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La problématique de la détention provisoire

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par Oumar KONE
Université Nancy II - Diplome de criminologie 2008
  

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Paragraphe II : L'usage excessif de la détention provisoire

Malgré des conditions d'application nombreuses, le flou de certaines notions et l'insuffisance des réformes permettent un usage excessif de la détention provisoire en raison de son apport efficace à la justice. Le recours excessif de cette mesure est pernicieux car attentatoire aux libertés individuelles. S'il est compréhensible que le juge y recourt dans un souci d'efficacité de la justice, ceci ne doit pas entraîner le mépris systématique des droits individuels : la conciliation entre ces deux impératifs constitutionnels devrait être, malgré tout, respectée. On peut se poser la question, comment et pourquoi la mise en détention provisoire, mesure exceptionnelle, est dans la pratique abusivement usitée (A) et que cet abus manque de sanctions (B).

A- La mise en détention provisoire

La population carcérale est en augmentation croissante en France. Ces dernières années, elle a doublé en France. Elle atteignait 59 197 personnes le 1er mars 2006, dont 19 368 prévenus (détenus en attente d'un jugement définitif)114(*). Le nombre de mineurs détenus est de 658, ce qui représente 1,1% des détenus. Les raisons de cet accroissement sont entre autre :

1) l'allongement des peines prononcées : entre 2002 et 2005, la durée moyenne de la détention a doublé ;

2) le nombre de libérations conditionnelles a seulement augmenté et passe de 5013 au 1er avril 2002 à 5866 au 1er avril 2005;

3) un recours trop important de la détention provisoire : 35% des détenus sont des prévenus, donc présumés innocents, le placement en détention semble souvent utilisé comme un moyen de pression, dans le seul objectif de conduire le prévenu à passer aux aveux, selon l'Observatoire Internationale des Prisons et l'administration pénitentiaire;

4) la détention de personnes qui ne devraient pas être en prison : des étrangers détenus pour motifs administratifs (des sans-papiers), les toxicomanes, parfois de simples consommateurs ou de personnes ayant dealé pour acheter leur dose personnelle etc. Des mesures appropriées peuvent être prises à chacun de ces cas pour éviter des procédures inutiles et souvent onéreuses.

Si la détention doit être théoriquement subie dans des conditions moins difficiles que l'emprisonnement prononcé à titre de peine115(*), cette théorie est cependant inexacte en pratique. On constate avec aisance le surpeuplement pénitentiaire qui frappe tout particulièrement les maisons d'arrêt, ce qui interdit en pratique le respect les règles prévues par la loi.

Au 1er octobre 2005, la proportion de prévenus dans l'ensemble de la population pénitentiaire était de 36,1%. Au 1er janvier 2002, cette proportion était de 33,2%.116(*)

Malgré cette diminution du taux et la volonté du législateur de restreindre le recours à la détention, il est à remarquer que chez certains de nos voisins européens, leur population carcérale est exclusivement composée de condamnés (Islande, Irlande, Chypre). Par comparaison, les Etats membres du Conseil de l'Europe, on peut classer comme suit :

- En France, au 1er septembre 2005, la densité carcérale, indice de la surpopulation, s'établissait à 110,7%.

- En 2003, le taux de densité carcérale atteignait 95,5% dans le Royaume Uni, 95% aux Pays-Bas et descendait jusqu'à 80,9% en Suisse117(*).

- La surpopulation était atteinte en Allemagne avec un indice de 101,9%, 107,4% en Belgique selon le Conseil de l'Europe.

Au regard de ces constatations, on observe que les textes qui régissent la détention provisoire sont vagues, entraînant un usage parfois illimité du placement en détention. La loi du 17 juillet 1970 n'a pas pu indiquer le degré de gravité des indices nécessaires au placement en détention, alors qu'un tel niveau de précision est déterminé dans d'autres hypothèses. L'appréciation de la gravité et de la concordance des indices recueillis implique alors une attention particulière118(*), puisqu'une erreur ou une faute du juge qui ne procéderait pas à une mise en examen qui s'imposait entraînant une annulation pour tardiveté de la mise en examen. Par exemple, la loi prévoit avec précision que tel ou tel fait est constitutif de telle infraction.

Cependant, il est unanimement déploré que la détention provisoire demeure encore fréquente et aussi longue en raison de l'atteinte à la liberté d'aller et venir et à la présomption d'innocence.

Pour pallier cet usage, les mesures alternatives doivent être prises, applicables aux détenus non dangereux et non récidivistes en fonction de l'infraction commise. Ainsi, l'article 1er de la loi du 22 juin 1987 sur le service public pénitentiaire rappelle que ce service « favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire ». La détention ne doit pas entraver la réinsertion et la réadaptation sociale du mis en examen. Un détenu en attente de jugement doit se sentir et doit demeurer un citoyen pour respecter la présomption d'innocence. En outre, des mesures adéquates doivent être envisagées pour les détenus mineurs, les jeunes de moins de 21 ans. L'insertion sociale et professionnelle doit être une priorité, à défaut, la prison peut rendre plus dangereux qu'on ne peut l'imaginer. La détention doit correspondre à une nécessité réelle et non une simple utilité. Tous les abus et les excès doivent être sanctionnés.

B- L'insuffisance des sanctions des abus

Le juge des libertés et de la détention n'agit pas sans contrôle, mais malgré les recours qui peuvent paralyser sa décision, les abus relatifs à la détention provisoire demeurent. Ainsi, la détention apparaît comme une mesure grave puisqu'elle entraîne l'incarcération d'une personne dont la culpabilité n'est pas certaine, et fait peser sur lui un discrédit parfois injustifié. Mais il convient qu'une mesure aussi grave ne soit jamais décidée à la légère, ou par routine119(*). Cependant, la loi du 15 juin 2000, voulant mieux encadrer le pouvoir conféré au juge d'instruction pour procéder à une mise en examen et mieux garantir la présomption d'innocence, les parlementaires ont tout mis en oeuvre pour que le juge d'instruction ne recourt à la mise en examen que lorsque celle-ci est justifiée120(*). A cette fin, ils ont, à l'instigation des sénateurs, réformé la mise en examen en réaménageant les conditions et la procédure de sa mise en oeuvre que nous avons abordée dans la première partie.

En revanche, malgré un contrôle insuffisant des acteurs de la détention provisoire, il n'en demeure pas moins que des sanctions peuvent être prises à l'encontre des décisions édictées par ces acteurs en la matière.

Ainsi, la sanction la plus radicale et la plus essentielle est la censure de la décision et même de la procédure obtenue par voie d'appel. Une ordonnance du juge des libertés et de la détention n'acquiert le caractère définitif que si elle n'a pas fait l'objet d'une voie de recours.

Les ordonnances de placement en détention, de prolongation, de refus de mise en liberté, de mise en liberté sous contrôle judiciaire peuvent être frappées d'appel, par la personne mise en examen ou son avocat, dans un délai de 10 jours dès notification de la décision. De même, le ministère public qui est partie au procès a un droit d'appel sur toutes les ordonnances du juge d'instruction ou du juge des libertés en la matière (article 185, al. 1er du code de procédure pénale). Mais l'emploi des termes « toutes les ordonnances....... » par l'article précité est trompeuse, car il faut entendre par là, les ordonnances juridictionnelles, celles par lesquelles le juge dit le droit et ne se contente pas d'accomplir une formalité administrative121(*). Le procureur de la République dispose de 5 jours pour exercer cette voie de recours. Le délai d'appel est d'ordre public et l'appel porté tardivement est irrecevable, sauf si l'appelant apporte la preuve d'une impossibilité absolue, survenue au cours du délai d'appel, de remplir les formalités exigées. Mais malgré l'appel interjeté, la décision du juge en matière de détention est immédiatement exécutoire, ce qui implique que l'appel n'a pas d'effet suspensif. Pour remédier à ces inconvénients, la loi du 24 août 1993 a instauré la procédure dite du référé liberté (voir partie I, chapitre I).

Quant à la chambre de l'instruction, elle examine le bien-fondé de la décision frappée d'appel et vérifie la régularité de la procédure de placement ou du maintien en détention provisoire, autrement dit la régularité du titre de détention. Elle confirme ou infirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Faute pour la chambre de l'instruction de statuer sur les moyens régulièrement soulevés dans le mémoire déposé par le mis en examen ou son avocat et les réquisitions formulées par le ministère public, sa décision peut se voir sanctionnée par la Cour de cassation. Les décisions de la chambre de l'instruction sont donc susceptibles de pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Pour pouvoir exercer ce recours, il est nécessaire que les parties aient connaissance de la décision de la chambre de l'instruction, celle-ci étant notifiée par lettre recommandée dans les trois jours aux avocats du mis en examen et des parties civiles et, dans le même délai, au procureur Général. Le délai pour former un pourvoi est de cinq jours francs à compter de la notification ou de la signification de l'arrêt pour le mis en examen et du jour où l'arrêt a été rendu pour le procureur Général compte tenu de sa présence lors du prononcé de la décision.

En règle générale, le délai du pourvoi et le pourvoi lui-même sont suspensifs jusqu'à la décision de la Cour de cassation. Le contentieux de la détention provisoire échappe à cette règle. Ainsi, la chambre de l'instruction qui décide de maintenir le mis en examen en détention est immédiatement exécutoire nonobstant pourvoi en cassation. On se demande jusqu'ici, pourquoi une telle mesure à l'encontre du mis en examen ? Cela ne peut être qu'une violation de la présomption d'innocence.

La Cour de cassation dispose de trois mois à compter de la réception du dossier pour statuer, faute de quoi le mis en examen est mis d'office en liberté. La Cour peut soit rejeter le pourvoi, ce qui implique que la chambre de l'instruction avait respecté les conditions prescrites par la loi, soit dans le cas contraire casser la décision et renvoyer le dossier à une autre chambre de l'instruction qui aura à statuer à nouveau.

Au regard de tout ce qui précède, le mis en examen peut demander à tout moment de la procédure une réduction de la durée de la détention provisoire.

* 114 -Chiffre de l'administration pénitentiaire de 2005. Ministère de la justice.

* 115 -Crim., 28 nov. 1996, Dr. Pén. 1997, n°54.

* 116 -www.prison.org, sources statistiques pénitentiaires.

* 117 - Ces données datent de 2003 fournies par le Conseil de l'Europe.

* 118 -A propos du Chef de l'Etat au sujet de financement politique à la Mairie de Paris ordonnance publiée par le Monde, 19 avril 1999, P. 10.

* 119 -Jean-Claude Soyer : Manuel droit pénal et procédure pénale, 11e édition, E.J.A. 1994., P.332.

* 120 -Rapport de M. Charles JOLIBOIS au nom de la Commission des lois du Sénat, n°419 (1998-1999).

* 121 -Contra, M.-L. RASSAT, rapporté par Serge Guinchard et Jacques Buisson : manuel de procédure pénale, 2e édition, LITEC 2002, n°1230, P.977.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci