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La souveraineté de l'Etat au début du vingtième siècle,l'exemple du Congo-Brazzaville


par Aymar KIMBEMBE-LEMBA
Université de Poitiers - Master recherche 2006
  

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A/ - L'harmonisation horizontale et verticale des rapports

C'est en toute souveraineté que le Congo-Brazzaville organise minutieusement les rapports de ses composantes. On assiste prima facies à une volonté des gouvernants consistant à pratiquer une politique de « municipalisation accélérée » dans le cadre de l'aménagement du territoire151(*) en vue de réduire les écarts de niveau de vie entre les deux principales villes et le reste de l'Etat. Déjà, la répartition inégale de la population sur l'étendue du territoire national impose de nouvelles orientations pour permettre au gouvernant de bien assurer la sécurité des biens et des personnes dans une République affaiblie par des conflits et dont les armes sont illégalement détenus par presque toutes les couches sociales. Par exemple, le vol à main armé couramment appelé « braquage » est le vol le plus répandu à Brazzaville depuis la fin des hostilités de juin-octobre 1997.

Ensuite apparaît d'un côté le problème identitaire. Les différents groupes linguistiques ont développé des liens affectifs avec les lieux plus restreints que le territoire, ceux concernant les traces du passé sont relégués au second plan. Cette attitude s'explique par le fait qu'il n'y a pas des lieux de mémoire que sont les monuments et toutes les formes d'expression architecturale ou artistique liée à une culture. Par ailleurs, ces lieux, s'ils existaient, peuvent susciter de nombreux problèmes dès lors que les groupes ethniques résidants ne sont pas ceux qui s'identifieraient à cet héritage à l'instar de la dispute israélo-palestinienne sur la ville de Jérusalem ou celle des Albanais et Serbes au Kosovo.

Toute l'histoire du Congo-Brazzaville, d'un autre côté, se construit autour des personnages, devenus des héros, qui par leur sagesse et leur bravoure ont marqué les consciences populaires. Les marxistes-léninistes regrettent leur doctrine d'usurpation de l'histoire d'un peuple qui se fondait sur le changement du point de départ de l'histoire nationale sur tous les plans. Cette lamentation conduit à une reprise de conscience pour redéfinir mais surtout encadrer tous ces personnages qui ont joué un rôle primordial dans le processus d'édification d'une nation congolaise.

Si l'Etat en Occident est le fruit d'un cheminement de plusieurs siècles dans lequel la nation précède l'Etat, le Congo-Brazzaville est dans une logique contraire152(*). En effet, il n'y a toujours pas une nation derrière chaque Etat et une nation peut exister sans un Etat à l'instar de la Palestine. Le processus de construction de l'Etat congolais est sans exception celui suivi par tous les Etats extra-européens. Ce faisant, le Congo-Brazzaville fut d'abord une société d'économie153(*), celle-ci proche de celle instituée en Amérique du nord, avant de devenir une société politique. Cette société d'économie est longtemps restée sous la direction des exploitants miniers et agricoles. Mais ces derniers exerçaient un pouvoir stricto sensu féodal, une force utilisée à l'encontre des autres qu'ils traitaient en esclavage. Un pouvoir pareil n'a pas pour fin la construction d'un ordre stable sur un vaste territoire.

Cette force a permis aux concessionnaires d'exploiter par le biais du travail forcé les ressources. Tout le monde a pris conscience des conséquences que cela a provoquées sur les populations dans tous les départements. Les politiques ignorent que le  pouvoir ne peut voir le jour que si les hommes se réunissent en vue de l'action et il disparaît quand, pour une raison ou pour une autre, ils disparaissent et s'abandonnent les uns et les autres (...). Quand des hommes réussissent à conserver intact le pouvoir jailli entre eux au cours d'une action particulière quelconque, c'est qu'est déjà engagé le processus de fondation par lequel ils constituent un édifice stable154(*). Dans cet ordre d'idées, ils devraient prôner la cohésion sociale car le pouce ne lave jamais le visage155(*).

Le tribalisme caché fait que chaque gouvernement est composé en fonction des clivages ethniques156(*). C'est une représentation géo-ethnique qui est pratiquée lors de la répartition des portefeuilles ministériels afin d'intéresser toutes les sensibilités à l'action gouvernementale. Tous les efforts menés par l'élite sur cette question finissent par se révéler inefficaces du moment qu'ils ne s'intéressent pas à prendre le mal à sa racine. Pourquoi tout citoyen aspirant à une fonction représentative tend-il toujours à s'appuyer sur sa terre d'origine ?

Cette question constatée au Congo-Brazzaville a aussi une valeur pour beaucoup d'autres Etats comme la France. Est-ce pour autant dire que le tribalisme a une origine politique ? La réponse à cette question ne peut être que positive car ce concept né de la tradition romaine renvoie à une certaine organisation administrative de l'empire. Mais ce qu'il faut bannir ce sont les abus de la manipulation humaine assise sur les tribus157(*).

L'autorité centrale combat toujours toutes les formes de coutumes qui constituent en soi une source de tribalisme ou de haine à cause d'une opposition acharnée entre clans. Une loi pénale de 1962 réprime par exemple la coutume téké qui consiste à balafrer toute leur progéniture. En effet, la présence des balafres sur le visage d'un Congolais est à l'origine de la rupture du principe d'égalité entre citoyens. Personne ne peut ignorer l'appartenance ethnique d'un tel citoyen balafré puisque la langue n'est plus un critère déterminant pour justifier l'appartenance ethnique d'un individu dans l'Etat. Déjà, certaines langues ont dépassé leurs limites géographiques158(*).

Les mariages inter-claniques sont encouragés et le code de la famille congolais159(*) n'autorise l'opposition des parents au mariage de leurs enfants que pour des motifs légitimes reconnus par le procureur de la République. En plus, une loi de 2005 proscrit tout parti politique fondé sur des considérations ethniques. Mais le retard enregistré pour la consécration et la promotion pratique des droits individuels et collectifs constitue le principal handicap afin d'atteindre les résultats souhaités.

Enfin, face à une caste au pouvoir qui ne satisfait pas les attentes des gouvernés, les populations constatent les dommages d'une mauvaise gouvernance. Cette attitude consolide davantage les liens de solidarité entre les différentes catégories et composantes ethniques. Elle procure plus de compassion à l'égard des populations de la même entité linguistique que le gouvernant incarnant l'autorité de l'Etat. C'est à tort que certains croient que toutes les personnes appartenant à l'ethnie de ce gouvernant tirent profit du gaspillage des deniers publics. Tout le monde réalise que les gouvernants constituent une autre forme d'ethnie qu'il faut bannir. Il naît donc une autre forme de tribalisme entre l'ethnie-gouverné et l'ethnie-gouvernant.

Par ailleurs, les faiblesses d'une jeune République poussent l'Etat à consentir à de nombreux transferts de souveraineté sur des matières qu'il n'arriverait jamais à gérer seul. Ces transferts sont à l'origine d'une harmonisation verticale des rapports parce que ce ne sont plus ses sujets qui sont la cible de telles mesures nouvelles mais ceux des Etats de la sous-région.

Le transfert de compétence à une institution supranationale ne tue pas la souveraineté mais au contraire renforce celle-ci en vue de résister à d'éventuelles immixtions de diverses natures dans les affaires intérieures de l'Etat. Si l'Etat consentit à une intervention extérieure dans sa sphère d'action, ce n'est pas de l'ingérence sinon de la coopération. Celle-ci est animée par des raisons qui justifient des transferts de souveraineté à l'instar de la réalisation de l'unité politique dans l'Union européenne160(*).

Les faiblesses d'un Etat en construction suscitent la politique d'institution des unions politico-économiques. En effet, Le Congo-Brazzaville a connu les bienfaits de cette politique à l'époque de l'AEF pendant laquelle il était associé à la CEE161(*). Cette politique a persisté jusqu'alors. Elle favorise la coopération dans la sous-région entre les Etats voisins constitués par des peuples parlant à majorité les mêmes langues. Cela a conduit à de nombreux accords bilatéraux et plurilatéraux entres eux. Par exemple les deux Congo, le Congo-Brazzaville et la RDC, disposent d'une police commune chargée d'assurer la sécurité entre les deux rives du fleuve Congo. Ils ont aussi consacré une libre circulation des personnes entre les deux capitales politiques : Brazzaville et Kinshasa.

La panoplie de ces instruments d'harmonisation des relations sous-régionales souffre d'une absence d'effectivité due à la non-réalisation des mesures d'accompagnement. Les textes sans support permettant leur application sont de simples meubles d'ornement. C'est ainsi que la liberté d'aller et venir des personnes ainsi que des marchandises reconnues aux ressortissants de la CEMAC dans le territoire des Etats membres est un rêve. Elle est toujours ignorée par tous car certains Etats membres exigent aux ressortissants des autres Etats un visa pour entrer dans leur territoire.

L'absence d'infrastructures rend davantage illusoire l'expression de cette liberté d'aller et venir. D'ailleurs, les voies de communication constituent la majeure difficulté pour les citoyens des différents Etats membres de jouir de cette liberté. Seules les Brazzavillois et les Kinois jouissent d'une telle liberté car les citadins de ces deux villes par l'augmentation du trafic traversent le fleuve sans contrainte consulaire.

