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L'hypothèque maritime dans le code CEMAC de la Marine marchande

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par Marie Duvale KODJO GNINTEDEM
Université de Yaoundé II - DEA 2008
  

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SECTION I : LA REALITE DES GARANTIES SUR LE PLAN REGIONAL

71. Le CCMM a appréhendé les deux situations qui auraient pu constituer des obstacles majeurs à l'exercice des droits des créanciers hypothécaires à savoir l'absence de dépossession et le caractère international du déplacement du navire. Dans un premier temps, il contrebalance l'absence de dépossession du créancier par des restrictions sérieuses aux droits du constituant (paragraphe1). Dans un second temps, il encourage l'internationalisation du crédit maritime par la reconnaissance des hypothèques constituées à l'étranger (paragraphe2).

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Paragraphe 1 : Les restrictions aux droits du constituant

72. Avant l'exécution de la créance garantie ou l'exercice de l'action hypothécaire, l'hypothèque a le grand avantage de laisser au débiteur la maîtrise de ses biens. L'hypothèque maritime ne transfère en effet pas la propriété du bâtiment de mer grevé au bénéficiaire. De droit, le constituant conserve les pouvoirs d'user et de tirer les fruits de son bien113(*). Ainsi, il peut affréter son navire, le grever de nouvelles hypothèques. Toutefois, il ne peut en aucun cas décider de vendre le bâtiment de mer grevé. Les restrictions touchent en réalité plusieurs aspects du droit de disposition, et en tant que droit qui exprime mieux la souveraineté du droit de propriété114(*), celui-ci se trouve considérablement amoindri (A). Bien plus, de nombreuses sanctions entourent le respect de ces restrictions, leur donnant ainsi une force obligatoire indéniable (B).

A. Restrictions au droit de disposer

73. Il convient d'énumérer toutes les restrictions légales au droit du constituant hypothécaire de disposer de son bien (1). Ces restrictions révèlent la gravité de l'engagement hypothécaire, et vise à protéger, bien que de façon limitée, le droit du créancier de saisir le bâtiment de mer grevé (2).

1. Typologie des restrictions

74. Les restrictions légales aux droits du constituant sur son navire sont de deux ordres. La première est relative à l'interdiction de toute opération volontaire qui entraîne la perte de nationalité d'un bâtiment grevé d'une hypothèque115(*) ; étant donné que le navire perd sa nationalité dans les conditions fixées par l'article 25 du CCMM116(*). Le constituant conserve par exemple le droit de donner ou de léguer son bien, à la condition que le don ou le legs n'entraîne pas la perte de nationalité du bâtiment de mer. L'objectif visé est de protéger la nationalité du bâtiment de mer, qui permet l'application du droit d'un Etat sur un navire.

KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

La seconde restriction, qui n'existe pas en droit français117(*), concerne l'interdiction de vente du navire à un tiers, soit dans un Etat membre de la CEMAC, soit à l'étranger118(*) ; que la vente soit faite à un étranger ou à un ressortissant d'un Etat membre.

Si la restriction se comprend aisément pour la vente aux étrangers ou à l'étranger, puisqu'il s'agit d'éviter que le débiteur ne tente de soustraire le bien à sa loi d'origine, elle se justifie moins en ce qui concerne la vente volontaire dans un Etat membre à des nationaux. On aurait pu en effet penser que le créancier hypothécaire pourrait toujours mettre en oeuvre son droit de suite à l'égard du tiers acquéreur, qui ne rencontre de difficulté que lorsque le navire change de nationalité. A moins que le législateur ne soit animé par la crainte de voir le tiers acquéreur puisse à son tour vendre le navire dans des conditions entraînant la perte de nationalité, encore que les restrictions quant à la nationalité n'affecte que les droits du constituant et non du tiers acquéreur.

En tout cas, tout est mis en oeuvre pour que le bâtiment reste sous l'emprise du constituant, afin de faciliter la saisie du navire.

