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Leibniz et la physique quantique

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par Mathieu Néhémie
Université de Clermont-Ferrand - Master 1 de Philosophie 2006
  

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1.3.2. Le possible et l'existant

Distinction des essences et des existences

Cette distinction est un bel exemple de la façon dont Leibniz parvient à éclaircir des problèmes métaphysiques très controversés en donnant successivement les définitions de tous les termes du problème pour finir par poser clairement et distinctement des principes qui se suffisent à eux-mêmes.

Leibniz a devant lui le cartésianisme qui, pour garantir à Dieu une volonté absolue, le libère de la nécessité et affirme que c'est Dieu qui détermine le nécessaire ; aussi est-ce par une liberté d'indifférence, soumise à aucune inclination, que Dieu à créer le monde. Spinoza ira plus loin en refusant même toute volonté à Dieu pour n'en faire qu'une pure nécessité ; et toute la création n'est plus alors qu'une suite aveugle de cette nécessité suprême. La critique leibnizienne de ces théories du possible et de l'existant prendra deux formes.

La première repose directement sur les principes de contradiction et de raison suffisante ainsi que sur la différence des vérités nécessaires et contingentes. Leibniz constate que le principe de contradiction, qui est la règle des vérités nécessaires, n'est capable que de discriminer entre le possible, le nécessaire et l'impossible. Il n'y a aucune demi-mesure, que ce soit entre le possible et le nécessaire ou entre le possible et l'impossible. Le principe de contradiction sert de règle pour nous permettre de connaître des vérités éternelles et pour savoir si une proposition est possible ou pas. Mais il ne peut en rien nous aider quant au choix entre les possibles, quand à savoir pourquoi tel contingent est avéré plutôt que tel autre ; la contradiction ne peut être discriminante au sujet des vérités contingentes. La solution spinoziste ne tient pas car, si l'on fait bon usage du principe de contradiction, on peut constater a posteriori des êtres, possibles parce qu'ils n'impliquent pas contradiction, qui n'existent pas. Le principe de raison suffisante nous oblige cependant à admettre une raison pour qu'existe tel possible plutôt que tel autre. Et puisque nous ne pouvons achever d'analyse à propos des vérités contingentes parce que cela nous lance dans une série infinie, nous l'avons déjà remarqué, il faut une raison absolument nécessaire hors de la série pour en rendre raison. Le possible et l'existant ont alors une distinction fondée sur le fait que l'existant est une portion, élue par un critère de raison, du possible, lui-même déterminé par le principe de contradiction.

L'autre aspect de la critique leibnizienne de la vision qu'a le cartésianisme du possible et du nécessaire repose sur des arguments théologiques. Leibniz constate le danger que représente une telle opinion pour la piété : Descartes et ses disciples, de même qu'ils bannissent les causes finales de la physique, enlève toute considération de sagesse et de bien dans la création divine. En effet, Descartes abolit au sujet de Dieu les attributs, en vigueur pour l'esprit humain, que sont l'entendement et la volonté. Ainsi en vient-il à affirmer que tous les principes de la logique, des mathématiques, de la physique et du bien ne sont que des choix purement arbitraires de Dieu car, étant sans borne, rien ne devrait incliner ni restreindre sa volonté. Dans la théorie cartésienne, la volonté divine est même antérieure aux vérités éternelles, et Dieu aurait pu donc créer un monde obéissant à des principes radicalement différents, voir inverses, et s'il l'a créé ainsi c'est par une liberté d'indifférence. Leibniz s'insurge contre ceux qui mettent ainsi en danger la bonté divine car en « disant que les choses ne sont bonnes par aucune règle de bonté, mais par la seule volonté de Dieu, on détruit, ce me semble, sans y penser, tout l'amour de Dieu et toute sa gloire » (Discours de métaphysique). Il réhabilite, au nom du principe de continuité, un entendement et une volonté à Dieu. En effet, Dieu doit contenir, antérieurement à sa volonté, tous les possibles car cette dernière y fait un choix, et le rapport qu'il peut avoir avec ces possibles ne peut être conçu que comme celui d'un entendement à ses idées. D'ailleurs toute idée est un possible et nous expérimentons nous même l'idée de possibles non existants dans notre entendement. Et les vérités éternelles, car elles relèvent des essences et des possibles mais pas des existences, logent elles aussi dans l'entendement de Dieu de sorte qu'elles soient antérieure à sa volonté ; car les vérités éternelles et les possibles, qui n'existent pas substantiellement, doivent bien avoir quelque réalité et c'est dans un entendement qu'il faut les chercher. De la même manière que notre volonté peut s'exercer conformément à la raison, à laquelle nous pouvons accéder par notre entendement, Dieu, parce qu'il y a continuité avec nous mais qu'il est infiniment parfait, agit toujours selon la raison, qui réside entièrement en son entendement. Ainsi ne choisit-il pas les vérités nécessaires car elles ont directement leur raison dans son entendement. Mais il doit choisir parmi les possibles, qui n'ont jamais leur raison d'être dans l'entendement. Comme l'entendement divin a l'idée parfaite de tous les possibles, son entendement ne contient pas à proprement parler une idée des choses, il contient bien plus directement leurs essences. Et comme la volonté divine est chargée d'y choisir les possibles qui seront élus pour exister, là où l'entendement divin, par le principe de contradiction, est la source des essences, la volonté divine est la loi des existences.

Nous avons donc deux principes, celui de contradiction et celui de raison suffisante, qui correspondent à deux genres de vérité, les nécessaires et les contingentes, et à deux domaines, celui des possibles ou essences et celui des existences, qui correspondent quand à eux à deux attributs de Dieu, son entendement et sa volonté. Loin d'être un anthropomorphisme, l'application de ces deux attributs à Dieu est nécessaire pour garantir une distinction entre possible et nécessaire qui satisfasse la raison et également pour garantir une intelligence au créateur. Et rien n'est ôté à la puissance divine dans cette opération car l'on ne borne pas la volonté divine par quelque chose d'extrinsèque mais par son propre entendement.

Le choix divin et le principe du meilleur

C'est une suite, donc, de la méditation des deux types de vérités et des deux principes qui les fondent, que le monde ne soit pas le fruit d'une pure nécessité. De même Dieu n'a pas créé le monde par une pure liberté d'indifférence car lui supposer une volonté sans aucune borne, même rationnelle, reviendrait à lui donner un entendement défectible, incapable de régler sa volonté, ou tout simplement aucun entendement pour réglé sa volonté. C'est en effet le principe d'une bonne action qu'elle soit gouvernée par l'entendement lorsque celui-ci s'applique correctement. Dieu, parfait et bon, doit donc être doté d'une volonté parfaite mais celle-ci doit être précédée d'un entendement tout autant parfait qui lui donne sa règle. L'entendement de Dieu est discriminant pour exclure l'impossible mais c'est à sa volonté d'être déterminante entre tous les possibles.

Mais nous nous retrouvons en butte avec le principe de raison car il faut bien établir pourquoi Dieu n'a pas tout simplement créer tous les possibles. Il faut donc, à la fois pour trouver cette raison et pour satisfaire à la bonté divine, que Dieu est créé selon un critère moral qui, puisque que Dieu est infini et sans borne, doit se transformer en principe du bien. Leibniz se trouve alors confronté à de nombreuses idéologies qui, constatant le mal dans le monde sous ses différentes formes, jugent de l'imperfection de la création divine. Comment en effet concilier le mal dans le monde et la bonté infinie de Dieu ? Leibniz répondra par la compossibilité qui signifie que tous les possibles ne sont pas compatibles entre eux ; non pas que la volonté divine soit impuissante à les combiner mais parce que leur combinaison se trouve être préalablement contradictoire dans l'entendement divin. La compossibilité laisse à Dieu un nombre infini de combinaisons de possibles qui sont autant de mondes possibles. Autrement dit, ce dernier, lors de la création du monde, en choisissant quels possibles élire à l'existence, choisit plutôt un monde possible parmi tous les mondes possibles. Et c'est parce qu'aucune de ces combinaisons, aucun de ces mondes, ne contient aucun mal, que Dieu a été forcé de choisir celui qui en contient le moins, le meilleur en d'autres termes car « comme un moindre mal est une espèce de bien, de même un moindre bien est une espèce de mal » (Théodicée). Le principe du bien devient plus précisément celui du meilleur. Le mal est inévitable car il est nécessaire au bien, nous le constatons bien souvent a posteriori mais il nous est impossible de le démontrer a priori parmi les choses contingentes et dans leur détail. Ce mal inéluctable est du à l'imperfection inhérente à toute créature ; une créature parfaite ou un monde parfait est impossible dans la mesure où cela reviendrait à dupliquer Dieu. Et la supériorité de notre monde sur tous les autres mondes possibles n'est pas non plus démontrable car il est inaccessible à un esprit humain de comparer deux infinis, de parcourir le détail de deux mondes possibles pour juger la supériorité de l'un sur l'autre. Il nous est seulement donné de constater ce monde-ci, que Dieu a effectivement créé et qui doit par conséquent être le meilleur.

Et ce choix du meilleur est opéré par la volonté de Dieu car son entendement n'en possède pas le critère, seul la volonté peut opérer un tel choix moral. C'est pourquoi, si on peut avoir une certitude métaphysique au sujet des vérités nécessaires, c'est une certitude morale que l'on a à propos des vérités contingentes. Mais il demeure que la volonté est déterminée, sans être nécessitée, par l'entendement car la supériorité d'un monde possible sur un autre est due au fait que cette combinaison contient davantage de perfection. Et cette perfection d'un possible est intrinsèque, elle découle directement de son essence et a donc sa source dans l'entendement de Dieu. Ce dernier choisit les existences au terme d'une délibération qui fait suite à la considération des essences. C'est le principe d'économie que nous observons ici et qui consiste à maximiser les fins en minimisant les moyens afin d'optimiser au sens le plus général. Car c'est ainsi que l'on reconnaît la perfection d'un ouvrage, en comparant les moyens mis en oeuvre, l'effort fourni et les principes posés avec le résultat final, sa beauté, son harmonie, son utilité et son étendue. On retrouve ici une idée chère à Leibniz, que l'intelligence du Créateur doit s'observer dans la nature car, la nécessité pure ne suffisant pas, un choix devant être opéré, c'est qu'une intelligence doit être à l'origine de la création. Ceci est bien évidemment à mettre en relation avec la position particulière de Leibniz au sujet du mécanisme, qui défend, en conséquence de ce principe d'économie, le rôle des causes finales en physique.

C'est bien le célèbre optimisme leibnizien que nous avons quelque peu explicité ici, mais il s'agit d'une conséquence métaphysique que Leibniz opère en toute rigueur logique, rien à voir avec un espoir aveugle et naïf. Il ne s'agit pas de prouver qu'il y a peu de mal dans ce monde ou que ce monde est bien selon un critère quelconque, ce monde est logiquement le meilleur et Dieu l'a créé en parfait géomètre en ayant égard à tout. Cela signifie que spéculer sur un monde meilleur que celui-ci est absurde et qu'il n'y a rien de contradictoire à concilier le mal dans le monde, qui est du à l'imperfection inhérente aux créatures, et la bonté sans borne de Dieu, qui a créé le monde en minimisant ce mal autant qu'il est possible.

La tendance, intermédiaire entre la puissance et l'acte

Comme nous l'avons déjà vu concernant le cheminement extrinsèque de Leibniz, celui-ci constate qu'une puissance nue n'est pas intelligible mais qu'un acte pur n'est pas non plus approprié pour expliquer un corps car il ne peut pas rendre compte du mouvement. Son cheminement intrinsèque l'amène également à battre en brèche cette dualité inappropriée. Et c'est sur cette distinction des essences et des existences, qui pourrait à première vue nous rappeler la puissance et l'acte, que Leibniz s'appuie pour, au sujet de la création du monde, introduire la notion de tendance, intermédiaire entre la puissance et l'acte.

C'est un élément crucial dans la pensée de Leibniz, formalisé dans le principe de continuité, que les choses ne changent pas par palier ou par saut mais par une progression réglée, par une variation de degrés continue. Toutes les essences, dans le système leibnizien, tendent à une plus grande perfection sans pour autant jamais atteindre un degré maximal car cela n'appartient qu'à Dieu. De surcroît Leibniz identifie plus grande perfection et plus grande réalité, de sorte que plus une essence contient de perfection plus elle peut prétendre à l'existence. Aucune essence, excepté Dieu, ne peut se hisser d'elle-même à l'existence, seule la volonté divine possède ce pouvoir d'élection. Mais cette volonté obéit à un principe du meilleur qui lui fait choisir un monde possible à mesure de la perfection que possèdent les essences qui le constituent. Donc plus une essence revêt de perfection plus elle se rend susceptible d'être élue par la volonté divine et d'être par conséquent appelée à l'existence. S'il y a des essences élues et des essences non existantes, il demeure que toute essence tend à l'existence et qu'il y a donc solution de continuité entre un possible et une existence, certains possibles sont plus près d'exister que d'autres et certaines existences possèdent moins de réalité que d'autres.

On retrouve ici également la spontanéité de la substance simple. Puisque toute substance a une certaine perfection, elle possède également une certaine réalité. Toute monade a une prétention à l'existence qui lui vient de son essence propre. La création divine dans le système leibnizien ne consiste par en une volonté choisissant de faire passer certaines puissances à l'acte, la volonté divine ne fait que favoriser certaines essences au détriment d'autres. Toutes les essences tendent à l'existence mais seule la volonté divine a le pouvoir de déterminer qui y parviendra. Car à cause de leur incompossibilité, les différents mondes possible s'entre-empêchent d'exister avant que n'intervienne la volonté divine. Et, une fois la création effectuée, si la puissance divine est toujours nécessaire afin de maintenir le monde, chaque substance créée continue de concourir à son existence à mesure de la perfection que contient son essence. Cela correspond à ce que nous avons observé dans le conatus, qui fait tendre une substance à persévérer dans son être.

Mais, là encore, il ne faut pas croire que cette spontanéité enlève quoique ce soit à Dieu car si on attribue une perfection propre à l'essence d'un être indépendamment de la volonté divine, il ne faut pas oublier que l'entendement divin est la source des essences. Rien n'est enlevé à Dieu mais tout n'est pas donné à sa volonté car la perfection des créatures est à chercher dans son entendement.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo