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Débat autour du concept de journalisme de paix

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par Charline Burton
Université Libre de Bruxelles - Licence en information et communication 2006
  

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Le souci de la pérennité

Les bailleurs de fonds semblent vouloir changer petit à petit de priorité. La promotion de la paix leur semble dépassée, et c'est désormais les questions du développement économique, de l'environnement, de la bonne gouvernance ou de la promotion de la femme qui priment à leurs yeux. Dès lors, alors que ce sont les organismes extérieurs aux médias qui ont lancé les pratiques du journalisme de paix, celui-ci ne sera bientôt plus pratiqué au Burundi que par les médias locaux et dans une moindre mesure étant donné leur précarité. Les projets des ONG comme les studios sont forcément des projets temporaires et n'ont donc pas les soucis qu'ont les radios de s'inscrire dans la durée et de devenir des projets pérennes.

Au moment d'écrire ces lignes, le Studio Ijambo a fortement réduit son personnel ainsi que ses productions, faute de financement. En février 2006, 86 % des journalistes du studio étaient d'accord avec l'affirmation selon laquelle << avec la fin de la guerre et de la période de transition, les bailleurs de fond qui financent mon média risquent de se retirer progressivement >>. L'avenir leur a donné raison... De même que le Studio Ijambo, les autres associations ou ONG qui oeuvraient pour mettre le journalisme au service de la paix vont commencer à se retirer. En viendront d'autres, avec leurs propres objectifs. Peut-être financeront-elles les radios, peut-être

1Enquête réalisée par l'auteur en janvier - février 2006 auprès de 72 journalistes burundais. Voir annexe page 160.

pas. S'il est clair qu'il existera toujours des émissions concédées, les ONG dont le but est de financer et promouvoir une certaine démarche professionnelle journalistique finiront elles par disparaître de l'espace médiatique burundais.

Adrien Sindayigaya, directeur du Studio Ijambo, expliquait que les moyens ne sont pas tellement importants pour parvenir à faire du journalisme de paix car c'est avant tout l'approche du sujet d'actualité qui prime : une radio qui en a les moyens peut envoyer un reporter à l'autre bout du pays, et peut-être que celui-ci ne tendra son micro qu'à la même personne pendant une heure avant de rentrer. Au contraire, un autre journaliste issu d'un média plus pauvre pourra adopter une démarche pluraliste même s'il n'a pas les moyens d'effectuer une descente sur le terrain. << Il ne faut pas se cacher derrière la question du financement >>, disait-il. << On peut faire peu d 'émissions, mais de bonne qualité >>.1

Pourtant, d'autres voix s'élèvent contre ces arguments. Selon celles-ci, un média désargenté n'a pas la capacité d'appliquer des principes déontologiques inventés par des théoriciens du premier monde dans la même mesure qu'un média << riche >>. Même si elle n'est pas la seule, l'une des clés principales pour assurer la souveraineté et la pérennité des radios qui pratiquent le journalisme de paix au Burundi réside bel et bien dans le financement. Et aussi dans les compétences.

Prenons l'exemple du studio de l'Onub pour illustrer le problème des razzias de journalistes. Lorsque le studio a été mis sur pied, les meilleurs employés des radios locales ont quitté leur travail pour endosser la casquette onusienne. Cette attitude, tout à fait compréhensible lorsque l'on sait la différence entre un salaire << Onu >> et << local >>, a cependant eu pour conséquence de vider les radios locales de leurs meilleurs journalistes, ce qui a produit une baisse générale du niveau des productions. De même, se pose la question de la réintégration de ces journalistes et techniciens une fois que la mission de l'Onub terminée. Leurs anciens employeurs les réengageront-ils ? Les meilleurs d'entre eux ou les ex-animateurs vedettes n'auront certainement pas de mal à retrouver du travail. Mais sera-t-il prêt à réintégrer une radio locale et un salaire jusqu'à dix fois moins gros ? Les journalistes engagés à l'Onub ont été sélectionnés en fonction de leur compétence. On y retrouve donc les meilleurs plumes ou voix du Burundi. Ces éléments brillants risquent d'abandonner la filière journalistique au profit d'autres postes mieux rémunérés lorsque l'Onub s'en sera allée, dévalorisant dès lors le secteur médiatique en matière de compétences.

1 Entretien du 06 février 2006.

Aujourd'hui, pour arriver à une survie financière, les journalistes s'accordent sur deux points prioritaires1 : tout d'abord, ils réclament la mise sur pieds du fonds de promotion des médias prévu par la loi du 27 novembre 2004. Celui-ci permettrait aux médias radiophoniques, télévisuels et écrits de se partager une enveloppe budgétaire de l'Etat. Par ailleurs, les médias devraient - davantage encore - mettre en commun leurs efforts afin de dégager une politique commune de financement. Les radios ont d'ailleurs déjà emprunté cette voie pour attirer les bailleurs : en effet, depuis quelques mois, les synergies entre radios se multiplient et plusieurs organismes ont choisi de mettre leur financement entre les mains de l'Association burundaise des radiodiffuseurs plutôt que de financer l'une ou l'autre radio, afin que les projets soient menés en commun.

Quelle qu'elle soit, la solution ne pourra émerger que des radios unies, comme le disait Alexis Sinduhije, directeur de la RPA, lors d'une table ronde sur les radios burundaises : << Les radios privées aujourd'hui sont encore dans une situation très difficile. Elles dépendent exclusivement des bailleurs de fonds extérieurs, et le comportement des bailleurs évolue avec la mode. Si hier la mode ou le slogan était la réconciliation, aujourd'hui les élections, demain ce sera autre chose. Nous avons 2 choix : si la mode change, il faut nous adapter et suivre la courbe de l 'argent ou disparaître. L 'autre choix, c 'est de nous mettre ensemble et discuter d 'un véritable plan de financement de la presse avant la fermeture des radios faute de moyens >>2.

1 Pour plus d'informations concernant les points perçus comme prioritaires par les journalistes pour une meilleure survie financière des médias burundais, voir la réponse à la question n° 26 de l'enquête, p. 163.

2 SINDUHIJE A. dans << Financement des médias pour la couverture médiatique des élections >> in : << Rapport de la table ronde du 28 mars 2005 sur les radios burundaises, vecteurs de sortie de crise et de démocratisation >>, ABR, p. 6 et 21.

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