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Leibniz et la physique quantique

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par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

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3.2.3. Le problème de la continuité

Atomisme et vide

Le modèle atomiste fut adopté suite aux découvertes de Jean Perrin en 1906 et l'on doit à Ernest Rutherford, en 1910, la preuve du fait que ces atomes soient principalement constitués de vide. Nous avons déjà assez vu les limites des conceptions corpusculaires en physique quantique pour ne pas nous arrêter à la vision familière mais erronée des atomes comme de petits noyaux de matière autour desquels gravitent des électrons. Si la décohérence permet d'observer pour les atomes, parce qu'ils sont composés de plusieurs particules, des comportements plus ressemblant à ce que nous avons l'habitude avec les entités corpusculaires macroscopiques, ils restent entièrement soumis aux lois quantiques. Les invariants nécessaires pour en faire rigoureusement et légitiment des corps matériels sont à peine plus réunis au sujet des atomes que pour les particules élémentaires. Il faut préciser que l'atomisme que réfute Leibniz fait des atomes les derniers éléments du monde matériel, il en fait des éléments élémentaires. La science moderne, si elle conçoit des atomes, les définit comme composés de particules plus élémentaires, qui par contre, en tant que portions étendues de matières indivisibles, correspondent davantage à l'atomisme philosophique auquel s'oppose Leibniz.

Même si l'on retient une définition corpusculaire des atomes, il demeure que tous les arguments logiques que Leibniz présente pour montrer qu'ils ne peuvent constituer les derniers éléments de la nature restent valides. Si un atome ne peut être scindé en parties pour des raisons physiques, il n'empêche qu'il peut l'être en droit et que cette inséparabilité est donc contingente. Comme l'étendue n'est que phénoménale, les atomes ne doivent leur statut qu'au vide qui les séparent. Il est vrai que tous les types d'atomisme, antiques comme scientifiques, ne peuvent appuyer leur cohérence que sur la possibilité du vide. Au contraire l'indiscernabilité, la relativité de l'étendue et de l'espace, comme l'impossibilité du vide, sont les trois éléments nécessaires à la théorie leibnizienne de la substance.

Comme tous ses contemporains, Leibniz pensait à l'impossibilité du vide pour des raisons philosophiques et théologiques. La définition philosophique du vide est celle du non-être, du néant pur où rien n'existe sous quelque forme que ce soit, du moins est-ce ainsi que Leibniz devait le concevoir. Mais le vide tel qu'il a été ainsi introduit puis étudié en physique, s'il signifie l'absence de particules matérielles, reste parcouru de champs quantiques. Il est clair alors que le vide physique est qualitativement différent du vide philosophique. Si un modèle matérialiste comme celui de Descartes, qui refuse un vide comme absence de matière, peut être remis en cause par un tel vide physique, la métaphysique leibnizienne conçoit des existences fondamentales qui ne sont pas matérielles et peut donc admettre que les champs qui parcourent le vide évitent que celui-ci soit conçu dans son sens philosophique. Quelque chose parcoure donc bien le vide à l'échelle quantique et nous avons déjà vu l'ambiguïté qui caractérise la nature des entités considérées à cette échelle.

Par ailleurs, la théorie de la Relativité rejoint la vision leibnizienne de l'espace et du temps sur la question de leur réalité. Dans le système de Leibniz comme dans la construction d'Einstein, ni l'espace ni le temps ne sont des substances, ils sont relatifs aux objets qu'ils contiennent et un espace sans objet ni a donc tout simplement pas de sens. Il est donc naturel que la théorie quantique des champs, dont il faut rappeler qu'elle est la version la plus aboutie du formalisme quantique en cela qu'elle se conforme le mieux à la Relativité, exclue également le vide. Là où la mécanique quantique non-relativiste voit des créations et des annihilations de particules au sein des portions vides d'un espace newtonien, la théorie quantique des champs voit ces champs partout, fait d'eux la réalité fondamentale et, à leur égard, il n'y a pas de vide. L'usage des concepts de vide et de particules dans la théorie quantique relativiste devient alors purement formel et il ne peut donc pas suffire pour contredire la réfutation du vide et des atomes que Leibniz affirme avec l'ensemble de la tradition philosophique.

Enfin, pour peu qu'on accepte que des entités, ou une entité, doit occuper la réalité indépendante, si la notion d'espace n'est pas retenue à son sujet, l'idée d'un espace sans être, nécessaire pour définir le vide, ne peut être que difficilement obtenue.

Quanta et discontinuité

L'apparition de quantités discrètes et du concept de quanta dans la microphysique sera très rapidement considérée par une grande partie de la communauté des physiciens comme l'échec du principe de continuité tel qu'énoncé par Leibniz. En effet c'est lui qui a énoncé la célèbre phrase « la nature ne fait pas de saut » et que Bohr remis en cause avec sa notion de saut quantique.

Mais ce qui a surtout été rompu, c'est la croyance, unanimement répandue dans la communauté scientifique et que Leibniz devait sûrement partager, que l'énergie comme le mouvement doit théoriquement être mesurable dans des quantités aussi petites que l'on veut. La continuité de Leibniz est quelque peu différente car il s'agit davantage d'un principe logique que d'un énoncé de physique : « lorsque la différence de deux cas peut-être diminuée au-dessous de toute grandeur donnée in datis ou dans ce qui est posé, il faut qu'elle se puisse trouver aussi diminuée au dessous de toute grandeur donnée ». Leibniz en a certes proposé une interprétation physique car, comme nous l'avons souligné, il l'estimait devoir s'appliquer dans tous les domaines. Le paradigme mécaniste classique dans lequel Leibniz concevait la physique lui a donc fait faire quelques conclusions hâtives car, si nous pourront remarquer dans la suite de ce chapitre l'intuition exceptionnelle dont il a fait preuve, Leibniz ne pouvait deviner l'ampleur de la complexité qui caractérise les évènements de la réalités à une échelle qui lui était radicalement inaccessible. Mais de telles conclusions sur des existences contingentes, erronées en raison d'une carence de connaissances de fait, ne permettent pas de contredire le principe utilisé. Un tel raisonnement est invalide pour les mêmes raisons que la conclusion d'Heisenberg au sujet de l'échec de la causalité. Dans le principe de continuité tel qu'énoncé ci-dessus, ce n'est pas la conclusion qui est réfutée, mais la prémisse. La constante de Planck signifie que lorsque l'on tente de mesurer une quantité d'énergie aussi petite que l'on veut, on ne parvient pas à trouver une quantité inférieure à cette constante. Ce n'est pas tant le principe qui est réfuté mais plutôt la possibilité de le vérifier expérimentalement puisqu'on ne peut diminuer la différence de deux cas au-dessous de toute grandeur donnée. Comme la causalité ou le principe de raison suffisante, la continuité peut être dit inapplicable en physique quantique, mais cela ne signifie pas qu'elle soit erronée.

Quoiqu'il en soit, après l'apparition de cette discontinuité et la popularité que connurent les modèles corpusculaires et discrets de description de la réalité physique, la construction des outils mathématiques essentiels du formalisme quantique poussèrent progressivement à l'abandon d'une telle vision. Comme nous l'avons vu, l'abstraction dans laquelle est plongée le monde quantique par le formalisme conventionnel rend très prudent les physiciens sur les conséquences des quantités discrètes que ce formalisme implique. Nous avons déjà remarqué que la contextualité nécessite d'introduire, dans le compte-rendu de toute mesure, la description du dispositif expérimental qui la permise. Nombre de physiciens et d'épistémologues, une fois cette contextualité exceptionnelle mise en évidence, furent prompte à lui attribuer l'apparition de nombres entiers lors des mesures. C'est en effet par un nombre fini et discret de dispositifs de mesure qu'un système peut être décrit, et ce nombre ne peut disparaître en raison de la contextualité ; autrement dit, celle-ci nous empêche de pouvoir attribuer cette discontinuité au système lui-même ou à l'instrument de mesure. Cela est encore plus claire si l'on rappel que le formalisme quantique, en l'absence de toute mesure, décrit les différentes valeurs de chaque observable par des probabilités comprises entre 0 et 1, donc d'une manière continuiste, et que les quantités discrètes 0 ou 1 apparaissent seulement lors des mesures par le principe de réduction du paquet d'ondes. D'une autre manière, mais toujours dans le but d'écarter une vision discontinuiste, Schrödinger construisit sont modèle ondulatoire pour que les « nombres entiers s'introduisent de la même manière naturelle que le nombre des noeuds d'une corde vibrante » en physique classique ondulatoire (qui est continuiste). Plus généralement, que ce soit à cause de ses aspects ensemblistes ou probabilistiques, ce sont aux particularités du formalisme mathématique de la physique quantique que fut attribuée la présence de quantités discrètes dans la description d'un système.

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