2. Protection du droit de saisie du bénéficiaire.

75. Le créancier hypothécaire ne retire aucune utilité immédiate de sa garantie. De jure, il n'a ni le droit de jouissance, ni le droit d'usage, ni le droit de disposition. « Son droit est différé et presque virtuel »119(*), et n'apparaît qu'au moment de l'exécution de la garantie. En cas de non satisfaction à l'échéance, il dispose de l'action hypothécaire qui  se réduit au droit de provoquer la vente du bien par la saisie. Parce que ce droit appartient à tout créancier, il n'est pas explicitement fait mention dans le CCMM. Il n'en demeure pas moins un droit essentiel, protégé par les restrictions des articles 97 et 98 du CCMM.

76. Le droit de saisir le navire s'exerce plus facilement lorsque le lien de nationalité n'est pas rompu, bien plus, lorsque le navire reste la propriété du constituant. C'est en effet ce lien qui rattache le navire à un système juridique applicable quel que soit le lieu où il se trouve. L'action hypothécaire serait perdue si le lien qui justifie le droit du créancier sur le navire n'existe plus. C'est ici que l'immobilisation du navire apparaît plus que jamais comme une fiction, puisque le navire peut changer d'Etat d'immatriculation, de nationalité, et par conséquent de lieu d'immobilisation et de système juridique. Hypothèse qui n'existe pas en matière immobilière, où les immeubles, insusceptibles de se déplacer, sont toujours soumis dans leur statut réel à la loi de leur situation.

77. KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

Par les restrictions évoquées, le CCMM vise alors à maintenir l'immobilisation du navire en CEMAC. Mais les articles 97 et 98 qui posent les restrictions aux droits du constituant portent en eux-mêmes leur limite.

En effet, seules les actions volontaires sont interdites, ce qui n'excluent pas les opérations forcées. L'on pense ici à la vente judiciaire du navire. Celle-ci n'entraîne pas de difficulté lorsqu'elle est effectuée dans un Etat membre de la CEMAC. Tout le problème réside dans la vente judiciaire du navire à l'étranger, surtout si l'Etat du lieu de saisi ne reconnaît pas les droits du créancier hypothécaire. La Cour de cassation dans un arrêt du 24 juin 1912 a décidé qu'une telle vente ne purge pas les hypothèques. Quand le navire revient en France, le créancier hypothécaire qui n'a pas été désintéressé peut donc le saisir entre les mains de l'acquéreur120(*). De l'avis de certains auteurs, cette solution est mauvaise au point de vue des relations internationales, juste « inspirée par le souci de protéger les intérêts nationaux »121(*).

78. C'est pour réduire ces risques que de nombreuses Conventions internationales ont été élaborées, ayant pour but d'harmoniser le régime de l'hypothèque maritime. En effet, la question ne se pose pas lorsque l'hypothèque maritime est reconnue par l'Etat où le navire doit être vendu judiciairement. Malheureusement, lesdites conventions elles mêmes sont pour la plupart ineffectives. Le risque bien que réduit pour la vente volontaire, laquelle est même assortie de sanctions, demeure alors s'agissant de la vente judiciaire à l'étranger.

B. Sanctions à l'encontre du constituant fautif

79. Les restrictions aux droits du constituant sont assorties de sanctions tant pénales que civiles. S'agissant des sanctions civiles, le CMMC précise la nature de la sanction dans un cas (vente volontaire), dans l'autre se contente juste de poser l'interdiction (perte de nationalité), sans faire allusion au sort des actes passés en violation de celle-ci. La sanction qu'il vise est la nullité du contrat de vente. Elle est prononcée en raison du caractère illicite de l'objet.

80. Le constituant est en outre passible de sanctions pénales, dont les quantum relève de la législation nationale. Au Cameroun, c'est l'article 319 al 4 qui s'applique. L'infraction est un abus de confiance, et est puni d'un emprisonnement de 5 à 10 ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs.

81. KODJO GNINTEDEM Marie Duvale, L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande

L'application des sanctions ne se fait pas de manière aveugle. L'intention de contourner la règle de droit doit être rapportée (article 97 al2). L'article 98 CCMM va plus loin et parle de fraude. Or, on sait que la fraude trouve comme limite la difficulté de prouver l'intention frauduleuse. Une lecture a contrario des articles 97 et 98 semble par ailleurs laisser entendre que l'absence d'intention frauduleuse fait échapper le constituant à toutes sanctions, au grand dam du créancier.

82. En France, la sanction s'étend sur le plan administratif et consiste au refus de radier le navire. Mais BEURIER relève que cette sanction est limitée, car si le navire est vendu à l'étranger, l'acquéreur peut se passer de l'autorisation administrative122(*).

Dans tous les cas, les sanctions, assez graves, visent à décourager tout constituant qui serait tenté de poser un acte rendant incertain le droit du créancier hypothécaire. Mais cette incertitude demeure toutefois pour les navires immatriculés dans un Etat membre lorsque celui-ci est à l'étranger123(*). Quant aux navires étrangers, le régime mis en place par le CCMM leur est assez favorable, et de nature à instaurer une certaine confiance dans le système juridique de la CEMAC, facteur permissif du déplacement des navires étrangers hypothéqués dans cet espace.

* 113 La convention des parties peut néanmoins limiter ces pouvoirs, mais sans dénaturer le droit de propriété du constituant.

* 114 BERGEL (Jean-Louis) : Le droit des biens, Paris, PUF, Coll Que sais-je ?, 2ème éd, 1990, p. 32.

* 115 Art 97 CCMM.

* 116 Cet article énumère les actions pouvant entraîner la perte de nationalité d'un bâtiment de mer. Il s'agit du manquement grave aux obligations relatives à son obtention ; de la suppression de l'une quelconque des conditions requises pour son obtention ; de tout changement d'un bâtiment, sans déclaration préalable, dans sa forme ou de toute autre manière ; de la naturalisation frauduleuse d'un navire étranger.

* 117 L'article 57 de la loi française du 03 janvier 1967 s'est juste contenté d'interdire toute opération volontaire qui entraîne la perte de francisation du bâtiment grevé d'une hypothèque. Les auteurs ont vu dans ce texte l'interdiction de la vente du navire à un étranger, cette vente perturbant, voire anéantissant les droits du créancier hypothécaire. Ils précisent néanmoins que les dispositions de l'article 57 n'interdisent pas la vente à l'étranger d'un navire hypothéqué, lorsque cette vente est faite dans des conditions telles que les droits du créancier hypothécaires sont préservés (remboursement du créancier par l'acheteur, transfert de l'hypothèque sur le registre étranger avec l'accord du créancier,...) v. BONASSIES (Pierre), SCAPEL (Christian) : Traité de droit maritime, Paris, LGDJ, 2006, n° 557, p. 369.

* 118 Art 98 CCMM.

* 119 ANOUKAHA (François), CISSE-NIANG (Aminata), FOLI (Messanvi), ISSA-SAYEGH (Joseph), NDIAYE (Isaac Yankhoba), SAMB (Moussa) : OHADA, Sûretés, Bruxelles, Bruylant, Coll Droit uniforme africain, 2002, n° 487.

* 120 Cass. civ., 24 juin 1912, DP 1913, I, 457, note RIPERT, S 1912, 1, 433, note LYON - CAEN. - BEURIER (Jean-Pierre) : Traité de droit maritime, Paris, Dalloz, n° 334.61.

* 121 RODIERE (René), Du PONTAVICE (Emmanuel) : Droit maritime, Paris, Dalloz, 10e éd, 1986, n°113.

* 122 BEURRIER op.cit, n° 334.61, p.283.

* 123 Il n'est d'ailleurs pas possible pour le législateur communautaire de réglementer strictement le statut du navire hypothéqué à l'étranger, laquelle réglementation ne peut contraindre l'Etat du lieu de saisie. Seules les Conventions internationales peuvent pallier à cet inconvénient.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille