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Le régime juridique de l'arbitrage commercial international

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par Sourou Tinê Abdel-Kader FADAZ
Université de Lomé (TOGO) - DESS Droit des Affaires et Fiscalité 2008
  

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§2 Les hypothèses de résolution du litige par application de la loi mercatique 

La lex mercatoria peut s'appliquer indirectement au litige par le rattachement de la volonté des parties. Ce procédé d'application résulte d'un raisonnement conflictuel dont nous préciserons les contours (A). Mais l'application de lex mercatoria au litige peut aussi se concevoir matériellement ou directement (B).

A- Application conflictuelle

L'application conflictuelle de la lex mercatoria au litige contractuel soumis à l'arbitrage commercial international résulte nécessairement de la manifestation de la volonté concordante des parties de voir celle-ci régir le fond du litige. Comme nous avons eu à l'observer précédemment, la plupart des textes dans leurs dispositions consacrées au droit applicable au fond du litige reconnaissent cette prérogative aux parties61(*). Mais quel fondement juridique faut-il donner à cette application du principe de l'autonomie de la volonté dans l'arbitrage commercial international ? Il semble à en croire la doctrine dominante, qu'il faille y voir la manifestation d'une règle matérielle propre à l'arbitrage commercial international « par laquelle l'arbitrage concoure à sa finalité (d'être) un instrument au service du commerce international 62(*)».

Le fondement de la force obligatoire de la clause de droit applicable (clause d'electio juris) dans une règle matérielle et autonome propre à l'arbitrage commercial international s'explique par le fait que l'arbitre contrairement au juge étatique n'a pas de for auquel il doit nécessairement se référer pour résoudre un conflit de lois. Cependant, il faut reconnaître que cette règle matérielle propre à l'arbitrage commercial international a une fonction plutôt conflictuelle. Celle-ci résulte du fait qu'elle ne donne pas directement la solution du litige comme le ferait une règle matérielle mais procède indirectement en rattachant la situation litigieuse à un ordre juridique où figureraient les dispositions matérielles à appliquer.

L'application conflictuelle des dispositions relevant de la lex mercatoria peut résulter d'un choix exclusif des parties en conflit. Cette modalité d'application se retrouve dans une sentence arbitrale rendue le 1er décembre 1996 par la Chambre d'arbitrage national et international de Milan63(*). En l'espèce, un contrat d'agence commerciale pour la distribution de meubles était conclu entre une société italienne (représentée) et une société des Etats-Unis (agent). A la suite d'une résolution du contrat par le représenté au motif que l'agent n'a pas atteint les résultats escomptés, ce dernier décida de soumettre à l'arbitre unique désigné pour l'instance, l'appréciation du caractère abusif de la résolution et la réparation du préjudice en résultant pour lui.

Faisant une application exclusive des Principes d'Unidroit désignés expressément par les parties en tant que droit applicable au fond du litige, l'arbitre jugea la résolution, abusive et condamna le cocontractant fautif à la réparation du préjudice causé. La lecture du résumé de la sentence permet de remarquer que plusieurs dispositions des Principes ont été appliquées pour justifier la solution donnée par la juridiction arbitrale, notamment : l'article 7.3.1 pour exclure le caractère d'inexécution essentielle à une situation précisément et expressément envisagée par les parties comme susceptible de renégociation ; les articles 7.4.1 et 7.4.2 pour affirmer le droit du créancier à la réparation intégrale de son préjudice par suite de l'inexécution de l'autre partie ; l'article 7.4.9 pour confirmer la validité de la clause contractuelle prévoyant que des intérêts sont dus à compter de l'échéance pour le paiement des commissions ; enfin, l'article 7.4.13 pour confirmer la validité du taux convenu contractuellement pour les intérêts (15 %).

L'application conflictuelle de la lex mercatoria peut également résulter d'un choix complémentaire exprimé par les parties en conflit. Dans une sentence rendue le 21 avril 1996 par un tribunal ad hoc64(*) les parties avaient ainsi choisi le droit russe « si nécessaire complété par les Principes d'Unidroit ». Le litige opposait une organisation de commerce russe et une société des Etats-Unis et portait sur un contrat de prêt liant les deux parties. Concrètement le tribunal ad hoc a réglé le litige en partie sur le fondement des articles 3.12 et 4.3 (c) des Principes d'Unidroit.

Ces dispositions ont trait à la pertinence du comportement des parties dans l'interprétation du contrat postérieurement à sa conclusion.

Il peut enfin arriver que les parties en conflit ne manifestent pas expressément leur intention de voir appliquer la loi mercatique au litige soumis à l'arbitrage commercial international. L'application conflictuelle de la lex mercatoria s'opère dans ce cas au moyen de la déduction de la volonté tacite des parties à partir d'un faisceau d'indices servant d'indicateur à l'arbitre. La stipulation expresse d'une clause mentionnant la volonté des parties de ne pas soumettre le litige contractuel à un droit étatique doublé d'une absence de clause d'electio juris a ainsi été interprétée comme un indice révélateur du choix de la lex mercatoria65(*).

En dehors de la méthode conflictuelle, il est possible d'envisager matériellement l'application de la lex mercatoria au litige.

B- Application matérielle

A l'inverse de la situation observée dans l'hypothèse d'application conflictuelle, l'application matérielle ou directe de la lex mercatoria au litige est exclusive de toute manifestation de volonté des parties relativement au choix du droit applicable. Ainsi, contrairement au raisonnement conflictuel qui oblige l'arbitre à rechercher le rattachement de la volonté des parties exprimées dans une clause d'électio juris lui permettant de déterminer le droit applicable, la méthode matérielle permet d'appliquer directement la lex mercatoria au litige.

