2. Les difficultés à mettre en place une telle
stratégie
Intégrer le développement durable dans sa
stratégie comporte des risques. Le modèle n'est pas parfait il
existe des limites que les réfractaires brandissent pour retarder une
échéance néanmoins inévitable : les
entreprises devront toutes chacune à son échelle se mettre un
jour ou l'autre à réfléchir mais surtout à mettre
en place les trois piliers au sein de leur structure petite ou grande.
L'objectif ici est de mieux comprendre quels sont ces risques
et limites afin de mieux pouvoir les appréhender et trouver des
solutions ou réponses à ces problèmes.
Une des grosses difficultés rencontrées par les
entreprises au départ de leur démarche est relative à la
collecte d'information et à la mobilisation des contributeurs.
Les difficultés majeures des entreprise pour le
reporting des données sociales et environnementales (source :
Enablon 2005)
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Collecter les informations
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22 %
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Mobiliser les contributeurs
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13 %
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Définir un référentiel commun au sein du
groupe
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10 %
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Vérifier les données
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10 %
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Consolider les indicateurs
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8 %
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Identifier et partager les meilleures pratiques
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9 %
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Suivre les évolutions du cadre
réglementaire
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7 %
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Benchmarketer les entités
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6 %
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Obtenir une visibilité qui ne soit pas qu'à
posteriori
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5 %
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La multiplicité des référentiels
internationaux
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4 %
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La multiplicité des cadres réglementaires locaux
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4 %
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Autres
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2%
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Fig.4 : Sondage réalisé par Enablon en
2005
Selon une étude menée par Enablon auprès
de 50 entreprises du CAC 40 et du SBF 120, 26% des grands groupes
français publient un rapport de développement durable et 63%
l'intègrent dans leur rapport financier annuel. Mais ces
sociétés se heurtent aux difficultés exposées
ci-dessous. Ces dernières devraient peu à peu disparaître
avec l'expérience des années : il est toujours difficile
d'intégrer un nouveau concept dont les bases ne sont pas encore
clairement définies notamment quant à sa mesure. C'est ce que
démontre d'ailleurs une autre source :
Les principales difficultés rencontrées
par les entreprises du SBF 250 en matière de développement
durable (source Mazars)
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La mise en place d'indicateurs
22,6 %Adapter les systèmes
d'information
17,2 %Sensibiliser les acteurs
17,2 %Identifier les parties
prenantes et concerter
15,2 %Faire changer les
mentalités
11,8 %
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Fig. 5 : enquête menée par Mazars
Cette enquête a permis de mettre en avant les
difficultés rencontrées par les entreprises pour mettre en place
des indicateurs et adapter en conséquence leurs systèmes
d'information.
Autre point clef : après l'information, c'est la
formation des salariés et celles de leurs responsables qui posent
problème. Or il s'agit d'une étape obligatoire dans la mise en
place d'une telle stratégie ! Pour le moment, il n'existe pas
réellement de formateur du développement durable, mais cela tend
à venir notamment par le biais du coaching. Une des solutions est
également d'intégrer le développement durable dans nos
systèmes éducatifs : plus tôt nous apprendrons les
bons gestes et la philosophie qui va avec, plus simple ce sera à mettre
en place dans l'avenir. Mais c'est également au niveau des études
supérieures qu'un cap doit être franchi : mettre en place des
formations qui permettront aux futurs diplômés de demain
d'intégrer ces principes dans leur métier respectif. Les
universités françaises y travaillent mais sont loin
derrière d'autres pays européens comme l'Allemagne ou la
Suède qui ont depuis longtemps mis en place de tels systèmes.
Plus loin que les difficultés rencontrées par
les entreprises, les détracteurs pointent les limites du
modèle :
o Certains dénoncent le fait qu'il y ait une demande en
produits « durables » ne suffit pas. En effet,
différentes études menées démontrent que 30
à 40 % des consommateurs sont de plus en plus sensibles à
l'argument écologique mais que seulement 3 à 4% sont prêts
à faire des compromis. Cet argument est d'ailleurs renforcer par le
constat suivant : il existe bien un écart de taille entre les
réponses données, comme par exemple sur les intentions d'achats,
et l'attitude réelle des consommateurs. En effet, les personnes ne font
pas encore le lien entre le discours annoncé et leur comportement
d'achat.
o D'autres estiment que l'argument
« vert » annoncé comme important par le
consommateur, n'est pas le critère d'achat n°1 dans la
réalité. Autrement dit, l'écologie permettrait de
meilleures ventes si l'avantage annoncé pour le consommateur concerne
non pas uniquement le bien être de la planète mais surtout le sien
(on parle d'ego consommateur).
o Les consommateurs demandent à être convaincu
par le produit. Or il s'agit là d'un véritable casse tête
de communication : comment expliquer et prouver que le produit
« vert » est mieux sans tomber dans le discours
scientifique. De plus, la profusion de labels (entre ceux officiels et ceux
relevant d'entreprises privées), le consommateur a de quoi y perdre la
tête et par conséquent de se lasser d'un produit pour lequel le
bien être qu'il procure ne semble pas à la mesure de ses
promesses.
Une dernière limite au concept reste que si les
français se montrent de plus en plus sensibles au développement
durable, jouer sur cette corde sensible constitue justement un risque. En
effet, certains n'hésitent pas à communiquer sur un bien par
exemple dont la nature et le devenir écologique sont
controversés. D'autres font référence à la nature
dans leur publicité pour se donner un côté
« écolo ». Mais le pire exemple reste celui du
« Greenwhasing » (blanchiment de
réputation) : l'idée est se lancer dans la RSE alors que ce
type d'entreprises ne sont pas reconnues pour leur engagement social et
environnemental. C'est le cas de Wal Mart qui se jette à l'eau mais qui
est reçu avec beaucoup de scepticisme. Un bémol au
phénomène de greenwhasing, selon Stanislas Dupré, est
qu'une partie de ce dernier serait dû à la méconnaissance
du sujet par les concepteurs de publicité.
Malgré ces difficultés, il semble bien que le
marketing vert ait de beaux jours devant lui à condition de respecter
les règles, à savoir que le marketing doit reflèter la
réalité de l'entreprise. Autrement dit, les exemples de fausses
entreprises « durables » seront vite
démasquées, mais si le risque d'entacher tous les efforts
réalisés par d'autres est toujours là.
Finalement, on se rend compte que la mise en place d'un tel
projet d'un point de vue marketing est tout à fait réalisable
à condition de bien préparer en amont sa mise en oeuvre et de
veiller en aval aux respects des règles et valeurs annoncées. La
pratique de la RSE au niveau marketing constitue plus un changement de
perception du marketing et du rôle de celui-ci qu'un apport en terme
d'outils. En effet, pour le moment, les procédés utilisés
sont les même, c'est juste le message qui change. Néanmoins, on
peut tout de même noter les efforts réalisés en éco
conception où cette fois ci la façon de produire est
modifiée par le fait que les matières premières doivent
être réduites ou ne sont tout simplement plus les mêmes
(matières recyclées par exemple). Des entreprises de divers
horizons sont aujourd'hui rentrées dans la sphère durable avec
succès, peut être les modèles des entreprises de demain...
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