAL :

APPUI À LA MISE EN PLACE

Croisière sur le Bou el Mogad
(fleuve Sénégal)

D'UN CADRE DE PILOTAGE REGIONAL

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 6

I- PREMIERE PARTIE - LE CONTEXTE 8

I-1. contexte de l'agriculture 8

I-1.1. L'importance du secteur agricole au Sénégal 8

I-1.1.1. Les missions assignées à l'agriculture 8

I-1.1.2. La régression de l'agriculture sénégalaise: essai d'explication 10

I-1.2. L'agriculture dans la vallée du fleuve senegal 15

I-1.2.1 L'utopie séculaire d'un potentiel stratégique 15

I-1.2.2 La mise en valeur du Fleuve Sénégal 16

I-2. La formation agricole et rurale au Sénégal 19

I-2.1. Quels dispositifs ? 19

I.2.1.1- Formation de techniciens et encadreurs 19

I.2.1.2- La formation professionnelle des producteurs 20

I-3. contexte de la formation agricole et rurale dans la vallée 26

I-3.1. Les systemes d'acteurs a l'oeuvre 26

I-3.1.1. Représentation graphique des acteurs en présence (et proximité) 26

I-3.1.2. Systèmes et acteurs en présence (et proximité) 27

I-3.2. Le Réseau Formation Fleuve (RESOF) 28

I-3.2.1. La naissance du RESOF 28

I-3.2.2. Evolution du RESOF 29

I-3.2.3. Fonctionnement et organisation du RESOF 30

I-4. une strategie nationale, pour des reponses-formation territorialisees 34

I-4.1. Les enjeux 34

I-4.2. un acteur recent mais attendu 36

I-4.3. le cadre reglementaire 38

I-4.4. les instruments en place qui favorisent l'implication du BFPA. 39

II - DEUXIEME PARTIE - LES CONCEPTS MOBILISES 46

II-1. Explicitation des concepts mobilises 46

II-1.1. REGULATION 46

II-1.2. Pilotage 48

II.1.3- REGULATION PARTICIPATIVE 50

II. 1.4- CONCERTATION 52

II.1.5- QUALITE DE LA FORMATION 55

La demande de formation 56

Approche par la demande (de formation ?) 57

III- TROISIEME PARTIE - LA DEMARCHE DE RECHERCHE 61

III-1. L'originalité de ma démarche (en tant qu'acteur du processus depuis 2004) 61

III- 2. Les éléments de départ 62

III- 2.1. Le RESOF est créé en 2000 : Pourquoi ? 62

III- 2.2. Le pilotage (ou son absence) pose problème aux yeux des acteurs 64

III- 3. Les faits (analyse détaillée en 4ème partie) 65

III-3.1. La démarche du RESOF 65

III-3.2. les actes posés (jusqu'à la dernière mission du BFPA fin juin 2007) 65

IV- QUATRIEME PARTIE - LA «LONGUE MARCHE » VERS LE PILOTAGE PARTAGE. 68

IV-1. Les « résultats » 68

IV-2. Quelles leçons tirer ? 83

RECOMMANDATIONS 86

CONCLUSION 89

Liste des abréviations 94

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 96

WEBOGRAPHIE 98

ANNEXES

REMERCIEMENTS

Je tiens ici à remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à l'élaboration de ce Mémoire, que ce soit par leurs conseils avisés, leur connaissance du sujet, ou tout simplement par leur soutien et leurs encouragements.

Mes remerciements s'adressent à Monsieur Francis BESTION, professeur à l'Université de Toulouse 1 - Sciences Sociales, pour la confiance qu'il m'a témoigné.

Une mention toute particulière pour mes deux collègues et amis, Elhadji Abdou GUEYE, et Souleymane SARR, du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole, pour toutes leurs qualités humaines, nombreuses, et pour m'avoir accordé toute leur confiance et leur amitié complice.

Un clin d'oeil à mon épouse, qui a supporté dans l'ombre toutes mes sautes d'humeur, que je remercie très sincèrement pour sa patience et sa compréhension ; un second clin d'oeil à mes deux enfants, à qui j'espère pouvoir montrer que l'effort est payé de retour, à condition de ne jamais abandonner le but que l'on s'est fixé.

Je dédie ce travail personnel, qui vient conclure un cycle de près d'un an et demi de dur labeur, à ma maman aujourd'hui décédée, et à mon père. Fils de cultivateurs, je n'avais pas souhaité reprendre la ferme paternelle qui me tendait naturellement les bras à la fin de mes études, au début des années 80 ; cette décision a sans doute provoqué chez eux une blessure cachée mais profonde, et j'espère de tout coeur que mon cheminement depuis lors puisse être source d'apaisement et de fierté pour eux deux.

INTRODUCTION

La construction progressive d'un dispositif cohérent et articulé de formation agricole : une impérieuse et incontournable nécessité

Ce travail constitue le prolongement du premier mémoire de recherche que nous avons réalisé en 2006 dans le cadre de notre formation Master professionnel « Ingénierie de la Formation et des Systèmes d'Emploi » et qui s'intitule « Le réseau formation fleuve (RESOF) - Pour une régulation participative de la formation agricole et rurale ».

La relation étroite entre ces deux travaux explique et justifie les nombreux renvois du second vers le premier, ainsi que les emprunts que nous nous sommes permis ici et là d'effectuer, notamment pour la partie descriptive du contexte de notre intervention.

Questions de régulation dans le premier, questions de pilotage dans le second : nous avons tenté au cours de l'année écoulée de cerner les deux faces d'une même médaille ; dans la partie relative aux concepts que nous avons mobilisés, nous tentons de démontrer que l'une ne peut aller sans l'autre.

Ce document est le travail d'un étudiant, certes plus très jeune, mais c'est aussi un travail tout court, correspondant à une « commande » qui m'a été passée par le Service du ministère sénégalais de l'agriculture, où j'ai été affecté en position de conseil : le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole. Ce service, doté de ressources humaines fort peu nombreuses, a la tâche immense de porter, jusqu'à aujourd'hui, au niveau national la stratégie de formation agricole et rurale qui a été élaborée de façon participative en 1999.

L'enjeu consiste à travailler de concert avec tous les acteurs, individus et organisations, qui travaillent dans le champ de la formation agricole et rurale, dans un contexte où l'Etat a reconnu depuis déjà quelques années qu'il ne pouvait plus élaborer et mettre en oeuvre, seul, les politiques de développement rural. D'où ce titre en haut de page, la construction progressive d'un dispositif cohérent et articulé de formation agricole est bien une impérieuse et incontournable nécessité.

Par la force des choses, et surtout sous le coup de l'ajustement structurel qui lui a été imposé, l'Etat a dû se désengager assez brutalement de nombreux secteurs d'intervention, brouillant ainsi le paysage : de très étatique, normé et ordonné, le sous secteur de la Formation Agricole et Rurale a vu très rapidement de nombreux opérateurs prendre la place laissée vacante, dans une relative cacophonie.

L'idée générale est donc d'apporter un peu plus de cohésion et de cohérence dans le dispositif global sénégalais, pour mieux rationaliser ; la contrainte principale est d'y parvenir en fédérant tous les acteurs autour d'objectifs communs d'amélioration de l'offre de services, par la persuasion plutôt que par la contrainte, car l'Etat n'a plus les moyens aujourd'hui de faire respecter « à la baguette » la réglementation qu'il pourrait être enclin à mettre en place, d'autant plus que la décentralisation est passée par là, officialisant le transfert de nombreux domaines de compétences aux collectivités territoriales, dont notamment l'éducation et la formation professionnelle.

Et il y a une certaine urgence !

De très majoritairement rurale, la société sénégalaise est passée en quelques décennies à une urbanisation exacerbée, largement alimentée par l'exode rural et l'attrait de l'activité économique foisonnante de la capitale Dakar. Depuis 2004 en effet, la population urbaine représente

désormais 51 % de la population totale, et cette proportion va encore croître. Cependant, à la différence de pays comme la France, qui a aussi connu ce basculement rural-urbain, le Sénégal ne peut compter sur un secteur secondaire développé et en expansion pour absorber les flux de main d'oeuvre issus de l'exode rural.

L'activité économique, qui se situe massivement dans « l'informel » (à plus de 90%), n'offre aucune garantie aux plus exposés, c'est à dire à ceux qui n'ont que leur seule force de travail pour faire vivre leur famille ; les diplômés, y compris du Supérieur, ne sont guère logés à meilleure enseigne étant donné l'étroitesse du marché de l'emploi relatif au secteur formel (le seul qui permette de valoriser un niveau de formation certifié).

Il n'est pas aisé dans ces conditions de se construire un avenir, ni même de l'imaginer.

On en mesure mieux aujourd'hui la conséquence la plus visible et la plus médiatisée ; il s'agit du phénomène des « pirogues-people », né immédiatement après les évènements tragiques qui se sont produits dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, en 2005, et dont l'ampleur n'a fait que révéler crûment une émigration moins visible mais croissante jusqu'à cette date. Ce phénomène, qui révèle l'état de désespérance des jeunes, prêts à affronter la mort1 pour une hypothétique clandestinité dans des pays qu'ils ne connaissent le plus souvent que par la télévision, semble vouloir être combattu par les plus hautes autorités de l'Etat depuis mi 2006.

Celles-ci misent beaucoup sur un plan de retour vers l'agriculture, destiné aux clandestins rapatriés au Sénégal, mais aussi à tous ceux qui sont tentés par l'émigration. Toutefois, au vu des conditions de vie peu enviables du paysannat, les jeunes ont largement fait savoir que leurs ambitions étaient toutes autres.

Quel rapport avec la mise en place d'un cadre de pilotage, pour la formation agricole et rurale, dans la région du fleuve Sénégal ?

L'idée est simple : faire en sorte que la prise en charge de ces questions puisse se faire à un niveau de proximité raisonnable, dans le droit fil de la décentralisation. Que les habitants d'une région puissent s'adresser à leurs représentants, et leur demander des comptes le cas échéant, lorsque la situation ne leur paraît pas satisfaisante, plutôt que de s'en remettre à un Etat central qui a déjà fort à faire ailleurs.

La stratégie nationale de formation agricole et rurale ne trouvera une traduction concrète sur le terrain que si les intéressés prennent en charge leur devenir ; pour cela, des cadres de concertation sont indispensables pour que chaque catégorie de bénéficiaires puisse faire entendre son point de vue, pour que le débat soit public, et pour que les décisions prises, éventuellement, le soient en toute transparence et avec l'assentiment du plus grand nombre.

1 Le slogan de la jeunesse sénégalaise est édifiant : « Barça ou Barsa » (en Wolof : Barcelone, ou la mort)

I- PREMIERE PARTIE - LE CONTEXTE

I-1. CONTEXTE DE L'AGRICULTURE

I-1.1. L'IMPORTANCE DU SECTEUR AGRICOLE AU SÉNÉGAL

I-1. 1. 1. Les missions assignées à l'agriculture

Bien que comptant parmi les plus urbanisés d'Afrique de l'ouest, le Sénégal est toujours, en 2007, un pays majoritairement rural ; dans un pays dont la capacité d'absorption de main d'oeuvre du secteur secondaire est très faible et en stagnation, l'agriculture représente un atout économique, au moins potentiel, qu'il importe de ne pas négliger.

En 2004, un diagnostic du secteur2 a été réalisé par Pierre DEBOUVRY, à la demande du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole du ministère sénégalais de l'agriculture. (étude disponible sur le site d'Agropolis, ou sur celui du BFPA).

Partant des missions généralement assignées au secteur agricole, il s'est livré à un travail approfondi de collecte et d'analyse des données disponibles au niveau d'un Etat, pour mettre en perspective l'évolution des performances du secteur agricole, à l'aune des projections démographiques pour les vingt prochaines années.

Ces missions, parfois contradictoires puisque les priorités seront différentes selon les acteurs en présence, peuvent être résumées au nombre de cinq :

Nourrir la population,

Fournir des ressources en devises,

Permettre à ses acteurs de vivre de leur travail dans des conditions décentes, Gérer l'exploitation durable des ressources naturelles,

Générer des emplois (pour les pays dont la capacité d'absorption de main d'oeuvre du secteur secondaire est faible).

I-1.1.1.1 Nourrir la population.

Depuis 1990, les principales productions agricoles ont tendance à stagner : arachide, maïs, mil et sorgho, tandis que sur la même période, la population est passée de 7.6 à plus de dix millions d'habitants en 2005. Les importations de céréales (riz et blé) ont pratiquement décuplé sur la période 1960-2003, passant de 90 000 tonnes à 870 000 tonnes en volume annuel, pendant que la population totale triplait (cf. graphes en annexe).

Ces importations ne sont donc pas proportionnelles à l'évolution démographique, et traduisent à la fois une évolution des habitudes alimentaires et une dégradation de la productivité ; ainsi il n'est pas exagéré d'affirmer que dans un contexte d'urbanisation rapide, le secteur agricole n'est plus capable d'alimenter correctement les populations des centres urbains, obligeant l'Etat à mobiliser une part croissante de ses devises pour importer des aliments.

I-1.1.1.2 Fournir des ressources en devises

Les ressources du secteur primaire exportées sont peu nombreuses, il s'agit essentiellement, et dans un ordre décroissant, de l'arachide, des produits halieutiques et du coton. Pour ce dernier,

2 « Développement du capital humain du secteur agricole - Programme d'appui aux services agricoles et aux organisations paysannes (PSAOP-BFPA) Mission d'appui à la mise en place d'un groupe de nationaux chargé de l'élaboration d'une « Stratégie nationale de Formation agricole»

la production n'a connu qu'une hausse de 10% depuis 1993, pour se situer à environ 55 000 tonnes. La situation est tendue du fait notamment du très haut niveau de subventions pratiqué, entre autres, par les Etats-Unis. Après une période de forte croissance, la production halieutique connaît aujourd'hui au mieux une stagnation, du fait d'une pression excessive sur la ressource. Enfin, l'arachide est une filière en crise, structurellement, en raison d'une désaffection importante des consommateurs mondiaux, qui lui préfèrent d'autres huiles d'origine végétale. D'un million de tonnes au début des années 60 jusqu'au milieu des années 90, la production est tombée à moins de 400 000 tonnes au début des années 2000.

En partie du fait de la mondialisation des échanges commerciaux, qui induit une concurrence souvent inégale avec les agricultures subventionnées des pays développés, l'agriculture sénégalaise assume à l'évidence de moins en moins cette mission qui, faut-il le rappeler, fut la première assignée d'abord par le colonisateur, puis par le jeune Etat indépendant.

I-1.1.1.3 Permettre à ses acteurs de vivre de leur travail dans des conditions décentes

En raison de la dégradation de la fertilité des sols, du morcellement croissant des unités de production transmises à chaque génération, et de l'absence d'investissements structurels dans les exploitations agricoles (insécurité du capital foncier), la situation devient critique. Les dernières études conduites3 montrent que la pauvreté se concentre en milieu rural (pour 75% de l'ensemble) et rend particulièrement fragile cette population déjà très dépendantes des aléas climatiques. Dans de très nombreux cas, les revenus monétaires tirés de l'agriculture sont loin d'atteindre deux euros par jour (en moyenne annuelle) : le métier d'agriculteur ou d'éleveur repousse aujourd'hui plus qu'il n'attire.

I-1.1.1.4 Gérer l'exploitation durable des ressources naturelles

La population continue d'augmenter en zones rurales, ce qui accentue les prélèvements sur les ressources naturelles (parcours de bétail, sols, ressources halieutiques, déforestation), qui ne disposent plus du temps nécessaire à leur régénération naturelle. Les jachères ont quasiment disparu, les sols du bassin arachidier sont en partie victime de remontées salines, tout comme les terres situées de part et d'autre de la route nationale Saint Louis - Matam dans la Vallée du Fleuve Sénégal sans compter l'érosion, les pirogues rentrent au port de moins en moins pleines et les conflits liés à l'usage du foncier entre agriculteurs et éleveurs deviennent récurrents.

On le voit, la dégradation des ressources naturelles, engendrée par la surexploitation, est bien réelle. Si l'on y prend garde, l'abandon de l'activité agricole, déjà en cours dans certaines régions, va prendre de l'ampleur, sans que n'existent des solutions palliatives pour fournir une activité économique à leurs habitants. A terme, sans changement des modes de gestion, c'est bien l'ensemble des capacités productives du secteur qui est durablement menacé.

I-1.1.1.5 Générer des emplois

Les jeunes générations, qui accèdent plus facilement qu'avant à l'école, ne veulent plus travailler dans les mêmes conditions que leurs parents. Les mentalités évoluent également à la campagne, et il est de plus en plus difficile pour un jeune qui a accès à la télévision, d'accepter d'attendre un âge mûr (autour de 40 ans) pour se voir enfin libre de décider de ses décisions ; les anciens ont en effet toujours la haute main sur le foncier, qu'il s'agisse de la ressource productive ou de la caution qu'elle peut représenter pour accéder au financement de certains investissements productifs.

Dans cette optique, l'école est perçue comme le moyen privilégié d'échapper à la condition « ancestrale » du paysan ; de plus, l'absence d'enseignement des sciences du vivant (tout au moins une initiation) au cycle Primaire ne milite pas en faveur d'une connaissance plus objective du métier de leurs parents.

3 dans le cadre du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP)

Si l'on ajoute à tout ce qui précède un développement plus que timide des métiers d'amont et d'aval de la production, l'on ne s'étonnera guère de l'accentuation de l'exode rural vers les villes et de l'émigration vers les pays du nord. Déjà aujourd'hui, certaines petites régions naturelles sont en proie à un déficit de main d'oeuvre4 au moment des pointes de travaux agricoles.

En guise de conclusion pour ce chapitre, nous sommes contraints de reconnaître que le secteur agricole et rural assume de plus en plus difficilement les principales missions qui lui sont dévolues.

I-1. 1.2. La régression de l'agriculture sénégalaise : essai d'explication

La reconversion impérative du commerce au milieu du 19ème siècle, suite à l'abolition de l'esclavage, profite à la même période de la croissance de la demande européenne en oléagineux (huile de table, savon de Marseille, tourteaux et lubrifiants) : l'exploration à l'intérieur des terres remplace la politique des comptoirs côtiers, et les axes de pénétration, créés et sécurisés par Faidherbe, vont se révéler de formidables voies de communication qui vont transformer le commerce et assurer la propagation de l'arachide ; le développement de la monoculture arachidière devient le pivot de l'économie coloniale d'abord, puis de l'économie rurale du Sénégal après son indépendance.

De là, naît l'extrême dépendance du Sénégal à l'arachide, culture de rente essentiellement destinée à l'exportation, dont la structure et l'évolution du marché échappent à la compréhension des paysans sénégalais.

Depuis l'Indépendance, la politique agricole sénégalaise a presque toujours privilégié la mission « fournir des devises » aux autres missions ; l'encadrement assuré par les techniciens des services de l'Etat avait pour unique but d'accroître la production d'arachide et de coton, et les engrais distribués par les sociétés régionales (étatiques) de développement agricole n'étaient pas prévus pour les cultures vivrières. Sans le claironner sur les toits, le paysan répartissait lui même les fertilisants sur ses différentes spéculations, provoquant involontairement un prélèvement net de la fertilité sur ses parcelles d'arachide : lorsque la production nationale se situe durablement autour du million de tonnes, ce prélèvement net est lourd de conséquences pour l'avenir.

Dans ce contexte d'une agriculture très administrée, où les consignes du niveau central étaient traduites sur le terrain par des bataillons d'encadreurs et de techniciens en itinéraires techniques standardisés, que les paysans n'avaient plus qu'à appliquer, la formation professionnelle des agriculteurs et à fortiori des éleveurs pouvait paraître largement superflue !

C'est ainsi que, sans autre formation professionnelle que les connaissances et savoirs-faire transmis de génération en génération, analphabètes dans leur immense majorité, tenus éloignés des canaux d'information et des circuits situés en aval de la production, les producteurs sénégalais se sont retrouvés fort dépourvus lorsque la crise fût venue, pour paraphraser Jean de la Fontaine...

Une crise qui frappera à deux reprises (sans compter les sécheresses successives) : d'abord avec l'ajustement structurel imposé par les institutions financières internationales de Brettons Wood, puis avec la crise de l'arachide dont la demande européenne se raréfie.

En effet, si, à l'avènement de la République et de l'autonomie interne, en 1958, le Sénégal se tourne brièvement vers des options socialistes (c'est la période des coopératives et de l'animation rurale), dès 1964 le virage vers des politiques productivistes est pris. Nous le résumerons à travers l'importance accordée aux transferts de technologies, à l'encadrement des producteurs agricoles et l'administration des populations rurales.

4 des villages entiers sont peuplés uniquement de personnes âgées en saison sèche.

Il s'agit plus en réalité d'un modèle d'économie administrée que d'une véritable libéralisation de l'économie. C'est la période de gloire des Offices nationaux et des Sociétés Régionales de Développement Agricole (contrôlés par l'Etat), mais aussi des écoles de formation agricole qui tournent à plein régime pour fournir les bataillons nécessaires à l'encadrement des producteurs, sans se soucier de leur devenir, puisque leur intégration au sein de la Fonction Publique est automatique.

Tout ce dispositif finira par coûter trop cher aux finances publiques et, les comptes de la nation se dégradant, conduira en 1979 aux portes de l'ajustement structurel qui, de l'avis de nombreux observateurs, n'est toujours pas terminé aujourd'hui. Pour le secteur agricole, cet ajustement conduira à l'élaboration du Programme d'Ajustement Structurel du Secteur Agricole (PASA), qui consistera essentiellement à supprimer les Offices et sociétés de développement étatiques, sans vraiment proposer d'alternatives : du jour au lendemain, les paysans se retrouvent sans interlocuteurs ni techniciens, et éprouvent les plus grandes difficultés à s'approvisionner en intrants. Le Programme d'Investissement pour le Secteur Agricole en sera la suite logique, tardive car le mal est fait, mais surtout sa traduction opérationnelle sur le terrain mettra des années à se mettre en place (les premiers programmes et ou projets viennent seulement de s'achever en 2005).

L'évaluation du Programme National de Vulgarisation Agricole (1990 - 1995) n'est guère réjouissante : elle pointe du doigt i)une approche thématique ne tenant pas compte des préoccupations des producteurs dans le cadre de leurs systèmes de production, ii) un faible taux de couverture malgré un dispositif lourd et iii) la faible implication des Organisations de Producteurs dans la définition des programmes.

En 1995, la Lettre de Politique de Développement Agricole se veut un cadre pour asseoir de nouvelles orientations en vue de corriger les dysfonctionnements constatés dans les précédentes politiques, de saisir les opportunités offertes par le changement de parité du FCFA (dévaluation de 100% en 1993) et d'impulser une dynamique de croissance dans le secteur agricole. Elle redéfinit les missions de services publics du Ministère de l'Agriculture en distinguant celles qui sont régulièrement dévolues à l'Etat, telles que la définition des politiques et stratégies agricoles au niveau national et leur traduction au niveau régional, la recherche agricole, la vulgarisation et la formation de base, la police et le contrôle pour l'application des lois et règlements ou encore la collecte et la diffusion de l'information (statistiques) et enfin les actions préventives et curatives face aux risques majeurs et aux calamités naturelles.

Toutes les autres missions sont transférées aux acteurs non étatiques du monde rural : l'animation et la structuration du monde rural, l'assistance technique et la diffusion des technologies et la participation des plus démunis ( jeunes, femmes et petits producteurs )

En 1999, la Lettre de Politique de Développement Institutionnel du secteur agricole vient confirmer les orientations fixées par la LPDA, en affirmant que la politique de l'Etat privilégiera trois axes :

· renforcer la capacité des organisations paysannes pour qu'elles soient en mesure de jouer un rôle effectif dans la concertation avec les autres acteurs du monde rural en vue de la prise en charge des activités de développement.

· promouvoir un secteur privé agricole renforcé,

· renforcer les capacités des services étatiques recentrés sur leurs missions de services publics,

et améliorer leur efficacité en les rendant comptables de résultats devant les utilisateurs.

Elle reconnaît que les Organisations de Producteurs sont devenues des interlocuteurs crédibles et que le processus de décentralisation habilite progressivement les collectivités locales dans la prise en charge de la gestion de leurs ressources et leur développement économique et social.

Cette LPDI constitue l'annexe principale de l'accord de crédit signé avec la Banque Mondiale pour le financement du Programme des Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de Producteurs (PSAOP, dont la seconde phase a démarré en 2007). Elle constitue aujourd'hui le « socle politique » sur lequel s'appuient tous les acteurs en ce sens qu'elle reconnaît le rôle dominant de l'agriculture paysanne multi fonctionnelle à travers des exploitations familiales polyvalentes. Elle aborde et officialise également, et c'est une première, la modernisation irréversible des systèmes de production, et la nécessité de rendre durables les systèmes de production en tenant compte de la préservation des ressources naturelles.

Le programme PSAOP concrétise ces orientations, à travers ses diverses composantes :

· mise en place d'un fonds national de la recherche agronomique et agro alimentaire, ou encore d'un conseil agricole et rural, tous deux régis par la demande ;

· ligne « petits projets », gérée par les organisations de producteurs ;

· appui à la déconcentration des services du ministère de l'agriculture.

Extrait du site du gouvernement sénégalais

Lettre de politique du développement institutionnel du secteur agricole

Les données sur l'agriculture sénégalaise révèlent plusieurs caractéristiques du système de production agricole du Sénégal : i) Les exploitations agricoles sont de type familial; ii) Elles se regroupent au sein des terroirs villageois où elles s'imbriquent les unes aux autres et leurs tailles sont réduites.Les résultats actuels des politiques agricoles et le poids des contraintes incitent à prévoir que le mode d'organisation dominant de la production agricole, au sens large, sera à l'horizon 2010, l'agriculture paysanne multifonctionnelle à travers des exploitations familiales polyvalentes malgré une diminution de leur poids relatif dans la population active.

Ces exploitations familiales seront polyvalentes du fait non seulement de la pratique d'activités agricole, d'élevage et de sylviculture mais également parce qu'elles développeront de nouvelles activités et de nouveaux métiers liés à la transformation , ce qui permet tout en incorporant davantage de valeur ajoutée, de répondre à des demandes croissantes des consommateurs. La modernisation irréversible des systèmes de production, à travers les changements fondamentaux qu'induira la nouvelle politique d'appui au développement rural du PSAOP devra permettre d'atteindre des niveaux et des coûts de production :

- qui assurent la rentabilité économique des activités et qui permettent de gagner des parts de marché intérieur et extérieur

- capables de rendre durables les systèmes de production et qui tiennent compte de la préservation des ressources naturelles

A côté de ce type d'organisation, se développera une agriculture de type entrepreneurial dont la synergie avec l'agriculture paysanne sera développée. Toutefois, les producteurs constituent, aujourd'hui et demain encore plus, le coeur du dispositif du développement de l'agriculture, le choix de l'activité agricole et des objectifs de production leur reviennent librement. La stratégie de développement agricole retenue par l'Etat en rapport avec ses partenaires dans le cadre du Document d'Orientation Stratégique et les réformes institutionnelles qui l'accompagnent doivent permettre au producteur en tant qu'individu ou organisation de s'épanouir dans un cadre institutionnel et de politique amélioré lui permettant de bénéficier:

1- d'un meilleur accès au marché (systèmes d'information, infrastructures, stockage, transport etc..)

2-d'un cadre réglementaire et législatif favorisant des interventions dans la transparence et dans la compétitivité ainsi que la sécurisation des investissements

3-de services en conseil et recherche agricole et rural capables de répondre à sa demande

4-d'un renforcement de ses capacités du point de vue technique et commercial

5-de cadres de concertation et de négociation lui permettant d'asseoir un partenariat avec l'ensemble des acteurs 6-d'une plus grande transparence de ses structures de représentation

La mise en oeuvre de cette stratégie agricole et de ce cadre institutionnel permet de projeter sur dix ans la vision ci-après:

 

-Des organisations de producteurs au niveau local, régional et national dotées d'une gestion transparente et efficace capables: i) de fournir ou de faire fournir effectivement des services à leurs membres pour leur permettre d'améliorer leur productivité et augmenter leur production ii) d'exprimer et de soutenir leurs options et opinions en terme technique par rapport à la génération et au transfert de technologies iii) de prendre en charge le financement des activités de recherche et de conseil agricole et rural grâce, entre autres, aux ressources captées par les interprofessions tirées des prélèvements actuels sur la production agricole.

-Des interprofessions jouant pleinement leurs rôles dans l'assainissement et la gestion des filières agricoles

-Des services de conseil agricole répondant aux besoins des producteurs et devant lesquels ils sont comptables . Les décisions concernant les programmes de conseil agricole et rural seraient prises par les organisations de producteurs auxquelles incomberait une part substantielle du coût des services .

-Au niveau local, les activités recherche développement et de conseil agricole et rural seraient identifiées et programmées conjointement avec les organisations de producteurs et assujetties à des dispositions contractuelles entre les organisations de producteurs d'une part, et les services de recherche et de conseil agricole et rural d'autre part.

-Une recherche agricole et agro-alimentaire dont les concepts sont repensés et reconsidérés pour répondre de façon rationnelle aux demandes exprimées par les producteurs. Elle va accompagner les stratégies que ces derniers ont développées, se tourner davantage vers l'analyse des dynamiques économiques au niveau national et régional, se rapprocher des grands projets de développement de l'Etat et procéder à une analyse minutieuse des filières de produits agricoles depuis la production jusqu'à la consommation en passant par la transformation et la commercialisation. Elle sera mise en oeuvre par des ressources humaines compétentes, productives, réactives et motivées.

Le financement des activités de recherches agricoles et agro-alimentaires se fera essentiellement à travers une structure autre que celle qui mène les opérations de recherche. Ainsi un Fonds National pour la Recherche Agricole et Agro- alimentaire va être mis en place pour le financement des activités de recherche . Sa gestion sera indépendante de celle des Instituts de recherche. Les décisions relatives aux affectations de ressources pour la recherche seront prises par un comité scientifique et technique composé de personnalités scientifiques nommées intuiti-personnae et un comité de gestion dont les membres comprendront des utilisateurs des résultats de la recherche. Ce fonds constitue une étape essentielle vers l'édification du système national de recherche agricole et agro-alimentaire.

-Des Ministères qui assureront la définition et le contrôle des politiques avec les opérateurs/partenaires du secteur, dans le cadre d'une administration déconcentrée et décentralisée. Cette fonction visera essentiellement à renforcer l'équité dans l'accès aux ressources au niveau national, la valorisation des avantages comparatifs de l'agriculture sénégalaise dans le contexte régional et international et la gestion du patrimoine environnemental.

-Un cadre réglementaire amélioré et des investissements publics structurants qui permettront l'accroissement, l'efficience et la sécurisation des investissements privés dans le secteur agricole.

La politique de développement institutionnelle sera axée sur la mise en place d'institutions de développent agricole et rural capables de promouvoir cette vision.

http://www.gouv.sn/politiques/lpdia3.html

 

La Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale (SNFAR)

A la même époque, une réflexion engagée en 1998 va aboutir à la validation en juin 1999, lors d'un atelier national réunissant 120 acteurs de la formation agricole et rurale, d'un document de référence intitulé : « Former les acteurs d'une nouvelle économie agricole et rurale - Orientations et stratégies de formation à l'horizon 2015 ».

Cet exercice a été suivi et encouragé par les différents ministères concernés jusqu'à la concrétisation de ce document, qui sert aujourd'hui de référence. Son contenu est organisé autour d'une triple analyse historique, diagnostique, et prospective, qui propose le choix de la modernisation de l'agriculture paysanne face à la tentation d'une agriculture sans paysan. Ce choix permet d'esquisser un ensemble cohérent de politiques inclusives en faveur d'un développement agricole et rural durable. A partir des constats mis en évidence, le document pose la problématique en ces termes :

« La Formation Agricole et Rurale doit avoir pour priorité la modernisation de l'agriculture familiale, l'émergence d'une véritable économie rurale et leur intégration dans une économie nationale et internationale ouverte. Elle doit appuyer aussi le développement d'une agriculture intensive à base de capitaux. »

Quatre grandes orientations et les stratégies d'intervention ont été définies à partir de ces nouvelles missions et priorités :

Généraliser en milieu rural l'éducation de base et assurer à tous les ruraux l'accès à l'alphabétisation.

Répondre aux besoins de formation professionnelle des ruraux dans tous les domaines.

Renforcer, adapter et mieux articuler les formations secondaires et supérieures entre elles et avec celles destinées aux ruraux.

Réguler l'ensemble des institutions publiques et privées de formation agricole et rurale

Nous terminerons logiquement ce tour d'horizon des politiques agricoles par la Loi d'Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP), promulguée le 4 juin 2004, dont l'esprit a été guidé par les documents de politique qui l'ont précédé. Cette loi d'orientation, aux ambitions très vastes, a le principal mérite d'inclure dans la législation du Sénégal des notions fondamentales telles que la nécessité d'accompagner le développement de l'exploitation familiale, la nécessaire reconnaissance des métiers de l'agriculture, ainsi que le statut des Organisations Professionnelles, désormais habilitées de par la Loi à prendre part à la définition, à la mise en oeuvre et au contrôle des politiques agricoles.

Dans son article 62, la LOASP stipule que « L'Etat définit et met en oeuvre, en partenariat avec l'ensemble des acteurs du développement agro-sylvo-pastoral, une Stratégie Nationale de Formation Agro-Sylvo-Pastorale (SNFASP). .../... l'Etat crée, dans un délai de dix ans, des structures de formation aux métiers de l'agriculture dans chaque département ».

L'article 63 consacre le droit à la formation initiale et continue, désormais reconnu aux personnes exerçant les métiers de l'agriculture et à tous les acteurs ruraux. « Ils bénéficient à ce titre d'une formation générale, technique et professionnelle dans les métiers de l'agriculture, de la sylviculture et de l'élevage, qui est dispensée par des institutions publiques ou privées agréées. Cette formation est soutenue par l'Etat ».

Dans un soucis d'exhaustivité, nous signalerons également les lois de décentralisation de 1 9965, transférant aux collectivités locales neuf domaines de compétence ; la Loi n° 96-07, dans son Titre second, liste ainsi les responsabilités de la Région, de la Commune, et de la Communauté Rurale pour chacun des quatre volets suivants : l'éducation, l'alphabétisation, la promotion des langues nationales et la formation professionnelle.

Si les orientations reflétées par l'évolution des politiques agricoles vont dans le même sens, ce qui est plutôt encourageant, il n'en reste pas moins que le décalage est profond avec la réalité quotidienne vécue par les « producteurs » et les autres ruraux.

Les intentions sont certes louables et l'Etat, sous la pression des autres acteurs (notamment les Organisations Professionnelles et les Partenaires au développement), a admis qu'il ne peut plus être le seul maître à bord ; au quotidien, subsistent cependant des velléités de toute puissance héritées d'un long passé d'administration de l'agriculture, mais subsistent surtout des lacunes dans la gestion des filières (quasi absence d'interprofessions), ou même dans la réorganisation des circuits d'approvisionnement en intrants et de collectes des produits.

5 Loi n° 96-06 du 22 mars 1996, portant Code des Collectivités locales, et Loi 96-07 du 22/03/1996, portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales.

Là ou l'Etat a dû se désengager, dans des secteurs éminemment stratégiques tels que les semences, la mise à disposition d'engrais au bon moment, le secteur privé peine à s'implanter : il semble plus exact d'affirmer qu'il n'en manifeste pas l'envie, du fait de conditions assez peu favorables (atomisation de la demande, besoins formulés au dernier moment en raison de trésoreries fragiles, concurrence de produits subventionnés par l'Etat épisodiquement, par exemple dans le cadre de programmes spéciaux de relance d'une culture).

Enfin, dans les domaines de la formation et du conseil agricole, l'expression de la demande est encore largement conditionnée par l'offre de services, souvent plus proche de l'organisme financeur que le demandeur lui-même. Même dans les cas où les producteurs, via leurs organisations représentatives, sont réellement les commanditaires des actions de renforcement de capacités qu'ils sollicitent, l'expérience montre que l'absence de dispositif devant accompagner une réelle construction de la demande de services n'a pas permis de faire en sorte que les actions déroulées s'écartent des sentiers battus6 :

aux femmes les thèmes récurrents de fabrication de savon ou de teinture et tricot ; aux hommes, l'embouche bovine, quelque soit la région considérée.

I-1.2. L'AGRICULTURE DANS LA VALLÉE DU FLEUVE SENEGAL

I-1.2.1 L'utopie séculaire d'un potentiel stratégique7

Les premières expériences de colonisation agraire par des français de la métropole remontent à 1816, quelques mois après que se soit échouée la frégate La Méduse au sud de la côte mauritanienne, dont le radeau sera immortalisé par Théodore Géricault en 1819.

La volonté de mettre en oeuvre cette colonisation agricole reposait sur une représentation idyllique du potentiel démographique et des potentialités des zones riveraines du fleuve sur plusieurs centaines de kilomètres, jusqu'à Bakel. L'objectif était double pour le colonisateur : approvisionner la métropole en produits exotiques appréciés (café, indigo, coton), et assurer une dépendance croissante et irréversible des populations indigènes.

Il n'est pas superflu de rappeler que le Pacte Colonial consistait d'abord en l'obligation faite aux colonies de commercer exclusivement avec la puissance colonisatrice. (accessoirement, il leur interdisait également de transformer sur place leurs produits agricoles).

Cependant, les ambitions seront très vite revues à la baisse : en effet, les troubles interethniques, les négociants qui s'opposent au système de monopole, et l'adversité Maure et Bambara auront finalement raison de l'implantation des colons ;

Entre temps, l'épisode du baron Roger, sorte de gentleman farmer nommé gouverneur de Saint-Louis en 1822, se terminera par un fiasco agricole et économique : malgré un coûteux système incitatif de primes à la plantation (indigo et coton), les recettes d'exportation de ces produits ne couvriront qu'un huitième des dépenses consenties par la métropole, déclenchant des inspections qui concluront que les conditions particulières du « Sénégal » (sols, climat, facteur humain) sont peu compatibles avec sa mise en valeur agricole, et qu'il convient de favoriser à nouveau et au plus tôt le commerce, moins risqué.

Comme le remarque très justement P. DEBOUVRY, cette longue litanie d'erreurs, seulement esquissée ici, n'empêchera pas le modèle de se reproduire pendant les cent cinquante

6 Source : Rapport d'achèvement de la première phase du programme PSAOP

7 Ce chapitre s'inspire d'une série de recueil de fiches de lecture de P. Debouvry, dont notamment : « Du commerce illicite au commerce licite : abolition de l'esclavage et de la traite négrière », et « La saga des Bordelais, ou l'émergence de l'arachide sénégalaise ». (disponible chez leur auteur)

années suivantes. « il annonçait, contre toute logique, la série des futurs projets de mise en valeur fondés sur l'imposition autoritaire de structures et de formes d'exploitation de l'espace, en s'appuyant sur l'injection massive de capitaux et d'expertise, sans soucis des us et coutumes des populations locales ».

Dès 1850 pourtant, une approche plus inductive, à l'initiative du gouverneur PROTET allait assurer l'essor fulgurant de l'arachide, sans intervention directe sur la production mais en sécurisant son environnement et son écoulement ; la pistache de terre, originaire du Brésil correspondait à une nouvelle demande européenne (huile de table, savon) et sa production (expérimentale au départ, par des maisons de négoce bordelaises) allait passer de 1000 à 20 000 tonnes entre 1840 et 1870, pour atteindre un million de tonnes en 1970. Ainsi naîtra le bassin arachidier, caractérisé par sa monoculture, au centre du pays...bien loin de la Vallée du Fleuve Sénégal qui restera à l'écart de cette dynamique.

I-1.2.2 La mise en valeur du Fleuve Sénégal

La bande la plus septentrionale du Sénégal est caractérisée par un écosystème sahélien, à la frontière du Sahara dont seul le fleuve Sénégal la sépare par endroit. Les conditions de survie y sont naturellement rudes pour l'homme, les plantes et les animaux, et le milieu se prête peu au développement d'une agriculture pluviale intensive et performante.

La pluviométrie se situe de nos jours aux environs de 250 mm par an, avec de fortes variations inter-annuelles, et la carte ci dessus indique un glissement marqué des isohyètes vers le sud. Dans un tel environnement, le fleuve proche est synonyme de vie, et d'un développement potentiel ...pour peu que son cours soit maîtrisé.

Depuis sa source située dans le massif du Fouta-Djalon en Guinée, le fleuve Sénégal coule vers le nord sur 1700 km, et traverse des contrées de plus en plus arides. De tout temps, la crue du fleuve a été essentielle à la mise en culture des deux rives, d'autant plus que les pluies se raréfiaient. Cette crue annuelle apparaît en fin de saison des pluies et permet l'exploitation de la moyenne vallée, plaine alluviale cultivée en saison sèche après le retrait des eaux. Un système de production millénaire s'est ainsi construit dans le temps, jouant de la complémentarité des

cultures et parcours de décrue dans le Walo (basses terres), qui succédaient aux cultures et pâturages sous pluie du Diéri, non inondables (hautes terres).

Selon une étude de l'IRD pour l'Organisation de Mise en valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) en 1999, sur la période 1946-1971, 65 000 hectares étaient cultivés côté Sénégal, alors que les surfaces inondées étaient estimées à 312 000 ha des deux côtés du fleuve (pour 108 000 ha cultivés). L'OMVS, organisation sous-régionale, est née par la volonté de ses trois Etats membres : le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, à la suite des sécheresses de 1972 et 1984 ; cette coopération devait permettre à l'avenir, en gérant mieux le débit du fleuve, de développer une irrigation maîtrisée et de produire de l'électricité.

Photos satellite (source : Google Earth)

(Bassin versant du fleuve Sénégal)

C'est ainsi que deux barrages ont été construits dans la seconde partie des années 80 :

- en aval, près de l'embouchure et de Saint-Louis, pour empêcher l'eau de mer de remonter vers le fleuve en saison sèche ;

- en amont, le barrage de Manantali au Mali, qui sert de réservoir pour réguler le niveau du fleuve et produire l'électricité.

Pour Adrian Adams, « .../...Les projets de mise en valeur du fleuve, fondés depuis l'époque coloniale sur la riziculture irriguée, n'ont jamais tenu compte de ce système de production millénaire. A partir des années 1960,

les pluies et la crue ont fortement diminué, disparu même certaines années. Pour l'élevage comme pour l'agriculture, la sécheresse allait simplifier les choses, en permettant aux « développeurs » de faire comme si les systèmes de production traditionnels de la Vallée appartenaient désormais au passé ; l'avenir, c'était l'agriculture irriguée. Avec l'adhésion du Sénégal au programme de l'OMVS, la politique de la table rase devenait irrévocable ; les barrages projetés ne supprimeraient pas la pluie, mais ils permettraient de supprimer en grande partie la crue » 8.

Déjà dans les années 1960, l'ambition de l'Etat de faire de cette région un grenier à riz (après le coton et l'indigo) s'était traduite par d'importants investissements consentis pour l'aménagement de périmètres irrigués, par le truchement de la société d'aménagement et d'exploitation des terres du delta (SAED) ; ces périmètres sont gérés sous une forme collective, par des unions hydrauliques qui négocient chacune des centaines de millions de FCFA de prêts annuels avec la Caisse National de Crédit Agricole

Source : « diagnostic agro-économique de la communauté rurale de Ronkh, delta du fleuve Sénégal » - Mémoire (réalisé en 2004) de cycle ESAT / CNEARC Montpellier, par DIARRA Ibrahima Fanan et HAMIDOU Nouhou

L'installation d'agro-industries pour rentabiliser en partie les investissements hydro-agricoles est une autre spécificité de la région : la plus ancienne est la Compagnie Sucrière du Sénégal (canne à sucre), qui exploite 12 000 hectares et emploie 8000 salarié-e-s. On y trouve également la Société de Conserverie Alimentaire du Sénégal (SOCAS), qui produit du concentré de tomate à partir de cultures de plein champ conduites par les paysans, sous forme contractuelle ; la tomate est cultivée à la suite du riz, sur les mêmes périmètres, ce qui rend très interdépendantes ces deux spéculations.

8 Source : http://www.iied.org/pubs/pdf/full/X170IIED.pdf. L'auteur, Adrian Adams vit depuis vingt ans au Sénégal et travaille avec une association paysanne de la Vallée. Dans son dernier livre «A claim to land by the river : a household in Senegal 1720-1994» elle décrit comment les organisations paysannes ont lutté pendant 20 ans pour défendre leur vision du développement, centré sur les populations locales, en contraste avec les objectifs de développement des organisations gouvernementales responsables des projets d'irrigation dans la Vallée

Tout dernièrement, les Grands Domaines du Sénégal (Fruitière de Marseille) se sont installés dans le delta, pour y développer des cultures maraîchères d'exportation ; exploitant déjà près de 300 hectares, dont plus de 70 sous serres, cette entreprise verse chaque mois une masse salariale importante (les GDS emploient jusqu'à 3500 saisonniers, et ce n'est qu'un début).

Malgré tout, les résultats n'ont jamais été à la hauteur des investissements colossaux consentis ; alors qu'il était prévu de mettre en valeur rien de moins que 400 000 hectares de cultures irriguées (blé et riz), soit quatorze fois plus qu'avant, les surfaces cultivées sont aujourd'hui de l'ordre du dixième de cet objectif. Actuellement, la situation se présente comme suit :

Potentiel irrigable : 240 000 hectares

(le bassin du fleuve Sénégal couvre 289 000 km2)

Superficies aménagées : 94 000 hectares

Superficies exploitables : 64 000 hectares ( où la maîtrise de l'eau est encore possible)

Surfaces cultivées : 35 à 40 000 hectares (tous systèmes confondus)

Production de riz : 85 000 tonnes (début 60), jusqu'à 200 000 T (2002-2004)

On notera pour l'anecdote que l'objectif fixé l'an passé est de doubler cette production d'ici à trois ans (seulement) pour satisfaire la demande nationale, qui a obligé le pays à importer chaque année (en moyenne sur la période 2000 - 2003) 630 000 tonnes de riz, et 240 000 tonnes de blé...

En définitive, le delta a bénéficié de l'implantation des périmètres irrigués, mais l'irrigation par motopompes grève les prix de revient et hypothèque la rentabilité du riz sénégalais, tandis qu'en la privant des crues du fleuve, la vallée a perdu le double intérêt des cultures de décrue, minimisant les risques9, et plus rentables et productives à surfaces égales. Cette réduction des risques n'est pas un mince avantage, car, du fait de nombreux aléas y compris climatiques, et de l'importance des charges d'exploitation, la zone du delta connaît une situation récurrente de cumul d'arriérés de remboursement auprès du Crédit Agricole.

I-2. LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE AU SÉNÉGAL

I-2.1. QUELS DISPOSITIFS ?

Assez naturellement, c'est vers la puissance colonisatrice que le Sénégal s'est tourné pour s'inspirer d'un modèle de formation professionnelle agricole. Il existe aujourd'hui plusieurs dispositifs, publics et privés, et leur relative spécialisation constitue une particularité : même s'ils s'en défendent, les établissements qui forment les futurs techniciens rechignent à former les futurs agriculteurs, comme l'atteste l'unicité du programme dispensé.

Pour l'essentiel, la formation des producteurs agricoles a en réalité été le fait de la vulgarisation et de l'encadrement technique, les agents techniciens de l'Etat ayant pour principale, voire unique mission, de s'assurer de la bonne application des recommandations techniques et de « paquets technologiques » recommandés par la Recherche et imposés aux agriculteurs. Cependant, plusieurs tentatives pour implanter des systèmes de formation agricole, formelle et non formelle, ont vu le jour, toujours à titre plus ou moins expérimental. Nous dressons ci- dessous un rapide portrait d'ensemble des écoles et centres de formation agricole et rurale, tous niveaux de formation confondus (Cf. tableau page suivante : source BFPA)

I.2. 1. 1- Formation de techniciens et encadreurs

La formation des techniciens a toujours relevé exclusivement du dispositif de formation public. A notre connaissance, la plus ancienne école date de 1938 : il s'agissait alors d'un centre de formation d'aides-vaccinateurs ; celui-ci a évolué au fil du temps pour devenir d'abord l'Ecole

9 d'après les travaux réalisés de 1987 à 1990 par l'Institute for Development Anthropology, basé aux Etats-Unis.

des Agents Techniques d'Agriculture10, puis en 1990, le Centre National de Formation des Techniciens d'Elevage et des Industries Animales. (CNFT.EIA)

La seconde à voir le jour sera l'école d'horticulture de Dakar en 1962, destinée à former les ouvriers de la Direction des Parcs et Jardins publics de Dakar ; basée dans la banlieue de Dakar, elle existe toujours sous le nom de Centre de Formation Professionnelle Horticole de Cambérène, et délivre un CAP et un Brevet de Technicien Horticole.

Au cours des années 60 et 70, d'autres écoles de techniciens ont été créées, en nombre très limité cependant ; citons pour information :

· L'école des agents techniques d'agriculture, située à Ziguinchor, en Casamance (aujourd'hui CNFT Agriculture et Génie Rural) ;

· L'école des agents techniques des eaux et Forêts (Ziguinchor également)

· L'Ecole Nationale des Cadres Ruraux de Bambey (Ingénieurs des Techniques Agricoles) ;

· L'Institut National des Sciences Agronomiques, de Thiès, au milieu es années 80, devenu par la suite ENSA (Ingénieurs Agronomes), avant de fusionner avec l'ENCR au sein d'une U.F.R (Sciences Agronomiques et Développement Rural) de l'université de Thiès ;

· Et plus récemment, les Lycées d'Enseignement Technique Agricole de Bignona (2002) et de Thiès (rentrée 2007), sous tutelle du Ministère de l'Education alors que toutes les autres écoles de niveau technicien relèvent depuis 1998 de Départements ministériels sectoriels.

Une particularité mérite d'être soulignée à ce stade : tous ces centres revêtent un caractère monopolistique, en ce sens qu'ils constituent des cas uniques, chacun dans leur spécialité ou domaine de formation.

Ajoutons également que, jusqu'à la décision prise au début es années 90 de mettre un terme au recrutement automatique dans la Fonction Publique des sortants de ces écoles, toutes formaient uniquement des élèves-fonctionnaires, ainsi qu'un nombre variable mais non négligeable de jeunes ressortissants de pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre.

« Par définition » pourrait-on dire, aucun producteur au sens « commun » ne pouvait y accéder, même s'il convient de remarquer que depuis 1992, quelques techniciens formés et non fonctionnarisés se sont malgré tout installés comme exploitants agricoles. Cette réalité est cependant marginale et ne concerne que quelques individus, souvent pluri-actifs ; du reste, aucun décompte n'est disponible.

I.2. 1.2- La formation professionnelle des producteurs

Nous aborderons successivement ces deux pendants, que sont l'offre de formation initiale, et l'offre de formation continue.

I.2.1.2.1- L'offre de formation initiale (non diplômante, en totalité)

A quelques rares exceptions près11, celle-ci est l'apanage (relatif) d'un dispositif de formation public, dont les premiers centres ont été créés à la suite de l'école d'horticulture de Cambérène déjà citée, au tout début des années 60.

10 On remarquera que cette appellation renvoie à un grade de la Fonction Publique, plus qu'à un diplôme.

11 Voir panorama de l'offre de formation agricole et rurale (page suivante)

Il s'agit d'un dispositif (national) de modeste ampleur, qui compte six Centres d'Initiation Horticole (CIH) aux configurations très proches (3 formateurs en moyenne), répartis dans la moitié des onze régions administratives que compte aujourd'hui le Sénégal. (Dakar, Thiès, Saint- Louis, Diourbel, Kaolack et Ziguinchor).

La nouvelle école d'horticulture de Cambérène, et ses premiers produits formés, ont constitué une opportunité pour doter en personnels formateurs les CIH, qui furent imaginés par la tutelle de l'époque (Ministère de la Promotion Humaine) comme une réponse à la difficulté d'insertion des jeunes ruraux quittant précocement le système scolaire (écueil du concours d'accès en 6ème). Il s'agissait donc de leur proposer d'acquérir une capacité technique en maraîchage, aviculture, petit élevage et en apiculture, dix mois durant.

Cette formation devait théoriquement permettre à ces jeunes ruraux (de 16 à 24 ans) de retourner dans l'exploitation familiale, pour y mettre en pratique les techniques « modernes » apprises au centre et ainsi contribuer à la modernisation progressive de ces exploitations, en améliorant la productivité (jugée trop faible) et les techniques de production (jugées archaïques) d'un paysannat généreusement qualifié de traditionnel par les techniciens de l'Etat.

De 1965 à la fin des années 90, moins de 20 jeunes (âgés de 14 à 24 ans) ont été formés annuellement dans chaque CIH, dont un cinquième environ a pu poursuivre une formation diplômante (CAP) au Centre de Formation Professionnelle de Cambérène.

Depuis qu'il a été mis fin au système d'aides scolaires, au bénéfice des apprenants, les centres peinent de plus en plus à recruter : certains ont mis un terme à ce cycle standardisé, d'une durée de 9 mois et non diplômant, depuis 1999, faute de candidats tandis que d'autres ont abandonné les tests de sélection à l'entrée et malgré cela doivent se contenter de promotions aux effectifs réduits (de l'ordre de la douzaine). Une réflexion est en cours avec la profession agricole, à l'initiative de la tutelle, pour adapter le dispositif en place à la demande réelle, et lui permettre de recouvrer une utilité sociale qu'il semble bien avoir perdu.

En parallèle du dispositif ci-dessus, peu attractif, des initiatives éparses, localisées et non reliées entre elles existent ou ont existé ; citons rapidement :

L'ONG CARITAS, dont l'installation fait suite à la sécheresse des années 70. Elle a construit plusieurs Centres de Formation Agricole, destinés à faciliter l'insertion des jeunes ruraux en leur délivrant une formation à temps plein (non diplômante mais gratuite) durant deux années, en alternant théorie et pratique sur l'exploitation agricole pédagogique du centre. Actuellement, seuls deux CFA perpétuent cette formation, après avoir connu récemment plusieurs années blanches en raison d'un désintérêt croissant des jeunes ciblés12.

Un dispositif Maisons Familiales Rurales, construit sur le modèle et avec l'aide de son homologue français : une trentaine de MFR, certaines âgées de près de 30 ans. A l'heure actuelle, la plupart sont en état de léthargie, et toutes ont cessé depuis plusieurs années d'offrir une formation de longue durée spécifiquement destinée aux jeunes, leurs actions relevant davantage de l'accompagnement des ruraux en activité.

12 Voir à ce sujet notre dossier réalisé dans le cadre du module Systémique : « étude comparée de deux centres de formation agricole de la région de Kaolack » :

http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/Travaux_Boisseval_Faye_Malon.pdf

(*) : présent dans la vallée du fleuve Sénégal

Des initiatives relevant du secteur confessionnel (catholique), toutes isolées et sans formalisation ; il s'agit d'apprendre à quelques jeunes les rudiments pratiques de l'agriculture et de l'élevage, quelques mois durant ; il est très difficile de trouver des données précises sur l'encadrement en place, les effectifs ou les programmes éventuels

On le constate donc, le tableau d'ensemble est sombre et il n'est pas exagéré d'affirmer que, si la formation initiale des jeunes futurs agriculteurs s'est de tout temps cantonnée dans la marginalité, elle a quasiment disparu du paysage aujourd'hui.

Dans un pays majoritairement rural, dont la moyenne d'âge est de 15 ans et où la majorité des ruraux vivent principalement ou accessoirement des activités agricoles et d'élevage, force est de reconnaître que l'offre plurielle de formation professionnelle agricole initiale n'attire pas les jeunes, ni aujourd'hui, ni même hier !

Selon les données du Recensement National Agricole de 1999, il existait 450 000 exploitations agricoles au Sénégal ; or, sur la base d'un renouvellement générationnel tous les 30 ans, nous en déduisons approximativement que ce sont environ 15 000 exploitations familiales qui changent de main annuellement.

Il est donc périlleux d'affirmer dans ces conditions que la demande de formation (au moins potentielle) est inexistante ; vraisemblablement, il semble s'agir plutôt d'un problème de pertinence et/ou d'attractivité de l'offre de formation proposée.

Ainsi, de ce postulat découle l'idée simplificatrice qu'il suffirait de former des jeunes, plus réceptifs, à l'utilisation de techniques importées et performantes, pour progressivement doter le secteur agricole au sens large de ressources humaines de qualité.

Avec le recul, on le sait désormais, c'était aller un peu vite en besogne, en faisant totalement abstraction de l'environnement global du secteur productif en milieu rural, et de ses nombreuses contraintes qui rendent pour le moins hypothétique le bénéfice attendu d'un simple transfert de technologie. Cependant, cette logique correspondait à tout point de vue à celle des tutelles successives du dispositif CIH ( Education nationale, puis Formation Professionnelle, en enfin Agriculture depuis 1998 jusqu'en 2003), mais aussi des autres acteurs (Maisons Familiales exceptées, nous y reviendrons).

Dans les programmes de ces formations, le focus est mis systématiquement sur la création d'un nouveau profil de professionnel : le paysan moderne ! A aucun moment, l'enseignement mis en place n'essaie de comprendre comment les paysans environnants pratiquent, ni quelles sont les raisons qui les poussent à pratiquer de la sorte.

C'est en quelque sorte sur une négation délibérée de la réalité quotidienne environnante que se sont implantés dans le paysage rural ces centres de formation professionnelle, avec pour principale conséquence que les produits formés se sont retrouvés dans l'impossibilité technique, financière mais aussi sociale de reproduire à leur retour dans leur famille ce qu'ils avaient appris durant leur formation.

La distance certaine entre l'institution Education Nationale et les problématiques de développement rural explique sans doute en partie ce parti pris d'isolement, fondé sur la croyance que rien d'intéressant ne pouvait être emprunté aux pratiques multi séculaires d'un paysannat massivement analphabète.

Si elle l'explique en partie, elle n'explique cependant pas tout ; en effet, la plupart des centres de formation agricoles (et leurs programmes) a été largement inspirée par le modèle de l'enseignement agricole français (LEGTA, CFPPA), qui a participé directement à les façonner,

soit par des partenariats directs avec des lycées agricoles, soit par le détachement d'enseignants français en position de coopérants techniques.

Là encore, le mirage du transfert de savoirs et de technologies, comme réponse unique et irrécusable aux problèmes rencontrés par les agricultures du sud, n'a pas facilité l'ancrage et l'adaptation de ces centres de formation dans leur terroir.

La tentative d'implantation à l'identique du système des Maisons Familiales Rurales Françaises s'avérera également trompeuse : bien que s'attelant cette fois à construire à partir de l'existant, pour l'améliorer, la formation initiale en alternance sur le modèle français atteindra vite ses limites (en raison principalement de son coût, mais pas uniquement) avant d'être purement et simplement abandonnée.)

Ce dispositif se cherche actuellement un second souffle ; c'est d'ailleurs en ce sens qu'il a demandé en 2006 l'appui du dispositif MFR français, qui l'a répercuté au Comité mixte Franco- Sénégalais pour le développement du secteur agricole, qui s'est réuni en septembre 2006 à Gorée, sous la présidence de l'ancien directeur général de l'Enseignement et de la Recherche du Ministère français de l'agriculture, Monsieur Henri-hervé BICHAT.

I.2.1.2.2- L'offre de formation professionnelle continue (professionnels en activité)

Cette offre est éminemment plurielle, mais au final très peu diversifiée. Le secteur public est moins présent que dans le domaine de la formation initiale : seuls subsistent aujourd'hui deux Centres de Promotion Agricole, en quasi cessation d'activité.

Mis en place durant la période du Programme Agricole, caractérisée par un fort interventionnisme de l'Etat dans les années 70 (intrants, commercialisation, équipements et subventions, encadrement) grâce à l'appui technique et financier du Bureau International du Travail (BIT), ce dispositif qui comprenait également des centres de formation d'artisans ruraux a vécu sous perfusion, de façon relativement artificielle : les adultes en formation étaient obligatoirement de jeunes couples, et la bourse accordée, à laquelle s'ajoutait le fruit de leur travail pratique sur l'exploitation « moderne » du centre de formation durant toute une année, étaient censés leur permettre de s'installer ensuite à leur compte, avec un capital de départ.

Mis à part ce cas anecdotique et peu reproductible en l'absence de bailleurs de fonds, l'ensemble de la formation continue proposée aux producteurs en activité est le fait d'ONG, de consultants individuels et bureaux d'études, et de quelques (mais rares) fédérations d'Organisations Professionnelles. Elle est de très courte durée (un jour à une semaine) et revêt un caractère très ponctuel, du fait de l'incertitude liée aux canaux de financement, largement exogènes au milieu rural.

Autrement dit, l'élaboration rationnelle d'un plan de formation se heurte en général (pour sa mise en oeuvre) à la rareté ou l'imprévisibilité des bailleurs de fonds intéressés. (les possibilités de contribution pécuniaire des bénéficiaires directs permettant rarement de dépasser 10 à 20 % du budget nécessaire).

Enfin, et bien que ce secteur de la formation fasse l'objet d'une forte marchandisation, en raison de la forte compétition des acteurs en présence sur l'offre, la qualité ne semble pas au rendez-vous tant l'impact global apparaît manquer de visibilité.

En conclusion, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que la plupart de ces établissements de formation professionnelle s'adressent principalement voire exclusivement, au

marché du travail... salarié (pour la formation initiale), ou à un public considéré comme captif car peu solvable par lui-même (formation continue).

Or, le secteur agricole, et plus largement rural, se situe très majoritairement dans le secteur informel, lequel valorise plutôt mal le diplôme acquis. Pire, l'emploi dans le secteur agricole est en réalité de l'auto emploi, dans plus de 90% des cas, et la prise en compte du profil de chef d'entreprise (ou chef d'exploitation) est totalement absente des référentiels et programmes de formation en vigueur.

Il y a là matière à réflexion, au niveau de la définition des politiques éducatives nationales, d'autant plus que les singularités évoquées ci dessus pour caractériser le secteur rural se trouvent être les mêmes dans les secteurs secondaires et tertiaires (rappelons à nouveau les données issues de l'étude de Pierre Debouvry d'octobre 2004, basée sur les données officielles au plan macroéconomique, qui font état d'un secteur formel national ne représentant que 8% de l'emploi et auto-emploi, secteurs public et privé confondus).

I-3. contexte de la formation agricole et rurale dans la vallée (page suivante)

I-3.1. LES SYSTEMES D'ACTEURS A L'OEUVRE

SOCAS

CSS (canne

I-3. 1. 1. Représentation graphique des acteurs en présence (et proximité)

(tomate) à sucre) GDS

(Horti

Secteur agrobusiness

Inspectio n d'Académie

Communes Régions Communautés

C olleités ttor

(4)

Rurales

Eaux &
Forêts

Education

Inspections

Nationale

départementales

Bureau
x
d'é td

Agence régionale de développement

Programme National de développement local (PNDL)

Bureaux
d'études

ON
G

Services déconcentrés des ministères techniques du développement

Services rural vétérinaires

CFPEF S

ONG

Dir. rég. du dév.
rural

CNCAS (crédit
agricole)

FPA

C

(dir. rég. de l')
agence nationale
de conseil agricole
et rural

CFA
CIH
CPFP

BFPA

Office National de
Financement de la Formation
Professionnelle

ONFP

ASESCA

Organisations Professionnelles (OP)

& Associations

FEPRODE S

... /

Cadre Local
de
Concertation

Cadre Régional de
Concertation des Ruraux

Légende : Membres du RESOF

I-3. CONTEXTE DE LA FORMATION AGRICOLE ET RURALE DANS LA VALLÉE

I-3. 1.2. Systèmes et acteurs en présence (et proximité)

Le schéma qui précède tente de faire ressortir les quatre catégories d'acteurs suivantes :

· Les collectivités locales, de la communauté rurale à la région ;

· Les organisations professionnelles agricoles et rurales :

· L'Etat et ses démembrements ;

· Le secteur privé (agrobusiness, mais aussi prestataires de services)

Malgré quelques contraintes techniques de réalisation, ce schéma permet de faire apparaître les points suivants :

· En règle générale, les centres de formation ont peu de relations avec les collectivités locales ;

· Le dispositif « éducation nationale » n'entretient pas de relations avec les autres acteurs, exceptés avec les élus locaux par l'entremise, principalement, de l'inspection d'académie.

· Les trois entreprises d'agrobusiness ne constituent pas à proprement parler un système,
mais représentent des apports monétaires très conséquents dans l'économie régionale.

· Les autres services déconcentrés de l'Etat sont plutôt proches des organisations
professionnelles, qu'ils accompagnent désormais après les avoir longtemps encadrés.

· Les membres du réseau formation fleuve (RESOF) se comptent très majoritairement du côté des centres de formation professionnelle publics et privés et des prestataires de services, et du côté des OPA.

Toutes les structures représentées relèvent de tutelles multiples, ce qui constitue un obstacle (administratif) supplémentaire pour le développement de synergies ou la circulation et l'échange d'informations :

· Ministère de l'Intérieur13, pour les collectivités territoriales ;

· Ministères de l'éducation, et ministère de l'enseignement technique et de la formation professionnelle ;

· Ministère de l'agriculture, représenté sur le terrain par ses directions régionales du développement rural, les centres d'initiation horticole et les centres polyvalents de formation des producteurs (trices), mais aussi l'ANCAR et la SAED ;

· Ministère de l'élevage, dont dépendent les inspections régionales des services vétérinaires, et le centre national de formation des techniciens de l'élevage et des industries animales.

· Ministère de la promotion de la femme

· Ministère de l'environnement

· Ministère de l'emploi, tutelle des associations, des OP et des ONG.

· .../...

Soulignons également que la vallée du fleuve Sénégal est davantage une région agro écologique qu'une entité autonome : elle recouvre en tout ou partie quatre régions administratives14 et plus d'une dizaine de départements ; dans chacune de ces quatre collectivités territoriales se retrouvent les différents démembrements de l'Etat et, pour certains, leurs antennes départementales.

Ajoutons enfin l'échelon collectivité territoriale de base qu'est la communauté rurale (une trentaine en moyenne par région administrative), qui gère un patrimoine foncier souvent important et bénéficie des services de l'agence régionale de développement, au même titre que la région.

13 Puis ministère de la décentralisation, depuis 2006.

14 Saint-Louis, Louga, Matam et le département de Bakel dans la région de Tambacounda.

Toutes les communautés rurales disposent de plans de formation, élaborés dans le cadre de leurs Plans locaux de développement, et bien sûr, nombre d'élus sont par ailleurs des responsables d'organisations professionnelles agricoles.

Cette multiplicité d'acteurs et de centres de décision, du niveau local au niveau régional et dans un même contexte agro climatique et écologique, milite pour un pilotage partagé, afin de pouvoir influer, réguler l'offre de services des prestataires de Formation Agricole et Rurale.

I-3.2. LE RÉSEAU FORMATION FLEUVE (RESOF)

I-3.2.1. La naissance du RESOF

La dynamique qui a porté en 1999 la Stratégie Nationale de F.A.R sur les fonds baptismaux s'est heurtée à un défi gigantesque pour appliquer au niveau opérationnel les principes et orientations retenus : tout ou presque était à faire, depuis l'alphabétisation de tous les ruraux jusqu'à la réforme de l'enseignement supérieur !

L'urgence de l'action, amplement démontrée par les constats d'alors, a sans doute contribué (selon notre perception) à brouiller les cartes de « l'opérationnel », en regroupant des objectifs parfois contradictoires au sein des programmes d'action. Ainsi, le document « Bilan et perspectives de la phase 1999-2002 » du programme d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde rural au Sénégal15 présente t-il le troisième chantier financé comme suit : « étude de faisabilité de Pôles régionaux de formation / recyclage des techniciens, conseillers agricoles, et des jeunes agriculteurs ».

S'appuyant sur l'une des stratégies d'intervention recommandée par la SNFAR, il y est question de mettre en réseau au sein d'une même région les compétences dispersées dans les diverses structures publiques et privées (centres de formation, de recherche, bureaux d'études et ONG, sociétés de développement). Cette réorganisation sur une base territoriale était dictée par le soucis i) d'articuler l'offre à la spécificité de la demande locale, ii) d'exploiter le potentiel dispersé de l'offre de formation, et iii) de responsabiliser les élus, les OP et les opérateurs privés dans le pilotage et le financement de la formation agricole et rurale.

Des économies d'échelle importantes en étaient attendues, à travers une réponse concertée et efficace à la demande de formation. Ce document-bilan rappelle qu'en Casamance, l'initiative a été prise par le Conseil Régional qui a mis sur pied un comité régional de planification stratégique de la FAR, regroupant les principales Organisations Professionnelles et les établissements publics et privés de formation.

A Saint-Louis, ce sont les structures de formation qui ont conduit la concertation ayant abouti à la mise sur pied d'un réseau regroupant OP, écoles, ONG et services d'appui. Une des premières tâches du RESOF a été de s'atteler à l'élaboration d'un répertoire des compétences disponibles au sein de la trentaine d'organisations membres. Cette prise de responsabilité laisse à penser que cette catégorie d'acteurs était inquiète, à la suite de la mise en évidence de ses lacunes importantes (diagnostic de la SNFAR), et qu'il était stratégique pour elle de piloter ce processus de réseautage pour ne pas être mise à l'écart par la suite.

Chronologiquement, l'aboutissement de la SNFAR et le programme d'appui à la formation agricole et rurale évoqué plus haut se situent au même moment : ce dernier est en effet le cadre d'application de l'accord de coopération signé en juin 1999 entre la Suisse et le Sénégal. C'est donc bien dans le cadre du troisième chantier de ce programme d'appui que sont créées les conditions qui amèneront à la création du RESOF, le 21 juin 2000.

15 Conçu et financé par le Bureau d'Appui à la coopération sénégalo-suisse, unique soutien financier du RESOF.

I-3.2.2. Evolution du RESOF

Nous relevons dans le rapport d'activité de la coopération suisse de décembre 2000 les constats suivants (points 104 à 107 du rapport) :

· Une méconnaissance, par la majorité des partenaires potentiels du pôle (élus locaux, OP,
privés) de la stratégie nationale qui sous-tend la création de pôles régionaux de formation.

· Des acteurs locaux qui peinent à clarifier le rôle du pôle et à aller au delà de la seule mise en place d'un cadre organisationnel.

· La prégnance des écoles et centres de formation dans la dynamique nouvelle, avec « le risque de limiter le pôle à une simple expression de l'offre de formation ».

Cette absence de vision partagée par tous les acteurs est pointée comme une faiblesse majeure, de nature à provoquer l'enlisement de la démarche.

Du côté des élus locaux, il faut bien comprendre que les nouvelles responsabilités à assumer sont très larges ; depuis les lois de décentralisation de 1996, les collectivités locales se sont vues transférer neuf domaines de compétences or, elles n'ont pas les moyens de leur politique. Elles bénéficient d'une dotation globale de l'Etat central sous-évaluée, et peinent à récupérer les impôts et taxes locales.

Dans ce contexte, on peut comprendre la prudence des collectivités locales à s'engager, et leur réticence à mettre en commun leurs ressources et leurs compétences. D'autre part, au plan des logiques institutionnelles, leurs nouvelles responsabilités en matière d'éducation et de formation professionnelle les ont peut être porté à croire que le sous secteur des formations agricoles et rurales, éclaté entre de multiples tutelles, était marginal dans le dispositif éducatif global. Il s'y ajoute le fait, comme cela nous fut rappelé à plusieurs reprises, que l'agriculture ne figurait pas au nombre des compétences nouvelles transférées.

Vingt mois plus tard, en janvier 2002, le rapport annuel du RESOF présente dans son préambule le « pôle » comme suit : « un cadre de concertation, de réflexion et d'échanges entre ses membres et avec l'extérieur, dans le domaine de la FAR ».

L'évolution semble notable, et notoirement éloignée de l'idée originelle de pôle régional de formation, si tant est qu'un pôle de formation a vocation à faire de la formation (cf. notre précédent parallèle avec un réseau de professionnels de santé).

Les objectifs déclinés dans ce même document le confirment : il s'agit désormais de faciliter la réflexion collective sur des thèmes fédérateurs et les échanges de pratiques, de diffuser les expériences, de faciliter la mobilisation des ressources et de contribuer à l'élaboration de la politique régionale de FAR.

Un dernier objectif (en réalité, le premier de la liste) a trait à la promotion de la qualité dans la conception et la réalisation des programmes de formation.

Ceci est du reste confirmé dans le projet de programme de mise en oeuvre du pilotage régional de la FAR. Ce document, proposé par le Secrétariat du RESOF en mai 2006, réaffirme son ambition « de faire une place primordiale à la régulation participative de la FAR dans la mise en oeuvre de la Stratégie Nationale dans la Vallée du Fleuve Sénégal ».

Le démarrage du RESOF fut laborieux ; d'abord assurée par la structure hébergeante16 au cours des neuf premiers mois, son animation sera confiée en mars 2001 à l'assistant des programmes de formation du CIFA, qui deviendra ainsi l'animateur principal du RESOF. Au nombre de ses

16 En l'occurrence le Centre Interprofessionnel de Formation aux métiers de l'Agriculture (CIFA), situé à Ndiaye, à 30 km de Saint-Louis.

missions, figurent (déjà) la re-dynamisation du réseau et la mobilisation des acteurs majeurs présents dans son environnement.

D'ailleurs, si à la naissance du RESOF en juin 2000, quinze organisations ont payé la cotisation annuelle (5 000 Francs CFA, soit moins de huit Euros), elles ne sont plus que trois l'année suivante, dont la structure hébergeante. (malgré l'adhésion de deux nouveaux opérateurs privés en 2001).

Lors de la dernière Assemblée Générale du 29 décembre 2005, le décompte des membres ressort à 46 organisations. Celles-ci se répartissent à peu près équitablement sur les deux catégories de l'offre et de la demande.

Cette longue introduction, relative aux finalités du réseau, tente de montrer que chacun des acteurs pressentis à l'origine pour participer à cette dynamique de rupture avec le passé est venu avec en perspective sa propre stratégie :

· pour les uns, plutôt situés sur la demande de formation, il s'agissait de contribuer à mettre en place un instrument destiné à assainir les pratiques dans le secteur, et à faire évoluer la réponse-formation globale par des échanges de pratiques et la diffusion d'expériences originales ;

· pour d'autres, les plus nombreux, il s'agissait davantage de se positionner, en perspective de remplir son carnet de commande ;

· pour les organisations professionnelles et quelques associations de développement communautaires, le réseau semblait représenter un espace intéressant pour faire valoir leur point de vue en tant que demandeurs de formation.

· quelques autres enfin, ont « acheté leur ticket, pour voir » ; il s'agit essentiellement des services d'appui au développement rural.

Ces attentes multiples, et l'équilibre qui en est résulté, ont sensiblement modifié l'idée originelle de pôle régional de formation jusqu'à sa forme actuelle, plus proche d'un cadre de concertation, bien que les activités conduites mêlent encore parfois les deux finalités, apportant à notre sens parfois de la confusion lorsque le réseau commandite et prend en charge des actions de renforcement de capacités au bénéfice d'individus issus de ses organisations membres, ses situant alors en position de concurrence avec certains de ses membres, opérateurs, voire financeurs de formation.

I-3.2.3. Fonctionnement et organisation du RESOF

Depuis sa création, le Résof est hébergé par le Centre Interprofessionnel de Formation aux métiers de l'Agriculture (CIFA), qui engage sa signature envers les tiers et gère les actifs du RESOF ; cette relation va donc au delà du simple hébergement physique d'un réseau virtuel.

Le C.I.F.A. est un cas unique au Sénégal : il occupe les locaux de l'ancien centre de formation de l'imposante société publique d'aménagement des terres du Delta (SAED) et il est présidé par la profession agricole ; reconnu d'utilité publique, il reçoit une dotation annuelle de l'Etat d'environ cinquante millions de F CFA pour remplir des missions de service public, à la demande de la SAED. Le RESOF est structuré comme suit :

Une assemblée générale, ou chacune des organisations membres à jour de sa cotisation dispose d'une voix.

Un Secrétariat technique, composé à l'origine de deux membres, et élargi par la suite à cinq membres, afin qu'y soient représentés les trois pools géographiques du Résof dans la Vallée du fleuve.

Un animateur17, sur un poste à mi-temps pris en charge par la coopération suisse.

17 Par ailleurs formateur du CIFA

Pool St-Louis

14
membre

Secrétariat du Résof (5 membres)

Pool Delta

Animateur

8

b 23 membres

Pool PMB (Podor-
Matam-Bakel)

L'organisation du Réseau en pools a été décidée pour restaurer un caractère de proximité à son action, et donc de visibilité, vis à vis de ses membres répartis tout au long de la Vallée du Fleuve Sénégal, de la côte Atlantique jusqu'à Bakel (région administrative de Tambacounda), où le fleuve pénètre au Sénégal.

Dès 2004 en fait, un atelier de diagnostic18 visant à évaluer les points faibles du mode d'organisation et de fonctionnement du Résof avait mis en évidence le schéma relationnel suivant :

Secrétariat

En relation

Absence de relation

Animateur

Pool
St Louis

Pool
Delta
Dagan

Pool

Podor

18 atelier organisé à Louga en avril 2004 par le RESOF, avec l'appui de l'International Institute for Environnement and Development (IIED)

Cette absence d'échanges directs entre les pools est révélatrice d'un dysfonctionnement du Résof, ainsi que nous avons eu à le relever dans le cadre de notre précédent Mémoire de recherche.19

Dans un tel cas, le réseau multipolaire qui devrait faciliter la communication horizontale entre tous ses membres paraît dériver insensiblement vers une coordination centralisée et son corollaire : la communication verticale et hiérarchisée. Cette tendance, comme l'explique Guy Le Boterf, apparaît souvent en réponse à des dysfonctionnements répétés, souvent causés par la lenteur des processus engagés ou le manque de coopération de certains acteurs.

La répartition des membres entre les trois pools est assez irrégulière, mais ce qui paraît être le plus lourd de menaces pour l'avenir du dispositif réside à notre sens dans l'ampleur des aires d'intervention ; ainsi, le pool Podor-Matam-Bakel, qui s'étend sur près de 400 km de long, semble le plus exposé au risque de non fonctionnalité ; l'étendue de cette zone paraît battre en brèche l'avantage des pools, dont l'idée originelle consistait à rapprocher le RESOF de ses membres.

19 X Malon - « le réseau formation fleuve au Sénégal : pour une régulation participative de l'offre de formation agricole et rurale » ; D.U Ingénierie de la Formation et des Systèmes d'Emploi -01/2007.

I-3.2.4. Les organisations membres du RESOF20

Légende

Pool Saint-Louis

Pool Delta (Dagana)

Pool Podor-Matam-Bakel

Org. Professles & associations : OP, ONG, Asso

Etablissements publics de formation : EPF

Opérateurs privés de formation : Prest

Services d'appui (publics) : SAP

Catégorie

STRUCTURES/localisation

Pools

1 Prest

GRAPEF/ Louga

Saint-louis

2 OP

CIFA Centre Interprofessionnel pour la Formation aux Métiers de

l'Agriculture/Ndiaye

Delta

3 OP

GROPEN : Groupe pour la promotion de l'élevage au nord/Richard-Toll

Delta

4 EPF

CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie Familiale et Sociale Dagana

Delta

5 SAP

ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural

Saint-louis

6 SAP

ANCAR Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural

Matam

7 Prest

CONFORME ; Conseil Formation

Saint-louis

8 Prest

MICRIFINEDABASE : micro finance et gestion de projets

Saint-louis

9 Prest

GRIFEI : Groupe d'Initiative pour la Formation à l'Entreprenariat et à l'Insertion

Saint-louis

10 EPF

CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie Familiale et Sociale Saint-Louis

Saint-louis

11 EPF

CPFP : Centre Polyvalent de Formation des Producteurs de Ogo

Matam

12 OP

CNCF : Comité Nationale de Concertation de la Filière Patate Douce / Richard-Toll

Delta

13

GIE Bamtaaré Cali

Matam

14 EPF

CNFTEIA : Centre National de Formation des Techniciens de l'Elevage et des Industries Animales

Saint-louis

15 EPF

CPP : Centre de Perfectionnement des Pêcheurs de Mbane

Delta

16

RADI : Réseau Africain pour le Développement Intégré Saint-Louis

Saint-louis

17 OP

FAFD: Fédération des Associations du Fouta pour le Développement/ Agnam Thiodaye

Matam

18 OP

FEPRODES: Fédération des Groupements et Associations de Femmes Productrices du Delta du Sénégal

Saint-louis

19 OP

ADENA: Association pour le Développement de Namarel

Podor

20 OP

CORAD: Coopérative Rurale des Agropasteurs pour le Développement de Ndioum

Podor

21 OP

AFUP: Association des Fédérations et Unions des Producteurs de Podor

Podor

22 Asso

ARP/TPS: Association pour le Développement du Pulaar

Saint-louis

23 Prest

CEFP: Centre d'Echanges et de Formation Pratique/ Bakel

Bakel

24 Asso

Clubs UNESCO/Kanel

Matam

25 OP

CECAP : Caisse d'Epargne et de Crédit des Artisans/ Ndioum

Podor

26 EPF

CFPEFS : Centre de Formation et de Perfectionnement en Economie Familiale et Sociale Matam

Matam

27 OP

UJAK: Union des Jeunes Agriculteurs de Koyli Wirndé

Podor

 

20 « pointage » lors de l'assemblée générale du 29/12/2005

28 OP

Maisons Familiales Rurales de Guédé

Podor

29 Prest

CGER: Centre de Gestion et d'Economie Rurale/ Ndiaye

Delta

30 Prest

ASRADEC : Association pour la Recherche et l'Appui au Développement Communautaire

Podor

31 Prest

AVC Association Vallée Consult/ Gamadji

Podor

32 Prest

Nord Agrivet/ Ndioum

Podor

33 EPF

CIH: Centre d'Initiation Horticole

Saint-louis

34 Prest

EMRG: Entreprise Mamadou Racine Gaye/ Ndioum

Podor

35 OP

ASESCAW: Association Socio-économique et Culturelle des Agriculteurs du Walo Ross-béthio

Delta

36 OP

ADEBO: Association pour le Développement de Bombodé/ Ndioum

Podor

37 OP

Association Ndoro fanaye/ Fanaye

Podor

38 OP

GIE JAMM JALLO/ Richar-toll

Delta

ABSENTS

1 Asso

ANAFA : Association Nationale pour la Formation des Adultes

Saint-louis

2 Asso

UASE : Union des Associations pour la Sauvegarde de

l'Environnement/Ndiawara

Podor

3 OP

DBAT : Association Dental Bamtaaré Tooro :Tarédji

Podor

4 OP

FAED: Fédération des Agro éleveurs pour le Développement

/Nguenar

Podor

5 Prest

CESAO Centre d'études supérieures en Afrique de l'ouest

Kaolack

6 SAP

SAED Société d'aménagement et d'exploitation des terres du delta

Saint-louis

 

7 Prest

ID Consulting

 

FPGL: Fondation Paul Gerin Lajoie

Saint-louis

 

I-4. UNE STRATEGIE NATIONALE, POUR DES REPONSES-FORMATION TERRITORIALISEES

I-4.1. LES ENJEUX

L'agriculture et l'élevage représentent encore aujourd'hui 10% du P.I.B, et occupent environ 60% de la population active sénégalaise. Quelle sera leur importance demain, quand les enfants qui naissent actuellement se présenteront sur le marché du travail ?

Le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole a demandé en octobre 2004 à Pierre Debouvry, consultant indépendant, de réaliser une étude destinée à mettre en lumière les enjeux auxquels le Sénégal sera confronté au cours des vingt prochaines années21. Il s'agissait pour nous de disposer d'arguments forts pour convaincre les Pouvoirs Publics d'investir massivement dans le sous secteur de la formation, pour relever ces défis.

La compréhension de cette étude peut se limiter à la lecture d'une quinzaine de graphiques, proposés en annexe, qui se suffisent à eux-mêmes. Ils sont basés sur les données officielles disponibles. Ces enjeux sont quintuples, et peuvent se décliner comme suit :

Transition démographique

21 http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/debouvry1_far.pdf

Education Pour Tous

Productivité du secteur agricole et préservation de la fertilité

Insertion socioprofessionnelle des cohortes de jeunes

E migration, exode rural et entretien de l'espace rural.

Dans ce paragraphe, nous nous appuierons essentiellement sur ces travaux pour montrer l'ampleur des défis à relever, et pour lesquels la formation agricole et rurale pourrait être un levier puissant pour faire évoluer plus favorablement la situation d'ensemble, en développement les capacités des ressources humaines du secteur rural, et en permettant à une partie des jeunes ruraux d'être mieux armés pour s'insérer à la ville.

Résumées très brièvement, les projections faites à partir des tendances démographiques du Sénégal révèlent un Sénégal autour de 17 millions d'habitants en 2025 (contre 11 aujourd'hui, et 3 millions en 1960).

Cette prévision est plausible, même si la fécondité diminue, ne serait-ce qu'en raison du nombre croissant de femmes en âge de procréer. Elle se traduit par une urbanisation galopante et l'inversion du ratio urbains/ruraux ; nous allons passer de 1 urbain pour 7.75 ruraux en 1930, à 1 urbain pour 0.8 ruraux en 2025.

Cela pose le problème de la productivité du travail dans le secteur agricole, et signifie en principe que chaque rural devrait produire dix fois plus de denrées pour alimenter les villes.

Malgré l'exode rural, la population rurale va encore continuer d'augmenter, certes plus lentement que la population urbaine, mais la densité rurale est déjà telle que cela va encore accroître considérablement la pression sur le foncier : de 40 habitants au km2 en 1960, il est prévu d'atteindre 110 habitants/km2 en 2020.

Cette pression risque de se traduire, en l'état actuel des choses, par une dégradation continue de la fertilité des sols et des parcours, et plus largement une dégradation de l'ensemble des ressources naturelles qui risque de s'accélérer (halieutiques, forêts, salinisation des sols, appauvrissement de la biodiversité et disparition des jachères).

Face à ce constat démographique, l'évolution de la sécurité alimentaire paraît problématique ; en effet, les productions agricoles, vivrières ou d'export, progressent peu depuis 40 ans tandis que les importations céréalières « explosent » ; elles ont déjà décuplé entre 1960 et 2003, jusqu'à friser le million de tonnes. On notera d'ailleurs qu'au delà de l'augmentation de la population, ce décuplement est largement dû aux transformations des habitudes alimentaires puisque on est passé de 30 kg de céréales importées par habitant ( 1960), à plus de 90 kg/tête en 2003.

La répartition des emplois et auto emplois au plan national indique par ailleurs que le secteur formel (public et privé) ne « pèse » que 8 % du total des actifs, tandis que le secteur rural massivement situé dans l'« informel » représente 64 % de l'ensemble.

C'est donc pour l'essentiel dans ce secteur d'activités, qu'on le veuille ou non, que trouveront à s'insérer chaque année l'essentiel des 360 000 jeunes de la tranche 15 - 24 ans (effectifs correspondant au 1/10ème de la tranche 15-24 ans).

La combinaison des tendances démographiques, et de la volonté d'atteindre rapidement l'Education Pour Tous, vont entraîner un doublement des cohortes à scolariser entre 1990 et 2030, et un triplement des jeunes à insérer sur le marché du travail pour la même période. Les jeunes qui arrivent en terminale ne représentent que 7 % des cohortes scolarisées ; ils constituent donc de fait une élite ; malgré tout, certains établissements de formation agricole au niveau technicien espèrent toujours recycler leurs programmes classiques pour permettre à cette élite de s'installer sur des exploitations agricoles.

Sur cette base, les exclus du système sont les suivants : accès en Cours d'Initiation : 262 319 (hors redoublement), accès en CM2 : 126 266 ; accès en 6ème : 64 483 jeunes.

De fait, la très grande majorité des futurs chefs d'exploitation aura au mieux un niveau voisin du Certificat de Fin d'Etudes Primaires, et c'est à eux que doit s'adresser prioritairement le dispositif global de formation, ce qui n'a jamais été fait auparavant. La majorité de ceux-ci s'insèrent par un processus de dévolution de l'exploitation paternelle largement enraciné socialement, à la différence des expériences malheureuses d'installation de jeunes diplômés bacheliers, transplantés avec un pécule de départ dans un milieu qu'ils ne connaissent pas ou dont leur trajectoire scolaire les a coupé.

Au Sénégal, les processus de dévolution entre les générations, sur la base d'un total de 450 000 exploitations familiales, concernent donc environ 15 000 jeunes (parfois âgés jusqu'à 45 ans). Une action systématique dans leur direction ne pourra donc se concevoir sous les formes existantes actuellement (formation à plein temps, longue et diplômante), dans la mesure où le total des établissements concernés se caractérise par des flux annuels de l'ordre de la centaine seulement.

Pour permettre au secteur agricole de mieux assumer les missions qui lui sont assignées, la formation de masse s'apparente à une obligation impérieuse pour engendrer un impact significatif sur la productivité d'ensemble; cette condition n'est toutefois pas suffisante, car l'amélioration de l'environnement de la production et des services sociaux en milieu rural conditionnera en grande partie la motivation des jeunes à s'insérer dans la vie active, en milieu rural.

C'est bien ce dernier point que mettent en avant, soutenus et aidés financièrement par leurs familles, les candidats à l'émigration, qui ne veulent ni du type de travail ni des conditions de vie qu'ils ont fui en quittant leurs villages. C'est bien la stabilité politique et la cohésion sociale qui sont en jeu pour les prochaines années.

I-4.2. UN ACTEUR RECENT MAIS ATTENDU...

...Le Bureau de la formation professionnelle agricole (BFPA)

Pour mieux comprendre les raisons de la création du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole, il faut remonter à la crise des écoles d'agriculture.

Leurs difficultés sont nées de la crise de l'économie agricole et des mesures d'ajustement structurel affectant l'Etat, qui ont eu pour conséquences, outre la réduction des débouchés des diplômés et du recrutement d'élèves, la diminution importante des ressources allouées par l'Etat et le dépérissement des centres de formation.

En 1991, l'arrêt du recrutement automatique des diplômés dans la fonction publique précipite des tentatives de réforme : orientation vers les besoins du secteur privé et des producteurs ruraux, politique de génération de ressources propres. Ces réformes remettent en cause les missions des écoles, les contenus et les méthodes de formation et de gestion.

Malgré le soutien très fort de la coopération suisse, qui a largement contribué à préserver les écoles d'enseignement agricole et forestier de la dégradation de la situation économique, celles ci sont restées en marge de la réflexion sur la réorganisation globale des services agricoles et le renforcement des capacités des producteurs ruraux, engagée lors de la conception du Programme des Services d'Appui aux Organisations de Producteurs (PSAOP).

Tirant les leçons de cet engagement, la coopération suisse a souhaité repositionner son intervention dans une logique d'accompagnement pour laisser l'initiative aux acteurs locaux ; du côté sénégalais la nécessité d'engager une réflexion de fond sur le système de formation en partant d' une analyse prospective de la demande était bien perçue. Cette réflexion, conduite entre janvier 1998 et juillet 1999 s'est déroulée à deux niveaux :


· dans les écoles d'enseignement agricole, jusque là uniques bénéficiaires de cette coopération ;


· à l'échelle nationale, avec l'ensemble des acteurs concernés par la formation agricole et rurale

(responsables des ministères ayant en charge la formation agricole et rurale, d'institutions de

formation et d'ONG, opérateurs privés et dirigeants d'organisations de producteurs).

Au niveau des écoles, l'analyse des performances et la réflexion prospective menées sans discrimination par tous les agents et les partenaires directs ont permis de s'interroger sur les causes des problèmes identifiés et sur l'avenir de ces écoles. Cet exercice a permis à chaque école d'élaborer son projet d'établissement22. Il a en même temps montré que les problèmes de la formation et leurs solutions dépassaient le cadre des écoles.

Au niveau national, le travail réalisé a permis d'examiner la question dans toutes ces dimensions et d'impliquer tous les acteurs dans une réflexion commune. Cette réflexion a été conduite par un groupe de travail dont les analyses et les conclusions ont été discutées et amendées lors d'un séminaire national qui a regroupé cent vingt participants représentant toutes les catégories d'acteurs du monde rural. (6 / 8 avril 1999 - Dakar). Le document produit23 alors déclinait les orientations d'une véritable stratégie nationale de formation agricole et rurale.

L'intégration de cette réflexion dans le Programme des Services Agricoles et d'appui aux Organisations de Producteurs, financé par un prêt de la Banque Mondiale, a permis au Ministère de l'Agriculture de progressivement prendre conscience des enjeux de la FAR, jusqu'à décider de la création, en mars 2003, du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole.

Directement rattaché au Cabinet du Ministre, ce service est chargé d'impulser et coordonner la mise en oeuvre de la Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale (SNFAR), validée en 1999 et réactualisée en 2005.

Dans ce cadre global, les missions du Bureau sont de deux natures :

D Il permet aux Pouvoirs Publics, en produisant de l'information sur le sous-secteur, d'exercer leur rôle de maître d'ouvrage dans le domaine des formations professionnelles agricoles au plan national.

D Il assume les responsabilités du Ministère de l'Agriculture et de l'Hydraulique, qui a sous sa tutelle des structures publiques qui sont opérateurs de formation.

Le Bureau s'est réellement fait connaître en commençant à travailler mi 2004 sur le diagnostic du sous-secteur, plus précisément sur la manière dont s'élaborent la demande et l'offre de formation rurale à travers le recueil des points de vue des acteurs en présence. Cet état des lieux a été complété par une étude, conduite sous l'angle des projections démographiques, qui fixe sans équivoque les enjeux et les défis que devra relever le monde rural d'ici à l'horizon 2025... c'est à dire demain.

La restitution de ces travaux a été à la base de l'atelier de réactualisation de la Stratégie Nationale de Formation Agricole et rurale, organisé en janvier 2005 à l'hôtel Indépendance de Dakar.

Le pilotage et la régulation constituent un axe majeur d'intervention de la stratégie nationale de formation agricole et rurale depuis 1999, et le BFPA, soutenu par ses principaux partenaires, en a fait sa priorité.

En effet, au Sénégal le sous-secteur de la formation agricole et rurale était jusque là caractérisé par la pluralité et la diversité des acteurs, une tutelle dispersée, cloisonnée et peu ouverte sur la profession, et une absence criarde de références.

Ce constat, sur lequel s'étaient accordés tous les acteurs, avait abouti à la situation actuelle, caractérisée par :

· un faible nombre des effectifs touchés,

· un gaspillage du peu de ressources disponibles,

22 Mais leur mise en oeuvre n'a pas suivi...

23 « Former les acteurs d'une nouvelle économie agricole et rurale orientations et stratégies de formation à l'horizon 2015 »


· et des offres ne répondant pas, ou à la marge, à la demande.

L'urgence était ainsi de travailler à une meilleure implication de tous les acteurs institutionnels et non institutionnels en leur donnant l'opportunité de sortir de la gestion au quotidien d'activités routinières, et de produire un cadre de références.

Malgré la formulation utilisée dans les textes officiels, le Bureau Formation Professionnelle Agricole reste une structure très légère qui cherche à travailler en confiance avec les principaux groupes d'acteurs institutionnels en présence, mieux positionnés pour la mise en oeuvre effective sur le terrain ; ce pilotage naissant mobilise aujourd'hui quatre principaux acteurs : les organisations de producteurs, les collectivités locales, le secteur privé et l'Etat.

I-4.3. LE CADRE REGLEMENTAIRE

Nous aborderons ici les deux dimensions de ce cadre : une dimension transversale, cadrée par le processus de mise en oeuvre de la décentralisation, à laquelle s'ajoute une dimension sectorielle, prise en charge par le ministère de l'agriculture.

Les deux lois de décentralisation de 199624 transfèrent aux collectivités locales neuf domaines de compétence ; la Loi n° 96-07, dans son Titre second, liste ainsi les responsabilités de la Région, de la Commune, et de la Communauté Rurale pour chacun des quatre volets suivants : l'éducation, l'alphabétisation, la promotion des langues nationales et la formation professionnelle.

Même si le transfert de ces nouvelles compétences ne s'est pas accompagné d'un transfert proportionnel des finances publiques, loin s'en faut, les collectivités locales sont donc, depuis une dizaine d'années, devenues un acteur incontournable dès lors que l'on souhaite faire progresser la question du pilotage de la formation agricole et rurale.

Sous l'angle sectoriel, nous retiendrons tout d'abord les textes réglementaires qui régissent les attributions du ministère de l'agriculture, et du bureau de la formation professionnelle agricole :

· Le décret 2003-717, relatif aux attributions du ministre de l'Agriculture, stipule que « le ministre est chargé de la formation et de l'encadrement des agriculteurs.../... il organise le développement du monde rural... » ;

· L'arrêté n°1371/MAE du 12/03/2003, portant création du Bureau de la Formation Professionnelle Agricole :

« le bureau est chargé de la formulation et de la mise en oeuvre de la politique de formation professionnelle agricole » (NDR- bien évidemment en rapport avec les autres niveaux, du fait des politiques i)de recentrage de l'Etat sur ses fonctions dites « régaliennes » et ii)de décentralisation)

« Sous l'autorité du ministre, il supervise et coordonne l'ensemble des structures de formation professionnelle agricole. Il est aussi chargé de la formulation, de la consolidation et de l'exécution des plans de formation et de perfectionnement pour l'ensemble du personnel du Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage. » (article 2)

Nous signalons, pour l'anecdote, l'arrêté primatorial n°3344/MEN/DC/DAJLD du 15 /03/2000 portant création et organisation du Comité National de Planification Stratégique de la Formation Agricole et Rurale.

A cheval sur le transversal, avec une dizaine de ministères représentés en son sein, et sur le sectoriel, puisque présidé par le ministre de l'éducation, nous retenons surtout que cette instance, créée par le gouvernement (socialiste) d'avant l'alternance dans la foulée de la dynamique qui accoucha de la stratégie nationale FAR, ne s'est jamais réunie à ce jour...

Le Bureau de la formation professionnelle agricole travaille à mettre sur pied un embryon réellement
opérationnel de ce futur comité national de pilotage, qui apporterait une légitimité transversale dont

24 Loi n° 96-06 du 22 mars 1996, portant Code des Collectivités locales, et Loi 96-07 du 22/03/1996, portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales.

ne peut se prévaloir aujourd'hui le bureau. En attendant que cette instance nationale soit en place25, ce qui devrait être le cas avant la fin de l'année 2007, l'action du BFPA s'inscrit dans le cadre des orientations définies par les documents suivants :

· La Lettre de Politique de Développement Institutionnel pour le secteur Agricole

qui acte le recentrage des services de l'Etat sur des missions de définition et d'orientation des différentes composantes de politique agricole ; elle reconnaît que les Organisations de Producteurs sont devenues des interlocuteurs crédibles et que le processus de décentralisation en cours habilite progressivement les collectivités locales dans la prise en charge de la gestion de leurs ressources et leur développement économique et social.

· La Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale (SNFAR, 1999)

Les quatre orientations, et les stratégies qui les sous-tendent, figurent en annexe sous forme graphique. En insistant par ailleurs sur l'indispensable alphabétisation de tous les ruraux, la SNFAR recommande de mettre en place, sous forme participative, la régulation du sous-secteur pour améliorer la qualité globale des prestations offertes, et réduire le décalage important constaté entre l'offre et la demande de F.A.R.

· La Loi d'Orientation Agro Sylvo Pastorale (LOASP, promulguée le 4 juin 2004) qui, dans son Titre IV « Mesures d'accompagnement » consacre plusieurs articles aux questions d'information agricole, d'éducation et de formation aux métiers agricoles et ruraux. L'Etat s'y engage notamment à mettre en oeuvre une stratégie nationale de formation agro-sylvo-pastorale. Cette loi, née par la volonté du Chef de l'Etat et à l'issue d'une très large consultation, est assez consensuelle ; cependant, tous les acteurs qui ont participé au processus regrettent la lenteur extrême de sa mise en oeuvre : le premier décret d'application, portant création d'un conseil supérieur d'orientation agro-sylvo-pastoral, n'est pas encore paru26.

I-4.4. LES INSTRUMENTS EN PLACE QUI FAVORISENT L'IMPLICATION DU BFPA

Assez curieusement, le service formation du ministère de l'agriculture, créé en mai 2003, a dû attendre l'année 2007 pour émarger au budget national. S'il a pu néanmoins se faire reconnaître comme acteur institutionnel crédible, à travers les restitutions des études qu'il a commandité et/ou auxquelles il a directement participé, puis des travaux qu'il a conduit en associant les acteurs de plusieurs régions tests, c'est grâce à la mise en place concomitante de plusieurs « instruments » par la volonté de trois bailleurs de fonds.

· La coopération française

Dès 2001, un accord tacite est établi entre celle-ci et l'équipe de la Banque Mondiale qui supervise l'exécution du programme des Services Agricoles et d'Appui aux organisations de Producteurs (PSAOP), pour soutenir les efforts de la coopération suisse qui tente d'aider le dispositif de formation agricole et rurale à s'adapter aux nouveaux modes d'intervention de l'Etat, et à la redistribution des cartes entre les différentes catégories d'acteurs du monde rural.

Un projet de coopération voit le jour en 2003, et la création d'un bureau des formations rurales au sein du ministère de l'agriculture et de l'élevage figure au nombre des conditionnalités imposées par le bailleur de fonds ; le projet de Promotion d'une Agriculture Compétitive et Durable se propose, entre autres, d'accompagner le Bureau de la Formation professionnelle Agricole, qui est chargé de mettre en oeuvre la stratégie nationale de formation agricole et rurale.

25 Dont le BFPA pourrait assurer le secrétariat exécutif

26 alors que les premières moutures du décret ont fait l'objet de réunions de travail au cours du second semestre 2005.

Actuellement, ce Bureau est chargé de coordonner l'une des deux composantes du projet, qui a trait au renforcement de capacités des acteurs du monde rural ; cette composante prévoit un concours financier sous forme de subvention d'un peu plus de 800 000 euros hors assistance technique. (notre lettre de mission, qui nous a permis de travailler sur ces questions au Sénégal, est attachée à ce projet).

L'appui au fonctionnement du Bureau par lui-même ne représente que 10% de l'enveloppe de la composante, qui est consacrée pour l'essentiel à l'appui à la mise en place de cadres régionaux et national de pilotage, et de réseaux de formateurs, à l'appui aux projets d'établissement des centres de formation, à la formation des formateurs ainsi que, notamment, la formation des responsables des OPA.

Cet appui, qui peut paraître modeste27, a été décisif pour le démarrage du service qui, rappelons le, bénéficie pour la première fois en 2007 d'une dotation de fonctionnement de l'Etat sénégalais (de l'ordre de 10 millions de FCFA, soit environ 15 000 euros). Même si le projet n'est réellement opérationnel que depuis 2006, en raison d'un processus de réformes au sein du dispositif français de coopération, il a constitué une sorte de « caution » aux yeux des autres partenaires, qui ont accepté de financer depuis fin 2003 les chantiers que souhaitaient ouvrir le jeune Bureau de la formation professionnelle agricole.


· La coopération suisse, à travers le Bureau d'Appui à la Coopération Sénégalo-Suisse

Les principales écoles d'enseignement technique agricole (agriculture et génie rural, élevage, eaux et forêts), qui ont fourni depuis l'indépendance des cohortes d'agents techniques aux services de l'Etat, ont été d'abord soutenu par la coopération française, jusqu'à son retrait au milieu des années 1970 ; la coopération suisse l'a aussitôt comblé par des enseignants expatriés, et a assuré les budgets de fonctionnement et d'investissement de ce dispositif pendant les vingt années suivantes.

Alors que le secteur du développement rural connaissait de profondes mutations, imposées par le train des réformes institutionnelles occasionnées par l'ajustement structurel, la coopération suisse a fait le constat que ces écoles (du dispositif public) restaient à l'écart de ces nouvelles dynamiques, s'éloignant dangereusement de la demande de formation qui étaient censée justifier leur existence. Le bailleur de fonds pris alors la décision de « fermer les robinets » provisoirement, le temps que les acteurs concernés se livrent à une réflexion approfondie ; celle-ci aboutira plus d'un an après, en juin 1999, à l'atelier national qui validera la stratégie nationale de formation agricole et rurale (SNFAR).

La coopération suisse impulsera plusieurs initiatives en régions, pour tester concrètement la faisabilité des recommandations de la SNFAR ; des échanges réguliers avec la coopération française, très intéressée par les changements de paradigmes qu'instituait la stratégie nationale28, permettront à ces deux coopérations bilatérales de s'accorder sur la nécessité de peser en faveur de la création d'un service formation, comme nouvel acteur institutionnel capable de porter la mise en oeuvre de cette stratégie nationale.

Quelques mois après la création du BFPA, et alors que le projet PACD enregistre un retard important au démarrage, remettant en cause la première étude que le bureau formation souhaitait réaliser, le bureau d'appui à la coopération sénégalo-suisse assumera seul le coût financier de ce diagnostic qui sera conduit en Casamance et dans le delta du fleuve Sénégal (durant près de six semaines au total). La coopération suisse appuie toujours le BFPA, dans le cadre de son Programme d'appui au renforcement des capacités des acteurs du monde rural (2005-2009), en complémentarité avec le projet PACD.

27 mais auquel s'ajoute la prise en charge de deux assistants techniques français, dont nous-même depuis septembre 2003.

28 que la coopération suisse avait largement contribué à faire aboutir


· La Banque Mondiale (PSAOP1, PSAOP2, WBI)

En demandant qu'un responsable - formation soit clairement désigné au sein du ministère de l'agriculture, pour améliorer la cohérence de la sous composante « renforcement des capacités » du ministère, la Banque mondiale allait dès 2001 permettre à un cadre supérieur de s'approprier cette fonction, avant de participer à la création du Bureau Formation Professionnelle Agricole et d'en prendre la responsabilité. Par sa rigueur et la qualité de son travail, ce cadre allait inciter les autorités sénégalaises et la Banque à financer, dans le cadre de la première phase du programme des services agricoles et d'appui aux organisations de producteurs, plusieurs actions souhaitées par le BFPA, dont l'étude de Pierre DEBOUVRY déjà évoquée.

Par la suite, l'Institut de formation de la Banque (World Bank Institute) participera au montage technique et financier de plusieurs actions de formation de formateurs, dans le prolongement du diagnostic de l'offre et de la demande de formation agricole et rurale réalisé en 2004 par le BFPA.

Enfin, la collaboration avec la banque se poursuivra au cours de l'année 2006 lors de l'instruction de la seconde phase du PSAOP, puisque le BFPA fera valoir avec succès la nécessité d'une régulation et d'un pilotage partagé de la F.A.R. au plan régional : il sera chargé d'aider à la mise en place de cadres de pilotage et de centres de ressources dans quatre régions administratives.

PROBLEMATIQUE

L

a commande passée par le Bureau de la formation professionnelle agricole porte sur « l'appui à la mise en place d'un cadre de pilotage régional de la formation agricole et rurale dans la Vallée du fleuve Fruit de la Sénégal ».réflexion conduite en 1998 et 1999, le Bureau de la formation professionnelle agricole

n'est pourtant qu'un instrument au service de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de FAR ; un instrument important toutefois, susceptible d'animer le secrétariat permanent du futur comité national de planification stratégique qui devrait être fonctionnel dans les prochains mois pour assumer la fonction de cadre de pilotage national de la FAR.

Pourquoi la nécessité d'un pilotage ? qu'est-ce qui pose problème ?

Nous avons eu à montrer, dans la première partie de notre travail, les mutations qu'a subi le secteur agricole et ses acteurs, ces mutations ayant été provoquées par le désengagement de l'Etat du secteur productif à la suite des plans successifs d'ajustement structurel.

Habitués d'une agriculture très administrée, objet d'une véritable planification par un Etat central qui les encadrait, les producteurs sénégalais ont dû s'adapter rapidement, par la force des choses, à un environnement beaucoup plus incertain : les prix ne sont plus garantis systématiquement, l'écoulement des récoltes n'est plus acquis, de même que la possibilité d'accéder, en temps utile, aux facteurs de production et éventuellement au crédit de campagne pour les acheter.

L'évolution du « métier » est considérable : de producteur « simple », les agriculteurs sont devenus par force de véritables chefs d'exploitation, des chefs d'entreprise qui doivent désormais se préoccuper de savoir dans quelles conditions et à qui ils vont pouvoir vendre leur production, en cherchant à maîtriser leurs prix de revient pour affronter la concurrence des importations (riz par exemple).

Ces bouleversements, les acteurs « institutionnels » de la formation agricole et rurale ne les ont découvert que tardivement ; la part du budget de l'Etat dans le fonctionnement des écoles à vocation diplômante de l'enseignement technique a longtemps été insignifiante, tant que la coopération française, puis suisse y était massivement présente, c'est à dire jusqu'à la fin des années 1990.

Si les débouchés automatiques dans la fonction publique se sont taris au début de cette même décennie, le dispositif a continué à s'auto-entretenir.

En matière de formation professionnelle continue, les centres de formation publics et privés ont souffert des mêmes travers : aux périodes d'euphorie, durant lesquelles les bailleur de fonds qui les avait construit et équipés les dotaient en budgets de fonctionnement, ont succédé invariablement des périodes de léthargie, semblables au phénomène « d'hibernation », parfois suivie de disparition pure et simple : soit que le « mécène » souhaite passer à autre chose (souvent déçu par la visibilité des résultats atteints), soit qu'une obligation de réduction des dépenses, suite à la baisse des budgets consacrés à l'aide au développement, ne vienne réduire les ambitions.

Le décalage déjà important entre, d'une part, l'offre de FAR qui visait uniquement à former les paysans en techniques de production, et d'autre part les besoins du secteur en termes de compétences nouvelles29 n'a fait que s'accentuer, provoquant une prise de conscience chez quelques cadres, mais surtout parmi les élus représentant la profession agricole, qui s'est assez tôt détournée de cette offre de service que nous avons qualifiée d'institutionnelle.

La FAR, mais aussi le conseil agricole et rural, tout comme les besoins d'animation en milieu rural, ont fait ainsi l'objet d'importants besoins de la part des populations rurales, entraînant une explosion de prestataires privés de service : consultants, bureaux d'études, ONG.

29 Accès et connaissances des marchés, mécanismes de fixation des prix, défense des intérêts de la profession, sécurisation des approvisionnements en intrants, etc.

Très rapidement, l'offre pléthorique a montré ses limites : sans garantie d'aucune sorte, sans normes à minima, sans déontologie, le secteur pourtant concurrentiel de la FAR n'a pas permis au marché d'imposer ses règles, du fait de plusieurs caractéristiques :

· Absence de transparence, y compris sur des marchés publics ;

· Information très imparfaite des demandeurs (des clients) sur les caractéristiques de l'offre potentielle de services ;

· Des demandeurs « in fine » souvent peu solvables et offrant peu de garanties, obligeant à
recourir à un tiers d'un genre très particulier : l'organisme-financeur « à fonds perdus ».

C'est dans cette particularité du mode de financement que se trouve à notre sens la spécificité la plus marquée du « marché » de la FAR : sauf exception, l'achat de formation ne repose que sur des subventions, pas sur des cotisations ; le prix n'est pas fixé naturellement par équilibre entre l'offre et la demande.

Dès lors, il n'existe que très peu de lien entre la qualité des prestations et leur coût, de même qu'il n'existe pas de lien direct entre leur coût et la capacité contributive des demandeurs.

Même si l'on ne peut nier l'existence de financements d'origine privée dans les actions de formation mises en oeuvre, force est toutefois de reconnaître la prépondérance des fonds publics consacrés au sous secteur, qu'ils proviennent directement ou indirectement des caisses de l'Etat, via les projets et l'aide publique au développement.

Dans ces conditions, la qualité des prestations devient un domaine d'intérêt général, puisqu'il s'agit de deniers publics : ainsi se pose la question de la régulation de l'offre de services dans le sous secteur de la formation agricole et rurale.

Cette question fera d'ailleurs en 1999 l'objet d'une des quatre orientations de la stratégie nationale de formation agricole et rurale, à savoir : «Réguler l'ensemble des institutions publiques et privées de formation agricole et rurale ».

Dès l'année 2000 et à titre expérimental, le Réseau Formation Fleuve (RESOF) a été mis en place dans la vallée, avec le soutien très fort du bureau d'appui à la coopération sénégalo-suisse, pour constituer un instrument important de cette régulation ; en parallèle, un comité national de planification stratégique de la FAR était créé pour piloter ce sous-secteur.

Nous avons eu l'occasion dans les pages précédentes de révéler que ce comité national n'a jamais été opérationnel, et de montrer que l'impact du RESOF en terme de régulation de l'offre de formation, livré à lui-même et à son unique bailleur de fonds, est malaisé à définir.

Du reste, dès 2004 les acteurs de la FAR dans la Vallée du fleuve Sénégal s'étaient exprimés pour dénoncer le handicap que constituait à leurs yeux l'absence de cadre de pilotage : sans pilotage, sans orientations précises, sur quelles bases _ et avec quelle légitimité_ conduire la régulation de l'offre de services ?

Car il s'agit bien de cela : fixer le cap, et des objectifs en matière de qualité des prestations, mais pas seulement : équité dans l'accès au service, transparence, efficacité et efficience des fonds publics alloués, priorisation par le biais de politique d'aménagement du territoire, d'un ré équilibrage dans les questions de genre, de politique nationale et régionale interventionniste en faveur de l'insertion socioprofessionnelle des jeunes, etc.

C'est bien pour toutes ces raisons qu'en décembre 2004, au cours d'un atelier organisé par le RESOF à Saint-Louis et auquel avait été convié le BFPA, de nombreuses voix s'étaient élevées afin que soit mis en place un cadre de pilotage à l'échelle de la région ; cet atelier avait été l'occasion de tenter de répondre aux questions sous jacentes : piloter quoi ? avec qui ? pour faire quoi ? afin d'améliorer quoi ?

Si la qualité de la formation avait bien sûr alors été abordée, ce sont plutôt les questions de
financement de la FAR qui avaient été mises en avant, dans un contexte de décentralisation des

responsabilités au profit des collectivités locales, et de déconcentration des services techniques de l'Etat. La mutualisation des ressources, financières et humaines, par exemple sous la forme de fonds de formation, implique évidemment d'en partager la gestion : par extension, c'est donc vers un pilotage partagé que semblaient vouloir se diriger les acteurs de la région.

Nous verrons à la suite comment se positionnent les différentes catégories d'acteurs concernés dans la région de Saint-Louis, notamment les organisations professionnelles agricoles et les collectivités territoriales, et comment leurs positions ont pu évoluer depuis 2004, ou même depuis 2000, année de la création du RESOF.

Pour le bureau de la formation professionnelle agricole, il s'agit de tester la faisabilité, l'opérationnalité et l'efficacité du couple cadre de pilotage + instrument de régulation, dans le cadre d'une région administrative et dans l'esprit des lois de décentralisation de 1996.

A partir de la « porte d'entrée » que représente le RESOF, et en capitalisant ce qui a déjà été esquissé et tenté, il s'agit de tirer les leçons de cette expérience et de voir dans quelle mesure, et moyennant quelles précautions et aménagements, elle est reproductible dans d'autres contextes puisque le but est bien évidemment de mettre en place, au côté et au même niveau que le pilotage national, des instances régionales de pilotage de la formation agricole et rurale.

Notre travail consistera à identifier et analyser les pratiques réellement mises en oeuvre sur le terrain, et à mettre en relief l'évolution de ces pratiques, puis nous formulerons, en toute modestie, des recommandations afin de conforter les dynamiques en oeuvre et de se rapprocher des résultats attendus.

Quels sont ces résultats attendus ?

Ils se situent à deux niveaux, pour lesquels la recherche d'une relation « gagnant-gagnant » entre acteurs et catégories d'acteurs est un impératif absolu :

· D'abord au niveau des conditions à réunir, pour que tous les acteurs importants acceptent de
s'engager, de tenir leur place et de partager réellement le pilotage souhaité du sous secteur ;

· Ensuite au niveau de la visibilité , locale et régionale, de l'impact de cette nouvelle mission de pilotage, et bien entendu, de la légitimité dont pourront se prévaloir ses acteurs.

Avant d'y parvenir, nous aborderons successivement sur un plan théorique plusieurs concepts, que nous expliciterons au moyen d'une revue de la littérature existante :

· Les notions de pilotage et de régulation, de régulation participative, appliquées à la Formation Agricole et Rurale (FAR)

· Le concept de concertation

· La qualité en formation, ce qui nous conduira dans un premier temps à montrer, dans le contexte de notre travail, le décalage des normes utilisées habituellement dans l'économie dite « formelle », puis dans un second temps à nous intéresser aux relations qui régissent l'offre et la demande de formation dans le secteur du développement rural, au Sénégal.

Nous renvoyons le lecteur à notre premier Mémoire, consacré au RESOF et déjà cité, pour l'exploration d'autres concepts tels que l'organisation d'acteurs en réseaux ou encore le développement local.

Les quatre orientations de la stratégie nationale de formation agricole et rurale

II - DEUXIEME PARTIE - LES CONCEPTS MOBILISES

II-1. EXPLICITATION DES CONCEPTS MOBILISES

II-1.1. REGULATION

Ce concept a été largement exploré, et ses fondements théoriques justifieraient à eux seuls d'y consacrer un Mémoire de recherche spécifique. Pour donner une idée de sa complexité, nous nous bornerons simplement à évoquer, dans le champ de l'économie, l'Ecole française de l'Approche par la Théorie de la Régulation (ATR), née au moment de la crise économique du milieu des années 70, ce qui ne signifie nullement, bien évidemment, qu'elle soit à l'origine du terme Régulation, bien plus ancien.

Nous renverrons pour cela le lecteur à la conférence de Mr Benjamin CORIAT30, à Nagoya - Japon 1986, auteur de « La théorie de la régulation . Origines , spécificités et perspectives ». Les références y sont nombreuses, des approches néo-classiques (le paradigme de base est celui du marché autorégulateur et de l'équilibre) aux positions keynésiennes et marxistes.

Instruit de la complexité des notions, champs d'application et théories que ce terme, simple d'apparence, recouvre, nous commencerons prudemment par rechercher un panel de définitions couramment proposées, couvrant pour l'essentiel des champs d'application susceptibles de nous intéresser, au moins par similarité.

Quelques définitions :

· Branche de l'automatisme, dont le but est d'étudier et de concevoir des systèmes qui font en sorte qu'une valeur (de sortie) soit égal à la valeur consigne (entrée). (Source : encyclopédie Wikipédia/Snyke -
http://encyclopedie-fr.snyke.com/articles/regulation.html - recherche du 30/09/2006).

· Dans le secteur des télécommunications, la régulation peut se définir comme l'application par l'autorité compétente, dite de régulation, de l'ensemble des dispositions juridiques, économiques et techniques en vue de permettre aux activités de télécommunications de s'exercer dans des conditions optimales, conformément aux lois et règlements en vigueur.31

· Toute action qui concourt à faire mieux fonctionner le système de soins, en permettant d'assurer l'accès de tous à des soins de qualité au meilleur coût. Cela dans le cadre d'un budget donné. Par exemple :

- diffusion des bonnes pratiques médicales ;

- signature d'accords de bon usage des soins ;

- campagnes de prévention ;

- formation des médecins, par exemple sur la prescription des médicaments génériques ou sur le bon usage des antibiotiques ;

- contrôle des pratiques et des prescriptions

(Source : Site de l'Assurance-Maladie en Ligne)32

30 http://multitudes.samizdat.net/La-theorie-de-la-regulation.html

31 (Source : Loi (2000) de la République d'Haïti, portant réforme institutionnelle du secteur des télécommunications chapitre 1 - Définitions générales.) - http://www.rddh.org/documents/loi1.doc (recherche du 23/09/2006).

32 ) http://www.ameli.fr/213/DOC/1247/article.html - (recherche du 23/09/2006).

En référence aux nombreuses analogies entre le corps humain et la machine, tous deux ayant progressivement glissé vers la dénomination de systèmes, nous mentionnerons également ici un dossier proposé par le Centre National de Documentation Pédagogique, consacré à « L'être vivant conçu comme une machine. »33

Nous y apprenons que dès 1865, Claude Bernard se distingue en traitant l'organisme humain comme une machine, dont la spécialisation des composants et la complexité de l'ensemble nécessitent une coordination.

C. Bernard invente le concept de milieu intérieur qui permet de rendre compte du transport des substances, et assure une certaine constance des conditions de vie des cellules. Il découvre un mécanisme de régulation et de contrôle de cette constance, appelé d'abord sécrétion interne.

L'existence d'un milieu intérieur dont la constance est obtenue par compensation des écarts ou des perturbations constitue, pour les organismes régulés, une assurance d'indépendance relative face aux variations survenant dans les conditions externes : L'être vivant est un système informé et régulé.

Nous en arrivons ainsi à l'origine de la définition que nous livre le Petit Robert :

· Opération qui consiste à maintenir une grandeur entre des limites fixées.

· Les fonctions de régulation assurent la constance des caractères du milieu intérieur d'un animal, en dépit des variations du milieu extérieur.

On le voit, la régulation ne se définit pas par elle-même, mais par rapport à un secteur d'activité, ou un système. Dès lors, cette régulation ne saurait être mise en oeuvre de façon isolée, par un individu, mais relève plutôt de la responsabilité d'un système également, mais quel système ?

On imagine mal une instance de régulation qui, livrée à elle-même, définirait sa propre feuille de route, son champ d'intervention, déciderait des moyens à mobiliser et des résultats à atteindre.

Cette fonction de régulation, composée de rétroactions critiques et de procédures correctives, a besoin qu'on donne du sens à son action ; en d'autres termes, elle a besoin de connaître le cap à suivre : sans cap clairement fixé, comment procéder aux ajustements nécessaires pour atteindre un objectif ?

La fixation de ce cap à suivre, ou plus précisément la définition des orientations, relève de ce que l'on a coutume d'appeler le pilotage.

Cette expression relativement galvaudée s'apparenterait presque aujourd'hui à un truisme, et il n'est pas certain que cette évocation fort répandue soit toujours précédée d'une réflexion sur le sens qu'il convient de lui donner, sur la délimitation des responsabilités qu'elle recouvre.

Pour augmenter à la confusion, on rappellera que les termes de pilotage et de régulation sont souvent accolés dans la même phrase.

Dans ces conditions, il paraît souhaitable de proposer une distinction aussi claire que possible entre ces deux expressions, afin de prévenir d'éventuelles confusions dans les rôles respectifs des acteurs.

Si l'on s'intéresse aux définitions existantes, force est de reconnaître qu'elles ne nous sont que de peu d'utilité dans cet essai de distinction.

33 : http://www.cndp.fr/magsvt/genes/aprat gene.htm

II-1.2. PILOTAGE

Quelques définitions du terme Pilotage

· Etre aux commandes ; diriger (Petit Robert)

· Action de guider, programmer et gérer.

(Source Agence de Médecine Préventive d'Abidjan : extrait du glossaire du cours "Formation des Personnels", partie intégrante du Programme EPIVAC aboutissant au Diplôme Inter- Universitaire de 3ème cycle "Organisation et management des systèmes publics de prévention vaccinale dans les pays en développement", délivré par les Universités de Paris-Dauphine (France) et Cocody-Abidjan. ( http://www.transfer32.bj.refer.org/dleab/index.html)

· Le pilotage est défini comme " l'action de diriger, conduire, donner des orientations, surveiller, contrôler et ajuster le déroulement d'un processus".

(Source : Guy Herniaux, 1993, cité par Melchior Salgado de l'Université Claude Bernard Lyon I, et Stéphan Bourcieu, de l'Université Lumière Lyon 2 )34

· L'entreprise assurant le pilotage est la seule responsable devant le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage, tant en ce qui concerne la qualité des prestations, que le respect du calendrier d'exécution.

(Source : Centre de Ressources et d'Informations Techniques35, service créé par l'École d'Architecture de Nancy en partenariat avec l'École d'Architecture de Strasbourg).

A dire vrai, les choses sont moins tranchées qu'on pouvait l'espérer de prime abord : il s'agit presque des deux faces d'une même médaille, dans la mesure où l'on peut se rallier à l'énoncé suivant, formulé par le recteur Alain Bouvier à l'occasion d'une conférence36 à l'académie de Clermont-Ferrand le 21 mai 2003 :

« Le pilotage exprime la volonté d'un système de vouloir réguler son action ; parler pilotage, c'est donc vouloir réguler son action, c'est à dire procéder à des réajustements dans les processus en cours pour, in fine, améliorer la qualité et/ou l'efficience des résultats. »

La complexité est croissante dès lors qu'on entre dans le vif du sujet :

· de quel système parlons-nous : une entité au degré d'organisation peu sophistiqué ? un système concret de formation ? le dispositif national de FAR au Sénégal ? ...

· le pilotage ne se réalise pas seul, mais par un système d'acteurs ; on peut donc parler de système de pilotage, qui doit avoir autant de complexité que le système qu'il pilote, s'il se veut performant.

Ainsi, exercer une responsabilité de pilotage consiste à vouloir influer sur ce qui se passe à la sortie du système (outputs) dont on a la responsabilité. Cependant, cette influence serait illusoire si l'on n'a pas les moyens d'agir aussi sur les entrées, et sur le fonctionnement de tout le système. Or, c'est ce qu'on appelle faire de la régulation !

Le recteur A. Bouvier ajoute encore à la difficulté lorsqu'il propose une typologie des différents modes de pilotage :

Pilotage par les objectifs, les effets et les résultats ;

Pilotage par les procédures et les process ;

34 http://www.eurotechnopolis.org/docs/Manag cooperations Salgado Bourcieu.pdf

35 http://www.crit.archi.fr/Web%20Folder/bois/Bois/9.Glossaire/p.html

36 http://www3.ac-clermont.fr/cadres2/conferences/confbouvier210503cr.htm

Pilotage par des normes ;

Pilotage par des données ponctuelles (et isolées : études, etc.)

Qu'est ce qu'un pilotage par les procédures et les process, sinon, selon notre compréhension, le pouvoir de décision relatif à la mise en oeuvre d'un ensemble de procédures correctives en amont de la transformation du produit dont on souhaite réajuster les caractéristiques ?

Comment s'y retrouver lorsqu'il s'agira d'appliquer ces deux concepts de régulation et de pilotage à la stratégie nationale de formation agricole et rurale, qui n'est pas à proprement parler un système, même s'il est déjà question de mettre en place un Système national de Formation Agricole et Rurale ?

En guise de synthèse de ce qui précède, nous nous risquerons à formuler un ensemble de considérations, comme suit :

· Pilotage et régulation traduisent des fonctions opérationnelles différentes, mais intimement liées.

· En amont, Piloter consiste à définir le cap à suivre, les orientations, et à programmer les actions qui concourent à tendre vers les objectifs définis.

· En aval, Piloter consiste à s'assurer de la qualité des produits, en se référant aux objectifs fixés.

· Les fonctions de surveillance et de contrôle assumées par l'instance de pilotage seront sans effets sur l'atteinte des résultats attendus, si celle-ci ne dispose pas du pouvoir (et des moyens correspondants) nécessaire pour ajuster le déroulement des processus.

· La Régulation consiste à opérer ces ajustements, en agissant sur les intrants du système
ET sur l'amélioration des processus de transformation donnant naissance aux extrants.

Dans ces conditions, on mesure mieux l'importance des risques de dévoiement et de blocage engendrés par une instance de régulation qui serait souveraine et indépendante de l'instance de pilotage. Le cap suivi n'aurait pas probablement rien d'une ligne droite, et on pourrait craindre que les résultats escomptés initialement ne se fassent attendre.

De même, une instance de pilotage, nationale ou régionale, qui se limiterait à définir des orientations sans disposer du pouvoir d'influer sur leur mise en oeuvre, revêtirait une efficacité douteuse.

En définitive, il revient donc à l'instance de pilotage de définir non seulement les orientations d'un système considéré, mais également de piloter les mécanismes de régulation qui lui permettront de maintenir le cap lors des ajustements successifs tendant à faire coïncider la valeur de sortie et la valeur consigne.

Enfin, dans un soucis de re-contextualisation, nous ne résisterons pas au plaisir de citer les objectifs qu'assignent à cette régulation les chercheurs Sénégalais qui sont à l'origine de la définition de la stratégie nationale de formation agricole et rurale (SNFAR), et qui sont aujourd'hui en position de l'appuyer.

Se basant sur le fait que l'Etat du Sénégal a reconnu depuis des années qu'il ne peut pas être le seul opérateur de la formation, mais qu'il doit rester un Etat stratège et co-régulateur, Adama FAYE et Alain MBAYE37 estiment que « l'Etat doit organiser un système ouvert où les opérateurs associatifs (ONG, OP) et privés, les collectivités locales et les bénéficiaires participent,

37 (Source : intervention de A dama Faye et Alain Mbaye aux 9èmes Journées d'études Ingénierie des dispositifs de formation à l'international - 8/9 décembre 2005 Montpellier/ Agropolis International : « Politique Agricole et enjeux de la Formation Agricole et Rurale au Sénégal : la question de la régulation » http://www.agropolis.fr/formation/pdf/9Idf/FayeMbaye.pdf

avec les services publics, au pilotage, au financement et à la gestion de la formation professionnelle pour le développement rural. »

Cet objectif recouvre plusieurs aspects, principalement : «
· assurer l'adéquation entre l'offre et la demande ;

· garantir la qualité de l'offre en certifiant les compétences et les services fournis par les différents opérateurs ;

· développer une capacité de veille sur le système de formation en créant des synergies entre les institutions publiques, associatives et privées, la recherche, les organisations de conseil agricole et rural ;

· faire participer les collectivités territoriales et les utilisateurs au pilotage du système et à sa durabilité sur le plan financier. »

II.1.3- REGULATION PARTICIPATIVE

Une recherche rapide sur le net (Google ) a donné le résultat suivant, appliquée au changement :

«Models of change are those that recommend change managers to consult widely and deeply with those affected and to secure their willing consent to the changes proposed.» 38

Nous traduirons celle-ci par :

« Les modèles de changement participatifs sont ceux qui recommandent aux responsables en charge d'un changement à conduire de procéder à une consultation large et approfondie de tous ceux qui en seront affectés, pour mieux s'assurer de leur consentement durant la phase de mise en oeuvre de ce changement. »

Bien que se référant à un objet particulier, cette définition semble très « orientée » : l'approche participative n'est envisagée que comme un moyen nécessaire pour s'assurer du consentement ultérieur d'une population qui sera affectée par les changements...imaginés et décidés par d'autres.

Il nous semble que nous sommes dans ce cas plus proche d'une manipulation collective, que de l'acception courante : « participer ensemble à... », où encore « impliquer tous les acteurs concernés, pour construire collectivement quelque chose ».

Par analogie, nous commenterons les interventions de Joël de Rosnay, lors d'un débat sur Lemonde.fr en janvier 2006, intitulé « Internet, dix ans de révolution »39.

A la question de savoir si, grâce aux NTIC, les citoyens pourront à l'avenir intervenir de plus en plus dans la gestion de leur ville et de leur pays, Joël de Rosnay avait répondu que « la technologie ne résout pas les problèmes d'ordre sociétal, mais que par contre, leur ré- appropriation sociétale par les citoyens, en fonction de leurs besoins et de leurs souhaits, peut contribuer à trouver des voies. »

Un peu plus loin, précisant que les internautes ne font plus confiance à l'information ou aux réglementations descendantes (top-down), celui-ci en vient à évoquer une nouvelle forme de

38 www.prenhall.com/wps/media/objects/213/218150/glossary.html - recherche du 28/10/06.

39 Auteur de « La révolte du pronétariat » (Fayard, 2006) - débat Lemonde.fr du 27/01/2006 : http://veillepedagogique.blog.lemonde.fr/veillepedagogique/files/pronetariat.doc

démocratie participative, et même une co-régulation citoyenne, qui nous rapproche singulièrement du concept de régulation participative, sans que ce terme ne soit formellement utilisé.

Bien que le sujet du débat auquel nous nous référons soit pour le moins éloigné de notre objet d'étude, nous ne pouvons nous empêcher d'y voir d'étranges similitudes. En effet, à la suite de l'ajustement structurel et de la dévaluation du début des années 90, qui ont contribué à l'affaiblissement des services publics et de l'intervention étatique, une multitude d'opérateurs privés et associatifs ont investi le secteur de la formation, sous les yeux d'un Etat affaibli et non préparé à assumer ses fonctions régaliennes de contrôle, dans un paysage recomposé.

C'est dans ce contexte qu'est apparue la nécessité d'imaginer de nouveaux modes de régulation, visant à garantir la qualité des prestations offertes, plus participatifs et qui tiennent compte non seulement de la place prise par les différentes catégories d'acteurs issus de la société civile, mais aussi de leurs compétences.

En réponse aux carences relevées au niveau des services étatiques, et à la méfiance généralisée qu'elles induisaient, cette nécessité se fondait plus précisément sur le double intérêt d'un filtrage collaboratif, gage d'une plus grande transparence des pratiques individuelles, et d'un processus collectif de vérification de la qualité à chaque niveau d'intervention.

Nous citerons une dernière fois J. de Rosnay, qui propose l'image suivante :

« c'est un peu comme dans l'industrie automobile où, sur la chaîne de montage, la voiture totalement assemblée n'est pas testée seulement à la fin pour sa qualité, mais à chaque vis ou à chaque poignée introduite au cours de l'assemblage ».

Ce parallèle nous permet de souligner que, dans un marché au fonctionnement imparfait (dû à l'information elle-même très imparfaite des acteurs), régulation participative ne signifie pas que chacun va intervenir comme il l'entend, en s'affranchissant de toute contrainte (à quoi ressemblerait alors le produit final ?), mais plutôt que doivent être créées les conditions d'une régulation coordonnée par l'Etat, à laquelle collaborent tous les acteurs impliqués.

Nous terminerons ce rapide tour d'horizon en nous intéressant au caractère supposé novateur que les agents de développement et les décideurs accolent généralement au paradigme du développement participatif.

Pour Jean Pierre Chauveau40, l'histoire institutionnelle du développement semble pouvoir être caractérisée par deux sortes de légitimité s'appuyant sur des systèmes disposant de leurs propres systèmes de valeur :

Un système de type bureaucratique, « spécialisé dans la conception et l'administration du changement provoqué, tout en incitant les groupes sociaux bénéficiaires des interventions à s'organiser eux-mêmes (coopératives, etc).

Un système plus populiste, né de l'évidence de l'échec répété des interventions top-down non négociées, qui consiste pour les développeurs à s'appuyer sur les ressources de la base, pour des raisons d'efficacité et de légitimité.

Pour JP Chauveau, cette culture populiste du développement sera à l'origine « d'une représentation stéréotypée du milieu rural africain, invariablement communautaire, solidaire et égalitariste. »

40 Jean-Pierre Chauveau, « Le « modèle participatif » de développement rural est-il alternatif ? », in le bulletin de
l'APAD n°3. Mis en ligne le 4/07/06, consulté le 2/10/06 http://apad.revues.org/document380.html

Réfutant les idées couramment admises qui voudraient faire du développement participatif une conception alternative et récente du développement rural, JP Chauveau propose, pour dater la diffusion du modèle participatif de développement rural dans les administrations coloniales française et britannique, la période post conquête militaire, durant laquelle les tentatives d'implanter des entreprises coloniales se révélèrent des échecs patents, et lorsque l'expérience d'une économie administrée (durant la première guerre mondiale) par les puissances occupantes se révéla utopiste.

Il en veut pour preuve l'influence qu'exerça « l'Indirect Rule » britannique sur notre administration coloniale d'après guerre, qui évoluera ainsi sensiblement du Pacte colonial, fondé sur une exploitation autoritaire des ressources « minières » à l'association des paysans. Le ministre Sarraut prônera ainsi une politique de mise en valeur axée sur la croissance économique mais aussi sur le développement humain.

II. 1.4- CONCERTATION

Quelques définitions trouvées sur la Toile :

· Actions visant à harmoniser les interventions de plusieurs intervenants en intégrant celles-ci dans une stratégie globale pour la réalisation d'objectifs communs, par exemple, le développement économique et social d'une communauté.
www.habitation.gouv.qc.ca/bibliotheque/references/lexique.html

· La concertation est une politique de consultation des personnes concernées par une décision avant que celle-ci ne soit prise. La concertation consiste à confronter les propositions du maître d'ouvrage à la critique des acteurs intéressés (riverains, habitants, associations...). www.planetecologie.org/JOBOURG/Francais/dictionnaire.html

Pour finir, le Nouveau Petit Larousse (édition de 1970) propose une définition courte, mais qui nous convient bien :

Se concerter : se mettre d'accord pour agir ensemble.

Ce que confirme le Littré édition 2007, pour qui c'est « l'action de s'enquérir du point de vue des autres en vue d'agir en bonne entente ».

Ces deux dernières nous précisent les deux sens que peut revêtir toute concertation :

· La consultation d'une population donnée, susceptible d'être affectée par une décision imminente, d'origine « exogène ».

· La construction collective d'un processus qui sera in fine couronné par une action déjà entérinée par les personnes concernées.

Bien rares sont de nos jours les nouvelles dynamiques organisationnelles, ou les nouvelles politiques qui ne revendiquent pas une « large » concertation ; celle-ci est devenue un grand « classique », un incontournable même quand ceux qui en font la promotion n'y croient parfois qu'à moitié, tant les vertus du dialogue semblent à l'opposé des règles mécaniques du marché.

Car tout le problème est là : comment faire en sorte que des acteurs économiques en situation de concurrence (pour le partage de la valeur ajoutée produite au sein d'une filière par exemple) acceptent d'oeuvrer à la construction d'un consensus, qui débouchera sur des décisions acceptables par tous car bénéfiques pour tous.

Ainsi que le rappelle une récente note thématique de l'institut de Recherches et d'Applications
des méthodes de développement41 (IRAM), « la notion de concertation renvoie à une base théorique
développée au sein de la Nouvelle Economie Institutionnelle42 considérant qu'en modifiant la structure des

41 « La concertation dans les filières agricoles en Afrique : leurre méthodologique ou prémices d'une dynamique interprofessionnelle ? » par Célia Coronel & Laurent Liagre, Note thématique n°4 de juin 2007 - IRAM

institutions existantes et en faisant émerger de nouvelles institutions, il est possible de rendre compatibles les stratégies propres des agents économiques et la recherche d'un intérêt mutuel supérieur ».

Au Sénégal, la loi d'orientation agro sylvo pastorale a fait l'objet d'une large concertation, revendiquée à la fois par les services de l'Etat et par la profession agricole, sans que l'on sache toujours s'il s'est bien agi de la même concertation... A l'arrivée, des ambigüités importantes subsistent, de telle sorte qu'on ne sait plus bien ce qui est prioritaire et ce qui l'est moins : entre la promotion de l'agrobusiness soutenue par le gouvernement, et la défense de l'exploitation agricole familiale, cheval de bataille de la profession agricole, les antagonismes se révèlent à l'occasion de la rédaction des décrets d'application, qui tardent encore à sortir trois ans après la promulgation de la loi d'orientation.

A l'inverse, toute décision de l'Etat, en l'absence de concertation préalable, est désormais dénoncée par les acteurs concernés ; nous en voulons pour exemple le plan Retour vers l'Agriculture (REVA) imaginé et proposé par l'actuel président de la République, mais dénoncé sans aménité par la première plateforme d'organisations professionnelles rurales nationales, le CNCR, en ces termes : « Le plan Reva (Retour vers l'agriculture), sur lequel le président Wade compte pour créer 300.000 emplois dans l'agriculture, ne rencontre pas l'agrément du CNCR. Pour le CNCR, tant et aussi longtemps que l'État gérera l'agriculture à la manière de l'ancienne puissance soviétique avec, notamment ses `Sovkhozes' (fermes d'État), le monde rural continuera de pâtir. D'autre part le plan Reva ne correspond en rien aux orientations de la Loi d'orientation agro-sylvo-pastorale et a été proposé sans associer les acteurs du secteur agricole ».

http://www.cncr.org/article.php3 ?id article=146

La concertation s'effectue assez souvent, dans le secteur agricole, sous la forme d'interprofessions, créées pour réguler des filières de produits agricoles.

Le Sénégal, qui a connu une longue période d'économie agricole fortement administrée, a vu le commerce des produits agricoles progressivement libéralisé à partir du début des années 1990, avec le désengagement de l'Etat de toutes les activités marchandes au profit du secteur privé : il s'agit bien d'un transfert de compétences de l'Etat vers les organisations privées pour la régulation des marchés agricoles.

Pour conduire cette concertation, préalable à tout cycle de négociation avec l'Etat, tous les acteurs d'une filière peuvent s'organiser en interprofession pour s'accorder autour de la gestion de cette filière ; le consensus obtenu entre toutes les professions représentées permettra de faire valoir un point de vue unique lorsqu'il s'agira soit d'inciter l'Etat à légiférer dans le sens souhaité, soit au contraire de convaincre celui-ci de laisser jouer le marché.

Plusieurs interprofessions existent au Sénégal, dans les filières rizicole, avicole, et bien sûr arachidière et, même s'il n'est pas certain que ce schéma soit un modèle idéal et universel, qui puisse être plaqué tel quel, la loi d'orientation agricole a prévu de renforcer le rôle des interprofessions agricoles en étendant leurs prérogatives aux fonctions suivantes43 :

- La qualité des produits ;

- La connaissance de l'offre et de la demande ;

- L'adaptation et la régularisation de l'offre ;

- La mise en oeuvre, sous le contrôle de l'Etat, de règles de mise en marché, de prix et de conditions de paiement ;

- La promotion des produits agricoles sur les marchés intérieur et extérieur.

- Les relations interprofessionnelles dans le secteur intéressé, notamment par l'établissement de normes techniques et de programmes de recherche appliquée et de développement ;

42 Voir Annexes

43 Article 26 de la LOASP.

Bien entendu, la concertation dépasse largement le cadre restreint de la gestion de seules filières agricoles et, pour ce qui nous concerne, elle peut évidemment s'appliquer à la régulation du sous- secteur des formations agricoles et rurales (F.A.R.).

Nous relevons la mise en place progressive, dans le cadre du programme des services agricoles et d'appui aux organisations de producteurs (PSAOP), de cadres locaux de concertation des OP (CLCOP) dans chacune des 320 communautés rurales du Sénégal : c'est en principe à travers ces cadres de concertation que devrait se construire la demande d'appui des organisations professionnelles agricoles.

Dans le sous-secteur de la F.A.R., des initiatives visant à mettre en place des « cadres interprofessionnels » pour favoriser la concertation entre offreurs et demandeurs de formation, publics et privés, ont vu le jour depuis 2000 ; celles-ci sont à mettre au compte de la coopération suisse principalement, dans le prolongement logique de la dynamique qui a conduit à la proposition d'une stratégie nationale de F.A.R.

L'Etat a ainsi mis en place en 2000 un comité national de planification stratégique de la formation agricole et rurale44, dont les principales missions ont trait aux orientations, à la coordination et à la régulation, tandis que le conseil régional de Ziguinchor créait à la même période un comité régional de planification stratégique de la F.A.R. ; si le second connaît des difficultés à fonctionner et à se faire reconnaître dans sa région, le premier ne s'est quant à lui jamais réuni depuis sa création : ainsi, décréter concertation et légitimité ne semble pas une condition suffisante pour que les acteurs veuillent et puissent coopérer...

Ces nouveaux espaces de concertation constituent de nouveaux modes de coordination entre opérateurs, de l'amont à l'aval, ou de nouveaux outils pour l'élaboration et le « portage » de plaidoyers ; cependant, comme le souligne la note de l'IRAM déjà citée, trois ingrédients importants sont à la base de la réussite :

· La représentativité, et donc la légitimité de ceux qui vont siéger ;

· La parité entre les différents collèges de professionnels ;

· L'unanimité pour la prise de décision.

Le scénario « idéal-typique » est malheureusement souvent battu en brèche car, dans un pays en développement, qui plus est faiblement alphabétisé tel que le Sénégal, les contraintes, les imperfections et les dysfonctionnements ne manquent pas.

La structuration des organisations professionnelles, la représentation professionnelle souffrent de faiblesses indéniables ; outre certaines tares connues, celles-ci doivent composer avec une faible capacité de mobilisation de leurs membres.

Parfois aussi, le processus est mal engagé dès le lancement en raison d'une identification perfectible des acteurs qui comptent vraiment, ou à cause d'une démarche initiée par des acteurs externes, conduisant à un manque d'appropriation par les acteurs locaux et /ou directement concernés.

En matière de prise de décision, le déséquilibre des pouvoirs est parfois flagrant, à telle enseigne que toute référence au processus interne de décision est souvent gommée des textes fondateurs, ou renvoyée à d'autres cadres, que ceux ci existent déjà ou pas.

Nonobstant, à l'instar de la démocratie qui, comme chacun le sait, est le pire des systèmes à
l'exception de tous les autres, les interprofessions demeurent une voie privilégiée (et d'actualité)

44 Par arrêté primatorial n°3344/MEN/DC/DAJLD du 15 /03/2000

de la concertation, ainsi que le démontre cette annonce de l'agence française pour le développement international des entreprises sur le site UBIFRANCE :

Les interprofessions face à la libéralisation et à la mondialisation des marchés - Petit-déjeuner débat (Cycle agroalimentaire : stratégie, développement, lobbying) 10 octobre 2007 - De 8h30 à 10h00.
Autour de Jean-Paul JAMET, Président du CLIA -Comité de Liaison des Interprofessions

II. 1.5- QUALITE DE LA FORMATION

Selon la définition qu'en donne le site du Centre-Inffo, « la qualité en formation, c'est « l'ensemble des caractéristiques d'une entité qui lui confère l'aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites ;. Les normes, labels et certifications permettent d'organiser la mise en place d'une démarche qualité. »

En formation professionnelle, les démarches qualité sont apparues au début des années 1980 ; elles s'appuient sur les caractéristiques spécifiques des services proposés, regroupées sous la forme de référentiels que l'on appelle des normes, qui garantissent une qualité constante des services proposés. Appliquées au domaine de la formation continue, les normes les plus usitées sont la norme ISO 9001 et les normes AFNOR.

A l'instar d'un label, basé sur un acte « déclaratif »45 (du professionnalisme, des compétences, de l'expérience de l'organismes de formation), qui renseigne le consommateur sur les niveaux des performances annoncés, la norme internationale ISO 9001 46_ applicable à la formation mais non spécifique à celle-ci_ ne garantit pas le résultat, mais le respect rigoureux d'un processus préalablement et entièrement formalisé.

La norme ISO 9001 version 2000 « approche processus » insiste sur l'importance :

· Des exigences, qu'il faut comprendre et satisfaire ;

· Des processus, à considérer en terme de valeur ajoutée et dont il faut mesurer l'efficacité et les performances, pour améliorer continuellement celles-ci sur la base de mesures objectives.

Les normes de l'Association Française de Normalisation (AFNOR) ci dessous ont été en revanche spécifiquement conçues pour le secteur de la formation professionnelle, dans l'objectif d'améliorer au moyen d'un langage commun et d'une compréhension commune les relations entre les demandeurs et les prestataires de formation.

Le CARIF / OREF des pays de Loire répertorie ainsi six normes :

Les normes AFNOR NFX50-749 « Formation professionnelle - Démarche de normalisation » et NFX50- 750 « Formation professionnelle - Terminologie », complétée par le fascicule de documentation FDX50-751 « Formation professionnelle - Terminologie - Fascicule explicatif » s'appliquent à l'ensemble des acteurs. Elles explicitent près de 140 termes couramment employés dans le domaine de la formation, précisent les concepts et garantissent des acceptions identiques.

Pour les entreprises, (afin d'expliciter la demande de formation)

La norme outil AFNOR NFX50-755 « Formation professionnelle - Demande de formation - Méthode d'élaboration de projets de formation » vise à faciliter pour les entreprises l'élaboration d'un projet de formation et son déroulement. Elle aide, en définissant l'étape d'analyse des besoins, à la construction du cahier des charges.

La norme outil AFNOR NFX50-756 « Formation Professionnelle - Demande de formation - Cahier des Charges de La Demande » aide les entreprises à formaliser leur demande de formation aux prestataires.

Pour les organismes de formation :

La marque NF Service Formation est composée de deux gammes : formation professionnelle continue et formation par apprentissage :

45 A l'image du label délivré par l'Office Professionnel de Qualification des Organismes de Formation : OPQCF

46 ISO 9001 version 2000 « Systèmes de management de la qualité - exigences », applicable depuis le 15/12/2000.

- Les normes outils AFNOR NFX50-760 « Formation professionnelle - Organismes de formation - Informations relatives à l'offre » et NFX50-761 « Formation professionnelle - Organismes de formation - Service et prestation de service : spécification» donnent des orientations en matière d'élaboration de l'offre. Elles garantissent la lisibilité des informations. (caractéristiques du service fourni, moyens nécessaires et mis en oeuvre pour réaliser ce service). - La norme NF214 permet aux CFA, depuis mars 2002, de bénéficier d'une certification qualité de services

La certification NF peut être obtenue sur demande par l'organisme qui en accomplit la démarche, mais elle impose par la suite un audit de suivi régulier pour en conserver le bénéfice.

Pour utiles qu'elles soient, ces normes développées au service de la qualité ne s'intéressent qu'aux seuls organismes de formation, c'est à dire aux organisations dont la formation constitue l'activité principale voire unique. C'est faire peu de cas de la pluralité des catégories d'acteurs qui se positionnent, au Sénégal, sur « l'offre de formation rurale » : ONG, associations, bureaux d'études, consultants, organisations professionnelles et chambres consulaires, services d'appuiconseil et/ou d'encadrement des producteurs qui, pour la plupart, ne font pas de la formation leur principale activité.

L'offre de formation est évidemment plurielle, elle peut recouvrir en partie l'enseignement dispensé au sein du système scolaire (formation professionnelle initiale), et s'étend depuis l'alphabétisation fonctionnelle des adultes jusqu'au fameux Capacity Building, que traduit fort mal l'expression francophone quelque peu galvaudée : Renforcement de capacités.

Plus encore, la formation se définit généralement comme un processus d'acquisition de connaissances, de compétences et de qualification, qui se déroule dans le temps avec des moments situés dans un espace social déterminé.

Or, cette définition n'est qu'un pis aller, dans la mesure où l'on s'accorde généralement à considérer qu'une compétence se construit plutôt qu'elle s'acquiert d'une part, et que d'autre part la mise en situation professionnelle au quotidien, en forgeant l'expérience face aux multiples situations imprévues, est en elle-même la première source d'apprentissage, donc de formation.

La demande de formation

L'AFNOR précise que « la demande de formation est l'expression d'un souhait ou de résultats attendus, exprimés par des personnes salariées ou non, des responsables hiérarchiques, des entreprises ou institutions ». Il est généralement admis qu'une demande de formation, s'il y est donné suite, va enclencher un processus d'ingénierie de formation devant nécessairement conduire à la définition de besoins de formation.

Dans l'économie « formelle », les processus sont parfaitement normalisés ; ainsi, la norme AFNOR NF X 50- 756 définit elle les informations à communiquer par une entreprise (client) à ses prestataires potentiels, pour l'aider à clarifier sa demande afin d'obtenir une prestation de service correspondant à ses besoins.

Or, bien souvent il n'existe pas une, mais des demandes, qui peuvent être contradictoires en fonction des points de vue respectifs des différents acteurs d'un secteur donné. De même, au sein d'une même organisation, il est important de savoir qui porte la demande, s'il en est à l'origine ou non, quels sont les réseaux informels internes, pour mieux relativiser l'importance des fonctions officielles détentrices de pouvoir dans l'organigramme.

Mais surtout, on ne peut considérer comme un manque ce qu'on ignore ; pourtant, dans la majorité des cas, on sollicite la formation (lorsqu'elle n'est pas suscitée par le prestataire !) dans l'espoir inconscient qu'elle soit la réponse la mieux adaptée au problème plus ou moins exploré du moment, ce qui est tout sauf évident.

Souvent aussi, la formulation d'une demande de formation s'apparente dans le milieu de l'entreprise à un moyen de satisfaire à bon compte les revendications des partenaires sociaux.

Si l'on tente de recontextualiser ces différentes données à prendre en considération, pour les utiliser dans le secteur du développement rural au Sénégal, on s'aperçoit assez rapidement que leur niveau de sophistication les rend impropre à un usage tel quel (copier-coller). Cette inadaptation tient pour l'essentiel aux caractéristiques suivantes du contexte d'intervention :

· Secteur économique informel à plus de 90 %,

· Public potentiel très majoritairement analphabète,

· Faible organisation des filières, des branches,

· Pouvoir d'achat très limité (au Sénégal, la pauvreté est rurale à plus de 75 %), qui annihile en partie la capacité décisionnelle du demandeur, contraint de se plier aux exigences du bailleur de fonds.

A notre sens, la demande de formation est ainsi une notion qui, souvent, est mise en avant trop tôt : parler de demande de formation dès la phase de l'expression d'une demande d'appui revient à considérer à priori que la réponse-formation va de soi.

Il ne faut pas oublier également que cette demande peut avoir été exprimée formellement (courrier adressé à un prestataire), qu'elle peut avoir été suscitée dans le cas du démarrage d'un nouveau projet, ou encore reposer sur un rapide recueil de « doléances », à l'occasion d'une tournée d'animateurs de terrain. Dans ces conditions, on ne s'étonnera pas que le consultant, ou pire le formateur appelé à la rescousse pour établir un diagnostic préalable (et souvent rapide), se fasse un devoir de proposer une liste plus ou moins longue de besoins de formation à satisfaire.

Approche par la demande (de formation ?)

Après plusieurs décennies durant lesquelles chacun en était arrivé à estimer que la compétence d'un prestataire de formation se mesurait à la qualité de son catalogue de produits, une inversion de tendance s'est amorcée depuis quelques années, en partie liée au fait que de nombreux organismes, qu'ils soient publics ou privés, se sont contentés de gérer une rente en renouvelant peu leur offre.

Ce constat, largement partagé par les clients habituels, s'est traduit d'abord par une désaffection puis un rejet de l'offre-catalogue (les tentatives de mesurer l'impact réel des formations dispensées sur l'amélioration des performances des bénéficiaires, organisations et individus, n'y sont pas non plus étrangères).

La demande s'est alors largement réorientée vers l'attente de services « sur mesure », individualisés, pour tenter de réduire le gap constaté entre les apports trop abstraits, trop généraux, de la formation, au regard de la complexité et de la spécificité des réalités du terrain.

Bon gré mal gré, les offreurs de formation ont donc été contraints de se réajuster, dans un contexte de concurrence de plus en plus vive. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui, tous les opérateurs de formation se réclament d'une démarche d'approche par la demande de formation.

Dans la région de Kaolack (bassin arachidier), une quarantaine d'entretiens conduits et initiés par le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole (Ministère de l'Agriculture) auprès d'acteurs situés sur l'offre, sur la demande, et pour certains sur les deux volets, a mis en évidence que tous revendiquent une approche guidée par la demande de formation, qui recouvre selon les cas des modalités, des postures et des compétences très diverses et parfois assez éloignées.47

47 Dossier de capitalisation des expériences de formation dans la région de Kaolack -BFPA disponible sur le net.

Dans certains cas rencontrés, l'expression des besoins a lieu annuellement, à l'occasion d'une assemblée générale villageoise ; parfois, elle constitue une étape, au démarrage du projet. En règle générale, les outils généralement mis en oeuvre sont peu nombreux : diagnostic rapide, étude- filière, entretiens préalables, bibliographie existante sur le sujet.

Force est de constater cependant qu'un biais considérable est introduit au début même du processus ; ce biais se situe à un double niveau :

Au niveau du demandeur, conscient que l'outil formation est généralement le moins coûteux et le plus facilement accepté par le bailleur de fonds sollicité, le problème initialement identifié va plus ou moins consciemment orienter l'intéressé vers une recherche de solution axée sur la formation, couplée avec la pré-identification de personnes ou structures ressources dont les compétences sont reconnues sur ce domaine d'intervention.

Au niveau de l'offreur, qui a donc été approché sur la base de ses compétences en formation, le souhait d'aller dans le sens du demandeur est évidemment légitime, tout au moins commercialement parlant. De plus, c'est un formateur qui va se charger « d'analyser la demande » reçue ; dès lors, on peut mettre en doute sa capacité de recul pour aborder dans une approche systémique le contexte de la future intervention à définir, d'une part parce qu'il ne possède pas nécessairement les outils adaptés, et d'autre part parce qu'il est humain, devant une situation méconnue, de se raccrocher à ce qu'on sait faire.

On constate donc que cette nouvelle approche, proclamée comme une révolution dans le monde de la formation, a peu modifié les pratiques, et n'a que modérément permis d'atteindre les effets escomptés, à savoir une plus grande satisfaction du demandeur, et un impact plus visible sur les pratiques des formés.

Tout au plus peut-on mettre à son actif l'instauration d'un dialogue moins superficiel entre l'offreur et le demandeur, lequel accède ipso facto au statut d'interlocuteur crédible ; il s'agit bel et bien d'une avancée, toutefois l'atteinte des résultats espérés bute encore sur l'absence ou la maîtrise limitée d' outils spécifiques.

Au Sénégal, le diagnostic sur l'offre et la demande de formation agricole et rurale réalisé en 2004, avec l'appui du CNEARC de Montpellier, a permis de mettre en évidence l'intérêt et d'appliquer le concept de construction sociale de la demande de formation. Ce souhait reposait au départ sur la volonté de mettre en pratique les principes issus de l'atelier de 1999 qui a abouti à la définition de la stratégie nationale FAR :

· Passer d'une logique de projet d'assistance classique à une logique d'accompagnement où l'initiative est laissée aux acteurs ruraux.

· Impliquer les acteurs ruraux dans l'identification et la formulation de leurs propres besoins de formation.

· Créer des cadres de concertation entre ruraux et formateurs'

Dans le cadre de l'agriculture familiale, les mêmes interlocuteurs expriment à la fois une demande sociale et une demande économique. Dès lors, les services techniques d'appui au développement, rural comme local, doivent s'adapter pour remplir efficacement leur rôle d'accompagnement des acteurs locaux dans un environnement complexe et fluctuant. Des responsables d'organisations professionnelles agricoles, d'associations de développement féminines, le disent à leur façon :

- « L'environnement de la production est plus important que la production elle-même ».

-« Le travail sur la demande, trop parcellaire, aboutit encore souvent à « des demandes passéistes, éventées », par méconnaissance des opportunités potentielles que pourrait offrir l'environnement global.48

Dans l'approche mise en oeuvre au cours de ce diagnostic dans la région de Ziguinchor49, nous avons considéré que :

1) Tout changement technique ou organisationnel durable résulte d'un processus social de construction de problèmes et de recherche de solutions, menés par les professionnels, face à une situation qu'ils jugent difficile,

2) Ces processus de dialogue, réflexion, expérimentation produisent de la connaissance,

3) La formation est un levier, parmi d'autres, d'accompagnement des acteurs dans le changement.

Dans ce cadre, la demande est donc l'expression par les professionnels de leurs préoccupations, dans un cadre qui permet de les transformer en problèmes traitables. Il s'agit donc en réalité d'une demande d'aide à la recherche de solutions, la solution pouvant éventuellement être de la formation.

On parle donc de construction de la demande : une demande ne s'identifie ni ne se recueille, elle n'est jamais donnée, mais construite, grâce à un processus interactif de réflexion. On parle de construction sociale, car l'ensemble des acteurs concernés sont impliqués dans l'analyse et le dialogue.

A la démarche traditionnelle identification, recensement des besoins de formation, nous privilégions désormais l'appui à la formulation d'un problème et la recherche d'une solution (la formation pouvant en être une). Ce passage s'appuie sur les travaux de Jean-Pierre DARRE50, docteur en ethnologie et fondateur du GERDAL (Groupe d'expérimentation et de recherche développement et actions localisées) ainsi que sur les travaux du CNEARC51 de Montpellier qui s'en est inspiré. Cette démarche guide depuis 2003 les interventions du Bureau Formation Professionnelle Agricole du ministère de l'agriculture du Sénégal.

Les besoins de formation recensés posent comme évidente la logique du « problème », que sous-tend la demande initiale ; une expression courante traduit parfaitement cette façon de procéder : « recueillir les besoins de formation » ; on serait tenté de forcer le trait en parlant de « cueillette des besoins de formation ».

La réalité est somme toute plus complexe dans la majorité des cas ; un problème s'apparente davantage à une construction intellectuelle qu'à un fruit que l'on cueille, et la recherche de solutions peut commencer quand le problème est formulé. Dans cette perspective, la demande est le point de départ de l'appui, mais : qu'entend-on par demande ? Comment la faire exprimer ?

Le point de départ
une situation, vécue comme non satisfaisante

48 Atelier sur l'approche par la demande - Kaolack 06/2006. (propos tenus par la présidente d'une fédération féminine de la région de Kaolack, l'APROFES).

49 Dossier 1 - restitution finale, in Diagnostic de l'offre et de la demande de FAR 05/2004 (CNEARC-CESAG)

50 Auteur de La production de connaissances pour l'action. Arguments contre le racisme de l'intelligence, Paris, Maison des

sciences de l'Homme, 1999

51 Equipe BROCHET M.- TOUZARD I.-BOUSSOU V. (CNEARC Montpellier)

la demande initiale
un point de vue, une préoccupation (pour l'acteur concerné)
point de vue lui même résultant d'une position sociale et d'une pratique professionnelle

l'appui à la construction sociale de la demande
1- transformation en problème traitable
Aide à l'exploration, à l'extension de la surface du problème

2- formulation d'un problème :
comment faire pour .... ?

3- recherche co-active de solutions
(agriculteurs, élus, agents de développement, formateurs)

Dans ce schéma, les principaux intéressés à l'origine de la demande sont acteurs du processus ; ils participent à la réflexion, à l'analyse de la situation, apportent leur connaissance de l'environnement social, environnemental, économique. La recherche de solution conduite avec eux rend possible leur prise d'initiative et rend plus improbable la perspective de solutions inapplicables car trop éloignées des contraintes qu'impose le contexte : nous sommes très loin d'un besoin de formation au sens d'une situation subie, au sens d'un besoin physiologique.

C'est pourquoi nous serons tenté de conclure ce paragraphe en considérant qu'il est plus prudent de parler d'approche par la demande, par opposition à l'approche par la demande...de formation.

III- TROISIEME PARTIE - LA DEMARCHE DE RECHERCHE

III-1. L'ORIGINALITÉ DE MA DÉMARCHE (EN TANT QU'ACTEUR DU PROCESSUS
DEPUIS 2004)

L'originalité de notre démarche pour la réalisation de ce travail tient au fait, qu'à la différence d'une commande faite à un étudiant « de passage », nous sommes non seulement très impliqué dans le fonctionnement de la structure qui a passé cette commande, mais nous le sommes aussi au travers des relations nouées entre le Bureau de la formation professionnelle agricole et le RESOF depuis le diagnostic réalisé avec l'appui du CNEARC de Montpellier et du CESAG de Dakar en juillet 2004.

Comme l'indique l'extrait ci dessous, il s'agissait, en participant à la mise en place du Bureau FPA, de faciliter la mise en oeuvre de la stratégie nationale de formation agricole et rurale, et notamment d'apporter un « appui à la création et à l'animation des réseaux régionaux et nationaux d'acteurs de la formation agricole et rurale, et un appui aux comités régionaux et au comité national de planification stratégique de la formation agricole et rurale ».

Extrait de la lettre de mission du poste d'assistant technique au BFPA

Conseiller technique rattaché au bureau de la formation professionnelle agricole, l'assistant technique sera plus spécialement chargé d'appuyer la mise en oeuvre de la stratégie nationale de formation agricole et rurale.

Sous la responsabilité du chef du bureau de la formation professionnelle agricole, coordonnateur de la composante 2 du projet « Promotion d'une agriculture compétitive et durable au Sénégal », l'assistant technique contribuera à la mise en oeuvre et au suivi du volet d'activité 2.1 « Mise en oeuvre de la stratégie de formation agricole et rurale » du projet FSP. A ce titre :

- Il contribuera à la réalisation de l'étude sur l'état des lieux du dispositif de formation agricole et rurale, en participant notamment à la préparation des termes de référence et à la mission d'évaluation, et en collaborant à la mise en place de la base de données nationale de la formation agricole et rurale.

- Il participera à la mise en place et à l'organisation du bureau de la formation professionnelle agricole, ainsi qu'à l'identification des besoins de formation des agents qui y seront affectés.

- Il contribuera à assurer une bonne coordination des actions mises en oeuvre dans le cadre de la stratégie, à travers un appui à la création et à l'animation des réseaux régionaux et nationaux d'acteurs de la formation agricole et rurale, et un appui aux comités régionaux et au « comité national de planification stratégique de la formation agricole et rurale ». Il veillera aussi à ce que ces comités et réseaux se réunissent régulièrement, et participera à la préparation de ces réunions.

- Il appuiera le bureau de la formation professionnelle agricole dans la révision des formations existantes et dans l'élaboration des contenus de formation dispensés dans les nouveaux centres de formation des producteurs, et identifiera les besoins d'expertises complémentaires nécessaires pour la réalisation des ces objectifs. Il participera aussi à la préparation des ateliers de restitution des études qui seront financées dans le cadre du projet.

- Il participera aux réflexions sur la pérennisation du conseil et de la formation agricole et rurale, et notamment à la réflexion sur les modalités de mise en oeuvre de concession de service public pour les centres de formation agricole et rurale.

- Enfin, il participera à l'identification et au développement de partenariats directs, d'une part, entre le ministère sénégalais de l'agriculture et de l'élevage et le ministère français de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et, d'autre part, entre les établissements sénégalais de formation et leurs homologues français. Dans ce cadre, il appuiera la préparation des voyages d'études qui seront financés dans le cadre du projet.

.../...

Juillet 2004 - août 2007 : trois ans déjà que nous cheminons avec ces deux acteurs que sont le BFPA et le RESOF, acteurs majeurs pour la mise en place d'un cadre de pilotage de la FAR dans la région de Saint-Louis du Sénégal.

A travers la commande à laquelle ce travail tente de répondre, le Bureau FPA attend deux types de résultats :

· Une capitalisation de ce qui a été fait, tenté, rectifié et/ou abandonné jusqu'à aujourd'hui ; ce travail de capitalisation ne remplace pas celui que peut conduire le RESOF pour son propre compte, mais il le complète par un point de vue extérieur.

· Des analyses conduisant à des propositions concrètes, pour relancer un processus qui semble s'enliser en chemin, et pour le faire aboutir.

Le RESOF existait avant notre venue au Sénégal mais, depuis 2004, la question du pilotage de la FAR a donné lieu a de nombreux échanges et une dizaine de déplacements du Bureau à Saint- Louis et dans la région, missions auxquelles nous avons directement participé. De ce fait, notre implication au cours des échanges avec le RESOF et ses partenaires, dans la préparation de ces rencontres et aussi à travers notre Mémoire de recherche sur le Réseau, fait de nous un acteur à part entière (mais entièrement à part, nous en convenons bien volontiers) du processus initié par le RESOF pour mettre en place un cadre de pilotage de la formation.

C'est pourquoi, plutôt que de chercher à recueillir de façon très académique l'information nécessaire, par le biais d'enquêtes et de nombreux entretiens systématiques, nous avons fait le choix de nous appuyer d'abord sur nos propres notes, et sur les comptes-rendus de réunions et de missions disponibles au niveau du BFPA et du RESOF ; quelques entretiens ont été conduits sur des points particuliers, à partir de ce « socle ».

La démarche de recherche que nous avons retenu, et dont les résultats feront l'objet de la quatrième partie, s'articule de la manière suivante :

1)°- Les éléments de départ

Le RESOF est créé en 2000 : pourquoi ?

Le pilotage, ou son absence, pose problème aux yeux des acteurs

2)°- Les faits : sur quels faits pouvons nous nous appuyer pour construire une analyse ? La démarche privilégiée par le RESOF

Les actes posés jusqu'à la dernière mission du BFPA, fin juin 2007 L'évolution du point de vue du RESOF, depuis 2004.

III- 2. LES ÉLÉMENTS DE DÉPART

III- 2.1. LE RESOF EST CRÉÉ EN 2000 : POURQUOI ?

Nous nous sommes adressés à Jacques FAYE, sociologue rural, proche collaborateur du bureau d'appui à la coopération sénégalo-suisse (qui subventionne le fonctionnement du RESOF), et à l'époque directeur général de l'Institut Sénégalais de Recherche Agronomique (ISRA) au moment des faits. Son discours éclaire les conditions dans lesquelles a émergé l'idée de faire travailler en réseau les acteurs de la formation agricole et rurale, dans la Vallée du Fleuve Sénégal.

C'est lorsqu'il travaillait sur le nouveau projet d'établissement de l'ISRA, qui a conduit à la création de l'actuel Fonds National de Recherche Agricole et Agroalimentaire, que cette idée a germé. La question centrale était alors la suivante : « Comment s'organiser pour en faire davantage, sachant que nos pays disposent de moyens limités ? »

Le constat était unanimement partagé : des personnels nombreux, répartis dans de nombreuses institutions publiques oeuvrant dans le développement rural. Il paraissait donc logique de les faire travailler ensemble, pour permettre d'additionner les avantages comparatifs de chaque institution, tout en décloisonnant des institutions qui travaillaient pour le même bénéficiaire final.

La question qui venait immédiatement après était donc : comment on va s'y prendre ? Deux options se présentaient alors :

1) fusion de ces institutions

Mais très rapidement, les nombreux freins identifiés incitèrent à penser que cette solution ne menait nulle part.

2) les faire fonctionner en réseaux (sur des sujets d'intérêt commun). Dans ce cas, il fallait que quelque chose motive les gens à aller dans ce sens car une limite apparaissait immédiatement : les moyens financiers. En effet, « outre le fait qu'il n'est pas illimité, l'argent qu'on « flaire » attire du monde, et pas nécessairement pour la bonne cause ».

Le contexte général était cependant favorable pour conduire certaines réformes ; le ministre de l'époque (Robert SAGNA) souhaitait redonner une image positive au ministère, et le gouvernement voulait remettre un peu d'ordre dans le secteur.

Il était également question de créer une véritable Direction de la Formation Professionnelle Agricole ; le président de la République avait donné le feu vert, et la Banque Mondiale et la Coopération Française étaient également d'accord pour l'appuyer.

Tous les décideurs s'accordaient sur la prégnance d'un exode rural déjà bien visible à cette époque. Il paraissait évident que tous les jeunes ruraux ne pourraient pas s'installer en tant qu'agriculteurs, et que la Formation (Agricole et Rurale) était un moyen de donner aux jeunes les clés pour entrer dans l'économie urbaine, et les armer pour qu'ils puissent affronter cette mutation avec un minimum de chances de réussite d'insertion.

« Au départ, l'idée était aussi de concéder le service public aux ONG et opérateurs privés qui souhaitaient gérer des centres de formation. Cette idée valait également pour le Conseil agricole, car selon moi, l'ANCAR ne devait pas disposer de personnels de terrain (contrairement à la version actuelle qui a été mise en place dans le cadre du programme des Services Agricoles et d'Appui aux Organisations de Producteurs(trices) PSAOP). »

« On a donc dit à ces acteurs, qui se situent dans le champ de l'opérationnel : « Si vous vous mettez en réseau, en nous expliquant pour quoi faire, on vous donnera les moyens de travailler » ! C'est la « carotte » que nous avions trouvé pour les inciter à aller dans ce sens. »

Six ans plus tard, Jacques FAYE reconnaît que les avancées sont minces, et en attribue d'abord la cause à l'alternance politique de 2000, la nouvelle équipe gouvernementale aurait découragé les acteurs impliqués en mettant « au placard » les dossiers en cours, hérités de l'équipe précédente.

En vérité, au nombre de ces acteurs figuraient en bonne place les paysans eux-mêmes, et ils ne semblent pas s'être beaucoup investi dans les réseaux émergents, peut être en raison du fait que cette initiative n'était pas parti d'une demande formelle de leur part. Pourtant, l'idée de départ se limitait à rendre visible quelque chose qui existait en partie déjà dans les faits, au quotidien.

Ainsi, les représentants de la profession, comme le président de l'imposante Fédération des Périmètres Autogérés (riziculteurs), et l'Ecole Nationale d'Economie Appliquée, travaillaient déjà ensemble sur les problématiques du Conseil et de la Formation Agricole.

III- 2.2. LE PILOTAGE (OU SON ABSENCE) POSE PROBLÈME AUX YEUX DES ACTEURS

Ce point de vue exprimé par Jacques FAYE, et confirmé par d'autres acteurs de la FAR au plan national, nous apprend que la création du Réseau formation fleuve a constitué l'aboutissement de deux préoccupations :

· La recherche de complémentarités, plutôt que la logique de concurrence, chez les offreurs publics et privés de formation rurale, nombreux et passablement cloisonnés, ce qui se traduisait par des réponses très « sectorielles », segmentées là où les paysans attendaient une démarche plus systémique pour satisfaire à des préoccupations globales, dictées par la complexité de leur environnement socio économique et agro climatique.

· La volonté d'améliorer la qualité des services rendus par les formateurs et leurs

institutions : « redorer le blason du ministère de l'agriculture », selon le ministre de l'époque.

Dans les deux cas, il s'agissait de mieux prendre en compte les préoccupations des acteurs du développement rural, par une offre de formation qui prendrait en charge, de façon concertée, « la demande ».

En amont, Piloter consiste à définir le cap à suivre, les orientations, et à programmer les actions qui concourent à tendre vers les objectifs définis. En aval, Piloter consiste à s'assurer de la qualité des produits, en se référant aux objectifs fixés.

Les fonctions de surveillance et de contrôle assumées par l'instance de pilotage seront sans effets sur l'atteinte des résultats attendus, si celle-ci ne dispose pas du pouvoir (et des moyens correspondants) nécessaire pour ajuster le déroulement des processus

La Régulation consiste à opérer ces ajustements, en agissant sur les intrants du système et sur l'amélioration des processus de transformation donnant naissance aux extrants.

Nous sommes bien au coeur du couple inséparable pilotage - régulation que nous avons abordé dans la partie précédente, à la nuance près que, si la nécessité d'une régulation est omniprésente dans l'esprit de tous ceux qui concourront à la création du RESOF, en revanche les questions de pilotage paraissent ne pas avoir été abordées, tout au moins pour les aspects concrets de mise en place et d'opérationnalité.

C'est à notre sens l'une des raisons majeures qui conduiront les membres du RESOF à s'interroger, de façon explicite ou implicite le plus souvent52, sur l'utilité de cette organisation, sur ce qu'ils peuvent en attendre pour eux-mêmes, et sur la direction à suivre.

Cette absence de pilote, pour fixer le cap et rappeler de temps en temps les règles du jeu et les objectifs à atteindre, finira par nuire à la visibilité, aux efforts et à la bonne volonté des membres les plus actifs du Réseau, cette frustration sera l'un des moteurs qui ont contribué au rapprochement avec le BFPA, et à l'origine de l'atelier que le RESOF organisera du 30 novembre au 1er décembre 2004 à Saint louis, dans l'objectif de mettre en place une structure de pilotage de la FAR dans la vallée du fleuve Sénégal, afin « d'alimenter la réflexion sur les politiques et

52 Comment expliquer autrement le caractère cyclique des tentatives de re-motivation des membres et de redynamisation du réseau ?

stratégies de formation, de faciliter la coordination des activités et de servir de relais entre les acteurs du niveau national et ceux du niveau local ».

Nous verrons par la suite qu'entre les acteurs concernés au premier chef, des ambigüités importantes subsistaient quant à la finalité du pilotage, et quant au rôle et à la place du Résof face à cette nouvelle mission.

III- 3. LES FAITS (ANALYSE DÉTAILLÉE EN 4ÈME PARTIE)

III-3.1. LA DÉMARCHE DU RESOF

Dès l'origine, les initiateurs du RESOF ont souhaité faire de cette organisation un large cadre de rassemblement le plus consensuel possible ; c'est la raison pour laquelle les acteurs situés sur la demande (organisations professionnelles agricoles pour l'essentiel) ont été invités à rejoindre les offreurs de formation. Nous avons même entendu un membre du Résof affirmer que tous les ruraux de la vallée avaient vocation à intégrer le réseau : finalement, la seule distinction aujourd'hui se situerait au niveau du paiement ou non de la cotisation...

L'absence d'organisation des acteurs de la FAR dans la Vallée a alors laissé place à la présence d'une organisation, pressentie au départ pour devenir un réseau de formateurs, à laquelle on demande désormais de jouer des rôles multiples : chaque organisation membre tirant du côté ou se trouve son intérêt. Dès lors, le risque paraît grand de dériver vers l'auberge espagnole

La confusion possible sera rendue visible à l'occasion de la rédaction des actes de l'atelier de décembre 2004, confiée à l'inspecteur d'académie. Les principales recommandations, peut-on y lire, ont trait i)à la mise en place d'un fonds régional de formation, ii)à la mise en place d'une structure inter régionale de coordination et d'impulsion de la FAR (car le territoire de la Vallée ignore les frontières des régions administratives) ; mais la conclusion générale du rapport53 , qui sera repris par la suite, se termine en ces termes :

« il est fondé de nourrir l'espoir que la formation agricole et rurale devienne mieux pilotée par un RESOF mieux organisé et plus renforcé, disposant d'un cadre de référence et d'une réglementation formalisée et acceptée de tous. »

Pourtant, en prenant l'initiative d'organiser cet atelier de réflexion, et en y conviant à peu près tous les acteurs potentiellement intéressés, le RESOF jouait la carte de la transparence et de la concertation : difficile dans ces conditions de lui attribuer de quelconques velléités cachées d'hégémonie. Plus simplement, le rédacteur était victime d'une information imparfaite quant à l'esprit du Résof, et avait sans doute cru aller au devant de ce qu'il croyait percevoir des aspirations de l'organisation.

Rassembler tout le monde, ne léser ni ne fâcher personne, cultiver le consensus pour aller de l'avant : telle a été la démarche du Résof, à priori sympathique mais en faisant courir le risque de frustrations à venir, et de « désamour », par méconnaissance des enjeux et des objectifs communs, par impatience voire _peut être_ par égoïsme.

III-3.2. LES ACTES POSÉS (JUSQU'À LA DERNIÈRE MISSION DU BFPA FIN JUIN 2007)

53 RESOF - Acte de l`atelier de réflexion et de partage sur le pilotage de la Formation Agricole et Rurale dans la Vallée du Fleuve Sénégal - page 52.

Après avoir présenté ci dessus les éléments de départ de notre travail de recherche, nous nous sommes intéressé à dresser l'inventaire des actes posés par le Résof au cours des trois dernières années, c'est à dire au cours de la période allant de juillet 2004 à juillet 2007.

Pourquoi cette période, plus particulièrement ?

Ce choix nous semble naturellement cohérent, pour plusieurs raisons complémentaires :

· Elle couvre la collaboration entre le Bureau Formation du ministère de l'agriculture et le Résof, qui démarre réellement avec le diagnostic réalisé dans le delta ;

· Elle démarre avec les premiers échanges autour du pilotage et de la SNFAR, entre ces deux structures ;

· Elle ouvre un nouveau « cycle » pour le Résof, à la suite de la période 2000 - 2003, correspondant à la naissance, à la formalisation et l'opérationnalisation croissante du réseau, d'abord préoccupé par sa propre fragilité.

Dès lors que le choix de la période de référence nous semblait évident, nous avons pu relever un certain nombre d'actes posés par l'organisation Résof, à son initiative ou en partenariat avec le BFPA ; ces actes nous apparaissent importants et significatifs, tout comme l'est leur chronologie, qui témoigne, au plan général, d'une évolution des paradigmes et, au plan particulier d'une évolution des positions prises par le Résof au fil du temps.

Nous mentionnons ci dessous les différents points que nous avons identifié, retenu, et que nous nous proposons d'analyser dans la quatrième partie de notre travail.

1. Le diagnostic sur l'offre et la demande de formation, réalisé mi-2004 dans le delta du Fleuve Sénégal avec le BFPA

Il s'agit de la toute première collaboration concrète, et le travail réalisé en commun durant trois semaines sera riche d'enseignements pour ces deux jeunes entités, le BFPA existant depuis moins d'un an.

2. L'atelier du RESOF sur un pilotage régional de la FAR, en décembre 2004

Point de départ « formel » de la réflexion sur le pilotage de la FAR au plan régional, c'est aussi le point d'orgue de cette nouvelle dynamique, qui montrera malheureusement assez rapidement des signes d'essoufflement.

3. Les plans minimaux de formation des producteurs

Il s'agit de la première réelle inflexion du réseau qui, auparavant, s'était contenté d'élaborer une base de données de ses membres (compétences, spécificités), et de fonctionner sur le modèle d'un club de réflexion, avec quelques séminaires à l'appui.

4. L'atelier de mise à niveau sur la loi d'orientation, organisé par le pool Podor/Matam/(Bakel) en septembre 2005.

Le dynamisme du pool PMB a milité en faveur de la tenue à Matam de cet atelier, qui a surpris par la participation très importante des présidents de conseils ruraux54..

5. Les fonds locaux de formation

54 élus à la tête des Communautés Rurales, qui sont l échelon de base de la décentralisation, au même titre que la commune en France, mais pour une superficie plus importante : le Sénégal est découpé en 320 communautés rurales, et 110 communes urbaines (dont 50 dans l'agglomération dakaroise).

Seconde inflexion majeure du Résof, et suite logique de « l'acte » précédent, les fonds de formation locaux tentent d'apporter une réponse au lancinant problème du financement des actions de formation, dans un contexte de solvabilité très limitée et d'absence de mécanismes de collecte de taxes et de cotisations.

6. Le groupe d'animation du RESOF

Plusieurs initiatives ont été impulsées par le Résof pour impliquer des personnes-

ressources et leurs organisations non membres du réseau dans des groupes de travail auxquels était confié la responsabilité de proposer un canevas cohérent et un échéancier de mise en place d'une instance de pilotage régionale.

7. une formation innovante pour les jeunes ruraux

Cette initiative, portée en principe par le Résof, est à mettre au crédit du BFPA, en réponse aux exigences d'organisations paysannes peu attirées par les cycles standards de formation proposés aux jeunes ruraux par le centre d'initiation horticole de Saint Louis.

8. L'implication « transversale » du BFPA depuis 2004

Le caractère national du domaine d'intervention du BFPA ne s'oppose pas au développement de relations privilégiées, et de chantiers conduits en commun sur le terrain, dans les régions ; il s'en nourrit au contraire, car les expérimentations en grandeur nature et en conditions réelles sont celles qui produisent les informations les plus pertinentes en matière de pilotage de politiques sectorielles, afin de coller au plus près des réalités.

.../...

IV- QUATRIEME PARTIE - LA « LONGUE MARCHE » VERS LE PILOTAGE
PARTAGE

IV-1. LES « RÉSULTATS »

IV-1.1. Le diagnostic sur l'offre et la demande de formation, réalisé mi-2004 dans le delta du Fleuve Sénégal avec le BFPA.

Ainsi que nous l'annoncions plus haut, il s'agit de la toute première collaboration concrète, entre le RESOF et le BFPA. En réalité, il s'agit même de la première opération d'envergure commanditée par le Bureau de la formation professionnelle agricole ; créé officiellement mi 2003, il ne disposera de deux agents qu'à compter de septembre 2003. La lettre de mission de l'assistant technique, antérieure au démarrage du BFPA, prévoyait explicitement un appui à la réalisation « d'une étude sur l'état des lieux du dispositif de formation agricole et rurale ».

Cette étude était justifiée par une des recommandations de la stratégie nationale de FAR, pour la mise en oeuvre de laquelle le Bureau FPA avait été créé quelques mois plus tôt ; il s'agissait d'approfondir l'état des lieux réalisé en 1998, plus finement, pour en déduire des propositions concrètes de rénovation du dispositif de FAR.

Les coopérations suisse et française avaient donné leur accord pour cofinancer cette étude, et le BFPA les avait associé étroitement à sa préparation. C'est ainsi que la préférence avait été donnée à un exercice conduit sous forme participative avec les acteurs des deux régions retenues, plutôt qu'un travail plus classique de bureau d'études, dont l'appropriation par les intéressés s'arrête en général lors de la restitution-validation du travail des experts.

Le RESOF, déjà appuyé par le partenaire suisse, avait semblé être une porte d'entrée naturelle pour mener à bien ce travail dans la vallée du fleuve Sénégal, en s'appuyant sur ses membres et ses partenaires. Le diagnostic de l'offre et de la demande de formation agricole et rurale sera d'abord réalisé en Casamance en mai 2004, au sud du pays, puis reproduit en juillet dans la zone du delta ; une vingtaine d'hommes et de femmes appartenant aux organisations membres du Résof seront mobilisés durant près de trois semaines pour réaliser ce diagnostic participatif, avec le concours du BFPA et l'appui méthodologique de trois enseignants sénégalais et français55.

Basé sur l'utilisation d'entretiens de compréhension (une centaine au total, de groupe et individuels) conduits par petits groupes composés d'élus d'organisations paysannes, de techniciens et de formateurs, ce diagnostic a été doublement important :

· De par les informations qu'il a permis de mettre à jour ;

· De par le caractère collaboratif du travail, sur le terrain et durant les moments de dépouillement des entretiens et de leur analyse, qui a grandement facilité les échanges entre les acteurs, et permis à chacun d'eux de mieux appréhender le point de vue des autres catégories d'acteurs.

Pour disposer d'une vision plus exhaustive des résultats obtenus, nous conseillons au lecteur de prendre connaissance du document de capitalisation que le BFPA a mis en ligne sur ses pages web ; compte-tenu de l'espace limité dont nous disposons ici, nous ne pouvons que résumer ci- après les principaux enseignements tirés :

Enseignements sur l'offre de formation:

55 Dont deux de l'ex- CNEARC (Institut des Régions Chaudes, de SUPAGRO Montpellier)et un du CESAG Dakar.


· Les contenus témoignent d'une vision trop restrictive de la finalité des formations : finalité de transfert et non d'aide à la recherche de solutions.

· Un trop grand nombre de formations se résume à des recettes, soit techniques, soit organisationnelles, enseignées en cascade par des spécialistes ou des démultiplicateurs. Très peu prennent en compte les situations vécues par les gens et les processus d'innovation des paysans. Des représentations trop restrictives du rôle des formations, conçues et dispensées comme une succession de questions / réponses à des problèmes ponctuels, isolés des contextes économiques, sociaux et historiques.

· Déficit d'analyse des réalités agraires, camouflé par des jugements hâtifs et négatifs sur l'agriculture et les agriculteurs

· L'ambiguïté des méthodes dites « participatives » : Les populations sont « consultées » pour établir des programmes de planification stratégique, mais dans la pratique cela consiste uniquement à lister un inventaire de doléances (ou les « besoins ») puis à établir et faire valider une classification des priorités en fonction de l'offre institutionnelle préexistante

· Il existe beaucoup d'offres de formation, car la formation est devenue « une activité de projet ». La plupart des formations sont conçues comme des services marchands. Les procédures de mise en marché de ces formations aboutissent souvent à des formes bureaucratiques séparant arbitrairement analyse de la demande, conception et réalisation alors que certains cas illustrent l'intérêt d'une approche intégrée.

· Les formations s'adressent à un public de responsables d'OP qui se renouvellent peu dans un contexte où l'information ne diffuse pas en « tache d'huile ».

· L'offre de formation sur la gestion durable des systèmes financiers ruraux est rare, Alors même que l'accès au crédit ressort des entretiens comme LE facteur limitant

Sur la formation des producteurs

Pour réaliser de manière significative des formations d'agriculteurs à des coûts supportables par les économies locales, des efforts importants doivent être entrepris dans trois directions :

(D Impliquer les agriculteurs et leurs représentants dans les processus de réflexion et de construction des dispositifs de formation, au même titre que les opérateurs de formation.

(2) Réhabiliter les formations techniques agricoles basées sur l'observation, l'analyse des pratiques et itinéraires techniques en agriculture et en élevage.

Il s'avère nécessaire de remplacer les habituelles fiches de recettes et les enseignements méthodologiques sur l'organisationnel et la communication par du concret se référant à la situation des agriculteurs. Pour mettre en oeuvre cette rénovation pédagogique, il est indispensable de mettre l'accent sur une meilleure connaissance des systèmes de production agricole (diagnostics agro-socio-économiques partagés) et surtout d'avoir une bonne compréhension des dynamiques d'évolution des systèmes agraires. En effet, trop de formateurs ou de développeurs sont tentés par l'enseignement de « modèles » d'agricultures exogènes, sans même se donner la peine de comprendre les raisons qui motivent les pratiques des agriculteurs dans tel ou tel terroir. Il faut donc concevoir une offre de formation en terme d'appui au changement et de recherche de solutions.

® Elargir le public des agriculteurs formés.

. En privilégiant le recrutement d'individus sélectionnés pour leur position de leader ou de représentant de groupement d'agriculteurs, afin de suivre des formations, on ne crée pas les conditions pour amorcer « une formation de masse ». Par ailleurs, si on considère que le dispositif de formation doit favoriser les échanges d'expériences entre agriculteurs, afin de permettre une réelle appropriation des innovations, il est préférable de réaliser des

formations pour l'ensemble d'un groupe social, plutôt que par groupes de niveaux déterminés par la maîtrise de la lecture et de l'écriture ou du français.

Les voyages-visites signalés par les agriculteurs lors des entretiens sont un moyen efficace pour suppléer aux formations habituelles en salle.

Formation des agents

Il est essentiel de redonner aux écoles de formation initiale, comme l'école d'élevage de Saint Louis, les missions de former des techniciens et des agents de contact en trois ans à partir d'un recrutement au niveau BEPC. A leur sortie, ces techniciens travaillent en situation d'interface avec les agriculteurs. La réussite des projets de formation des agriculteurs et d'appui aux organisations professionnelles agricoles, l'efficacité des actions de conseil de l'Agence nationale de conseil agricole et rural (ANCAR) et la performance des projets économiques passent nécessairement par le renforcement des capacités professionnelles de cette catégorie d'acteurs.

Par contre, l'objectif de former des agriculteurs en trois ans pour en faire des entrepreneurs est totalement déconnecté de la réalité sociale et économique, même s'il est possible de trouver quelques exceptions.

sur la formation des jeunes ruraux

Pour les jeunes, il est souhaitable de concilier formation agricole (ce qui ne se limite pas aux itinéraires techniques) et formation aux métiers de l'artisanat, afin qu'ils soient en capacité d'exercer une pluri-activité en fonction des opportunités.

.../...

Compte tenu de l'intérêt enthousiaste manifesté par les participants, il avait été jugé souhaitable de « pérenniser » le groupe, baptisé Groupe d'ingénierie de formation, en veillant à son élargissement.

Ce travail collectif, réalisé dans une excellente ambiance, a permis de remobiliser les membres du Résof, et notamment ceux du pool Delta, le pool le moins actif56 ; en permettant à de multiples acteurs situés sur la production, la transformation de produits agricoles, les services, ainsi qu'aux élus locaux d'exprimer leurs préoccupations, sans cadre contraignant ; il a produit de l'information abondante pour l'avenir, dont peuvent s'emparer les acteurs situés sur l'offre de formation, et le pool Podor-Matam-Bakel ne cesse depuis de réclamer qu'un tel exercice de formation - action puisse se tenir dans sa zone d'intervention, et au bénéfice de ses membres.

Ces travaux connaîtront deux prolongements immédiats :

· L'organisation fin 2004, par le RESOF, d'un forum régional sur la nécessité d'un pilotage régional de la FAR, au côté des instances de régulation existantes et ouvert à tous les acteurs concernés, afin que les dispositifs de formation répondent plus efficacement à la résolution des problèmes des ruraux.

· La restitution, au plan national, des travaux conduits dans le delta et en Casamance
donnera lieu à une réactualisation de la stratégie nationale (SNFAR), en janvier 2005.

IV-1.2. L'atelier du RESOF sur un pilotage régional de la FAR, en décembre 2004

« Mettre en place une structure de pilotage de la Formation Agricole et Rurale chargée d'alimenter la réflexion sur les politiques et stratégies de formation, de faciliter la coordination des activités et de servir de relais entre les acteurs du niveau national et ceux du niveau local ».

Tel était rédigé l'objectif général de cet atelier, qui s'est déroulé sur deux jours du 30 novembre au
1er décembre 2004, dans les locaux de la Chambre de commerce de Saint louis ; dans les termes

56 Mais c'est le moins pourvu en membres (8) et le plus récent (mais les deux autres pools n'ont à cette date que six mois d'existence)

de référence de l'atelier, le RESOF se présente comme une initiative de formateurs née dans le sillage de la SNFAR, « impliquée dans la réflexion pour l'amélioration des mécanismes de formulation de la demande et de l'offre de formation agricole et rurale et de la coordination des actions dans la vallée du fleuve Sénégal pour permettre aux acteurs de résoudre par eux mêmes les contraintes identifiées ».

Nous y apprenons également que la mise en place d'un comité régional de planification stratégique de la FAR dans la vallée du fleuve Sénégal figure au nombre des résultats clefs inscrits au plan d'action 2003 - 2005 du Résof : il n'était donc pas illogique que cet acteur régional et le BFPA se retrouvent autour de cet objectif commun.

La cérémonie d'ouverture donnera lieu successivement à plusieurs discours, dont celui du représentant du Conseil régional de Saint-Louis, qui assurera le forum de tout le soutien du président de région pour mener à bien cette initiative. A ce moment précis, rien ne semblait s'opposer à ce que soit mis en place le cadre de pilotage souhaité, dans les prochains mois ; d'ailleurs, au chapitre des recommandations proposées à l'issue de l'atelier, mandat a été donné au RESOF de mettre en place un comité de suivi, chargé de proposer « dans un délai de trois mois », un cadre opérationnel de pilotage de la FAR « dans la vallée du fleuve Sénégal ».

Alors même que le Résof connaît des difficultés de fonctionnement, liées notamment à l'éloignement entre ses membres57 (et malgré la création récente des trois pools), il est bien question de mettre sur pied une instance de pilotage, à cheval sur pas moins de quatre régions administratives.

Au nombre des principaux défenseurs d'un cadre commun pour l'ensemble de la région agro écologique figure le responsable français de l'ONG DIAPANTE, animateur du pool de Saint Louis et par ailleurs responsable formation national du Conseil des ONG d'Appui au Développement (CON GAD) ; il défendra logiquement, sans faiblir malgré une forte opposition, cette même position quelques semaines plus tard, à l'occasion de l'atelier de restitution des deux diagnostics dont nous avons déjà parlé, organisé par le BFPA à l'hôtel Indépendance de Dakar mi janvier 2005.

Avec le recul dont nous disposons aujourd'hui, nous sommes enclin à penser que la réflexion au cours de cet atelier de 2004 n'a pas été suffisamment approfondie. Pourquoi cela ? parce que dans l'hypothèse d'un cadre commun aux quatre régions administratives, seul le conseil régional de Saint Louis est présent. Pire, les autres collectivités régionales ne semblent pas compter plus que cela puisque la recommandation déjà citée, donnant mandat au Résof de mettre sur pied un comité de suivi qui devra proposer dans les trois mois un cadre opérationnel de pilotage de la FAR, est libellée comme suit :

Ce comité qui sera cogéré par les acteurs devra être souple et léger et ne devra pas comporter un effectif de plus de dix membres. L'ARD, le conseil régional ,les communes, les communauté rurales les centres de formation, les structures d'appui et de conseil ,les organisations des producteurs y seront représentés chacun par un membre

Le singulier employé pour désigner l'Agence Régionale de Développement ainsi que LE conseil régional incline à croire que c'est bien la seule région de Saint-Louis qui est concernée par cette affaire...

Par la suite, certaines faiblesses seront à l'origine d'un retard important, qui ne fera que s'accentuer : il faudra près d'un an pour que sortent les actes de l'atelier, dans lesquels les principaux acteurs mobilisés peineront à se retrouver ; à tel point que l'animateur du Résof sera contraint de les reprendre et finalisera une version plus conforme aux échanges qui s'étaient déroulés.

57 Le forum demandait d'ailleurs au Résof de se restructurer « aux niveaux inter régional, régional et local »

Nous aurons l'occasion d'y revenir lorsque nous aborderons le point n°6 « Le groupe d'animation du RESOF ».

Soulignons à ce stade que les élus locaux ne sont pas insensibles aux questions agricoles, et aux questions de formation agricole et rurale, loin de là. Nous en voulons pour preuve un autre atelier, organisé par le pool PMB du Résof à Matam, mais dans lequel le Bureau FPA s'est largement impliqué : consacré aux implications de la SNFAR dans la mise en oeuvre de la nouvelle loi d'orientation agro-sylvo-pastorale, cet atelier d'échanges a connu une participation exceptionnellement forte des élus locaux, avec une vingtaine de présidents de conseils ruraux présents en personne durant les deux journées. Tous ceux qui se sont exprimés ont déclaré leur volonté, dans le cadre des opportunités offertes par la LOASP, d'aller au-delà de la seule concertation sur les questions de formation, pour dorénavant définir des mécanismes d'orientation, de pilotage et de gestion.

IV-1.3. Les plans minimaux de formation des producteurs

Nous avons à plusieurs reprises évoqué la mise en place par le Résof de trois pools58 géographiques :

· Saint-Louis / Louga,

· Delta (Dagana)

· Podor/Matam/Bakel

Confronté à la difficulté d'être suffisamment au contact des acteurs de terrain qui se trouvent à l'échelon des Communautés Rurales (la collectivité territoriale de base), le RESOF a créé fin 2003 ces trois pools répartis dans la Vallée, que sa plaquette présente comme « un dispositif décentralisé de concertation et de mise en oeuvre pour rapprocher l'offre et la demande locale de FAR, composé d'élus locaux, d'OP, d'opérateurs de formation et des projets de développement ».

Ils sont personnalisés par autant de points focaux, à qui il revient d'en assurer l'animation et la liaison avec l'animateur du RESOF. Mais il est à craindre que les difficultés de communication et d'animation à l'échelon supra se retrouvent également dans le fonctionnement des pools, d'autant que leurs missions sont larges :

o Concertation entre acteurs, pour définir les priorités de formation (mais quelle légitimité, sauf à apparaître comme un financeur ?).

o Mobilisation des partenaires et diffusion de l'information.

o Renforcement de capacités pour l'élaboration de programmes. o Validation des programmes de formation des OP

o Appui à la recherche de financement

o Suivi et évaluation de la mise en oeuvre

o Participation à la régulation de la formation au niveau local

Nous verrons, en lien avec le point suivant, que ces pools amènent l'entité RESOF à revendiquer la prise en charge de la demande de formation et de ses spécificités au niveau local, en prenant le risque de se positionner non seulement comme un concurrent des prestataires de formation classiques, mais aussi de se voir accuser de fausser la concurrence en favorisant certains de ses membres qui sont eux-mêmes prestataires.

58 Présentés comme des guichets de concertations sur le site web du Résof : le mot guichet prête évidemment à confusion

Certes, il s'agissait au départ de rapprocher le réseau de ses acteurs de terrain, pour contribuer à améliorer les mécanismes d'identification des besoins et de formulation de la demande de formation. Ces espaces de dialogue entre les collectivités locales, les organisations professionnelles et les formateurs ont vocation, selon le Résof, à définir des stratégies appropriées pour élaborer et mettre en oeuvre des activités et des programmes de formation des producteurs : les plans minimaux de formation des producteurs.

Le qualificatif « minimaux » fait référence aux possibilités limitées de financement des activités de formation ; il s'en suit que ces plans minimaux correspondent à la partie la plus prioritaire des besoins de formation mis en évidence par les diagnostics réalisés.

Imaginés depuis 2004, ils constituent, avec le pool, le second instrument décentralisé de gestion participative du programme du RESOF. Basé sur cinq modules conçus par les formateurs issus des organisations, le plan minimal est validé par le pool qui doit mobiliser toutes les ressources locales disponibles pour sa réalisation (mais l'essentiel des fonds nécessaires provient de la subvention accordée par la coopération suisse au Résof). Un programme de dix plans minimaux est en cours d'exécution, qui a touché jusqu'ici 215 personnes dont 46 femmes, mais le RESOF avoue que la mobilisation des acteurs majeurs comme la SAED ou les agro industriels pose encore problème.

Le pool Podor-Matam-Bakel a été le premier à élaborer des plans minimaux de formation des producteurs, pour les organisations professionnelles agricoles de la Vallée ; à ce jour, dix modules ont été réalisés et dispensés ; cependant, des insuffisances ont été relevées :

· La présence des femmes est inversement proportionnelle au rôle qu'elles jouent dans les systèmes socio économiques ;

· Les résultats de ces plans minimaux déjà mis en oeuvre se situent plus au niveau des individus que de leurs organisations, ce qui paraît limiter la visibilité et la portée des appuis du Résof dans cette zone ;

· Les organisations membres du pool éprouvent de sérieuses difficultés à réaliser les autres modules prévus ; l'animateur du Résof ne mâche pas ses mots lorsqu'il affirme devant nous que « les plans minimaux de formation, ça ne marche pas ! ce sont toujours ces quelques mêmes modules que nous avons encouragé au départ que les gens reproduisent partout, sans changer une virgule ! ».

Dans son plan d'action en cours de validité, le Résof a pourtant prévu d'appuyer la réalisation et l'exécution de plans minimaux de formation dans la zone du pool Delta, mais au bénéfice exclusif des femmes productrices ; il s'agit de l'Initiative Rurale d'Appui Accompagnement aux Productrices du Delta (IRAAPD). Cette initiative conduite sous l'égide du pool Delta s'appuiera dans les prochaines semaines sur l'expérience de deux de ses membres, la FEPRODES et le RADI59, et partira des données collectées lors du diagnostic conduit en 2004 avec le bureau FPA.

30 femmes seront formées pour animer ce processus et participeront à l'élaboration de ce plan minimal, dont l'intitulé évolue pour devenir « Plan minimal communautaire de formation des productrices » ; il se donne pour objectif de fournir aux productrices des outils de gestion appropriés pour améliorer les performances de leurs activités agricoles et non agricoles.

Les plans minimaux sont le fruit d'une pression importante des Organisations Professionnelles sur le Résof ; il s'agit pour elles de faire en sorte que le réseau apporte des services concrets aux individus qui en sont les membres à la base, et pour lesquels la réflexion sur la régulation des pratiques de formation ne constitue pas nécessairement un élément fort de mobilisation.

59 Voie en annexes la liste des membres, et le développé de leurs sigles

IV-1.4. Les fonds locaux de formation

Provenant d'une ligne budgétaire de l'appui suisse au RESOF, un fonds de formation local va bientôt être mis en place au niveau de chaque pool pour (nous citons) « construire une approche novatrice d'appui-conseil ». En fait, ces fonds de formation « à usage local » sont le prolongement logique des plans minimaux de formation des producteurs (trices), semblant parachever une évolution naturelle du Résof vers une intégration verticale des activités du secteur formation, nous aurons du reste l'occasion d'y revenir dans notre analyse globale un peu plus loin.

Adama FAYE, le responsable du Bureau d'Appui à la coopération sénégalo-suisse, parle de ces nouveaux fonds de formation comme d'une expérience destinée à tester un nouveau mécanisme de régulation participative ; dans le cas présent, la régulation peut être prise en charge par des partenaires qui réunissent les conditions de base, c'est à dire :

· Des OP mobilisées autour de la formation,

· Des collectivités territoriales, qui pourraient à travers ce dispositif s'impliquer davantage dans la formation pour le développement de leurs territoires,

· L'existence de services agricoles de conseil, de recherche et de formation, capables d'accompagner le processus.

Pour ce responsable, l'expérience du fonds de formation a une valeur pédagogique : à travers le cadre d'apprentissage que nécessite sa gestion, les acteurs en présence sont formellement associés pour conduire une activité concrète et très précise, et dont la dimension économique est omniprésente ; dans ce contexte, de nouveaux types de rapports pourraient s'établir entre eux, pour concourir à une meilleure articulation entre les demandes et l'offre de formation régionale.

Ce dispositif, qui va également être testé en Casamance et avec le pole de services de Tambacounda et Kolda, bénéficie au démarrage d'une dotation initiale provenant uniquement du bailleur de fonds ; par la suite, les organisations professionnelles et les collectivités locales bénéficiaires tenteront de diversifier les sources de financement, et devront elles mêmes contribuer à abonder le fonds.

Sur le principe, les choses sont relativement simples : à partir de la subvention allouée par la coopération suisse au Résof, une ligne bien identifiée va alimenter un budget « fonds-formation » individualisé pour chacun des trois pools, à charge pour eux de contractualiser avec les communautés rurales une convention de mise en place d'un fonds formation dans celles qui sont intéressées, sous réserve que le Conseil rural de cette collectivité s'engage à participer à la dotation du fonds pour un montant égal au moins à 25 % de la contribution financière du RESOF.

Nous ne pouvons que saluer la volonté des initiateurs de prendre à bras le corps la problématique du financement de la formation agricole et rurale, dans le contexte qui nous préoccupe. Le nerf de la guerre est la plupart du temps une contrainte forte, car la demande est souvent peu solvable, quand elle n'est pas le fait de populations particulièrement vulnérables.

D'autre part, il n'est pas toujours aisé de séparer ce qui relève de missions de service public et de formations d'intérêt public, de classiques intérêts économiques privés ; aussi, l'élaboration des critères d'accès aux fonds formation est une étape cruciale si l'on souhaite éviter les dérives et des négociations sans fin ; nous verrons à la suite toute l'importance qu'il conviendrait d'accorder à quelques précautions à prendre avant que ces fonds ne soient en place (avant que la fièvre ne monte ?) si l'on se donne pour objectif un financement pérenne de la FAR au niveau local.

Quels sont les schémas d'organisation prévus?

(Source : note du bureau d'appui « Conception et test d'un mécanisme de régulation participative de la FAR : le fonds de formation »)

Formulation de la base » (par des OP

demande « à la ou des individus)

La demande doit déjà être argumentée à ce stade (justification, pertinence, impact économique attendu). Un modèle de fiche doit permettre une saisie uniforme pour la base de données

 
 
 

Soumission au Fonds

Formation

Une commission régionale (ou ses démembrements à d'autres échelles territoriales) où siègent des représentants des org. Professionnelles et des coll. Territoriales, qui en constituent le noyau. Y siègent aussi quelques techniciens, formateurs ou conseillers agricoles, choisis au sein des services techniques publics pour leurs compétences (par exemple ARD ou ANCAR).

 
 
 

par la

 
 

Les techniciens n'ont qu'un rôle de conseil, alors que les OP et les représentants des collectivités locales ont un pouvoir de décision

Elaboration du cahier pour l'appel d'offres

des charges

Par la commission, qui s'appuie sur les services techniques de la région

 
 
 

Réception des offres

de formation

idem

 
 
 

des offres de

 
 
 

Exécution des prestataires sélectionnés

formations par les

Et enregistrement des informations dans la base de données

(*)

 
 

Evaluation par les bénéficiaires

REM : l'intervention du fonds est plafonnée à 90% de la requête financière

 
 
 

(*) Cette base de données de suivi des formations financées et dispensées est destinée à mieux rationnaliser et à instaurer plus d'équité dans l'accès à la formation, en limitant les duplications et l'accaparement par toujours les mêmes des places offertes durant les sessions. Mieux, en croisant ces informations avec d'autres, relatives aux systèmes d'exploitation et aux revenus de celles dont les membres ont bénéficié de formations, les initiateurs des fonds de

formation locaux du Résof espèrent que l'on pourra mieux évaluer les impacts de la FAR sur les revenus des bénéficiaires.

Cette idée est louable, mais est-elle réaliste ? elle paraît certes séduisante sur le papier, mais les obstacles sont nombreux : absence de transparence des revenus, vision trop partielle, limitée aux seules formations financées à travers ce fonds, pour ne citer que les plus importants.

En juin 2006, nous avions produit une note de quelques pages sur le financement de la FAR, à l'intention de nos collègues du bureau de la formation professionnelle agricole ; nous souhaitions par ce biais attirer l'attention du BFPA sur les difficultés qui se présentent dès que l'on souhaite mettre en place un fonds formation, et nous nous étions appuyé alors sur notre expérience du Tchad, où nous avions contribué en 2000 à la définition d'un pro décembre jet de coopération dans lequel un fonds de formation, géré paritairement, devait couvrir une grande partie de la zone méridionale de ce pays60.

Pour ne pas trop nous étendre, nous nous bornerons à rappeler quels sont les gros écueils à éviter :

· L'absence d'orientations, de priorités claires, légitimes et largement partagées ;

· Le mélange des genres : entre les fonctions plus « politiques », les fonctions financières et comptables, les fonctions techniques d'instruction des dossiers de demande et aussi d'appui à la construction des demandes, les fonctions d'audit ;

· Une transparence insuffisante dans le traitement des demandes et dans l'attribution des marchés aux opérateurs de formation, ce qui implique un manuel de procédures exempt de reproches ;

· La surcharge, pourtant prévisible, de la cellule chargée d'instruire « techniquement » les demandes d'appui, en termes de pertinence (sauf à se contenter d'un traitement de type uniquement administratif).

Si nous donnons l'impression d'insister lourdement sur ce point, c'est parce qu'il nous semble que le bât blesse : sur chacun des écueils rappelés ci dessus, le montage prévu par les membres du RESOF et par le Bureau d'appui sénégalo-suisse n'est pas exempt de critiques !

Le manuel de procédures en notre possession expose des principes sur quelques pages, mais ne mentionne rien du détail des procédures et de leur emboîtement, c'est à l'évidence une source d'ennuis à court terme. Le bénéficiaire est la communauté rurale, et le fonds vient en appui dans le cadre du Plan Local de développement déjà élaboré par cette collectivité locale. Il prévoit à ce niveau trois nouvelles instances61., toutes composées de bénévoles et dont on ne voit pas bien comment elles pourront s'y prendre pour instruire sérieusement les dossiers qui leur parviennent.

Selon nous, tout ceci semble confirmer le glissement du Réseau vers la maîtrise d'oeuvre directe d'actions de formation au bénéfice des producteurs, et vers la réunion de la fonction opérationnelle de régulation et de celle de pilotage, via les fonds de formation du Résof : quelle place restera t-il alors au futur cadre de pilotage régional de la FAR dans un tel schéma ?

IV-1.5. Le groupe d'animation du RESOF

Un an après la tenue de l'atelier de Saint-Louis, consacré à la mise en place d'un cadre régional de pilotage de la FAR, l'assemblée générale du RESOF du 29 décembre 2005, présidée

60 Il s'agissait du projet de Renforcement des Capacités des Acteurs du monde Rural (RENCAR), clôturé en 2006.

61 Un comité de pilotage émanation du Conseil rural, un secrétariat technique, un comité de sélection

par Babacar DIOP, président du cadre régional de concertation des ruraux (de la région de Saint- Louis), interpellait le secrétariat du Résof sur la non application des recommandations de cet atelier : il lui a été répondu que « le secrétariat avait opté pour une démarche de prudence pour rester dans le sillage des concertations menées par le niveau national »...

Nous notons au passage la préoccupation récurrente des membres du Résof que constitue son autonomisation, vis à vis de son actuelle dépendance excessive aux concours financiers de la coopération suisse ; l'ensemble des contributions financières des membres ne dépasse pas 0,2 % du coût des activités mises en oeuvre.

Depuis Dakar, le BFPA tente alors de donner une nouvelle impulsion à ce dossier ; une équipe se déplacera à Saint-Louis et dans la région du 13 au 15 février 2006, après quelques échanges avec l'animateur du RESOF pour s'accorder sur les termes de référence de cette mission. En complément de cet objectif, il était question de « lier dans une réflexion globale les problématiques du pilotage et du financement de la FAR, ce quipermettrait d'être plus concret sur chacune de ces thématiques, et d'exploiter au mieux la source de mobilisation potentiellement forte que représente le dossier Financement ».

Enfin, à la rubrique « résultats attendus » de ces termes de référence, on peut lire :

· l'étendue de l'implication possible des principales OP et des collectivités locales (conseil régional notamment) est connue, de même que les limites.

· Un groupe de travail est mis en place par le secrétariat du RESOF pour avancer dans la réflexion avec l'appui du Bureau FPA.

· le principe d'un atelier au cours du milieu du 1er semestre est acquis (pilotage ET financement).

Cette mission permettra de rencontrer des acteurs importants, mais peu ou pas du tout en contact avec le Résof : Agence régionale de développement, conseil régional, et deux importantes sociétés d'agrobusiness (SOCAS/tomate industrielle, et GDS/ horticulture d'export), ainsi que les deux plus grosses organisations professionnelles agricoles et rurales de la région, que sont la fédération des périmètres autogérés, et l'association ASESCAW.

Mais il faudra attendre le mois d'août 2006 pour que le secrétariat du réseau nous adresse une note de travail intitulée « Montage d'un groupe d'animation pour la mise en place du cadre de pilotage de la FAR/NORD (GA/FAR) ».

Cette note de sept pages rappelle les éléments du contexte et l'historique, propose un cahier des charges pour le groupe d'animation ainsi que sa composition, et propose un calendrier de travail, qui doit conduire à l'installation du comité régional de pilotage au cours du mois de décembre de cette année 2006.

Le BFPA, ainsi que Mr Madiop HANN, coordinateur des programmes, chargé de la formation de l'imposante Association Socio-économique et Culturelle des Agriculteurs du Walo (ASESCAW de Ross-béthio) et pourtant membre du secrétariat du réseau, relèveront tour à tour ce qui leur paraîtra être une « erreur de conception » : le groupe est composé uniquement d'agents officiant dans le secteur public (fonctionnaires) ; l'absence de représentants de la profession agricole et du secteur privé en général est pointée du doigt, et un accord général se dessine pour remodeler la composition du groupe.

Ce groupe de six personnes ressource (nommément désignées) était composé comme suit :

· Un formateur de l'école d'élevage, responsable du groupe (ministère de l'élevage)

· Le directeur du centre d'initiation horticole de Saint louis (ministère de l'agriculture)

· Un formateur du centre de formation professionnelle et d'économie familiale et sociale de Saint louis (ministère de l'enseignement technique et de la formation professionnelle)


· L'inspecteur d'académie (chargé de « la propagande »)

· Un cadre de l'agence régionale de développement de Saint Louis (chargé des contacts avec les collectivités locales),

· Un cadre du Conseil régional de Saint Louis (chargé de l'organisation et... du budget).

Pourtant, lors de la dernière mission effectuée dans la région par le BFPA en juin 2007, la composition proposée la première fois n'avait pas évolué de façon significative, hormis le départ du responsable du groupe à la suite d'une mutation professionnelle.

Curieusement ( ?) en juin 2007, le nouveau directeur de l'école d'élevage, en poste depuis pratiquement un an, nous déclarera sans ambages qu'il ignore tout des activités du Résof, et se demande si cette organisation est encore active !

Nous relevons dans la note du Résof citée plus haut, et manifestement peu partagée en interne avant notre arrivée, des confusions répétées et assez grossières entre les missions du groupe d'animation (dont le rôle est de préparer la mise en place du cadre régional de pilotage, en levant si besoin les obstacles identifiés) et les attributions du cadre de pilotage lui-même.

Ainsi le cahier des charges liste les responsabilités des animateurs de ce groupe ; parmi celles-ci, nous avons eu la surprise d'y lire :

« réaliser des synthèses sur des questions importantes et d'actualité, telles que le financement de la FAR, le statut du cadre de pilotage, ... /... la certification des compétences et des services fournis, qui peut et qui doit assurer la formation agricole et rurale.

Nous nous posons dès lors la question de la compréhension de toute cette dynamique par le ou les auteurs de ce cahier des charges et, partant, celle de l'écoute et de la compréhension des interlocuteurs que ce groupe a pu approcher au cours de l'année écoulée.

Nous relevons également ce que nous appellerons une tendance à la « consanguinité », l'importance cruciale des contacts à nouer avec les élus des collectivités locales étant confiée à un technicien de l'agence régionale, tandis que le représentant du Conseil régional se voit chargé des questions de budget (l'aurait-on appelé uniquement en raison de la capacité contributive de son organisme ?)

Mais surtout, dans cette configuration le Résof en tant que tel, déjà assez peu visible, disparaît au profit d'individualités qui se présentent d'abord en fonction de leur employeur véritable.

Au final, nous ne pouvons nous défaire d'une impression de jeu de cache-cache entre le Résof et le conseil régional de Saint-Louis d'abord, mais aussi avec les trois autres conseils régionaux qui se partagent la vallée du fleuve Sénégal. Les élus locaux et leurs services sont actuellement mobilisés par la dynamique créée par le projet national de développement rural62, drainant des sommes colossales. Par ailleurs, nombre de responsables d'organisations professionnelles sont également des élus locaux, notamment au sein des Conseils ruraux : quand on sait que les actions de formation représentent souvent un des plus gros budgets des collectivités, et l'instrument privilégié de nombre de « développeurs », on ne peut que regretter ce qui s'apparente, à nos yeux du moins, à un gâchis.

IV-1.6. La formation innovante pour les jeunes ruraux

Le point de départ de cette initiative remonte à l'atelier de Matam, organisé les 28 et 29 septembre 2005 au centre polyvalent de formation des producteurs de Ogo par le RESOF (pool PMB), en partenariat avec le BFPA. En vulgarisant le contenu de la loi d'orientation agricole, et en mettant en évidence les points de jonction avec la stratégie nationale de formation agricole et rurale, l'objectif recherché était de permettre aux acteurs locaux de formuler des propositions

62 PNDL, créé à partir de la fusion entre les anciens projet national d'infrastructures rurales, et l'agence nationale du fonds de développement social ; il s'agit d'un accord de crédit avec la banque mondiale, d'environ 100 milliards de Fcfa.

concrètes pour la prise en charge de la formation des jeunes ruraux, et de leur insertion dans l'économie locale, essentiellement rurale.

Le résumé exécutif du rapport de l'atelier insiste sur le fait que la LOASP, en reconnaissant formellement le rôle central des organisations professionnelles agricoles et des collectivités locales dans la mise en oeuvre des politiques rurales, offre des réelles opportunités aux acteurs locaux pour proposer des solutions originales et endogènes, en matière de formation et d'insertion professionnelle des jeunes ruraux.

Par la suite, le Bureau FPA aura plusieurs séances de travail avec le centre d'initiation horticole de Saint-Louis, afin de traduire concrètement, et dans le sens souhaité, l'évolution de la formation des jeunes telle qu'elle était jusqu'alors pratiquée : un cycle standard de près de neuf mois en horticulture et aviculture, un contenu de formation identique pour tous les jeunes, quel que soit leur milieu d'origine et leur projet individuel.

Cette volonté de passer du stade du désir à celui de la réalisation est à mettre au crédit du BFPA, en réponse aux exigences d'organisations paysannes peu attirées par les cycles standards de formation proposés aux jeunes ruraux par le CIH de Saint Louis : de plus, le long séjour des jeunes ruraux dans la capitale régionale les transformait au point de leur faire quitter définitivement leur milieu d'origine.

Un long et patient travail d'explication et de persuasion commençait alors, pour expliquer aux formateurs du centre de formation « officiel », sorte de démembrement de l'Etat central régalien, qu'il fallait désormais passer d'une politique du « c'est ça ou rien ! » à une écoute plus attentive des représentants de la profession agricole, concernant les besoins des bénéficiaires potentiels (que l'on appelle encore des cibles aujourd'hui, mais qui pourraient très rapidement devenir des « clients »).

En parallèle de ce face-à-face, la nécessité d'impliquer les autres parties prenantes, dont bien sûr le Résof, conduira le BFPA à proposer de prendre en charge la tenue d'un atelier de partage à ce sujet en novembre 2006 ; les deux OP « mastodontes » de la région seront bien représentées et auront l'occasion, deux jours durant, de faire valoir leur point de vue. Toutes les parties présentes s'accordent sur le rôle qu'elles joueront dans cette partition, et sur le format (dans les grandes lignes) de la future formation de jeunes qui sera mise en place sous l'égide du CIH de saint Louis, mais avec le concours du Résof, des OP et du BFPA.

Malheureusement, la mouture qui sera élaborée par le Résof traduira quelques débordements des OP, avec par exemple des investissements assez conséquents, sans rapport avec les possibilités réduites de contribution financière du Bureau FPA. Ce décalage imprévu donnera lieu à plusieurs échanges, sans qu'une solution satisfaisante ne soit trouvée, en rapport avec les financements mobilisables de part et d'autres.

Cette initiative en restera donc là, malgré des propositions majeures d'innovation :

· Une formation majoritairement pratique, en milieu professionnel,

· Des intervenants multiples, des formateurs paysans,

· Une formation « saisonnalisée » et contextualisée

· Des contenus basés sur la recherche de solutions à des problèmes concrets, déjà vécus, plutôt qu'un programme à dérouler.

En désespoir de cause, le bureau formation, en accord avec le CIH, se rapprochera alors de l'office national de formation professionnelle, afin de pouvoir orienter au profit des OP de la vallée les quelques sessions de formation que l'ONFP avait l'habitude de financer chaque année en faisant appel aux centres de formation publics.

Un échange de correspondances entre le CIH de Saint louis et l'ASESCAW (mandatée aussi par la FPA) entre les 20 et 30 avril 2007 traduit les difficultés à construire ensemble quelque chose, alors que tout porte à croire qu'il en va de l'intérêt de chacun. Ainsi, le directeur du Centre de formation informe les présidents de ces deux OP de l'avis favorable de l'office national (ONFP) pour réorienter une bonne partie du quota annuel de la formation des agro maraîchers que celui-ci confiait au CIH pour 2007, soit i) une session « arboriculture fruitière » pour trente personnes, et ii) une session « techniques de production horticoles » pour vingt personnes. En outre, il est précisé :

· que l'ONFP octroie une indemnité journalière de transport d'un peu moins de un
euro par personne, payable après le dépôt du rapport de la session de formation,

· que pour manifester sa bonne volonté, le CIH préfinancera sur son budget-Etat le paiement de cette indemnité journalière versée à chaque participant,

· et qu'il s'engage de plus à verser aux deux OP une contribution de 200 000 FCFA (trois cent euros environ), représentant l'intégralité de la part du comité de gestion du centre (que par soucis de compréhension, nous appellerons les bénéfices du centre prestataire pour cette opération).

En précisant que cette somme pourrait servir à assurer la restauration des participants, « ou au règlement de tout autre chapitre de dépenses que vous jugerez prioritaire63 », le directeur du centre attend la confirmation de l'accord des OP pour les dates retenues des deux sessions de formation.

Une semaine plus tard, toute empreinte de courtoisie, la réponse des OP sera néanmoins assez cinglante ; qu'on en juge plutôt : s'il accepte avec plaisir l'offre qui lui a été proposée, le conseil d'administration émet des réserves d'importance, ainsi ne lui agréent :

· ni la démarche du CIH, qui n'a pas recherché d'accord préalable sur les contenus de formation, les méthodes, les objectifs et les ressources pédagogiques ;

· ni sur les conditions de participation,

· ni sur les moyens nécessaires à leur réalisation, en l'absence d'évaluation commune, qui n'a pas permis à l'OP de prendre en temps utile des dispositions pour rechercher des compléments de financement.

Nous ne pouvons lui donner tort sur ces différents points évoqués ; les maladresses pointées, dans la démarche du CIH, sont à mettre sur le compte de l'apprentissage de ce dernier, mais que le temps s'écoule vite !

Il est presque cocasse de devoir préciser que les deux signataires de ces échanges épistolaires se retrouvent fréquemment au sein des instances de pilotage du RESOF, et du CIFA qui l'héberge, tandis que l'entité RESOF aura été étrangement absent sur ce chantier potentiellement mobilisateur, et d'un intérêt politique et stratégique évident (lutte contre l'émigration et l'exode rural)64 ; à sa décharge, il nous faut reconnaître que l'animateur du Réseau aura été pris à 100% durant plusieurs mois par la préparation d'un séminaire international.

IV-1.7. L'implication « transversale » du BFPA depuis 2004

Sur la plupart des chantiers et actes listés ci dessus, le bureau de la formation professionnelle agricole est un acteur majeur et régulièrement cité, nous n'y reviendrons donc pas. Par contre, il

63 Lettre n°00027/CIH/SL du 20/04/2007, enregistrée par l'ASESCAW le 24 avril 2007 sous le numéro d'arrivée 000633

64 Le site sénégalais « Orange » fait état sur sa Une du 22/08/2007 de l'arrestation, la veille, de trois cent candidats à l'émigration clandestine, au large des côtes sénégalaise et gambienne ( www.orange.sn)

n'a pas à notre connaissance été associé, ni de près ni de loin, à la définition et à la mise en place des plans minimaux de formation des producteurs, et des fonds de formation locaux.

Nous notons, à contrario, que le RESOF est resté sourd à l'invitation du BFPA de lier les deux chantiers du pilotage régional et du financement de la FAR ; à vrai dire, ceci n'est pas tout à fait exact : le RESOF a bien tenté de les lier, mais sans juger utile d'y associer le BFPA (Cf les termes de référence de la mission du BFPA de février 2006, évoqués au chapitre « IV-1.5. Le groupe d'animation du RESOF » en page 74).

Faut-il en déduire que le financement de la FAR est une problématique très (trop ?) sensible ?

Il est du reste étonnant que le bureau d'appui à la coopération sénégalo-suisse, qui subventionne depuis 2004 les fonds formation locaux, le Résof lui-même et le BFPA, n'ait pas cru devoir intervenir pour obliger ses partenaires à travailler ensemble sur ce point précis ; nous tenterons une explication en évoquant la méfiance que peut inspirer aux organisations de la société civile un service de l'Etat, même s'il s'agit du Bureau FPA, dans une période (2006) où son ministère de tutelle _et son nouveau ministre_ a durci le ton et ouvertement défié les organisations paysannes par quelques provocations inutiles.

Avec le projet de Promotion d'une agriculture compétitive et durable, de la coopération française, le Bureau dispose depuis peu d'une autre source d'appui technique et financier ; une partie de ce projet est destinée à faciliter la mise sur pied d'autres réseaux régionaux d'acteurs de la formation, et d'autres cadres régionaux de pilotage de la FAR ; des lignes budgétaires prévoient notamment la prise en charge de leurs rencontres périodiques.

La difficulté, on le comprendra aisément, tient pour l'essentiel dans le travail d'animation qui doit être conduit avant la mise en place de ces différents cadres. S'il suffisait d'un arrêté ministériel ou du gouverneur de région pour convoquer les acteurs locaux et décréter ainsi qu'un cadre régional de pilotage de la FAR a été mis en place, les choses seraient somme toute plutôt simples. Malheureusement (ou plutôt heureusement) on ne peut obliger un acteur à coopérer contre son gré, ou s'il n'est pas convaincu du bien fondé et de l'utilité de son engagement.

D'un autre côté, il ne peut être question que ce travail d'animation et de mobilisation en région soit du ressort exclusif, ou même principal, du Bureau formation basé à Dakar, si l'on vise l'appropriation de la démarche par les acteurs concernés. C'est pourquoi le BFPA s'appuie systématiquement sur ce qu'il a coutume d'appeler une « porte d'entrée » dans une région, c'est à dire une structure ou une construction d'organisations locales, qui ont montré leur capacité à porter une dynamique d'ensemble.

Selon les régions, les configurations varient très fortement et il n'y a donc pas de modèle pré établi : ici, les collectivités locales sont les porteurs de l'initiative, là par contre elles sont totalement absentes de la dynamique, au profit des services techniques et du secteur privé.

Dans la vallée du fleuve Sénégal, et même si les choses ne se présentent pas sous leur meilleur jour, le RESOF est La porte d'entrée « rêvée » !

· Même si la visibilité du réseau est mise en cause, sans doute un peu rapidement, par le responsable du centre national de formation des techniciens d'élevage, ou même par le nouveau directeur du développement rural de la région de Saint-Louis, dont le service est membre non cotisant du Réseau,

· Même si Mr Mody AW, l'animateur du Résof, a la dent dure envers certains membres, « qui ne savent plus vraiment pourquoi ils sont membres », ou « qui disent que le Résof n'a rien fait, simplement parce qu'ils n'ont pas eu à en bénéficier directement »,

· Même s'il faut beaucoup de temps pour obtenir quelques avancées,

On ne peut pas faire table rase de tout ce qu'a fait le RESOF, ainsi que nous l'a rappelé le directeur du centre d'initiation horticole de saint louis, et il a raison ; les gens se connaissent et s'apprécient, chacun sait « d'où parle l'autre » et ce dont il est capable : à l'échelle d'une région, ces acquis n'ont pas de prix pour construire une oeuvre commune, qui repose essentiellement sur des hommes !

Le BFPA le sait bien, lorsqu'il accompagne le réseau et, malgré la lenteur apparente du chantier, il s'appuie sur les enseignements tirés d'autres initiatives et de ses interventions dans d'autres régions pour que l'attelage avance. Après tout, il y a cinq ans, qui connaissait le RESOF ? Quant au BFPA, il n'existait tout simplement pas encore.

IV-2. QUELLES LEÇONS TIRER ?

Probablement en raison de difficultés persistantes à trouver ses marques dans le domaine de la régulation de la formation agricole et rurale, le RESOF a vu ses interventions et ses postures dans la vallée du fleuve Sénégal osciller et évoluer au fil du temps ; il est passé à plusieurs reprises d'un club de réflexion à un terrain d'expérimentation, jusqu'au moment où il est venu buter sur les questions de financement de la FAR, ou plus exactement sur des questions de sécurisation des financements, et donc de pérennisation des activités de formation (activités « d'amont et d'aval » incluses).

Dès lors, des changements importants s'opèrent. Vers la fin de la période au cours de laquelle la coopération suisse avait appuyé directement les écoles nationales de formation des techniciens du développement rural, elle avait tenté de résoudre ce problème du financement en créant des fonds de formation continue, directement contrôlés par ces mêmes écoles : autant dire que l'expérience s'était avérée peu concluante, la « partie offreuse » n'ayant pas véritablement besoin de l'avis de « la partie demandeuse » pour émarger sur ces fonds de formation.

Aujourd'hui, de nouveaux fonds locaux sont mis en place, à titre expérimental et via le RESOF. Les actions de formation éligibles à ces fonds font l'objet d'une sélection, in fine avalisée par les représentants des collectivités locales et des organisations professionnelles ; c'est le moyen qui a été trouvé pour que la demande de formation « pilote » l'offre de formation, et donc en principe une garantie de plus pour que l'offre de services s'attache à mieux satisfaire les demandeurs.

Le Résof a d'abord ressemblé à un aimable club d'échanges de pratiques entre professionnels de la formation qui, à l'occasion, était capable de mobiliser quelques ressources pour l'organisation d'un atelier de partage ou pour une session de formation au bénéfice des animateurs et/ou responsables de ses organisations membres.

Il a ensuite connu, de notre point de vue, quelques dérives en se faisant mécène, et en finançant la participation de certaines de ses organisations membres à des foires et salons, pour tenter de freiner la démotivation de ses membres.

Aujourd'hui, avec les plans minimaux de formation des producteurs, et les fonds locaux de formation, le réseau devient bailleur de fonds et, qui plus est, une sorte de chef d'orchestre des collectivités locales de base (les conseils ruraux), devant lesquelles il agite des subventions alors que dans le cadre de leurs plans locaux de développement, la quasi totalité de ces communautés rurales n'arrive pas à réaliser le tiers de leurs plans locaux de formation, faute de capacité suffisante de prise en charge.

Nous y voyons là deux travers importants, porteurs de risques sérieux pour l'avenir :


· le rôle de bailleur de fonds (même si la coopération suisse s'en défend) du Résof n'a pas d'avenir ; il n'est qu'un intermédiaire dans le cheminement des subventions de la coopération suisse, un peu à la manière d'un projet de développement : aucune pérennité du financement et de sa source ne peut donc être espérée sur ce plan.


· le glissement du Réseau vers la maîtrise d'oeuvre directe d'actions de formation au bénéfice des producteurs, et vers la réunion de la fonction opérationnelle de régulation et de celle de pilotage, via les fonds de formation et leurs mécanismes.

Dans notre premier Mémoire de recherche, nous lancions un avertissement en écrivant ceci :

« Le RESOF ne poursuit pas de but lucratif, ce n'est ni un acteur économique, ni une association de défense d'intérêts catégoriels. Les évolutions récentes de cette structure transversale que nous avons jugé utile de relever portent à croire qu'il s'oriente désormais vers une intégration verticale rassemblant les rôles de maîtrise d'ouvrage (décision et financement), de maîtrise d'oeuvre (coordination, validation et choix des solutions) et d'opérateur via ses membres (réalisation des sessions de formation).

Dans ces conditions, il n'est pas interdit de penser que cette nouvelle configuration du Résof, dont le penchant à l'autarcie transparaît de prime abord, rende plus aléatoire la perspective de création d'une instance régionale légitime de pilotage de la FAR ; de plus, le caractère conflictuel de leur future cohabitation, sur des missions qui se chevauchent, ne doit pas être écarté ».

Dans un tout autre registre, et à niveau constant de ressources humaines et financières, l'attention nécessaire que le RESOF devra consacrer aux activités relevant « de l'opérationnel » risque de faire passer au second plan l'importance des enjeux stratégiques originels ; or, sans enjeux stratégiques, et en l'absence d'enjeux économiques à forte visibilité, l'hypothèse d'un retrait des membres les plus influents au plan politique et économique ne peut pas être écartée.

La manque de visibilité du Réseau nous a été rapporté par plusieurs interlocuteurs de la Vallée ; les vice-présidents de ses plus grosses organisations membres le confondent avec le CIFA, le centre de formation qui l'héberge.

Il oscille aussi en permanence entre les aspirations et les pressions des deux principales catégories de membres qui le composent : les formateurs et prestataires de formation d'un côté, les organisations professionnelles agricoles, demandeuses de formation, de l'autre.

Les fonds locaux de formation apportent aussi leur lot de complexification : d'un fonds régional, au service d'une politique régionale de FAR, on semble glisser, sans doute pour davantage de visibilité `sur le terrain) justement, vers des fonds locaux au niveau de la communauté rurale : soit, mais au service de quelle politique ? pour quel impact sur le cours des pratiques que l'on se proposait au départ de faire évoluer vers davantage de qualité, de probité et de professionnalisme ?

Dans le même temps, tous les échelons des collectivités territoriales ainsi que toutes les agences régionales de développement, qui en sont le bras technique, sont tournées vers le démarrage du programme national de développement local (PNDL) dont nous avons déjà parlé, censé injecter sur l'ensemble du territoire les financements qui faisaient défaut jusqu'ici.

Bien sûr, même s'ils sont importants puisque se chiffrant à plus de cent milliards de Francs Cfa, ces sommes ne suffiront pas à régler toutes les difficultés rencontrées à l'intérieur du pays, ni à rendre suffisamment attractif le milieu rural pour stopper l'exode en cours.

Mais il nous semble malgré tout que le RESOF est en train de passer à côté d'une belle opportunité ; s'il s'était réellement investi dans le lobbying nécessaire auprès des élus du Conseil régional (notamment), alors même que les élus des Communautés rurales65 ont déjà compris tout l'intérêt d'un pilotage stratégique, il aurait pu se positionner comme un interlocuteur privilégié et reconnu des organes opérationnels du PNDL, dans le champ de la régulation ; ensuite, son invitation à s'intéresser au pilotage aurait peut être été mieux entendue, ou prise davantage au sérieux.

65 Qui « pèsent » lourd, démographiquement et économiquement, face aux conseils régionaux.

A contrario, en se dispersant pour contenter le plus grand nombre, les insatisfaits sont au final les plus nombreux, et les objectifs bien vastes, ou flous si l'on préfère, pour des ruraux qui ont besoin de temps à autre de résultats bien identifiables.

Ne sachant trop comment s'y prendre pour mobiliser, « sur du concret », toutes les catégories d'acteurs destinées à se partager le pilotage de la FAR dans la Vallée, le Résof hésite, traîne, donne l'impression de ne pas savoir jusqu'où il veut aller, et vers où il veut entraîner les autres dans cette « histoire » : il ne rencontre dès lors que méfiance et évitements polis.

Comment rompre avec cette dynamique d'enlisement, qui a montré toutes ses limites depuis ce fameux atelier de décembre 2004, où toutes les parties prenantes « déclaraient leur flamme » pour participer ensemble au pilotage de la formation agricole et rurale ?

RECOMMANDATIONS

Au chapitre des recommandations de notre précédente étude du RESOF, nous proposions, notamment :

· un changement d'approche en direction des décideurs, pour une relation gagnant-gagnant,

· Une plus grande capacité de veille, pour une plus grande réactivité, et pour lutter contre l'entropie du système,

· Des manifestations ciblées, à caractère stratégique, d'où émergent des idées nouvelles, ou bien qui portent en germe l'évolution des comportements de demain,

· La recherche d'une identité plus visible, pour affirmer son expertise,

· Un engagement net en faveur des bonnes pratiques, en les citant,

· L'expérimentation de pratiques qui s'inscrivent clairement en rupture des modèles en usage.

La question des pools doit également être débattue, car problèmes il y a. Nous comprenons bien la justification de leur mise en place, au vu de l'ampleur de la zone d'intervention potentielle du Réseau, mais les avantages semblent limités, à l'aune des résultats visibles. Le pool de PodorMatam-Bakel est le plus étendu, avec tout ce que cela comporte de difficultés pour se rencontrer régulièrement, pour communiquer tout simplement. Sur une telle distance, et compte tenu des moyens mobilisables, n'importe quelle dynamique ferait long feu ; ce n'est pas une question de motivation au sein du pool PMB, qui ne nous semble pas être le dernier dans ce domaine.

Le pool de Saint-Louis a, par la force des choses, une forte coloration urbaine : peu d'organisations professionnelles agricoles, beaucoup d'opérateurs aux statuts variés, la plupart basés dans la capitale régionale. Celui du delta paraît le moins dynamique ; il présente la particularité de regrouper le moins de membres (moins d'une dizaine), mais c'est en son sein que l'on trouve des organisations professionnelles construites sur des bases économiques importantes : les périmètres irrigués et les Unions hydrauliques, qui en assurent la gestion que leur a rétrocédé l'Etat ; il n'est pas très étendu, ni trop éloigné des commodités que peut offrir Saint-Louis.

Malgré ces différences, aucun pool ne fonctionne vraiment de façon satisfaisante ; l'animateur du Résof en convient bien volontiers, lorsqu'il nous déclare ceci en juin dernier :

« on a mis en place des pools pour rapprocher les gens, mais ça ne marche pas mieux ; les réunions, les plans d'action proposés ne mènent à rien de concret ! »

Du concret : c'est bien de cela dont ont besoin les individus qui représentent les fils de la toile du Réseau, cela implique en principe d'adapter les moyens au rayon d'action, et vice-versa, car un réseau a besoin d'un flux régulier d'échanges pour exister et se développer. Un fonctionnement par à-coups, des rencontres trop espacées, l'absence de vecteur de communication efficace et adapté aux profils variés des membres, tout ceci ne porte pas à l'euphorie.

Tous ces points ne peuvent produire leurs effets de manière efficiente que si un point de mire se détache de l'horizon ; dans la négative, la dispersion des ressources occasionnée par les tâtonnements et les bifurcations, ainsi que la désorientation qui en résultera d'une partie des acteurs seront source de nouveaux problèmes.

Nous avons montré que la dynamique créée en 2004 s'est assez rapidement essoufflée, et que le secrétariat exécutif du réseau se retrouve bien seul pour la porter au plan régional en 2007.

Redonner du sens : si nous ne devions formuler qu'une seule recommandation à la suite de ce travail, ce serait celle-ci ! Redonner du sens à ce qui se fait, pour ne pas décourager les uns, pour intéresser et attirer les autres, parce que la légitimité d'une poignée d'acteurs pourra toujours être mise en doute par les autres, ceux qui ne sont « ni dedans, ni avec ».

Mais tout d'abord, pour qu'un réel pilotage régional dans la Vallée du Fleuve Sénégal ait quelque chance de voir le jour, une mise à plat du RESOF nous paraît incontournable ; un atelier interne, destiné à « libérer » la parole des membres, pourrait permettre i) de rappeler quels sont les résultats atteints à ce jour, et ii)ce qu'en attendent ses membres à l'avenir. Quelles sont leurs éventuelles frustrations, déceptions, souhaits ?

Un accord, des consensus, des compromis en sortiront, qui devront être appliqués sans faillir, et sans tarder, pour garder la crédibilité indispensable. Peut être que certains membres quitteront la partie, mais le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ? Une base ressoudée autour d'objectifs communs n'est-elle pas préférable à un aréopage dont l'attelage semble improbable ?

Cet atelier devrait permettre dans une première partie, grâce aux clarifications auxquelles il donnera lieu, de s'accorder sur des objectifs concrets et « sexy » à atteindre en matière de régulation, afin d'éviter de dériver vers une posture « stratosphérique » ; les personnes ont besoin de concret, ne serait-ce que pour justifier auprès de leurs propres organisations le temps qu'elles consacrent au réseau.

Dans un second temps, cette rencontre devrait permettre de débusquer, d'identifier, de nommer les difficultés de toutes sortes, engendrées par les lacunes actuelles dans le domaine du pilotage, c'est à dire de la définition des orientations, des moyens privilégiés et des arbitrages à réaliser pour conserver le cap fixé, et tendre vers les objectifs dans les délais précisés au départ.

Autrement dit, piloter pour faire quoi ? pour modifier quelle situation ? pour aller vers quel nouvel état ? A toutes ces questions, les membres du RESOF se doivent d'apporter, ou de construire ensemble, des réponses claires sur lesquelles on s'accorde, avant de faire naître l'ambition de vouloir les faire accepter par les autres acteurs.

Le Bureau de la formation professionnelle agricole, qui doit par ailleurs animer le travail de mise en place d'un cadre national de pilotage de la FAR, doit en parallèle préciser, écrire « ce qu'il met » dans ce terme de pilotage, pour pouvoir le partager, _c'est bien le moins_ avec les membres du résof.

Dès que possible, il sera souhaitable d'élargir cette discussion à d'autres, d'une part parce que l'attelage BFPA-RESOF n'est pas « naturel », ni au plan fonctionnel, ni au plan opérationnel, d'autre part parce qu'il est indispensable d'accrocher l'intérêt des autorités locales, avec l'appui des services techniques de l'Etat et des collectivités territoriales, et « d'écouter » quels sont leurs centres d'intérêt et leurs préoccupations.

Pour marquer une inflexion dans les tentatives de rapprochement du réseau avec ces collectivités, un atelier d'échanges formaliserait le bilan que l'on peut aujourd'hui tirer : quelles avancées depuis l'atelier de décembre 2004 ? Quels sont les points de vue des uns et des autres ? leurs appréhensions et leurs incompréhensions ?

Redonner du sens ! cette expression utilisée pour préciser l'avenir dans le champ de la régulation de la FAR vaut également pour préciser ce que chacun entend par pilotage : dans quel esprit, selon quelles modalités, jusqu'où ?

Ce qui en sortira pourra être retravaillé avec l'appui de la recherche et de l'enseignement supérieur, pour dessiner un point de mire acceptable par toutes les catégories d'acteurs ; arrivés à ce stade, l'installation d'un cadre de pilotage régional sera un acte purement formel, qui

constituera une étape ou un résultat intermédiaire, vers la longue marche du pilotage de la Formation Agricole et Rurale.

En théorie, les champs d'intervention de l'instance de pilotage et du Résof ne prêtent pas à confusion : l'un est légitime pour proposer des orientations, définir des priorités d'intervention, tandis que le second, si son expertise est reconnue et avérée, a vocation à éclairer le premier, à fournir de l'information de première main, à tester de nouvelles pratiques. Mais c'est la théorie...

Il est aujourd'hui prématuré, selon nous, de creuser davantage vers une sorte de clé de répartition des attributions entre ce futur cadre de pilotage que tous souhaitent, et le RESOF ; l'apprentissage comme souvent se fera en marchant, et des frictions semblent inévitables sur des dossiers forcément communs.

Une problématique au moins est commune au pilotage et à la régulation ; ce n'est pas sur le long terme la plus importante nécessairement, en termes d'impacts, mais elle a trait au nerf de la guerre ; pour que la construction progressive de mécanismes durables de financement de la formation rurale devienne réalité, il est urgent qu'un débat s'engage sans tarder entre trois acteurs : le RESOF bien sûr, mais sans le restreindre aux seuls cinq membres constituant son secrétariat, le BFPA et le partenaire de la coopération suisse (Bureau d'appui).

Des efforts communs peuvent encore permettre d'éviter un dévoiement des fonds de formation locaux, notamment en revisitant de façon plus terre à terre, plus pragmatique les procédures déjà ébauchées, pour produire un véritable guide de procédures qui ne laisse pas place à l'approximation ; sans cela, l'aventure tournera court avant même que l'on ait pu en tirer des enseignements.

Bien sûr, ces fonds formation auraient pu être le prétexte à imposer un pilotage régional, sous forme de conditionnalités au déblocage des fonds, mais en matière de durabilité des systèmes humains d'inspiration non coercitive, imposer ne vaut pas convaincre.

CONCLUSION

U

nous nous rapprochions de cette conclusion. n sentiment de frustration s'est peu à peu emparé de nous, au fur et à mesure que

Après avoir réalisé deux Mémoires sur ces questions de régulation et de pilotage, avec en toile de fond la vallée du fleuve Sénégal et ses acteurs, que nous côtoyons depuis bientôt quatre années, il nous semble que la possibilité de se raccrocher à une recette infaillible, pour atteindre sans coup férir l'objectif de _simplement_ mettre en place une instance de pilotage de la FAR à l'échelle de la région, s'éloigne irrémédiablement.

Tout ceci avait pourtant l'air assez simple, lorsque nous relisons quelques paragraphes du projet de la coopération française : « il s'agira d'appuyer la création de cadres de pilotage de la formation agricole et rurale et de réseaux de formateurs dans quatre régions du Sénégal, .../... le projet prendra en charge les dépenses occasionnées par les rencontres annuelles des instances de pilotage, et les rencontres semestrielles des réseaux ».

Une rédaction en ces termes pourrait laisser à penser qu'il suffit de produire un acte réglementaire quelconque, à l'image d'une baguette magique, pour que d'un coup tous les acteurs potentiellement concernés s'animent et s'affairent à améliorer la qualité des prestations de formation, à produire des normes, des agréments et des procédures, pour davantage de transparence, d'efficacité et d'efficience...

Nous forçons sans doute le trait, mais le travail réalisé ne nous satisfait pas pleinement, loin s'en faut. Nous avons tenté de garder une certaine neutralité, à mi chemin entre l'acteur à part entière que nous sommes, en qualité de conseiller du Bureau de la formation professionnelle agricole, et « l'observateur », l'étudiant à qui l'on confie, pour les besoins de sa formation, la tâche de conduire une étude ; cela explique probablement l'effacement qui caractérise notre posture en permanence : on discernera sans doute assez mal la place que nous avons réellement prise dans le déroulement de ce processus, mais là n'est pas le plus important, puisque le rôle que l'on nous a confié prendra bientôt fin ; seuls comptent vraiment les acteurs en mesure de porter plus loin cette dynamique à Saint Louis, ou dans une autre région administrative de la Vallée, pour que « la représentation aille à son terme ».

La complexité d'une situation ne saurait s'accommoder de la facilité de solutions tentantes ; or tout ou presque ici est source de complexité : des organisations humaines, composant des systèmes imaginés pour améliorer l'impact et l'efficience de prestations intellectuelles par l'exemple et la persuasion, dans la mesure où l'Etat n'a pas les moyens de se faire respecter s'il lui venait à l'idée de légiférer dans ce domaine. ajoutons à ce tableau l'extrême jeunesse de l'ensemble des acteurs évoqués au cours de notre travail : l'Etat lui-même n'a pas encore fêté ses cinquante ans, les communautés rurales n'ont que trente ans d'existence tandis que le conseil régional a vu le jour en 1996 ; la stratégie nationale de FAR, la reconnaissance par l'Etat du rôle des OPA dans l'élaboration et le suivi des politiques agricoles et de développement rural datent de la fin des années 90 ; enfin, le RESOF est né au cours de l'an 2000 et le Bureau Formation

Professionnelle Agricole en 2003 : Paris ne s'est pas faite en un jour, rappelle le dicton aux impatients.

Nos critiques parfois acides quant à la lenteur du processus, ou quant aux atermoiements de certains de ses acteurs, s'explique par le fait que le temps nous est compté : notre lettre de mission fait office de sablier. De ce fait, notre base de temps est décalée avec celle des acteurs qui sont nés à proximité du fleuve Sénégal ou qui ont décidé de s'y établir, c'est ainsi.

Sans doute aurions nous pu davantage convoquer les fondements théoriques des enseignements qui nous ont été délivrés, pour enrichir ce travail ; peut être aurait-il pu être mieux structuré, c'est fort possible.

Malgré ses limites, nous espérons néanmoins que notre travail pourra rejoindre l'oeuvre de capitalisation que s'est fixé le Bureau de la formation professionnelle agricole, car la capitalisation est souvent l'activité sacrifiée en premier lorsque le temps et les ressources humaines deviennent les facteurs limitant. Nous osons croire également qu'il pourra alimenter le dialogue entre les différents partenaires en lice au cours des prochaines semaines, tant par les constats et les suggestions qu'il renferme que par ses imperfections.

ANNEXES

La nouvelle économie institutionnelle

Cette école, dont North, Fogel, Coase, et Williamson sont les chefs de file, a mis en évidence l'importance des institutions dans les processus complexes qui régissent le fonctionnement des marchés et créent les conditions d'un développement économique réussi. Les institutions sont « les règles du jeu » (ensemble de règles formelles), les codes de bonne conduite (ensemble de règles informelles) qui façonnent les comportements humains dans une société.

Le concept d'institutions se rapproche de la notion marxiste de superstructure idéologique de la société, sauf qu'ici la relation est inversée. Alors que, pour Marx, le mode de production auquel sont assujettis les hommes détermine leur conscience et façonne la superstructure idéologique de la société, la nouvelle économie institutionnelle prône que les institutions ont des effets économiques.

Comprendre le rôle des institutions dans le développement économique nécessite de rapprocher cette notion de celle de coût de transaction. En effet, depuis Ronald Coase, à côté des coûts de production, il faut prendre en considération les coûts de transaction sur le marché. L'idée de la nouvelle économie institutionnelle est assez simple en substance. Les coûts de production et les coûts de transaction évoluent en sens inverse au fur et à mesure que la société se développe et devient plus complexe.

Dans une société développée, les relations économiques deviennent impersonnelles à mesure que les personnes se spécialisent. Dès lors, les coûts de transaction deviennent croissants (coûts de recherche antérieurs à la transaction, coûts de négociation sur les termes du contrat, coûts d'application des termes du contrat). Dans ce type de société, la division du travail permet la baisse des coûts de production, mais ces gains de productivité sont contrebalancés par des coûts de transaction plus élevés. Le développement économique s'accompagne donc, parallèlement à la baisse des coûts de production, d'un accroissement des coûts de transaction. Toute la problématique du développement réside donc dans la capacité des institutions à faire en sorte que les coûts de transaction, croissants en fonction du développement, ne gomment pas la baisse des coûts de production. Lorsque les coûts de transaction s'accroissent plus vite que ne baissent les coûts de production, le développement est entravé. En revanche, de bonnes institutions permettent de réduire les coûts de transaction qui freinent la dynamique des échanges, l'extension des marchés et en dernier ressort la croissance et le développement. Pour ce courant d'analyse, seules les institutions font la différence entre des pays différents par leur culture, le niveau d'accumulation du capital ou encore les dotations initiales en facteurs.

On peut distinguer les institutions économiques et les institutions politiques. Puis, à partir de cette distinction, analyser à la fois l'influence des institutions sur le développement et les facteurs qui en déterminent la qualité institutionnelle :

* Les institutions économiques correspondent aux droits de propriété et aux droits des contrats. Ces derniers « coordonnent toutes les relations économiques dans la production, les échanges et la distribution »

* De leur côté, « les institutions politiques définissent la structure de l'État aussi bien que le processus politique ». Il revient aux institutions politiques et, en premier lieu à l'État, de garantir le respect des règles de droit qui permettent le bon fonctionnement des sphères de la production et de l'échange.

Source : CNDP - http://www.cndp.fr/revueEcoManagement/noteslecture/2005-02.htm

Diagnostic conduit en 2004 sur l'offre de formation agricole et rurale (extrait) Parmi les nombreux constats mis en évidence, il convient de citer :

Une persistance des pratiques habituelles d'encadrement,

lourdes de conséquences pour les dynamiques de développement : les agriculteurs et les apprenants sont mis en situation de cibles et de réceptacles de messages stéréotypés ou de recettes ( «il est plus facile d'appliquer des fiches techniques standard que de chercher à comprendre pourquoi les agriculteurs font ce qu'ils font, et de dialoguer pour rechercher avec eux des solutions aux problèmes qu'ils ont.

Des représentations trop restrictives du rôle des formations,

conçues et dispensées comme une succession de questions / réponses à des problèmes ponctuels, isolés des contextes économiques, sociaux et historiques.

Déficit d'analyse des réalités agraires,

Camouflé par des jugements hâtifs et négatifs sur l'agriculture et les agriculteurs, y compris de la part de cadres et responsables de leurs Organisations Professionnelles, et caractérisé par une approche trop disciplinaire.

L'ambiguïté des méthodes dites « participatives »,

Les populations sont « consultées » pour établir des programmes de planification stratégique, mais dans la pratique cela consiste uniquement à lister un inventaire de doléances (ou les « besoins ») puis à établir et faire valider une classification des priorités en fonction de l'offre institutionnelle préexistante. Par ailleurs, les interlocuteurs sont souvent les mêmes et leur diversité socio-économique est restreinte

L'offre de formation sur la gestion durable des systèmes financiers ruraux est rare, Alors même que l'accès au crédit ressort des entretiens comme LE facteur limitant . L'orientation professionnelle agricole se fait « par défaut »,

Quasi unanimement, les parents investissent dans l'école pour que leurs enfants aillent le plus loin possible

Un repositionnement et une ouverture nécessaire des écoles de formation de techniciens,

Dont la tentative de reconversion dans des formations longues à l'auto emploi est un échec avéré, mais dont les produits trouvent sans peine un emploi salarié dans des structures publiques et privées de développement.

La nécessité de renforcer les mécanismes de régulation et de gestion du dispositif de formation professionnelle agricole,

Compte tenu du foisonnement d'initiatives, de la diversité des opérateurs, du transfert de compétences aux régions et de la mobilisation de fonds publics.

.../...

LISTE DES ABRÉVIATIONS

AFDS
AFUP

ANCAR ASESCAW

ASPRODEB AVC

Agence du Fonds pour le Développement Social

Association des Fédérations et Unions de Podor Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural

Association Socio-Economique, Sportive et Culturelle des Agriculteurs du Walo Association Sénégalaise pour la Promotion du Développement à la Base

Association Vallée Consult

BA - BACSS Bureau d'Appui de la coopération sénégalo-suisse

BFPA Bureau de la Formation Professionnelle Agricole

CEFP Centre d'Echange et de Formation Pratique

CIH Centre d'Initiation Horticole

CIFA Centre Interprofessionnel pour Formation aux Métiers de l'Agriculture

CLCOP Cadre Local de Concertation des Organisations de Producteurs

CNCR Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux

CNCFTI Comité National de Concertation pour la Filière Tomate Industrielle

CNFTEIA Centre National de Formation des Techniciens de l'Elevage et des Industries

Animales

CORAD Coopérative Rurale des Agro-Pasteurs pour le Développement de Ndioum

CRCR Cadre Régional de Concertation des Ruraux

CRPS-FAR Comité Régional de Planification Stratégique de la Formation Agricole et Rurale

DSRP Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

ENCR Ecole Nationale des Cadres Ruraux

ENEA Ecole Nationale d'Economie Appliquée

ENSA Ecole Nationale Supérieure d'Agriculture

FAFD Fédération des Associations du Fouta pour le Développement

FAR Formation Agricole et Rurale

FEPRODES FNRAA

FONGS

FPA
FSD
GDS

Fédération des Femmes Productrices de la Région de Saint-Louis

Fonds National de Recherches Agricoles et Alimentaires Fédération des Organisations Non Gouvernementales du Sénégal

Fédération des Périmètres Autogérés Fedde Services Développement Grands Domaines de Saint-Louis

ISRA Institut Sénégalais de Recherches Agricoles

LOASP Loi d'Orientation Agro Sylvo Pastorale

OMC Organisation Mondiale du Commerce

ONFP Office National de Formation Professionnelle

ONG Organisation Non Gouvernementale

OP Organisation de Producteurs

PDEF Programme Décennal pour l'Education et la Formation

PIB Produit Intérieur Brut

PNIR Programme National d'Infrastructures Rurales

PSAOP Programme d'appui des Services Agricoles et des Organisations de Producteurs

RESOF Réseau Formation Fleuve

SNFAR Stratégie Nationale de Formation Agricole et Rurale

UFR Unité de Formation et de Recherche

UPT Université Polytechnique de Thiès

UJAK Union des Jeunes Agriculteurs de Koyli Wirndé

VSF Vétérinaires Sans Frontières

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

ETUDES

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VIème Lettre de Mission de la Société Nationale d'Aménagement et d'Exploitation des Terres du Delta du Fleuve Sénégal d'Aménagement des Terres du Delta (SAED) -1998

Lois de décentralisation de 1996 - Ministère de l'Intérieur : Loi n° 96-06 du 22 mars 1996 portant Code des Collectivités locales, Loi n° 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales.

Lettre de Politique de Développement Agricole du Sénégal

Lettre de Politique de Développement Institutionnel pour le secteur agricole Lettre de Politique de Développement Rural Décentralisé

Document d'Orientation Stratégique pour le secteur agricole

Loi d'Orientation Agro-Sylvo-Pastorale, promulguée en 2004.

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CRIT Centre de Ressources et d'Informations Techniques
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TV 5 - Dictionnaire MEDIADICO http://dictionnaire.tv5.org/dictionnaires.asp Laboratoire CRISCO - CAEN http://elsap1.unicaen.fr/cgi-bin/cherches.cgi

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FAO http://www.fao.org/docrep/V8260B/V8260B1f.htm

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Bibliothèque Nationale de France

http://signets.bnf.fr/html/categories/c_370education.html

INRP - Service d'histoire de l'Education http://www.inrp.fr/she/accueil.htm

IEP - Université LYON http://doc-iep.univlyon2.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/MFE2000/pasquerw/thesebody.html

Gouvernement du Sénégal http://www.plan.gouv.sn/admin/docs/SYNTESEPDRGRESUM..doc.

FEMMES ET ASSOCIATIONS . ORG http://www.femmesetassociations.org/portraits/bioMengin.htm

Centre National de la Recherche Scientifique (catalogue de documents pour le chercheur CATINIST)

http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=14040932

WIKIPEDIA - Réseau Voltaire http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau Voltaire

Les quatre régions administratives couvertes par la Vallée du fleuve Sénégal






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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"