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La souveraineté de l'Etat au début du vingtième siècle,l'exemple du Congo-Brazzaville


par Aymar KIMBEMBE-LEMBA
Université de Poitiers - Master recherche 2006
  

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B/ - La légitimité démocratique

Le processus de démocratisation lancé après la conférence nationale au Congo-Brazzaville souffre encore de ses mauvais fondements163(*). Cette démocratisation revêt une forme différente de celle adoptée par le Gabon ou le Bénin pendant la période transitoire de 1991-1992. Il faut admettre que le concept de « démocratie » est présent dans le langage politique congolais. Il concerne également d'autres Etats soit d'obédience socialiste comme les ex-Républiques dites « démocraties populaires » de l'Europe orientale et centrale, soit d'obédience « monopartiste » comme au Gabon ou bien dans l'ex-Zaïre.

En revanche, cette démocratie populaire ne connaissait pas la contradiction d'idées. Elle consacrait une religion d'Etat qui était l'idéologie marxiste. Les instructeurs étaient répartis sur l'étendue du territoire national pour instruire les jeunes pionniers afin de pérenniser les valeurs du « socialisme-scientifique ». Cela avait pour conséquence des élections présidentielles à candidat unique et législatives à liste unique qui, en réalité, furent des consultations de renouvellement de confiance. Le chef d'Etat en sa qualité du président du parti n'était pas susceptible d'être élu en dehors du parti.

C'est le parti qui dirige l'Etat. Par exemple, le parti unique zaïrois faisait une propagande inlassable sur les mérites d'être dirigé par un seul parti et avoir un seul président. Il en ressort que toute personne n'a qu'une mère et est soumise à l'autorité d'un seul Dieu Créateur tout le long de sa vie. Il y avait aussi des situations spécifiques dans l'ordonnancement des normes. Par exemple, la charte du parti avait une valeur supra-constitutionnelle164(*). Ainsi, lors des consultations populaires, il y avait un seul bulletin : c'était le bulletin rouge pour le Congo ou vert pour l'ex-Zaïre.

Mais les choses ont changé aujourd'hui. La démocratie plurielle fondée sur un multipartisme est la règle d'or dans les relations internationales. Ce mouvement en faveur de la démocratie s'accompagne d'initiatives normatives qui incitent à évoquer la naissance d'un principe de légitimité qui impliquerait au terme de son progrès que seuls soient légitimes, au regard du droit international public, les régimes de démocratie libérale165(*). Ceux-ci sont fondés sur le respect des droits de l'homme et sur des processus électoraux libres et transparents. Dans cet ordre d'idées, les Etats du Sud qui critiquaient l'injustice166(*) dans ces relations subissent les mêmes critiques de la part des Etats du Nord. Ces derniers ont incorporé dans leur politique d'aide au développement la protection des droits de l'homme qu'avaient défendue les Etats du Sud167(*) au sein de l'Assemblée générale de l'ONU.

Les Etats Membres de l'Union européenne ont affirmé une telle volonté168(*) dans le cadre de leur nouvel instrument encadrant les échanges UE / ACP. Comme l'avait déclaré le professeur Pinheiro devant l'assemblée paritaire ACP-CE réunis à Luxembourg en 1997 : je dirais que Lomé IV, tel un grand navire, poursuit un parcours en vue duquel elle a été conçue (...), tandis que l'on s'apprête à mettre en service une nouvelle alimentation en énergie et de nouveaux instruments de pilotage (...). Cette nouvelle alimentation concerne la prise en compte d'une dimension politique169(*) dans le cadre de l'accord du 23 juin 2000 conclu au Bénin entre ces différents sujets. Mais ce fait révèle une conséquence de la prise en compte des libertés et droits fondamentaux dans le cadre institutionnel du Marché commun européen qui n'avait pas incorporé cet aspect dès sa formation.

La dimension politique concerne les modalités d'alternance au pouvoir, le multipartisme, la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme, etc. Cette perspective est celle de l'Europe occidentale qui avait accordé une place au principe de légitimité démocratique au sein de la CSCE. Le CE exige la démocratie au lendemain de la seconde guerre mondiale170(*) et le premier Protocole additionnel à CESDH adopté en 1952 recommande aux Etats parties d'organiser des élections libres et périodiques. Il en résulte que la communauté des Etats dans son ensemble est favorable à la consécration des droits et libertés fondamentaux dans tous les Etats171(*) ; le renforcement et l'extension de la démocratie sont affirmés.

Les bases du droit international ne sont pas remises en cause par ces faits. Il y a le respect du consentement des Etats qui ont souverainement admis ce virement dans leurs rapports avec l'UE. Par conséquent, la démocratisation prime la souveraineté de l'Etat172(*) dans leurs relations réciproques. Ne pas admettre la démocratie est le revers même de la souveraineté.

Les élections ont été longtemps laissées dans l'indifférence par un droit international173(*) victime de la guerre froide, qu'elles aient eu lieu ou non, qu'elles aient été ajournées ou non, authentiques ou libres, qu'elles aient été frauduleuses ou viciées. D'ailleurs, le Congo-Brazzaville ne saurait admettre une surveillance de ses élections dans son passé. Une telle vision s'est modelée sur les avancées du temps : désormais, les élections se déroulent en présence des observateurs internationaux.

Le principe des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes est, en effet, incontestablement étranger à la question de savoir si l'exercice de ce droit à l'autodétermination doit conduire à un Etat démocratique174(*). Mais la volonté de doter un Etat des institutions démocratiques est admise aujourd'hui et les Etats s'y conforment comme si cela était du droit. Cette pratique pourrait faire apparaître une coutume dans le droit international public. Par exemple, tous les Etats qui ont reconnu le gouvernement de Brazzaville en octobre 1997 réclamaient le rétablissement des élections démocratiques.

Il sied de remarquer que l'organisation des élections est aujourd'hui l'instrument de mesure de la démocratie. Chaque fois que l'on parle des élections, on parle de l'état défectueux ou non de la démocratie dans un Etat à l'instar des erreurs survenues dans les élections présidentielles des Etats-Unis en octobre 2000. Tout le monde a parlé des faiblesses de la démocratie américaine. Cela vaut aussi pour les élections nigérianes d'avril 2007 qui se sont déroulées dans la violence.

Or la démocratie devrait se mesurer à partir d'un fuseau d'indices qui tourne autour des droits de l'homme car être dirigé par une autorité choisie n'est que l'expression d'une des libertés reconnues à tout citoyen, membre d'une société organisée. Ainsi, on pourra facilement dénicher les « démocratures175(*) » dans les Etats comme le Congo-Brazzaville ou ailleurs.

Le constitutionnalisme de promotion des droits et libertés fondamentaux à l'occidentale déferle sur la scène internationale avec une force sans précédent. Tous les Etats adoptent des constitutions avec des principes d'économie libérale, c`est à dire qu'ils insèrent des normes du marché reconnues par tous. Chaque entité étatique se dote des constitutions par voie référendaire. Elles s'étalent sur un modèle présidentiel implicite ou explicite : ceci concerne les Etats africains francophones. Il y a une évidence. En se dotant des règles occidentales d'organisation des prérogatives publiques, l'Etat est vite admis par les grands clubs financiers. Il devient un partenaire transparent et privilégié car les relations internationales sont aujourd'hui animées par des expressions comme « conditionnalités » et « ajustement structurel ».

Cela étant, la démocratisation ne peut se construire à petit feu comme en Occident mais elle doit être accélérée. Par conséquent, elle devient un bien universel pour tous. Aucun Etat ne peut s'en démarquer. Mais de telles pratiques finissent par engendrer plusieurs difficultés176(*) dans l'intériorisation des valeurs importées et mal adaptées ou différentes des valeurs africaines.

La démocratie congolaise hésite encore et elle est lion de s'affirmer. Les constitutions successives du Congo populaire reconnaissent que la République populaire est un Etat démocratique177(*) et travailleur. Elle a pour devise : travail- démocratie- paix. Cette perspective d'une démocratie verbale reste toujours la règle d'or de nos jours. En effet, les deux dirigeants les plus populaires sur la scène politique ont scellé un accord pour une majorité présidentielle au cours des élections législatives de cette grande saison sèche (cet été) 2007. Ce sera le PCT et le MCDDI qui gouverneront ensemble ; la coalition URD- FDU est ressuscitée après neuf ans d'exil du président fondateur du MCDDI. Cette situation rappelle les accords de 1963 conclus par les différents états-majors des trois partis politiques178(*) les plus représentatifs, source des « trois glorieuses » du 12 au 14 août 1963.

Mais tant que les intellectuels des territoires décolonisés qui ont importé la démocratie n'arriveront pas à concilier la pratique culturelle de l'exercice du pouvoir et les principes démocratiques exogènes, il n'y aura pas de progrès politique, social et économique. Les valeurs occidentales ne sont pas les valeurs orientales. Une telle différence impose une prise de conscience de masse tout en privilégiant les valeurs endogènes179(*). Déjà, la culture de la palabre180(*) sur laquelle se fonde la juridiction traditionnelle africaine est l'exemple type à ne pas ignorer dans les potentialités des moeurs de ces territoires. La médiation judiciaire consacrée en France fonctionne de la même façon que la palabre puisque le but est de concilier les parties, de parvenir à une solution à l'amiable.

D'ailleurs, les gouvernants congolais comme leurs homologues africains restructurent leur Etat pour plaire et donc, avoir de l'estime à l'extérieur. Tout cela mérite quelques observations en vue de bien appréhender la situation justifiant de telles bases chères aux Etats au XXIe siècle.

* 163 NTSAKALA R., Les conférences nationales de démocratisation en Afrique francophone, Poitiers, 2001, pp 102 et s.

* 164 La charte du MNR était supérieure à la constitution de décembre 1964 qui inaugurait l'ère du socialisme congolais.

* 165 THIERRY H., « L'Etat et l'organisation de la société internationale », in colloque de Nancy, op.cit., p 196.

* 166 BRAILLARD PH. et DJALILI M., op.cit., p 201.

* 167 VIRRALY M., « Droit international et décolonisation devant les Nations-Unies », in AFDI 1963, pp 508 et ss.

* 168 C'est la CSCE, consacrée par la charte de Paris pour une nouvelle Europe du 21 novembre 1990, qui associe étroitement « Etat de droit, démocratie et droits de l'homme » en soulignant que la démocratie est devenue le seul mode de gouvernement légitime dans l'espace CSCE et que cette volonté européenne s'affirme dans les relations des Etats d'Afrique et d'Europe de l'Union. Celle-ci associe des principes de gouvernement dans la coopération.

* 169 Titre II de l'accord de Cotonou, art. 8 et s.

* 170 Art. 2, statut du CE :  tout membre du CE reconnaît le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales  et le Comité des ministres veille au caractère démocratique des Etats qui déposent leur candidature pour devenir membre du CE en vertu de l'art. 3 du même statut.

* 171 BATAILLER- DEMICHEL F., « Droits des l'homme et droits des peuples dans l'ordre international », in Mélanges offerts à C. CHAUMONT, Pédone, 1984 ; V. aussi : FEUER G., « Le nouveau paradigme pour les relations entre l'Union européenne et les Etats ACP », in RGDIP 2002, pp 278 et ss.

* 172 KOKOROKO D., « Souveraineté étatique et principe de légitimité démocratique », in RRJ 2004-4, p 2550.

* 173 GROS -ESPIELL H., « Liberté et observation internationales des élections », in colloque de Laguna, Bruylant, 1994, p 79.

* 174 D'ASPREMONT J., « La création internationale d'Etats démocratiques », in RGDIP 2005, p 898.

* 175 Expression utilisée par KOKOROKO D. qui n'est qu'une caricature démocratique en trompe l'oeil, op.cit., p 2558.

* 176 LE ROY E., « Gouverner la néo-modernité africaine ? », in Cahiers d'anthropologie du droit, 2005, p 183.

* 177 Constitutions congolaises depuis celle de décembre 1969 jusqu'à celle de juillet 1979, titre I.

* 178 Il s'agit de l'accord conclu en avril entre l'UDDIA, le MSA et le PPC pour fonder le parti unique afin d'éradiquer le « partisanisme » ethnocentriste, cause lointaine du déclin du régime de l'abbé FULBERT YOULOU au bénéfice d'ALPHONSE MASSAMBA -DEBAT, père du socialisme au Congo-Brazzaville.

* 179 LE ROY E., op.cit., p 194.

* 180 NTSAKALA R., op.cit., pp 115.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry