2- Réflexions sur la géographie des
transports et le lien entre transport et aménagement du territoire
Ces réflexions sont tirées d'un ensemble
d'ouvrages consultés durant la réalisation de l'étude.
La croissance de la mobilité résulte de
l'amélioration de l'accès aux ressources (les moyens de
communication et de transport étant plus performants, il est plus
aisé de se déplacer). La mise en place de l'A89
déclenchera de nouvelles mobilités par les améliorations
de circulation qu'elle offrira.
L 'accessibilité d'un lieu ne renvoie pas
uniquement à la possibilité d'atteindre ou non un lieu mais elle
reflète la pénibilité du déplacement. On
considère que l 'accessibilité est mauvaise quand les
investissements à fournir pour accéder à un lieu peuvent
conduire au renoncement du déplacement. Les indicateurs
d'accessibilité reflètent la performance du système de
transport. En 1992, le Commissariat Général du Plan indique que
l'aménagement du territoire consiste à « donner des chances
comparables de développement aux territoires urbains et ruraux par une
amélioration substantielle de leur accessibilité ». L
'enclavement d 'un lieu est la conséquence de sa mauvaise
accessibilité. Un territoire est dit `enclavé' quand il est
entouré par des territoires beaucoup mieux accessibles que lui. Les
investissements d'infrastructures de transport constituent la composante
première du désenclavement. La Loi d'Orientation pour
l'Aménagement et le Développement du Territoire (LOADT) de 1995
stipule que « en 2015, aucune partie du territoire français
métropolitain continental ne sera situé à plus de
cinquante kilomètres ou quarante cinq minutes d'automobile soit d'une
autoroute, soit d'une route express à deux fois deux voies en
continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par
le réseau à grande vitesse ». Or, cet
aménagement coûte cher aux collectivités. Ainsi, les axes
prioritaires sont ceux qui ouvrent les territoires les plus peuplés.
C'est pourquoi les mailles du réseau structurant de l'ouest lyonnais
sont très grandes. A l'intérieur de ces mailles, l'irrigation des
espaces est difficile. La liaison Balbigny - La-Tour-de-Salvagny coûtera
environ un milliard d'euros. Cette somme ne pouvant être
supportées par la collectivité, la concession a été
attribuée aux
ASF. Sans cette concession, l'A89 n'aurait pu être mise
en service, ou aurait creusé un déficit énorme dans les
caisses de la collectivité. L'A89 et la mise en deux fois deux voies de
la RN82 constituent une réponse à la directive de la LOADT de
1995.
Grâce à la réalisation du `maillon
manquant', l'A89 se retrouve intégrée dans un réseau de
flux internationaux. Le réseau européen supporte une
quantité de plus en plus importante des flux de transit, pour lesquels
on ne peut pas dire qu 'il y aurait équivalence entre la croissance du
trafic et l 'intérêt des régions traversées. L
'accroissement du trafic de transit va développer davantage les effets
de pôle que les effets de traversée. Les grands centres
émetteurs ou récepteurs de trafic vont bénéficier
des améliorations de l 'accessibilité, mais les régions
traversées ne vont récolter aucun avantage de ce trafic qu 'elles
ne verront que passer, peut-être même en subiront-elles les
nuisances, en termes de coupure spatiale, de bruit, d'encombrement et de
pollution. La situation de la région Rhône-Alpes illustre bien
cette transformation : bénéficiant d'un axe autoroutier nord-sud
qui, en théorie lui donne une bonne accessibilité vers la
Méditerranée et vers Paris, elle n 'est en réalité
plus en mesure d'en bénéficier en raison de l 'importance du
trafic de transit. Non seulement celui-ci ne peut plus s 'écouler de
façon fluide, mais en plus les infrastructures qu 'il sature deviennent
inutilisables pour les déplacements régionaux. On assiste
à une simplification du réseau de transport, délaissant
les noeuds intermédiaires (Plassard, 2003). L'A89
n'améliorera pas les caractéristiques intrinsèques de la
RN7. Pour profiter des effets de traversée induits par l'autoroute, les
pôles régionaux (Balbigny, Tarare, l'Arbresle)
bénéficieront d'un échangeur. Le développement d'un
réseau routier autour de ces échangeurs est nécessaire
pour assurer la diffusion du trafic routier à travers tout le territoire
concerné par l'A89. La mise à deux fois deux voies de la RN82 au
Nord de Balbigny répond à cet objectif d'amélioration de
la diffusion du trafic vers Roanne. En revanche, la RN7 à Tarare et
l'Arbresle ne peut accueillir convenablement l'écoulement des flux de
l'A89. Des travaux sont nécessaires.
L'A89 permettra de raccourcir l'espace-temps entre deux
communes, entre deux échangeurs alors que les relations avec les autres
points de l'espace resteront inchangées. Il s'agit de «
l'effet-tunnel » qui favorise les échanges entre les deux communes
reliées par l'autoroute au détriment des échanges avec les
communes intermédiaires. Balbigny et Tarare seront reliées par
l'A89, leurs échanges pourraient alors s'accroître grâce au
gain de temps permis par l'A89. Les échanges entre Balbigny et Violay ne
pourraient être améliorés. Ils pourraient même
diminuer si Balbigny renforce ses échanges avec Tarare. L'A89 provoque
ainsi un froissement de l'espace, pour reprendre l'expression de Jean
Viard. Les transports
redessinent les contours administratifs et isolent certains
espaces au profit des pôles. D'après Plassard, les transformations
de la structuration de l'espace engendrées par l'A89 peuvent constituer
à terme deux espaces superposés ayant chacun sa propre logique de
fonctionnement. On aurait d'une part un espace constitué par l'ensemble
des villes bien reliées entre elles par l'A89 (la distance-temps entre
ces communes sera réduite) et d'autre part les communes où les
déplacements seront toujours fonction de distance parcourue.
Le développement du réseau autoroutier fait que
l'on doit de moins en moins parler des effets de tronçons autoroutiers
mais de plus en plus parler des effets de réseau autoroutier.
L'intérêt du tronçon Balbigny - Lyon dans cette approche
réside davantage dans la fermeture du réseau inachevé que
dans la possibilité d'écouler une trafic local ou
régional. Une étude ultérieure sur les effets de l'A89,
proposée par la Loi d'Orientation des Transports Intérieurs
(LOTI) du 30 décembre 1982*, devra considérer l'A89 dans son
ensemble et non pas uniquement les 50 derniers kilomètres de
l'autoroute.
* La loi LOTI incite les sociétés en charge de
grands projets d'infrastructures à évaluer l'efficacité
économique et sociale de ceux-ci dans les trois à cinq ans qui
suivent leur mise en service. Il s'agit du `bilan LOTI'. Au-delà de
cette incitation, les sociétés concessionnaires d'autoroutes
telles que ASF ont mis en place un observatoire d'autoroute qui permet,
grâce à des recherches universitaires, d'établir ce
bilan.
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