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Leibniz et la physique quantique

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par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

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3.2. Considérations structurelles

3.2.1. Le système de Leibniz et les deux types de réalité

Métaphysique leibnizienne et réalités

Il peut paraître étrange de tenter de comprendre le système de Leibniz à l'aide d'une grille de lecture qui lui est bien postérieure et qui a de plus été construite dans un tout autre but. Leibniz devait sûrement disposer d'un découpage analogue à celui des réalités empirique et indépendante lorsqu'il a construit son système, mais l'objectif de la présente section n'est pas de spéculer sur le point de vue que Leibniz aurait eu s'il avait dû s'expliquer au sujet d'une telle dualité. Bien plus nous allons tenter ici de dégager comment le système leibnizien peut s'articuler, de la manière la plus cohérente, avec les deux types de réalité que d'Espagnat dégage et dont nous avons vu l'utilité pour traiter de la physique quantique. Si nous voulons comparer le système de Leibniz et la théorie quantique, nous devons en effet leur trouver des grilles de lecture communes.

Voyons tout d'abord quelles places doivent occuper les deux types de réalités dans la métaphysique leibnizienne, à quoi doivent correspondre les réalités indépendante et empirique dans le système ontologique de Leibniz. S'il accorde bien une place essentielle à la perception dans sa théorie de la connaissance, Leibniz lui donne également un rôle capital dans sa métaphysique et dans sa description ontologique du monde. On pourrait alors conclure qu'une telle référence à la perception, comme les références faites aux observateurs dans la théorie quantique et dans la théorie de la Relativité, signifie que la métaphysique leibnizienne n'est qu'à objectivité faible. Cependant le système leibnizien donne un statut ontologique stable et indépendant de l'homme à la perception, il en fait même le principe d'action de base dans la réalité. Puisqu'il ne partage pas le dualisme cartésien, Leibniz fait de la perception une réalité en soi dans le monde physique, il en fait même la réalité fondamentale de ce monde.

Pour éclairer ce point, nous devons préciser les définitions que nous avons données des réalités indépendante et empirique. Une description de la réalité indépendante doit rendre compte des existences et de leur nature, abstraction faite des modalités cognitives de celui qui l'énonce. Au contraire une connaissance de la réalité empirique ne peut manquer de faire référence à ces modalités et doit donc porter sur les phénomènes plus que sur les choses en soi. Si Leibniz introduit dans sa description des existences fondamentales une théorie de la perception, cela n'implique pas un idéalisme qui exclurait la dualité en question, car il n'est pas fait spécifiquement référence à la perception humaine mais à celle que connaissent toutes les substances. Au contraire Leibniz utilise explicitement une distinction assez classique entre choses en soi et phénomènes, quoique la différence entre les deux ne soit pas basée sur l'usuelle présence d'influences sensibles. La réalité en soi, chez Leibniz, concerne les substances individuelles, conçues comme des âmes, leurs modalités d'interaction et notamment le flux de perception que connaît chacune d'elles. Les rapports structurels d'entre-expression que connaissent les monades sous forme de perception mutuelle, comme le fait que toute monade doit percevoir toute les autres dans une certaine mesure et qu'à la perception distincte de l'une doit correspondre celle confuse de l'autre, sont indépendants du contenu contingent de ces perceptions et peut donc satisfaire à une objectivité forte. La réalité empirique concerne quand à elle la perception que peut avoir une substance particulière, ou une classe de monades ayant plus ou moins le même degré de perfection, et c'est là que l'on trouve la réalité des entités composés que sont les corps par exemple. L'objectivité faible de d'Espagnat concerne alors les agrégats que tous les humains observent en raison de leur ressemblance contingente mais qui ne disposent que d'une réalité phénoménale et empirique.

Il nous faudra cependant vérifier que les spéculations que nous avons tentées, avec d'Espagnat, à propos de la réalité indépendante, n'entrent pas en contradiction avec la partie du système de Leibniz que nous avons associé à cette réalité. La causalité étant d'emblée phénoménale chez Leibniz, son abandon pour la réalité indépendante ne pose donc aucun problème. La spontanéité de la substance étant définie de manière individuelle et algorithmique, cela a pour conséquence d'autoriser une définition à objectivité forte de la prédestination leibnizienne. Une monade évolue selon une suite d'états prédéterminée en totale autonomie et cette définition a priori ne peut pas souffrir des critiques que nous avons évoquées concernant les définitions à objectivité forte de la causalité. Pour ce qui est de l'atomisme et de l'abandon des concepts d'espace tridimensionnel et de temps, nous laissons leur analyse à des sections ultérieures car il s'agit de points plus complexes et plus problématiques.

Le système de Leibniz n'est un idéalisme que dans la mesure où il place la perception, et les fonctionnements spirituels en général, à une place ontologiquement centrale. La distinction réaliste classique entre ce qui est dû à notre sensibilité et ce qui revient en propre aux existants peut donc être conservée mais il faudra cependant prendre garde à ne pas ranger toute assertion faisant référence à des modalités perceptives dans la réalité empirique. Seules des références à des perceptions particulières devront être comprises comme nous interdisant une description de la réalité indépendante.

La théorie leibnizienne de la connaissance

Maintenant que nous avons statué sur les places respectives des réalités indépendante et empirique dans la métaphysique leibnizienne, voyons dans quelle mesure une connaissance de la réalité en soi peut être jugée accessible dans le système de Leibniz.

Dans un premier temps, d'un point de vue formel, Leibniz utilise un langage qui semble témoigner d'une prétention à décrire le réel tel qu'il est, donc la réalité indépendante. Il faut noter que le type de prudence sceptique, coutumière concernant toute entreprise systémique en philosophie depuis le dix-neuvième siècle, est assez étranger aux discours des philosophes du dix-septième siècle. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils ne fassent pas preuve d'esprit critique concernant les limites de la connaissance humaine. Quand au système de Leibniz, si le principe de raison signifie que l'on peut rendre compte totalement de tout existant, cette possibilité n'est réellement accessible qu'à un entendement infini. La perception individuelle de toute être humain est inévitablement emprunte d'une certaine confusion qui l'empêche de rendre dernièrement raison de tout existant particulier. Concrètement donc, Leibniz n'accorde à toute connaissance humaine sur des faits qu'une pertinence parcellaire et une incomplétude liée à l'imperfection individuelle de tout esprit. Cependant, Leibniz nous accorde la possibilité d'accéder à une compréhension totalement adéquate des vérités nécessaires, c'est-à-dire concernant les essences ; seul à leur propos, puisque cela ne produit pas une régression à l'infinie, il est possible de clore la réduction en vérités identiques nécessaire à une connaissance claire et distincte. Nous pouvons d'ores et déjà imaginer une manière d'articuler les réalités indépendantes et empiriques dans la théorie leibnizienne de la connaissance : une connaissance de la réalité indépendante nous serait accessible concernant les possibles seuls, tandis que seule la réalité empirique est l'objet d'une connaissance humaine portant sur des existants.

Ce pose alors un problème d'ordre métaphysique si l'on se demande comment doit se comprendre le concept de réalité indépendante concernant des potentialités. Mais les possibles, dans le système leibnizien, ne sont pas de simples virtualités, ils ont bien une certaine réalité, quoique le seul possible soit moins réel que l'existant. Comme nous l'avons déjà noté, la connaissance adéquate dont nous sommes susceptibles concernant les essences ne porte pas sur leur détail mais sur leurs relations structurelles et ces relations correspondent aux vérités nécessaires auxquelles nous pouvons accéder par la logique et les mathématiques. Bien que l'on ne puisse nier l'objectivité qui caractérise ces vérités, il est difficile de dire s'il s'agit d'une objectivité forte ou d'une objectivité faible. Nous pouvons répondre à cette question en faisant appel à la hiérarchie des êtres que Leibniz construit dans son souci de continuité. Les âmes sensitives, inférieures aux esprits humains, si elles possèdent mémoire et entendement empirique, n'ont pas la conscience d'elles-mêmes nécessaire à la connaissance de ces vérités nécessaires. Par contre Dieu, infiniment plus parfait que les humains, dispose de tout temps de la connaissance la plus parfaite de toute chose et donc également des vérités éternelles. Il semble alors que, dans le système de Leibniz, si les vérités nécessaires sont bien indépendantes de toute constante humaine, leur maîtrise par les humains, et les modalités de cette maîtrise, sont cependant une conséquence de leur degré particulier de perfection, de leur position dans la hiérarchie des êtres.

Cela est encore plus évident si l'on rappel le fait, affirmé par Leibniz à plusieurs reprises, encore une fois par fidélité à son principe de continuité, que, si l'on pouvait dévoiler tous les replis d'une monade, on y découvrirait le détail de toutes les monades, possibles comme existantes. Autrement dit, potentiellement, toutes les substances possèdent une perception parfaite de toute la réalité indépendante. Cependant, en raison de l'imperfection de chacune, aucune monade n'a une perception de cette réalité indépendante qui soit assez distincte pour prétendre à la conscience et à la connaissance. La référence que nous sommes ici obligés de faire au fait que l'imperfection de toute substance particulière joue dans sa connaissance de la réalité, signifie que cette connaissance porte sur la réalité empirique et pas directement sur la réalité indépendante. Nous devons tout de même remarquer, ce qui rejoint le point de vue de d'Espagnat, que la continuité que nous venons d'évoquer entre perception confuse et inconsciente de la réalité indépendante et connaissance plus distincte de la réalité empirique, laisse à penser que celle-ci doit bien nous fournir quelques indices structurels sur ce réel voilé. Il est en effet plus fidèle à la philosophie de Leibniz d'imaginer une continuité sous-jacente entre ces deux réalités, bien que cette distinction puisse conserver son utilité et sa pertinence une fois que l'on a pris conscience de cette continuité.

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