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Débat autour du concept de journalisme de paix

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par Charline Burton
Université Libre de Bruxelles - Licence en information et communication 2006
  

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1.3.2. Critique du journalisme de paix

La critique la plus fondée à l'encontre du journalisme de paix, n'est pas forcément celle-la même qui est le plus souvent énoncée. Au premier abord, un journaliste quidam dira que son rôle se limite à décrire la réalité, sans essayer d'interférer dans celle-ci. Nombreux sont les professionnels des médias qui estiment avoir rempli leur << responsabilité sociale >> en offrant un tableau fidèle de la réalité, laissant dès lors le récepteur tirer ses propres conclusions. Comme nous l'avons vu auparavant, le journalisme de paix ne s'éloigne pas forcément de cette vision du rôle du journaliste. Il prête tout simplement une attention plus poussée à la formulation des faits, au vocabulaire employé, à la recontextualisation, laisse s'exprimer tous les protagonistes dans la mesure du possible et laisse une place considérable à la recherche de solutions en cas de conflit. Il s'agit simplement d'une prise de conscience plus considérable de son propre impact sur son public, en essayant dès lors d'offrir au récepteur les clés pour une compréhension en profondeur des faits sociaux. Le journaliste quidam reprochera dès lors au << journaliste proactif >> de vouloir influencer

1 op. cit. art 13.

le cours des évènements. Mais peut-on réellement reprocher au journaliste de désirer une issue pacifique à un conflit ? Certainement pas ! D'ailleurs, les textes déontologiques créés dans le but précis de prévenir les excès de la presse abondent en ce sens, préconisant une vigilance particulière en cas de tension intercommunautaires, dans le traitement de l'information relative aux minorités ou encore lorsque les valeurs démocratiques sont en péril. L'association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB) a notamment adopté un ensemble de << recommandations pour l'information relative aux allochtones >>1. On y préconise un traitement de l'info particulier pour les étrangers : << éviter le plus possible les polarisations du type `nous-eux' >>, << ne mentionner la nationalité, le pays d 'origine, l 'appartenance ethnique, la couleur de la peau, la religion ou la culture que si ces informations sont pertinentes >>, << éviter de créer inutilement des problèmes et de dramatiser. Recommandation : les médias pourraient parler des immigrés d'une façon plus positive >>, << assurer le suivi maximal de chaque sujet (...) >>. Ces principes ressemblent à s'y méprendre aux recommandations énoncées par Lynch et Mc Goldrick en matière de traitement `proactif' de l'information.

De même, le Conseil de l'Europe, dans sa résolution 1003 sur l'éthique des journalistes, déclare que <<lorsqu 'il s 'agit de défendre des valeurs démocratiques, personne ne doit rester neutre. Dans ce sens, les médias doivent contribuer dans une mesure importante à prévenir les moments de tension et favoriser la compréhension mutuelle, la tolérance et la confiance entre les différentes communautés dans les régions en conflit (...) >> (article 34). Cette critique souvent énoncée à l'encontre du journalisme proactif ne tient dès lors pas la route, puisque ses principes se retrouvent dans des chartes déontologiques dont l'autorité n'est pas à remettre en question.

Une question peut toutefois être soulevée, à savoir qui se cache derrière les organes de journalisme de paix. On l'a dit précédemment, le journaliste proactif vise à promouvoir les valeurs démocratiques, ainsi que la confiance entre des communautés divisées. Cependant, tout comme le journaliste classique exerce un pouvoir sans avoir été mandaté ou élu pour remplir cette fonction, l'instigateur d'une radio ou un journal `proactif' travaille généralement à partir de ses propres intuitions quant à l'importance de certaines valeurs et quant aux solutions à apporter à un conflit. La critique peut dès lors se faire à deux niveaux : d'une part, les valeurs qu'il juge démocratique peuvent être différentes de celles reconnues comme telles par la majorité ; d'autre part, sa vision de la réalité du pays dans lequel il va implanter son média peut être tronquée, faute d'une connaissance suffisante du terrain, des moeurs et de la population locale.

1 NOBRE-CORREIA J.-M., Introduction à l 'information et à la communication, Bruxelles, Presses Universitaires de Bruxelles, 2001, 15ème édition, p. 136.

Inadéquation des valeurs de l'instigateur de l'initiative avec celles de la majorité

Les valeurs démocratiques sont-elles des valeurs immuables, identiques d'une époque à l'autre ? Le droit à la vie a été déclaré comme valeur universelle. Pourtant, aux Etats-Unis, ce même droit à la vie est bafoué de par la condamnation à mort, alors que la nation se déclare pionnière en matière de droits humains. De même, peut-on invoquer le droit à la vie pour juger une mère somalienne qui aurait tué un nouveau-né, incapable qu'elle était de nourrir une bouche de trop et préférant assurer la survie de ses précédents enfants plutôt que d'hypothéquer la vie de toute sa famille ? Ces valeurs dites universelles sont donc variables et il faut prendre garde à ne pas tomber dans le piège de l'ethnocentrisme. Dès lors, un individu ou une ONG, désireux de créer une radio proactive pour « aider des communautés en difficultés », agira peut-être sur base d'un principe en lequel il croit, mais qui ne correspond pas à la norme universelle et/ou locale. En cela, l'absence d'une quelconque instance supérieure de surveillance en ce qui concerne le journalisme de paix constitue en lui-même une dérive potentielle.

Inadéquation de la perception de l'instigateur de l'initiative avec la réalité locale

La plupart du temps, le journalisme de paix s'inscrit dans une démarche prise par des acteurs du Nord à l'égard des populations du Sud. Dans ce cas, même si des études de terrain approfondies ont été réalisées avant l'implantation du média proactif dans le pays en crise, il n'empêche qu'un acteur extérieur au pays, même mu par les meilleures intentions et animé par une volonté de fer, aura énormément de difficultés dans les premiers mois à capter toutes les nuances de la réalité locale. Il devra s'entourer de collaborateurs natifs du pays visé et leur offrir une totale confiance, notamment en raison de la barrière du langage.

Ces initiatives sont généralement bien intentionnées. Pourtant, dans la pratique, il faut relever un paradoxe important : alors que le journaliste proactif estime que la recontextualisation, l'explication des tenants et des aboutissants du problème, la prise de parole par toutes les parties, améliorera sensiblement la situation et amènera à une résorption des tensions, lui-même n'est généralement pas conscient de toutes les nuances du conflit et ne parle pas la langue locale qui lui permettrait de juger des propos tenus par les différents acteurs. L'on parlait précédemment de l'éventualité d'une mauvaise interprétation des valeurs démocratiques. Dans ce cas, cette dispersion des jugements de valeurs par l'intermédiaire des personnes dont le journaliste étranger est dépendant, ne fait qu'aggraver la situation.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway