B°).- CONTEXTES D'UTILISATION DES MOYENS DE
COMMUNICATION TRADITIONNELS
On a souvent souligné, dans la littérature
ethnologique et ethnomusicologique, qu'en Afrique :
L 'emploi de chaque instrument de musique est
généralement déterminé par la
société. Les occasions dans lesquelles un instrument est
utilisé, aussi bien que les catégories des musiciens qui en
jouent, sont fixées avec précision. Tel instrument est
utilisé pour telle circonstance et non pas pour telle autre, et ne
peut-être joué que par tel musicien qui remplit les conditions
nécessaires et non pas un autre.67
De ce point de vue, que peut-on dire des contextes d'utilisation
des moyens de communication dans l'espace culturel koongo ?
67 H.Zemp, « Comment devient-on musicien : quatre exemples
de l'ouest Africain » La musique dans la vie t.1 : l'Afrique,
ses prolongements, ses voisins, Paris, Office de Coopération
Radiophonique, 1967, p.79.
En parlant des instruments de musique dans la
société Kongo, le sociologue français Georges Balandier
écrit :
Les chefs de guerre stimulent l 'ardeur des soldats et
transmettent leurs ordres à l 'aide des signaux sonores. Ce code
requiert l 'emploi de trois sortes
d 'instruments, d 'émetteurs : le tambour (ngoma),
taillé dans le tronc d 'un ricinodendron africanun, à peau unique
battue au moyen des petits maillets
d 'ivoire, la cloche sans battants nommée
ngongé, frappée à l 'aide des verges de bois; enfin la
trompe en ivoire (mpûngi) qui, d 'après Pigafetta, donne une
musique martiale, pleine d'harmonie, allègre.68
L'ensemble des moyens de communication traditionnels est
utilisé au cours de circonstances et des contextes les plus diverses de
la vie individuelle ou collective.
Ainsi, les circonstances qui nécessitent l'utilisation
des moyens de communication sont multiples. Il s'agit des occasions comme:
1. -Louanges et exaltations
Suite à une naissance, à une réussite
à un diplôme69 ou à une toute autre prouesse,
les membres de la famille manifestent leur joie en battant ou en faisant battre
le tambour d'exaltation et de louange. Les paroles sont simples et montrent la
grandeur de l'Etre suprême (nzambi a m'pungu). La preuve du contexte
d'utilisation de ce moyen est, sans nul doute,
68 G. Balandier, La Vie quotidienne au royaume de kongo :
du XVIè au XVIIIè siècle,
Paris, Hachette, 1965, p.118.
69 Le succès au Certificat d'Etudes Indigènes,
par exemple considéré, jusqu'en 1950, comme étant le
diplôme le plus élevé de l'enseignement colonial,
conférait au lauréat une ascension, une réussite sociale
et un respect parmi les autres membres de la famille. Il représentait
une fierté pour la communauté toute entière et servait
d'émule voire de référence aux benjamins.
l'introduction de tambour à friction (nkuiti) dans la
célébration des messes chez les protestants et les
catholiques.
2.- Joies, rencontres, adieux
Les mêmes moyens de communication sont utilisés
pour inviter les membres d'une même famille, habitant dans des lieux
éloignés les uns des autres, à participer aux
cérémonies de réjouissance marquant un
événement heureux (mariage, naissance,...). Après une
rencontre, les familles rassemblées, qui désirent rentrer chez
elles, se servent d'un de ces moyens de communication. De même, les gens
qui habitent le même village arrivent en groupe lors des manifestations
religieuses, nkutakanu, ou s'ils veulent aussi rentrer en groupe, on
convoque tout le monde au rassemblement de départ en jouant soit le
tambour à fentes soit la cloche ou la corne.
3.- Réunions, visites officielles
Chez les Haangala, avant tout départ à
une partie de chasse (mbingu), des chasseurs, le rassemblement est
précédé par un ou des sons de cornes. Les visites
officielles ne sont pas non plus à négliger. L'histoire
sociopolitique du royaume koongo révèle que cette entité
socioculturelle fut l'une des plus mouvementée de la République
du Congo. En effet, de nombreux habitants de certains villages qui n'ont jamais
payé l'impôt : c'est la célèbre et fraîche
histoire des « trois francs », (m'falanga tatu), des
habitants qui n'ont jamais été recensé:
cas des Matsouanistes70 ou des hommes valides hostiles à se
faire enrôler dans les travaux de construction du chemin fer
Congo-Océan (C.F.C.O.).
De ce fait, par relais de ces moyens de communication, ils
suivaient, de près, le mouvement des recenseurs ou des percepteurs, et
sachant ainsi à peu près le jour oü ceux arriveraient, ils
prenaient la fuite et se cachaient dans la brousse jusqu'à ce que les
envoyés de l'Etat, découragés, retournent en ville.
L'arrivée d'un étranger (nzenza) était
annoncée de loin. L'étranger qu'on savait pacifique était
attendu avec honneur et allégresse ; tandis que le <<
méchant » trouvait le village vide, désert, abandonné
par ses habitants. Aussi, quand un chef de clan ou de village décide
t-il, pour une raison ou une autre, d'aller rendre visite à un
collègue, chef de clan voisin, ce dernier est averti par le visiteur en
usant un des moyens de communication cidessus mentionné.
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