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Quelle législation foncière, comme outil de cohésion sociale et de développement économique, adaptée aux réalités socio-culturelles du Burkina?

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par W. Paul DABONE
Ecole Nationale des Régies Financières du Burkina - Inspecteur des Impôts 2008
  

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COUTUMIER

Les caractéristiques du régime foncier coutumier comportent deux notions. Il s'agit de la personne habilitée à gérer la terre coutumière, et de la nature des droits coutumiers.

I - LA PERSONNE HABILITEE A GERER LA TERRE COUTUMIERE : LE CHEF

DE TERRE

L'administration des terres coutumières est assurée par un chef de terre. Celui-ci représente le premier occupant des lieux dont il est le descendant. Il a un double rôle : religieux et juridique.

- Son rôle religieux consiste à procéder aux offrandes sacrificielles nécessaires pour obtenir ou rétablir le droit d'user de la terre, au bénéfice des demandeurs.

- Son rôle juridique consiste à octroyer les droits d'usage pouvant être exercés sur la terre, et à régler les litiges fonciers.

II - LA NATURE DES DROITS FONCIERS COUTUMIERS

Le régime foncier coutumier reconnaît un droit de propriété collectif et des droits d'usage individuels.

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II-1 :LE DROIT DE PROPRIETE

II-1-1 : Le mode d'appropriation de la terre

L'appropriation de la terre se faisait par des actions non violentes ou violentes.

a) L'appropriation non violente des terres : elle se faisait de deux façons : le droit de hache et le droit de feu.

- Le droit de hache : C'est le droit reconnu aux ancêtres d'un groupe ethnique d'avoir été les premiers à procéder à l'aménagement de la terre, par la coupe des arbres, et donc par l'usage de la hache.

- Le droit de feu : il est conféré à un groupe ethnique par le fait que ses ancêtres aient été les premiers à procéder à l'aménagement de la terre, par le défrichage de celle-ci par le feu.

b) L'appropriation violente de la terre : l'appropriation se faisait dans ce cas par la force. Elle peut être considérée aussi comme `'un trophée de guerre.» Elle consiste en l'annexion par les vainqueurs d'une guerre, de terres jusqu'alors occupées par les vaincus.

II-1-2 - La constitution du droit de propriété

Le droit de propriété est certes établi par le premier coup de hache ou le feu, mais il n'est tacitement reconnu par l'ensemble des communautés que lorsque celle qui s'est installée et a établi sa présence par la marque (de la hache ou du feu), occupe effectivement la terre pendant au moins trois générations. « Les territoires ainsi délimités et sur lesquels chaque communauté vit et exerce ses activités de subsistance, deviennent des propriétés collectives surtout à partir de la deuxième génération après celle qui les avait `'approprié» par le fait de l'occupation.»1

Deux conditions doivent donc être réunies pour que le droit de propriété soit reconnu par l'ensemble des communautés :

- l'occupation effective de l'espace ;

- l'occupation par trois générations consécutives au moins.

1 `'Espaces disputés en Afrique noire», Edition karthala, Paris 1986, page 43

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II-1-3- La nature du droit de propriété

Le droit de propriété est collectif et inaliénable.

- Le droit de propriété est collectif parce que la terre coutumière appartient à l'ensemble de la communauté et que les individus ne peuvent disposer du droit de propriété.

- Le droit de propriété est inaliénable parce que les communautés africaines considèrent la terre comme un don des ancêtres et des forces surnaturels et non comme un bien transmissible. C'est cette considération qui explique les cultes à la terre et aux divinités, conduits par le chef de terre.

II-2 : LE DROIT D'USAGE INDIVIDUEL

Le droit d'usage est soit direct, soit conféré

- Le droit d'usage direct est celui exercé par les descendants, membres authentiques de la communauté. Il se transmet de père en fils et ne peut être prêté aux tiers qu'avec l'accord du chef de la communauté.1Il est permanent, transmissible et en principe imprescriptible

- Le droit d'usage conféré. C'est le droit d'usage octroyé aux personnes étrangères. Dans ce cas, la terre leur est concédée sous forme de prêt conditionné ou sans condition. Dans le premier cas, la terre est concédée moyennant une redevance en nature (récolte, bétail, volailles... )2 . Dans le second cas, la terre est concédée au nom de la solidarité et de l'assistance mutuelle. Le droit d'usage conféré est permanent, transmissible mais précaire et révocable à tout moment.

III - LES COMPOSANTES DU REGIME FONCIER COUTUMIER

L'examen des différents rôles du chef de terre permet d'identifier deux composantes au régime foncier coutumier. Pour rappel, le chef de terre exerce principalement deux (2) rôles : religieux et juridique.

1 `'Espaces disputés en Afrique noire» éditions Karthala, Paris 1986, page 44

2 Idem que la note précédente

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Ces deux rôles représentent les deux aspects du régime foncier coutumier, et partant, les deux aspects de la terre telle que perçue par ce régime.

- le rôle religieux : il vient du fait que la terre coutumière est une entité sacrée. C'est de cette sacralité que viennent les différents cultes et rites sacrificiels conduits par le chef de terre.

- le rôle juridique : li vient du fait que les différents usages de la terre par la communauté peuvent occasionner des conflits que le chef de terre doit régler. Celui- ci intervient ainsi pour accorder le droit d'usage, veiller au respect des modalités de son exercice et régler les conflits fonciers.

Le double rôle du chef de terre est la résultante des deux aspects du régime foncier coutumier : une législation foncière, mais aussi une pratique religieuse.

Les deux composantes du régime foncier coutumier permettent aussi de comprendre les différents droits qui peuvent être exercés sur la terre et qui sont règlementés par la législation foncière coutumière.

IV - LA LEGISLATION FONCIERE COUTUMIERE
IV-1- LES OBJECTIFS DE LA LEGISLATION FONCIERE COUTUMIERE

Le premier objectif est la préservation de la propriété collective pour les générations futures. Les autres objectifs sont :

- assurer et garantir la cohésion de la communauté en faisant de la terre un bien commun;

- pérenniser l'existence de la communauté en évitant le risque de dispersement des membres que pourrait causer la dépossession de ses terres.

Les modalités d'exercice du droit de propriété constituent l'élément principal de différenciation des législations foncières qui se sont côtoyées au Burkina. Ces modalités découlent du concept d'appropriation tel que perçu par chacune d'elle.

IV-2- LE CONCEPT D'APPROPRIATION

L'examen des différents modes d'appropriation de la terre et d'exercice du droit de propriété permet de comprendre la conception coutumière de la notion de propriété et partant du concept d'appropriation.

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- La constitution du droit de propriété : elle provient d'une action collective. C'est en effet l'acte posé par un groupe de personnes, ou par une personne mais pour le compte d'un groupe de personnes qui est reconnu par les autres. Ainsi, l'appropriation aussi bien violente que non violente se fait par ou pour plusieurs personnes. Par ailleurs, quel que soit le mode de constitution du droit de propriété (par des actions pacifiques ou violentes), les populations africaines ne perçoivent pas ce droit comme la résultante d'actions humaines uniquement. Une force supérieure invisible est toujours intervenue pour aider la communauté à prendre possession de l'espace terrestre. Voila pourquoi le chef de terre exerce un pouvoir qui ne lui est pas contesté. D'abord parce qu'il tire sa légitimité de sa filiation avec les ancêtres. Ensuite parce qu'il exerce un rôle mettant obligatoirement en présence, au moins deux entités : lui-même en tant que vivant et celui de qui il tire sa légitimité, c'est-à-dire son ancêtre. Les droits exercés sur la terre sont donc originellement collectifs parce que acquis collectivement (directement ou par héritage) et exercés pour le compte d'une communauté. Un chef nigérien exprime avec justesse cette conception lorsqu'il affirme : « à mon sens la terre appartient à une grande famille dont beaucoup de membres sont morts, quelques uns sont vivants et dont le plus grand nombre est encore à naître... »1

- L'exercice du droit de propriété : le caractère collectif de la propriété coutumière détermine le principe fondamental du droit de propriété coutumier : l'inaliénabilité de la terre. Cette inaliénabilité pourrait tirer son explication dans le mode de constitution du droit de propriété et dans la perception que les populations africaines ont de la terre.

L'article 544 du code civil définit le droit de propriété comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements. » Le droit de propriété se présente ainsi comme le droit le plus absolu qui soit sur les biens. Il est exercé par le « propriétaire » du bien. La condition essentielle de l'exercice du droit de propriété est donc d'être le propriétaire du bien. Les communautés africaines considèrent les terres régies par le régime foncier coutumier comme la propriété exclusive d'êtres non vivants ou invisibles (ancêtres et autres êtres surnaturels). Les vivants exercent

1 DARGA Basile, « la problématique de la sécurité foncière au Burkina Faso : constat et perspective. », mémoire de fin d'études, ENAREF mars 1998, page 9.

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sur elles, uniquement un droit d'usage. Le droit d'usage n'étant pas le droit de propriété stricto sensu, les vivants ne peuvent transmettre que ce qu'ils possèdent.

Par ailleurs, la conception africaine du foncier place le caractère sacré de la terre avant tout usage et par conséquent, avant tout droit qui peut être constitué sur elle. Léopold S. SENGHOR la décrira en ces termes : « la première de nos entraves, c'est le titre qui rend la propriété respectable ; c'est la défense faite à l'homme de toucher à ce qui appartient à un autre, sans le consentement du propriétaire... Mais les hommes ont voulu posséder exclusivement ce qu'ils avoient reçu pour en jouir en commun. Il a bien fallu dès lors que l'art inventât des limites, et que la justice les rendît sacrées. Voilà le vrai fondement de la société, et l'objet comme la source de toutes les lois... Leur esprit est de consacrer la propriété : il faut donc que la propriété leur soit antérieure. Mais la propriété elle-même n'a pu être que l'effet d'une société quelconque. D'où il suit qu'il y a dans le monde un principe secret, plus ancien que les lois, indépendant du pacte social ... »1

Selon le dictionnaire le petit Larousse illustré, l'appropriation désigne l'action d'approprier c'est-à-dire de rendre propre à un usage, d'en faire sa propriété2.

Et pour Etienne le Roy, pour passer de l'idée d'appropriation à la propriété privée, il faut que l'on passe d'une conception sacrale de la terre à une conception mercantile3.

C'est dire que tant que l'aspect sacré de la terre existe, l'appropriation telle que définie par la législation foncière moderne n'existe pas dans celle coutumière. Etienne le Roy définira pour ce faire, l'appropriation dans la conception africaine traditionnelle comme « l'affectation de l'espace à un usage »4. Léopold S. SENGHOR abondera dans le même sens lorsqu'il affirmera lors d'une conférence à Strasbourg en 1964 qu'en Afrique noire traditionnelle, la terre ne peut être l'objet de propriété : elle est seulement l'objet d'usufruit.

L'appropriation, pour la législation foncière coutumière, consiste donc à affecter un espace à un usage.

1 `' L'appropriation de la terre en Afrique noire» Editions KARTHALA, Paris, 1991, page 28

2 Le petit Larousse illustré, Paris, 1968, page 78

3 `'L'appropriation de la terre en Afrique noire `', Editions Karthala, Paris, 1983, page 30.

4 `'L'appropriation de la terre en Afrique noire `', Editions Karthala, Paris, 1983, page 30

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo