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La problématique de la détention provisoire

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par Oumar KONE
Université Nancy II - Diplome de criminologie 2008
  

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PARTIE II

LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA PRATIQUE ; LA REPARATION DU PREJUDICE EN RAISON D'UNE DETENTION INJUSTIFIEE

CHAPITRE I

LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA PRATIQUE

Dans la pratique, les garde-fous édictés par le législateur se révèlent-ils suffisants ? L'usage effectif de la détention provisoire demeure-t-il réellement modéré malgré son caractère efficace ?

A ces diverses problématiques, il est à noter que malgré les efforts consentis par le législateur, notamment depuis 1970, le nombre des détenus provisoires n'a pratiquement cessé d'augmenter. De plus, il est aisé de remarquer que dans la plupart des cas, les détentions sont prononcées, voire exécutées au détriment des libertés individuelles (Section I) même si, au cours de la procédure, une demande de réduction de la durée de la détention peut être sollicitée (Section II).

SECTION I : Conciliation brisée au détriment des libertés

Individuelles

La conciliation textuelle entre protection des libertés individuelles et les nécessités de la justice apparaît donc dans la pratique comme brisée. Les moyens mis en place par le législateur pour limiter le recours à la détention provisoire se révèlent insuffisants. On peut déduire de cela que le système juridique mis en place qui a subi autant de réformes, est à présent lacunaire et flou. Ce qui implique qu'il est donné au juge, un large pouvoir d'appréciation (Paragraphe I), qui aboutit à un usage parfois excessif de la détention (Paragraphe II).

Paragraphe I : Un pouvoir large d'appréciation des juges

Ce pouvoir est voulu restreint par le législateur. Mais au vu de l'imprécision des textes, même si les conditions d'application sont déterminées, les notions qu'elles recouvrent sont floues (A), ce qui donne au juge, un pouvoir d'interprétation (B).

A- Le flou des textes

Le flou caractérise le système dès lors que les normes ne sont pas déterminables, leurs règles supérieures étant elles mêmes affectées d'ambiguïté et d'imprécision. Le flou se constate dans les textes relatifs à la détention provisoire.

Ainsi, Pierre CHAMBON met en exergue la lacune suivante : celle concernant la gravité des indices nécessaires au placement en détention. Si cette condition n'est pas prévue par les textes, il n'en demeure pas moins qu'elle est nécessaire à la mise en oeuvre de la détention provisoire, condition prétorienne mais également floue. Qu'entend-t-on précisément par seuil de gravité ?

Le juge d'instruction se contente en pratique d'indiquer « attendu que les faits sont graves ; attendu que le prévenu est de mauvaise moralité et a déjà été condamné ». Ces éléments isolés sont pourtant insuffisants pour motiver un placement en détention provisoire. Que le fait poursuivi soit grave n'implique pas que la personne mise en examen l'ait commis ; il en est de même si le juge d'instruction se contente d'indiquer que la personne mise en examen a mauvaise réputation. Il faut des indices suffisamment graves pour la désigner comme auteur de l'infraction. Il est donc à révéler que la lacune et le flou propres à cette condition sont d'autant plus critiquables que dans les autres cas (article 63 et 105 du code de procédure pénale) le degré de gravité des indices est précisé.

Un autre exemple illustre parfaitement le flou des textes : la notion d'ordre public causé par l'infraction (article 144 du code précité). Ce motif est le plus discuté. On pourrait même songer à sa suppression en matière correctionnelle. La raison en est de ce qu'il n'a pas de consistance claire et que ses limites sont particulièrement floues. Ce qui permet au magistrat instructeur ou au juge des libertés et de la détention une utilisation abusive. Il est en effet possible de considérer que toute infraction trouble plus ou moins l'ordre public du fait même de sa réalisation et qu'il convient de préserver cet ordre par une mesure de détention. Mais, la détention provisoire étant considérée comme une mesure d'exception, elle doit être décidée en considération d'un juste équilibre entre deux impératifs :

? le respect de la liberté individuelle,

? la nécessité de la recherche de la vérité judiciaire.

En faisant référence à l'ordre public, selon la loi du 9 septembre 2002 la détention ou la prolongation d'une détention ne doit pas être motivée par le critère de l'ordre public sauf en matière criminelle et pour les délits punis de moins de dix ans d'emprisonnement. Le critère de trouble à l'ordre public ne peut justifier la détention que s'il s'agit d'un trouble exceptionnel et persistant, résultant de la gravité de l'infraction, des circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a causé108(*).

Or, il est de règle par la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui exige par application stricte du texte, que le juge expose en quoi l'ordre public est troublé par les faits objectifs du dossier.

Autre lacune de la législation : celle de la réforme de 1970 : si elle institue le contrôle judiciaire, elle n'impose pas au juge qui use de la privation de liberté à montrer dans son ordonnance en quoi cette mesure est insuffisante.

Ayant ainsi constaté que le législateur recourt assez facilement à la technique du placement en détention provisoire, sa mise en application par les interprètes du droit est inquiètante.

B- Pouvoir d'interprétation des juges

Le juge est nécessairement amené à faire subir à la norme large une certaine interprétation qui la rapproche de la norme la plus concrète. Le rapprochement de la norme générale et du fait concret se réalise nécessairement par la perception subjective du juge. A ce propos, on peut évoquer un risque d'arbitraire.

En tout état de cause, le juge ne peut que prendre le soin d'adapter l'interprétation des règles au résultat social recherché. En cherchant à éviter des solutions manifestement déraisonnables ou iniques, le juge apprécie selon la justice et l'intérêt général. Pour éviter ce risque d'arbitraire, de nombreuses théories ont été élaborées sur le pouvoir d'interprétation des juges.

Ce pouvoir d'interprétation des juges a fait l'objet de nombreuses controverses, les théories de l'interprétation oscillant entre la primauté donnée au souci de fidélité à l'égard du législateur et celui d'adaptation aux besoins sociaux du moment.

A l'origine, selon l'idéologie de la décision « déterminée », les mesures prises par le juge sont le résultat d'opérations à caractère logique ou mécanique. C'est la position du formalisme juridique. Les estimations du juge n'existent pas ou ne jouent pas de rôle dans la prise de décision ; les règles appliquées forment un système complet et suffisent pour prendre des décisions et le juge n'est que, selon Montesquieu, «la bouche qui prononce les paroles de la loi ».

La liberté des justiciables est ainsi garantie par le principe de la séparation des pouvoirs. « Les tribunaux ne peuvent s'immiscer dans l'exercice du pouvoir législatif »109(*). Ou encore « il est défendu au juge de se prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises »110(*).

Diverses écoles ont prôné cette idéologie : l'école de l'exégèse, le positivisme juridique ou l'analytique jurisprudence du 19e sicle avec J. Austin, Landgell.

Ensuite, l'idéologie de la libre décision judiciaire naît comme une critique radicale à l'idéologie précédente et exprime les tendances anti-formalistes. L'application du droit est basée sur les estimations des juges et les textes ne peuvent pas la déterminer : le juge doit faire une libre recherche des sources de sa décision par delà le droit positif et peut décider non seulement praeter legem mais aussi contra legem.

L'idéologie de la décision légale et rationnelle est basée sur l'analyse des caractères du raisonnement judiciaire, de la législation et du système de droit. C'est l'esprit actuel du code de procédure pénale : ni décision mécanique, ni liberté non contrôlée.

En effet, compte tenu du flou de certains textes, les juges ont un large pouvoir d'appréciation, ce qui signifie surtout que même l'usage des exceptions est voulu comme restreint dans les textes. Mais dans la pratique, ces organes peuvent en abuser. Il faut préciser tout de même que les abus relatifs à la détention provisoire ne sont pas seulement dus à la souplesse des textes mais aussi aux échecs législatifs. Depuis la réforme de 1970 jusqu'à la nouvelle loi du 15 juin 2000, la volonté du législateur était de réduire le nombre des placements en détention. Mais à présent, le nombre des détentions provisoires est encore considérable en France car, « la détention provisoire concerne en réalité plus du tiers de ceux qui sont sous les verrous »111(*).

Cependant, il est logique de penser et d'espérer que l'impact de la nouvelle loi se fera tout de même sur le nombre actuel des détentions, puisque désormais la mesure nécessite deux juges ; il y a de fortes chances que la procédure, se trouvant ainsi quelque peu alourdie et ralentie, dissuade la mise en détention112(*). Depuis le 12 juillet 1996, « la réforme Badinter, qui a obligé le juge d'instruction à réorganiser un débat contradictoire avant tout placement en détention, semble avoir été bénéfique : depuis son adoption, la part des prévenus est tombée de 52% à 40% »113(*) à nos jours.

Malgré les réformes et les tentatives d'assouplissement de la détention, il n'en demeure pas moins, que son usage est parfois excessif.

* 108 - Dispositions issues de la loi n°96-1235 du 30 décembre 1996 (JO, 1er janvier 1997), cette loi a redéfini la notion d'ordre public, a rendu plus stricts les motifs qui justifient le placement en détention et a raccourci les délais de sa prolongation.

* 109 -Constitution 3 septembre 1791, chapitre 5 article 3.

* 110 - Code civil, article 5, édition 2006.

* 111 -Alain Duhamel, Libération, 19 juillet 1996.

* 112 - Melique David : La détention provisoire, mémoire de DEA défense nationale de l'université de Lille 2, 2000/2001, P.49.

* 113 - Anne Chemin, le Monde du 12 juillet 1996.

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