Cette faculté reconnue à l'arbitre et qui est une particularité de l'arbitrage commercial international est consacrée par la plupart des législations et règlements en la matière66(*).

Ainsi que l'observe justement le Pr Emannuel DARANKOUM, lorsque les parties n'ont pas elles-mêmes choisi la loi applicable à leur relation, « il est (...) moins conforme aux impératifs de prévisibilité et de sécurité juridique de contraindre les arbitres à choisir entre les droits étatiques en présence, que de leur permettre de faire application des principes d'Unidroit à titre de lex mercatoria, d'usages commerciaux ou de principes généraux du droit.67(*) »

On assiste de plus en plus au souci constant des arbitres de légitimer leurs décisions par l'application directe des Principes d'Unidroit. La sentence CCI n° 7375 rendue le 5 juin 1996 est une parfaite illustration de cette tendance68(*). Cette décision concernait le litige résultant d'un contrat de fourniture de matériel conclu entre un vendeur américain et un acheteur du Moyen-Orient. Les parties n'ayant pas désigné de droit applicable, le tribunal arbitral estima qu'il s'agissait là d'un « choix négatif » en faveur d'une loi neutre et décida d'appliquer les Principes d'Unidroit considérés comme partie intégrante de la lex mercatoria. La motivation de cette sentence est révélatrice du consensus observé à l'égard de ces Principes.

Il importe de relever que parfois, les arbitres appliquent directement les principes généraux de la lex mercatoria même lorsqu'une loi étatique a été désignée applicable au litige par les parties, sans se référer à celle-ci. Dans une espèce, par exemple, un acheteur iranien se vit attribuer par une sentence des dommages d'intérêts en raison de la rupture du contrat par le vendeur Yougoslave, conformément à la clause contractuelle de stabilisation monétaire, sans référence au contenu du droit iranien désigné pour régir le contrat litigieux. Les arbitres en l'espèce avaient fait application du principe pacta sunt servanda qui trouve un écho particulier dans le Règlement d'arbitrage de la CCI à l'article 17 al 2 où il est fait obligation au tribunal arbitral de tenir compte dans tous les cas, « des dispositions du contrat et des usages du commerce pertinents69(*) ».

Le Pr. P. MEYER critique cette application directe de la lex mercatoria par l'arbitre sans rattachement. Cette pratique d'après lui, nuirait à la sécurité juridique et perturberait le mécanisme conflictuel70(*). Loin de dénier tout bon sens à l'opinion de cet auteur qui semble particulièrement attaché à la méthode conflictuelle, il faut reconnaître que cette méthode n'est pas toujours adaptée à la pratique et aux impératifs du droit commercial international qui est avant tout un droit respectueux des usages et des réalités de la profession qu'il régit.

D'ailleurs, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, l'Acte Uniforme sur l'Arbitrage de l'OHADA et le règlement d'arbitrage de la CCJA à l'instar de la plupart des autres textes régissant la matière autorisent expressément ou implicitement l'application directe des usages commerciaux internationaux. La Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises ne déroge pas à cette règle puisque dans son article 9 elle autorise l'application de « tout usage dont [les parties] avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et qui dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des contrats de même type dans la branche commerciale considérée ».

En marge du problème de l'aptitude de la lex mercatoria à régir le litige soumis à l'arbitrage commercial international, se pose la question de l'étendue de la fonction normative de ces usages dans l'arbitrage commercial international.

* 61 Cf. en ce sens art. 15 AUA ; art 28 LTACNUDCI, art VII Conv. Genève ; art. 17 RACCJA, art 17 RACCI etc.

* 62 V. en ce sens Jean Christophe POMMIER, Principe d'autonomie et loi du contrat en droit international conventionnel, Economica, Paris 1992 p 255, n° 246, Goldman, « Règles de conflit, règles d'application immédiate et règles matérielles dans l'arbitrage commercial international » TCF, 1969 pp. 119 et s. , Holleaux Foyer, De La Pradelle, DI Privé p. 337. ; Battffol, « Le pluralisme des méthodes... » ; Jacquet pp. 114 et ss. V. cependant favorable à une règle de conflit, Deby-Gérard n° 248, p 203, J. Robert, «De la règle de conflit à la règle matérielle en matière d'arbitrage », in Mélanges Sanders, 1982 pp 273 et ss ; et Robert et Moreau, L'arbitrage, droit interne, droit international, Paris, Dalloz, 1983, 5e éd. n° 327 p. 283

* 63 Chambre d'arbitrage national et international de Milan (Italie) 1. XII 1996 - n° A - 1796/51 (arbitre unique - en Italie).

* 64 Citée dans M.J. BONELL, op. cit. p. 253

* 65 V. en ce sens, sent. CCI n° 1569 (1970), R.A., 1973, 135 ; sent. CCI n° 2374 citées par Derains sous sent. CCI,

n° 2886 (1977) etc.

* 66 Cf entre autres art 15 AUA ; art. VII Conv. Genève art. 8 Conv. Panama ; art 17 RACCJA ; art 17 RACCI ; art 28 RAAAA ; art. 59 RAOMPI ; art 28 LTA ; art. 1496 NCPC français ; art 1054 al 2 CPC néerlandais ; art 187 LDIP. Suisse etc..

* 67 « l'application des principes d'Unidroit par les arbitres internationaux et par les juges étatiques in Rev. Jur. Themis (2002) 36.421 et s.

* 68 Sent. Interim en anglais in (1996) 11 Merley's International Arbitration.

* 69 Sent. CCI 1717 / 1792, Clunet, 1974. 890.

* 70 V. P. MEYER, op. cit. p. 212 n°357.

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