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La Formation agricole et rurale dans la vallée du fleuve Sénégal : appui à la mise en place d'un cadre de pilotage régional

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par Xavier MALON
Université de Toulouse 1 Sciences sociales - Master 2 Pro Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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I-4. UNE STRATEGIE NATIONALE, POUR DES REPONSES-FORMATION TERRITORIALISEES

I-4.1. LES ENJEUX

L'agriculture et l'élevage représentent encore aujourd'hui 10% du P.I.B, et occupent environ 60% de la population active sénégalaise. Quelle sera leur importance demain, quand les enfants qui naissent actuellement se présenteront sur le marché du travail ?

Le Bureau de la Formation Professionnelle Agricole a demandé en octobre 2004 à Pierre Debouvry, consultant indépendant, de réaliser une étude destinée à mettre en lumière les enjeux auxquels le Sénégal sera confronté au cours des vingt prochaines années21. Il s'agissait pour nous de disposer d'arguments forts pour convaincre les Pouvoirs Publics d'investir massivement dans le sous secteur de la formation, pour relever ces défis.

La compréhension de cette étude peut se limiter à la lecture d'une quinzaine de graphiques, proposés en annexe, qui se suffisent à eux-mêmes. Ils sont basés sur les données officielles disponibles. Ces enjeux sont quintuples, et peuvent se décliner comme suit :

Transition démographique

21 http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/debouvry1_far.pdf

Education Pour Tous

Productivité du secteur agricole et préservation de la fertilité

Insertion socioprofessionnelle des cohortes de jeunes

E migration, exode rural et entretien de l'espace rural.

Dans ce paragraphe, nous nous appuierons essentiellement sur ces travaux pour montrer l'ampleur des défis à relever, et pour lesquels la formation agricole et rurale pourrait être un levier puissant pour faire évoluer plus favorablement la situation d'ensemble, en développement les capacités des ressources humaines du secteur rural, et en permettant à une partie des jeunes ruraux d'être mieux armés pour s'insérer à la ville.

Résumées très brièvement, les projections faites à partir des tendances démographiques du Sénégal révèlent un Sénégal autour de 17 millions d'habitants en 2025 (contre 11 aujourd'hui, et 3 millions en 1960).

Cette prévision est plausible, même si la fécondité diminue, ne serait-ce qu'en raison du nombre croissant de femmes en âge de procréer. Elle se traduit par une urbanisation galopante et l'inversion du ratio urbains/ruraux ; nous allons passer de 1 urbain pour 7.75 ruraux en 1930, à 1 urbain pour 0.8 ruraux en 2025.

Cela pose le problème de la productivité du travail dans le secteur agricole, et signifie en principe que chaque rural devrait produire dix fois plus de denrées pour alimenter les villes.

Malgré l'exode rural, la population rurale va encore continuer d'augmenter, certes plus lentement que la population urbaine, mais la densité rurale est déjà telle que cela va encore accroître considérablement la pression sur le foncier : de 40 habitants au km2 en 1960, il est prévu d'atteindre 110 habitants/km2 en 2020.

Cette pression risque de se traduire, en l'état actuel des choses, par une dégradation continue de la fertilité des sols et des parcours, et plus largement une dégradation de l'ensemble des ressources naturelles qui risque de s'accélérer (halieutiques, forêts, salinisation des sols, appauvrissement de la biodiversité et disparition des jachères).

Face à ce constat démographique, l'évolution de la sécurité alimentaire paraît problématique ; en effet, les productions agricoles, vivrières ou d'export, progressent peu depuis 40 ans tandis que les importations céréalières « explosent » ; elles ont déjà décuplé entre 1960 et 2003, jusqu'à friser le million de tonnes. On notera d'ailleurs qu'au delà de l'augmentation de la population, ce décuplement est largement dû aux transformations des habitudes alimentaires puisque on est passé de 30 kg de céréales importées par habitant ( 1960), à plus de 90 kg/tête en 2003.

La répartition des emplois et auto emplois au plan national indique par ailleurs que le secteur formel (public et privé) ne « pèse » que 8 % du total des actifs, tandis que le secteur rural massivement situé dans l'« informel » représente 64 % de l'ensemble.

C'est donc pour l'essentiel dans ce secteur d'activités, qu'on le veuille ou non, que trouveront à s'insérer chaque année l'essentiel des 360 000 jeunes de la tranche 15 - 24 ans (effectifs correspondant au 1/10ème de la tranche 15-24 ans).

La combinaison des tendances démographiques, et de la volonté d'atteindre rapidement l'Education Pour Tous, vont entraîner un doublement des cohortes à scolariser entre 1990 et 2030, et un triplement des jeunes à insérer sur le marché du travail pour la même période. Les jeunes qui arrivent en terminale ne représentent que 7 % des cohortes scolarisées ; ils constituent donc de fait une élite ; malgré tout, certains établissements de formation agricole au niveau technicien espèrent toujours recycler leurs programmes classiques pour permettre à cette élite de s'installer sur des exploitations agricoles.

Sur cette base, les exclus du système sont les suivants : accès en Cours d'Initiation : 262 319 (hors redoublement), accès en CM2 : 126 266 ; accès en 6ème : 64 483 jeunes.

De fait, la très grande majorité des futurs chefs d'exploitation aura au mieux un niveau voisin du Certificat de Fin d'Etudes Primaires, et c'est à eux que doit s'adresser prioritairement le dispositif global de formation, ce qui n'a jamais été fait auparavant. La majorité de ceux-ci s'insèrent par un processus de dévolution de l'exploitation paternelle largement enraciné socialement, à la différence des expériences malheureuses d'installation de jeunes diplômés bacheliers, transplantés avec un pécule de départ dans un milieu qu'ils ne connaissent pas ou dont leur trajectoire scolaire les a coupé.

Au Sénégal, les processus de dévolution entre les générations, sur la base d'un total de 450 000 exploitations familiales, concernent donc environ 15 000 jeunes (parfois âgés jusqu'à 45 ans). Une action systématique dans leur direction ne pourra donc se concevoir sous les formes existantes actuellement (formation à plein temps, longue et diplômante), dans la mesure où le total des établissements concernés se caractérise par des flux annuels de l'ordre de la centaine seulement.

Pour permettre au secteur agricole de mieux assumer les missions qui lui sont assignées, la formation de masse s'apparente à une obligation impérieuse pour engendrer un impact significatif sur la productivité d'ensemble; cette condition n'est toutefois pas suffisante, car l'amélioration de l'environnement de la production et des services sociaux en milieu rural conditionnera en grande partie la motivation des jeunes à s'insérer dans la vie active, en milieu rural.

C'est bien ce dernier point que mettent en avant, soutenus et aidés financièrement par leurs familles, les candidats à l'émigration, qui ne veulent ni du type de travail ni des conditions de vie qu'ils ont fui en quittant leurs villages. C'est bien la stabilité politique et la cohésion sociale qui sont en jeu pour les prochaines années.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault