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L'hypothèque maritime dans le code CEMAC de la Marine marchande

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par Marie Duvale KODJO GNINTEDEM
Université de Yaoundé II - DEA 2008
  

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Paragraphe 2 : Le principe de spécialité

191. L'hypothèque immobilière est soumise à un double principe de spécialité. Elle est spéciale quant aux créances garanties, en ce sens qu'elle ne garantit pas toutes les dettes présentes et à venir du débiteur ; elle est spéciale quant à son assiette, car, elle ne peut porter sur tous les immeubles présents et à venir du débiteur. La spécialité doit être respectée lors de l'inscription de l'hypothèque et, particulièrement pour l'hypothèque conventionnelle, elle est à la fois une règle de forme - exigence de certaines mentions dans l'acte - et une règle de fond ; elle affecte de ce fait la validité de l'hypothèque.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

On ne peut répondre de façon hâtive à la question de savoir si l'hypothèque maritime est soumise à ce principe de spécialité. En ce qui concerne la spécialité de l'assiette, plusieurs indices permettent de conclure qu'elle s'impose dans le régime de l'hypothèque maritime (A). Par contre, l'on doute fort que la spécialité de la créance ait la même vigueur à cause de la liberté des parties dans la convention d'hypothèque maritime (B).

A. La soumission de l'hypothèque maritime à la spécialité de l'assiette

192. La règle de la spécialité de l'assiette de l'hypothèque est énoncée par l'al 1er de l'article 120 AUS, qui dispose sans autres précisions que l'hypothèque ne peut porter que sur des immeubles déterminés. L'immeuble grevé doit être présent et désigné de façon précise par l'acte de constitution, et lors de l'inscription hypothécaire. La spécialité n'interdit en outre pas au débiteur d'hypothéquer ses biens par une série de contrat distincts.

Cette règle est importante à plus d'un titre. Son but n'est pas comme on l'affirme parfois, de prévenir le risque de constitution de sûreté sur tous les biens du débiteur. Il serait plutôt celui « de réaliser un formalisme informatif » à l'égard des tiers268(*). Elle assure aussi une certaine protection du créancier en ce sens qu'elle lui permet de connaître l'étendue de ses droits.

193. Cet intérêt de la spécialité n'entre pas en contradiction avec le CCMM. C'est pourquoi, si certaines dispositions du CMMC ne permettaient déjà de conclure à la spécialité de l'hypothèque maritime, l'on y aurait eu recours en application du droit commun. Il faut en effet voir une conséquence de la spécialité dans l'obligation qui est faite à l'autorité administrative compétente d'envoyer une copie des radiations et des inscriptions hypothécaires à l'autorité maritime du port d'immatriculation. Pour le faire, le navire grevé avec son immatriculation doit être connu. De plus, un extrait du registre spécial des hypothèques à jour doit être tenu à bord du navire hypothéqué269(*). L'article 48 du CCMM précise en outre que tout acte relatif à un droit réel sur un navire doit comporter les « mentions propres à l'identification des parties intéressées du navire ».

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

S'agissant de la spécialité de la créance, le silence des rédacteurs du code laisse plutôt penser que ce principe est relégué au second plan, la protection du consentement des parties primant sur elle.

B. Le sacrifice de la spécialité de la créance à l'autel de la liberté dans la constitution de l'hypothèque maritime

194. Aux termes de l'article 127 AUS, l'hypothèque doit être consentie pour la garantie de créances individualisées par leur cause et par leur origine, représentant une somme déterminée et portée à la connaissance des tiers par l'inscription de l'acte. Dès lors, tant le fait générateur de la créance que les informations connexes relatives à la source de la créance doivent être donnés, afin d'affiner les mentions de l'acte porté à la connaissance des tiers par l'inscription. La spécialité est aussi une règle d'économie, car « si la généralité de l'hypothèque était admise, elle ruinerait le crédit du débiteur »270(*). Elle s'impose encore avec plus de force pour les hypothèques conventionnelles où elle est une règle de forme et de fond. Son non respect est une cause de nullité de l'hypothèque.

L'on peut hésiter à appliquer la règle de la spécialité de la créance à l'hypothèque maritime à cause de la marge de manoeuvre qui est laissée aux parties dans l'aménagement de leur convention, non seulement en ce qui concerne la forme, mais aussi le contenu. On a l'impression que tout est mis en oeuvre pour réduire au maximum les causes de nullité du contrat d'hypothèque.

La seule mention relative à la créance se trouve dans l'article 94 du CCMM qui oblige à porter dans le registre des hypothèques le montant maximal garanti. Faut-il en conclure que l'hypothèque maritime peut être consentie pour la garantie des créances futures, ou pour la garantie des dettes présentes et à venir comme une sûreté omni bus, jusqu'à concurrence du plafond fixé dans l'inscription hypothécaire ? On peut croire que les rédacteurs du CMMC ont pensé que les parties sont mieux à même d'apprécier les enjeux de leur contrat, et compte tenu de ces enjeux, de telles hypothèses ne doivent pas être exclues si elles participent de l'intérêt de l'entreprise et du crédit maritime. Le juge saisi par une partie qui se fonderait sur l'obligation au respect ou non de la spécialité soit pour justifier l'étendue de ses droits ou se soustraire à ses obligations doit tenir compte de ces intérêts, en sus de la bonne ou de la mauvaise foi du demandeur.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

195. Parler du recours au droit commun des hypothèques immobilières peut laisser sous-entendre que ce droit servira de base à l'interprétation et à la compréhension de l'hypothèque maritime. Ceci n'est pas faux, mais n'est qu'une partie de la réalité. A l'analyse, les règles de l'hypothèque immobilière s'appliquent véritablement et sous plusieurs angles à l'hypothèque maritime, notamment à cause de la restriction de la réglementation aux aspects particuliers de cette sûreté. Ce recours sert non seulement à combler le silence du législateur communautaire, mais participe de l'unité du droit, les institutions de même nature ne devant pas avoir de signification différente selon que l'on change de contexte. Toutefois, l'application du droit commun des hypothèques à l'hypothèque maritime, même lorsque les conditions sont réunies, n'est pas sans rencontrer des difficultés, du fait de l'hétérogénéité de leurs domaines et de leurs enjeux. Difficultés qui pourraient être évacuées par un peu plus de clarté dans la réglementation de l'hypothèque maritime.

CONCLUSION DU TITRE II

196. L'hypothèque maritime, dont l'originalité ne fait pas de doute, a du mal à de se détacher de sa source qui est l'hypothèque immobilière ; ou plutôt, le législateur communautaire a du mal à le faire, à cause d'une longue tradition conservatrice leur ayant voilé la nécessité de rajouter cette institution.. A l'analyse, les rédacteurs du CCMM n'ont même pas voulu favoriser ce détachement. Ainsi, on ne peut opérer l'étude de l'hypothèque maritime dans le CCMM sans se rendre à l'évidence que les caractères de l'hypothèque de droit commun ont été préservés, d'où d'ailleurs sa dénomination d'hypothèque. Mais la voie ouverte à l'application du droit commun peut apparaître comme le peu de considération portée à l'hypothèque maritime par les rédacteurs du CMMC, alors que l'intérêt de la communauté internationale va grandissant pour une réglementation plus appropriée de cette sûreté.

CONCLUSION GENERALE

197. L'étude de l'hypothèque maritime pourrait illustrer l'hypothèse que le droit n'est pas un corps de règles figées, qu'il peut et doit s'adapter à son contexte, à son environnement, pour répondre aux besoins et aux nécessités nouvelles. L'hypothèque a en effet été créée pour favoriser le développement de la flotte maritime grâce au crédit, afin de faire face aux besoins grandissants de l'entreprise maritime. Elle a plusieurs fois mobilisé la communauté internationale dans le but de rechercher les solutions améliorant son statut juridique. C'est qu'en fait, elle pose des problèmes particuliers qui nécessitent des solutions particulières. L'hypothèque maritime porte sur un meuble, le bâtiment de mer, qui généralement est soumis à un statut international.

198. Au fond, le problème que pose l'hypothèque maritime n'est plus de savoir comment une hypothèque peut s'appliquer à un meuble, puisque le meuble en question est traité comme un immeuble, mais comment faire face au déplacement de ce meuble. Le sujet a particulièrement préoccupé les rédacteurs du Code de la Marine Marchande de la CEMAC, qui ont essayé, tant bien que mal, d'y apporter des solutions à vocation internationale, en organisant une protection accentuée des droits hypothécaires. Cette protection bien que limitée, fait l'originalité de l'hypothèque maritime, et s'inscrit en droite ligne du souci qui transparaît du code de faciliter, d'encourager la constitution de l'hypothèque, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale. Au point où l'on se demande si tout ceci ne se fait pas au détriment du débiteur, propriétaire du navire hypothéqué, et même des opérations de crédit que l'on avait à l'esprit de favoriser. L'on note ainsi des écueils dans la réglementation du CCMM.

Ces quelques écueils veulent tout simplement dire que l'hypothèque maritime n'a pas encore atteint le point culminant de la garantie efficace que la communauté internationale toute entière veut lui donner. Le fait qu'elle reste encore dans le CCMM nettement inférieure aux nombreux privilèges maritimes aggrave nettement les choses. Heureusement, on peut trouver une compensation dans la souveraineté affirmée de celle-ci sur le navire, face aux autres garanties de droit commun.

199. Tous Ces propos à connotation « maritimiste » ne doivent pas égarer le juriste « terrestre ». En effet, aussi originale qu'elle soit, l'hypothèque maritime reste la transposition de l'hypothèque de droit commun. L'hypothèque maritime est une véritable hypothèque, du fait de la conservation de ce qui fait l'essence de la sûreté hypothécaire.

La lecture du CCMM laisse par ailleurs penser que l'hypothèque maritime est loin d'être autonome. En effet, On peut comprendre le silence des rédacteurs du code comme signifiant que le droit commun des hypothèques reste applicable à l'hypothèque maritime, sous réserve de ses particularités. Mais cette application n'est pas toujours aisée. D'abord parce que la réglementation de l'hypothèque de droit commun a été faite uniquement pour les immeubles. Ensuite, il existe des points où le recours ou non au droit commun en cas de silence du code relève d'une appréciation, d'une interprétation - aux reflets subjectifs - de ce qu'a voulu le législateur communautaire.

Dès lors, même si l'hypothèque atteint le niveau de protection que veut lui donner la communauté internationale, il restera toujours dans le contexte de la CEMAC le problème de l'application du droit commun des hypothèques immobilières avec les incertitudes qui en découlent. Plusieurs alternatives peuvent être énoncées pour régler définitivement la question. Le législateur communautaire peut opérer un renvoi explicite au droit commun comme il l'a fait pour la saisie exécution, afin d'éviter les hésitations dans le recours aux règles de l'hypothèque immobilière. Il peut aussi prendre le parti d'achever la transcription du droit commun comme l'a fait son homologue français, en tenant toujours compte des spécificités de l'hypothèque maritime. Il n'est pas exclu dans ce cas que l'on puisse faire recours au droit commun des hypothèques, mais ce sera pour faciliter la compréhension des règles.

Une autre alternative, la meilleure à notre avis, quoique emprunt de scepticisme quant à sa portée parce qu'affectant non pas seulement le CCMM mais le droit des sûretés en général, consisterait à détacher complètement de la notion d'hypothèque la notion d'immeuble. De la sorte, l'hypothèque maritime et l'hypothèque immobilière apparaîtront comme des hypothèques particulières, et en tant que telles pourront se voir appliquer un droit commun des hypothèques. Il sera ainsi plus facile de concevoir que l'hypothèque maritime puisse se voir appliquer le droit commun face au silence du CCMM. Cette solution a trouvé une audience au Québec dans son nouveau Code Civil. Il ressort de ce Code que l'hypothèque peut être mobilière ou immobilière271(*).

Ces propos nous révèlent que le régime de l'hypothèque maritime ne revêt pas seulement de l'intérêt pour le « maritimiste ». On voit aussi avec l'hypothèque maritime que toutes les institutions, les concepts de droit, se fondent dans un tout, le grand ensemble Droit, et peuvent s'affecter les uns les autres afin d'assurer la continuité et la création permanente du droit.

* 268 MESTRE (Jacques), PUTMAN (Emmanuel), BILLIAU (Marc) : Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, Paris, LGDJ, 1996, n° 1326.

* 269 Art. 94 du CCMM.

* 270 ANOUKAHA (François), et al, op. cit, n° 472.

* 271 MESTRE (Jacques), PUTMAN (Emmanuel), BILLIAU (Marc) : Traité de droit civil, Droit commun des sûretés réelles, Paris, LGDJ, 1996, n° 323.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984