WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Enjeux géopolitiques et tensions dans le Golfe de Guinée: approche communautaire de règlement par la diplomatie parlementaire

( Télécharger le fichier original )
par Ghislain Claude ESSABE
Université Omar BONGO de Libreville - DEA 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

Après cette partie explicative, il nous parait judicieux, en second lieu, de préciser notre préoccupation. Il s'agira donc de poser le problème central qui suscite notre réflexion et d'énoncer les hypothèses qui servent de fil conducteur à cette étude.

2. 1. Formulation de la problématique

En 2001, Christian Poncelet, Président du Sénat français déclarait :

« Qu'on le veuille ou non, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, la diplomatie parlementaire existe, je l'ai rencontrée. Elle est pratiquée dans tous les pays, avec intensité et selon des modalités sans doute variables, et elle prend également une importance croissante à l'échelon international »29(*).

Cette déclaration solennelle nous amène à faire un premier constat, c'est celui de l'implication grandissante et tous azimuts des parlementaires et des organisations interparlementaires dans les enjeux géopolitiques contemporains. La conséquence immédiate est qu'à ce jour, il apparaît assez fastidieux d'identifier avec exactitude le nombre d'organisations interparlementaires régionales ou spécialisées sur les problématiques actuelles. Si l'on considère seulement l'U.I.P., il est loisible de constater la multiplicité de ses centres d'intérêts. « La Conférence interparlementaire sur l'environnement et le développement »30(*), au cours de laquelle les parlementaires de tous les pays du monde, ou presque, ont évalué les résultats de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (C.N.U.E.D.), en est une illustration. Tout en proposant des mécanismes de suivi, cette conférence à adopté « Le plan d'action de Brasilia » qui a formulé quelques recommandations sur la protection et la gestion des océans et des zones côtières, notamment celle qui suit:

« La Conférence recommande que les Etats harmonisent les mesures de conservation et de gestion avec celles qui sont recommandées dans Action 21. La Conférence recommande en particulier que chaque pays dresse un inventaire des principales sources de pollution marine et de dégradation de l'habitat côtier et marin. Il conviendrait que les parlements révisent ensuite les législations nationales afin de garantir que celles-ci permettent de réduire sensiblement la pollution des mers et la dégradation de l'habitat. La Conférence recommande en outre aux pays qui ne l'ont pas encore fait de ratifier sans délai la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et les autres instruments juridiques régionaux et internationaux portant sur la pollution des mers ou la conservation des ressources biologiques marines »31(*).

En second lieu, nous pouvons relever le fait que dans la plupart des aires géopolitiques, les organisations internationales à vocation intégratrice ou de règlement des conflits, se dotent systématiquement d'un organe interparlementaire, afin d'y inclure une dimension ``populaire'' et de renforcer la démocratie. Il s'agit entre autres de :

- l'O.N.U. avec l'U.I.P., qui se mue progressivement en institution parlementaire spécialisée en son sein, depuis qu'elle organise sa réunion annuelle des présidents des parlements du monde au siège des Nations Unies à New York ;

- l'Union Européenne avec le Parlement Européen, qui célèbre son cinquantenaire cette année et dont les députés sont élus au suffrage universel direct ;

- l'Organisation interparlementaire de l'Association des Etats d'Asie du Sud-Est (A.S.E.A.N.) ;

- l'Union Africaine (U.A.) et le Parlement Panafricain (P.A.P.), qui est à ses débuts ;

- l'Union du Maghreb Arabe (U.M.A.) et son Conseil Consultatif ;

- le Réseau Parlementaire de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale, (R.E.P.A.C.) qui a vocation à devenir un parlement sous-régional...

Cependant, dans le contexte particulier du Golfe de Guinée, la diplomatie parlementaire apparaît - encore - comme une pratique essentiellement continentale. Et qui, d'ailleurs, s'implique peu dans la résolution des conflits maritimes sous-régionaux, tels que le différend entre le Gabon et la Guinée Equatoriale et entre le Cameroun et le Nigeria, alors que cette zone constitue aujourd'hui un espace stratégique.

Carte n°3 : Le Golfe de Guinée et les organisations interparlementaires sous-régionales et régionales

Les rapports de mission du groupe sénatorial d'amitié France-Afrique centrale intitulé : « Golfe de Guinée : les nouvelles attentes »32(*) et celui de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale qui porte sur : « L'énergie et la géopolitique »33(*) sont assez édifiants.

Le premier travail est le fruit d'une mission de sénateurs qui a séjourné au Gabon, en Guinée Equatoriale et à São Tomé et Principe du 30 octobre au 6 novembre 2003 et leur a permis de faire une analyse de la situation géopolitique de cette zone, avec un regard particulier sur l'émergence de la Guinée Equatoriale grâce à ses ressources pétrolières. Le second, quant à lui, a donné la possibilité aux députés français d'effectuer une enquête de terrain en parcourant 14 pays à travers le monde, dont deux pays africains : l'Algérie (5-6 février 2006) et le Gabon (11-12 septembre 2006). Une mission au terme de laquelle a été publié un volumineux rapport de 398 pages. Durant le séjour, certes bref, au Gabon, cette mission a eu la particularité, non seulement de rencontrer l'essentiel des autorités politiques et administratives en charge des questions énergétiques, financières et économiques ainsi que des experts et certains hommes d'affaires français au Gabon, mais aussi de proposer une réflexion sur  les nécessaires ajustements de la politique étrangère de la France.

Finalement, cette absence d'implication véritable ne peut-elle pas se justifier par le caractère ``anticonstitutionnel'' de la diplomatie parlementaire dans cette sous-région? La réponse à cette question ne saurait être que négative, puisque d'un point de vue juridique, elle ne s'oppose pas à la diplomatie gouvernementale, dans la mesure où elles participent, toutes les deux, à un même objectif, servir l'Etat, que le Droit constitutionnel défini comme l'ensemble « des organes politiques, des gouvernants »34(*). Ainsi, l'Etat apparaît comme un ``regroupement'' d'institutions constitutionnelles complémentaires, qui régissent son fonctionnement et est organisé selon le principe de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Un principe, selon les juristes qui :

« tend à prévenir les abus en confiant l'exercice de celui-ci [le pouvoir] non à un organe unique, mais à plusieurs organes, chargé chacun d'une fonction différente et en mesure de se faire mutuellement contrepoids »35(*).

Il ressort donc qu'en fonction des régimes, il peut avoir  une séparation souple, qui conduirait à une collaboration des pouvoirs, c'est le cas des régimes parlementaires, (voire sémi-parlementaires) ou une séparation rigide, le cas des régimes présidentiels. Mais dans le Golfe de Guinée, l'inexistence de régime présidentiel - donc dictatoriaux stricto sensu- et les liens étroits entre l'exécutif et le législatif devraient, en principe, favoriser la collaboration, d'autant plus que la diplomatie parlementaire n'envisage pas d'être une diplomatie parallèle ni concurrentielle, mais plutôt une diplomatie complémentaire de développement.

Alors, au regard de ce qui précède, que représente la diplomatie parlementaire dans les Etats du Golfe de Guinée, membres de la C.G.G. ? Comment peut-elle contribuer à la prévention et au règlement pacifique des conflits dans le Golfe de Guinée ? Quels rapports entretient-elle avec la diplomatie gouvernementale ? Répondre à ces interrogations nécessite préalablement l'étude des principaux enjeux géopolitiques sous-régionaux, des rivalités et conflits qu'ils suscitent. Cela suggère en outre d'analyser l'implication et l'apport des peuples, de leurs représentants, dans les institutions communautaires. Autant de pistes qui pourront, in fine, nous aider à atteindre notre objectif, bien que nous ayons déjà formulé quelques hypothèses.

2. 2. Enonciation des hypothèses

Nos hypothèses s'appuient sur trois principaux postulats, à savoir la « Doctrine stratégique » de Marc-Louis Ropivia36(*), la thèse de l'ancrage de l'Afrique centrale dans le Golfe de Guinée de Albert-Didier Ogoulat37(*) et la théorie des « cercles concentriques » de Samy Cohen38(*).

Dans l'optique d'une reconversion de la doctrine stratégique devant aboutir à une sécurisation efficace de l'espace maritime de chaque Etat et de l'ensemble de la sous-région, M.-L. Ropivia propose une nouvelle vision qui doit s'appuyer sur de nouvelles orientations. Sur le plan sous-régional, il suggère :

« Le prolongement dans le domaine marin du processus de construction communautaire et l'élaboration d'une vision de sécurité maritime collective [axée sur] une approche sous-régionale concertée de la menace et de la sécurité maritimes »39(*).

Cette nouvelle impulsion suppose alors une plus grande implication des parlementaires dans ce processus, non seulement pour une harmonisation de la législation en la matière, mais aussi aux fins d'adopter des procédures de contrôle parlementaire communes. A cet effet, nous pensons que l'efficacité suppose l'adoption de ce que nous appelons : le principe de l'efficience diplomatique. Dans le cas d'espèce, cela signifie que, le contrôle a posteriori des mécanismes et instruments de sécurisation de l'espace maritime sous-régional et de règlement pacifique des conflits, suppose une information parlementaire rigoureuse et efficiente a priori. Et, c'est en cela qu'il nous semble opportun que les parlements des Etats membres de la C.G.G. se dotent de Commissions des Affaires maritimes et renforcent leur coopération bilatérale et multilatérale.

Ensuite, pour Albert-Didier Ogoulat, la gestion commune des mers et des rivages nécessite l'ancrage de l'Afrique centrale (conception continentaliste) dans le Golfe de Guinée (conception maritimiste). L'auteur souligne que cette « perspective pose l'Etat riverain comme l'interface, le lien entre un univers marin inclusif et porteur d'avenir et un domaine continental manifestement sclérosé »40(*). L'objectif étant :

« une intégration continentale et maritime pleine et entière ; une coopération interétatique agissante et pouvant aboutir à l'adoption d'une politique commune, en matière de gestion des environnements et ressources littoraux et marins ; dans le civil et le militaire ; et la maritimisation des économies sous-régionales »41(*).

A.-D. Ogoulat voudrait donc penser l'intégration et la résolution des problèmes communautaires dans une vision holistique, imbriquant les enjeux continentaux et maritimes.

A ce sujet, au lieu de créer un organe interparlementaire (de trop ?) au sein de la C.G.G., il serait certainement plus opportun d'adjoindre une dimension maritime aux organisations interparlementaires sous-régionales existantes, telle que la Commission Interparlementaire de la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (C.I.P.-C.E.M.A.C.), futur parlement communautaire, dont le siège est à Malabo, sur l'Ile Bioko.

Enfin, d'après S. Cohen, le processus décisionnel en matière de politique étrangère, en France notamment (mais que nous pouvons généraliser), obéit à une logique que l'on peut schématiser sous forme de paliers ou de cercles. Le premier cercle est dit «chasse gardée», il concerne les affaires qui relèvent personnellement de l'autorité du Chef de l'Etat. Le second cercle - intermédiaire - est celui des « affaires surveillées », celles qu'il consent à gérer avec le ministère des Affaires étrangères ou tout autre acteur. Enfin, le dernier cercle est celui des « affaires refoulées » c'est-à-dire, celles qui lui sont d'une moindre importance. Ainsi, si l'on admet que la diplomatie relève du ``domaine réservé'' du Chef de l'Etat et que le principe de séparation des pouvoirs (même s'il n'y a pas de séparation rigide) limite les attributions diplomatiques du législatif, nous postulons alors que la diplomatie parlementaire peut constituer une « track-two diplomacy », autrement dit ``une seconde voie diplomatique'' - pour reprendre l'expression de Marie Claude Smouts42(*) - qui devraient pleinement s'impliquer dans les affaires des second et troisième cercles lorsqu'elles sont susceptibles d'avoir des répercussions sur les populations.

* 29 « La diplomatie parlementaire », 2001, Paris, Centre des Conférences Internationales, Sénat/ Assemblée nationale, Actes du colloque, p.14.

* 30 Conférence organisée à Brasilia (Brésil) du 23 au 27 novembre 1992.

* 31 Recommandation de la conférence sur la protection et la gestion des zones côtières, basée sur le chapitre 17 de l'Agenda 21.

* 32 Ce rapport fut publié à la suite d'un séjour au Gabon, en Guinée équatoriale et à São Tomé et Principe du 30 octobre au 6 novembre 2003.

* 33 P. Quilès, J.-J. Guillet (Dir.), 2006, Energie et géopolitique, Rapport d'information n°3468, Paris, Commission des Affaires étrangères/Assemblé nationale, 398 p.

* 34 R. Guillien, J. Vincent (Dir.), 2003, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14e éd., p. 255.

* 35 Idem. p. 530.

* 36 M.-L. Ropivia, 2003, « Les forces de sécurité gabonaises et l'enjeu maritime en Afrique centre-atlantique : pour une reconversion des doctrines stratégique et opérationnelle », in Ibogha n°7, pp. 7-25.

* 37 A. D. Ogoulat, 2006, op. cit., p.11.

* 38 S. Cohen, 1996, « La politique étrangère des institutions de la Ve République », in RFAP n°77, pp. 31-35. Théorie reprise par E. Mandjouhou Yolla, 2003, op. cit., p. 17. 

* 39 M.-L. Ropivia, 2003, op. cit., p. 23.

* 40 A. D. Ogoulat, 2006, op. cit., p.11.

* 41 Idem.

* 42 D. Battistella, M-C. Smouts, P. Vennesson, 2003, Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, p. 136.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault