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Débat autour du concept de journalisme de paix

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par Charline Burton
Université Libre de Bruxelles - Licence en information et communication 2006
  

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Conclusion

Choisir l'exemple prolifique du Burundi comme cas pratique pour analyser l'opérationnalité concrète du journalisme de paix a permis de mettre en lumière toute la complexité de son application sur le terrain. Les différents types d'acteurs peuvent être nombreux, les types de productions également, les motivations pour mobiliser le concept du journalisme de paix aussi. De même, les attitudes varient selon l'époque et le degré de tension du pays.

L'utilisation des médias dans le but de promouvoir la paix est, somme toute, louable. Ne nous voilons pas la face : aucun journaliste ne peut réaliser cet exploit qui consiste, lorsqu'il entre dans la salle de rédaction, à mettre entièrement de côté toutes ses expériences passées, ses déceptions ou ses espoirs, ses idéaux religieux ou politiques. Le processus de sélection de l'information lui-même résulte en quelque sorte d'une prise de parti. Alors, quitte à prendre parti, autant le faire en faveur d'une paix durable, en promouvant le dialogue ou en offrant aux récepteurs de l'information toutes les clés pour qu'ils comprennent réellement les tenants et aboutissants d'un fait de société.

Quoiqu'il en soit, si le principe est beau, reste à l'utiliser en toute conscience des problèmes qu'il peut engendrer. Lorsqu'un organisme s'implante dans un pays en conflit et utilise les médias comme vecteur de sortie de crise, il est légitime de mettre sur pied des projets à court terme, tels des studios de production ou une politique de concession d'émission. Mais une fois l'urgence passée, il est primordial de penser le plus rapidement possible à convertir la structure mise en place afin qu'elle s'inscrive dans la durée. Au vu de l'exemple du Burundi, une évidence semble s'imposer : c'est avant tout le problème de la pérennisation de la pratique du journalisme de paix qu'il faut garder à l'esprit lorsque l'on implante un média « pour la paix » ou que l'on crée des partenariats dans ce sens avec des médias déjà existants.

Nous conclurons ce travail en suggérant quelques recommandations qui s'imposent une fois passé le plus fort de la crise.

L'exemple de la RDC et de la radio Okapi est frappant : une énorme structure radiophonique est mise sur pied, adoptant d'emblée l'ampleur d'un média national. Pourtant, cette radio risque de disparaître certainement avec le retrait de la Monuc, se faisant l'exemple extrême d'un projet non pérennisé. Qui aura les moyens dans le contexte congolais de financer une radio dont les coûts de fonctionnement annuels s'élèvent à 8 millions de dollars ?

Une première recommandation s'adresse alors à tout adepte du journalisme de paix : que les moyens mis en oeuvre pour répondre à un besoin (nouvelle représentation de l'Autre), n'en créent pas de nouveaux qui seront impossibles à satisfaire une fois le programme abandonné ou terminé. Pour cela, il importe de s'attacher davantage au renforcement des capacités locales qu'à la création de nouvelles structures éphémères. Plutôt que de créer une nouvelle radio, un nouveau studio de production, mieux vaut travailler de pair avec les médias présents et leur offrir les bases nécessaires, au travers d'une formation en journalisme regroupant plusieurs aspects : formation technique (si les productions sont inaudibles, l'audience sera moindre et l'impact également), formation en déontologie et enfin, formation en journalisme de paix. L'une ne va pas sans l'autre car être un bon journaliste est la condition première pour être journaliste de paix. Il est donc nécessaire de renforcer ces trois axes (technique, déontologie et journalisme de paix) de front, plutôt que de privilégier l'unique sensibilisation aux pratiques du journalisme de paix. Car c'est avant tout par la formation que la pérennité sera assurée. Les journalistes, alors mieux à même de travailler indépendamment, n'auront pas à touj ours tendre la main pour obtenir des productions de bonne qualité et sensibles à l'impact sur les récepteurs. Ils seront capables de les créer eux-mêmes. En parlant du Studio Ijambo, Charles Ndayiziga disait : << S'il ferme, je pense que ça pourrait être salutaire pour ses partenaires. Car à force de toujours recevoir des bonnes émissions toutes prêtes à être diffusées, sans rien avoir dépensé pour les produire, on finit par penser que c 'est une ressource permanente. Sa fermeture pousserait les autres rédactions à travailler davantage, à avoir leur propre identité >>1.

De plus, à défaut de s'intégrer dans des structures médiatiques déjà existantes, il est préférable que l'échange entre studios << pour la paix >> et médias locaux ne soit pas uniquement basé sur l'argent, mais également sur un renforcement des capacités des radios elles-mêmes : formations, invitations à des forums sur le journalisme de paix, don d'un local pour les réunions des journalistes spécialisés, ... De même, une attention particulière doit être portée à ne pas déstabiliser le secteur médiatique du pays dans lequel on s'implante en se posant les questions suivantes : la nouvelle structure fait-elle double emploi ? Le fait d'avoir recruté ces journalistes laisse-t-il leurs anciens médias d'origine dans une situation précaire ? La politique salariale de la structure est-elle en adéquation avec celle des autres médias ? Mieux vaut en effet engager des journalistes inexpérimentés et leur apprendre le métier, construisant ce faisant des nouveaux professionnels de demain, plutôt que de dépouiller les médias locaux de leurs meilleurs éléments grâce à une politique salariale inabordable pour ces médias.

1Charles Ndayiziga est directeur du CENAP au Burundi, Centre d'alerte et de prévention des conflits. Entretien du 11 janvier 2006.

Enfin, la dernière recommandation porte sur l'attitude que les médias locaux doivent adopter face aux organes qui leur propo sent des partenariats au nom du journalisme de paix. Bien entendu, leur attitude à l'égard des offres de partenariats différera selon leur situation financière : il est plus difficile de refuser l'aide d'un bailleur lorsque l'on n'a pas payé les salaires de ses employés depuis deux mois. Il n'empêche que, dans la mesure du possible, les médias doivent tendre vers l'idéal d'indépendance. Comme le disait Jean-Paul Marthoz, ex-directeur d'un grand quotidien bruxellois, les journalistes se doivent de créer une autonomie par rapport à tous les organes qui leur sont extérieurs... même les plus sympathiques d'entre eux ! 1 Il ne s'agit pas de rejeter purement et simplement les partenariats avec d'éventuels bailleurs, mais bien de toujours garder une attitude critique envers toute structure qui leur propose spontanément de l'aide ou des productions. Le journaliste a un devoir de remise en question : le thème couvert par ce financement correspond-il réellement aux attentes et aux besoins du public ? Correspond-il à la ligne éditoriale du média ?

Si la représentation erronée ou la non-représentation d'un Autre peut être corrigée au travers des médias, reste aux adeptes du journalisme de paix à le faire sans déstabiliser le paysage médiatique du pays dans lequel ils s'implantent. Quant aux médias locaux, libre à eux d'adopter ou non ces pratiques dans leur propre traitement de l'actualité. En ce qui concerne les partenariats, les structures médiatiques locales se doivent cependant de toujours s'assurer que les objectifs qui les sous-tendent sont conformes à leurs propres idéaux.

1 MARTHOZ J-P, Les ONG à la conquête du territoire journalistique, Conférence du 3 mai 2006 à l'ULB.

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