CONCLUSION
Pourquoi incarcérer un individu sur simple
soupçon ? La détention provisoire, considérée
comme une mesure exceptionnelle et un substitut du contrôle judiciaire
est-elle un préjument ? La détention provisoire est-elle
conciliable avec la présomption d'innocence ? Le pouvoir de
placement, de prolongation de la détention provisoire et de mise en
liberté dévolu au juge des libertés et de la
détention sur saisine du juge d'instruction est-il une simple
fiction ?
Voilà autant d'interrogations sur l'institution de la
détention provisoire que se posent les praticiens du droit et la
société pour l'harmoniser et l'adapter à la
réalité sociale.
Tout au long de l'étude que nous avons consacrée
à cette institution, nous avons tenté de répondre à
certaines de ces problématiques.
Sans doute, il ressort que la réglementation de la
mesure se heurte à deux principes fondamentaux consacrés par la
constitution de 1958 et certains textes internationaux : il s'agit de
concilier le maintien de l'ordre public et la protection des libertés
individuelles. Mais, comme dans tout Etat démocratique, le principe de
la légalité, véritable arme contre l'arbitraire, a connu
une lente évolution.
En effet, depuis le code d'instruction criminelle (1810)
jusqu'à la loi du 17 juillet 1970, le principe a fortement
progressé. C'est à partir de 1970 que la liberté n'est
plus provisoire mais la détention. Ainsi, les droits des détenus
ont été étendus et le pouvoir de mise en détention
limité. Le détenu peut à tout moment de la
procédure demander sa mise en liberté.
Pour renforcer le principe de la liberté individuelle,
la loi du 9 juillet 1984 a instauré le débat contradictoire,
contraignant le juge d'instruction avant tout placement ou prolongation de la
détention, de procéder à un débat contradictoire.
L'inculpé est ainsi assisté de son avocat. L'ordonnance de
placement et de prolongation que prend le juge d'instruction doit être
motivée. Dans le même d'esprit, la loi du 15 juin 2000 est venue
renforcer le principe de la présomption d'innocence et les droits des
victimes. Cette loi a, dans son essence, repris l'idée de
création d'un juge tiers différent du juge d'instruction pour les
nécessités de la détention provisoire qui avait
été instituée en 1993 ( juge
délégué). C'est pourquoi, le juge des libertés et
de la détention a vu le jour. Ce dernier doit avoir rang de
président, de premier vice-président ou de vice-président
pour répondre aux besoins de placement, de prolongation et des mises en
liberté.
Malgré toutes ces réformes, la situation est
encore inquiétante et déplorable. Nos maisons d'arrêts sont
encore gorgées de personnes en attente de leur jugement qui tarde
à venir. Pour désengorger ces maisons d'arrêt, la
détention considérée comme une mesure exceptionnelle, doit
correspondre à une réelle nécessité et non une
simple utilité. Or, on constate dans la pratique le recours
fréquent à la détention dont on peut contester. Ce qui est
utilisé par les juges comme principe de précaution pour
protéger les investigations, parer à une éventuelle fuite
ou à un risque de réitération tout en tenant compte du
trouble causé à l'ordre public. Aussi, dans la plupart des cas,
le juge des libertés et de la détention ne dispose pas
d'éléments suffisants sur la personnalité du mis en
examen, l'obligeant à suivre l'ordonnance motivée que lui adresse
le juge d'instruction. Ce qui nous parait regrettable.
Pourquoi n'est pas confié au juge des libertés
et de la détention le dossier du mis en examen depuis le début de
l'instruction préparatoire ? Dans le même sens, pourquoi
n'est-il pas privilégié le contrôle judiciaire par rapport
à la détention provisoire si des raisons plausibles ne laissent
pas présumer que l'intéressé a commis ou tenter de
commettre l'acte incriminé ?
Dans le but de redonner au contrôle judiciaire sa
véritable place dans cette institution, il serait nécessaire de
modifier l'article 145 du code de procédure pénale afin de
permettre au juge des libertés et de la détention d'ordonner
d'office un débat différé pour procéder à
des vérifications personnelles indépendamment de celles faites
par le juge d'instruction sur la situation personnelle du mis en examen.
Au regard de tout ce qui précède, la personne
qui a subi à tort la mesure de détention provisoire et qui s'est
soldée à son profit par un non-lieu, une relaxe ou un
acquittement, peut demander dans les six mois qui suivent, réparation
intégrale du préjudice matériel et moral dont a
été victime. En la matière, les nouvelles dispositions
depuis 2000 sont salutaires puisque le contentieux des réparations a
été confié aux premiers présidents des Cours
d'appel. Un recours peut être formé contre la décision du
premier président devant la commission nationale des réparations
des détentions, siégeant comme juridiction civile.
Si les personnes détenues se plaignent des conditions
de la détention dans nos structures carcérales, les
autorités compétentes doivent se pencher sur la question. Ainsi,
doit être une priorité, la rééducation, la
réinsertion sociale et professionnelle ainsi que le problème de
l'encellulement individuel de la personne détenue. Des conditions de
détention insoutenables dans les prisons peuvent aboutir ou provoquer la
dangerosité de certains sujets. Une fois des solutions adéquates
seront apportées à ces différentes interrogations,
l'institution de la détention provisoire pourrait répondre aux
conditions exigées par la loi, la convention européenne des
droits de l'homme ainsi que le respect de la liberté individuelle.
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