B.Les justifications idéologiques
Dans un tel système, le concept de dommages et
intérêts punitifs ne pouvait donc, en principe, trouver sa place.
Madame Belfort, vice-présidente du Tribunal de Grande Instance de Paris,
pouvait donc écrire que « l'action devant une juridiction
civile n'a pas pour objet de sanctionner un comportement mais de réparer
tout le préjudice et seulement le préjudice qui est une suite
immédiate et directe des fautes commises. Donc : pas de dommages et
intérêts punitifs et l'indemnisation ne peut excéder le
montant de la perte subie et du gain manqué »8. La
notion de dommage et intérêts punitifs, telle qu'elle existe aux
Etats Unis d'Amérique par exemple était donc rejetée par
principe9.
La première justification d'un tel rejet se trouvait
dans l'organisation judiciaire elle-même. Les actions civiles et
pénales possèdent chacune une spécificité qu'il
convenait de respecter. Mesdames Brun et Oppelt-Reveneau, magistrates,
considèrent que les actions civiles et pénales sont en mesure de
satisfaire les victimes de la contrefaçon lorsque celles-ci engagent une
action civile jointe à la procédure pénale devant le juge
correctionnel. Ainsi, les victimes sont indemnisées du préjudice
subi « tandis qu'au plan pénal, la peine d'amende ou
d'emprisonnement peut assurer les effets punitifs et dissuasifs attendus
»10. Un autre argument avancé par les magistrates
précitées consiste à dire que si l'on acceptait les
dommages et intérêts punitifs en droit de la
propriété intellectuelle, les victimes de contrefaçons se
trouveraient mieux traitées que les victimes de dommages en d'autres
domaines parfois bien plus graves : « Ne serait-il pas choquant qu'en
bénéficiant de dommages et intérêts punitifs,
l'industriel victime de la contrefaçon d'un médicament soit mieux
traité que la victime malade du médicament contrefait qui devrait
se contenter d'une réparation dans les strictes limites imposées
par les articles 1382 et 1383 du Code civil » ?
8 « L'indemnisation des préjudices en matière
de contrefaçon : La pratique des tribunaux en France », RIPIA
2000, n°201.
9 Même la loi « de lutte contre la
contrefaçon » du 29 octobre 2007 n'introduit pas en droit
français de dommages et intérêts punitifs selon le
rapporteur de la loi au Sénat. P. Kamina, « Quelques
réflexions sur les dommages et intérêts punitifs en
matière de contrefaçon », Cah. dr. entr. 2007,
n° 4, p. 35.
10 B. Brun et M.-E. Oppelt-Reveneau, «
Améliorer le contentieux de la contrefaçon : du souhaitable au
possible », Propr. ind. Juin 2004, p. 15.
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