1.2 Le concept de limite dans la psychanalyse
contemporaine
C'est avec le psychanalyste André Green
que le concept de limite a pris toute son importance théorique.
Pour lui : « Il nous faut donc considérer la limite comme une
frontière mouvante et fluctuante dans la normalité comme dans la
pathologie. La limite est peut-être le concept le plus fondamental de la
psychanalyse moderne. » (Green A. (1999), « Genèse et
situation des états limites », in Les états
limites, Jacques André et all, Paris, P.U.F., Petite
Bibliothèque de Psychanalyse, page 56.)
Penser une configuration clinique à partir de la
problématique de la limite autorise à considérer comment
la porosité des limites du Moi se répercute dans la
difficulté de ces sujets à distinguer le Moi de l'objet, le
dedans du dehors, l'intériorité de l'extériorité.
(Estellon, V. (2023). Figures et formes des états limites. Le Carnet
PSY, H-, 17-24.)
Si les frontières de son identité sont
poreuses, l'état limite - tel un « écorché
vif » - en vient à se construire des murs
défensifs. (Estellon, V. (2023). Figures et formes des états
limites. Le
Carnet PSY, H-, 17-24.)
La porosité des limites du Moi sous-tend les
mécanismes de défenses utilisés ainsi que toute la
symptomatologie psychopathologique secondaire polymorphe (autrement dit, une
présentation clinique variée et complexe de symptômes
psychopathologiques qui résultent de divers facteurs sous-jacent...).

· Didier Anzieu explicite un « Moi passoire »
(issu de son ouvrage « Le Moi-peau »
publié en 1985) c'est-à-dire, de la
porosité, perméabilité, des limites entre le dedans et
10
1.2.1 Porosité et précarités des
limites du Moi
11
le dehors du Moi qui est à la source d'une
désorganisation, de débordements divers, d'hémorragies
émotionnelles qui caractérisent ces sujets.
La porosité des limites de l'identité
privilégie la construction d'un certain nombre de murs défensifs
: l'angoisse d'empiétement ou celle d'être deviné
conduisent souvent à élever des murs de mensonges, murs de la
peur, murs d'images stéréotypées qui emprisonnent peu
à peu ces sujets dans un fonctionnement radical,
manichéen, répétitif. (Estellon, V. (2023).
Figures et formes des états limites. Le Carnet PSY, H-,
17-24.)
En flirtant régulièrement avec la mort à
travers des comportements à risque tels que l'automutilation, les
comportements destructeurs, et les tentatives de suicide, les individus
souffrant de troubles de la personnalité limite tentent de fuir leur
désespoir lié à un sentiment de manque, tant sur le plan
de l'être que de la possession, deux dimensions qu'ils ont tendance
à confondre. De nombreux contenus psychiques, habituellement maintenus
dans l'inconscient par le mécanisme de refoulement chez les
névrosés, peuvent surgir à la conscience chez ces
individus, générant ainsi des angoisses
insupportables. (Estellon, V. (2023). Figures et formes
des états limites. Le Carnet PSY, H-, 17-24.)
Les fonctions psychiques de contenance fixées à
des modalités infantiles dominées par l'impuissance et
l'immaturité n'aident en rien, et l'on retrouve souvent chez ces adultes
des phénomènes rappelant parfois les caprices d'enfant
marqués par la temporalité de l'urgence. Sur fond
d'insécurité intérieure quasi permanente, une
grande dépendance vis-à-vis des autres peut être
observée tandis que la conscience de cette même dépendance
se trouvera déniée sinon contre-investie par des attaques
constantes du lien. (Estellon, V. (2023). Figures et formes des
états limites. Le Carnet PSY, H-, 17-24.)
Hantés par des angoisses
relationnelles contradictoires - l'angoisse d'intrusion
(pénétration) et l'angoisse d'abandon (castration) -
obsédés par la menace d'effondrement consécutive à
la perte, la problématique du lien devient complexe, douloureuse, sinon
invivable. (Estellon, 2023)
12
Stern et la notion d'hémorragie
psychique
Stern a également abordé ce concept de
porosité, permettant d'expliciter le fonctionnement borderline avec la
notion d'hémorragie psychique.

En effet, l'auteur insiste sur la sensibilité
exacerbée que peuvent ressentir ce type de personnalité, qui se
sentent très facilement blessé et donc vulnérable en
permanence, comme si la peau psychique n'était pas suffisamment
développée pour les protéger de la moindre blessure
provenant de l'extérieur les amenant à se « vider ».
(Estellon, V. (2014). « Origine et évolution de la notion
d'état limite dans le champ psychopathologique »). Stern
parlera donc d'hémorragie psychique. Cette enveloppe psychique ne
pouvant fonctionner de manière contenante, les sujets ayant un trouble
borderline peuvent avoir l'impression de se vider, de ne rien pouvoir garder
pour eux, de ne pas être capable de tenir les secrets. Ces angoisses de
vidage donnent un cercle vicieux, car ayant l'impression de se vider, leur
demande augmente, rendant encore plus complexe et dépendante leur
relation aux autres. (Estellon, V. (2014). Origine et évolution de la
notion d'état limite dans le champ psychopathologique.)
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