Il est vrai que les relations entre ces Etats que sont le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Tchad, la Centrafrique, le Cameroun...visent à renforcer la sécurité des régimes en place. Elles relèguent les populations au second rang. Les gouvernants se contentent d'harmoniser davantage le traitement dont bénéficient les groupes des Multinationales opérant dans la région puisque les agents de ces groupes ont le droit de circuler librement dans cet espace.

Déjà l'exploitation pétrolière rapproche plus le Congo-Brazzaville, le Gabon et l'Angola étant donné que cette activité menée en ZEE se trouve concentrée dans des zones inter-frontalières non seulement qui échappent au contrôle des Etats mais également où les agents des filiales des Multinationales installées dans les Etats concernés peuvent travailler sur une même plate-forme.

La méfiance de certains gouvernants vis-vis de ceux relevant des Etats en instabilité corrobore leur volonté de durcissement des conditions de séjours dans leur Etat. Pour ce fait, le Congo marxiste ne saurait admettre l'interpénétration des peuples dont les gouvernants sont des marginaux de l'impérialisme. Cela est illustré par sa volonté et son soutien accordés au MPLA pro-marxiste dans le processus de l'indépendance de l'Angola. De même, le Congo-Brazzaville et le Bénin ont conclu un accord d'établissement162(*) que l'Etat n'a pas encore conclu avec un autre Etat de la sous-région ni même pour les ressortissants des autres Etats membres de la CEMAC. Aussi la politique d'intégration des Etats de l'ancienne AEF diffère-t-elle de celle de l'AOF.

Le développement des voies de communication et la suppression des frontières dans la CEDEAO permettent la libre circulation des personnes et des biens. En effet, il y a des routes bitumées liant les grandes villes des Etats membres. Déjà, les commerçants congolais vont à Accra et à Lomé via Cotonou par camion ; ce trajet n'est pas possible dans la CEMAC. Les populations de cet espace sont plus dépendantes les unes des autres pour des raisons historiques et géographiques. On peut citer la crise ivoirienne par exemple dès lors qu'elle a eu des impacts sur les populations des Etats voisins comme le Burkina Faso.

Nous nous rendons finalement compte que la politique de l'harmonisation des relations entre gouvernants se dilue dans une politique d'estime pour bénéficier du soutien des autres Etats membres de l'ONU. Elle est un objet de mesure pour bénéficier de la confiance de cette communauté des Etats en prônant même une coopération judiciaire pour une démocratisation durable ainsi que la pérennisation de la justice. La justice ne serait pas juste si elle restait l'apanage d'une seule entité.

* 151 La Semaine africaine du 15 mars 2003, p 6.

* 152 Pour bien appréhender cette question de construction de l'Etat en Afrique au lendemain des indépendances, cf. BADIE B., Le monde sans souveraineté, Fayard, 1999 ; SINDJOUN L., L'Etat ailleurs, déjà cité et KAMTO M., Pouvoir et droit Afrique noire, déjà cité ; GONIDEC P-F., L'Etat africain, LGDJ, 1985.

* 153 PICQ J., Histoire et droit des Etats, sciences po, 2005, p 256.

* 154 ARENDT H., Essai sur la Révolution, Gallimard, 1985, pp 287-288.

* 155Traduction d'un proverbe Kongo en Lingala : « mosapi moko esokola elongi te », c'est à dire l'union fait la force.

* 156 V. LISSOUBA P., op.cit. ; LOPEZ H., op.cit.

* 157 PHILIPPE F., « Ethnies et partis : le cas du Congo », Afrique contemporaine, juin 1997, pp 5 et s.

* 158 Lors de la tenue d'une conférence débat au siège de l'association Niosi après la célébration en 2005 de la journée mondiale de la langue maternelle organisée dans les locaux de la représentation de l'UNESCO à Brazzaville, les participants se sont accordés sur les statistiques du laboratoire de recherche linguistique de Niosi à propos de la langue Lâdi qui aujourd'hui remplit les critères objectifs pour être reconnue comme une langue nationale dès lors que près de 65% des personnes qui parlent cette langue ne sont pas des ba- Lâdi. Cette langue est le dialecte originaire du district de Kinkala, cf. Malonga J., La Légende de Mfumu Mâ-zono, Présence africaine, 1959.

* 159 Loi n° 73/84 du 17 octobre 1984 institue un code de la famille.

* 160 CHALTIEL F., op.cit., p 133 et ss.

* 161 En vertu de l'art. 227 (§3) du traité de Rome de 1957 tous  les pays et territoires dont la liste figure à l'annexe IV du présent traité font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie de ce traité. Cette liste concerne les territoires coloniaux des Etats parties notamment l'AEF, l'AOF, Saint-Pierre et Miquelon, la Somalie italienne, la côte française des Somalies, Togo et Madagascar et dépendances.

* 162 Cet accord bilatéral date des années 1970 lorsque les deux gouvernements étaient marxistes-léninistes et il dispense les ressortissants des deux Etats d'un visa.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo