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Leibniz et la physique quantique

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par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

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3.2.2. Les grands principes leibniziens et le formalisme quantique

Principe de contradiction

Le principe de contradiction, que Leibniz identifie dans son système à la nécessité, est un de ses piliers. Cela n'a pourtant rien d'original car, en tant que pierre angulaire de toute logique, il est également le pilier de tout système rationnel. Et le formalisme quantique ne fait pas exception à cela, d'autant plus qu'il compense en général l'impermanence de son objet par une rigueur mathématique exceptionnelle. Le succès que connaissent les règles quantiques en termes de prévisibilité, malgré l'absence d'interprétation ontologique décisive à son sujet, milite pour confirmer le rôle essentiel que doit jouer le principe de contradiction dans toute entreprise rationnelle, et notamment dans toute recherche empirique. Ce principe n'est de toute façon pas susceptible de connaître un désaveu en conséquence d'une quelconque théorie scientifique car, justement, seul lui est capable de discriminer parmi les axiomes des théories en excluant ceux qui présentent contradiction.

Aussi, parce qu'il sépare précisément le principe de contradiction du principe de raison suffisante et qu'il fait du premier la seule règle des vérités nécessaires, Leibniz met la nécessité logique à l'abri de la menace que peut faire peser la physique quantique sur le déterminisme et la causalité. Le principe de contradiction concerne uniquement les propositions réductibles en vérités identiques et celles-ci ne craignent aucune remise en cause par le formalisme quantique car celui-ci en fait un grand usage.

L'efficacité prédictive dont fait preuve la physique quantique en conservant une foi certaine dans le principe de contradiction, même si on limite le formalisme quantique à la description de la réalité empirique, signifie que ce principe doit bien correspondre à quelque chose dans la réalité indépendante. Pour peu que l'on admette que la réalité empirique est, d'une manière ou d'une autre, une conséquence de la réalité indépendante, il est difficile d'imaginer comment le principe de contradiction pourrait se montrer efficace au sujet de la réalité empirique sans l'être également dans le cas fictif où nous aurions accès à la réalité indépendante. Si l'on admet que la moindre information structurelle puisse être dérivée de notre expérience au sujet du réel voilé, on ne pourra rien conclure à son sujet sans admettre en premier lieu la nécessité logique.

Principe de raison suffisante

Le principe de raison suffisante entretient cependant une relation plus conflictuelle avec le formalisme quantique. En effet nous avons pu voir que ce formalisme implique, mathématiquement, les relations d'indétermination, ou d'incertitude, d'Heisenberg, relations qui ont pu faire croire à ce dernier en l'échec de la causalité. Le principe leibnizien de raison signifie que, de toute chose, on peut rendre raison ; il s'agit de l'équivalent de la causalité dans le système de Leibniz, bien qu'il soit plus fondamental, car la causalité est phénoménale chez Leibniz. En d'autres termes on doit toujours pouvoir expliquer une vérité contingente par d'autres vérités contingentes antérieures et il est vrai que le formalisme quantique nous interdit cela au sujet des mesures concernant les particules élémentaires.

Il faut noter tout de même que le principe de raison de Leibniz, au sujet des vérités contingentes, implique, à cause de l'infinité du monde, que la chaîne qui permet de rendre compte d'une existence contingente est composée d'une infinité de maillons, qui sont autant de vérités de fait. En conséquence de la finitude intrinsèque de toute créature, aucun humain n'est en mesure de parcourir cette chaîne et il doit donc finir par se trouver incapable de satisfaire au principe de raison, quoiqu'en droit celui-ci continue de s'appliquer. Cela explique l'incapacité, que Leibniz pouvait déjà remarquer à son époque, dont les sciences peuvent témoigner pour déterminer de manière définitive la cause exacte d'un phénomène précis. Cependant, comme nous l'avons déjà vu, l'indéterminisme dont semble témoigner la physique quantique ne peut pas être rapporté ainsi à la méconnaissance de certaines données.

Bien plus il s'agit d'une règle mathématique qui empêche de connaître avec précision certaines variables conjuguées sur un système étudié. Nous avons pourtant vu l'étendue des controverses que connaît la physique quantique, même au sein du formalisme conventionnel, concernant la nature de ses objets. On est alors en droit de penser, comme tous les défenseurs des théories à variables cachées mais sans pour autant estimer avec eux qu'un meilleur formalisme soit possible, que ce doit bien être l'incomplétude de notre description des systèmes physiques quantiques qui provoque l'incertitude mathématique qui en résulte, aussi bien que les controverses évoquées. Donc, si le formalisme quantique est une description de la réalité empirique qui ne satisfait pas pleinement au principe de raison suffisante, il est tout à fait envisageable -voir naturel étant donné l'utilité générale que l'on peut trouver à ce principe- de supposer que la réalité indépendante y souscrive. Il faut en effet rappeler que, comme la métaphysique leibnizienne fait de l'entre-expression le rapport de base entre les existants, le principe de raison peut s'appliquer dans une plus grande mesure à la réalité fondamentale qu'au strict domaine du connaissable humain. Autrement dit, si un esprit humain ne peut pas trouver de quoi rendre compte du résultat de certaines mesures à l'échelle quantique, même si cela est dû à une nécessité mathématique, on ne peut pas en conclure que la raison qui détermine telle observable à prendre telle valeur ne se trouve dans aucune monade. D'ailleurs, par définition, Dieu, en raison de sa perfection, contient nécessairement de quoi rendre compte de toute chose.

Il est également possible de voir ici une analogie avec l'exemple récurrent que Leibniz utilise pour expliquer la présence du mal dans le monde par la notion de moindre mal : un carré parfait implique, par une nécessité mathématique, que sa diagonale soit un nombre incommensurable. Il n'est pas exclu que l'incomplétude de la mécanique quantique soit simplement due au même type d'incompossibilité entre essences. Pour faire coexister un maximum de substances dans la création, Dieu a peut-être dû les concevoir dans une organisation défiant les capacités rationnelles humaines.

Malgré le caractère particulièrement spéculatif de ces dernières assertions, de la même manière que les théories à variables cachées à propos du déterminisme, elles ont le mérite indéniable de pouvoir servir de contre-exemple à toute conclusion hâtive à partir du formalisme quantique qui tenterait d'établir l'échec du principe de raison suffisante leibnizien. Celui-ci, comme la causalité, n'a pas été contredit mais seulement rendu inapplicable. De plus, si on limite le formalisme quantique à la réalité empirique et que l'on admet la théorie de la substance de Leibniz, on peut pleinement envisager que le principe de raison suffisante garde tout son sens au sujet de la réalité indépendante à l'échelle quantique.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault